Mes mains n'attrapèrent que le vide, ma peau était toujours la même, rien n’avait changé. Je fus interloqué pendant un instant c’était comme si les quelques secondes écoulées n'avaient jamais existé. Mais très vite, je me ressaisis, je n’avais pas de temps à perdre mon familier était dans ces abysses mon devoir était d’être à ses côtés. L’épaule en avant je me projetait sur cette masse d’obscurité, mon élan ne rencontra aucune résistance, traversant seulement un vieux chiffon miteux qui servait de porte. Je sentis comme une masse en travers de mon chemin, l’instant d’après je percutai de plein fouet quelque chose et tombai à la renverse avec elle. Allongé à même la boue, mon corps collé contre le sien, je relevai vivement la tête secouée par la mauvaise odeur de la chose. Je constatais avec horreur que ce n'était d’autre que le vieux sorcier Fimir. À deux doigts de vomir, j’enlevai mes mains de son corps et me relevai d’un bond.
À l’intérieur, c’était la pagaille mon familier avait l’air de se battre contre des formes cachées dans l’obscurité, comme recouverte de tissu, du sang jonchait le sol, ainsi que la bouche de mon renard qui sans donner à cœur joie. En deux enjambés, je fus sur lui et sa proie, l’aidant dans sa tâche j'assène de puissants coups de poing sur la chose, c’était étrange un peu comme de taper dans un sac de blé.
Au lieu de me remercier mon familier me hurla :
ta hache, ta foutue hache imbécile !
Surpris j’eu un mouvement de recul, tournant la tête, je compris de suite le ton de mon comparse. Le sorcier s'était relevé son œil d’habitude bleu avait prit une teinte jaune et brillait dans le noir, ça n’était vraiment pas bon pour moi, il était en train d’incanter et à ses pieds se trouvait ma précieuse hache.
Il me fallait vite prendre la bonne décision, depuis le début, je voulais la jouer diplomate, même avec ces saletés, Danu m’en soit témoins, mais si jamais je faisais ce qui venait de me passer par la tête, tout retour en arrière me serait impossible. Je dois dire avec une saleté de Fimir en train d’incanter un foutu sortilège du chaos le choix fut rapide.
D’un grognement, je me projette à ses pieds, d’un geste, j’attrape le manche et le sers à faire blanchir ma main droite, criant de plus belle, je me relève tout en assénant un coup montant droit sur le visage du sorcier, un bruit écoeurant de friction s’entend, d’une secousse d’épaule, je déloge mon arme ensanglantée et essaye de repousser de la main gauche mon adversaire, mais il est trop lourd, trop fort malgré son horrible blessure au visage. Je raffermis ma prise sur le hache prêt à donner le coup de grâce, quand sorti de nulle part, je sens un énorme bloc de pierre me cueillir sur la cuisse, projeté en arrière je percute violemment le mur en terre, la violence du choc me donne le tourni et devant moi se présente non pas un mais trois fimirs plein de rage et prêt à en découdre, est ce la fin pour moi, empaler par trois Fimirs dans l’endroit le plus paumé de l’Empire, non je refuse j’ai encore trop à faire !
J’aurais été un guerrier d’Albion, je me serais tout simplement jeté avec fureur sur les ennemis de ma race, une mort digne dans la bravoure les armes à la main, mais malheureusement pour moi, j’étais un druide, un élu de Danu, je me devais de lutter ma mort ne lui apporterait rien, par le souffle de Lugh !
Me relevant péniblement, je cracha une salive teinté de sang sur le sol, mon renard qui vient d’en avoir fini avec ses étranges opposants me rejoint, ses yeux verts brille de colère, je vois l'énergie le parcourir, s’accumuler autour de lui, un rictus mauvais se dessine en travers de mon visage, la bave aux lèvres avec l’énergie du desespoire, j’en appelle à la Déesse-Mère, elle m’écoute et me fait son précieux dont de brume, en parallèle une tempete de grele se déclenche et frappe mes trois opposants. L'endroit se nappe de brume et devient une vraie purée de pois, la grêle percute violemment les trois créatures les déstabilisant complètement. Le sorcier hurle le visage ravagé et en sang les grêlons venant le faire souffrir un peu plus.
C’est l’occasion prenant ma hache à deux mains, je me campe devant le sorcier, ma hache est levé si haut qu’elle racle le plafond, d’un cri guttural, je la fais descendre sur la tête du sorcier elle s’enfonce profondément, mais je n’ai pas le temps d’en finir, car comme mu par un instinct millénaire les deux gardes se rue pour protéger le sorcier, je retire vite ma hache et recule d’un pas, un autre de ses coups de marteau et je finis en brochette.
Tout mon être veut continuer ce combat, en finir avec ce sorcier à l’agonie, mais je ne suis pas fou, j’ai devant moi une ouverture, le champ est libre, ni une ni deux, je passe de côté et sors de cette étrange hutte. À peine sorti, j'avise le chemin le moins humide, hors de question de s’amuser contre eux dans un milieu aquatique. Je prends la fuite, cours comme un dément pendant de longues minutes, les marécages défilent à travers moi, mon familier sur les talons, je n’ai qu’une seule envie mettre le maximum de distance entre moi et leur fichue tanière.
Ce n’est que lorsque ma jambe blessée, commence à me lancer, que je m'arrête à contrecœur, et m’adosse douloureusement à une vieille souche pleine de mousse. Je soulève mon pagne et vois sur ma cuisse droite une énorme bosse.
- Bordel j’espère que ya rien de cassé, en tout cas ça va me faire un putain de bleu !
J’incline ma tête vers le ciel et souffle quelques secondes.
- "Ce chemin va vers le Nord." fit le renard nonchalamment.
- Quoi ? Je me retourne vers lui, interloqué.
- Mais de quoi tu me parles ?
- "Ce chemin va vers le Nord."
Je n’essaye même pas de comprendre il est comme ça, après l’euphorie du combat, il est placide, comme si la nature cherchait un équilibre entre les différents états.
Je me relève en maugréant, et commence donc à boiter vers ce fameux Nord. C’est seulement au bout de quelques pas que je ressens, cette brise fraîche, caressant mon visage comme celle se trouvant dans les Highlands, mon humeur s’améliore et j’accélère le pas comme je peux, quand soudain je tombe dessus.
D’un seul regard, je sais? même en fermant les yeux, je sais, je le sens aux plus profond de mon être, j’ai devant moi un véritable cercle de pierre, depuis combien de temps n’en avais je pas vu, le dernier en date était celui de mon arrivée sur le continent, cela me paraît si lointain, je n'ose y croire et m’approche doucement comme si d’un instant à l’autre tous allait s’envoler, disparaître pour toujours.
Le cercle est en mauvais état, pas du tout entretenu mais il règne toujours ici une présence antique, doucement j’appose mes mains sur la plus grosse des stèles et ferme les yeux , pendant de longue minutes j’incante dans une langue oublié du vieux monde, ces mots de pouvoirs appris durant mon initiation, je sens l'énergie m’envahir, les vrilles de la Déesse-Mère me pénètre, s’enroule autour de mon âme, la sensation est extraordinaire pendant un battement de cil j’ai l’impression de faire parti de ce cercle, de n'être qu’un avec Danu. Le moment passe, j’ouvre les yeux, mon front transpire abondamment, je me sens un peu vaseux mais euphorique en même temps, revigoré par cette communion, j’en appelle à la Terre pour scruter mon environnement, et devant moi, je sens comme une présence intangible, lentement je la franchie, c’est comme traverser une petite cascade, un léger effet de froid me traverse puis plus rien.
Je n’ai pas besoin de chercher longtemps, tous les enfants apprennent sur Albion que les cercles ne s’ouvre qu’à leurs alliés, puis durant mon temps de novice, mes mentors m’expliquèrent qu’une puissante magie est à l’œuvre et qu’un cercle de pierre est comme une sorte de très vieil entité magique, sachant user de pouvoirs pour éloigner les forces maléfiques.
Me grattant ma barbe sale je pris le temps de réfléchir quelques instants à mon contact avec la pierre s'il m’avait fait un grand bien, il m'avait aussi permis de comprendre que l’état spirituel du cercle laissait vraiment à désirer, mais de toute façon je me devais d'essayer. M’asseyant sur ce que j’estimais être le point central des alignements, je fermai les yeux et commençai à réciter quelques phrases m’aidant cette fois non pas à tirer de l'énergie des pierres, mais simplement d’entrer en contact avec d’observer à travers le voile.
Verte Déesse entend mon appel
Toi la créatrice éternelle
Ta puissance parcourt le pays
Énergie qui nous nourrit
Moi ton serviteur ardent
Liée par le sang
Bíodh sé mar sin
Lentement je sombrais un peu plus à travers l’autre monde, ma tête se basculant au gré des visions, des éclats et des présages. Mais tout n’étais que brouillard, un frottement par ci, des bruits de pas par là, je n’étais pas le seul visiteur de ce cercle, mais perdu dans les limbes je n’avais aucune notion de qui et de quand…
Brusquement je rouvris les yeux, mon ventre se mit à gargouiller férocement par la même occasion, la faim commençait sérieusement à se faire sentir. Dans mon état, ce n’était pas la peine d’aller chasser le gibier pour peu qu’il y en est d'ailleurs dans ce trou humide. La cueillette, je l'espérais, allait suffire. Je pris toutes les précautions possibles enduisant mon corps de boue, j'avançais par petits bonds et pris bien soin de prendre à chaque fois le temps d’écouter mon environnement, je n’avais aucunement envie de retomber sur ces saloperies de Fimirs surtout de mon état de boiteux. Malgré tout la cueillette fut bonne dans ce marécage, de grosse baie rouge comestible était présente, je ne sais pas combien j’en avais mangé mais à la fin j’en étais presque dégoûté, ainsi rassasié, je pris le chemin retour et retourna dans la sécurité toutes relatives du cercle.
J’avais pris mon temps et le soleil commençait déjà à décliner, j'enlevai mes bottes complètement détrempées et essayai tant bien que mal de m’échiner à sécher mes affaires, c’était peine perdue. Il me faudrait un bon feu, mais je n’osais pas de peur de révéler ma position. Avisant une petite mare d’eau croupie, je pris le temps de me rincer, d'enlever du moins partiellement la couche de crasse, mêlée de boue qui recouvrait mon corps, pour ce qui était de la barbe et des cheveux cela fut plus dur que prévu, c’était comme si ma prière de peau d’écorce était permanente sur ma tête impossible de démêler quelque chose. Je bus une grande rasade à mon outre, il allait falloir que je trouve une source ou que je fasse bouillir de l’eau à défaut sous peu. Mes affaires étalées dans le cercle je me plaçai au centre m’enroula en boule dans ma cape et ferma les yeux, ça allait être mon premier sommeil au sein d’un cercle magique et ce depuis très longtemps, je ne savais vraiment pas ce dont serait composé mes songes, imprévisibles j'en étais sûr, enfin tant qu'il ne pleuvait pas je pourrais m'estimer heureux...