[Piero] Partir, c'est mourir un peu

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Dès sa fondation par le dieu guerrier Sigmar, l'Empire a dû faire face aux invasions et aux guerres civiles. depuis plus de deux mille cinq cents ans, il survit néanmoins aux périodes de trouble et aux batailles grâce à la bravoure et à la discipline de ses armées

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[MJ] Le Djinn
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Au sein du Hijo de Manaan, quelque chose s'était brisé. Dans l'air, dans l'atmosphère, une tension électrique parcourait le bois et les voiles, les chairs et les os. Les tiléens parlaient moins et les matelots s'en tenaient à distance; Gustavo passait bien davantage de temps dans sa cabine qu'à l'accoutumée et ce malgré la fin des pluies battantes remplacées par un soleil d'hiver. Même Dalien, si c'était possible, affichait une mine plus sombre que d'ordinaire. Parmi les fils du Sud, personne ne parlait des événements de Pfeildorf, personne. Seuls des regards suspicieux, mêlés de crainte, jetés en direction d'Emilio, d'Augusto et d'Arturio témoignaient du terrible combat qui avait dû avoir lieu et de l'atrocité des actes commis. Il en fallait beaucoup pour impressionner un trantien élevé dans la crasse des rues pavées de poussière de marbre. Autre fait marquant: Martedes, un garde avec lequel Piero n'avait pas eu l'occasion de parler, était manquant à l'appel et plusieurs des hommes du Sud portaient des hématomes et des plaies plus ou moins profondes. Ils restèrent muets sur le sujet comme sur le reste.

L'ambiance ne s'améliora pas durant la semaine qui suivie. Quelques arrêts forcés pour faire le plein de vivres apprirent à l'équipage que l'écho des événements se répandait à peu près à leur vitesse, car des boutiquiers de gros bourgs parlaient vaguement d'un "problème" dans l'ancienne capitale du Suddenland, mais sans pouvoir détailler explicitement ce qui s'était passé. La rumeur finirait pourtant par se préciser et au moment de lever l'ancre Gustavo levait toujours les yeux vers le Nord, anxieux. Heureusement, d'après Fernando, on arrivait à la dernière partie véritablement civilisée du Wissenland. Passé une journée de voyage encore la région serait tout simplement abandonnée sur cette partie du Reik. Bien sûr on trouverait encore quelques hameaux, notamment des pêcheurs et des paysans produisant du vin de basse qualité, mais il n'y aurait plus aucune force officielle d'importance. Cette pensée paraissait le soulager.
Trois autres journées s'écoulèrent dans l'ennui le plus absolu. Finies les chansons joyeuses sur le pont, terminées les parties de dés endiablées où on riait trop fort. Juste le silence et une fatigue qui ne partait pas des épaules. En milieu d'après-midi du septième jour depuis le départ de Pfeildorf, cependant, sur un Reik large et puissant, la vigie annonça:


-"Navire en vue! Il a l'air... Puissamment armé!"

En effet, à deux cent mètres environ une puissante barque "à la marienburgeoise" approchait en sens inverse, voiles grandes dressées car le vent allait du Sud vers le Nord. Sa particularité première, que n'importe qui remarquait, étaient les canons de petite taille répartis de part et d'autre sur le pont, pointant avec un air menaçant les berges. Ensuite le nombre de l'équipage: si une petite quinzaine de gardes pour le Hijo était un bon chiffre, là, sur un navire de taille pourtant proche même si un peu supérieure, on dénombrait une trentaine de combattants en plus des marins qui agrippèrent arcs, arbalètes et fusils. Autre sujet d'étonnement: les habits de ces gaillards! Loin de la mode impérial, les soldats affichaient des armures en fourrure très couvrantes, des bonnets colorés, des couleurs variées mais souvent ternes en ton que celles des impériaux ou des bretonniens. Quasiment tous portaient la barbe ou la moustache, dans des variations allant du roux au blond avec quelques teintes de noir. Une fois à cinquante mètres de distance, le bateau à la petite armée s'arrêta et un drapeau se hissa sur son mât principal, signifiant dans le langage maritime que le capitaine souhaitait une entrevue. Sans trop d'hésitation, Gustavo accepta, bien trop conscient de la différence dans le rapport de force. Une fois l'ancre levée et une passerelle de planche passée, un homme en tenue rouge et blanche de grande qualité s'avança sur le bateau dont le nom était, en reikspiel "La Mélopée d'Ursun". Il annonça avec un accent étonnant qui rappelait à Piero le Middenland:

-"Ma maîtresse, la duchesse Ludizinia Anna Promovski de Praag, comtesse de Vadalvich et grande-princesse honoraire de Marienburg, souhaiterait passer le temps en écoutant vos récits de voyages. Elle serait fort satisfaite si vous acceptiez de monter à bord pour prendre le thé."

Gustavo, en bon estalien, parut peser le pour et le contre concernant le retard que cette collation engendrerait. La face patibulaire des guerriers kislévites le convainquit rapidement qu'un seul choix était le bon. Il s'engagea sur le pont seul et rapidement le secrétaire fit signe à Piero qui était juste derrière lui ainsi qu'à Dalien qui paraissait le mieux habillé de tous d'y aller également. C'est donc médusés que les membres du Hijo observèrent ce trio improbable traverser la foule des moustaches hargneuses aux longues épées courbées pour rejoindre la cabine du capitaine.
Le lieu était d'un luxe exotique comme aucun de ces trois hommes n'en avait vu auparavant. Le bois de plancher était différent de celui du navire: plus souple sous les pieds et plus beaux dans ses teintes d'un brun sombre, rappelant les forêts du Nord. Une agréable odeur de pin et de résine fraîche s'en dégageait et on aurait pu l'humer juste pour le plaisir de la chose. Un grand lit à baldaquin trônait dans un coin de la pièce, recouvert d'une literie de soie rouge, or et argent recouverte d'une épaisse fourrure d'ours blanc entourée de quatre piliers spiralés taillés dans une essence typique de Kislev. Les murs étaient recouverts d'un papier peint délicat de couleur jaune aux motifs de fleurs travaillés où des plantes aux multiples teintes s'entrelaçaient, dans une composition sublime sans doute réalisée par un maître-artisan. Au plafond et accrochées aux murs, des lanterne en fer dégageaient une douce lumière suffisante pour y voir sans pour autant emplir la chambre d'une fumée âcre. Enfin, si on passait l'immense armoire nordlandaise qui contenait sans doute pêle-mêle service à vaisselle et la garde-robe de la duchesse on arrivait à l'opposé du lit sur une espèce de petit salon improvisé. Une jolie table de petite taille, simple, sur laquelle trônait une belle théière de céramique blanche entourée de bleu aux bordures et quatre petites tasses faisant partie du même service. Autour de la table quatre chaises possédant chacun un lourd coussin vert et jaune moelleux dans lequel on s'enfonçait presque.

Deux dames attendaient, une debout, servante en simple robe de lin teintée de rouge et aux cheveux blonds coupés courts qui affichait un air parfaitement neutre en regardant le mur droit devant elle et, assise sur une chaise, une belle femme d'un certain âge à la tenue élaborée, très recherché dans ses tons rouge et or, pourtant sur ses épaules un lourd manteau de fourrure assorti, parée de bijoux et au maintien impeccable. Une large couronne dorée cernait sa tête, relevant ses yeux noirs très finement maquillés.



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Quand ils entrèrent, la noble femme leur offrit un sourire sincère et les invita à s'asseoir. Elle parlait avec un accent sauvage du Nord lointain, roulant les "r" sans vergogne.

-"Bienvenue sur mon navire, mes amis. Si vous saviez comme je suis heureuse que vous ayez accepté mon invitation! Je suis la duchesse Ludizinia Anna Promovski, mais vous pouvez m'appelez "Votre Grâce". Oh, comme je pouvais m'ennuyer avant votre arrivée! Je reviens tout juste de Tilée et le voyage commençait à être long! Ivanka? Hалей им чаю."

La bonne s'inclina et versa un peu du liquide contenu dans la théière à chacun. C'était un thé parfumé, aux arômes de sapin, de miel, de bergamote ainsi que de pomme! Une véritable merveille, même pour les gorges éreintées par des années d'alcoolisme. Evidemment, la politesse indiquait qu'elle devait boire d'abord puis que chacun suivrait à son rythme, ce qui manqua de ne pas se faire quand Félix partit pour boire en premier. Le regard noir d'Ivanka lui fit comprendre que non. Gustavo se lança alors:

-"En Tilée, Votre Grâce? C'est bien loin du Kislev! Nous permettrez-vous de savoir pourquoi vous y voyagiez?"

Instinct commercial en marche ou pure politesse? En tout cas, malgré son accent chantant, Gustavo maîtrisait parfaitement le beau langage de l'Empire.

-"Mon mari le duc Dimitri Vadim Promovski a vaillamment défendu Praag il y a cinq ans et y a laissé sa vie. Après une période de deuil j'ai mis à profit mon veuvage et la fortune qu'il m'a laissé pour m'engager dans un tour du Vieux Monde. J'arrive à la fin mais je me passionne toujours pour les histoires qu'on raconte sur notre continent..."

Elle embrassa du regard l'assemblée, se tournant finalement vers Piero.

-"Vous, messire, vous avez le visage d'un homme auquel Ulric a donné mille vies. Pouvez-vous m'en compter quelques unes?"

Ses yeux pétillaient d'intérêt et elle n'était pas mesquine en proposant au tiléen de raconter des aventures et des histoires. Encore faudrait-il trouver de bons souvenirs...
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Piero Orsone
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Plus rien ne fut comme avant. Les évènements de Pfeildorf avait provoqué un tremblement dans le microcosme sociétal qu'était le navire et son équipage plus important que la rébellion des Sollanders n'en aurait pour l'empire. Quasiment une semaine impériale tout entière où l'ambiance à bord était plus morose qu'une journée pluvieuse en Ostermark. Il n'osait plus regarder en face ceux qui avaient fait couler le sang pour éviter que le sien ne refroidisse à l'ombre d'un gibet.
Il parlait encore avec Fernando une fois les repas finis tandis que l'ère des chansons et des parties de dés s'était achevée froidement. Et puis il ne pouvait que tressaillir en entendant les marchands et les maquignons discutailler de ce qui avait troublé le petit monde morne de l'ancienne province du Solland. Un soleil bien gris derrière les nuages, un soleil bien gris au dessus de sa tête trop sombre.

Il regardait les eaux troubles du fleuve, se demandant combien de marins, combien de capitaines étaient partis joyeux pour des courses lointaines, et s'étaient évanouis dans ce morne horizon. Combien avaient disparu, dure et triste fortune dans ce fleuve sans fond, par une nuit sans lune, sous l'aveugle limon à jamais enfouis. Et la vigie signala un navire approchant à leur rencontre. Levant chef en direction de la barque, son maigre vocabulaire maritime ne lui permit que de constater que c'était un très gros bateau. Les batteries sur ses flancs et l'équipage patibulaire mais presque lui firent se soucier de leurs intentions avant qu'un drapeau ne soit hissé sur leur mat. Regard rapide en direction de Fernando. Une entrevue. Certes mais... Mais c'était des Kislevites. Par toutes les bottines fourrées de Praag. On ne les trouvait pourtant pas sous le sabot d'un cheval ces gaillards-là. Plutôt sous les pattes d'un ours.
Et là ce gaillard endimanché aux atours rouge et blanc vint proposer à Don Gustavo qui avait perdu de son sourire avec les complications récentes de monter prendre le thé. Le thé. Était-on en Inja pour s'entêter ainsi à prendre le thé ?

Mais il ne s'arrêta pas qu'au Capitaine, désignant aussi le p'tiot. Ainsi que lui. Piero leva ses sourcils, surpris. Après tout si ce n'était le chapeau et la cape flamboyante, qu'avait-il de si remarquable au milieu de ses pairs. Il quitta alors les familières bacchantes noires et les épées courtes pour s'aventurer sur le pont d'un navire plein à craquer de brutes à moustaches cirées blondes, rousses ou effilées, porteur de lames courbes. La duchesse Ludizinia Anna Promovski de Praag, comtesse de Vadalvich et grande-princesse honoraire de Marienburg, je vois que j'ai encore affaire à du grand nom et à du beau monde. Voyons voir si la Dame est à hauteur de ses titres.

Déjà la cabine était plus belle que les trois quarts des chambres dans laquelle il avait déjà créché. Il avait connu moult boudoirs de reines ou de bourgeoises, des salons de riches marchands, les comptoirs de mille milliers de tavernes et le confort sommaire des granges et des étables en ruine, mais ce bois sombre du nord, ces motifs harmonieux, le mobilier... Sans le roulis paisible du navire sous son pied, il aurait pu se croire niché dans le palais d'hiver de la Tsarine. Et en parlant de sang bleu, la Duchesse était plus qu'à la hauteur de ses titres, elle était royale. De sa couronne aux fourrures sur ses épaules, elle était de ces gens qui vous faisaient vous interrompre par un simple geste. Tout en restant statique et imperturbable elle dégageait autant de grâce que la cabine dégageait en senteur d'ambre. Il la salua par une révérence sincère apprise à force d'errer de cour princière en hall de Jarl avant de prendre place sur un fauteuil aussi confortable que cent bottes de paille.


-"Bienvenue sur mon navire, mes amis. Si vous saviez comme je suis heureuse que vous ayez accepté mon invitation! Je suis la duchesse Ludizinia Anna Promovski, mais vous pouvez m'appelez "Votre Grâce". Oh, comme je pouvais m'ennuyer avant votre arrivée! Je reviens tout juste de Tilée et le voyage commençait à être long! Ivanka? Hалей им чаю."

Il avait déjà vécu cette situation, alors certes pas avec la Duchesse de Praag, mais il avait été la distraction de tant de gens. Un amuseur public aux habits flamboyants, incarnation de chair des marionnettes de théâtre de rue, oiseau des iles sur l'épaule d'un vieux loup de mer. Singe savant et comédien triste aux atours brillants mais qui prenaient lentement la poussière, déteignant au soleil comme un portrait d'un aïeul que l'on a laissé sur un mur depuis si longtemps que son nom vous échappe. Portant à ses lèvres le thé fumant, laissant couler dans sa gorge tordue le breuvage aromatisé, parfumé, portant en lui autant d'essences qu'une forêt des Injas et du Kislev, l'aventurier écouta les paroles de la noble praagienne. Ainsi était-elle veuve, décidée à oublier cette peine en parcourant les étendues du vieux monde. Au final ils étaient deux à fuir leur vie, seulement elle avait l'argent pour voyager sans craindre le premier détrousseur venu. Et elle était ivre d'histoires comme il était ivre du vin, des filles et de l'or.
Et leurs iris noires se croisèrent, un face-à-face d'onyx et de jais. Pouvait-il apaiser la soif de la Duchesse ? Du moins essayerait-il. Reposant la tasse de porcelaine émaillée dans sa soucoupe, il replaça son couvre-chef d'un mouvement d'épaule. Sa voix serait étranglée au départ, s'éclaircissant comme le beurre chauffant à mesure que son feu interne repartirait des braises couvant dans sa poitrine.
-Oh vôtre grâce, vous m'attribuez plus de vies que je n'en ai vécu hélas. Mais je peux vous parler de celles-ci. J'ai vu tant de choses que vous ne pourriez imaginer... Des navires de guerre en feu surgissant de la Baie de Magritta, des bûchers dressés par les exaltés au sommet des tours de Miragliano. Des aurores boréales teintées par les vents de magie dans les aiguilles enneigées de la Norsca. Tous ces moments se perdront dans le temps... comme... les larmes dans la pluie. Mais c'est pour cela que nous les conteurs sommes apparus. Pour que la mémoire d'un homme ne soit pas l'unique réceptacle de tant de vies. Pour offrir un peu de nous même à ces foules qui se pressent, empereurs comme mendiants qui nous écoutent d'une seule oreille.

Il déposa délicatement le thé dans les serviables mains d'Ivcanka et poursuivit avec toute la gestuelle nécessaire pour imprégner dans l'esprit des quelques convives la véracité de ses récits.

-J'ai grandi entre les soldats et les courtisanes de la Cité du Marbre, où l'on vit à l'ombre des carrières aux tons albâtres et des murailles qu'érigèrent les antiques elfes avant de se retirer de notre continent. J'ai écouté les conseils d'artisans nains descendu de leurs immémoriaux karaks pour enseigner à notre race grossière comment modeler la pierre et le métal pour en faire des choses éternelles. J'ai appris à aimer, votre grâce, des femmes de mauvaise vie qui ne voulaient que mon bien tandis qu'une arrogance masculine me poussait à fuir le ventre chaud et maternel de ma cité pour me lancer sur des chemins de perdition et de délivrance. Toutes ces années j'ai voulu serrer entre mes bras tatoués une amante insaisissable. La Liberté. Je la poursuis et elle m'échappe comme une jouvencelle riant de mes malheurs, mais au creux de la nuit elle vient me caresser la joue et m'encourage à continuer. Il se redressa, sans sombrer dans le théâtrale il avait désormais l'allure d'un de ces illuminés qui clamait leur démagogie sur les places aux huiles d'Estalie. J'ai suivi les préceptes d'un père d'adoption, rompant avec la société qui me faisait peur et qui ne voyait en moi qu'un бастард comme vous dites en Kislevarin. Avec ces hommes et ces femmes pour m'éduquer, j'apprenais à défaut de l'étiquette les codes de la musique, de la vie, du théâtre et du combat au sabre comme au pistolet. Mais rien ne peut durer. Et j'ai succombé à l'appel de l'amour. Mon cœur saigne lorsque vous évoquer feu votre époux, vôtre grâce, le mien saigne en repensant à celle qui partagea mon errance de pâtre trantien durant de brèves mais belles années.

Sa main noueuse se posa sur le papier peint, les renoncules et les primevères représentées à la perfection, mais si il renifla sur l'instant, ce n'était pas pour humer leur parfum imaginaire.

-Seul après tout cela, muni de mon opiniâtreté et des enseignements de mes pairs, je partis en quête de mon père dans les royaumes d'Estalie, mais là bas je n'allais rencontrer que la Guerre, celle qui ôte la vie à tant d'entre eux. L'Estalie, terre de rois, de marins et d'honorables soldats que l'arrêt de la solde peut changer en aventurier comme en bandit. J'y fit la rencontre de bien des plus grands noms de notre temps. De la Duchesse de Los Cabos qui m'offrit lame et noblesse pour avoir pourfendu le monstre aviaire qui tourmentait ses terres à Don Hernandez, qui, revenant de Lustrie avec des galions chargés d'or, abandonna titres, terres, duché et richesses pour se consacrer à Shallya dans un temple de Bilbali.

Retournant à sa place, une tasse de thé fraîchement servie il poursuivit avec un regard oscillant entre Dalien, Gustavo, Ivanka, La Duchesse et quelques invisibles convives que le passé faisait remonter à lui.
-J'ai mangé avec des princes et des indigents, j'ai trinqué mon verre avec des soldats qui n'aimaient pas la guerre, avec des idéologues ou des poètes, des paysans et des marchands qui avaient fait le long périple vers l'Orient lointain, ses merveilles et ses dangers. J'ai côtoyé tour à tour les capitaines sartosiens qui avaient accompli la traversée des océans, joignant nouveau monde et ancien par des voies qu'aucune carte n'illustre ; et des montagnards qui n'étaient jamais allés à plus de dix lieues de leur bergerie. J'ai connu des traitres, des lâches, des fourbes mais aussi des héros. J'ai rencontré l'Illustre Albertalli, qui avec ses légions de francs-tireurs lucciniens avait héroïquement bravé la menace du nord sur vos terres, vôtre grâce. À Krasicyno, à Mazhorod et enfin à Urszebya. Selon le récit de tous les braves qui affichaient comme une médaille les blessures reçues là-bas, les Kislévites, les Impériaux et les Tiléens y combattirent flancs contre flancs, en frères d'armes face aux légions des Kurgans et aux démons des enfers. C'est un seul sang qui coula sur l'Oblast. Le sang des hommes voués à rester libre face à la ruine.

Il souffla sur l'infusion brûlante, déployant de petites volutes de fumée à l'ombre de sa moustache. -Et maintenant, vôtre grâce, permettez moi, après ces quelques vies contées, de donner les circonstances curieuses de ma présence auprès de l'Honorable Gustavo de La Santa Felicia, du jeune Herr Dalien Tatverter et de tout cet équipage de braves et de marins endurcis au beau milieu du Reik. Il y a un an tout au plus, même si cela me parait remonter à une existence entière, je suis parti des contreforts méridionaux où l'on prie Myrmidia pour le Nord, la Contrée de l'Hiver, des duchesses et d'Ursun. Moi, Piero, simple aventurier, âme errante, le vent devait me porter au Kislev pour faire face à ces hordes égarées depuis la grande guerre. Porter sur mes épaules une part du fardeau de votre peuple. Mais la Traversée de l'Empire fut âpre, y laissant richesse, âne, espoir. Mes pas me menèrent à une terre dont le nom résonne désormais à mes oreilles comme un remord à celles d'un condamné. Le Nordland. Il y avait un modeste hameau, Beeckerhoven. Un village parmi tant d'autres, seulement. Par un caractère aussi exubérant qu'on en attendrait d'un Tiléen, mi diestro mi musicien, je me retrouvais affublé d'une dette à l'encontre du village. Affronter les Hommes-bêtes, le fléau des forêts du Vieux Monde. Mais je ne devais pas accomplir cet acte expiatoire seul...
Sa gorge se noua. Il fixa un temps le plancher de pins sombres comme si leur odeur et leur aspect lui rappelaient les étendues hivernales qu'il avait laissé il y a deux mois.
-Mes compagnons d'infortune étaient Karl Lulz, soldat de l'Empire qui avait vu passé bien trop peu d'hiver au vu de l'immensité de son courage, Boerich Wiehler, trappeur du nord, et surtout. Surtout. Une femme comme nos pauvres vies d'hommes ne peuvent contempler la détermination qu'une fois. Morwen Nidariel, fille d'Athel Loren et de Laurelorn. Une Elfe. Nous affrontâmes les hardes contre-nature malgré l'hiver et la peur qui saisissait nos corps. Karl tomba au champs d'honneur comme tous les valeureux qui un jour se sont battus pour leur foyer et les leurs. Nous n'étions qu'un poing brandie dans la pénombre des bois. Mais ce poing devait s'abattre sur nos ennemis, tel était le juste combat. Nous rencontrâmes par la suite Ludwig, dévoué protecteur, ainsi que de Fulgrad, un prêtre d'Ulric qui portait dans son sang et son esprit les qualités et les vertus du grand loup de l'hiver. Le combat des Hommes et des Elfes contre les Engeances de la Ruine se poursuivit... Jusqu'au moment fatidique... Une larme alla se perdre dans le sillon qui creusait la joue de l'aventurier, témoignage des combats passés et à venir. -Où ils attaquèrent en nombre Odafen, notre précaire camp d'opération, une ferme fortifiée à l'ombre des grands arbres impassibles. Et ils nous débordèrent. Je n'étais qu'un homme, ils étaient des guerriers, elle était la fureur de dieux aux noms obscurs à nos simples esprits humains. Mais nos dieux à nous ont un curieux sens des priorités. Et j'émergeais des bois, seul. Sans rien si ce n'était cette peur instinctive et crasse qui se loge en nous, celle qui nous force à rester en vie face à tout ce qui accable le Continent. Et j'ai écouté cette peur. Sans objectif j'ai marché jusqu'à atteindre la cité des Loups. Et de là je décidai de rentrer en Tilée. Ce que je ferai du reste de ma vie après cela ? Je ne sais, le monde est grand et tant reste à découvrir. Mais en attendant j'entrepris d'emprunter le chemin du Sud tandis que votre navire a entrepris celui du Nord. Descendant l'Empire, voyant tour à tour cité des empereurs ou simple auberge de long chemin, mercenaires et marchands, je me retrouve ici. J'ai fait face à des géants, des bandits, aux esprits tourmentés tandis que l'on amorçait cette nouvelle décennie, à la crainte de périr en vain. Mais désormais, vôtre grâce je sais une chose. Si je n'ai pas encore vécu mille vies, j'attendrai ce chiffre fatidique. Moi Piero Orsone da Trantio. Aventurier, âme voyageuse et assagie. J'espère que ces diatribes tiléennes ont comblé votre curiosité.

Soulevant le petit doigt, il porta sa tasse à la bouche. Ce thé était vraiment délicieux.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Ce RP est réservé aux plus de 18 ans et aux dégénérés comme ceux qui ont voté "Oui" à ce défi stupide. Vous voilà prévenu.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

 ! Message de : Piero Orsone Salvadore Manicha Enrico de Riviera di Cruz da Trantio
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Des étoiles pleins le ciel crépusculaire venant plonger dans ses iris noires, il s'accouda au bastingage, observant s'éloigner la Mélopée d'Ursun. Son bras encore lancinant, Fernando le rejoignit. Demandant pourquoi il avait tant tardé après le patron et le gosse. Et c'est en repensant à ces quelques baisers sur ses joues brunies et à ce beau minois qui s'évanouit déjà qu'il répondit, laconique.
-Tu sais Fernando, ce qui se passe sur le Reik doit rester sur le Reik.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Depuis quelques jours le Reik s'était rétréci, sa large surface réduite à peau de chagrin, à peine suffisante pour laisser flotter tranquillement le Hijo de Manaan et forçant parfois l'équipage à s'aider de perches pour dégager les déchets naturels bouchant le passage. L'ambiance ne s'était pas vraiment améliorées durant le laps de temps suivant les péripéties de Piero et de la belle kislévite à l'ours velu. On se regardait encore avec les sourcils froncés, la main sur le sabre et des sous-entendus dans la voix. Les intempéries, la pluie et le travail se révélèrent finalement une chance: rien de mieux pour retisser des liens briser et oublier les misères de la vie qu'un bon travail long, difficile, répétitif et éreintant!

Bon gré, mal gré, en une semaine l'embarcation était parvenue à descendre jusqu'à Trulben, sympathique bourgade située sur ce qui était désormais la Rivière Söll et complètement minable à part son port de pêche plus grand que la moyenne. Il était plus que temps de s'arrêter, les vivres arrivaient très bas et dans moins de deux jours ils se seraient retrouvés à manger des algues. Evidemment, Gustavo lui ne voulait pas faire d'achats, craignant que les actes causés par ses gardes ne le rattrapent... Mais qui pourrait donc venir l'ennuyer dans ce trou perdu? Il avait peut-être plus de mercenaires que ce patelin n'avait de gardes!


-"Bon les petits gars, la nuit tombe, on va passer la nuit ici. Vous restez dans le navire, pas de blague hein! Je vais nous faire monter du vin."

Car oui le WIssenland en produisait, du vin. Du pas mauvais même, selon ce que Piero et ses compagnons avaient pu goûter durant le voyage. Fernando, qui montait la garde, siffla en voyant grimper à bord quelques tonneaux de boisson, prêts à percer, échangés contre quelques pièces d'or sonnantes et trébuchantes. Nul doute que le capitaine, bien que se méfiant de l'alcool en grande quantité, connaissait son effet merveilleux sur le moral des troupes. En voyageur affirmé, il acheta aussi de la viande salée, fumée, des biscuits de blé et quelques racines d'hiver, les rares qu'on pouvait trouver en ce milieu de saison. Pour tout dire, ce n'était pas très bon: la nourriture était si dure qu'il fallait la casser au talon et la laisser longtemps en bouche avant de pouvoir l'avaler, pour l'amollir.
Quelque chose surpris les gardes et Piero, sur la berge. Des groupes de jeunes gens, sans doute des locaux du village, semblaient très intéressés par le bateau, le regardant sous tous les angles et discutant entre eux dans un jargon local incompréhensible. Ils finirent par s'éloigner quand la nuit noire tomba, que chacun mangea en silence tout en éclusant de belles gorgées de vinasse qui ne brûlait qu'à peine la gorge. Chacun s'endormit alors du sommeil du juste.

Test de perception (-3, tu dors): 3, réussite.

Test de dextérité: 19, échec.
Un bruit.

Un autre bruit.

Le bruit d'un ronflement puis de quelqu'un qui marche.

Une présence, là, tout près.

Encore ensommeillé, le trantien ouvrit les yeux dans le noir quasi-absolu où brillait seulement la lumière lointaine des torches du pont et la lueur des deux lunes. Au-dessus de lui, dans la pénombre, il observa une forme de taille incertaine, trop grande pour un adolescent, trop petite pour un homme fait. La silhouette, penchée sur son sac, était en train de voler ses affaires, s'étant déjà emparé de son pistolet!
Réagissant rapidement, Piero tenta d'attraper le brigand, mais la fatigue le rattrapa et il manqua de s'étaler de tout son long sur le sol. Il va sans dire que la canaille s'en aperçut et, prenant peur, s'enfuit avec son pistolet et sa bourse! Il était en train de franchir l'escalier qui menait au pont, si Piero voulait agir il devait le faire très vite!
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Piero Orsone
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Mort sur le Reik, ennui sur la Söll. Les meurtrissures engendrées à Pfeildorf ne s'étaient pas refermées. C'était un équipage tendu, nerveux, cassé, qui faisait opérer le navire. Le Tiléen se concentrait sur le boulot qu'on lui donnait. Au moins l'on trompait l'ennui en trempant sa perche. Dégager branches, vase, rochers. Et avancer. Jusqu'au bout de l'Empire. Et rentrer. Rentrer en Tilée.

On vivotait. Piero discutait avec ceux des Trantiens qui étaient les plus avenants, on échangeait des nouvelles avec Fernando. Qui dirigeait quelle ville, quelle ville était en guerre avec quelle autre. Lucrezzia Belladonna avait-elle toujours le plus beau cul de Tilée vissé au trône pavonien ? Bref, les banalités. Et les jours s'effilèrent doucement.
La nourriture venant à manquer le navire fit escale à un hameau si désolant et désolé que le navire de la Duchesse devait tenir plus d'âmes qui vivent en son sein. C'était accoudé au bastingage qu'il regardait les tractations entre commerçant et villageois pour remplir les cales du navire de vivres de qualité potable. Il se laissait rêver à de plus lointains rivages, à des îles des mers du Sud où l'on se laissait bercer dans des hamacs sous le soleil d'un été sans fin. Au contact chaud des draps fins et au souffle saumoné d'un ours. La dernière pensée lui fit hausser un sourcil. Ludizinia...
Entre deux errances de l'esprit, il posa un regard soucieux sur les gamins qui traînassaient autour du navire comme des maquignons autour d'un étalon de race. Il avait été jeune, il avait été bandit, il avait été Tiléen. Et ces petites mines de musaraignes posées sur le Hijo de Manann signifiaient qu'ils étaient intéressés par l'idée d'argent facile.
Méfiant, l'aventurier regarda s'éloigner ces tire-laines avant de rejoindre les autres pour le banquet trulbener. Et quel banquet. De la viande fumée à faire passer des bottes de casernier pour un rôti dans son jus, des biscuits à chiquer plus qu'à manger, un peu de légumes d'hiver qui étaient aussi râpeux que filandreux. Mais au moins le vin était rouge, tâchant, impérial.
S'enfouir dans sa paillasse, oublier pour une nuit qu'on existe. Un bon plan. On se fout dans son tas et on laisse l'alcool et la fatigue d'une journée d'aller-retours sur le pont faire leur œuvre.

Entre deux rêves impliquant de se rouler dans la neige ou de prendre des bains de thé chaud, le brave moustachu entendit un bruit. Grommelant sur la qualité déplorable de l'insonorisation de la taverne il réalisa très vite qu'une forme était massée au dessus de lui. La silhouette sûrement aussi surprise que lui se mit à détaler. Se redressant, encore pataud, il se mit à le poursuivre en gueulant à plein poumons : -Au voleur ! Au voleur ! Des cambrioleurs sur le navire !
Je pars à la poursuite de ce sacripant, sachant que l'arme n'est pas chargé vu qu'elle était rangée. Si je l'attrape je le cogne et je récupère mon bien.
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[MJ] Le Djinn
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

Test d'END de Piero: 1, réussite critique.
Pour bien des marins et des gardes avinés, le réveil fût rude. Des hurlements dans les oreilles, de lourds pas sur le bois de la coque, rien de tel pour émerger dans d'excellentes conditions après une demi-nuit de sommeil paradoxal. Piero, que la découverte du vol avait éveillé au-delà du raisonnable pour une heure si tardive, en fût quitte pour une belle course à travers les escaliers, le pont, la passerelle et le début de forêt endormie! S'il courrait si bien c'est qu'il le voyait, ce voleur. Inexorablement les foulées plus longues du Trantien lui faisaient gagner du terrain et bien vite le poursuivant se rendit compte que son brigand était étonnamment... Petit.

Mais de cette information, Piero se fichait éperdument! Lui il ne lui importait que de récupérer son arme, souvenir de ses nombreuses aventures, son symbole en somme. Et ce filou, ce maraudeur, allait voir cette leçon marquée dans sa chair à jamais. Il tenta bien, quand il vit le tiléen arriver, de lui tendre son arme, d'avouer sa faute dans son patois de Sud-Wissenlandais. En vain.
Sans pardon ni compréhension, ivre de rage et du vin qui lui coulait encore dans les veines, Piero se saisit de son arme dérobée et s'en servit pour fracasser le crâne de cet encapuchonné. En vérité, à la lumière des deux lunes, il apparut que ce forban ne devait pas avoir plus de douze ans... Mais qu'importait: les coups plurent tout de même, une molestation en bonne et due forme à la crosse d'if. Le visage se tordit rapidement sous la douleur, la peur et les coups alors que le petit corps gesticulait en panique tandis que des sons dignes d'un porc égorgé jaillissaient d'une gorge serrée par la poigne de fer d'un véritable bandit.

Et là était Piero, dégrisé devant son acte. Un gamin blessé, martelé, battu par un homme plus grand et plus fort que lui. Les yeux embués de larmes, les mains devant le visage dans une supplique silencieuse le marmot implorait pitié pour ce qu'il lui restait de corps.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

Sud de la Tilée, quelques années tantôt

Il neigeait sur Luccini. C'était un évènement assez rare pour sortir de leurs ateliers et de leurs laboratoires les savants et les artisans curieux de la pieuse principauté. Des enfants s'étaient rassemblé pour jouer sur la place de la République. De généreuses matrones vociférèrent en voyant qu'ils salissaient leurs guenilles de neige boueuse. Des gardes se lamentaient en changeant leur pique d'épaule que c'était un froid pour rentrer auprès de la bourgeoise, de profiter des draps et du feu. Et dans ce spectacle de marionnettes un peu chiffonnées, un seul ne jouait pas son rôle. Il avait ramené sur lui sa veste de voyage râpée, replacé son vieux chapeau à plume, et un foulard épais cachait son visage. Il faisait froid après tout, mais une lueur déterminée éclairait ses yeux noirs. Il marcha d'une traite. Le soir tombait comme les flocons.

Des filles des sombres rues lui proposèrent de réchauffer ses doigts dans la douceur de leur chambrée et de leurs cuisses, mais il n'était pas venu pour les coureuses de remparts. Il était venu pour la seule, l'unique fille qui avait dénoué autre chose en lui que ses chausses et sa chemise. Elle avait dénoué les nœuds coulants autour de son cœur de truand. Petite hybristophile dont l'hubris dévorant l'avait consumé. Oh Hélène. On s'était aimé. Tant aimé. Deux amants idiots et heureux. Tous les tas de paille entre Tilée et Estalie les avaient connus dénudés comme Taal et Rhya. Quand on grandit entre égorgeurs et escrocs, forcément, notre passion doit devenir démesurée. Prince des voleurs et Reine des tire-laines. Petite bourgeoise encanaillée et petit bâtard encatiné.
Oh depuis ce temps il avait connu la chaleur de bien des femmes et la froideur des duchesses, mais on était un bandit à vie. Et c'était elle qu'il avait aimé contre tout. Les chasseurs de prime, la justice, les rois, les dieux.
Mais lorsque tout se délita, chacun prit une route à la croisée des chemins. Et il ne suivit pas le sillage de ses boucles châtains, son rire de cristal et ses invitations. Les années passèrent. Et le voilà maintenant. À Luccini. Et d'après les tuyaux donnés à coup de pot de vins et de poings dans le groin, la belle s'était bien refaite. Cocotte de ni plus ni moins que le Prince. Concubine comme il en avait tant. Les sombres rues avaient laissé place aux palais et aux hôtels particuliers de l'aristocratie. Les belles rues montaient doucement jusqu'à l'Acropole. Là même où Myrmidia la superbe s'était un jour dressé, offrant à ses enfants le bouclier, la lance et l'art de la guerre, s'étendait désormais l'aberrante construction des dynasties découlant de Lucan et Luccinia. Mélange architectural douteux aux multiples balcons, jardins, serres, courtines, tourelles et chambres. Lorenzo Lupo était un fou affublé des habits des Anciens, mais c'était un fou avec l'argent et la lignée pour prétendre au titre d'Homme le plus protégé du vieux monde.

Mais il neigeait. Les gardes se réchauffaient les mains aux braseros, les sens s'engourdissaient. Et un homme motivé se mit à grimper sur le pan de falaise serti de lierre, de pins rabougris et de vignes vierges. Il devait savoir, il devait en obtenir la preuve de vive voix.

Ranald aurait été fier de voir que Piero Orsone Salvadore Manicha Enrico de Riviera di Cruz da Trantio usait de tout ses talents pour ne pas être remarqué.
Ses mains atteignirent le rebord. De là il fallait trouver la chambre près de la fontaine. Celle avec des chevaux et des jouvencelles nues.
Il y eu celle du satyre lubrique et des jouvencelles nues, celle des dauphins et des jouvencelles nues, celle des jouvencelles habillées s'ennuyant profondément et enfin, la fontaine aux chevaux.
Et emmitouflée dans un manteau d'hermine, elle regardait Mannslieb et la neige. Ils s'étaient quitté jeunes gens, elle était devenu femme comme lui homme. Elle eut un moment de recul. Avant de voir la corrélation entre les plumes et la cape de calicot.
"Pie-Piero ?! Par tous les dieux que fait tu ici ? Si les gardes te voient... Hélène vint lui prendre les mains. -Tu es glacé. Tu dors encore dehors ?
-Oh tu sais, je dors à l'ombre, au trou, sous les ponts, les jupons ou dans les granges. On ne se refait pas il parait... Il retira ses mains et abaissa son foulard. Elle pouvait revoir cette gueule de cambrioleur, de joli cœur, trop beau pour la rue, trop laid pour les Hauts de ce monde. Celle qui l'avait confirmé dans sa fugue de petite bourgeoise en mal d'aventure. Quoi que je vois que toi t'es belle. Finalement tu es redevenue grande dame. Il sourit, mais affichait en même temps ce petit mépris. Celui du loup famélique pour le gras chien qui avait troqué liberté pour des nuits au chaud et des repas fastes. Il alla s'assoir sur le rebord de la fontaine, observant la lune. Elle le rejoignit.
-Mon Piero. Mon si têtu Piero. Je te l'avais dit. Il nous fallait prévoir l'après. Et regarde nous. Regarde toi. Le pan de son manteau fourré se souleva pour venir recueillir cet oiseau malade. Elle était accueillante, douce.
-J'ai choisi un éternel présent. Pour ne pas revivre le passé. Et l'avenir ? Bah. Il y a tout plein de sergents, tout plein de navires, tout plein de lieux pour les Hommes comme moi. Une croix sur une feuille et je marcherais me battre contre Pavona, les Norses ou que-sais-je d'autres. Une croix sur une autre feuille et je briquerais les galions qui s'en vont jusqu'en Lustrie. Il parait qu'il y a là-bas tant d'or qu'on l'échange contre des miches de bon pain.
-Ne va pas mourir dans des combats qui ne sont pas les tiens enfin... Tu as donné... Dix ans à la cause de Fantini. Donne les dix qui suivront à la tienne. Tu as le droit de vivre pour toi Piero. Elle souleva le chapeau paternel, le posa sur ses genoux, et ramena cette tête aux cheveux si noir contre son épaule.
-Fantini m'avait donné un but. Je suis né sans en avoir aucun Hélène. Aucun. Une erreur. Une bête erreur. Maintenant je cherche à voir si le monde est beau quelque part. En contrebas les lumières de la ville s'allumaient une à une. Des milliers de fenêtres, de lanternes, de bougies, tout scintillait sous l'épais manteaux blanc, la mer encore plus loin était d'un noir d'encre. -Ici il est beau le monde.
-Il est un peu plus beau quand tu es là mon monde...
-J'aurais du la suivre cette foutue route hein ? Ces dernières années auraient été différentes. Très différentes.
Avec une mine un peu taquine elle le regarda. Ces taches de son sur le nez, ce petit air. Une bourgeoise encanaillée à la cour d'un Prince. Pas Lorenzo Lupo, son Prince des Voleurs.
-Où as tu trainé tes pénates alors Piero da Trantio ?
Il haussa les épaules.-Un peu partout. Bretonnie, Frontalières, Estalie surtout. J'ai cherché mon père. Tu sais comment retrouver un Salvadore ? Il sème des petits Piero partout sur son chemin. Mais du Grand Don Emilio, aucune trace. Disparu. Sûrement à faire le tour de la planète. J'ai aussi affronté des goélands. Diné à la table des rois et des mendiants, j'ai trouvé la foi et je l'ai perdu en décuvant. Je me suis fourré dans tant de dangers que tu aurais crisé. Une vraie calamité sur pattes. Son sourire un peu rêveur s'effaça, comme si il avait mordu dans un fruit amer. J'ai croisé Rubio en prison aussi. Il te passe le bonjour.
Comme un chat jeté dans l'eau chaude elle bondit. Se détachant de lui, elle referma son manteau. La température déjà basse avait chuté de vingt degrés.
-Y a eu aussi Tonio Martello à Rémas. Sacré gaillard Tonio hein ? Il nous portait sur ses épaules. On attrapait les pommes dans les verges comme ça. On avait quoi, quatorze ans ? Bah Tonio il s'est pas laissé envoyer au gibet. Six gardes allongés avant que l'un d'eux lui perce le cœur. J'ai pas retrouvé Maria par contre, cette renarde est plus rusée que toute la ville en contrebas. Fabrizzio et Ronaldo non plus. Ils ont détalé très loin. Les montagnes, les principautés. Par contre un qui n'a pas fuit. C'est Fantini. Fantini il y est allé comme un prince à l'échafaud. Pourtant tu me connais, pas pu m'empêcher. Pas pu m'empêcher de vouloir le convaincre.
Hélène ne disait rien, elle avait détaché son regard, s'était éloignée. Elle attendait. Mal à l'aise sous son lourd et chaud manteau. De sa position elle ne voyait que les tours les plus élancées du palais.
-Demande une grâce je lui ai dit. Ou bien fuis avec moi. On repart. On refait une bande. J'ai besoin de toi Fantini que je lui ai dit. Oh puis ce sourire. Tu sais ce qu'il m'a dit ? Allez. Dit le. DIT LE !
-Je l'ignore... Je l'ignore Piero.
-"Tu as donné dix ans pour moi Pierino. Dix ans. Vis pour toi. Allez. Pars. Je ferais face à mon destin l'esprit serein." Et puis. Bah ils l'ont pendu. Oh y en avait du monde. Tout plein. Tout Luccini. C'est pas tous les jours qu'on pend l'homme le plus redouté au sud des Voutes. Agitateur public, républicain, rebelle, bandit, sédition, Meurtrier. Celui qui prononçait les peines en salivait presque comme devant du bœuf rôti. Et entre les badauds et les soldats de ton nouvel amant. J'étais là Hélène. Il avait plus autant de cheveux, les autres avaient grisonné. Mais il était là. Fantini. Et qu'est ce qu'il a dit ? Bah une de ses phrases à la con. La foule criait tant. Je n'ai rien entendu. Mais il m'a sourit. Et on lui a passé la corde autour du cou.

Le vent souffla. Un silence. Les bruits de déglutition, le chagrin qu'on étouffe. Truand et bourgeoise, un amour qui ne pouvait pas durer. Ils s'étaient tout deux fait une raison il y a bien longtemps.
-Piero...
-Pourquoi moi alors ? Dis moi bon sang Hélène. Pourquoi moi et pas les autres. Pourquoi les avoir tous trahi. Pourquoi je suis le seul qui reste ? Avec toi.
-Je t'ai aimé Piero... Je vous ai tous aimé. Mais que croyais-tu. Que l'on peut devenir une hors-la-loi et rentrer comme une fleur dans la vie mondaine ? Il fallait un gage. Quelques noms. Effacer l'ardoise.
Les poings de l'Hidalgo se serrèrent. Il se leva. Son ton était dur. Ses yeux humides. Il pleurait.
-Effacer l'Ardoise... Pourquoi moi ? Pourquoi avoir décidé de me laisser seul comme un triste pantin dans ce putain de monde ?
Elle pleurait aussi, mais de là il ne voyait que le blanc de son manteau que les queues noires des hermines ponctuaient à peine, il ne voyait que ses cheveux châtain si beau.-Car pour toi j'ai demandé la grâce. Car nous n'étions que des enfants jouant au prince des voleurs et à la reine des tire-laines. On ne savait pas ce qu'on faisait. Sauf lorsqu'on s'est aimé.

-On s'est aimé, on s'aime, je t'aimerai toujours Hélène. Il sortit le pistolet. Celui dont elle possédait le jumeau. À moins qu'en reniant son ancienne vie elle ne l'ait jeté. Il sortit le pistolet et aligna le canon sur elle. Il pleurait. Il y avait devant ses yeux toutes les lumières de Luccini et tous les visages de sa bande. Pedro, Serena, tous les autres qu'il avait cité. Les jumeaux. Susana la jeune fille de Serena et Fantini désormais orpheline. Il y avait surtout Hélène. Et en actionnant le chien, la balle fusa dans une explosion de poudre. Tranchant l'air jusqu'à passer dans les poils d'hermine, jusqu'à passer dans la poitrine et ressortir. Un hoquet de surprise. Le blanc du manteau épongeait déjà le rouge sombre. Il s'avança vers le corps allongé. Ses genoux le lâchèrent. Soulevant cette poupée qui un instant avant vivait encore. Il pleura. Maudissant les dieux. Se maudissant lui même.

Pour essuyer la trahison il avait dû trahir aussi. Trahir celle là seule qui avait caressé son petit cœur de brigand. Il neigeait sur Luccini. De blancs flocons recouvraient déjà la flaque rouge qui se formait sur l'épais manteau. C'était un spectacle rare que la neige à Luccini.

Dans un navire bien moins classe de nos jours

Il grognait en courant derrière le voleur, énervé comme un buffle, soufflant tout autant. L'alcool, la convalescence, la violence larvée dans le cœur des hommes d'épée. Il le rattrapait. Il n'avait qu'une envie irrépressible de démolir le spoliateur. C'était son pistolet. Le sien, celui de personne d'autre. On n'y touchait pas. Non. Son regard est trouble, ses intentions aussi. Et il plaqua le larron par terre, s'asseyant dessus pour l'immobiliser. Son pistolet avait roulé au sol. Il l'attrapa par le canon. Et exerça une vengeance aussi disproportionnée que viscérale. Et frappa, frappa, frappa encore. Le sang tambourinait à ses tempes comme il avait tambouriné sur celle de sa victime avec sa crosse. L'adrénaline retomba alors. Doucement, entre des souffles rauques et saccadés. Piero se retrouva devant le forfait accompli. C'était qu'un gosse. Un putain de gosse. Pas plus haut que lui quand il dévalait les ruelles de Trantio. Un gosse en larmes, suppliant, le visage en vrac. Il l'avait massacré. C'était qu'un putain de gosse.
Il eut un mouvement de recul, tombant à la renverse. -Non ! Putain non... Il marcha sur ses genoux, se mettant sur le coté. C'était un vrai chantier. -Accroche toi gamin. Merde. Merde...Accroche toi.
Il frappa du poing sur le plancher. Chier...
Soulevant le gosse par les épaules, il chercha l'entrée de la cale. Pacito ! Pacito ramène toi ! J'ai besoin de toi... J'ai besoin de toi ! Accroche-toi. Merde...merde.
C'était qu'un putain de gosse qui voulait jouer les grands voleurs. Et les grands voleurs l'avaient mit en charpie.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par [MJ] Le Djinn »

L'agitation débutait lentement dans le Hijo de Manaan, jusque là paisiblement assoupi. Les matelots impériaux comme les tiléens se faisaient réveiller à coup de cris, de tambourinage, de pleurs et de gémissements. La plupart cherchèrent d'instinct leurs armes, craignant une attaque ou s'éveillant d'un moment rêve dans lequel Morr cherchait toujours à les retenir. Les lamentations de Piero et du bambin traversaient le bois, au point qu'au moment où Piero entra dans la cale, dévasté, Franscico, ou Pacito, était à peu près réveillé. On alluma quelques torches pour y voir plus clair et ses yeux devinrent ronds comme des soucoupes en voyant l'enfant molesté.

-"Euh... J'suis pas boucher..."

Le plus grave étant que c'était dit sans humour. Comprenant quand même que la situation demandait d'agir, même s'il n'avait qu'une expertise limitée, Pacito y mit du sien pour essayer d'arranger au maximum les choses. La foule des trantiens et des marins se fit plus épaisse autour de l'opération. En réalité, contre un tel déluge de coups la médecine ne pouvait rien faire de particulier. Tout juste l'infirmier de service eut-il la présence d'esprit de faire boire au garçon un breuvage puissant pour qu'il ne s'endorme pas et de l'asperger d'eau pour le refroidir et atténuer la douleur de ses plaies. Après une demi-heure environ, il dût cependant s'avouer au bout de ses compétences:

-"Il s'en sortira, c'est pas mortel. Pas sûr qu'il puisse parler correctement à nouveau par contre, il lui manque des chicots. Putain Piero, t'as branlé quoi?"

Les yeux se tournèrent vers le responsable, sévères et intraitable. C'est ce moment que Gustavo, jusque là dans l'ombre de ses hommes, choisit pour émerger et couver le bandit tiléen d'un regard si sévère que Piero se vit déjà pendu au mât. Emilio, dont l'amour de la mort n'était plus à démontrer, se voulu encourageant en frappant l'épaule du molesteur.

-"Pas mal Piero, pas mal. Je savais que tu l'avais en toi..."

La phrase, prononcée en tiléen de Trantio, fit froncer plus d'un sourcil. Il n'était plus apprécié depuis l'épisode des gardes à Pfeildorf, même si Piero ignorait tout de ce qui s'était passé après son coma. N'étant plus d'humeur à patienter, le capitaine attrapa son passager par le col: s'il n'avait pas été plus gras que musclé, il y aurait eu de quoi trembler.

-"Foutre le bordel dans les ports ça te suffit plus maintenant? Tu tabasses aussi les gosses du cru? Je devrais te balancer à l'eau avec des chaines aux mains et aux pieds!"

Quelques uns prirent tout de même sa défense.

-"Je l'ai vu courir après le gosse, quand je faisais le guet."

-"Il a crié au voleur, même si c'était très rapide."

-"Hm... D'accord. Quelle est ta version des faits Piero? Et surtout qu'est-ce que tu comptes faire pour nous sortir de ce merdier? Parce que ses parents vont vouloir foutre le feu au Hijo!"

Jamais le voyageur n'avait vu Gustavo dans un tel état de colère. Il faudrait la jouer fine pour ne pas finir le trajet à pied, ou sous le fleuve.
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Re: [Piero] Partir, c'est mourir un peu

Message par Piero Orsone »

On peut se laisser emporter comme un gosse en pleine poussée d'hormones, s'exciter, s'énerver, jusqu'à ce que la descente d'adrénaline nous laisse penaud et plein de remords devant nos faits accomplis.
Et là, c'était exactement la situation de Piero. Un impuissant petit soulard faisant face à la gueule en vrac de l'impotent gamin qui gémissait sur la table. Le chirurgien-soudard grognait en essayant de remettre bout à bout des parties du visage qui ne devaient pas pouvoir être amovible de base.
Mais même en faisant de son mieux, il ressemblait encore à du fromage de tête.

-"Il s'en sortira, c'est pas mortel. Pas sûr qu'il puisse parler correctement à nouveau par contre, il lui manque des chicots. Putain Piero, t'as branlé quoi?"

Avant de pouvoir répondre, il vit Gustavo. Qui avait perdu son sourire. Totalement perdu son sourire. Ce qui était un aussi mauvais signe que l'apparition d'un percepteur d'impôts. Il déglutit, mais tressaillit en sentant une main se poser sur ses épaules.

-"Pas mal Piero, pas mal. Je savais que tu l'avais en toi..."

C'était ce sicaire vicieux et blafard d'Emilio. Outre la désagréable homophonie avec le chimérique paternel, il était de ces tarés chourineurs qui hantaient les rues sombres des grandes villes, prêts à vous vider de votre sang comme un vampire de fortune.
Néanmoins l'aspic ne pu rien faire de plus car c'est Gustavo qui le tira à lui par le col et le foulard. Il fallait lui expliquer, la méprise, la honte, le remord.
Il inspira un bon coup avant de tout balancer, piteux mais sincère :

-Je pionçais dans la paille, la vinasse plein le bide comme tous les bougres d'ici. Puis j'entends du boucan. Je vois un gaillard fouiller dans mon sac, mon pistolet en main. Comment dire que la dernière fois que ça m'était arrivé la moitié de ma troupe avait fini égorgé par des montagnards des Irranas. Je gueule je lui cours après. Toujours dans le cirage, y avait le vin, le sommeil. Et là... Il posa ses yeux noirs sur le gosse allongé sur la table. Je le rattrape au vol. J'ai frappé. Comme un putain d'abruti. J'ai pas vu qu'il avait encore l'âge de pisser du lait en se mouchant. Je voyais qu'un voleur avec mon arme. Si elle avait été chargée il aurait tiré que je me disais. J'ai cogné. Sauf que c'était qu'un gamin. Un gosse. Chier...

Il attrapa sa bourse et la soupesa bien.

-J'peux pas lui offrir une nouvelle gueule, mais je peux au moins donner de quoi payer une paire de ratiches en bois. Si j'avais su je lui aurait mit deux calottes comme ma mère m'en filait et il serait rentrer se foutre sous ses draps. C'était qu'un gosse qui se l'est joué tire-laine. Un peu de blé. On le rend à ses vieux et on remonte cette foutue Söll.
J'utilise narration car faut bien un trémolo au violon en fond.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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