Puis vint Piero qui offrit à la taverne une petite balade calme et, pour le plus grand plaisir du patron Uli Breitner, gratuite. Le ton n'étant pas bien joyeux, pas plus que le rythme, une forme de silence religieux se fit avant les applaudissements, même si certains voyageurs finirent la soirée la tête dans le verre, à reconsidérer leurs choix de vie. Affichant une certaine fierté d'être les compagnons du musicien, les mercenaires invitèrent le tiléen à leur table pour parier leur solde avec des artisans locaux. Ils étaient cinq soldats en tout, cinq canailles que les hasards du destin avaient menés sur la voie de l'épée. Au cours de la partie de dés, un Ulr comme on disait dans le coin, le voyageur put en apprendre un peu plus sur ses compagnons. Ils se nommaient Kurt, Wilhem, Wilburg, Félix et Pieter, menés donc par le sergent Kalum. Contrairement à ce que Piero aurait pu penser, ils n'étaient pas juste des voyous passant dans le coin par hasard, mais d'authentiques mercenaires, assermentés par une guilde estalienne spécialisée et qui louait des mercenaires dans tous les royaumes du Sud et l'Empire. Wilburg commenta même:
-"Ouais c'est comme ça qu'suis devenu merc'. J'crevais la dalle dans les rues de Talabheim mais j'étais fort comme un boeuf, alors on m'a proposé le boulot. Ca paie pas trop mal et ça permet de voyager."
Reprit directement par Kurt:
-"Ouais totalement! Moi à la base j'suis d'un hameau au niveau de Wolfenburg, mon père était un marchand de vin, un gars bien lettré. Mon grand frère a récupéré la boutique et moi je m'suis engagé dans la Compagnie Léonora pour me faire un pécule avant d'me lancer aussi."
Wilhem et Pieter étaient plus discrets sur les raisons qui les avaient poussé à rejoindre la guilde, seul Félix répondit franchement, pendant que Piero gagnait deux pistoles:
-"Ah moi y'a une belle histoire, ça change. Y'a quelques années mon village a été attaqué par des bêtes, des saloperies. Des femmes se sont enfuies et une est tombée sur les mercenaires de la compagnie. Ils sont venus directement aider et n'ont rien demandé en échange! Du coup j'ai demandé à les rejoindre et ils ont dit oui."
En tout cas leur appartenance au même groupe expliquait leurs habits assez standardisés, bien différents des groupes habituels du Vieux Monde qui allaient au combat dans des tenues différentes sur lesquelles étaient placées un tabard unicolore pour se reconnaître facilement au combat. Mais la soirée avança et la bière faisant son office, Piero ne tarda pas à sortir pour aller faire ce que la nature avait prévu pour lui. C'est là qu'il devait rencontrer un obstacle derrière une ruelle noire...
-"C'est bien l'bourge qui a payé son canasson?"
-"Ouais j'reconnais l'chapeau. Allez le bourge, Tu fais pas le con et tu craches les couronnes. Tu dormiras bien mieux allégé, t'verras..."
Les deux hommes étaient dans son dos et sur sa droite, mais impossible de dire où précisément dans l'obscurité quasi-absolue du lieu. A cette heure tardive la rue était vide et on entendait que les rires provenant de la taverne ainsi que le bruit des pas sur du pavé lointain. Par chance et prudence, Piero avait gardé ses armes… Qu'allait-il faire?