Ainsi ils discutèrent quelques instants, quelques minutes au pied du précipice constellé de blanc. Ils avaient beau n'avoir qu'une seule source de lumière à proximité, celle-là leur suffisait amplement pour appréhender le vide qui les séparait du reste des tranchées. Et puis, soudainement, alors que le rat s'esclaffe et s'explique, la chèvre se met à grogner, à beugler, comme si elle avait faim, comme si elle allait le manger. Voilà que le rongeur s'affole, accélère sa voix, tend ses muscles et ses oreilles...
... Et ainsi il décortique le moindre de ses mots, la moindre parcelle d'idée qui lui vient à l'esprit. Le pire ou le meilleur dans tout cela, c'est qu'il l'accomplit dans un parlé humain tout à fait correct, à mi-chemin entre le Reikspiel et le Norslaeg, comme s'il savait instinctivement à qui il avait affaire. Après quelques autres éructions bestiales ou signes de mains, tous semblent s'accorder sur le plan du "Rat Cornu" sans cornes, et tous s'attachent à une corde, à quelque nœud, à un détail près.
Comme si les tentatives grossières et répétées du large guerrier ne lui avait pas suffi, voilà que c'est au tour du Norse volubile de s'exercer. Directement, il s'élance, s'étouffe à moitié lorsqu'il trébuche jusqu'au bord de l'abysse, et reprend de plus belle, avec moult éructations et gestuelles. C'est qu'il ressemble à un fou ou à un fauve, avec ses longs bras levés vers le plafond, ses coups de pieds dans la glaise, ses grimaces devant les Tréfonds.
Une fois qu'il a fini sa crise, plus personne n'émet un son. La chèvre montre les dents, le colosse hoche la tête, et le rat... saute sur les planches suspendues. Très vite, le chanvre se tend, et malgré le retard de ses compères, il n'a aucun mal à se maintenir en mouvement, sa queue virevoltant entre les volutes de fumée tel un esprit boréal. Le voilà déjà au bout, attendant accroupi ses compères soit-disant assoupis (selon lui). Pendant ce temps, le trio de grande taille s'est lancé à sa poursuite, afin de tenir le rythme et de ne pas trop forcer sur le cordage potentiellement fragile. Malheureusement, les sabots durs, les pieds plats et bottes rigides ne sont pas aussi pratiques que les pieds et la queue préhensile du rongeur encapuchonné.
Ici l'on glisse, là on trébuche, devant on s'accroche à une extrémité de bois qui balance,... Cette traversée n'a rien d'héroïque, et en même temps, rien de tragique. Malgré les cris, les soupirs, les grincement et les débris qui tombent entre chaque acrobate, ils arrivent tous les quatre de l'autre coté. Et à peine se sont-ils remis de leurs frayeurs qu'une ombre se dérobe derrière la torche, et que le relief d'une paroi se révèle... Le tunnel continue donc, tel un couloir humide, vaseux, bigarré.
Quelques minutes plus tard, ils aperçoivent des traces dans la glaise bleue, des signes gravés dans les cloisons. Il y a des flèches, des runes, des visages criblés de dents ; Mais aussi une lune ou bien un soleil, dégoulinant. Et puis, plus loin, quelque part, ils entendent un écho, un cliquetis qui se rapproche.
Comme le tic d'une horloge.
Comme le marteau d'un forgeron.
Comme un instrument assoifé de musique.
Réussite : 5/10
Marge d'erreur restante : 2 échecs.