[Piero] Partir, c'est mourir un peu

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Dès sa fondation par le dieu guerrier Sigmar, l'Empire a dû faire face aux invasions et aux guerres civiles. depuis plus de deux mille cinq cents ans, il survit néanmoins aux périodes de trouble et aux batailles grâce à la bravoure et à la discipline de ses armées

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[MJ] Le Djinn
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Une gueule de bois terrible, des douleurs abominables sur le bas du dos et les épaules. Les marins, les gardes et Piero s'étirèrent, fatigués d'une longue journée et d'une nuit passée bon gré, mal gré, à dormir sur du bois dans les pires positions du monde. Le pire peut-être venait de la nuque, restée pliée à moitié pendant près de huit heures et dont l'alcool avait empêché la prise de conscience. Puis vinrent les paroles fortes et frappantes de Gustavo, qui affichait comme toujours son air débonnaire de bon père de famille et commerçant de navets à ses heures perdues:

-"Allez les petits gars, on se lève! L'aube pointe et il faut partir, Pleidorf nous attend!"

Les tiléens et les impériaux levèrent la tête, fatigués à l'avance. Pacito, le chirurgien de fortune, maugréa qu'il n'avait pas plus hâte que ça d'y arriver, vu le vide absolu de la suite.
Difficile à démontrer sans carte, Ernesto, un autre garde du convoi, se fit un plaisir de l'expliquer aux quelques uns, dont Piero, qui faisaient le voyage pour la première fois.


-"Faut voir qu'le Wissenland, c'pas aussi riche que la belle Tilée, hein. Ouais tout le monde connait Nuln, mais une fois sorti de là y'a plus grand mon, ami. Y'a Wissenburg, la défraichie, Pleidorf qui se croit indépendante parce qu'elle a une muraille sur quatre qui tiennent, et Meissen, bien plus au Sud, qui est un coin sympa mais pas bien grand. Tout le reste c'est du petit village agricole, du patelin d'élevage et autres trucs du même genre, sans vraie richesse. Y'a pas mal d'histoires sur le pourquoi du comment, mais en gros parait que les orcs y ont foutu un tel bordel que la population a migrée plus au Nord et que le pays s'en est jamais remis, voilà."

Un cours d'histoire et de géographie en quelques phrases qui lui valu l'approbation des présents. Sur le pont, où le groupe monta peu après, les marins larguaient les amarres et déployaient la grand voile. Une faible pluie commença alors à s'abattre, un crachin qui partait bien pour devenir plus sévère. Fernando soupira en reikspiel:

-"Et mierda, nous soummes buenos pour finir en la cale aoujourd'houi."

Tout de même, tant qu'il ne pleuvait pas plus que ça, autant se mettre sur le pont et profiter de la brise. Même Dalien sortit de son repaire pour humer les embruns forestiers d'hiver. Le nouveau compagnon de Piero reprit cette fois en tiléen:

-"La bonne nouvelle c'est qu'on va pouvoir se relâcher une fois passé Pleidorf. Il n'y a quasiment jamais eu d'attaque après, jusqu'à la Bruissante. La région est vide à part des hameaux de paysans, ça n'a sans doute aucun intérêt pour des bandits ou des monstres, ils préfèrent les routes plus fréquentées qui naviguent près de Nuln.."

En parlant de Nuln, une patrouille fluviale ne tarda pas à se montrer à l'horizon. Un petit groupe de gaillards avec un tabard noir et blanc, des casques presque pas rouillés, des lames de bonne facture et des arcs. Une dizaine, pas plus. Ils interpellèrent l'embarcation à peine eut-elle franchi leur ligne de mire.

-"Hé du bateau! Arrêtez-vous, inspection à bord!"

Rien de bien étonnant sur les bords du Reik. Quatre hommes montèrent, des affiches en main, et exigèrent de voir tout l'équipage, un par un.

-"Pas d'inquiétude, m'sire. On veut juste voir si dans votre équipage y'a de la canaille qui se cache."

Gustavo, sans doute habitué, n'opposa pas de résistance et laissa les poulets travailler. Un d'entre eux tenait une série d'affiche dont il changeait pour voir si les visages correspondaient. Il devait savoir lire, ce qui était déjà impressionnant, au vu des petites lignes marquées en dessous de chaque dessin, ceux-ci étant relativement peu réalistes. Un à un les tiléens, impériaux ou autres passèrent sans encore, jusqu'à Piero. Là, le garde en charge de la comparaison eut un haussement de sourcils et repassa plusieurs portraits en arrière. Il soliloqua et grogna quelque peu pendant plusieurs secondes avant de conclure...

-"... Nan, ça correspond mais trop jeune. Circulez, étranger."

Rien à signaler, rien à déclarer en dehors du reçu de cargaison. El Hijo de Manaan fût bientôt libre de continuer sa course à travers les champs glacés.
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Encore un matin... Un matin sans rien. Au moins il se réveillait avec ses affaires et son cou intacte, c'était un net progrès.
Après le passage d'un Gustavo toujours aussi enjoué, Piero replaça son chapeau sur la tête et marmonna entre deux bâillements :
-Pour un dixième de sa bonne humeur je pourrais me faire Shalléen. J'ai l'impression de voir mon oncle Rubio.

"Oncle" était bien sûr un terme galvaudé. Mais Rubio était parmi les infréquentables qu'il avait le plus fréquenté. Il lui avait appris à jouer aux cartes à soigner son style et surtout à jurer. Si Fantini avait été le père qu'il n'avait jamais connu, Rubio avait été le tonton qui apprenait la vie entre deux manches de Scopa. Où avait-il fini ce bon vieux Rubio d'ailleurs ? Peut-être croupissait-il encore dans les geôles de Luccini, peut être était-il mort ? Ou bien en éternel oiseau libre, s'était-il envolé au loin après sa libération. Qu'en savait-il ? Trop loin de la Tilée depuis trop longtemps. Ce serait en quasi étranger qu'il reviendrait.

Mais sur l'instant il recentra son esprit sur les explications du bon Ernesto. Pour résumer. Le wissenland était une tête colossale, Nuln, pour un corps malingre et à l'agonie. Du gui sur un chêne touché par la foudre. De vastes espaces de grand rien, de pâtures pour les moutons et des fermettes égarés dans la lande. Un peu comme l'Estalie dès que l'on s'éloignait un peu trop des littoraux populeux. Là où l'Empire n'était pas déchiré par les griffes et les crocs des hommes-bêtes, il semblait que les orques reprenaient le rôle de cataclysme naturel. À croire que même loin des épaisses forêts, ce maudit pays ne comprenait que des dangereux et une roture arriérée et repoussante. Mais au moins les Bretonniens savaient la tenir leur grouille.

Dehors le temps virait au gris. Trop au sud, trop loin des montagnes, pour que les neiges ulricaines nous tombent sur le coin du nez. Juste le crachin sigmarite.

Aux dires de Fernando il commenta simplement :
-Attends, tu me dis que c'est tellement vide que même les bandits ne passent pas par là ? J'ai connu des trous plus fréquentés, et je parle pas de puits de mine. Au moins ça me changera de Nuln et de sa foule...

En parlant des Nulners. comme les taons aux cul des bœufs, ils se rappliquaient. Inspection générale. Branle-bas de combat, tout le monde en rang d'oignons pour se faire inspecter. Ne sait-on jamais. L'un de ses camarades pouvait avoir un curriculum vitae encore plus illicite que le sien. Néanmoins il ne fit pas le fier devant les volailles. Qui sait. Un patrouilleur un peu trop tatillon du zèle à revendre, et c'était les cachots de Nuln ou la potence au bout de la route, pas les terres Myrmidéennes. Et bien entendu c'est sur sa trogne qu'ils s'attardèrent. Ce regard porcin de petit fonctionnaire. Tout se jouait aux traits burinés et à la moustache sûrement. Piero battait des cils, comme si il n'était qu'un vulgaire soudard à la mine juste un peu chafouine.
Finalement, myrmidia soit louée, ils passèrent à un autre. Soulagé, il les regarda dévisager les trognes du reste de l'équipage avant de vérifier s'ils ne cachaient rien d'illicite sous la cargaison d'armes, de munitions et de poudre.

Lorsque le navire put repartir, l'aventurier vint s'accouder au bastingage. Il chantonnait. Une chanson de marin tiléen. Encore. Le mal du pays, si insidieux après tout...

Heureux qui, comme Losterik , a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui arriva à Albion,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de ma cité natale
s'élever les palais, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est un comté, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît les ruelles et les lupanars douteux
Que des temples ulricains aux hivers rigoureux,
Plus que les barbes drues me plaît les moustaches fines,

Plus mon Tarano placide, que le Reik impérial
Plus les murs de Tilée, que ceux de Middenheim
Et plus que le bord du monde, mes collines trantines.


Il repensa à ces années si lointaines désormais, où un jeune gosse plein de rêves regarda un croquis gribouillé sur du papier jauni comme si c'était le plus beau trophée du monde. Fantini avait décroché l'avis de recherche et le lui avait tendu, solennel. C'était sa trogne d'affreux morveux en pleine mue vers l'âge d'homme. Si jeune et déjà malfrat. Si jeune et déjà libre. Si jeune et déjà idiot de croire qu'être hors-la-loi était le plus grand des mérites. Le papier avait racorni, et ses miettes s'étaient envolés au vent d'été lorsque il avait quitté une bande en pleine désintégration. Éparpillé au vent, comme lui après tout.
Mais cette fois le vent soufflait pour le ramener chez lui. Vers ses collines trantines et ses palais de marbre.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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[MJ] Le Djinn
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Une poignée de jours et ils arriveraient à Pleidorf, du moins c'est ce qu'affirmait Gustavo en humant l'air frais du matin.

La distance Wissenburg-Pleidorf était à peu près équivalente à la distance Nuln-Wissenburg, un petit bout de chemin donc, Ensuite ce serait le grand vide, un véritable désert humain pendant près de trois semaines; le temps d'arriver à Kreutzofen qui marquerait le début de la bruissante. On pouvait s'étonner de la vitesse à laquelle serait descendu le reste du Wissenland après la lenteur des premiers jours, mais en fait cela s'expliquait par le fait que le courant passé l'embouchure de Pleidorf était bien plus rapide, emportant avec lui les navires voyageurs. A partir de ce moment là il n'y aurait plus grand-chose à faire de toute façon: se méfier de quelques créatures fluviales, regarder le ciel et vérifier qu'un tronc ne bloquait pas le passage.

Parlant de débris sur la route il n'y eut que ça pendant les deux derniers jours de traversée! Une tempête avait dû s'abattre sur la région un peu plus tôt et des tas d'arbres morts flottaient au fil des eaux, accompagnés par des colonnes de buissons, d'arbustes, de planches issues de maisons renversées, de tonneaux et de tout ce que l'Empire pouvait compter d'outils agricoles en bois. Un véritable désastre pour la coque du Hijo de Manaan qui se retrouve forcé de baisser sa vitesse et d'en appeler à tous les passager pour colmater les trous dans la coque avec de la paille collée à la poix et virer les obstacles les plus encombrants avec de longues perches prévues pour ça. Evidemment les matelots, plus expérimentés, se débrouillaient bien mieux que les trantiens maladroits et inhabitués, ils en profitaient toutefois pour leur apprendre les bonnes postures et les bons mouvements: ça pouvait servir.

Test: FOR + HAB de Piero: 7, réussite.
Il n'était ni le plus costaud ni le plus agile de la bande, mais Piero avait de la ressource. A la force des épaules et à la dextérité des poignets, il remplit sa tâche avec succès et, sous les efforts conjugués des gaillards, le navire repartir bientôt vers sa destination. Pour la peine on se congratula, on se donna de grandes tapes dans le dos et Gustavo déboucha même un tonneau de bière estalienne, une denrée relativement rare car la populace à moustache préférait habituellement planter des vignes. La boisson n'en fût toutefois pas moins appréciée par l'équipage qui profita de son maigre diner en l'accompagnant de lourdes chopines remplies à ras-bord jusqu'à ce que chacun aille se coucher. Alors que tous se préparaient à aller se coucher sur la paille, excepté les malchanceux qui formaient le premier tour de garde sur le pont, une voix connue fit sursauter notre héros:

-"Je... Euh... Merci pour l'autre jour, messire. Vous avez été très... Impressionnant, devant cette bête. J'ai... J'ai pas pu vous aider..."

C'était Dalien, sans doute quelque peu saoul. Sous les effets de l'alcool il lâchait un peu le leste qui lui pesait sur l'estomac depuis l'attaque des hommes-bêtes, qui s'était heureusement bien terminée pour tout le monde. Piero en garderait longtemps les cicatrices, à défaut de plus. Ne restait plus qu'à se reposer un peu et profiter: ils devraient arriver à Pleidorf le lendemain dans l'après-midi. Le cœur n'était plus tant à la fête malgré tout, en l'absence de lourd stress les esprits s'étaient calmés et on privilégierait une soirée calme avant de repartir.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Un Hiver en Tilée, 2511

Des mottes de neige à moitié fondue fusaient entre les deux camps. Les charretiers braillaient en poussant leurs carrioles embourbées dans la mélasse. Sur les toits d'ardoises des bicoques populaires, elle se teintait du noir des suies de cheminée. Dans ce monde assoupi brun et blanc, un gamin et sa mère circulaient entre le souffle chaud des bœufs et les boules de neige de la marmaille. Flottant dans son manteau bien trop large, un Piero bien jeune soufflait des panaches blancs avec amusement. Sous un calot de laine, les extrémités rougies par le ronflant froid montagnard, il tourna le tête, hélant sa génitrice. Lucia Orsone, toujours élégante, rajusta son châle sur ses frêles épaules d'oiseau chanteur. Ses cheveux caramels attachés sous un chapeau démodé, elle devait serpenter entre les congères.
Ils se rendaient à la piazza. C'était les gelées, et pour se réchauffer le ventre et l'âme, tandis que les provisions descendaient dans les greniers de toute une cité, il y avait les marrons chauds. Rôtissant dans des poêles cabossés, vendus pour une misère dans des cornets de jute, c'était une tradition familiale que d'en prendre une poignée.
Un vieillard rouge comme la gorge du passereau éponyme et aux tempes aussi blanches que la neige troqua un sachet bien plein contre trois pièces de cuivre.
Pelant les châtaignes qu'ils dégustaient tout en marchant, ils se dirigèrent tranquillement vers les hauteurs. De là, un banc suffisait à contempler les sommets immaculés des collines et des Irranas. Lové contre sa mère, c'était son douzième hiver.
Des merlons de la muraille aux venelles, les flocons avaient tout recouvert. Son regard se promenait du ciel aux fossés. Et doucement il parla tout en terminant son marron. -Un jour maman, j'irais dans un pays où la neige reste même l'été, et dans un autre ou même au plus fort de l'hiver il n'y en a pas.
Amusée, elle répondit en posant son index sur le bout du nez rougi de son gamin. -Décide toi alors, le froid ou le feu ?
-Mais enfin les deux ! J'aurai tout le temps du monde pour le parcourir ! Les joues pleines de châtaignes, il fléchit ses muscles inexistant, faisant rire sa mère.
-Tu auras tout le temps du monde pour partir Pierino... Et tout le temps du monde pour rentrer...
Des nuages, une nouvelle salve de flocons dégringola sur la terre et ses habitants, riches ou pauvres, hommes ou femmes, la neige s'en moquait, elle tombait sur les manteaux trop grands et les châles de laine des gens assis sur leur banc.

Un Hiver sur le Reik, de nos jours

Avec une perche, il dégageait les branches dégarnies et les débris de chaume, faisait rouler les troncs le long de la coque. Ils rencontraient tout ce que le Wissenland avait laissé tomber dans les ruisseaux, les rivières et son fleuve. C'était pas la tâche la plus gratifiante mais il se rendait utile. Autour d'eux les champs blanchis végétaient paisiblement. Insensibles à leur labeur, à la différence de Gustavo, sourire éclatant qui les récompensa au souper avec un fut de bière. Les hommes se réchauffèrent ainsi en claquant leurs bocks. On chantait en l'honneur des ports de Marienburg, aux tavernes de toute la Tiléestalie et notre aventurier, cape rouge sur les épaules conta les aventures d'une shalléenne et d'un vagabond dans une ville anonyme.

La bière et la fatigue aidant, il finit par retourner se blottir dans sa paille chérie, entre les bêtes et les hommes épuisés. Le regard brillant, il fixa le plafond de bois. Mais Dalien vint lui parler. Tout en replaçant son chapeau, l'aventurier répondit avec amabilité :
-Ce n'est rien gamin. On passé tous par là oune día ou l'autre... N'oublie iamais. C'est toi ou celui en face. Et ils n'hésitent jamais. Buona notte compadre...
Et il se retourna dans la paille.
Demain serait une autre journée.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Aucune réponse pour Piero alors que Dalien tournait les talons et s'en retournait observer la rivière ailleurs. Timidité? Orgueil de noble-sang peu disposé à avouer ses fautes? Il se retourna toutefois à mi-chemin et parut tenter d'articuler quelque chose avant de se raviser. Seul avec ses pensées peut-être parviendrait-il à comprendre qu'en ce monde c'était tuer ou être tué.
Les beaux jours devaient s'achever en cet hiver qui battait son plein car le soleil clair qui faisait paraître tiède la fraicheur du début d'année était à présent caché par d'innombrables cumulonimbus noirs qui crachaient des litrons d'eau sur les bonnes gens du Wissenland. Retour dans la cale donc pour la plupart des voyageurs qui passeraient leurs prochains jours à vérifier sous tous les angles les fesses chèvres, des chevaux et de tous les autres animaux présents, même humains.

En bref, quasiment quatre jours d'ennuis mortel avec un Reik qui montait si haut qu'il avait failli faire échouer le navire en plein champs, ce qu'un des marins, Alberkt, dit en riant:


-"Ah non mais c'était y'a cinq ou six ans, j'étais matelot sur une barque militaire, on était du côté de Dashburg, dans le Sud, et il avait plu une semaine complète. Le fleuve avait complètement débordé, il inondait tout, même les forêts basses! Quand l'eau est redescendue, on a compris trop tard qu'on était plus sur le Reik, mais dans un champ! Il nous a fallu une demi-journée pour soulever le rafiot et le remettre à la flotte..."

Quelques rires, du genre qui font du bien dans la morosité climatique ambiante.

Enfin, au cinquième jour et avec un peu de retard mais toujours sous la pluie: Pfeildorf! Cette fois, floppée de descente de la part des chèvres qui accompagnent leur paysan de maître auquel personne n'avait prêté attention de toute la traversée. La cale deviendrait plus spacieuse et sans doute plus respirable! Comme par moquerie des dieux, cependant, l'averse s'intensifia et comme elle durait depuis quelques temps déjà les rues ressemblaient à des flaques de boue géantes où baignaient les immondices et étaient charriées les ordures. Les vendeurs de bottes se frottaient les mains par ce genre de sale temps, quand le cuir ciré d'une godasse était la seule chose qui protégeait la peau du bourgeois de la merde des pauvres, littéralement. Pendant que le groupe de tiléen s'en allait sillonner les rues désertées à la recherche d'une taverne à minima en hauteur, Piero sortit Furpoil de la cale pour lui dégourdir les pattes dans les rues inondées. Malgré l'heure pourtant mâtinale il n'y avait rien ni personne dehors, ce qui autorisait le voyageur à observer la cité, enfin ce qu'il en voyait à travers les gouttes.
En terme de taille, Pfeildorf devait faire un tiers de moins que Wissenburg et paraissait construire comme un labyrinthe circulaire autour de sa place centrale. Située à la division du Reik et de la rivière Söll, la ville avait une position avantageuse mais paraissait à l'étroit entre ses murs, très resserrés et lourdement armés. Un fait étonna pourtant Piero: le nombre de maisons abandonnées, vides et visiblement en ruines depuis des décennies, voire plus. Tout le Sud de la cité en était plein, comme si les habitants étaient partis sans jamais revenir, laissant des lieux inoccupés sans qu'aucun esprit n'eut l'idée de les terrasser pour construire autre chose à la place. Même les rats, pourtant prompts à s'approprier la demeure de l'homme paraissaient fuir le coin, préférant se noyer qu'entrer dans les fondations défraichies.

La balade dura en tout et pour tout deux heures, le temps qu'il fallait pour s'attirer les regards méfiants du Guet et esquiver les visages de déchets par les fenêtres. Mais peut-être que le Tiléen ne souhaitait pas retourner de suite au Hijo de Manaan?
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Il flottait dehors. Par toutes les fentes humides entre la Norsca et l'Arabie, il tombait des cordes à pendre tous les bagnards de Tobaro. Et en plus, coincé dans cette cale empuantie par l'entassement des hommes et des bêtes, l'eau qui ruisselait prenait une odeur de merde. Quand il s'asseyait il sentait le froid suinter dans ses chausses, l'herbe était spongieuse, l'humeur maussade. Trempés comme les armes qui dormaient confortablement dans leurs caisses rembourrées. On se roulait dans des draps souillés pour conserver la chaleur. Pour passer le temps certains racontaient leurs déboires et la mer à boire qu'étaient les intempéries du Reik. D'autres ressassaient quelques souvenirs de la belle cité du marbre, celui qui brillait tout autant dans les fontaines et sous la pluie printanière. Bien trop d'eau au gout de ce ramassis de soiffards et d'ivrognes. Tout le monde était d'accord.

Puis, alors que le déluge n'avait pas cessé, les lumières de la cité sollandaise transpercèrent la bruine et la brume. Pour le bonheur de tous, le pécore et ses cabris allaient débarquer. L'aventurier se décida à dégourdir les pattes de son canasson après ces longs jours de traversée. C'est ainsi que l'un et l'autre se retrouvèrent à patauger dans la glaise épaisse des rues de Pfeildorf. Tenant son compagnon à crin par la longe, il observait d'un œil d'étudiant altdorfer les imposantes bâtisses qui s'entassaient comme autant de moules aux remparts massifs. Des remparts démesurés au vu de la taille des lieux, ce qui aurait réjouit tous les architectes du Sud. Mais en parlant de Sud, c'était un vrai cimetière. Les fenêtres ouvertes donnaient sur de sombres intérieurs comme les orbites d'un crâne géant, de pierre, de torchis et de bois. Ce n'était pas la pluie qui avait fait fuir la vie de ce quartier, cela était bien plus vieux. Comme pour transgresser le religieux silence ponctué du son pluvial, il chantonna, observant les antiques lieux oubliés et proscrits, sentant la froideur de la goutte qui coulait dans son dos.

La comtesse Emmanuelle gémit comme une pucelle
Cette catin des ruelles
Mais par les dieux qu'elle est belle
La comtesse Emmanuelle
A des envies charnelles
Quand on soulève ses dentelles
Entre ses cuisses sensuelles


Tous les impériaux à cet instant pouvaient se demander de quel pays étrange venait un homme qui chantait sous la pluie. Heureusement il n'y avait pas âme qui vivait sur ces balcons vermoulus.

Par tous les dieux la comtesse
A sous sa robe de ces fesses
Rondes et altière, celles d'une rentière.
Oh le giron de la comtesse
Est d'une telle mollesse
Comme de la plume d'oie quand on y pose les doigts...


Le temps passa et il fallait remettre Furpoil dans le navire avant qu'il ne prenne définitivement la couleur de la fange. Une fois ramené au bateau, essuyé les remarques ennuyés des marins qui avaient déjà assez à faire pour remettre en état le Hijo de Manaan pour qu'en plus monsieur refoute de la boue avec son bourrin, notre sempiternel Piero se dirigea à la recherche des compagnons de route qu'il s'était créé. Citoyens d'un monde bien plus au Sud que le Solland, ils s'étaient sans surprise réfugié à l'intérieur du ventre chaud d'une taverne. Même les lieux semblaient quasiment à l'abandon, sans pour autant avoir la tristesse patentée de Wissenburg. C'était autre chose. Quelques habitués, des natifs des lieux vissés à leurs tabourets comme des seigneurs à leurs trônes, regardèrent passer cet hurluberlu dégoulinant de pluie qui alla rejoindre sa troupe de soudards. Sur l'un des piliers de la gargote était accroché un écu de bois, peinturluré, un soleil qui se voulait doré mais qui tenait plus du jaune d’œuf, sur un fond noir. L'écu d'un royaume disparu corps et âme mais pas des cœurs des pauvres hères du coin. Une région qu'il n'aurait vu que sous la flotte avait un soleil comme emblème, douce ironie comme l'Empire les aimait tant.
Il alpagua le patron pour prendre une pinte, et un vieillard grêlé au sourire aussi sincère qu'édenté le servit. Alors, quand vous avez l'espoir, et seul l'espoir, c'était ça votre monde. Les Sollanders n'avaient pas de quoi occuper toutes les chambres d'un bordel sartosien, mais ils étaient là. Comme à l'aube du monde, et jusqu'à sa fin peut-être. Lui par contre...

L'avantage de la boisson, de la pitance, et des cheminées impériales, c'est que ça réchauffait. Le ventre plein, les gorges déployées à chaque rire, les Tiléens racontaient où les avaient mené contractuels et capitaines, des souterrains de Tobaro aux murs d'une ville mineure de Galicée qui s'était révolté. Le fer, l'argent et l'or, les trois métaux cruciaux à la vie de tout homme. L'un faisait de vous un soldat, l'autre un homme prospère, le dernier était chéri comme une femme mais pour l'avoir il fallait prendre le risque de périr par la lame des autres. Brigand, soldat, mercenaire, tant de termes pour ce ramassis de brutes tuant pour que les dernières années de leur survie soient plus confortables que les précédentes. Tout ça pour finir le foie jaune et le cœur percé d'un coup de dague dans une taverne miteuse. Pas de vie après celle menée à l'épée. C'était une idée qu'il se jurait de contredire. Il trouverait mieux lui, pour sûr, pensait-il en terminant sa troisième pinte.
-Allez Pierino, va partager ta belle voix au monde.
D'un pas chancelant, la guitare en main, il allait partager un peu de cet espoir si ténu, cet espoir de Sollander, sous les murailles et les maisons en ruine.

Partis de l'Estalie ou d'ailleurs,
Partis chercher un avenir meilleur...
Les yeux tournés vers le grand océan:
Ils sont partis vers le ponant !


C'était une chanson de port, une chanson de tous ces fous qui se riaient de la mort et faisaient cap vers le Nouveau monde, ses richesses, ses dangers.

Galions du roi ou frégates de corsaires,
Ils ont chanté sur les quais d'Erengrad...
Les yeux tournés vers les îles lointaines
Ils ont quitté l'Aquitaine!
Ils ont esquivé la Norsca, jeté l'ancre à Sartosa.
Dans les colonies de Magritta, ils ont planté du tabac...


Chanter le soleil du blason de Pfeildorf, sous la pluie crasse de l'hiver. Une douce ironie comme Piero les aimait tant.

Qu'ils s'appellent Luis ou Sigismond, ils ont trouvé leur nouveau monde :
Buvant du rhum ou du Cognac pour oublier le corps des femmes...
Partis du nord de Bretonnie ou d'ailleurs,
Partis chercher un avenir meilleur...
Les yeux tournés vers la grande mer :
Ils ont quitté Lyonesse !
Boucaniers du roi ou galions de corsaires,
Ils ont pleuré sur les quais de Marienburg...
Les yeux tournés vers les îles lointaines
Ils ont quitté Salkalten!


Peut être que lui aussi aurait-il dû partir, un avenir incertain dans la moiteur de la Lustrie, à la place il était resté dans un Vieux Monde qui se faisait de plus en plus petit à mesure que les gens de son espèce devenaient l'exception et non plus la norme.

Ils vivaient dans l'incertitude de ceux qui refusent les lois,
Avaient cassé leurs habitudes pour ne plus vivre pour un roi.
Ils ont vaincu les Amazones et barré la route aux Asurs
Pour que leurs enfants soient libres et deviennent des flibustiers...
Partis de Miragliano ou d'ailleurs,
Partis chercher un avenir meilleur...
Les yeux tournés vers d'autres rives:
Ils ont quitté l'Anguille !


L'alcool, la fatigue du voyage, la transe de la musique, son esprit décollait de son corps comme si il pouvait se voir, au dessus des rebords usés de son chapeau à plumes colorées.


Galères du roi ou galions de corsaires,
Ils ont pleuré sur les quais de Myrmidens...
Les yeux tournés vers les îles lointaines
Ils ont quitté le royaume de Louen !
Il fallait beaucoup de folie pour chercher d'autres paradis
Et c'est en bâtissant des villes qu'ils ont supporté l'exil.
Ils ont connu d'autres musiques, les tambours, les maracasses
Qui font bouger les tropiques et oublier le temps qui passe...
Partis de la Norsca ou d'ailleurs,
Partis chercher un avenir meilleur...
Les yeux tournés vers Ulthuan:
Ils ont quitté l'Occident !
Drakkars du jarl ou dragons des mers,
Ils sont partis dès la fin de l'hiver...
Les yeux tournés vers les îles lointaines
Ils ont quitté le vieux monde si blême !


Si il n'avait pas quitté le vieux monde, au moins quittait-il un instant ses problèmes en jouant les dernières notes sur sa mandoline, l’œil brillant par l'alcool.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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[MJ] Le Djinn
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Les clients allaient, les clients venaient. L'après-midi coula tranquillement, dans la chaleur du foyer ardent et des chopes entrechoquées sous de grands rires devant des plaisanteries plus ou moins fines. Emilio en avait une pour la tablée d'ailleurs:

-"C'est à un festival d'Altdorf, plusieurs marchands de différents pays se rassemblent. Le soir même ils vont discuter dans une taverne et ils commandent à boire
Le reiklandais dit: "Patron! Apportez moi un vin impérial, le meilleur vin du monde!"
Le bretonnien dit: "Patron! Apportez moi un vin bretonnien, le vrai le meilleur vin du monde!"
L'estalien dit: "Patron! Apportez moi un vin estalien, l'unique meilleur vin du monde!"
Et le tiléen dit: "Patron! Apportez-moi un lait de chèvre!"
Les trois autres s'étonnent et lui disent: "Mais, tu ne prends pas un vin tiléen?"
Et le tiléen de répondre: "Ben non les gars! Vous ne prenez pas de vin, alors moi non plus!"


Bordée de rires, on trinque encore en se moquant bien des idiots d'estaliens, victimes éternelles des plaisanteries tiléennes. Fernando s'improvise chanteur en piquant sa guitare à Piero, sans grand succès malheureusement: aucune note juste, le ton de la voix un octave trop haut, au point de réveiller tous les chats du quartier. Ses compagnons ne tardent pas à le priver de son instrument et il s'excuse en ces termes:

-"Ah forcément, si vous m'entendez quand j'ai la gorge sèche aussi!"

Quelques sourires, quelques moqueries. La porte de l'auberge s'ouvre d'un coup et une petite figure en sort, suivi par plusieurs plus grandes. Le premier est un paysan, sans doute habitant du cru, qui se tient légèrement courbé. D'un certain âge il paraissait vêtu pauvrement, passe-partout. Très passe-partout.

-"Oui sergent, c'est celui-là avec le chapeau qui a chanté du mal de la Comtesse."

Les tiléens se raidirent et les regards se tournèrent vers Piero. Apparaissant en pleine lumière, le grand homme révéla un uniforme rouge frappé d'un lion blanc tenant un drapeau noir: les couleurs et le blason du Wissenland. Rasé de près, coupe courte avec un béret à plume fièrement vissé sur la tête, des bras et culottes bouffantes, une forme matraque à la ceinture. La qualité de l'équipement était bien supérieure à ce qu'on aurait pu espérer d'une petite ville comme Pfeildorf ou de celui des patrouilleurs rencontrés plus tôt. Alexandro, redevenu courageux après s'être remis de l'affrontement contre les hommes-bêtes, lança en tiléen à Piero:

-"On les retient et toi tu cherches une issue par derrière."

Emilio, un matelot soudard que plus d'un soupçonnait d'avoir été assassin dans une autre vie, relança:

-"Pourquoi on s'emmerde? J'en vois six, on est onze et on a des armes. On a qu'à leur couper la gor..."

-"Silence, étrangers. Vous vous prononcerez en reikspiel. Vous, avec le chapeau, je vous arrête pour offense à la comtesse. Suivez-moi sans faire d'histoires. Et bougez pas les autres, ou je vous balance aux oubliettes avec lui."

Sous la pluie au-dehors une demi-douzaine de slhouettes équipées de lance ou de massues attendaient la suite de événements, quant aux tiléens, en bons rescapés des rues de Trantio qu'ils étaient, ils cherchaient du bout des doigts leurs dagues, poignards et épées courtes. L'alcool chauffait le sang et ravivait les souvenirs, notamment la mémoire que l'espérance de vie d'un garde de la Cité du Marbre n'était pas longue quand celui-ci s'aventurait dans les tavernes...
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Les Irranas, il y a une dizaine d'année
La hache se leva dans l'air brumeux des montagnes, avant de s'abattre sur la souche, fendant en deux la bûche. Le jeune homme aux cheveux noirs essuya la sueur qui perlait sur son front, condensé dans la fraicheur d'une soirée de printemps. Il attrapa ensuite les deux morceaux pour les poser sur la pile de petit bois. À ses côtés, un autre s'affairait à scier des branches. Il s'adressa sans lever la tête à son cadet.
-Ni couronne ni épée.

-Comment ça ?

-Tu dormais lors de mes prêches Pierino ? Fantini sourit avant de poursuivre, N'obéis jamais à la couronne ou à l'épée, aux seigneurs et à la loi qu'ils établissent. L'une est injuste, l'autre est un tyran. Sauf que ceux qui ont choisi d'accepter ces chaînes... Haïssent notre choix de la liberté.

Tout en replaçant une bûche sur la souche, l'ancien trantien torse nue opina du chef. -Ils ont peur d'être libre ?

-Et ils craignent ce dont ils ont peur, cette crainte se change en haine par la suite. Voilà pourquoi les plus déshérités sont capables de nous livrer aux bourreaux comme si cela pouvait contribuer à améliorer leur sort.

-C'est peut être à cause de la prime. Cinquante excelentes pour Pedro, Serena ou toi.

-C'est l'or qu'ils prélèvent avec leurs percepteurs et leurs impôts. Tu sais, mon vieux père disait qu'entre un bandit de grand chemin et un percepteur de taxes, un le fait pour l'intérêt de la société, l'autre pour un roi... Rentrons, nous avons bien assez de bois.

Une taverne de Pfeildord, 2530

C'est la merde, c'est la merde, bon sang c'est la merde. Les gardes en voulaient à son scalp. Pour une chanson, quel pays de timbrés. Il allait falloir la jouer fine avant qu'une corde n'enlace son cou ou que l'auberge se change en champs de bataille poisseux de sang et de bière. Il déglutit, l'impression d'avoir avaler une brique tant sa gorge était sèche et sa poitrine pesait lourd. Ruser, oui, mais ruser comment. Soudoyer ces brutes ? Ils auraient tôt fait de glisser ses maigres économies dans leur bourse qu'ils l'enverraient au trou. Fuir comme le lâche immonde qu'il était ? Certes, mais c'était laisser des frères prendre pour son erreur. Trop de visages dansèrent devant ses yeux noirs pour qu'il puisse l'accepter. À la place il parla doucement en Tiléen à la troupe attablée :
-Ne provoquez pas une esclandre trop tôt, je vais essayer quelque chose, si cela échoue, faites la seule chose pour laquelle les hommes comme nous sont doués...
Il haussa le ton, il fallait convaincre une bande de brutes arrêtées de ne pas l'arrêter. Une idée folle, une idée tiléenne. Scusa me, Signore, non parlo Reikspiel.
Dans son fort intérieur il se liquéfiait de peur.
Jouer l'idiot, l'ignorant, le pauvre bougre de Tiléen mal débarqué de son bateau. Sinon, il ne resterait que la réponse universelle : L'acier.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Test de charisme: 20, échec critique.

Aïe.
A la tentative audacieuse de Piero ne répondit que le scepticisme du sergent. L'homme de loi, visiblement plus expérimenté et perspicace que Piero aurait pu le penser, posa sa main sur ses paupières et les massa doucement tout en poussant un long soupir communicatif, bien qu'inaudible en raison de la pluie battante. En son for intérieur, le sire s'interrogeait sur la manière de réagir à une telle situation de prise pour un jambon d'un représentant de l'ordre. Il répliqua donc à la façon des hommes de son rang.

-"Oh bordel."
Tu as récupéré 30 Pvs depuis le combat contre les HB. Tu es maintenant à 51 Pvs.

Sergent d'arme met un coup de matraque sur Piero:

Sergent attaque: localisation, tête. Votre attaque a réussi (8). La parade de votre adversaire a réussi (2).Vous lui infligez une perte de 26 PV. Il reste 25 Pvs à Piero.

Test contre Coup Assommant: 19, échec.

Piero est assommé.
La matraque vola vers le front de Piero. Malchanceux, celui-ci parvint à dévier quelque peu avec ses bras mais fût tout de même percuté à la tête. Quelques pas en arrière, une immense sensation de vide, de fatigue. Une chute en arrière, les yeux se ferment. Le néant.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


-"Bor... Pour... Fai..."

-"Ava... P... Choi..."

-"Dép... V... Ve..."

Du froid, de l'humidité, partout. Et ce mal de tête insupportable, terrible... Les yeux du tiléen s'ouvrirent vers un ciel nuageux duquel chutaient d'énormes groupes épaisses comme des carreaux d'arbalète. Piero émergea sur le pont trempé du Hijo de Manaan, lequel filait, paresseusement, loin de Pfeildorf qui disparaissait déjà à l'horizon. La pluie s'était intensifiée et une brume s'était levée, pourtant ce n'était pas la météo qui donnait du coeur à l'ouvrage des marins: en l'effet, sur le pont arrière quelques uns des mercenaires trantiens du navire discutaient ferme avec Gustavo. Pour la première fois, le propriétaire du bateau paraissait en colère, furieux même, criant à moitié dans un mélange de reikspiel et d'estalien.

-"Mais vous vous rendez-compte de ce que me dices?! Estás diciendo une connerie pareille?! Qu'est-ce qui garanti qu'on ne sera pas tous pendu la prochaine fois?"

Une voix lui répondit des quatre personnes présentes devant lui, Piero reconnut la voix d'Emilio:

-"Il n'y a pas de témoin, signore, nous nous en sommes assurés. Je connais mon mét... On a fait attention..."

Loin de leur attitude fière et bravache, les tiléens paraissaient tous avoir dégrisé complètement et se tenir comme des garnements pris en faute. C'est dans cette atmosphère que le voyageur se releva, constatant qu'il avait en fait été posé sous une bâche trouée, d'où la pluie au-dessus de lui. Ses armes étaient là, il n'avait rien perdu et l'eau devait avoir lavé la bout de son pantalon. Ce que la pluie n'avait pas effacé, en revanche, c'était le sang qu'il voyait sur les lames d'acier de ses compagnons engueulés par leur patron.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Son regard se changea en moue suppliante et inquiète en voyant que son subterfuge ne fonctionnait pas. Pour sûr, ces foutus tiléens, ils ont ruiné la Tilée, avaient déjà dû faire assez d'esclandre pour rendre alerte la maréchaussée locale aux tactiques de la gent à moustache. Et tout ça pour une chanson. Une chanson. Pays de fous.
Alors qu'il s'apprêtait à s'expliquer, se répandre en excuses aux genoux du bourru bourrin, ce dernier empoigna son gourdin. Levant les bras, le regard en panique, sa bouche s'ouvrit pour crier de panique. Mais il ne dit rien. La masse avait volé. Percuté le lobe frontal. Il ne sentait rien sur l'instant, mais ses jambes commencèrent à se dérober. Puis la douleur arriva au galop comme une salve de pistoliers. Une douleur brûlante, aigüe. Ses yeux se révulsèrent. Il percuta le sol.

Il avait mal...Si mal.

Le soleil passait au travers des trouées du toit de chaume, soulevant dans ses rayons la danse infinie de la poussière de paille. Cette vieille grange, oubliée par les hommes, quelque part dans l'hasardeux labyrinthe de cols, de défilées et de sentiers dérobés qui menait des royaumes Estaliens à la Principauté de Tobaro, accueillait dans sa paille racornie les ébats d'un couple singulier. Lové l'un contre l'autre, la jouvencelle avait posé sa tête sertie d'une belle couronne de boucles châtains sur le torse velu d'un hidalgo, qui, s'y il n'était le plus grand ou le plus fort de son clan de brigands, de coupe-jarrets et d'hommes libres, contrebalançait avec un charme certains. Ils étaient jeunes, insouciants, comblés. Deux amants qui ne voulaient penser à l'adversité du futur ou aux traumatismes passés. Elle et lui, lui et elle. Pourtant, quand il se redressa, chassant de ses cheveux noirs des brins de paille en souriant, elle afficha une mine boudeuse, comme si quelque chose lui pesait sur sa poitrine à nue.
-Piero ?
-Qui y a-t-il ? Demanda son partenaire en caressant ses boucles ?
-Qu'est ce que tu voudrais faire... Après ?
-Bouffer un bout j'en sais rien. Le ragout doit avoir fini de cuire au camp.
Elle réprima un rire avant de demander, sérieuse : -Je parle de nous Piero, de notre futur. Ce que l'on fera de nos vies.
-Bah... Bandits. Faut dire qu'on fait que ça depuis un moment. Bientôt neuf ans... Bien conservé ton Piero.
Se massant les paupières elle ajouta, d'un ton blasé -Mais enfin Piero. On ne peut pas vivre d'amour, d'eau fraiche et en détroussant des marchands. La bande ne tiendra plus longtemps. Et il faudra avoir un plan. Décider de comment passer les années qu'il nous reste.
-Tu dis ça mais, regarde... On n'a toujours fait que ça. C'est notre vie à nous. Tu te vois devenir fermière, que je coupe du bois pour alimenter le feu l'hiver, que tu tricotes des chausses à nos mômes ? T'as fuis Luccini et ta cage dorée car tu voulais être libre. On ne retourne pas en arrière Hélène. On ne se range pas après avoir décidé de quitter la loi.
-Tu rabâches encore les paroles de Fantini ? Il devient vieux, et aigri depuis la mort de Serena. Il a décidé de foncer vers l'abime et toi tu veux l'accompagner !
Piero se leva d'un bond, les traits tirés par la colère, il cria : -C'est faux ! Faux, faux et faux ! Il est comme un père pour nous, il nous a élevé. Il nous a guidé. Et tu parles de lui comme un... Rah ! Il donna un coup de pied dans un ballot de foin, soulevant un nuage de brins jaunis.
-Moi j'ai eu un père Piero. Il n'est pas le tien. Tu bois juste ses paroles car il t'as accordé assez d'attention pour te donner l'illusion d'être quelqu'un. Mais c'est un manipulateur, un vieux fou avec des idées et des jeunes encore plus fous pour y croire ! Comme toi ! Comme Tonio, Fabrizzio ou Ronaldo ! Il a perdu son frère je te rappelle ! Je ne veux pas te perdre toi car tu t'accroches à un rêve qui n'est pas le tien. Piero...

Mais il était déjà parti, fulminant de colère et de chagrin, ses idéaux confrontés à ses sentiments. Devant choisir entre un faux-père et ses chimères, et une Chimène. Et il avait mal... Si mal.

Dans les bras d'un passé bien lointain, il émergeait péniblement pour rencontrer un présent bien trop proche. Son front lui faisait une douleur de chien. Il était à même le sol, froid, trempé. L'avait-on jeté dans un cul-de-basse-fosse en attendant de le pendre ? Ou bien était-ce le fond de la fosse commune où on l'avait précipité. Peste, il avait mal. Mais il entendait des voix. Tiléennes, estaliennes. Que ce passait-il ? Il pleuvait dans tous les cas. Son sol roulait et tanguait. Soit le traumatisme l'avait heurté au point d'en perdre l'équilibre, soit il était sur le bateau. Ça devait être le bateau. Ses orteils se tortillèrent. Il avait encore ses bottes. Grâce, louée soit la Virginale guerrière. Mourir sans bottes c'était déshonorant.

Tout son être avait envie de se répandre sur le pont du Hijo de Manann en passant par sa bouche pâteuse et engourdie. Gustavo... C'était Gustavo l'impressionnante figure, le ventre en barrique. Il criait. Sur les Tiléens, sur les Trantiens. Quelque chose de dramatique s'était passé. Et c'était sa faute, c'était pour une chanson.

Péniblement, il rampa, la tête nue, le corps en vrac. Jusqu'au bastingage. Et là, la gueule fixant les eaux grises du Reik, il gerba. Trente années de bile, de la bière, du vin rouge épais et le repas du midi. Tout y passa. Même le dernier des montagnards, en posant le pied sur un galion traversant l'océan pour la Lustrie avait un meilleur pied marin que lui sur cet instant maudit. Une fois la gorge en feu, la bouche souillée, ce fut les larmes qui coulèrent. Il ne voulait pas savoir, la honte, la culpabilité, le remord. Tout lui tordait le ventre comme un coup de sabre qu'on aurait incliné d'un quart de tour pour mieux déchirer ses boyaux. Une vie de malfrat, une renaissance dans le sang et la gerbe. Tout recommençait. Y avait-il une rédemption ? Il n'arrivait pas à l'obtenir dans ce cas-là. Une fois son forfait accompli, il se retourna et laisser glisser son dos contre le bois du navire. Attendant piteusement sous la pluie pour éviter d'encore une fois provoquer une catastrophe avec sa grande gueule. Un peu de répit. Juste un peu de répit. Avant de devoir assumer ses actes et ses décisions devant les Hommes et les Dieux.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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