Les saucissons quittèrent Mordheim avec des informations très claires de la part de Helbert Schutz, chef des espions de la comtesse Kreiglitz-Untern. C'est donc en suivant ses instructions qu'ils prirent la route du sud, afin de rallier le petit village de Lieske, qui leur fournit un petit esquif pour voguer le long de la rivière Egger. Rejoignant un peu plus bas le Stir, ils purent remonter la fleuve vers l'est afin de rejoindre Mordheim sans rencontrer trop de difficultés, sinon la vulgarité de quelques autres mercenaires fortement alcoolisés prenant la même route qu'eux pour rallier le même objectif. C'est à Bissendorf, petite bourgade au nord de la cité des damnés, qu'ils descendirent de leur navire afin de rencontrer leur informateur local, un dénommé Eckhard Hoelder, aux ordres de Helbert Schutz.
Après leur avoir dépeint la situaton infernale dans laquelle se trouvait une ville qui attirait désormais toutes les convoitises d'individus peu scrupuleux de toutes les races et toutes les classes, il leur indiqua comment entrer dans la cité sans danger : le réseau d'égouts de la cité qui se jetait dans la Stir n'était que très peu employé par les pillards et mercenaires en tout genres qui se groupaient et s'entretuaient plutôt aux portes de la ville.
De Bissendorf à Mordheim, la route ne prit qu'une demi-journée mais fut particulièrement éprouvante, la faute aux rencontres que l'on faisait à répétition le long de la sinistre route longeant la Hundsheimerwald. Entre le groupe d'hommes-bêtes sorti de la forêt pour les attaquer, les cinglés revenant de la cité des damnés qui hurlaient être devenus riches en montrant un trésor imaginaire dans leurs mains, ou les groupes de désespérés qui erraient en pleurant, tentant vainement de cacher leurs difformités mutantes sous des haillons recouverts de poussière et de sang, l'ambiance ne présageait rien de bon.
Et rien de bon, ce fut en effet ce qui les attendit dans les égouts. Car alors qu'ils suivaient l’itinéraire conseillé par Eckhard Hoelder sous la cité de Mordheim, traversant des portions d'égouts mais aussi des galeries de tunnels creusés à même la terre par des griffes dont on ne voulait pas connaitre les propriétaires, ils atterrirent tout droit dans une embuscade. Nul ennemi pour les attendre, seulement deux grilles de fer se refermant devant et derrière eux, puis un gaz sortant d'une multitude de trous dans le mur qui envahit la galerie où ils se trouvaient, les faisant tomber dans l'inconscience en quelques secondes.
Lorsqu'ils se réveillèrent, la situation ne semblait guère à leur avantage. Ils étaient toujours dans des galeries souterraines, dans lesquelles avaient été creusées plusieurs cavités dans la terre rocheuse, chacune condamnée par des des barreaux de fer rouillé dont l'unique ouverture se composait d'une grille ouvrante bloquée par une chaine et un verrou. Il y avait quatre cavités/prisons : l'une était occupée par Taille et Daine, la seconde par Karil et Ludwig, la troisième par deux hommes en aussi mauvaise posture qu'eux, tandis que la quatrième était inoccupée.
Les saucissons avaient été délestés de tout leur équipement, armes comme armures. Dans la cellule de Taille et Daine, il ne trouvèrent au milieu de la paille et des excréments humains qu'une petite flasque en métal, appartenant certainement à un précédent locataire de leur cellule, contenant une eau-de-vie abominablement infecte. Dans celle de Karil et Ludwig, rien à part une poignée de clous rouillés, des cailloux et une atroce odeur d'urine.
Les deux inconnus dans la dernière cellule se montrèrent peu loquaces, sinon pour mimer à Taille et Daine une demande de leur envoyer la flasque. La raison de leur absence de prise de parole était évidente : éclairé uniquement par la lueur d'une seule et unique torche, le geôlier qui faisait des allers retours entre les cellules était aussi intimidant que terrifiant. La chose mesurait presque trois mètres, et c'est donc courbée qu'elle arpentait la galerie trop basse pour elle. Elle ressemblait à un ogre, mais déformé par le pourrissement et les mutations : sa peau cadavérique était flasque, laissant racler la peau de son ventre sur le sol quand il marchait. L'un de ses yeux était rouge sang, et l'autre noir, aussi noir que le fragment de pierre encastré au milieu de son front et qui semblait pulser d'étranges lueurs vertes dans ses veines. Pour parachever le tableau, la chose possédait non pas une paire de bras mais deux : et si trois de ses mains tenaient une lance chacune, qui servaient à perforer les prisonniers ayant le malheur de ne pas se tenir sages derrière leurs barreaux, la dernière semblait solidement refermée sur un trousseau de clés qui promettait une liberté bien inespérée...
Il allait falloir trouver un moyen de sortir de là, mais comment ?