[Piero] Partir, c'est mourir un peu

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Dès sa fondation par le dieu guerrier Sigmar, l'Empire a dû faire face aux invasions et aux guerres civiles. depuis plus de deux mille cinq cents ans, il survit néanmoins aux périodes de trouble et aux batailles grâce à la bravoure et à la discipline de ses armées

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[MJ] Le Djinn
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Test de charisme pour convaincre Gustavo: 1, réussite critique.
En apparence, Gustavo était toujours aussi furieux, oui. En son for intérieur, en revanche, une certaine compréhension faisait son nid. Oui il comprenait le problème que les voleurs causaient: étant un marchand, les tire-laines et autres du même acabit faisaient partie intégrante de son quotidien, comme les puces pour un chien ou les furoncles aux fesses d'un cavalier. Les autres tiléens, les trantiens, venaient aussi à la rescousse de Piero, validant sa version des faits et la peur qu'il avait dû ressentir sur le moment.

-"Mouais. Je peux te croire alors, mais t'avais quand même pas à tabasser ce pauvre gosse comme un sartosien bat sa femme! Mierda!"

Vexé, le capitaine du Hijo se retourna pour réfléchir, songeant sans doute à la proposition de Piero de dédommager la famille sur le plan pécunier. C'était aussi une chose qu'il comprenait, ça, l'argent. Pesant le pour et le contre entre le fait de voir son navire incendié, de devoir causer un massacre pour repartir ou de régler la question de façon financière, le négociant en fût quitte pour une décision vite prise.

-"Tu vas m'accompagner au village, Piero, et tu vas t'expliquer aux parents ce que tu as fait. Ensuite tu me laisses parler pour que tu ne te retrouves pas la corde au cou. Fernando, Émilio, Alexandro, avec moi."

Ainsi préparée, les armes solidement ancrées au fourreau, le petit groupe sortir du navire avec le gamin à peine éveillé dans les bras. Plus mort que vif, ils utilisèrent ses indications de la main pour trouver la maison de ses parents, une bicoque en bois et en chaume à moitié en ruine, comme le reste du village. Les coups de Piero sur la porte en firent même trembler les fondations.
Mais on vint bientôt leur ouvrir: un homme en chemise débraillé et avec un bonnet de nuit, l'air idiot, pas bien réveillé sans doute. Derrière lui, une chandelle à la main, une femme d'une quarantaine d'année, replète. En voyant son enfant broyé, elle se jeta pour le récupérer avec un hurlement d'horreur. Bientôt ce furent deux paires d'yeux fous qui se posèrent sur Piero et Gustavo, en première ligne. Il fallait expliquer, ce que Piero fit sur un ton grave et dur.


"-Votre fils a fait irruption sur le navire durant la nuit. Et a essayé de nous... De me dérober mes biens. J'ai réagis en voyant un voleur. Sans voir que ce n'était qu'un gosse. Je ne peux pas effacer mon acte, mais... Je peux au moins l'expier. Je vous dois bien ça. Je lui dois bien ça."

La réponse de la mer se fit sans attendre:

-"L'prix du sang?! Bâtard! Salopard d'étranger! Bon à rien!"

Elle éructait, ayant perdue toute raison: sans son fils dans les bras elle se serait jetée sur Piero pour l'égorger avec les dents. Gustavo fit signe à notre aventurier de reculer pendant qu'il essayait d'arranger les choses.

-"Allons, dame, allons... La situation est grave, mais je suis sûr que nous allons pouvoir trouver un arrangement..."

Il se passa du temps. Sans doute dix minutes, peut-être vingt. Les voisins que la discussion animée éveillaient se montraient parfois à l'embrasure de leurs fenêtres, ou de leurs portes. Finalement Gustavo sortit une bourse de sa ceinture et la posa dans la main du père qui referma sèchement la porte. Le capitaine du Hijo ne tarda pas à revenir vers le groupe, foudroyant Piero du regard.

-"Tu me dois trente pistoles, Piero. Et j'espère pour toi que je les aurai vite."

Ce ton menaçant n'était pas habituel chez le paisible estalien; héritage de son sang ou preuve de son agacement? Dans tous les cas l'ordre de départ fût donné dans la foulée, de sorte que le Hijo de Manaan, sous les deux lunes, s'aventura à nouveau sur les fleuves de l'Empire, guidé uniquement par une lanterne à la proue.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Piero Orsone
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Au moins le croyait-il. Avoir fauté c'est une chose, avoir fauté et en plus de subir pour une autre raison. Ranald et Verena ne font pas bon ménage ensemble.
Bon on le ramenait à ses parents le chiard oui ou merde ? C'est compliqué l'Empire des fois.

-"Tu vas m'accompagner au village, Piero, et tu vas t'expliquer aux parents ce que tu as fait. Ensuite tu me laisses parler pour que tu ne te retrouves pas la corde au cou. Fernando, Émilio, Alexandro, avec moi."

Bon. On s'y colle. C'est comme la boucherie, ça vous reste sur les mains, le bide et le moral mais mieux vaut s'y mettre vite avant que les mouches arrivent. Et en parlant des mouches, mieux valait livrer le paquet avant qu'il tourne de l’œil. Putain d'affaire...
Cinq gaillards et un demi macchabée à travers les rues d'une bourgade si miteuse et insignifiante qu'il en avait oublié le nom. Heureusement le gosse les amena jusqu'à la cahute où il créchait. Bon, allez, dernière ligne droite. On prend ses corones comme un pommeau de selle et on fait face à ses conneries. On inspire, on expire. On déglutit. Et on frappe.

Bon sang. Piero en avait vu des morcifs pas bien fins mais le bougre avait limite l'air faisandé. Putréfié. Probablement né dans la fange comme un champignon à l'automne. Finalement le gamin avait peut être reçu une amélioration en terme d'aspect après sa rouste. Bon sang c'était pas le moment d'avoir un rire nerveux.
La bourgeoise elle, hurla. C'est un cri horrible, c'est celui d'une mère. Quand elle apprend que son fils est mort à la guerre, aux galères, aux mines ou en jouant aux dés avec un tobarois. C'est terrible le cri d'une mère. Mais là. C'était une mère qui l'aurait étripé comme un ours sur une truite fraîche. Ah. Les ours...

Donc on s'explique. Sincèrement. Sans histoire à la con, sans mensonge. Juste la simple comédie humaine. Un gosse a voulu voler un voleur et en a payé le prix.

Bon les beaux mots ne calment pas les pécores. Mais presque soulagé. Il s'éloigne d'un pas, esquivant les crachats glaireux. C'est au tour de Gustavo de faire son œuvre. L'aventurier attendit dehors. Avec de la chance Gustavo ne sortirait pas avec un couteau à fromage dans le dos. Avec de la chance.
Et la chance fut avec eux. Bon il avait une tête à avoir craché trop de sous. Et...
-"Tu me dois trente pistoles, Piero. Et j'espère pour toi que je les aurai vite."
C'était le cas. Piero opina. Bon, il les avait dans sa bourse, mais c'était ni l'heure ni le lieu. Chaque chose en temps voulu. Il fallait rentrer. Au bateau, à la maison. Quelque part. Rentrer mais où ? Là était le soucis.

Tandis que le navire reprenait sa route, sentinelle munie d'une lampe au travers des immensités endormies du Solland, il s'accouda au bastingage. Piero fixa les maigres lumières des hameaux lointains. Et puis il retournerait se coucher. Demain était un autre jour. Il avait hâte d'y être.
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"Ma qué ?!"

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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Une envolée entre deux écueils, une course vers "le plus loin possible de Trulben", ce village où désormais on verrait d'un sale œil les estaliens et les tiléens. En fait tout ceux qui avaient un accent différent du cru, et cela faisait du monde. Ulric, bien perché dans les nuages, continuait de couver le Nord d'un édredon glacial alors que le Wissenland du Sud, couvé par la chaleur venant des mers arabéennes, repoussait ses avances froides avec la témérité d'une noble de Nuln. Ca et là des feuilles chétives mais pleines de vie repoussaient sur les arbres bordant la rive, sans attendre un printemps qui ne tarderait plus à arriver. Cela fit lâcher à Fernando un:

-"Pouah! Avec tout ce qu'on balance dans les rivières, il n'y a plus de saison!"

Ils furent marins et mercenaires plusieurs à l'approuver. Les péripéties de la veille s'effaçaient dans les esprits, le temps accomplissant son Grand Œuvre, les parties de dés reprenaient et on trinquait, un peu gêné, à la réconciliation et aux jours meilleurs. Tout le monde se gardait toutefois de trop s'amuser avec Émilio, lequel était le seul de la bande à avoir droit aux regards suspects de ceux qui avaient vu de quoi il était capable. Piero ne désirait pas le savoir et, de l'avis général, c'était tant mieux.

Une dizaine de jours s'écoula en même temps que la Söll, l'événement le plus palpitant se trouvant être le passage d'un sanglier sur un gué. Autant dire que l'ennui était profond. Même pas un brigand ou deux à abattre, un orque à flinguer ou un homme-bête à éventrer. Juste de l'eau, des buissons, des arbres endormis et des poissons d'eau douce qui flânaient parfois trop proche de la coque.
Gustavo avait retrouvé son sourire et, une fois que la somme lui avait été versé, semblait même avoir pardonné Piero. Celui-ci, toutefois, ne fût pas autorisé à poser pied à terre dans les deux villages suivants, Bedernau et Wusterburg, histoire que la rumeur ne vienne pas lui coller des ennuis. A ce dernier patelin, qui tenait en fait davantage du bourg de quelques centaines d'habitants, régnait une agitation comme on en avait pas vu depuis des semaines. Un petit embouteillage de navires bloquait le port: des voiles estaliennes, tiléennes, impéiales et même bretonniennes! Filippo, qui paraissait un peu plus versé en géographie (ou juste plus habitué à ce voyage) eut l'explication:


-"Ici on tourne plein Ouest! Dans dix jours maximum on est à la Bruissante."

Pas mauvais bougres, quand les trantiens descendirent à terre, sans Piero du coup, ils ne tardèrent pas à revenir, amenant avec eux victuailles et boissons pour les partager avec ce camarade injustement maltraité par le destin depuis le départ de Nuln, et même d'avant. Le monde pouvait être cruel, mais pas les camarades!

Restait encore un peu de trajet, aussi on repartit dès le lendemain avec l'estomac plein et la joie au ventre. C'est qu'on passait dans la dernière ligne droite vers la Tilée! Un peu de patience encore et les merveilles de la patrie de Myrmidia s'offriraient à eux.
Il n'empêchait qu'ils durent faire une halte, le soir-même, pour réparer une avarie très mineure dans la coque. Sur la rive, un peu en amont, une bâtisse isolée et effondrée fabriquée de pierre et de métal, s'étalait avec chagrin dans l'eau. Une roue à aube dans un état étonnamment bon roulait pour une poutre de tour inexistante, le toit de la baraque manquait et les lieux était inhabité. Gustavo, qui connaissait le lieu, leur fit lecture d'un unique panneau de pierre écrit dans des runes inconnues ainsi qu'un reikspiel commun.


-"La Brasserie Bugman, clan et fils."

Un nom qui parlait à tous les nains, mais rien aux humains.

Le bateau gardé en aval, pour éviter les mauvais esprits qui habitaient, croyaient-on savoir, ces bâtisses, chacun se préparait à passer une bonne nuit. Il n'y eut que peu d'agitation ce soir là, on gardait un oeil sur les ruines inertes et on crachait par-dessus le bastingage en invoquant les dieux. Au début, les deux lunes, nues sous un ciel marin, ne révélèrent rien d'anormal. Pas de spectre venant se venger des hommes, pas de créature maléfique cherchant à dévorer la chair des vivants.

Mais là, à minuit, quand Piero surveillait le tribord, au-loin, se découpant dans les ténèbres, des silhouettes hurlantes. Des formes nues, en haillons, armées comme dans les temps jadis, ceux où l'homme était bête et la bête était homme. Ils hurlaient des incantations dans des langues oubliées, agitant des armes de pierre et de bois d'un âge lointain. Une quinzaine de choses dont le bandit n'aurait su dire si elles étaient de sa race ou d'une autre, des vivants ou des apparitions. Elles repartirent comme elles étaient venues, dans l'obscurité de la nuit et leurs cris, terribles, hantèrent les rêves des passagers du Hijo de Manaan.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Piero Orsone
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

L'Hiver et le Printemps se faisaient face sous le regard de l'aventurier. Nord contre Sud, torpeur givrée contre croissance séveuse. Finalement, le combat entre la décrépitude, la mort qui la suit derrière, et la vie, qui s'agite, qui se débat, maladroite parfois mais pleine de volonté.
C'était à lui de faire circuler la sève avant de n'être plus qu'un arbre mort le long des chemins qui mènent à la Tilée. La maison.
Les jours passaient, monotones. Il parcourait le pont en long et en large. Ses yeux fixaient les champs monotones, les hameaux endormis ou les bosquets de bouleaux. Et il refaisait un tour du navire. Quand on avait besoin de son aide il prêtait ses bras. Mais dans cet ennui collectif, on trouvait toujours moyen de tromper un peu l'attente. Lorsqu'il accordait sa mandoline, il remarquait toujours que quelqu'un tendait l'oreille. Alors Piero jouait quelques notes, de quoi sortir du roulis, des craquements du bois ou des reniflements graisseux.
Souvent il discutait du pays avec les autres gardes. Des rues toujours trop bondées et des bourses toujours trop vides. Des rêves qu'ils avaient pour demain, de la famille. Parfois la vue de quelques bergers avec ses bêtes sur les rives lui donnaient une envie d'accrocher le sabre au dessus de la cheminée afin d'embrasser une vie plus simple. Et puis il se souvenait que la simplicité lui avait filé entre les doigts en choisissant ce chemin.

"La seule vie qui vaille le coup, c'est celle des artistes et des bandits. Bon dans mon cas elle vaut vingts pièces mort ou vif à Rémas ! Dire à quel point je chante mal." Avait-il sortit en rigolant le soir de l'escale à Westerburg où, assis dans la paille, la petite bande refaisait un peu le monde.
D'ailleurs on se mettait parfois à chanter, les paroles lourdes et vulgaires des rues de la cité du marbre. Ces cantiques de soudards et de truands dont on avait appris les vers auprès des grands frères et des oncles dans quelques tripots miteux.

Je suis fils de marin qui traversa la mer
Je suis fils de soudard qui déteste la guerre
Je suis fils de forçat, criminel évadé
Et fils de fille de joie, trop pauvre à marier
Fils de hors-la-loi et de contrebandier
Enfant des sept cités et fils d’aventurier
Bâtard et sang-mêlé, bien qu’on me l’ait caché
C’était sujet de honte, j’en ferai ma fierté
C’était sujet de honte, j’en ferai ma fierté
La la la la la la la
La la la la la la la la…


On claquait les bocks avant de s'envoyer des goulées de bières et de vin. On se cognait fort en oubliant les soucis du corps et de l'âme. Le monde pouvait brûler demain, ce soir on trinquait.

Je suis fils de Tiléen, sous les murailles trantines
Je suis fils d'Estalien égaré dans les collines
Dès l’âge de huit ans, seize heures sur les courtines
Mais je sais que jamais je n’ai courbé l’échine
Non je suis resté droit, là devant les matons
Mêm’ le jour où ils ont passé la conscription
J’suis fils de paysan, et fils déshérité
Je ne prends pas les armes contr’ d’autres affamés
Je ne prends pas les armes contr’ d’autres affamés
La la la la la la la
La la la la la la la la…


Même certains marins se prêtaient au jeu d'entonner la chansonnette. Piero jura même que Dalien avait tendu l'oreille et la tête de son alcôve, sûrement intrigué par les ploucarderies de la franche compagnie.

Ce n’était pas ma guerre, alors j’ai déserté
J’ai fui dans les forêts et je m’y suis caché
Refusant de servir la principauté
Refusant de mourir au loin pour la cité
Une cité qui ne fut jamais vraiment la mienne
Une alliance forcée de misère et de peine
Celle des bisognosi et de la corruption
Celle des pillages et des exactions
Celle de vos carnages et de l'oppression
La la la la la la la
La la la la la la la la…


Le ventre plein, la tête dans les nuages mousseux d'une cervoise et assez de copains pour se soutenir lorsque les jambes se dérobaient sous l'alcool. La vie de bohème avait parfois du bon, pour les artistes comme les bandits.

Je n’aime pas le calice, je n’aime pas la loi
Une est pour les rentiers, et l’autre est pour le Roy
Si j’aime ce pays, la terre qui m’a vu naître
Je ne veux pas de dieu, je ne veux pas de maître
Je ne veux pas de dieu, je ne veux pas de maître
La la la la la la la
La la la la la la la la…
Je n’aime pas le calice, je n’aime pas la loi
Une est pour les rentiers, et l’autre est pour le Roy
Si j’aime ce pays, la terre qui m’a vu naître
Je ne veux pas de dieu, je ne veux pas de maître
Je ne veux pas de dieu, je ne veux pas de maître


Puis le réveil, un peu dans le cirage jusqu'à se souvenir ce qu'il foutait dans un bateau au milieu de la Söll. C'est vrai que tout avait commencé en devant se rendre au Nordland. Rah. Pourquoi ? Bon. Dans tous les cas on saluait des marins et des gardes tout aussi dans le cirage. Une fois dans un état acceptable, le foulard en écharpe, le chapeau sur le crâne et la moustache brossée, Piero pouvait se permettre d'apparaitre sur le pont pour saluer le capitaine. Ainsi était la vie de passager du Hijo de Manaan. Pas la meilleure mais loin d'être la pire. Et puis il avait tout plein de paille.
La journée s'acheva sur un arrêt pour question technique. Sur la proue en bon non-navigant, l'aventurier regardait les ruines silencieuses avec les autres pieds-secs du navire. Le brave Gustavo leur fit la présentation. À la mention de Bugman il fit un "Ah." d'approbation avec les autres gardes. Sans comprendre pourquoi, il avait comme envie de tout réformer pendant un bref instant. Bizarre.

Comme il avait évité la corvée de réparation, le bandit fut de celle de garde. Dès qu'on dépassait les torches fixées au bastingage, il faisait plus sombre que dans le derche d'une nyctalope. Les lunes n'offraient que quelques rayons séléniens et on y voyait foutrement rien. Sauf... Il plissa ses yeux noirs. Des êtres s'agitaient au loin. Des êtres que ce monde avait exclue. Des guenilles, des corps hirsutes et des armes de pierres brandis sous les astres. Et ces hurlements. Il sentait les poils de sa nuque s'hérisser jusqu'au milieu du dos. C'était quelque chose d'inexplicable, et si il avait eu sa dose d'inexplicable ces derniers mois, cette pâleur et ces langues oubliées ne pouvaient qu'évoquer des cheveux de feu et des tatouages ondulants. Serrant fort sa lanterne, il veilla tard pour s'assurer que ces choses avaient disparu comme elles étaient venus.

L'aube arrivera comme une bénédiction. Et le Hijo de Manaan repartira vers la Bruissante. Loin des ruines et de ses souvenirs trop pressants.
Modifié en dernier par [MJ] Le Djinn le 19 avr. 2021, 20:53, modifié 1 fois.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Les jours passent et se ressemblanet sur la Söl. Loin d'être un courant de fort trafic comme le Reik, elle n'était qu'une petite branche qu'on utilisait pour faire le trajet Tilée-Empire et était, par le fait-même, principalement traversée par des mercenaires et des soldats, expliquant sans doute le faible banditisme des environs. Quel intérêt à attaquer des navires quand deux sur trois étaient remplis de soudards lassés de naviguer et qui ne rêvaient que de se dérouiller les bras sur le visage d'un pillard?
Cette évidence fût probablement la source de la tranquillité de la dernière dizaine du trajet. Rien de bien particulier, rien ne sortant de l'ordinaire au point que même dans les bourgades croisées rien de spécial ne se produisit! Pas de voleur de pistolet, pas d'ours et de duchesse, pas de gardes zélés voulant pendre tout ce qui était plus bronzé que le cul d'un cochon: rien qui ne sorte de l'ordinaire. Allez, un tronc d'arbre déraciné, flottant parmi les poissons, se prit d'affection pour la coque du Hijo de Manaan et y perça un trou, forçant à une journée complète d'immobilisation, mais rien de plus. Certains tiléens en venaient même à espérer une attaque d'orques pour se détendre les nerfs. C'est ainsi que le bateau arriva à Kreutzhofen. C'est Alejandro qui tenta en premier de prononcer le nom de la bourgade:


-"Enfin les gars! On arrive à Kouthozan!"

-"Tu sais pas parler ou quoi? On dit Krochofen."

-"Vous vous plantez tous les deux, c'est Krounchfazen."

La ville-frontière, donc, était une sympathique bourgade de cinq centaines d'habitants qui tirait sa prospérité du commerce par le fleuve souterrain qui la reliait aux pays connexes. A la surprise de certains marins, le lieu ne débordait pas de richesses et n'avait pas les allures d'une gigantesque cité de marbre couvert de dorures issues de l'exploitation du tunnel. Kreutzhofen ne manquait pas de fonds, c'était certain: les infrastructures portuaires paraissaient bien entretenues, la plupart des bâtiments ne présentaient pas de lézards ou de signes d'affaissements, les mendiants étaient peu nombreux et bien des gens avaient la panse rebondie, signe extérieur d'aisance. Pas d'extravagance cependant, rien de ces architectures bizarres qu'affectionnaient particulièrement les marchands nouveaux riches, pas de matériaux hors-de-prix de Trantio ou d'ailleurs, juste du bois et de la pierre locale. Un peu d'acier s'ajoutait ça et là de temps à autre, style impérial oblige.
Les marins amarraient le Hijo et déjà on se promettait chez les mercenaires d'aller fêter la fin du voyage dans l'Empire en prenant une bonne pinte de vin et de bière à une taverne proche des docks. Non loin d'ailleurs, à pleine vue, on voyait la Bruissante qui débutait par une énorme gorge, un trou gigantesque surmonté d'une sculpture. L'oeuvre, monumental, était un cadeau des cités-états tiléennes réunies aux impériaux, fils du Loup et du Marteau. Une fresque somptueuse représentant neuf tiléens en rang, à genoux, face à une superbe femme en armure antique, armes dressées et portant une torche, symbole de sagesse et de savoir. Les neuf hommes, un par cité-état, possédaient un attribut de leur patrie respective: du tricorne de pirate pour Sartosa au sextant de Luccini en passant par les ciseaux de sculpteur du trantien. L'ensemble devait bien faire cinq mètres de haut et ne pouvait manquer d'impressionner les visiteurs.

A peine à quai, pourtant, quelque chose ne tournait pas rond. Le capitaine du guet, un homme d'âge mur au poil déjà gris et à la trogne d'alcoolique, cherchait des poux à Gustavo. Il parlait fort en aboyant, reprochant chaque détail, interrogeant pour chaque petit détail de la marchandise. Et quand on en vint aux armes, il appela son aide, un imbécile heureux qui ne semblait pas pouvoir compter au-delà de quatre, et entrepris carrément de mettre aux fers le capitaine tiléen, totalement déboussolé!


-"Ah j't'ai là mon gaillard! Traitre étranger hein? T'vas t'moisir une s'maine dans les cachots, ça t'fera les pieds!"

Evidemment les matelots tentèrent de s'interposer et le Guet, qui observait tout ça de loin, dansait sur ses deux pieds en ne sachant pas non plus comment intervenir: aider leur supérieur alors qu'il abusait clairement de sa fonction ou repousser les matelots qui s'échauffaient? Les mercenaires trantiens, éberlués, s'entre-regardaient les uns les autres. Une semaine sans solde? Mais c'était horrible, abominable même! Etait-ce pour Piero le moment de briller par une action courageuse?
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

"Pour les poissons de la baie, toutes les lumières de Magritta sont des étoiles."
Daniel Bautista Pena, poète au succès modéré,



Alors, c'est dans ces champs que la Guerre du Sang s'est déroulée... Pourtant, les siècles avaient fait leur œuvre. Sur les cendres et les corps tordus avaient poussé l'avoine, le blé et l'orge. Les oliviers et les orangers avaient supplanté les étendards et les rangées de pieux. Là où l'Estalie avait manqué de succomber aux hordes non-mortes, la vie tambourinait, gesticulante et bruyante comme il le fallait. Le jeune diestro balayait tout le paysage du regard. Autour des journaliers s'affairaient à l'ingrate tâche des champs. Des cohortes de gamins crasseux décrochaient du sol tout ce qui n'y était pas solidement fixé. Déjà devant ses yeux noirs que le soleil plissait, il y avait les murailles de Magritta, le joyaux du Sud.

Il dépassa les faubourgs tentaculaires, les villages de tentes des marchands, des Halfelins, des nomades aux talismans en toc et des soudards en attente de contrats. Les portes étaient monumentales. Une armée aurait pu s'écraser dessus sans en faire grincer les rouages. Et plusieurs s'y étaient essayé.
Pourtant, la soldatesque du guet était la même que partout ailleurs. Assoiffée de pot-de-vin, emmerdante et susceptible. Délesté de l'octroi et après un suintant "Et pas d'histoire, on vous connait les gars d'votre genre." il pouvait se perdre dans l'immensité de la cité.
Ici, toute l'Estalie se rassemblait pour le commerce, la guerre et la foi, les piliers de la Nation. Des vieillards assis sous l'ombre de statues défacées laissées par les elfes mâchaient leur aumône avec leurs chicots restants. Des bourgeois ventrus pressaient la gueusaille de s'éloigner afin qu'ils atteignent les ateliers, les marchés ou les banques où ils fructifiaient leur rente. Parfois l'ancien bandit se pinçait le nez en passant près des rues où les tanneurs, les bouchers et autres teinturiers se massaient en dégageant une odeur insoutenable. Une moue différente se formait sur son visage en passant près de quelques éclopés. Certains brandissaient un casque cabossé en demandant la pièce pour le service rendu au royaume. De Tilée comme d'ici, on n'honorait que les morts et ne triomphait que les chefs. Les autres, ils étaient là. Mais ce n'était pas une réflexion sur l'ineptie humaine qui l'avait poussé à venir ici. Il replaça son chapeau, renfila sa cape, et diestro parmi les diestros, se dirigea au lieu le plus susceptible de convenir à sa quête. Le port.

Loin des quartiers nobles et du palais, près des taudis populeux et des troquets sombres, les quais. Ville dans la ville. Ici c'était tout un continent et même d'autres qui se massaient dans un objectif finale. La richesse. Des camelots d'Arabie lui proposaient félicité et retour de l'être aimé en échange de pattes de chacal, des Kislevites bourrus négociaient avec quelques maroquiniers blêmes pour des peaux du Nord. Des jeunes femmes défraichies aux corsets provocants gonflaient le torse à son passage. Mais ni les filles, ni les commerçants de la mer du Sud ne l'intéressaient. C'était les rades miteux ou réputés qui bordaient cette masse de caisses, de débardeurs suants et de pirates enfestagués. Comme les ventres des galions pleins de marchandises, les tavernes étaient des ventres pleins de marins, d'armateurs, de musiciens et autres brutes venus ici dépenser l'argent pour une bouffe pas si pire et de l'alcool qui passe bien. Sa bourse et ses biens serrés tout contre lui il s'aventura dans plusieurs. Dans l'une les coupes-jarrets tournaient leur œil de verre sur lui si vite qu'il ne termina même pas son premier pas avant de tourner les talons. Mais dans une, au Lobo bravo, il était là. Oui il n'y avait aucun doute, aucune équivoque possible. Une cape, un chapeau à plumes. Sur une table, à haranguer la foule aux nues à ses pieds si bien bottés. Il avait une voix chaude et forte, il parlait d'aventures, de voyage, de périls et de périples. Du bout du monde déjà si proche qu'on pouvait l'atteindre avec les doigts. De richesses pour ceux dont la peur n'obscurcit pas le jugement. Mais pourtant, ses traits restaient flous. Malgré les pas que le pauvre Piero faisait pour se précipiter parmi les diestros et les mercenaires appâtés par l'offre alléchante, il restait à distance. Don Emilio ne tournait pas le visage dans sa direction. Il ne fixait qu'une foule que lui même peinait à voir. Il était au bout de ses doigts, rien n'y faisait...

"Piero. Hééé, Piero. Debout. Tu vas rater l'arrivée. Allez ramène toi."

Fait chier... Rien d'autre qu'un songe d'une nuit d'hiver, parqué dans un navire entre des mercenaires et des marins. Dans l'odeur du cheval et d'une quarantaine de panards différents. Il chassa la paille dans ses cheveux, s'étira. Encore une journée sur la Söll. Mais normalement. La dernière. Ces derniers jours n'avaient été propices qu'aux rêveries et à l'attente. Ses coudes devaient avoir laissé une marque sur le bastingage à force de fixer l'horizon. Les landes de pierre, la terre brûlée par le vent. La Söll était pour les vivants, ses rives bien moins. Voilà tout le décor du Sudenland. Mais ce temps à perdre, il l'avait dépensé soigneusement. Que ferait-il en rentrant ? Déjà revoir Trantio. Revoir les marbreries et les tours des nains. Mais après ? Peut être repartir quelques temps. Vendre encore un peu son bras. Pour sûr l'entreprise serait risqué. Mais avec un peu d'argent et de réputation il pourrait enfin ranger l'épée au dessus de la cheminée. Piero Orsone, spadassin sur les deux bords des Appucinis. Oui. Peut être.

Une fois brossé, rasé, préparé, il rejoignit les autres. Filant vers les Voûtes, le Hijo arrivait à... Kouthozan ? Krochofen ? Krounchfazen ? Dans tous les cas, à la porte vers la Tilée. Et quelle porte !
La ville était belle et opulente mais il avait vu bien des villes moyennes et marchandes depuis son embarquement. Mais ces titans de marbre étaient... Sublimes. Ils étaient la Tilée, et Myrmidia était là. Devant eux. Observant ses enfants, querelleurs, rancuniers, belliqueux, mais aussi créatifs, explorateurs. Bella Myrmidia.

-J'ai l'impression d'être déjà rentré Fernando.

Mais le destin a ses raisons et quelque chose se mettait entre eux et la bruissante. Le guet de Krouztezen. Il inspira, prit son sourire le plus affable et se dirigea vers le chef du guet.
"-Messieurs, messieurs. Messieurs. Le travail et la fatigue échauffent les esprits et les cœurs de tout le monde. Herr Capitaine du guet. L'Homme devant vous est Gustavo de La Santa Felicia. C'est un capitaine honnête qui doit s'assurer d'amener sa cargaison. Et puis il a en pupille. Il tourna la tête vers la foule de marins et de mercenaires avant de voir Dalien qu'il ramena fermement mais sans heurt avec lui. -Herr Dalien Tatverter. Il ne vous dit peut être rien mais ce brave petit est l'héritier de la fabrique d'armes Tatverter. Grande armurerie de Nuln. Il y a quelques semaines encore, il était au gala avec tout le beau gratin de Nuln. Et je sais. Je sais à quel point vous pouvez être fatigué de voir défiler tous les jours des navires. Des navires pleins de mercenaires, de soldats, de bétail mais... Coincer. Une semaine. Une semaine entière le Hijo de Manaan. Pour un soupçon ? Vous seriez dans votre bon droit mais réfléchissez. Un navire entier à devoir manœuvrer pour faire de la place aux autres. Sans le capitaine pour commander ce sera long. Le trafic sera interrompu, et cela engendrera de la paperasse. Les comptables de la ville ne sont-ils pas déjà assez exténués ? Et vous mes braves. Plus de paperasse ?" Il inclina la tête sur le côté.
"-Et puis... Mettons que le navire soit mis sur le côté. Une semaine à devoir gérer une trentaine d'hommes désœuvrés ? Des papiers à faire. L'hébergement, la nourriture, l'insubordination. Un homme ça s'ennuie, ça boit. Vous voulez troubler les bons citoyens de la ville ? Ils n'ont pas déjà assez à faire ? Comme vous d'ailleurs. Inutile de se brusquer. Reprenez l'inspection de la cargaison calmement. Et on pourra s'assurer que chacun retourne à ses activités au plus vite.

Personne n'aimait gérer la paperasse. Personne. On miserait sur ça. Pour le meilleur, et pour repartir au plus vite.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Test de Charisme de Piero (-3 difficulté, +1 narration) : 6, réussite!
Dans les yeux du capitaine du guet se passa quelque chose. Un doute amené par les paroles mielleuses, mais pas fausses, de Piero. Ce que le bandit ignorait c'était l'identité du gaillard en face de lui, de ce représentant zélé de la loi. Il n'était nul autre que Bruno Trottel, le plus las et le plus alcoolique des capitaines du Wissenland. Un homme ayant en tout et pour tout un seul milicien sous ses ordres directs et dont la principale occupation consistait à casser les pieds des voyageurs pour se donner de l'importance. L'argument concernant la paperasse le fit pourtant réfléchir: sans doute que son grand ennemi, dont le nom restait continuellement nappé d'ombres, lui chercherait des poux après ça. Oui, le plus prudent était de laisser cet équipage de mercenaires soudards repartir, au pire il pouvait encore les forcer à une inspection en règle.

-"Ouais ouais, j'vois que d'la vermine de l'Ouest sur le port moi! Ben vous avez m'sortir toute la cargaison d'votre navire et on va l'inspecter de fond en comble, plus vite que ça!"

L'implacabilité du fonctionnaire mêlée à l'ennui du soldat désœuvré et l'alcoolisme impérial si typique. Les matelots et les trantiens du Hijo en furent quitte pour une sortie de toute la cargaison et une vérification minutieuse du contenu du navire, jusqu'au dernier clou. Même Furpoil fût noté! L'opération prit littéralement l'entièreté de la journée au point que Gustavo, à la nuit tombée, décréta que le bateau ne partirait que le surlendemain parce qu'il n'avait pas eu le temps de le remplir de vivres!
Il y eu bien Ernesto et Philipé pour essayer de motiver tout le monde à aller boire un coup à la taverne, mais personne n'avait plus la force pour ça...

Le lendemain, tout le monde avait des courbatures. Pas mauvais bougre, Gustavo décréta la journée libre, sauf pour les mercenaires assignés d'office qui devraient évidemment rester pour défendre la cargaison. On allait quand même pas abandonner quasiment trois cent arquebuses en parfait état à des petites frappes, non?
Piero fût donc libre de faire ses achats et de se promener. Trouver de la nourriture pour le cheval, un couteau et quelques munitions ne fût pas bien difficile et il en fût quitte pour quelques piécettes. Il y avait moyen de faire du tourisme en ville, Kreutzhofen pouvant s'enorgueillir d'un patrimoine immobilier et architectural certain que des années de prospérité avaient permis. De manière surprenante, Piero ne trouva aucun temple ni aucun oratoire à aucun dieu, quel qu'il soit. La richesse de la bourgade paraissait l'avoir éloignée de la foi et les monuments à l'honneur de la vente, de la marchandise et de l'échange monétaire remplaçaient les lieux saints traditionnels.

Enfin viendrait la soir. Fernando, toujours lui, avait trouvé un lieu de débauche pas mauvais où les filles n'étaient pas laides et le vin importé de Tilée. Ce serait comme une parfum du pays qui flotterait sur l'établissement "Le Rasoir de Myrmidia" ce soir là et on fêterait longtemps, et longtemps, avant d'entrer dans la Bruissante où les ténèbres régnaient en maître...
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Pas trop rouillé Jacquot l'embrouille hein ? Il se surprenait lui même de sa réussite. Bon le navire n'échappa pas à l'inspection la plus zélée et méthodique, mais au moins, pas de Gustavo aux cachots, et on repartirait sous peu.
La tâche fut éreintante mais à défaut d'être particulièrement distrayante, elle occupait après ces semaines de pure rien. C'était simple. On prend les marchandises, on les donne à un marin, on reprend des marchandises. Et ainsi de suite. Jusqu'à ce que le soleil ait disparu au loin derrière les montagnes et qu'on veuille s'effondrer dans la paille. Pas la pire vie. Finalement.

Après des rêves étranges où de riches veuves demandaient à partir vers l'Inja en prenant la route du Nord, il finit de se réveiller et de se préparer à marauder à travers les rues de la paisible bourgade marchande. Il avait quelques achats à faire, les derniers qu'il ferait jamais dans l'Empire après tout. Ce qui était singulier dans Kreuztapen, c'était qu'elle était une sorte d'Altdorf miniature. Il vit une échoppe avec les symboles classiques de la Bretonnie et elle était en effet tenu par quelques Quenellois affables. Pas loin, une gargote affichait les couleurs de Miragliano. Il passerait sûrement son déjeuner là-bas tiens. Il sourit un peu en regardant passer les jeunes femmes aux robes simples mais belle. Les bourgeois du Wissenland et leurs rêves de devenir des Dames. Il faisait bon vivre ici en fait. C'était ça. Piero frappa dans la paume de sa main. Oui, ici il faisait bon vivre.
Les emplettes terminées auprès des détaillants du bourg, il finit par manger, attablé avec Fernando et quelques autres, à la table de la Rivale cité. Mais c'était une mise en bouche, littérale, du foyer. Les plus chauvins ne manquèrent bien sûr pas de comparer leur assiette avec les pâtes de Trantio, plus fondantes et goûtues en bouche mais le moment était surtout le moyen de se détendre après la traversée et le zèle du guet.

L'aventurier à chapeau ne manqua pas de remarquer un mangeur, attablé seul devant un bouillon épais. Le gaillard était pas du genre avenant. Ses fringues étaient bardés de cuir et il portait une veste de voyage. Sûrement un montagnard. Trappeur ? Forestier ? Un moyen de savoir.

-Hey, buongiorno l'ami. Qu'est ce qu'oune gars comme vous fait en ville ? Affaires ?
Et l'intéressé de lever le regard de ses légumes bouillis.
-Comme tout le monde ici m'gars.
Dérobant le pichet de vin des paillards mercenaires pour remplir le tristement vide godet de l'homme, Piero soutint son regard. Il avait l’œil bleu. Bleu pâle.
-Je fais dans le guide. Voyageurs, marchands. Tout ce qui veut passer de l'autre côté des montagnes noires. Et y en a du monde, étonnamment.
L'Estalo-tiléen opina du chef. Vers les Frontalières ?
-Ouais-da. Là où le vieux monde vide ses ordures. Moi je suis le cantonnier.
-Et il sé passe molte choses en cé moment ?
-J'ai pas trainé mes basques partout mais... C'est calme. Enfin. Calme comme les Frontalières en somme. Quelques seigneurs qui montent des troupes. Des orques à droite et à gauche. Une période creuse l'hiver. C'est quand il fait beau que ça repart. Et quand il fait beau y a du travail pour les gars comme vous. Ouais ça trompe pas. Et il sourit de ses chicots noircis.

L'après-midi passa paisiblement. Piero flâna entre les bâtiments, observa les va-et-viens des gens pressés d'aller nulle part. Les bêtes qui broutaient dans les prés et les marchands qui gueulaient sur des portefaix que le travail n'était pas fini. Un petit coin de paradis.
Puis, quand le soleil commença a se dissimuler à leur regard, que les nuages prirent un rouge intense et que le ciel ressemblait au magma des montagnes du bord du monde, il fut l'heure de prendre sa dernière nuitée à l'impériale.

Entre deux verres de vin, une jeune fille pas farouche assise sur les genoux, ça chantait. Et les hommes riaient encore plus fort qu'au midi. C'était la dernière nuit avant la Bruissante, la dernière nuit sous un ciel non-tiléen. Alors lorsqu'il fut le temps de s'évader avec une fausse ingénue, c'était l'adieu au Wissenland sur des arômes de Tilée. Le rasoir de Myrmidia, pourtant c'était une jeune minette blonde avec de beaux yeux clairs comme les lacs de glacier qui prit ses grosses pognes pour les poser sur un sein chaud et ferme. Et au creux de son oreille il glissa doucement "Tu es bien la dernière fille de l'Empire que je connaitrais jamais. On va fêter ça.
Et au matin c'était l'adieu à l'Empire, et l'adieu aux Impériales. Un baiser sur la joue tout en renfilant sa chemise. Il rentrait à Trantio.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

La grand voile se détacha dans un coup sec, se levant au vent en une seconde. Le Hijo de Manaan tangua sous l'impact mais l'ancre tint bon, pour le plus grand plaisir de Gustavo qui terminait de vérifier la marchandise. C'était la dernière ligne droite après tout, le dernier chemin avant la Bruissante, avant la Tilée, avant la maison.

Piero et les trantiens attendaient sur le pont, observant la ville impériale qui s'éloignait. Une dernière nuit d'émoi dans les bras d'une jeune femme rendue affectueuse par la mélancolie des hommes, d'une grande beuverie au mauvais vin impérial où chacun termina sur le sol, à moitié mort, à chanter des paillardises dans des langues que nul ne comprenait, pas même eux.
A présent ils arrivaient devant le Monument à Myrmidia, où les neuf fils de la Tilée rendaient hommage de leurs outils propres à la mère de tous les peuples du Sud. Qu'ils étaient beaux, ses enfants: droits et fiers, le regard vers le même point à l'horizon, convaincus de la justesse de leur cause. Leurs yeux creusés donnaient l'impression à l'observateur qu'ils suivaient du regard les navires s'aventurant dans la longue caverne sous la montagne, jugeant les visiteurs et accueillant ceux qui rentraient au pays. Tous sur le navire ressentirent quelque chose en dépassant l'arche de pierre qui marquait la fin de l'Empire. De la crainte parfois, du soulagement souvent.
Restait que la triste réalité matérielle ne tarda pas à les rattraper tous: on y voyait rien dans cette cave d'un noir absolu et en l'état impossible de naviguer. Heureusement, en connaisseur, Gustavo avait fait préparer en amont une puissante lanterne qui fût accrochée à la proue du navire et allumée pour permettre de s'y retrouver. D'autres ne tardèrent pas à la rejoindre sur bâbord, tribord et la poupe, histoire d'être sûr. Naviguer dans le tunnel restait cependant assez aisé: il était droit, à profondeur à peu près constante et les bords étaient artificiels, de la pierre de roche taillée pour faire comme un couloir de part et d'autre du canal. Felipe expliqua bientôt:


-"Quand la Bruissante a été découverte et son chemin tracé, les tiléens et l'Empire se sont mis d'accord pour en faire un axe fluvial majeur, sous notre contrôle bien sûr. Comme si les impériaux savaient gérer quoique ce soit, vous avez vu l'état de leurs forêts? Bref, les tailleurs de Trantio et les ingénieurs de Miragliano se sont mis d'accord pour tracer une véritable voie qu'il serait possible d'entretenir, d'où les bords."

L'explication avait du sens si on faisait abstraction de la difficulté colossale de la tâche. Le travail avait dû employer des centaines d'ouvriers pendant des années vue la quantité de kilomètres à parcourir, marteau et burin à la main. L'histoire terminée, chacun en retourna à sa bouteille ou sa table de jeu: c'était qu'il n'y avait rien de particulier à faire. Pas de monstres à surveiller, pas de bandits à attendre...
Test de perception de Piero: 8, réussite.
C'était l'heure de jouer, encore, aux dés. Rien de bien folichon: on jetait, on essayait de faire des figures et le gagnant remportait la mise. Un peu d'Estalien Menteur également: le but était de deviner le résultat d'un jet de 5 dés d'un adversaire. Rien de très compliqué jusqu'à ce que Piero ait une suite de défaites et, un peu vexé, aille se soulager la vessie au bord de l'eau.

C'est là qu'il les vit.

Une paire d'yeux rouges ouverts dans les ténèbres, accompagnés d'un ricanement lointain. Un instant d'après, plus rien. Puis un autre rire, encore un. Et deux yeux qui apparaissent, en hauteur cette fois. Ils l'avaient vu, c'était sûr. Mais eux savaient-ils que lui les avais remarqués? Les gardes n'avaient rien vu pour le moment, mais en même temps sonner l'alerte pouvait hâter une attaque, s'il s'agissait bien d'un groupe hostile. Puis comment pouvaient-ils être aussi loin du sol?
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Du bien bel ouvrage. Qualité Trantienne ça.

Le chapeau contre la poitrine, l'aventurier leva la tête pour admirer d'autant plus prés les monumentaux tiléens de marbre gardant la porte vers la Maison. Il avait prit son temps pour revenir mais ils le saluaient sans faute.
-Les gars, c'est la Tilée de l'autre côté du tunnel. C'est Trantio. On peut dire adieu à l'Empire.
Addio all'impero, bon débarras et à jamais. Adieu à tes barbares hirsutes en atours de nobles, à tes lois de peuples arriérés jamais réellement des forêts et des marécages. Adieu à tes forêts justement ! Ces cloaques où grouillent toutes les bêtes oubliées des dieux. Adieu à tes Dieux à faire passer les idoles des Norses pour les gardiens de la civilisation. Adieu à tes elfes fous, témoins cyniques d'un passé mort avant que tes tribus de bourrins n'aient même découvert le feu.
De l'autre côté du tunnel il reverrait les statues ternies, les usuriers nains et la sauvagerie des mercenaires. Mais c'était un peu son monde au final. Plus que le gras saindoux lui plaisait la verte olive. Plus que les bergers de la Söll les pâtres des collines trantines. Ses remparts bien courus et ses rues encombrées de part en part.

Puis alors qu'il était à deux doigts de danser la gigue il remarqua quelque chose. Une fois passée la bouche de la bruissante. Il faisait furieusement sombre. Pire que dans l'oignon d'une démonette. Gustavo fit installer des lanternes sur les bastingages. Et à la poupe, le dernier demi-cercle de lumière rétrécissait peu à peu à mesure qu'ils progressaient dans ce boyau de montagne. Le dernier morceau de ciel avant un bon moment. Il frissonna un peu et replaça son chapeau.

Felipe revint à la charge avec ses belles explications. Il lui rappelait un peu un vieux qui donnait des leçons aux gamins défroqués des quartiers pauvres à l'époque. Ce sacré vieux, il avait même dit au prince de dégager car il faisait de l'ombre au soleil. Ils l'avaient épluché avant de le mettre dans du vinaigre. Le prince de l'époque était pas un homme à l'humour subtile hélas.
Une fois les explications sur le nombre de Tiléens nécessaires pour creuser un tunnel de quatre cents lieues à travers du granit passées, on s'en alla tuer l'ennui de la façon la plus efficace. Les dés.

Malgré les coups de bluff, les petites astuces d'escamoteur, les méthodes de bonneteau que toute cette soudarderie connaissait aussi bien que lui, l'explorateur finit par aligner assez de défaites pour égratigner son égo. La vessie pleine autant que sa mise s'était vidée, il se redressa.
-Messieurs je vais faire pleurer le colosse je reviens.
Sifflant, croisant les marins affairés et un Dalien las, il finit par trouver un bout de bastingage où personne n'allait le déranger dans son affaire. Tout en aromatisant l'eau de la Söll, ces connards l'avaient bien mérité, poursuivant sa mélodie sifflée, il aperçut un éclat au loin. Un autre. L'arquebuse dans les chausses, il plissa le regard. Ces éclats venaient par deux. Quelque chose les lorgnait. Et ça il aimait pas trop. Il attrapa sa lanterne pour l'allumer, tout en cherchant du coin de l’œil si un garde était pas loin. Fallait prévenir qu'il y avait du mouvement dans les ténèbres.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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