[Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sur la rive les vagues nuageuses se brisent,
Les soleils jumeaux s'enfoncent derrière le lac,
Les ombres s'allongent
À Carcosa.

Étrange est la nuit des étoiles noires,
D'étranges lunes tournent dans le ciel,
Mais l'étrangeté est la plus grande
À Carcosa.

Les chants que les Hyades entonneront,
Sont rythmés par les loques du Roi,
Ils mourront sans être entendus
À Carcosa.

Chant de mon âme, ma voix est morte,
Je meurs sans t'avoir chanté
Mes larmes sécheront sans être versées
À Carcosa.






Pensée du Jour :
Pour ceux qui recherchent la perfection, il n’y a point de repos de ce côté-ci de la tombe.



815.M41.
Système Neustralia, 11 nuits terriennes après la sortie du point Mandeville.






Image


L’immensité noire de l’espace était étrangement rassurante. Même pour ceux qui n’étaient pas habitués aux voyages stellaires, l’horreur du voyage à travers le warp en pleine tempête donnait envie de retrouver l’abysse de vide et d’obscurité — tout était mieux que de revivre ce qui s’était produit.


Il y a onze jours, l’Indomptable Ravel, immense frégate de plus de vingt mille âmes, s’était retrouvé au bord de la perte éternelle entre les bras de l’empyrée. À bord, le chaos s’était saisi des cœurs et des corps de tout le monde. Agressions, viols, meurtres ; sur tous les ponts, l’être humain s’était changé en animal réduit à ses plus bas instincts, et on avait assisté dans chaque annexe et dans tous les résibloc à des scènes terrifiantes. Mais tout était rentré dans l’ordre. En faisant taire au maximum les rumeurs qui parlaient de pirates montés à bord, et qui auraient tué plusieurs dizaines de personnes à l’arme automatique — tout au plus la prévôté de bord parlait de passagers clandestins qui étaient devenus plus insanes que les autres. Pourtant, le prévôt-général du vaisseau avait décidé de donner sa démission, ce qui était un moyen poli et honorable de dire qu’il avait été licencié, c’est que quelque chose s’était bien produit.


Pour les quatre acolytes de l’Inquisitrice Astrid Skane, peut-être que la réalité de ce qui s’était produit à bord était plus saisissable encore. Mais dans la police secrète de l’Imperium, on apprend vite à ne pas divulguer d’informations, car il n’y a pas arme plus puissante qu’un secret. Theonus Wullis et Enkidu pourraient ressasser mille fois leurs souvenirs de l’assaut dans le Librarium, et leur découvert de l’Inquisitrice apparemment torturée par les preneurs d’otages — mais s’ils répandaient la moindre rumeur, on en remonterait vite à la commère originelle, et ça se punirait d’une balle dans la nuque. L’identité des preneurs d’otages était au moins connue du mécamancien Mora — Il avait eut le droit à une petite cérémonie menée par quelques technaugures des Lathès, qui lui confièrent officiellement ce rang dans le clergé de Mars, mais il ne pouvait se défaire de l’idée que cette promotion avait pour but de l’apaiser après qu’on l’eut abandonné mort et contaminé par les propres cosmomarines du vaisseau. Quant à la sœur de bataille, Séphone, elle avait laissé une partie d’elle dans l’Indomptable Ravel. Pour qu’elle continue de se rendre utile, on lui avait greffé un nouveau bras, et ouvert son cerveau afin de faire fonctionner le morceau de métal : en se contorsionnant devant un miroir, elle pouvait clairement voir la cicatrice à la base de sa nuque, où une entaille semi-infectée l’avait ouverte. Mais la douleur était encore vive, à peine calmée par les antibiotiques et le kodeia qu’on lui avait prescrit en cachets.


En somme, c’est ce pour quoi ils avaient signé. Même la poignée de main et le mot de félicitation que Wullis et Enkidu avaient reçu de la part de Masteel sonnaient faux — dans les globes oculaires scintillants du lexiconographe, il y avait une lueur de vice couplée à celle du lumen électrique ; personne n’était indispensable dans l’Imperium. Personne. Et il fallait s’en rappeler à chaque instant.





Mais enfin, dans la tapisserie noire dans lequel le regard se perdait, il y eut des couleurs qui n’étaient pas celles des lointaines étoiles et du soleil plus proche : une planète apparaissait et grossissait. Du bleu, vif, brillant. Et le lendemain, quand la navigation avait continué, cette petite tache bleue était devenue immense, et l’on voyait maintenant la trace d’un grand monde recouvert d’un magnifique océan.
Depuis la baie d’observation du quartier où résidaient les acolytes, plusieurs matelots en permission accompagnés de leurs familles s’étaient regroupés pour s’agglutiner devant la longue vitre, afin de mieux voir le nouveau monde sur lequel ils allaient peut-être marcher, au moins pour ceux qui n’étaient pas d’astreinte, ou trop terrifiés pour quitter la maison générationnelle qu’était devenu l’Indomptable Ravel. Il y avait des enfants sur les épaules de leurs parents, qui pointaient du doigt, et posaient en chuchotant mille questions. Plus étonnant encore, les quatre acolytes pouvaient voir qu’un des marins était un peintre : Debout sur une plateforme, une femme albinos aux cheveux blancs et crépus avait installé un chevalet, et elle peignait le monde sur une petite toile par aplats de couleurs qu’elle mettait par couches afin de donner un air très réaliste à ce qui s’offrait à leur regard, un moyen d’immortaliser à jamais leur contact avec ce monde.

Vu d’ici, Neustralia Prime était jolie. L’océan était parcouru d’une île gargantuesque et d’un continent pangéen, et l’on voyait maintenant qu’on était beaucoup plus proche les traces des nuages, le relief rocailleux des montagnes, le vert profond de forêts primaires, et, à la courbure de la Terre, vers le pôle, on voyait la fumée noire et le souffre d’un volcan actif. Tout semblait beau, et paisible.
Mais il y avait déjà une trace de contamination. Sur l’île principale, on voyait à l’œil nu une sorte d’immense cercle crénelé de lignes. Un gros cercle hideux de gris et de brun, qui marquait la surface du globe comme le fer rouge marquait le bétail — c’était la pseudo-cité ruche de Salbris, la construction récente d’un écosystème urbain rationalisé pour maximiser la production. Et tout autour, on voyait les stigmates de la fondation de cette cité ; sur cette île, contrairement au continent, il n’y avait quasiment pas de forêts, et le vert était en train de faire progressivement sa place au brun. Les manufactorum de Neustralia Prime poussaient et sortaient de terre en même temps que les immenses flèches de la ruche. Petit à petit, la cité grossirait, et cannibaliserait le continent, un ogre affamé qui se jetterait sur tout ce qui peut le nourrir. Ce gros cercle marquant cette magnifique planète terraformée, transformée à l’ère du Moyen Âge Technologique par le génie de l’être humain pour ressembler au monde originel de notre espèce, c’était un cancer métastasé. Bientôt, tout ne serait plus que ville, et désert de poussière exploité jusqu’au moindre millilitre d’hydrocarbure.
L’Imperium était en train d’élever ce monde si beau et si pur, afin que l’on puisse en sortir fusils, obus, artillerie lourde, chars d’assauts, et les millions d’enfants qui nourriraient l’Astra Militarum et les bras innombrables de l’Adeptus Terra.




L’Indomptable Ravel s’arrêta juste avant d’entrer dans l’orbite. Les vrais vaisseaux de l’Imperium étaient si immenses qu’ils ne pouvaient tout simplement pas se permettre d’entrer dans l’atmosphère d’une planète, seules les planètes les plus modernes ou les plus essentielles pour l’Administratum avaient les infrastructures titanesques permettant d’accueillir de telles embarcations — ce n’était visiblement pas encore le cas de Neustralia Prime. À la place, des dizaines de modules de transports et porte-conteneurs commencèrent à quitter la soute pour atteindre l’ozonosphère, et commencer les allers-retours pour débarquer cargo et passagers vers le spatioport principal de Hourtin. Lentement, les pilotes dirigés par Gereon Rath alignèrent le vaisseau dans le champ gravitationnel d’une des trois lunes de la planète, celle qui était truffée de barres de métal et de docks volants, afin que l’on puisse mettre l’Indomptable Ravel en cale et permettre sa réparation. Déjà, des centaines de machines s’agglutinèrent tout autour de la structure comme des fourmis autour d’une sucette laissée par terre, pour refaire des soudures, des rivets, et surveiller les impacts et les défauts tout le long de la coque sur laquelle un fils de l’Empereur avait éclaté une bouteille, quand ce navire était sorti des ateliers de Jupiter au 31e millénaire.


L’équipe d’acolytes avait été contactée par Masteel à la 4e période de rotation — mais il fallait maintenant se mettre à la page de Neustralia Prime et sa rotation quotidienne de 21 heures et 38 minutes terriennes : à en croire les sabliers astronomiques que des servitors reprogrammaient et retournaient, on était en début de matinée sur la planète. Le long de la baie d’observation, on pouvait voir, en contrebas d’une passerelle qui plongeait jusqu’à 50 mètres en bas, des scènes de personnes qui se préparaient au débarquement : des énormes conteneurs remplis de ressources, des militaires en uniforme de parade, des voyageurs pauvres qui s’agglutinaient par familles entières, en poussant les bagages sur des caddies tandis que des enfants jouaient bruyamment dans tous les sens. Dans les vox tout autour, on entendait une musique simple et calme, religieuse, venant de la station-radio du vaisseau, parfois entrecoupée de prières et de sermons intelligents rappelant l’importance de la discipline et de l’obéissance.

Alors que les acolytes attendaient patiemment, quelqu’un vint enfin les trouver : Rorich Peyrilhac, en équipement complet, accompagné d’un servitor chenillé qui roulait derrière un wagon à bras. L’adjudant-chef s’arrêta devant eux et avec un ton braillard, lança un simple :

« Allez, on se bouge le cul — la libre-marchande atterrit dans deux heures et donc ça va devenir impossible de sortir du spatioport. Elle a prévu un énorme défilé jusqu’au palais royal, ça sera bouchonné comme pas permis.
Je vous dégage sur place et vous pourrez vous mettre au boulot. Vous avez pas intérêt à oublier quoi que ce soit à bord, on est pas sûrs de repartir par le Ravel. »


Les acolytes savaient déjà que s’ils avaient de dernières choses à faire à bord, ces derniers jours étaient l’ultime moment pour. Aussi, tous les quatre suivirent Masteel et grimpèrent avec leurs paquetages et effets personnels dans le wagon. Le servitor put alors redémarrer, et permettre ainsi aux serviteurs de l’Inquisition de traverser tout le hall principal, où partout autour d’eux, la fourmilière s’agitait, de la cave au plafond, par centaines, sinon milliers de manœuvres et ouvriers tous attelés à une tache, flanqués de servitors et servo-crânes volant, roulant, et marchant par colonnes entières partout où le regard se posait. Une libre-marchande était avant tout une marchande, et ainsi, alors que le wagon passait à travers le hall, les acolytes pouvaient voir tout ce qui se chargeait dans les conteneurs, les immenses quantités diverses et variées de marchandises convoitées par une planète : il y avait là des biens de luxe, des soieries fines alignées en draps fins qu’on compartimentait dans des boîtes traitées contre les insectes, des bouteilles faites en pierre précieuse contenant des alcools multicolores, des bijoux élégants qui agrémenteraient les robes des puissants de ce monde, des parfums, des cosmétiques en coffrets au détail, des souliers en cuir d’animaux xenos chassés sur de lointaines planètes. Mais il y avait aussi d’énormes barils puants remplis d’hydrocarbures, du prométhéum sécurisé pour éviter une explosion, des boîtes pleines de cristaux pythosiens. Il y avait de l’outillage issu de mondes-ruches et de mondes-forges, des blocs prêt-à-l’emploi de lithobéton, que des servitors bossus et à moitié cassés chargeaient sur leur dos. Il y avait des armes, alignées sur des racks, et puis, des outils électroniques, étiquetés et soigneusement rangés. Assez de ressources étaient stockées sur ce navire pour faire la richesse d’une planète pour quelques années, et il n’y avait qu’à marcher quelques minutes pour comprendre d’où venait l’immense puissance des libres-marchands.



Enfin, le wagon s’arrêta devant une baie d’embarquement. C’était une sorte de grand hangar rempli à ras bord d’engins volants de toutes les tailles : des navettes de transport, des bus volants pour passager, des modules d’abordage et d’observation, quelques intercepteurs Furie, et pas mal d’ADAV Valkyrie ou Vautour pour le soutien orbital. La maison Selleniz avait ainsi sa petite force aéronautique privée, sans doute fort utile pour les campagnes militaires contre les Xenos encore méconnus de l’étendue de Koronus, le morceau d’espace adjacent au secteur Calixis où l’Imperium ne faisait pas encore totalement sa loi.

Rorich mit le pied à terre et ramassa ses affaires. Il continua à marcher suivi des quatre acolytes, jusqu’à ce qu’ils atteignent une navette orbitale dont la soute était en train d’être surchargée de matériel. Devant, deux personnes étaient en train de discuter : Ndiame Masteel, les mains dans le dos, et l’Inquisitrice. Astrid Skane avait troqué ses beaux habits d’aristocrate pour une tenue qu’elle avait plus habituellement — une grosse armure carapace de flic d’intervention, dont les symboles de l’Adeptus Arbites, la maréchaussée impériale, avaient été remplacés par le « I » Inquisitorial. Skane semblait en pleine forme, elle n’avait pas de stigmates du voyage à travers le warp. Et pour une fois, au lieu de passer par ses subalternes, elle décida d’approcher les acolytes directement pour leur parler.

Bien que « parler » soit un bien grand mot. Elle fit de grands pas devant les acolytes qui se placèrent instinctivement au garde-à-vous, et leur lança juste en les pointant du doigt :

« La police de Salbris a récupéré un nouveau cadavre mutilé ce matin ! C’est la dix-neuvième victime connue du ou des assassins qui sévissent dans la ville !
Ce crime représente une rare opportunité de pouvoir étudier un cadavre directement au lieu de passer par les rapports des prévôts — l’acolyte-medicae Sand est déjà en route, dès que vous avez posé le pied sur le spatioport, vous irez le rejoindre ! »


Et sans rien dire de plus à leur attention, la voilà qui partait pour prendre Rorich à part. L’adjudant-chef et elle s’éloignèrent un peu pour parler à voix basse. C’est le bureaucrate, Masteel, qui s’approcha les mains dans le dos pour offrir plus d’explications.

« Cette navette de transport appartient à la libre-marchande Selleniz. Comme des dizaines d’autres, elle transporte matériels et passagers au spatioport principal de l’île de Hourtin. Une fois débarqués au spatioport, je vous ai réservé un passage via un train maglev de la force de défense planétaire, qui vous amènera directement à Salbris. Il y a apparemment… Beaucoup de troubles sur la planète. Une guerre civile a été déclenchée par des populations de second ordre sur le continent principal, et la conscription a été ordonnée pour plusieurs centaines de milliers de Neustraliens. Vous risquez de trouver une ville encore plus agitée et bouillonnante que prévue.
Une fois débarqués à la gare militaire, j’ai arrangé la location d’un véhicule qui vous appartiendra à tous les quatre. À partir de là, vous recevrez vos ordres de Sand, mais il va falloir vous attendre à travailler en solitaire. Sand n’est pas tellement quelqu’un de très… Doué pour travailler avec d’autres gens. »

Il marqua une petite pause visiblement gêné.

« Le comm-vox de l’acolyte Enkidu vous permettra de rester en contact avec moi tant que l’Indomptable Ravel est en orbite, mais nous allons bientôt être déployés au palais royal et je ne pourrai pas être joignable tout le temps, il faudra donc vite que vous vous débrouilliez seuls. Si vous contactez l’Indomptable Ravel pour demander le renfort de l’équipe d’assaut Glaive 3, sachez que votre indicatif officiel est : Luciole Rouge.
Vous êtes des acolytes de l’inquisition, c’est officiel et vous avez un papier pour le prouver. Mais n’utilisez pas inutilement le nom de l’institution ou de maîtresse Skane. Officiellement, vous êtes juste les assistants d’un détective privé. Vous ne pourrez pas vous balader à Salbris avec toutes vos armes et votre équipement de protection sans être questionnés par la police, et j’aimerais autant que vous fassiez preuve de discrétion — n’utilisez la force que si c’est la meilleure option. »


Il marqua à nouveau une pause, et d’un coup, son ton changea : il arrêta de garder ses mains dans son dos, et son ton fut soudain un peu plus acerbe.

« C’est votre première opération. L’inquisitrice Astrid Skane lira le débriefing en personne. Vous serez jugés sur beaucoup de critères, et il va sans dire que l’échec n’est tout simplement pas une option.
Nous avons suffisamment investi en vous, maintenant, il est temps pour vous de rendre à l’Imperium ce que vous lui devez.
Si vous avez des questions, c’est maintenant ou jamais. »
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Reinhard Faul
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par Reinhard Faul »

Tout s’est passé très vite, et sur le coup je n’ai pas réfléchi à grand-chose. Tirer sur un type, puis tirer sur un enfant qui tenait une grenade (il a explosé), sauter, ne pas glisser sur une flaque de sang, courir, l’Inquisitrice est par là, tirer…

Puis c’était fini.

Les plus fins observateurs d’entre vous auront remarqué que l’adjudant-chef Rorich Peyrilhac m’a mis une grosse droite dans la figure parce que j’ai failli tuer le précieux otage, mais ça vaut à peine le coup de le relever. C’est pas grave. Tu crois que c’est une punition ça ? En réalité c’est à peine une reconnaissance que j’ai un peu merdé sous le coup de la panique. J’ai déjà oublié.

La seule petite concession que j’ai fait à mon cerveau fatigué après tout ça, une fois que l’Inquisitrice était sécurisée, qu’il fallait ramasser les cadavres, ranger le bordel, et que moi et Wullis on était aussi utile qu’un chien dans un jeu de quille, c’est de demander d’une voix étrangement plate si je pouvais aller aux toilettes. Luvarn m’a dit oui. J’ai couru comme jamais jusqu’aux sanitaires les plus proches – grâce soit rendue à l’Empereur, je savais où elles étaient dans cette partie du vaisseau -, j’ai ouvert la porte de la cabine d’un coup d’épaule, balancé mon casque avec le Vox et la caméra dans le coin le plus éloigné et je me suis enfermé dedans une demi-heure pour une petite crise de nerf bien méritée. Des fois, faut décompresser. J’ai vomi et pleuré très fort à cause de la peur de mourir et des gens que j’ai tués, ce genre de bêtise qui n’intéresse personne. Modérément apprécié de voir un enfant partir dans toutes les directions à la fois, pour être honnête.

Ça m’a fait du bien, et j’ai pu reprendre le cours de ma vie comme si de rien n’était. On nous a enfermé dans nos cellules Wullis et moi pendant quelques jours – même pas eu le temps d’échanger un mot, mais c’est pas comme si j’en avais envie. On passe souvent très vite sur ce genre de non-événement dans la narration, « il a été enfermé dans une pièce pendant quelques jours », alors que ça attaque bien le mental de rester des heures et des heures sans rien faire, sans télé, sans bouquin, sans personne à qui parler (et sachant que ma chambre est bien sûr filmée). Heureusement, j’ai du métier en matière d’incarcération et je parviens à garder le contrôle de mes nerfs aussi facilement que je peux prononcer le mot « dissocier ».

Le débriefing a été bien plus éprouvant, pour être honnête.

Le début, ça allait, c’était standard, je connaissais. On m’a fait rentrer dans une pièce aux murs vides, il y avait Luvarn et Masteel. Bien sûr, je n’ai aucune idée de pourquoi je suis traité comme un criminel alors que je n’ai rien fait de mal, mais c’est l’expérience basique de n’importe quel membre de l’Adeptus Terra.

Il y a une table, des parchemins dessus, de l’encre, et une tablette de données avec mon Dossier. Tu sais, le fameux Dossier qu’ils ont sur toi. Le mien est copieux parce que je suis un Psyker, mais il y a un tas de raison d’avoir un Dossier plein de détails et je suis loin d’être la personne la plus intéressante de l’Impérium. Situation angoissante donc, mais qui le devient moins parce qu’à mon arrivée, Masteel est en train de frénétiquement appuyer son doigt sur la tablette de donnée tout en déclarant d’un ton agacé :

« Je n’arrive pas à fermer la fenêtre ! C’est coincé sur le volet médical et il me demande la date de ses dernières règles ! »

Je connais, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Ni à moi ni à plein d’autres gens. Les tablettes de données n’aiment pas beaucoup les humains bizarres. Tant que tu es un Garde basique avec deux bras et deux jambes, tout va bien, mais dès qu’on sort des sentiers battus ça ouvre la porte à tout un tas d’exceptions, de circonstances uniques et donc d’impuissance face à l’Esprit de la Machine. J’ai que du respect pour ça, et mon respect est d’autant plus grand que je ne pige rien à la technologie et que ça me fait un peu peur. Néanmoins c’est pas la première fois que je perds du temps à cause de ces conneries, donc je déclare le plus respectueusement possible :

« Euuuh, si vous allez dans paramètres, puis affichage pour passer en mode… »

Luvarn me coupe :

« Tais-toi ! »

Mais je vois bien depuis l’autre côté de la table que Masteel va où je lui ai dit d’aller, coche et décoche plusieurs cases au hasard afin que la relique sacrée arrête de s’intéresser à mon cycle menstruel. On peut passer au dur. L’Interrogateur m’ordonne :

« Assieds-toi. »

Je m’assieds. J’ai aucune idée de ce qu’on me veut. C’est la première fois que je tue pour l’Empereur, la première fois que je traverse une tempête Warp et je n’ai aucune attente spécifique pour la suite des événements. C’est terrifiant.

On m’a juste posé des questions en réalité, plein de question, des heures durant, pendant que Luvarn fouillait dans mon esprit avec la discrétion d’un phacochère sous amphétamine. Difficile de décrire ce que ça fait. Imagine qu’un type que je connais à peine rentre, baisse mon pantalon, et tienne mes couilles dans sa main. Il ne me fait pas mal intentionnellement, mais la sensation de vulnérabilité est assez massive. Sans parler de l’offense à ma pudeur, évidemment.

Au début, les questions étaient assez normales. Qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que j’ai vu, est-ce-que j’en suis sûr ? Déjà, cette partie-là a duré plusieurs heures. Même en étant un bon petit soldat, je suis épuisé et nerveux bien avant que ça finisse. Ensuite, presque sans que je m’en rende compte, Masteel est sorti de la pièce et l’Interrogateur m’a posé des questions plus… précises. Beaucoup autour du dysfonctionnement du Champ Gellar. De mon ressenti autour de ça. Tout en fouillant copieusement dans mes souvenirs et mes émotions, bien sûr. Mal à l’aise recouvre difficilement ce que je ressens en la circonstance. Je n’ai rien fait ! Je ne les ai pas écoutés ! Ils m’ont vu, mais ils ne m’ont pas trouvé ! En même temps il truffe ça avec les questions et les tests standard que j’ai déjà subi des milliers de fois sur Sainte-Terra et Malfi pendant les visites médicales obligatoires. Il y en a plein, sans doute autant qu’il y a de démons dans le Warp, donc c’est difficile à décrire, mais je peux donner des exemples.

On me montre une photo de cadavre humain mis en pièces et on me demande si c’est bien (la bonne réponse est « ça dépend si c’est un hérétique ou pas »). On me demande si, au milieu des Voix, j’entends celle de l’Empereur (celle-là c’est un piège, bien sûr que je ne suis pas digne de l’entendre). On me fait tenir une espèce de poignée en métal relié à une machine, puis on m’ordonne d’allumer mon tatouage électronique (me demande pas à quoi ça sert je ne sais pas). Un tas de trucs. De temps en temps Luvarn sort une petite dinguerie qui n’a pas d’autre but que de me faire craquer, par exemple :

« Tu as vu l’Inquisitrice en sous vêtement et blessée, est ce que ça t’as excité sexuellement ? »

Il m’en faut plus pour perdre la tête, je réponds d’un ton calme :

« Non. »

J’aurais pu répondre oui, c’est pas ça qui compte, tant que je ne mens pas. L’important c’est de ne pas ressentir d’émotion violente, et l’outrage en est une. La honte aussi. Le Warp se nourrit de ça, donc la seule attitude raisonnable est d’être mort à l’intérieur et tout vide. Je m’y efforce, c’est pas facile.

Enfin jusque-là je m’en sortais bien, jusqu’à ce que Luvarn, l’air las (lui aussi doit être fatigué), me demande d’un ton ennuyé tout en tapotant la tablette de donnée :

« Ta maîtrise de l’Ailleurs a augmenté. Un petit peu. Tu ne l’as pas senti ? »

Là j’ai écarquillé les yeux d’horreur et j’ai failli perdre mon cool. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi. Comme si on m’annonçait après dix ans de cancer qu’il a décidé de métastaser, mais c’est super parce que je peux balancer de l’acide avec les yeux ou je ne sais pas quelle connerie. J’ai failli protester. J’ai failli dire que ce n’était pas possible, parce que ça faisait plusieurs années que ça stagnait, et on a jamais vu un type dont les pouvoirs s’éveillent aussi tard que moi devenir « plus puissant ». Que c’est pas juste. Que je tiens beaucoup à mon plan de carrière de sbire en arrière-plan, que j’ai aucun besoin de plus de Warp merci bien. S’il vous plaît s’il vous plaît enlevez-moi ça. Empereur-Dieu, je ne sais pas si j’ai la force de mettre ma souillure à Votre service, et que Votre Grâce décuple mes forces naturelles ; car, au spectacle de ces monstres, je puis mourir de peur. On meurt à moins.
Je réponds d’un ton calme :

« Non, mais mes talents restent au service de l’Impérium.

- Très bien, on a fini. »

C’est après ça que j’ai eu la poignée de main, les félicitations, et l’argent. J’étais content, mais je me sentais un peu sale aussi. Enfin peu importe, j’ai pu retourner à ma petite vie – où je m’ennuie beaucoup, pour être vraiment honnête.

C’est… solitaire, la vie de Psyker quand tu es le seul dans ton cas au sein d’une équipe. Et personne ne me demande de soigner des gens, parce que personne n’a envie de me fréquenter à peine quelques jours après un incident du Champ Gellar. L’avantage c’est que je n’ai jamais à chercher de place pour m’asseoir à la cafeteria et qu’on ne me bouscule jamais dans les foules. J’apporte partout mon propre cercle dénué de gens, ça se fait tout seul. Effectivement, peut-être que Wullis, cette âme simple, aurait pu me parler de la pluie et du beau temps à l’occasion, mais ça impliquerait que j’arrête de bouder et de lui lancer des regards furieux. Ce fils de pute a eu une lettre de félicitations ! Pour avoir sauvé des stupides membres d’équipage de merde qui servent à rien ! Je pourrais m’en bouffer les couilles de jalousie – même si je serais un peu inquiet que la libre-marchande connaisse mon nom. Et lui il a le droit de discuter avec des putain d’arbres ! Moi si je le fais j’ai pas fini d’en entendre parler. Gneugneugneu je suis Wullis j’ai le droit de parler aux autres Gardes et avoir des amis regardez-moi je sauve des gens. SALE MERDE VA.

Mais c’est vrai qu’on était quatre acolytes, et même en étant très narcissique je suis curieux de savoir si ils sont vivants ou morts. Personne ne m’a rien dit. Comme j’avais un peu de temps à tuer… j’ai décidé de les chercher. J’ai commencé à la première place qui m’est venue en tête, la plus logique, le secteur Medicae.

T’imagine l’état où il est.

Évidemment qu’une gentille dame à l’accueil ne m’a pas renseigné sur Sephonus ou Mora. Il n’y a pas de gentille dame. Ni d’accueil d’ailleurs. On est pas dans une boutique de luxe sur Malfi mais dans le secteur Medicae d’un vaisseau qui vient de subir un…. Un problème. Du sang, des odeurs, des mourants – et encore je suis gentil, je suis à peu près sûr d’avoir vu un ou deux cadavres – posés dans les couloirs comme des paquets de linge sale. J’ai failli glisser dans du vomi. J’ai reconnu un des cosmomarines présents lors de l’assaut du Librarium en train d’arracher des bandages raides de souillures de son ventre en pleurant. J’ai parlé des odeurs ? Oui, mais là encore ce n’est qu’un mot. Ça ne rend pas justice à la sensation physique d’avoir des particules de merde en train de remonter dans mes sinus. Comment retrouver quelqu’un dans un chaos pareil ?

Bah ça prend du temps. Heureusement c’est pas comme si j’avais autre chose sur le feu en attendant d’arriver à Neustralia Prime – le Warp nous a vomi à de nombreuses rotations de notre destination. Mis à part les services religieux et la salle de sport, je n’ai rien à faire et personne à qui parler. Donc je me renseigne auprès de gens blessés et malades pour savoir si ils ont vu deux acolytes de l’Inquisition, une dame chauve avec des dents en métal et un membre de l’Adeptus Mechanicus avec une canne, deux servocrânes et un bras en moins – heureusement que les collègues sont riches en détails physiques intéressants.
J’ai retrouvé Sephonus en premier.

Au moins elle est dans une chambre à peu près propre et toute seule… si on essaie de voir le verre à moitié plein. Sa douleur physique impacte mes sens les plus mystiques dès que je m’approche d’elle, et y a une raison logique et flagrante pour ça : elle a perdu son putain de bras. Elle a une prothèse à la place, je la reconnais… elle appartenait à feu le pirate qui a pris l’Inquisitrice en otage. Je me demande si ce détail horrifierait Sephonus, mais je n’ai sans doute pas le droit de lui dire. On m’a dit de bien passer sous silence ce que j’ai fait pendant le saut Warp – comme si il y avait besoin de me prévenir !

Enfin ça me fait un choc de voir la pauvre Sœur de Bataille dans cet état. Personne n’a l’air fringant après une blessure pareille, et la douleur est terrible – je le sais parce que je la sens. J’aurais le pouvoir de l’atténuer ; je ne lui propose pas. Socialement, ça serait comme si je lui offrais de lui pisser sur le visage pour la rafraîchir pendant une canicule. Le remède est pire que le mal.

Mais c’est costaud une Sœur de Bataille, c’est impressionnant. Je sais qu’à sa place, je serais au moins en train de gémir. Elle, elle me sourit faiblement et répond à mon bonjour. J’avais apporté un des catalogues de matériel militaire,, parce que je sais ce que ça fait de se faire abandonner comme un paquet de merde dans une chambre quelque part avec absolument rien. Et qu’est-ce que ça aime, les Sœurs de Bataille, pour ce que j’en sais ? La religion (et je suis, par nature, défavorisé à ce niveau-là), et tuer les gens. En plus c’est la seule lecture que j’ai sous la main. En tout cas je suis assez fier d’avoir pensé à apporter un truc, d’autant que c’est ma seule bouée de secours pour gérer le moment social gênant d’être en présence de quelqu’un qui est bien bien dans la merde.

D’abord je me renseigne sur les courses que je lui avais demandés, on a parlé un peu de ça – mais honnêtement avec tout le bordel ça m’est un peu sorti de la tête. Ensuite elle me demande, inquiète, si elle pourra encore faire des gâteaux… honnêtement j’ai failli perdre pied à ce moment-là, ça a duré une seconde, mais j’ai été super triste. De vagues souvenirs de ma sœur aîné en train de faire la cuisine m’ont attaqué en traître et je les ai chassés très vite. Certaines choses sont interdites. J’ai bredouillé une citation religieuse et Sephonus a eu l’air satisfaite. J’ai hoché la tête. C’est bien d’être religieux, et je me sens naturellement un peu merdeux devant une Sœur de Bataille qui a forcément dix longueurs d’avance sur moi dans le domaine. Je me suis évidemment demandé pourquoi cette Sœur-là n’est plus avec le reste de ses copines là où euh… bah où elles bricolent leurs trucs quoi (je suis pas très renseigné à ce sujet). J’imagine que ça serait très indélicat de demander. Je n’aimerais pas qu’on me pose ce genre de question, moi.

Donc puisqu’on a pas le droit de parler de ce qui s’est passé pendant le saut Warp, de nos passés respectifs, de nos émotions, de nos loisirs (j’en ai pas, et je ne sais pas cuisiner du tout), bah ça écrème pas mal les sujets possibles qu’on peut aborder dans un lit d’hôpital. Heureusement, le catalogue de matériel militaire est là pour me sauver. J’ai reçu de l’argent pour mes services et j’ai passé littéralement des heures à feuilleter ce fichu truc, donc je raconte à Sephonus tout ce que je vais acheter. Je lui parle aussi de ce que j’aimerais acheter, et j’écoute ses opinions en la matière, mais la pauvre est affaiblie et j’aime beaucoup le son de ma voix donc sans m’en rendre compte je l’assomme de bavardages. Faut dire aussi que j’ai pas eu une simple conversation amicale depuis que j’ai quitté mes collègues sur Malfi, donc ma solitude déborde un peu.

Mais même en étant très bouché j’entends dans ma tête lorsque Sephonus a trop mal et est très épuisé pour prendre plaisir à ma présence. Je me retire donc.

Bon, où il est passé le petit Mora ?

J’aurais pu passer ma vie à le chercher sans le trouver, parce que va savoir pourquoi, il s’est foutu dans un hangar à munition. Pas n’importe lequel : là où il y a eu des « incidents ». C’est un de ses collègues qui m’a indiqué (avec beaucoup de répugnance) qu’il l’avait vu traîner dans ce coin-là.

Je devrais pas être là. Les gens qui travaillent ici me regardent d’un air suspicieux. Pourquoi je me promènerais là où des pirates ont attaqué ? Quand on me demande je réponds honnêtement que je cherche mon collègue. Le nettoyage n’est pas fini et le secteur n’est pas fonctionnel. Ça sent bizarre, une odeur chimique acide et presque douloureuse que je n’identifie pas exactement. Les machines font des bips et clignotent des alarmes que je ne comprends pas, ce n’est pas mon domaine. Je n’aime pas fouiner là où je ne devrais pas.

C’est assez insolite, j’ai trouvé mon malheureux collègue dans le noir, tout seul, en train de regarder une flaque de vomi par terre. C’est pareil que Sephonus, sa douleur physique m’est très vite perceptible, même si je n’ai aucune idée de l’étendue de ses blessures (à vrai dire, je ne connais pas non plus la couleur de ses cheveux où même le nombre exact d’organe qu’il possède encore, c’est cachotier un membre de l’Adeptus Mechanicus pour ces choses-là). Il sent… plus mauvais que d’habitude. Je veux pas juger, mais d’habitude l’odeur d’encens couvre à peine celle de la boucane, et là visiblement il s’est roulé dans un produit chimique quelconque qui empire encore le phénomène. Vu ça et les nociceptions que je reçois, je dirais qu’il a été pris dans un feu provoqué par un truc technologique, mais je ne suis pas sûr. Ça ressemble à des brûlures en tout cas.

Donc j’essaie de lancer du bavardage mondain qui détend l’atmosphère, mais c’est vraiment pas facile. C’est très mystérieux l’Adeptus Mechanicus pour le neuneu standard qui vient de sa petite planète dans le trou du cul du monde. On ne m’a pas expliqué grand-chose, seulement qu’il ne fallait pas poser de question parce que ça énerve l’Esprit de la Machine quand un profane vient foutre sa merde dans ce qui ne le regarde pas. Comme tout le monde, j’ai hurlé de terreur et j’ai fait des cauchemars après avoir vu mon premier servitor. Comme tout le monde (et peut-être un peu plus que tout le monde), je ne conçois pas que s’arracher un membre et le remplacer par un morceau de métal soit mieux que la version naturelle. Que ça dépanne, que ça soit parfois indispensable ou que ça permette de servir l’Imperium à un niveau au-dessus, je le conçois parfaitement, mais je sais aussi que les humains sont conçus pour vivre dans la chair. Si le bras peut saisir un objet par réflexe, sans définir à chaque seconde son cap et sa place dans l’espace, c’est parce que le cerveau a des milliers de circuits automatiques qui fonctionnent en arrière-plan pour que ça marche. Par des procédés mystérieux, les membres les plus dévoués de l’Ad Mech se contentent de s’asseoir là-dessus.

Et le pauvre petit Mora, bah… visiblement, il couve un truc. Je peux pas dire mieux parce que entre le respirateur, la capuche, et sa posture bien orthopédique je suis incapable de savoir si il est content ou dans les abysses du désespoir. J’essaie de lui parler de ses servocrânes (énorme échec), je lui donne des nouvelles des collègues, et j’arrive enfin à l’accrocher avec la prothèse de Sephonus. Enfin, accrocher… j’ai rien à en dire parce qu’il me pose des questions dont je n’ai pas les réponses. Le modèle ? L’entretien ? Les rites ? De quoi ? Putain, aucune idée.

En plus Mora il me fait peur, il se gratte jusqu’au sang. Puis pourquoi il vient regarder une flaque de vomi tout seul dans le noir ici ? Il faut pas être grand clerc pour comprendre que quelque chose pendant le saut Warp l’a secoué. Mais si il se promène ici, c’est que des médecins l’ont jugé apte au service non ? Bon, il faut être tolérant. Les Psykers ont pas le monopole de la bizarrerie, et des fois ça vaut le coup d’être euh… sympa. Oui je sais c’est très exotique comme concept pour moi aussi.

Donc j’essaie de lui suggérer que, peut-être, il serait mieux dans un lit qu’ici tout seul. Il m’annonce qu’il va avoir une petite cérémonie de son culte. Une cérémonie d’élévation. Je ne sais pas ce que c’est, et je ne peux pas demander, mais vu le nom ça doit être… bien ? Je le félicite de euh… s’élever, j’imagine, mais il en a rien à foutre. Comme ça, sorti de nulle part, le petit Mora me parle du Warp. Plus exactement : de la possibilité de mourir dedans. Putain de merde, faudrait que je lui dise d’arrêter de faire ça. J’ai aucune envie de penser à la possibilité d’être submergé par l’Ailleurs, c’est le pire truc qui pourrait m’arriver, de loin. À lui aussi d’ailleurs, même si il n’a pas la possibilité physique de s’en rendre compte. Il me fait peur.

Et c’est là qu’il y a eu… l’incident.

Je sais pas ce qui lui a pris, je lui ai dit je sais plus quelle banalité. J’essayais de le recadrer sur notre prochaine mission, je crois. Lui rappeler qu’être zinzin c’est sur le temps perso. La base. Et là, sorti de nulle part, il a eu ses vapeurs et il a flippé tout seul. Sauf que moi, je savais pas qu’il flippait. Il s’est mis à faire des bruits de machine bizarres et indiquer un trou dans le plafond. Le trou, je sais pas ce qui l’a provoqué, mais il est évident que c’est un reste des combats qui ont eu lieu. Mon explication évidente est que Mora a vu un pirate dans ce trou, un qui aurait échappé à la sécurité du vaisseau.

Je fais ce que n’importe qui aurait fait à ma place : je sors mon arme et je couvre l’orifice avec ma visée. Mes sens sont aiguisés par le flot d’adrénaline qui me submerge. Pour moi aussi la semaine a été longue, j’ai eu peur de mourir, j’ai vu plein de cadavres, on m’a tiré une balle dans le ventre et j’ai dû continuer à courir, sauter et parler. Y a un télépathe qui m’a molesté le cerveau pendant plusieurs jours. Enfin bref, tout ça pour dire que quand je me suis rendu compte que ce putain d’enculé de Mora de merde savait pas gérer son stress post-traumatique tel un enfant de cinq ans j’ai honnêtement failli coller ma main dans sa gueule.

Normalement je n’ai pas le droit d’exprimer d’émotion trop violente, mais là j’ai opté pour un compromis entre mon envie de le frapper et maintenir mon calme : je lui ai hurlé dessus.

« Putain ! Tu... TU FAIS CHIER. Tu sais ce que je risque, moi, si je m'amuse à tirer sur des trucs qui existent pas et câbler pour rien ? MERDE. »

Au moins, il a eu l’air de se rendre compte de sa connerie, il s’est excusé. J’ai voulu lui faire la morale – normal quoi – et il s’est mis à faire des bruits bizarres et à s’enfuir. C’était un peu rigolo d’ailleurs, parce que vu qu’il est blessé j’aurais pu l’attraper par le bras ou lui faire une balayette à n’importe quel moment. Je l’ai laissé partir. Déjà parce que je n’ai pas le droit de perdre le contrôle de mes nerfs et cogner les gens pour me défouler, ensuite… pour accomplir quoi ? Rien. Donc je me suis contenté de le traiter d’inadapté social (c’est la version polie) dans ma langue natale pendant qu’il s’enfuyait.

Ça, ça va sans doute être un problème sur Neustralia, mais je ne peux rien y faire.

Leur convalescence, à Mora et Sephonus, a été plutôt courte en tout cas parce qu’à peine trois jours plus tard bah c’était l’heure de descendre. On est en orbite, ça y est. Après ma rotation de repos je me suis levé, sorti de ma cellule, et par la baie d’observation j’ai vu une gigantesque boule bleue. C’est donc ça une planète ! C’est drôlement joli ! J’ai poussé un petit cri de surprise quand je me suis rendu compte que l’espèce de machin blanc qui flottait, bah c’était les nuages vu du dessus. J’y aurais jamais pensé, mais c’est logique… j’envie les enfants à côté de moi qui peuvent poser des questions à leurs parents, j’aimerais bien faire la même chose. J’envie aussi la dame qui a des petits pinceaux et tout. Elle est en train de peindre la planète sur une toile. Je l’observe de loin avec une jalousie dévorante. Moi aussi j’aimerais bien bidouiller des trucs, mais j’ai pas le droit. Personne, absolument personne, n’aimerait que j’expose mon monde intérieur ou mon imagination comme ça. Ça me pourrit même un peu mon plaisir de regarder le décor, d’être aussi jaloux. Je tourne les talons et je vais rejoindre le pont principal, où les autres doivent m’attendre.

Après avoir esquivé mille servitors en train de déplacer des trucs, observé avec envie des marchandises luxueuses, mis un coup de poing à un enfant qui me fonçait dessus – pas de toute ma force, je suis pas un barbare, juste assez pour lui mettre un hématome et le dissuader de recommencer quoi – et marché vingt minutes, j’arrive à mon poste où les chefs sont pas encore arrivés. Je pose mon barda à mes pieds. C’est le même cirque que d’habitude, j’attends debout sur place qu’on ait le temps de s’occuper de moi. C’est long. Je salue mes collègues d’un hochement de tête le temps qu’ils arrivent.

L’adjudant-chef nous fait grimper dans un wagon qui nous conduit au quai d’embarquement. Là se trouve Masteel et l’Inquisitrice. Cette dernière semble totalement remise de la prise d’otage. Elle nous parle de la mission : il y a un cadavre neuf à se mettre sous la dent. Sinon pas tellement de nouvelles en plus, mis à part qu’il y a une guerre civile sur la planète. Pour ce que j’en sais, c’est l’état normal d’une civilisation (il y en avait toujours une en cours sur mon monde natal) donc je n’en pense pas grand-chose.

Le seul truc qui me fait tiquer, à vrai dire, c’est qu’on nous demande de faire preuve de discrétion tout en gardant nos affaires avec nous et sans nous fournir de vêtements civils. Je ne comprends pas comment on est censé faire, mais j’ai aussi très peur de poser la question. Peut-être que je suis censé la poser ? Et si on m’engueule ? Masteel c’est le seul qui ne m’a pas engueulé, traité de sorcier ou collé une droite jusque-là, mais ça me semble quand même une faille logique énorme. Je sais qu’on est l’équipe secondaire d’acolytes parce que la principale est en train de faire autre chose, peut-être qu’on a tout simplement oublié de nous fournir des vêtements civils. Peut-être qu’il y a un arrêt prévu pour ranger nos affaires et se changer, et que je vais passer pour un crétin. Mais j’ai vraiment pas envie de me faire lapider dans la rue ou finir en prison… je lève timidement la main, terriblement mal à l’aise :

« Euh, excusez-moi monsieur, peut-être que j’ai mal compris mais… on nous demande de faire preuve de discrétion et euh… enfin on est très reconnaissable et l’adjudant-chef nous a demandé de prendre tous notre matériel avec nous euh… je ne comprends pas comment on est censé s’y prendre. »

Évidemment je suis mort à l’intérieur de suggérer qu’on aurait oublié le détail de se trimbaler avec un longlas en bandoulière en matière de discrétion, mais je préfère ça qu’être mort tout court.
Natus est cacare et abstergere coactus est.
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Lien Fiche personnage: Ici

Stats :
Voie du sorcier de Nurgle (Profil avec empreintes occultes et mutations)
For 9 | End 14 | Hab 10 | Cha 6 | Int 15 | Ini 10 | Att 10 | Par 9 | Tir 9 | Foi 8 | Mag 18 | NA 3 | PV 140/140

Mutations/marques :
Nuages de mouches : -1 ATT/PAR/TIR/INI pour toutes les personnes à moins de 6m
Plaies suppurantes : 1d3 dégâts retranchés à chaque blessure
- Morsure Venimeuse : Poison hallucinogène
- Hideux (Effet : Peur)
- Organe du Chaos (-1 CHA/HAB, +1 END, +5 PV)
Pourriture de Neiglish : Porteur sain
Protection de Papy : 2d4 PdC à chaque critique en incantation
Grimoire :

- Lumière : À appliquer sur un objet ; Fait de la lumière pendant 1h
- Flammèche : Petite étincelle au doigt pendant une minute
- Météo : Connaît la météo prochaine
- Repos : Peu faire se détendre quelqu'un

- Infestation de Nurglings : 24m / 1d4 tours / Projectile magique. Une fois qu'une personne est touchée, elle subit 10+2d10 dégâts magiques par tour / Dès la fin du sortilège ou la mort de l'ensorcelé, des bubons explosent, libérant 2d3 amas de chair, qui sont autant de nurglings
- Fontaine putride : 6m / Instantané / 30+2d10 dégât devant lui + gain de 7 armure temporaire magique / +5 dégât par point de MA
- Gerbe corruptrice : 12m / 10+1d10 dégât dans une zone de 6m, esquivable ; métal rongé après 1d4 tours / -1 esquive par MA

- La multitude fait le tout : Se change en nuée de mouches
- Prodigieuse santé : Contact / Devient ultra bogosse et ultra chad
- Grande invocation de petits amis : Invoque des insectes pour servir d'ingrédients
- Immonde messager : Peut envoyer des messages twitter (Caractères limités)
- Allégresse fétide : Supprime toute douleur mentale ou physique
- Divine urgence : Force la cible à faire un jet d'END. Diarrhée en cas d'échec.
- Paludisme dévorant
- Vent de Nurgle
- Torrent de corruption

- Invocation : Nurglings
- Invocation : Bête de Nurgle
- Invocation : Porte Peste
- Octogramme de conjuration
Compétences :
- Résistance accrue : +1 END aux jets testant la résilience physique (Fatigue, drogue, alcool, torture...)
- Vol à la tire : +1 pour escamoter quelque chose
- Baratin : +1 pour endormir la vigilance de quelqu'un
- Déplacement silencieux : +1 pour fureter quelque part
- Déguisement : +1 pour s'infiltrer en étant déguisé
- Alphabétisation
- Autorité
- Humour
- Empathie
- Coriace

- Sens de la magie : Sur un test, détecte les événements magiques
- Incantation (Domaine de Nurgle)
- Maîtrise de l'Aethyr (Nurgle) : 3
- Contrôle de la magie
- Divination (Oniromancie) : Sur un test au cours de son sommeil, peut découvrir la destinée de certains personnages
- Langue hermétique (Langue Noire) : Parle la langue immonde du Chaos
- Confection de maladies : Peut fabriquer des maladies communes et rares
- Connaissance des démons
Équipement de combat :
- Bâton démoniaque : 2 mains ; 10+1d8 dégâts ; 8 parade ; Assommante & Utilisable seulement par les classes magiques. +1 PAR
- Pistolet à répétition : 46+1d8 dégâts, malus -2 TIR/8 mètres, peut tirer cinq fois à la suite avec un malus de -1 TIR par chaque nouveau canon qui fait feu
- Agaga (Épée à une main) : 18+1d10 dégâts ; 13 parade ; Rapide, Précise, Perforante (2) ; +1 INI
- Cocktail Molotov (x4) : Dans un rayon de 1m, toute personne qui est touchée par la bouteille prend trois états de « Enflammé ». Dans un rayon de 2m, c'est 2 états seulement. Dans un rayon de 3m, un seul état.

- 15 balles et poudres

- Tenue de cultiste de Nurgle : 5 protection ; Tout le corps sauf tête

- Anneau d'Ulgu : Lorsque porté, vous pouvez faire croire à ceux qui vous entourent que vous êtes un humain lambda (sans mutation aucune ni trait particulier) pendant 1 heure. Vous ne pouvez utiliser cette capacité qu’une fois par jour. Vous ne pouvez pas prendre l’apparence d’une personne en particulier.

- Miroir de la Demoiselle d'Acques
- Cor de la harde des Museaux Annelés
Équipement divers :

- Marque de Nurgle
- Caresse de la vipère (poison) : Un sujet blessé par une arme enduite de ce venin doit réussir un jet d'END-4 sous peine de mourir dans END minutes. Chaque minute avant sa mort, le sujet subit 5 points de dégâts non sauvegardables, et un malus cumulable de 2 à ses caractéristiques.


- Couverts en bois
- Sac à dos
- Couronnes dentaires en bois
- Tatouages
- Porte-bonheur

- Sap-biscuit

- Costume de répurgateur + Fleuret (Déguisement)
Divers divers :

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Diederick von Bildhofen
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par Diederick von Bildhofen »

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Besoin d'un écorchement ? D'une cérémonie en milieu sylvestre ? D'un bras solide, armé et violent pour le service du dieu-empereur ? Votre ami Théonus Wullis est là pour vous. Loués soient les Anciens Dieux de la Forêt.

Pâtisseries offertes aux copains après les missions.

Sauvetage de la patronne, poignées de mains aussi chaudes qu'une dague plantée dans la neige par une nuit hivernale, cadeau d'une lettre de félicitations et puis au trou pour plusieurs rotations. Et serment de tenir secret tout ça, comme de bien entendu. Je m’étais entaillé la main devant l’arbre sacré pour réitérer mon serment de ne pas souffler mot de ce qui s’était passé. Enfin, pas à n’importe qui ni n’importe où quoi. C’était l’esprit plus que la lettre qu’il fallait suivre, disaient les mendi-catins. Reste que la lettre je la planquais bien à l’abri dans mes affaires. Dans le petit coffret où j’avais mes possessions les plus précieuses et mes volontés. Des fois que je claque dans le devoir, j’entretenais l’espoir qu’on renvoie mes affaires à mes proches sur Phyrr. La lettre pourrait être usée par quelqu’un de mon clan en aillant l’utilité un jour, peut être. Si jamais elle leur parvenait entre les mains.

En tout cas le temps passait pas vite en isolation. Pompe, abdos, poirier, marche en rond, tractions, lecture du manuel d’instruction du fantassin… ça ne pouvait tenir qu’un moment avant que l’ennui ne vienne me titiller à la baïonnette dans les parties. Ce fut un véritable bonheur de passer à la casserole et enfin sortir du trou.

Et bon dieu que c’était chiant comme retex, les marrants me demandant plusieurs fois la même chose de manières différentes. Est ce que ça vous à fait quelque chose de voir la patronne à poil ? Alors d’une elle l’était pas complètement et de deux c’était salop de leur part de l’humilier comme ça. Et dégradant. Bande de connards. L’empereur nous protège tous mais ceux là auraient bien besoin de quelques bonnes raclées avant d’être placés sous la protection de ses racines. Est ce que votre foi en l’empereur est toujours aussi ferme ? Bien sûr. Ils m’en posent de ces questions bêtes. Et en veux tu en voilà. Pas mal de temps perdu pour rien.

Le reste de mon temps à bord fut passé pour effectuer quelques achats. Pas grand-chose. Juste du matériel de combat. Grenades, vision thermique, masque à gaz, lampes torche fixable sur lasgun et tout ce qui peut permettre de faire joujou dans des couloirs emplis de lacrymo tandis que les connards d’en face n’y voient rien. Et quelques pâtisseries pour l’équipe, achetées dans un commerce. Des petits machins sucrés parfait pour prendre le thé. Pour faire du teambuilding comme disait un des missionnaires sur Phyrr. Manque de bol néanmoins, les collègues étaient rarement dans leurs quartiers attribués et pas moyen de faire un truc où ils étaient tous là. D’ailleurs j’ai appris peiné que Séphone avait finie dans les vapes, un bras en moins. Et l’homme de fer s’était prit du sarin dans les poumons. Saleté ça. Puis Enkidu était toujours aussi antipathique je savais même pas pourquoi. Mais je n’avais rien à craindre du sorcier, j’avais à nouveau un trophée pour me protéger des mauvaises humeurs et miasmes émis par sa malfaisance – non pas que ce soit de sa faute au pauvre, il est sans doute né comme ça et n’a jamais reçu les correctes rituels des hommes verts – on peut pas lui en vouloir d’être né comme ça. Puis il sert le dieu-empereur donc tout va bien. Il trouvera le repos entre ses racines.
Avec cette protection c’était désormais l’âme du pêcheur qui allait attirer le mauvais sort. J’étais protégé à nouveau de l’influence maligne de Ceux de la Glace.

Eh oui ! Après avoir fait fondre le preneur d’otage avec le bouclier techno-machin-chose, je lui ait correctement pillé son âme comme tout bon guerrier de Phyrr. Les ancêtres seraient fiers s’ils pouvaient me voir. Mais bon, pas d’arbres, pas d’ancêtres. En tout cas je lui ait piqué son médaillon qu’il avait autour du cou. Dedans il y avait une photo avec des gens. Sans doute sa famille. À l’intérieur du médaillon j’y ait glissé une de ses dents que j’ai arraché à sa mâchoire et quelques uns de ses cheveux. Il est désormais prisonnier de ma personne et n’ira rejoindre ses ancêtres que lorsque les flammes purificatrices de mon bûcher funèbres viendront consumer mon enveloppe charnelle et mes trophées, privant ainsi de mon corps Ceux de la Glace et leur malfaisance impie. Foutus profanateurs de cadavres, nécrophages damnés et putains de nécromants. Une engeance tellement impie qu’on ne peut lui faire le supplice de l’aigle ou de l’arbre sacré. Puissent ils sommeiller à jamais par-delà les terres de l’hiver éternel, car sinon la Longue Nuit sera de nouveau sur nous...

Mais bref. Le sorcier par formé par les chamans et les hommes verts mais sauvé par le dieu-empereur a accepté mes pâtisseries, même si son discours et ses actes ne disaient pas la même chose. Apparemment il ne boit pas. Ça rend les gens bêtes. Ça doit être quelque chose de sa religion. Les soirées avec ses collègues doivent pas être marrantes. Qu’est ce qu’on s’amusait en tout cas après l’instruction avec les copains, à s’enfiler de la bière par la narine et autres bêtises. J’espère qu’ils rendent honneur à Phyrr ces sales bagaudes misérables. Je l’ai aussi invité venir prier avec moi devant l’arbre sacré. Avec un peu de chance, les Anciens Dieux de la Forêt pourraient avoir une vision à lui communiquer. Après tout, un sorcier de l’empereur, quelque part, c’est un genre de chaman non ? Ils sont plus propices à les entendre. Moi j’étais surtout là pour organiser et mener les rituels et sacrifices aux dieux, pas pour communiquer avec eux. Mais non il voulait pas. Par contre une fois que j’aurai fini mon magazine il a accepté d’y jeter un œil.

Ensuite j’ai rendu visite à Mora. L’homme de métal. Mais c’était franchement flippant. Y’avait de ces créatures damnées partout, dépourvues d’âmes et à jamais prisonnières de leur enveloppe maudite. Je l’ai vu, j’ai déposé les pâtisseries et je me suis tiré de là. C’était pas saint comme coin du vaisseau.

Le reste du trajet je l’ai passé à faire ma gymnastique, prières, lectures et visites à sœur Séphone. Je lui ait donné mes pâtisseries et même partagé l’une de mes bonnes rations, mais elle semblait pas en terrible état. Quand je venais au medicae je pensais à prendre un pain chaud ou une viennoiserie à un centre de distribution alimentaire, quand j’y arrivais assez tôt pour encore en avoir. La réserve de sucre commençait à être rationnée plus que d’habitude apparemment.
J’ai bien essayé de rallumer la flamme de la sœur mais d’une elle était fatiguée et de deux il lui manquait un morceau. Non pas son bras qui avait été transformé en ration alimentaire – c’est une blague, on y a tous cru à l’instruction ; en vrai c’est de la viande de rats qu’il y a dans les conserves de grox – mais aussi une partie de son âme. Lors d’une rotation j’y ait amené mon arbre sacré dans son pot – de nos quartiers jusqu’au medicae – ce qui n’était pas une mince affaire. Mais au moins ça a semblé faire plaisir aux enfants dans le medicae. Parfois ils posaient des questions et j’avais à répondre sur comment prendre soin d’un arbre sacré, comme faire les prières – c’était pas compliqué, il suffisait de se mettre à genoux et parler aux Anciens Dieux de la Forêt dans sa tête – ou bien à quoi ressemblait un bosquet sacré.
C’était soit ça ou bien passer des heures en silence, assis sur une chaise pas loi de Séphone, à roupiller ou lire en silence le manuel d’instruction, ou bien un nouveau numéro du Figaro. Il y avait bien sûr l’annuel encadré dédié au commissaire Ciaphas Cain, mais aussi la continuation de la dernière aventure de Black et Mortimer, officiers de la marine impériale. J’avais dévoré la dernière aventure où ils avaient démasqués un contremaître qui sabotait les auspex de leurs appareils pour le compte d’hérétiques. Le traître était en réalité un horrible mutant qui cachait ses déformations sous la peau de sa dernière victime – le véritable contremaître. Dans ce numéro ci Blake avait été enlevé par l’énigmatique Olrik, le vilain architraître au service de mystérieux xénos, et seul le technaugure Mortimer se trouvait en capacité de contrarier ses malfaisantes machinations.
Je retrouvais les habituels articles des héros de l’Imperium, le chef d’équipe de mine qui s’était fait sauter à l’explosif pour enterrer vif une horde de mutants dissimulés dans sa section, le dernier prêche de l’archidiacre de tel monde inconnu. Puis il y avait la section consacrée aux maximes, celles pour les satires et blagues nouvelles. Lorsque j’avais à filer je laissais le magazine derrière à Séphone. Faut dire qu’elle avait pas beaucoup de lecture sous la main. En tout cas pas grand-chose de drôle.

Parfois je jettais un œil par un hublot pour observer le vide spatial, glacé et inhospitalier. Ou bien, par chance, on pouvait voir le monde vers lequel on se dirigeait. Neustralia. Un beau petit monde, bien vert et bleu, petit à petit transformé en gris et jaune.

Finalement à la quatrième rotation les collègues et moi même furent convoqués pour un dernier débriefing. Et nouvelle importante, la patronne elle même était venue nous accorder de son temps. Un petit discours pour nous motiver. Puis de laisser Masteel faire la parlotte. Je crois qu’il ne m’aime pas beaucoup. Mais je crois aussi qu’il n’aime pas beaucoup de monde. Par contre il nous en apprend des belles. C’est la guerre civile. Et ce coup ci y’a pas les copains sous le coude pour mettre dans le rang les brigands. Et ça recrute à tour de bras. J’aime pas ça. On risque de se faire tabasser par des recruteurs zélés si on fait pas gaffe. Ça risque de gêner notre mission. Ça et la guerre, aussi.
Puis il y a Enkidu qui soulève un point très intéressant : comment faire pour ne pas attirer l’attention ? La réponse me paraît évidente.

Simple. On est le service de sécurité. Mercenaires. Escorte. Au service de… Sans ?
Fis-je en haussant du sourcil. Qui est en mission pour… sécurité de sa personne, fiers à bras, ou quelque chose comme ça. La guerre, les gangs, ce genre de choses.

Ça semblait logique. La tête de plomb avait la tête de l’emploi. Et on gardait l’attirail sous le coude en cas de coup dur, sans trop hausser les soupçons, ni risquer de se faire embrigader par des recruteurs aux dents longues.
Modifié en dernier par Diederick von Bildhofen le 12 avr. 2024, 01:10, modifié 1 fois.
Le savoir c'est le pouvoir. Et savoir quand le garder, le cacher, le partager, cela est la véritable épreuve de ceux le détenant.

Diederick Maria Reichenbach Bruno "Ruichen" von Bildhofen, Voie de l'étude de la connaissance
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« Alors que tu défiais le couvre-feu, tu découvres une vertu trop zélée. »

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Helveticus Matix
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par Helveticus Matix »

Pour une meilleure lisibilité des dialogues de Mora, Je vous conseille fortement de télécharger et d'installer la police utilisée : http://www.fontpalace.com/font-details/Binary+CHR+BRK/
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< Connection 0000.1...
Connection 0000.2...
Connection 0000.3...
///[Succ. reg. 789.0344] || [Act. init.] [ID 8627]
///num_OS opera.reini. AKT // : REINSTALLATION_
///decrypt.ini... succ._
Retrans. [crypte. de. donnees. 042..._053..._087..._036..._021...//ERREUR//_002...//ERREUR//]._
///comm.hote [ID 8627] // : ALLUMAGE_
///allum.ini... succ._


+++ GLOIRE À L'OMNIMESSIE +++ >


Je "vois" mon Code se réécrire lentement. Il y a tant de messages d'erreur, tant de lignes inachevées ou abandonnées. Des parties de "cette unité" perdues à jamais faute d'un cryptage erroné lors du processus d'urgence de sauvegarde. Ces données de réflexion, de médiation, d'analyse, de diagnostics que j'ai préféré archiver dans mes cogitateurs plutôt que les laisser se fondre dans ma matière grise.
Cette fois, c'est la machine qui me faillit, et la chair qui me permet de garder mon identité et la plupart de mes souvenirs non archivés.

Le numéro de ma cuve de gestation. Oublié. L'identifiant de mon servo-éducateur. Oublié. Omnus Rox. Non-identifié.

Je suis tenté d'intervenir, mais j'ai peur que la moindre tentative ne fasse voler tout le décryptage en éclats. La ligne d'écriture de mon Code est fébrile, elle tressaute sans arrêt. À chaque fois qu'elle se bloque sur un calcul, je la sens grincer d'effort et crains qu'elle n'abandonne, qu'elle ne se bloque pour toujours.
Alors j'observe, impuissant devant ce nombre effroyable de messages d'erreurs qui, sans la moindre douceur, balaient chacun une infime partie de mon être.

Mais où suis-je d'ailleurs? Quand? Pourquoi? Aucune donnée n'est accessible pour émettre le moindre diagnostic. Seul le passé m'est offert sous forme de fichiers fraîchement réorganisés. Le présent n'a pas de substance et le futur n'a pas de théorie. Il serait illogique de s'attarder sur cette réflexion.

L'éternité prend de l'orgueil et moi, je veille patiemment, sans ennui ni envie autre que la réécriture de mon Code. Un 1 dans l'infini 0. Les lignes s'amoncèlent et je m'égare dans la contemplation de mon passé. Il a commencé au début et terminera à la fin, que j'attends avec impatience.

Le processus ralentit, cogitant furieusement pour fouiller le fond du panier. Il arrive à son terme. Toujours aussi curieux, j'étudie les derniers dossiers. Cette vie, que j'ai observé avec un certain détachement, provoque soudain en moi une vague d'émotions terrifiantes. L'anticode, le servitor antique... Netotsi... j'anticipe la suite avec terreur, sans savoir ce qui arrive.
Puis vient le visage de fer.







J'ouvre les yeux dans un spasme de terreur. Immédiatement, une lumière vive me grille la rétine qui n'est pas protégée d'un monocle. Je lève les bras pour me protéger, mais ne sens que douleur se diffuser en eux, comme si on frottait vigoureusement du papier de verre sur ma peau. Est-ce le contact de ma tenue sacrée qui provoque cela? Les plis de ses manches me font l'effet de lames de rasoir!

Mes poumons sont vides, il faut remédier à cela. Seulement alors, je pourrai cogiter. Prenant de l'élan en les vidant pour mieux les remplir ensuite, je soulève ma cage thoracique et... un mur. Rien ne passe. Mon niveau de panique passe instantanément de "élevé" à "INNUMÉRABLE".
Je retente de toutes mes forces. Diagnostic similaire. Le mur. Enfin non... je remarque une fissure infime, insuffisante. Je tente de nouveau pour l'élargir. Elle se resserre. Niveau de panique : "INNUMÉRABLE +++"

Le blocage ne vient pas de mon respirateur. Il est opérationnel. C'est ma trachée qui tente de me tuer! La voilà la preuve! Celle qui affirme que la chair sera ma perte!
Impossible de hurler, n'ayant plus rien à expulser. Mon vox est éteint et je ne parviens pas à suffisamment me concentrer pour le rallumer. Alors je... bouge. Je gesticule dans tous les sens, mes bras formant des hélices autour de mon corps, mes jambes tambourinant comme des pistons hydrauliques. L'information de la douleur que cela provoque sur mon corps n'atteint même pas mon cerveau.

Une silhouette de couleur vive apparaît. On m'injecte quelque chose et les hélices et les pistons se calment. Je ne peux plus m'acharner sur ma trachée et, pour la première fois depuis mon rallumage, je respire. Très peu, un fin filament d'oxygène. Mais par l'Omnimessie, que c'est bon!
Je ferme les yeux.





Mon nouveau rallumage est presque aussi abominable que le précédent. Une sensation de froid glacial dévore le bas de mon visage. J'ouvre les yeux et vois mon respirateur. Détails supplémentaires : je vois l'intérieur de mon respirateur, la partie qui a été fixée à vie sur ma chair et soudée sur l'os. Celle qui ne devait jamais revoir le jour. Pas simplement le compartiment d'entretien que j'ai déjà retiré suite à mon malaise sur la passerelle. Ma bouche édentée et sans mâchoire est à présent à l'air libre.
On est en train de le retirer, de m'amputer.

J'essaie d'hurler, mais ma trachée refuse toujours de m'obéir. Peut-être pour le mieux, car la douleur a installé son royaume dans mes poumons. Et à présent, je la sens. Des milliers d'aiguilles y résident et percent les parois à la moindre expiration. Je ne vois pas d'autre diagnostic à pareille torture.
Quelques secondes plus tard, on m'enfonce une série de tubes dans le trou béant qui me sert de gueule avec la subtilité d'un tank de bataille Leman Russ modèle 400-TX. Je n'ai pas pour habitude de faire dans la métaphore, mais l'image me vient toute seule.

Pendant les jours qui suivent, je tente de m'accommoder à la vierge de fer qu'est devenue mon corps. Encore une métaphore. Il faut croire que la douleur rend un homme créatif.
On m'a libéré de ma sainte tunique. Je n'en ai pas pris offense tant elle me faisait mal. Le moindre contact, la moindre brise sur ma chair me fait l'effet d'un acide particulièrement corrosif. Lorsque les servitors viennent pour faire ma "toilette", ils ne font pas preuve de délicatesse. Pourtant, j'apprécie la douche sous très haute pression car elle me donne l'impression de purifier mon corps infecté.
Fort heureusement, mes augmentiques sont hydrorésistants.

Les heures sont longues dans cette capsule de métal. Malgré ma dévotion envers le Culte, je ne peux trouver de confort dans cet environnement qui m'est synonyme de la pire torture de mon existence. Tant physique que morale.
J'ai beau me l'imposer, me réprimander de mes actes et de mes paroles, je ne parviens pas à m'accuser d'hérésie. Tous mes diagnostics arrivent à la même conclusion : j'ai fait tout mon possible pour sauver le vaisseau et tous ceux à bord. Ma discussion avec la pirate a été bénéfique pour sa neutralisation. J'en suis convaincu.

Non, la culpabilité ne vient pas de l'hérésie. Ni de ma ferveur dans mes conversations avec Netotsi. Impossible d'avoir de regret là-dessus, malgré mes efforts.
Cette culpabilité me vient de nos derniers instants. Je ne peux m'empêcher de simuler les dernières pensées de la Méritech à mon égard et chaque diagnostic me ravage. Elle n'a pu que me détester pour avoir tenté de saisir le détonateur.
Notre dernière altercation restera à jamais gravée dans mes cogitateurs, qu'importe le nombre de purge tentées.

1 - la porte
0 - le détonateur
Dans l'urgence, j'ai fait le pire choix possible. Un choix aux conséquences dérisoires pour l'Indomptable Ravel, car elle n'a jamais pressé le bouton. Un choix déterminant pour moi et Netotsi, car il a sectionné l'étrange moment qui nous a uni.

Un simple choix, et me voilà nu, allongé sur une table, enfermé dans une capsule, chaque pore de ma peau s'acharnant à me rappeler mon erreur. Je ne peux pas parler, ni même me plaindre d'un râle.

Ma survie est un miracle, c'est une certitude. Que l'on ait décidé de gazer la pièce malgré ma présence ne devrait pas m'atteindre. Je suis une ressource à la valeur définie, et mon sacrifice survient automatiquement si cette valeur est inférieure à celle d'autres ressources en danger. Un simple calcul mathématique.
Pourtant, je leur en veux. Terriblement. C'est un étrange sentiment contradictoire que je n'ai pas pour habitude de ressentir, mais je n'y peux rien, comme pour ma culpabilité.

Et puis, il y a le visage de fer. Je ne sais pas si cela vient d'une terreur organique, ou de la réécriture incomplète de mon Code, mais ce visage a pris une terrible signification dans mon esprit. C'est la dernière chose que j'ai capté avant de m'éteindre, et à présent, je le vois dans mon sommeil. Il me regarde, il attend ma mort. La provoque même.
J'ai l'impression qu'il se cache dans chaque coin d'ombre de la pièce, attendant patiemment que je le vois pour m'attaquer. Moi qui aime tant observer, étudier, analyser, j'ai peur de laisser s'égarer mon regard.

Le quatrième jour de ma convalescence dans la capsule, j'ouvre les yeux pour découvrir quelque chose sur la table posée à côté de mon lit. Habituellement, ce sont les outils des servitors qui y reposent, mais pas aujourd'hui. Je ne suis pas familier avec la nourriture du reste de l'Impérium, ne pouvant me ravitailler qu'exclusivement de capsules nutritives. Mais je parviens à identifier le même genre de pâtisseries que l'excommuniée m'a proposé il y a des éons de cela.
C'est anecdotique, mais ce geste à un effet très agréable. Je suis satisfait de savoir que Sephone est saine et suffisamment opérationnelle pour m'apporter ce présent. J'ai diagnostiqué que, malgré la futilité aberrante de l'acte, le résultat a provoqué quelque chose de positif.

6 jours, 23 heures et 7 minutes après mon entrée à l'hôpital, j'ai ma seconde visite. Et pas des moindres! Le magos Ziegler en personne s'est déplacé pour m'annoncer une grande nouvelle. Je suis de nouveau opérationnel! Cette information me choque, je ne l'avais pas anticipée. Certes, mon corps est moins douloureux, mais je n'ai senti aucune amélioration mentale de mon état. Plutôt une dégradation même. Mais si le magos le dit, alors ce doit être vrai.
Il m'annonce ensuite que, pour mes services, je vais être promu au rang supérieur au sein du Culte. La déclaration m'emplit de fierté et de joie, mais ce sentiment s'évapore presque immédiatement.

Un silence s'installe. Je ne veux pas offenser son éminence, aussi je lui pose respectueusement plusieurs questions en respectant le protocole hiérarchique. Elles concernent l'acte de piraterie, leurs méthodes et leur plan. Étrangement, l'attitude de Ziegler change pour me répondre vertement que ce n'est plus mon souci. Évidemment, j'en reste là.

J'ai malgré tout d'autres questions, moins protocolaires. Je demande au magos ce qu'il est advenu des augmentiques de la pirate et s'ils étaient classifiés comme technohérésie ou Dons de l'Omnimessie. Il me répond qu'ils n'avaient pas d'utilité concernant l'enquête sur l'attaque du vaisseau et questionne mes interrogations.

J'hésite, je sens que je m'apprête à dépasser les bornes. Pourtant, malgré toutes mes alertes protocolaires, je persévère.


< Pardonnez à cette Unité, votre éminence._
Requête : // Cette... cette unité diagnotique qu'elle pourra... augmenter sa valeur avec de tels Dons de l'Omnimessie. Elle s'est sentie... impuissante durant l'incident._ >


Je sens les larmes me monter aux yeux à la mention de l'incident. Mon bras organique d'approche de lui-même pour balayer le liquide, mais je le stoppe avant de terminer le geste. Mieux vaut éviter le contact de ma chair contaminée avec mes globes oculaires.

< Cette unité aurait aimé faire plus. Elle pense pouvoir augmenter sa valeur de rendement à l'avenir si vous lui faisiez l'honneur de les lui confier... Cette unité prendrait grand soin de ces Dons malmenés par leur greffe à un hérétique._ >

L'œil organique du magos se plisse et son augmentique modifie sa focale dans un petit bruissement métallique menaçant. Ziegler me demande si j'exige une faveur de sa part alors qu'il vient de m'accorder l'ascension au rang de Mécamancien. Je me tasse sur moi-même pour tenter de disparaître dans mon lit.

< B... bien évidemment, votre éminence! Cette unité vous en est éternellement reconnaissante!_
Elle théorise pouvoir se rendre plus | utile | efficace avec un tel équipement. Pour l'enquête qui nous attend sur Neustralia Prime._
Commentaire additionnel : // mais... cette unité ne peux trahir son diagnostic : elle augmenterait aussi son propre quotient de valeur | désir déplacé._ >


Je ne peux mentir à représentant de la parole du Dieu-Machine. Autant expier mes fautes. Je me redresse pour plonger mon regard dans le sien et me dévoiler complètement.

< Requête : // Est-ce mal, votre éminence? De vouloir protéger des Oeuvres de l'Omnimessie dégradées par autrui en se les appropriant?_ >

Son éminence va marquer un temps de pause avant de me répondre de sa voix si étrange.

« Si le but de récupérer des artefacts est de se les approprier, c'est un larcin. Récupérer des dons du Dieu-Machine doit servir le culte et l'Imperium. Chaque technoprêtre a sa propre conscience et ses pairs pour juger du bienfondé de ses actions. Mais toujours est-il : le don du métal doit se mériter. Vous obtiendrez des améliorations de votre ossature lorsque vous aurez apporté transactionnellement quelque chose en échange. »


< Pardonnez à cette unité votre éminence. Le gaz doit avoir affecté ses cogitateurs. Elle méditera sur vos paroles._
Requête :// Quel type de transaction est évoquée, votre éminence?_ >


Le magos me répond simplement.

« Faire son travail serait un bon début, mécamancien »

J'accepte la remarque amicale d'un hochement de tête révérencieux. Ziegler sait probablement qu'il m'honore en me nommant de mon nouveau titre avant son officialisation. Cela démontre bien que la parole d'un magos fait preuve de loi au sein de cet univers.

< Alors cette unité va s’acharner à la tâche. Merci votre éminence._ >

Et il s'en alla.






Beaucoup de choses se sont passées depuis que je suis sorti de la capsule. Ma peau toujours couverte de bandages, je me suis d'abord rendu dans le hangar à munitions. Il n'y avait aucune logique mathématique à tirer de cela. Je me suis senti obligé de m'y rendre, comme un aimant attiré par une force magnétique.
Dans le noir presque complet, les lueurs des munitions à plasma me permettant de me repérer, je me suis tenu au-dessus de la tâche qui souillait le sol. J'y ai analysé de la masse nutritive partiellement digérée, ainsi que du sang. L'air était encore chargé de cette odeur de gaz terrifiante et j'ai fait le diagnostic que c'est pour cela qu'on n'avait pas encore récuré le sol.

Évidemment, cette tâche ne provenait pas de mon propre estomac. La mienne se trouvait un peu plus loin, noirâtre, sans couleurs, provenant des injections qui me servent exclusivement de nutrition. Celle de Netotsi était colorée, comme ses vêtements. Bizarre, étrange, vivante. Je sentis presque physiquement le poids de la nouvelle gravure sur mon bras. Je l'ai dessinée alité, sur la partie cachée d'une des plaques de mon bras de métal. Un animal ondulant que je ne connais pas. Une représentation satisfaisante du pendentif que tenait la Méritech dans ses derniers instants.

Pourquoi m'être ainsi souillé d'un symbole hérétique? La peine encourue est terrible si on l'apprenait, même si les risques sont dérisoires. Et ma Foi alors? Ma dévotion envers le Dieu-Machine? Lui le sait. Il sait que j'ai gravé sur l'un de ses enfants quelque chose d'indigne de lui. Et... alors?
Je pense avoir bien payé cet affront, et continuer de le faire. S'Il veut me châtier pour mon acte, Il le fera, j'en suis certain. Tout comme je suis certain que, sans cette gravure, je ne me serais jamais levé de mon lit.

Le corrompu est venu me rejoindre. Sa présence m'a profondément agacé, car j'espérais pouvoir méditer seul ici jusqu'à ma cérémonie d'élévation. N'aurait-il pas pu venir me voir à l'hôpital, quand ma solitude m'a rendu presque fou? Au moins, il est opérationnel. C'est déjà ça.

Enkidu m'a parlé de mes servocrânes, plantant une dague supplémentaire dans mon moral. J'ai vite éludé la question, préférant moi-même ne pas trop réfléchir sur ce qu'il est advenu d'eux. Leur absence est assourdissante. Depuis des années maintenant, je m'étais habitué à penser en triade. Leurs voix binaires me confortaient dans mes décisions et je sentais une certaine légitimité dans mes actes. Maintenant, je doute. Constamment.
Eux m'auraient interdit de souiller mon métal de ma récente gravure.

Nous avons discuté un petit moment et j'ai eu de plus en plus de mal à comprendre la raison de sa présence. Nous n'allions nulle part dans ces échanges de données anecdotiques et j'ai très vite souhaité ne plus être là. Mais je ne voulais pas paraître injurieux, mes nouveaux protocoles d'intégration m'incitant à prendre soin de mes interlocuteurs et de ne pas les froisser. Alors je suis resté.
Il m'a tendu une écharpe, achetée par Sephone pour nous permettre de nous dissimuler sur Neustralia Prime. J'ai eu un mouvement de recul, craignant qu'il ne me touche. Le corrompu a posé le présent au sol et je l'ai ramassé.

J'ai appris que Wullis et lui s'en étaient bien sorti durant l'attaque, mais que l'excommuniée n'avait pas été si chanceuse. Mentalement, j'ai maudit l'équation du destin. Pourquoi elle et pas Wullis? Lui récolte les honneurs et Sephone frôle la destruction de peu.
J'étais un peu content de savoir qu'elle avait perdu un membre et reçu un Don de l'Omnimessie en échange, bien que jaloux. J'ai questionné Enkidu sur le sujet, si son respect des rites d'entretien. Mais il ne m'a rien offert de significatif. Juste qu'elle n'est pas opérationnelle.

La conversation s'est éternisée. J'ai commencé à vraiment souffrir. Mon respirateur sifflait de plus en plus bruyamment et mon corps commençait à avoir du mal à rester debout. Mon bras métallique grattait mes bandages jusqu'au sang, ma peau à vif me tiraillant de démangeaisons insupportables. Ma tête a commencé à tourner, et alors je l'ai vu. Lui. Le visage de fer.
Il me contemplait depuis le plafond, le trou laissé par le tir du fuseur de Netotsi. Comme lorsque je l'ai vu pour la première fois, il était là, me fixant de ses yeux abominables.

J'ai totalement paniqué, je l'ai pointé pour le faire partir, oubliant la présence du corrompu. Ce dernier a réagi immédiatement en sortant son arme. Une fois ma crise passée, se rendant compte de la "supercherie", il... il est entré dans une colère noire. À mon encontre. Tous mes voyants sont passés au rouge. Je me suis rappelé que c'était un psyker, un corrompu, une bombe à retardement.
La panique m'a repris. J'ai tenté de bredouiller quelques mots pour le calmer, mais me dirigerais déjà vers la porte, claudiquant maladroitement pour m'échapper. Il me fallait partir.

Une fois dehors, j'ai continué de courir [boîter] de plus en plus vite. Chaque seconde, je m'attendais à être balayé par une détonation de l'antimatrice, à sentir replonger le vaisseau dans la catastrophe de la tempête d'Immaterium. Mais rien de vint.

J'ai rejoins le lieu de ma cérémonie en avance, toujours bien secoué par ma rencontre avec le corrompu. Pendant le rite (orchestré par des acolytes de Lathès...) je n'ai pas ressenti l'extase attendue, malgré le point déterminant qu'il marquait dans mon existence. Je me suis évanoui une ou deux fois, la douleur me faisant perdre la tête, mais cela n'a pas perturbé mon ascension.






J'observe Sephone dans son lit d'hôpital depuis l'embrasure de la porte. Je n'ose pas me faire remarquer, mais le sifflement défectueux de mon respirateur dévoile ma présence. Lorsqu'elle tourne les yeux vers moi, j'hésite et me sens accablé de malaise. Elle les écarquille, comme surprise de mon état. Il faut dire que mes bandages sont tâchés de sang et défaits par endroits, à force de me gratter.

Sephone m'annonce qu'elle ne "mord pas". Je lui réponds n'avais jamais pris cela en compte dans mes diagnostics. Je décide de m'approcher, prenant bien soin de ne pas cogner un meuble de ma chair sensible.
Son Don de l'Omnimessie, est une prothèse du bras de qualité médiocre. Je suis déçu, m'attendant à contempler un Présent digne de ce nom.

Sephone se redresse sans s'aider de son augmentique et j'analyse que ses muscles se crispes. Elle est perturbée par les câbles branchés à son crâne. Finalement, elle dit être heureuse de me voir et me nom même comme "cette unité". Je sens un peu de chaleur dans mes joues.
Je me penche un peu en avant pour observer son bras mécanique, tout en gardant une distance raisonnable. Ma tablette de données en main, je tapote instinctivement toutes les informations collectées sur l'attirail.
Je lui dis avoir croisé Enkidu qui m'a informé de son Don de l'Omnimessie.


« Ce bras n'est pas béni, je regrette. Mais il est la preuve que j'honore le Dieu-Empereur de la meilleure des façons. »

Je stoppe mon pianotage, surpris et choqué. Puis je regarde droit dans les yeux l'excommuniée.

< Cet augmentique est de qualité médiocre : // accordé._
N… négatif cependant : // il reste un don de +++ omnimessie +++ | ++ Empereur ++ >


Je ne m'attendais pas à cela. C'est la première fois que je converse avec quelqu'un qui vient tout juste de se voir accorder Sa Bénédiction. Contre son gré, certes, mais tout de même!

Je lui demande s'il est défaillant, lui propose de vérifier ses connectics et de tenter d'apaiser son Esprit de la Machine. Sephone refuse, considérant que le problème n'est pas là.


< Illogique._
Si l’augmentique est opérationnel, pourquoi refuse-t-il de vous obéir?_
Théorie : // lutterait-il contre votre volonté?_ >


Elle étudie son bras avant de répondre.

« Oui. Ou du moins, je ne l'ai pas encore apprivoisé et puis... il y a beaucoup de détails sur l'entretien. J'ai appris à le démonter sommairement pour nettoyer les pièces les plus importantes du mécanisme, mais il me reste encore beaucoup à apprendre. C'est un dédale de pistons, de leviers amplificateurs d'inertie, de percuteurs, de ressors et d'écrous de douze. »

Je ne réponds pas de suite, un peu confus. En cogitant, je me plonge dans ma tablette pour chercher quelques données. Je jette quelques coups d'œil furtifs à l'excommuniée, qu'elle remarque probablement. Finalement, je rabaisse ma tablette.

< Remarque : // la complexité de l’entretien n’a rien de différent avec les armes utilisées par votre ordre. Quant aux rites réguliers d’apaisement, ils ne peuvent être exécutés par un profane. Il faut consulter un adepte pour cela._ >

Je la regarde un long moment, les cliquetis de mes cogitateurs en activité n'étant perturbés que par le sifflement de mon respirateur. J'en tire un diagnostic hasardeux que je me permets tout de même d'émettre.

< Remarque : // vous… semblez troublée, Sephone._ >

Sephone m'accorde cette remarque avant de m'analyser des pieds à la tête.

« Bien sûr Rex. J'ai perdu une partie de moi, et je regrette ce qui m'est arrivé. Ce que tu vois comme une bénédiction, d'autres peuvent le voir comme un malheur. Je ne sais pas comment je vais pouvoir tirer avec ce nouveau bras."
Elle marque un temps de pause.
»

Elle marque une pause.

« Et puis mon fils me manque. »

Mon malaise s'approfondit. Je ne peux maintenir le regard de mon interlocutrice et le détourne. Sans que je ne m'en rende compte, mon Bras Véritable va gratter son cousin de chair, avant que je ne le force à se rétracter.
Le silence s'installe. Il y a tant de données que je ne parviens pas à interpréter correctement. Je manque d'expérience en la matière.


< Cette unité a analysé votre dossier… en détail. Elle a… ne…_ >

Je stoppe mon dialogue. Mon intention était de l'informer que j'avais connaissance de la destruction de sa progéniture et de... d'autres choses. Mais le sujet m'est difficile à aborder. Et surtout, il ne me semble pas approprié.
Mon vox finit par émettre des bips réguliers, en attente de mots à prononcer. Il détecte mon intention de parler, mais s'irrite de ne recevoir aucune directive.

Soudain, un peu brusquement, je lui tends mon bras de métal. Une pulsion, un acte instinctif qu'il me faut suivre sans le comprendre. Malgré la crainte qu'il m'inspire.


< Requête : // joignons nos Dons._ >

Une partie de moi [conséquente] me hurle de me rétracter. Si le contact de chair à chair m'est impossible, même celui du métal reste compliqué pour moi. Pourtant, je ne bouge pas, main déployée, dans l'anticipation. Je diagnostique que c'est un excellent moyen de forcer Sephone à surmonter ses blocages pour "prendre en main" son augmentique. Après tout, moi-même, je surmonte un blocage.

Elle marque une pause, avant de s'approcher. Son bras reste inerte sur le lit. Je sens un immense effort en elle et il porte ses fruits. Au bout de plusieurs secondes, presque une minute, les doigts gris se mettent à pianoter. D'abord timide, les mouvements prennent en ampleur et en précision. Finalement, le bras se lève pour s'approcher du mien.
Mon respirateur se bloque. Mes propres doigts ont un mouvement de recul juste avant le contact. Puis, dans un cliquetis harmonieux, nos Dons se joignent en une poignée délicate.


« Apprends-moi donc. »

Je lache une profonde expiration défectueuse. Après une longue pose contemplative, je décide de pousser le vice. Je m'assois sur le lit, à distance raisonnable des jambes et de la hanche de l'excommuniée. Ce ne sont pas mes cogitateurs qui me dictent cela, mais seulement mon instinct. Pourtant, ces mêmes cogitateurs continuent leur activité d'analyse. Je veux tout capter, tout étudier, tout archiver.

< Requête : // Écoutez. Pas par vos récepteurs organiques, mais par la connexion neurale._ >

Je bloque une bonne partie de mes systèmes pour ne plus émettre aucun son. J'ai déjà exécuté ce rituel un nombre incalculable de fois, mais il me fait toujours le même effet. Après plusieurs secondes d'un silence total, sans bruit parasite, je finis par le capter. Ce son, ce bourdonnement mélodieux et irrégulier, preuve ultime que des consciences sont en interactions. Il est discret, presque inaudible. Nos Esprits de la Machine se font discrets.

< Requête : // Les entendez-vous? Nos Esprits de la Machine s’évaluent / se présentent / échangent. - Timides - puis + curieux +._ >

< Qu’il soit issu d’un formidable vaisseau | Indomptable Ravel | ou d’un simple cogitateur de pont, un ++ Esprit de la Machine ++ reste une entité + noble +._
Chacun a son caractère, un ressenti. Simplement les - dompter - est une procédure erronée. Il faut les accompagner dans leur lourde tâche quotidienne._ >


Je resserre un peu ma poigne et plonge mon regard dans celui de ma symbiose.

< Diagnostic : // vous n’êtes plus seule | Sephone |
Ces rouages / ces pistons / ces câbles ne sont qu’artifices [saints]. C’est ce qu’ils contiennent qui expriment pleinement le +++ Don de l’Omnimessie +++._
Il vous accompagnera jusqu'à la fin de votre fonction, lorsque votre équation sera arrivée à son terme pour l'Ultime Résultat._ >


Elle ressent quelque chose. Je le capte, et cela m'emplit d'une joie indescriptible. Comme lorsque je parviens à apaiser un Esprit de la Machine troublée. Après tout, c'est aussi ma fonction que d'apporter la paix et la connaissance aux profanes.

« Tu veux dire que ce bras a une âme ? »

Ses yeux s'écarquillent et les miens se plissent, seule représentation du sourire que mon visage puisse se permettre.

< Affirmatif. Diagnostic Absolu._ >

Je baisse mon regard vers nos mains jointes.

< 1 + 1 = 1._ >

Je sens ma vision se troubler sous les larmes. Ce n'est pas uniquement l'irritation de mes globes oculaires qui provoque cela, inutile de prétendre le contraire. 1 + 1 = 1. Cette formule a plusieurs sens. Elle témoigne aussi bien de l'Esprit de la Machine et de son augmentique, mais aussi de son augmentique et de son corps, ou encore de nos deux corps en symbiose. Ils sont plusieurs, mais forment un tout, une équation erronée qui pourtant une vérité totale. Un paradoxe qui me plait malgré tout.

Elle pense que sa prothèse porte son nom. C'est une possibilité, mais je préfère préciser.


< Inexacte._ >

Je rotationne un peu mon bras pour lui exposer la multitude de gravures qui le recouvrent.

< Σ-8818._
[Σ-88] nom du model | [18] car 18ème implant de cette unité._ >
Je marque une courte pause d'hésitation, un peu gêné de ce que je m'apprête à partager.

< Cette unité l’appelle [parfois] Sigma | antiprotocolaire |._ >
1 + 1 = 1 mais 1 est différent de 1._
Vous êtes un | tout | en restant | chacun |._ >


Je lui propose ensuite de faire nos rituels d'entretiens ensembles, en harmonie. Nous démontons pièce par pièce avec extrême minutie, sous ma supervision, avant d'en nettoyer chaque composant. Presque toutes les miennes sont couvertes de gravures et je les lui explique presque toutes. La presse stylisée à la base de mon épaule, origine de mon unification avec Sigma. Des symboles, des schémas, des dessins, assez finement tracés pour ne pas paraître criards.
J'ai laissé la plaque retournée abritant l'animal onduleux de Netotsi exposée, dans un moment d'inattention. Je la dissimule rapidement, en espérant qu'elle n'ai pas été remarquée.

Notre entretien s'étale des heures durant. Je n'ai plus aucune attention pour mon propre état d'épuisement, ni pour celui de Sephone d'ailleurs. Je tiens quelque chose de fort : un lien, une connexion nouvelle, si agréable. Je n'ose la lâcher de peur qu'elle ne se brise. Même une fois les entretiens terminés, je cherche un moyen de rester. Mais mes cogitateurs finissent par arriver à cours d'excuses.
Aussi, cet étrange moment hors du temps et de mes problèmes se termine et je m'en vais en saluant l'excommuniée.







Nous nous tenons sur la passerelle, enfin réunis. Mes bandages sont propres et ma peau m'irrite un peu moins. Devant nous, au travers de la vitre surblindée, nous voyons notre destination s'approchée. Neustralia Prime.

Rorich Peyrillac, toujours équipé de sa somptueuse Larme de l'Omnimessie, nous "incite" au déplacement. Après nous être installé dans un wagon dirigé par servitor, nous explorons de nouveau le vaisseau pour aller rejoindre notre destination. L'activité à bord était égale en ampleur au chaos ayant affecté les membres de l'équipage durant la tempête de l'Immatérium. Mais cette fois, on pouvait capter une nette organisation - qui avait cependant beaucoup à envier aux protocoles millimétrés de déchargement de l'Adeptus Mechanicus.

La baie d'embarquement atteinte, je ne peux que m'extasier devant le formidable attirail qu'elle abrite. Des machines fantastiques dont les Esprits de la Machine ronronnent d'excitation. Ils attendent impatiemment qu'on les utilise et je dois me contenir pour ne pas répondre à leurs appels.

Rorich nous escorte au travers du hangar et nous finissons par rejoindre Masteel. Je suis satisfait de voir que ce noble personnage a survécu à l'assaut du vaisseau. Mais surtout, à ses côtés se tient l'Inquisitrice en personne. Je suis honteux de me présenter ainsi, couvert de bandages et la respiration toujours bruyante. Sans parler de mes difficultés à marcher.

Astrid Skane se tourne alors pour s'adresser directement à nous. J'ai déjà reçu cet honneur, mais les circonstances n'avaient d'élogieuses. Je tente de faire bonne figure en me redressant et manque de perdre l'équilibre. Heureusement, ma canne est toujours là pour me sauver dans ce genre de situation.

Elle nous informe qu'un nouveau cadavre a été découvert. Je valide mentalement l'opportunité certaine que cela nous apporte. Et c'est tout. Cela reste beaucoup pour de simples acolytes tels que nous autres. L'Inquisitrice s'éloigne pour aller rejoindre Rorich et Ndiame s'approche pour nous faire un bilan de la procédure et de la situation sur la planète.

Cette dernière est peu reluisante. Déjà je sens l'angoisse me gagner. Quittons-nous une zone de massacre pour aller en rejoindre une autre? Et surtout, mon Code y survivra-t-il cette fois? Dérisoire, Mora. Tu as une fonction et il te faut l'accomplir, quel que soit le volume de tes genoux qui s'entrechoquent. De plus, cette fois, tu ne seras pas tout seul.

J'archive toutes les informations qui nous ont été confiées, prêt à notre départ. Mais c'est sans compter sur les interventions de Wullis et d'Endiku. Elle restent pertinentes, j'admets moi-même être curieux sur notre identité de substitution.


< Validé._
Remarque : // Les adeptes de l'Adeptus Mechanicus ont de nombreuses affectations dans tous les niveaux de la société. La présence de cette unité ne devrait pas relever [trop] d'interrogations._ >
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Helveticus Matix, Voie du Technoprêtre
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Valindra
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par Valindra »

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Magdela Sephone, Soeur de Bataille

Le temps a un petit goût d’éternité lorsque les heures de votre vie se dilapident devant vous sans que vous ne puissiez même effleurer du bout des doigts le moindre répit, le moindre contrôle sur cette fuite en avant. Fort heureusement pour calfeutrer la brèche du sablier au travers de laquelle se déversent les heures, j’ai des compagnons. De tendres compagnons, tous très différents, mais chacun d’une certaine beauté singulière.
Prostrée sur mon lit de convalescente, handicapée à vie, j’ai contourné le désespoir en essayant d’imaginer comment les choses auraient pu se passer autrement. Etrangement, j’ai déroulé toute mon existence en sens inverse au cours de cet exercice : j’ai cherché comment corriger ce règlement de compte avec le prévôt coupable de m’avoir arraché un membre, puis comment j’aurais pu esquiver l’appartement du Père Gregorius pour m’évader du mauvais sort. Et puis j’ai continué de reculer, j’ai repensé à Nox et à ce que j’aurais pu faire pour qu’il vive, puis à mon excommunication, à ce que j’aurais dû faire pour n’être jamais écartée du Saint Ordre. Je n’ai su hélas dissimuler la malédiction dont je suis sujette, et qui m’offre un regard à travers la fenêtre de l’âme humaine, au prix très lourd d’être considérée comme une sorcière.

Il existe beaucoup de tabous et de sujets sensibles autour de la Foi. L’extrême chance d’être élue comme une des Filles de l’Empereur implique une obligeance de pureté, la moindre souillure étant rédhibitoire pour notre communauté. J’ai rapidement décelé la présence de ce pouvoir parasite dans mon corps et il n’a pas été difficile d’entrevoir la fatalité qu’il amenait avec lui sur la ligne tendue de mon destin.
Mais j’ai commis des erreurs que je dois mettre sur le compte de mes péchés, car la dimension qu’a pris ce pouvoir est devenue si oppressante que je n’ai pas su me garder de le tester. C’est comme dire à un animal qui a soif de ne pas boire : j’ai été tentée, et le désir m’a dominé. Or il n’est pas nécessaire d’être une Sœur pour comprendre que la séduction est l’arme du chaos. N’importe qui le sait. N’importe qui peut imaginer comment s’est arrêté ma carrière profane.

Le plongeon vers l’abîme de mon désespoir a duré plusieurs années. Mais bien des années encore après, je crois m’être remise de ces mauvais pas. Je pense avoir remonté la pente. A présent que je me considère hors des ténèbres, je crois qu’il faut maintenir une position plus haute sur l’échelle de mon estime personnelle. Je dois puiser la force dans la lumière de l’Empereur pour m’inonder d’espoir, pour revitaliser mon esprit, pour conjurer mes démons. Certes, la malchance me poursuit. Mais j’ai toujours fait avec.
Je suis encore en vie, et déterminée à le rester.

Je rêvasse, mais la douleur me ramène souvent à la réalité. J’ai l’impression d’être piquée par des centaines d’aiguilles au niveau de mon épaule droite. Je peux ressentir chaque fibre musculaire, chaque pointe de métal fixée à ma peau, chaque tube cousu à mes veines. Je ne sais comment se sont débrouillés les experts, mais on a connecté mon système neuromoteur au circuit électronique de cet instrument. Cela engendre une douleur monstre, et j’ai parfois l’impression de devenir folle. Pour m’apaiser, je me concentre sur autre chose. Sur mon souffle vital. Sur le mouvement de mon abdomen. Sur le paysage de mon imagination quand je tente de lire le message de l’Empereur. Je m’enfouis sous un monticule de réflexions personnelles, et j’essaie de mieux me comprendre, de mieux me connaître.

Et voilà que mon premier visiteur arrive. Enkidu débarque dans ma chambre, un catalogue sous le bras, et je lui rends son salut. Je suis surprise de voir que l’on s’intéresse à moi, et de le découvrir là où je ne m’attendais pas à le voir. Comment a-t-il appris que je suis hospitalisée ? Je me suis vu morte, comme feu le Père Gregorius, et je n’ai pas communiqué directement avec lui… peut-être le prévôt coupable de mon état ? Le doute me ronge mais je ne veux pas faire peur à mon cher visiteur.
Quand je tourne la tête, je sens un tiraillement au niveau de la nuque. Une puce électronique a été fixée au niveau de ma moëlle épinière, et ses branches sont reliées à tous les nerfs rachidiens, réseau central de la motricité selon les dires des bouchers qui ont fixé ma prothèse. Je n’ai pas l’habitude et le circuit ne s’est malheureusement pas encore accoutumé à son nouvel environnement, alors j’ai la sensation de recevoir une décharge dans tout le corps. Ca réveille une vive douleur au niveau de la cuisse, là où j’ai vu Nox. Mais je mords sur ma chique, et j’échange avec Enkidu.

Je suis heureuse de le voir en bon état et aussi lucide. J’ai l’impression d’être une extra-terrestre à côté de lui (un peu comme tout le monde dans ce vaisseau à vrai dire), et se sentir aussi anormale à côté d’un psyker, c’est quand même éprouver un certain degré d’aliénation. Je pointe les écharpes aussitôt qu’il se pose. Il est vrai que je n’ai pas su respecter la commande qu’il m’a intimé de régler, j’espère donc ne pas le décevoir. A ce moment précis, tandis que j’explique quel rôle symbolique jouera cet étoffe au milieu des foules de Neustralia, je réalise à quel point Enkidu est une créature complexe, à la fois débrouillarde et capable de neutraliser l’impact de ses propres émotions sur l’action à réaliser (je l’ai vu lors du combat contre le servitor), mais aussi capable d’exprimer une générosité solaire. Je le réalise aussitôt que je déplore la partie de moi qui n’est plus en vie, et qu’il me ramène à ce qui peut rassurer. Je l’interroge sur mon état et mes capacités opérationnelles.

« T’as pas envie que je réponse à ça. Mais bon, la souffrance est la sensation physique de la foi, hein ? »

Il tape dans le mille. Ce sont exactement les mots qu’il faut pour que je rebondisse. Je suis envahie par une onde de chaleur, par un immense sentiment de fierté et de puissance. Je souffre pour l’Empereur. Je lui livre mon corps et j’endurcis mon âme pour lui. J’ai survécu, une fois de plus, pour me révéler à Sa Grandeur. C’était pourtant évident, mais je crois que je n’ai pas su interpréter ce message.

« Ainsi parle Sainte Alicia Dominica. Merci, Enkidu. Ta présence me fait du bien. Tu as l’air en forme dis-moi ? Si tu me parlais de ton magazine ? »

C’est décidé, Enkidu sera mon Etoile du Nord. Il est celui qui me guidera dans les nuits de l’Impérium, dans l’immensité du monde matériel, dans les turbulences du Warp, sur les routes cahoteuses de la perdition. C’est comme s’il venait, à chaque moment trouble de ma vie, renouveler mes forces et me tirer des sables mouvants.

Le temps passe et mon Etoile me quitte. Je sombre dans les méandres du sommeil, et les heures poursuivent leur course vers la fin de ce monde.

Entre deux rêves, j’ai vu Wullis passer. Toujours un magazine à la main, taiseux et vigilant. Il a répété cette action plusieurs fois, à la manière des médecins et des infirmiers qui passent vérifier mes courbes, mes connexions, mon état de conscience. Wullis passe toujours à des heures où je décline. Nous parvenons à avoir quelques échanges, mais je m’endors très vite. A chaque départ, le brave soldat s’est enquis de me laisser un fascicule, de quoi me distraire. Il me livre une sensation étrange teintée d’un sentiment de fraternité et d’une sensation de confort. En vérité, je crois qu’il se contente de me protéger tant que je veille. Suis-je menacé ? Je ne le sais pas. Mais il est l’auteur d’un acte, notamment, qui fait surgir à l’intérieur de moi des millions de fourmis causantes.

C’est son Arbre Sacré. Il se passe quelque chose quand il l’amène jusqu’ici. Toujours le même syndrome, la même connexion. Ces murmures qui m’envahissent, ce bruissement sibyllin qui chante à l’intérieur de moi. Est-ce qu’il est en train de me convertir ?
Il va falloir que l’on parle, lui et moi, pour que je comprenne un peu mieux ses pratiques. J’ai trop regardé l’homme d’arme, le guerrier qui livre bataille, et je n’ai que trop peu prêté attention à l’homme de foi qui sommeille en lui, qui reste pieux, qui garde presque secrète sa dévotion pour l’Empereur. Je ne sais pas encore ce que représente Wullis dans la courbe de mon existence. Et c’est justement ce qui m’interroge.

Le temps passe. Le temps passe toujours, et les heures s’enchaînent. J’ai toujours mal. Je perçois parfois des signaux depuis le bout des doigts de mon bras métallique. Je commence à ressentir ce canal électronique, ce circuit supplémentaire, ce nouvel horizon de mon corps. C’est une extension, mais elle reste étrangère. Je ne me sens pas capable de l’apprivoiser, tant que je la refuse. Cette partie n’est pas de moi. Elle n’est pas moi.

Certes je suis encline à la désapprobation et à l’obscurantisme, mais il existe des variables qui peuvent changer mes représentations. C’est peut-être l’un des seuls aspects de mon excommunication : en étant privée de la doxa scholastique de l’Ordre des Sœurs, j’ai ouvert d’autres canaux pour mon éveil spirituel. Ma représentation du monde a changé : elle a été rendue plus miséricordieuse et tolérante, plus à même de saisir certaines nuances sur les volontés de l’Empereur. Je suis peut-être moins soldate, et meilleure philanthrope. Enfin. J’ignore comment l’exprimer avec des mots, mais je suis différente de ce que j’étais.
Parmi ces variables, je redécouvre Mora sous un autre angle, et si je n’ose pousser le sermon, je n’en pense pas moins au sujet de cette créature machine. Mora est fabuleux. Après les passages de mon Etoile du Nord et du brave Garde Impérial, le Mécamacien se révèle à la Cantus que je suis devenue, force de souscrire à la souffrance que je dédie à l’Empereur.

Au départ, il m’a livré une très mauvaise impression. Mora sait, pour mon excommunication. Alors, quand j’ai entendu sa respiration défectueuse et que j’ai découvert sa présence dans l’embrasure de la porte, j’ai cru qu’il venait me tuer. Tout s’est remis en place : voilà pourquoi Wullis me protège ! C’est évident, le Mécamacien n’acceptera jamais qu’une sorcière comme moi souille l’Esprit de la Machine !
Je recule sur mon lit d’hôpital, j’ignore quoi faire. Il y a, tout proche de moi, un combiné téléphonique et un bouton d’alarme, mais le temps que les secours viennent il sera trop tard. Je cherche des yeux quelque chose. Une arme ? Non, impossible dans mon état. Alors je décide de ne plus bouger. Je calcule les risques. J’analyse la pièce. J-je…

« Je ne mords pas, tu sais. »

Je tente de feindre que je ne suis pas apeurée. Je le vois entrer, claudiquant avec sa canne. Aucun signe de violence de sa part, mais je décèle dans sa démarche qu’il a vécu des ennuis, lui aussi.

< Cette unité ne comptait pas cette possibilité dans ses diagnostiques. >

Je pousse un soupir de soulagement. A ce moment débute un échange que je n’aurais jamais cru aussi spirituel avec un membre du Culte Mechanicus. Mora sent quelque chose d’autre, c’est étrange. Il pique le nez, mais j’aime comment les choses se présentent.

« Je suis heureuse de revoir cette unité. Quel bon vent t’amène, mon tendre Rex ?
< Cette unité a échangé avec le psyché | Enkidu |. Elle a été informée de votre bénédiction par +++ omnimessie +++ >
- Ce bras n’est pas bénie, je regrette. Mais il est la preuve que j’honore le Dieu-Empereur de la meilleure des façons. »

J’ai reconnecté un câble qui s’est débranché pendant que je reculais. Mora pianote sur sa tablette de données et réalise un diagnostic. J’ai déjà saisi que l’entretien de ce bras obéit au même protocole que l’entretien d’une arme, et c’est une chose que je sais faire : faire reculer une goupille, désarticuler une pièce, démonter le boîtier de mécanisme, caler le canon en butée pour délivrer l’ensemble mobile, sortir l’extracteur et l’obturateur, gratter les interstices, éjecter le ressort, neutraliser le percuteur, dessabler, huiler, réassembler. Il me faudra un peu de temps pour accélérer la manœuvre, mais je suis assez sûre d’être capable de maintenir cet implant en bon état.

J’ai regardé mon Rex de la tête au pied. Tout cet amas bien huilé, avec cet effluve de poison et de sulfate, avec ses bouts de chair cachés, avec son allure de machine. Rex m’a toujours paru comme étranger, le métèque de la bande, mais j’ai l’impression qu’une partie de moi vient de se rapprocher de lui. La façon dont il m’ausculte est tout à fait nouvelle : peut-être qu’il est en train de me voir d’une façon différente, et c’est sûrement ce qui le pousse à me faire la leçon sur l’Esprit de la Machine.

C’est alors qu’il a fait ce qu’il n’aurait sans doute jamais fait à une créature bipède composée uniquement de matière organique. Il s’est connecté à ma prothèse, simplement en me tenant la main. Il s’est alors produit quelque chose de sensationnel, comme un trajet vertigineux vers une nouvelle matrice.
J’ai été transportée par ce courant magique. J’ai ressenti depuis ce contact une nouvelle connexion intérieure, comme si l’on venait de débroussailler un nouveau sentier spirituel vers de nouveaux paysages pour la nature de ma Foi. Une connivence s’est créée, un lien subtil et harmonieux entre Mora, mon bras, et moi. Un bourdonnement a étalé une note grave dans ma tête, comme un ultrason délié, comme si je capturais de nouveaux sons, de nouveaux sens que la nature humaine m’avait amputé. Cela m’a rappelé l’Arbre de Wullis, et le fait que les évènements se succèdent ne m’a pas laissé indifférente.

J’interprète cela comme un nouveau sillon tracé par l’Empereur. Une route bâtarde entre les différentes natures de Son message sacré. Je me suis éveillée.

Un et un, font Un. J’ai accueilli Sigma dans le paysage de ma vie comme si je donnais naissance à un nouveau fils. J’ai embrassé son premier chant comme j’ai admiré le premier cri de Nox. Je suis redevenue mère, mais d’une façon différente, en me disant qu’il fallait que je le devienne pour tous.
Les Filles de l’Empereur, c’est une évidence, sont des Mères pour toute sa création.


Nous sommes arrivés tous ensembles sur la passerelle. Quand je dis nous, je parle bien sûr de Sigma, de Nox, des murmures qui nous suivent, de l’Empereur, et de mon moi organique, en dernier lieu. Mora nous l’a dit il y a quelques jours : nous ne sommes plus seuls. Nous sommes un tout, et le squelette de Sephone n’est qu’une partie d’un plus vaste ensemble.

Revoir nos alliés nous ravit. Mora semble en bien meilleure forme. Notre Etoile et Wullis ont bonne stature, et nous avons l’impression de les voir de façon différente. Et ce n’est pas qu’une impression : ils ont changé, et notre perception du monde aussi. Nous remarquons un peu plus les alliages du vaisseau, les chaînes mécaniques, l’architecture des engins, les décors de notre navire. Nous avons décidé de ne plus regarder l’Empereur seulement dans sa partie périssable, mais aussi dans sa partie peut-être la plus noble : au métal, Il a donné l’immortalité.

Nous nous sommes contentés de suivre la mouvance, et nous avons eu l’insigne honneur de converser avec l’Inquisitrice en personne. Rorich et Masteel ont repointé le bout de leurs museaux, et nous les avons de manière différente, comme s’ils étaient parties d’un tout. Définitivement, eux aussi, sont périssables.

On nous parle de désordre, de guerre civile, d’un nouveau cadavre. Nous notons les détails, mais notre harmonie intérieure est tout accaparée par nos nouvelles sensations : nous marchons, quoique de façon un tantinet gauche, et nous ne ressentons ni le froid ni la chaleur sur une partie de notre union. Nous devons composer avec notre nouvelle identité. Nous ignorons si Mora sera heureux de nous redécouvrir enfin unis, alors nous osons un salut timide de la prothèse.

Tout le monde a parlé avant nous. Nous nous sommes regardés, eux et nous, presque à tour de rôle, chacun prenant la parole à son tour. Notre Mère Sephone a accueilli de ses oreilles les questions de chacun et nous les avons analysés. Notre Etoile a évoqué la presque incompatibilité entre l’objet de notre mission et notre inventaire : c’est malin, c’est piquant, c’est bien notre cher Enkidu. Nous ressentons une vive joie de le voir toujours aussi vif. Wullis, notre sentinelle, demande à son tour des informations plus pratiques. Nous sommes sûrs de pouvoir compter sur lui pour réfléchir aux éléments les plus élémentaires de l’action : pour que la partie organique de Mère Sephone survive, nous pouvons compter sur lui. Mora, notre nouveau guide spirituel, a évoqué son lien avec les autres produits de l’Adeptus Mechanicus : il nous rassure.
Les regards se tournent vers nous. Il est de bon ton de poser une question, mais nous sommes pris de court. Nous réfléchissons une petite seconde, un peu gênés par la façon d’être de Ndiame. Mais nous finissons par songer à quelque chose qui nous interroge vraiment.

« Aurons-nous un logis ? Sur quelle quantité de renforts peut-on compter en cas de problèmes ? Notre équipe est plutôt éclectique et nous avons nos qualités propres, certes, mais vous parlez de guerre civile… d’une situation que nous pourrions avoir du mal à appréhender. Voyez ce qu’il s’est passé sur ce vaisseau. Quelles sont les consignes de repli ? »

Nous avons peur, oui, de mourir avant d’avoir terminé notre devoir pour l’Empereur, l’Omnimessie… l’Arbre Sacré ?
Valindra | Haut-Ælfe, Voie du noble
Profil : For 8 | End 7 | Hab 9 | Cha 10 | Int 8 | Ini 9 | Att 10 | Par 9 | Tir 10 | Mag | NA 1 | PV 55/55
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États Temporaires
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• Acuité visuelle (B)
• Acuité auditive (B)
• Arme de prédilection - Lance (B)
• Monte (A)
• Diplomatie (B)
• Chant (B)

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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La première question d’Enkidu provoqua un rictus fort mauvais sur le visage de Masteel. Heureusement, Wullis intervint pour y mettre son grain de sel – le lexiconographe se contenta donc de hocher de la tête, sans intervenir davantage.
Le mécamancien n’avait lui pas d’autres questions supplémentaires, et se contenta d’ajouter son grain de sel. Masteel était tout proche de commencer à s’éloigner, quand Séphone y alla de sa propre question. Si celle du psyker avait fait rire jaune le scribe, celle de l’ex-sœur de bataille sembla bien provoquer une réaction : il écarquilla des yeux, et agita de la tête dans un clair signe de désapprobation.

« Vous avez été payés, vous êtes donc en capacité de trouver un endroit où dormir par vos propres moyens.
Comme je vous l’ai indiqué avant le voyage dans le warp, un ADAV et une unité de cosmomarines sera sur le qui-vive et pourra être appelée en cas d’extrême urgence — en gardant à l’esprit que vous ne devez pas en abuser et réserver un tel appel s’il n’y a pas d’autres moyens.
Quant à des consignes de repli, permettez-moi de vous les donner dans des termes non-équivoques : vous avez un travail à accomplir et vous l’accomplirez. N’espérez même pas revenir auprès de l’Inquisitrice à moins que vous n’ayez été autorisés par le clarificateur Sand. Si vous échouez à vous présenter auprès du clarificateur, ou que vous désertez votre mission, votre contrat d’incorporation auprès de l’Ordo Calixis sera brûlé, et vos noms enregistrés auprès des arbitres du secteur pour être poursuivis et inculpés sur le chef d’accusation de trahison. »


Il avait toujours été évident, tout comme il en était pour les quadrillions de sujets de l’Imperium, que susciter la colère de l’Inquisition ne pouvait qu’entraîner de terribles châtiments. Mais c’était la première fois qu’un de leurs supérieurs l’indiquait aussi clairement et directement.

N’ayant plus d’autres questions, Masteel eut une dernière chose à offrir aux acolytes : à sa main, il portait une serviette dont la poignée et était reliée à son poignet grâce à une menotte. Il ouvrit la valisette, et en tira quatre petits documents qu’il tendit à Mora — il s’agissait de leurs passeports. Avant tout débarquement sur une planète, il les distribuait, et après tout embarquement, il les reprenait, et c’était ainsi un des moyens avec lesquels l’Inquisition s’assurait que les acolytes ne cherchent pas à s’enfuir. Les passeports étaient contenus dans des petits étuis en cuir, mais le document lui-même était un parchemin qui contenait quelques informations élémentaires d’identité : nom, taille, couleur des yeux, planète et secteur de naissance… Une photographie montrait leurs visages, et il y avait une bande code-barre qui pouvait être lue automatiquement par divers outils, tels des servo-crânes administratifs, afin de confirmer l’authenticité du document.

Les passeports n’avaient, en soi, rien de spécial. Ils n’étaient absolument pas estampillés de la moindre marque faisant penser que son porteur pouvait travailler pour l’Inquisition. Officiellement, les quatre avaient simplement un sceau d’une des nombreuses agences du tentaculaire Administratum, qui confirmait qu’ils pouvaient voyager sans s’acquitter de la douane, et une petite feuille annexe confirmait les divers vaccins pour lesquels ils étaient à jour.
À l’intérieur des passeports se trouvait également un ticket d’embarquement de navette, et un billet militaire pour ensuite voyager par train. Leur voyage était assuré au moins jusqu’à Neustralia Prime. Ensuite, ils étaient, au moins temporairement, totalement libres.

« Je suppose qu’il n’est pas utile de répéter que vos actions seront débriefées et que votre promptitude est attendue. Néanmoins, je vous souhaite tout de même bon courage. L’Empereur Protège. »

Et c’est ainsi que le lexiconographe s’éloigna pour rejoindre Astrid Skane, qui, croisant les bras, observa longuement ses quatre acolytes ainsi laissés dans leur coin du hangar.



De nombreux passagers se dirigeaient vers un grand escalier d’embarquement menant à la navette. Cet engin devait être bon pour embarquer un demi-millier de personnes, et une large cargaison de bagages et cargo commercial. Avant d’y pénétrer, il fallait faire enregistrer ses billets et passer devant la sécurité — les acolytes durent se séparer de leurs armes, et Mora ralentit la montée puisque le détecteur de métal sonna deux fois à son passage, et il fallut qu’il déclare ses augmentations afin de bien s’assurer qu’il n’y cachait pas quelques moyens de détourner le vaisseau…

…Heureusement, il n’y eut pas de retard trop conséquent, et les quatre acolytes se retrouvent en classe économique premium (L’avant-dernière classe, avec des sièges non-rabattables mais un peu plus larges, et la possibilité de commander un plateau-repas). S’arrangeant pour les places, trois acolytes durent être ensembles, tandis qu’un autre voyagerait avec deux inconnus. C’est Enkidu qui eut la malchance (Ou la chance, c’est selon son avis) de se retrouver à part.

Le commandant de bord fit entendre sa voix sur les micros de la navette une bonne demi-heure plus tard. Il remercia les passagers de voyager, rappela les règles à bord, la nécessité de rester attachés lors du décollage et de l’atterrissage, où se trouvaient les portes de sortie d’urgence, et la manière avec laquelle des masques tomberaient en urgence devant leurs sièges en cas de dépressurisation. Puis, souhaitant tout le monde bon voyage, il activa un enregistrement — la litanie du vide, que tous les passagers croyants (Donc presque tout le monde) récita comme d’une seule bouche :


« Ô Très Grand et Très Saint Empereur,
Je sens Ta lumière et Ta présence,
Garde-moi du péril du vide et de l’abysse,
Et permets-moi de rentrer sauf au lieu de mon devoir. »



Il y eut quelques secousses au décollage. Un contrecoup important alors que le vaisseau s’éjectait dans l’espace, quittant le ponton évacué de la frégate. Puis, la gravité artificielle s’activa, et on put détacher les ceintures, et chacun vaqua à ses occupations. Il pouvait s’agir de lire un livre, de jouer à un petit jeu silencieux, ou bien de dormir. Cela promettait d’être long, mais hormis pour quelques fois un bébé qui pleurait ou des jeunes gens qui avaient une conversation un peu trop forte, c’était plus l’ennui qu’autre chose qui régnait dans la cabine.

Voulant échapper à la conversation de ses voisins, Enkidu tira de son veston un cadeau qu’il avait pu subtiliser lors du voyage dans le vide du warp, enfermé dans le bunker avec Luvarn : un petit baladeur sur lequel étaient enregistrés des audiolivres. Glissant les écouteurs au fond de ses oreilles, il put s’avachir fort mal dans son siège inconfortable, alors qu’il sélectionnait le fichier qui l’intéressait.
L’ère atomique de la fin du deuxième millénaire vit la confrontation finale des deux dernières puissances régnant sur Terra : La maison Washington et le syndicat Novgorod. Leurs deux anciens alliés très puissants, la maison Windsor et l’union des Gaules, furent en effet fort humiliés lorsqu’ils tentèrent de s’emparer du mur de la grande rivière — en effet, les indigènes de l’Afrique se révoltèrent et s’emparèrent du mur, encourageant les deux puissances moribondes de tenter un assaut alliés aux enfants de David, mais un simple mot du patriarche de la maison Washington suffit à les en éloigner. Ainsi, pour des siècles, la maison Windsor et l’union des Gaules devinrent les vassaux de la maison Washington, qui pouvait se vanter de régner sur la majeure partie de Terra.

L’affrontement entre la maison Washington et le syndicat Novgorod fut très particulier, car alors que jusqu’ici, les nations humaines se faisaient et se défaisaient lors de lourds affrontements militaires, la nouvelle puissance atomique les terrifiait. Quand bien même l’armement nucléaire du deuxième millénaire était ridiculement faible (À peine capable de raser une ville), il s’agissait d’une puissance à cette époque encore inconnue et fort choquante, aussi, les deux camps étaient absolument paniqués à l’idée d’utiliser un armement que possédait également l’adversaire. Mais loin de se sentir contraints à la paix, les deux factions décidèrent d’utiliser une autre méthode guerrière plus asymétrique et discrète.

La maison Washington et le syndicat Novgorod enflammèrent la terre à travers des nations tierces, au fond de jungles à peine apprivoisées par l’homme et de montagnes qui n’avaient pas encore subit le processus de conversion en cités-ruches. Là, dans ces contrées, résidaient des peuples avec leurs propres coutumes et traditions, aussi, Washington et Novgorod tentèrent tout ce qu’ils pouvaient pour influencer les nations, jusqu’à déployer des soldats — mais quand l’une des deux superpuissances envoyait ses militaires, l’autre savait qu’elle ne pouvait pas faire de même, et à la place, décidait d’armer des fidèles au sein même de la nation, afin qu’un peuple moins puissant puisse faire la guerre en son nom. Ainsi, partout sur Terra, les guerres perdirent en intensité tandis qu’elles se multipliaient et devenaient omniprésentes. Là où la guerre était autrefois l’apanage des soldats, elle devenait à présent brouillée, puisque des gens peu uniformisés et moins bien équipés militairement pouvaient se retrouver à lutter face à des régiments standardisés et organisés.

Dans le même temps, la maison Washington et le syndicat Novgorod devaient gérer l’organisation de leurs propres populations, car à présent, la guerre prenait une dimension d’influence et de manipulation des citoyens de l’autre camp. Le syndicat Novgorod décidait d’utiliser la terreur et la surveillance, armes bien utiles et très puissantes — au sein de la fédération Allemani, l’ancienne Brus fut enfermée derrière un grand mur de béton et de fer, afin d’empêcher les Brus de rejoindre le reste des Allemani. Ces tactiques permirent au syndicat de Novgorod de tenir pour de longues décennies.

Pourtant, c’est la maison Washington qui parvint à vaincre et gagner l’affrontement, alors même qu’ils furent bien trop doux et inquiets pour utiliser l’armement atomique qu’ils avaient mit au point : la maison Washington décida aussi d’utiliser la surveillance et la terreur sur sa population, mais de façon plus discrète et méthodique, utilisant notamment des tactiques de conditionnement mental ainsi que la généralisation de stupéfiants, afin que les éléments subversifs de sa population soient progressivement marginalisés et ségrégés spatialement. Cela permit à la maison Washington de laisser ses populations les plus pauvres dans une situation d’isolement économique et d’impuissance politique, là où le syndicat Novgorod devait gérer les difficultés inhérentes à l’utilisation de camps de travail et les ennuis que provoquaient les assassinats de ses propres concitoyens.

Le peuple Allemani décida de lui-même de briser le mur qu’avait dressé le syndicat Novgorod, et ainsi, il força le syndicat à admettre sa défaite et de redevenir une dynastie nobiliaire. La maison Washington régna alors sur le monde pendant un siècle encore, avant qu’une nouvelle guerre ne soit provoquée par les nations alliées du Croissant, qui utilisèrent les tactiques de guerre de basse intensités que leur avaient enseigné Washington contre leur propre ancien allié — une navette de transport fut détournée pour servir de missile contre la plus grande flèche de la cité-ruche Hudson-Liberté.




La navette atteint finalement la planète. Il fallut attendre un bon quart d’heures avant d’enfin pouvoir se lever et débarquer. Dehors, il faisait très chaud, caniculaire même, et les acolytes pouvaient découvrir un immense terrain vague couvert de bâtiments et de pistes d’atterrissage où n’arrêtaient pas de décoller et d’atterrir fusées, navettes et avions de ligne, dans un ballet interminable d’engins de transports qui devaient faire tenir l’économie et la vie de ce monde. Quelques pèlerins se mirent à genoux et embrassèrent le sol d’asphalte de Neustralia, tandis que d’autres étaient totalement perdus, agrippés avec panique à leurs passeports et leurs billets d’enregistrement, demandant avec inquiétude à des employés du spatioport où ils devaient aller.

En l’occurrence, le groupe se retrouva dans la zone stérile du spatioport. Il y en avait toujours une dans ces endroits-là : c’est ainsi qu’on désignait l’endroit où les passagers qui venaient de débarquer ou qui s’apprêtaient à embarquer circulaient, dans l’attente d’être autorisés par la sécurité et la douane. Des gens dormaient sur des bancs, lisaient le journal, engueulaient leurs enfants courant dans tous les sens. Une petite dame était en train de pleurer devant un douanier qui refusait de lui rendre son passeport, pour une raison inconnue. Des gens à l’air « louche » surveillaient une caisse noire. Un homme en blouse blanche qui se présentait comme un vétérinaire indiqua à un couple qu’ils devaient contrôler leur animal de compagnie.

Heureusement, l’attente dans la zone stérile ne fut pas très longue. Masteel devait avoir écrit quelque chose sur les passeports, parce que c’est sans problème qu’ils coupèrent la file d’attente devant les bureaux enregistreurs. On leur remit un papier tamponné, on leur permit d’aller récupérer leurs bagages au tapis roulant, puis accéder à la salle de transit sécurisée pour réobtenir leurs armes. Puis on les dirigea vers le quai militaire en leur donnant l’heure de l’arrivée du train, et d’attendre en attendant.


Un peu à l’écart du spatioport, donc, le quatuor put tranquillement se balader et manger leur collation achetée à un snacking. Finalement, un haut-parleur indiqua la mise en route d’une locomotive — c’était leur maglev qui les attendaient. Tous les quatre se retrouvèrent donc devant le train, où un contrôleur leur indiqua la bonne voiture.

Le train militaire était quasiment vide. Il devait être arrivé de Neustralia surchargé, mais au départ, il n’y avait que très peu de gens. Quelques fonctionnaires, probablement de l’Adeptus Terra, et un groupe d’officiers en képi. Si Neustralia était en train de recourir à la conscription de sa population, le but du train était probablement de le surcharger dans la ville de Salbris de futures recrues, avant de les faire transiter par le spatioport jusqu’à leurs casernes.

Pendant ce nouveau voyage, Séphone était étonnamment silencieuse. Même si Enkidu se méfiait beaucoup (Il se méfiait en fait de tout depuis quelques temps…), il décida d’offrir son baladeur à Wullis, qui décida lui aussi de se caler et d’écouter quelque chose : en l’occurrence, c’était un documentaire-débat entre différents agents de l’Adeptus Arbites et des intellectuels associés, qui discutaient de la criminalité organisée dans le secteur.

Wanda de Lyirtzen (Présentatrice de l’émission) : Sur beaucoup de planètes, on le voit notamment sur les réseaux sociaux, un slogan que les criminels associés à la Kasballica répètent souvent, c’est que la Kasballica était là bien avant l’Imperium, dans le secteur Calixis. Est-ce autant un motif de fierté qu’un avantage pour leurs opérations ?

Proctor-Détective Dillen O’Mullayn : Alors tout d’abord, il est important pour moi de préciser : aucun criminel de la Kasballica n’est sur des réseaux sociaux. La Kasballica est une pieuvre tentaculaire, et si elle a de jeunes gens tête brûlée qui sont associés, le vrai cœur de la Kasballica est fermé et a des rituels où ses membres prêtent des serments de tenir leurs opérations secrètes. Un mafieux de la Kasballica n’utilise jamais le nom lui-même dans la moindre conversation avec un non-initié, même quand ils acceptent de devenir repentis et de se mettre à table avec nous ! Ils utilisent des euphémismes, ils disent, « cette chose entre nous », ou « notre affaire », mais ils ne disent jamais le nom lui-même, comme si ça leur brûlait les lèvres : Kasballica.
Il n’empêche, ce slogan est réel. Bien que ce n’était pas sous la même forme, ni avec la même puissance, la Kasballica existait avant la croisade Angevine. C’est une organisation très puissante, il y en a quasiment une cellule sur chaque planète du secteur. Même s’ils ne sont pas toujours le gang le plus important en nombre ou le plus actif au niveau criminalité, c’est toujours le plus puissant et le plus influent, et ils cherchent à obliger les autres gangs locaux à leur céder un pourcentage. En échange, ils permettent aux criminels d’avoir accès à un réseau interplanétaire à l’échelle du secteur, mais il arrive souvent qu’il y ait des accès de violence et des guerres intestines…

Wanda : C’est ce qui se passe sur Bront ?

O’Mullayn : Exact ! Il est rare que la Kasballica fasse des actes aussi publics. Les membres de la Kasballica ne se considèrent même pas comme des criminels : ils agissent comme des nobles, des personnes d’une société secrète, leurs chefs planétaires se nomment « Princes ». Mais lorsque leurs profits sont en danger, ils n’hésitent pas à montrer une violence pire encore que celle des gangs. Il leur est même arrivé de temps à autre d’assassiner des Arbitres, même s’ils le font rarement car ils craignent les représailles qu’on peut leur faire subir.

Wanda : Investigatrice, vous êtes spécialisée là-dedans — est-ce que la Kasballica aide également des cultes plus illégaux ?

Investigatrice Keiko Kiyohara (Divisio Immoralis) : Oui et non… La Kasballica cherche à multiplier ses profits de toutes sortes, mais ce qui fonde vraiment leur richesse, c’est le transport et le commerce de gros. La Kasballica, par exemple, n’entretient aucun dealer — mais c’est eux qui débarquent sur les planètes de tonnes de stupéfiants qu’ils revendent aux gangs locaux. Ils représentent une part importante du Commerce Froid, même si c’est un secteur où ils ont énormément de concurrents et qu’il y a donc des guerres de cartels terriblement violentes qui-

Wanda : Pouvez-vous rapidement rappeler ce qu’est le Commerce Froid, pour nos auditeurs qui l’ignorent encore ?

Kiyohara : Oui, bien sûr. Le Commerce Froid est le nom par lequel on désigne le marché noir qui consiste en l’acquisition, le transport, et la vente de produits d’origine xénos non-sanctionné par la douane sectorielle. Les éléments venus du Commerce Froid sont pléthores, très variés : il peut s’agir d’armes et d’armements divers et dangereux, d’artefacts, de matières qui sont réputées être de qualité, des produits de luxe, des stupéfiants, de la nourriture aux propriétés toxicologiques. Si l’art et les curiosités Xenos est surtout vendu pour très cher à des acheteurs d’origine noble, les armements Xenos sont très appréciés des gangs qui peuvent se le permettre, tant parce que ce sont des armes puissantes aux propriétés uniques que parce que ce ne sont pas des armes avec des numéros de séries qui peuvent être facilement retrouvées dans des enquêtes.
La Kasballica représente une part importante du Commerce Froid, donc, mais ils sont loin d’être les seuls. En revanche, la Kasballica ne semble pas beaucoup faire de commerce d’éléments ensorcelants, ou d’artefacts impie — pas par conviction, mais parce que c’est justement ce qui est le plus traqué, par ma division et par l’Inquisition.

Wanda : Ils sont importants pour le Commerce Froid, donc, mais pas les seuls. Quels sont leurs rivaux principaux ?

O’Mullayn : Il y en a deux qui sont très importants : le syndicat Amaranthin, et la Maison-aux-Bêtes. Le syndicat Amaranthin sont de nouveaux-venus des sous-secteurs proches de la périphérie, ils commercent aussi avec les guildes du Commerce Froid, et ils ont décidé de compenser leurs manques de moyens par la Kasballica en utilisant une extrême violente : ils n’hésitent pas à faire sauter des navires remplis de civils juste pour tuer un agent de la Kasballica, et ils sont encore plus prêts que les autres cartels à s’en prendre à l’Imperium. Ils sont devenus la priorité absolue de l’Adeptus Arbites depuis quelques années, surtout que eux pour le coup sont liés à des groupes insurrectionnels, ils n’hésitent pas à vendre à des factions ennemies de l’Imperium, tel qu’on l’a vu sur Tranch…
Ma collègue peut peut-être plus parler de la Maison aux Bêtes.

Kiyohara : La Maison aux Bêtes est puissante et violente, mais elle parvient à bien survivre dans l’écosystème criminel, parce qu’elle s’est spécialisée très tôt. La Maison participe au commerce de Xenos vivants, surtout des animaux qu’ils font s’affronter dans des arènes. Ils ne sont pas très puissants, mais ce commerce est terriblement lucratif, et ils ont donc de très lourds moyens financiers, en plus d’avoir des relations qui leur permettent de brouiller les traces lors des investigations. Je souhaite rappeler à nos auditeurs que même si les combats d’animaux Xenos sont divertissants, il y a derrière un vrai trafic très terrible, il faut faire attention et ne pas tolérer ce genre d’événements.

Wanda : Une question d’un de nos auditeurs sur la discussion-directe : Raffaek, qui vient de la planète de Bront, vous demande : Honorables juges, l’Empereur Protège, à quel point le Commerce Froid est-il important dans les vénérables aristocraties de nos planètes ?




Le train se rapprocha lentement de Salbris. Par la fenêtre du wagon, les acolytes découvraient une cité ruche qui grossissait, grossissait, avec chaque mètre avalé par le moteur de la locomotive.

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Elle scintillait, d’une couleur or, mais il s’agissait des feux d’une manufacture. Et petit à petit, l’environnement devenait noir, alors que le ciel s’assombrissait sous les flèches des méga-structures sorties de terre sur cet ancien monde féodal élevé par la gloire de l’Empereur.


Le train s’arrêta à une caserne militaire. Les quatre acolytes se retrouvaient dans un immense préau pour l’instant quasi-vide, et des personnes mettaient en place des barrières et dressaient des tentes : il y aurait bientôt là des milliers de jeunes gens qui feraient la queue pour leur incorporation militaire. Aux murs, sur des planimètres à la grandeur délirante, des servitors collaient des affiches de propagande, avec des militaires souriants et des phrases estampillées de rouge qui incitaient à faire son devoir pour protéger Hourtin et sa famille.

Les acolytes se présentèrent à un accueil. Un soldat leur donna un plan du quartier, annoté de partout, parce qu’apparemment Sand leur avait dit d’attendre à un endroit, et leur indiqua où ils pouvaient trouver un garage. Il remit alors des clés de voiture qu’on lui avait dit de leur confier. Mora, qui savait conduire des véhicules d’atterrissage lunaire, se proposa.

Ainsi, ils trouvèrent le parking, où était garé une petite voiture noire à quatre portes. Elle était très serrée et elle sentait fort le cuir à l’intérieur, mais il y avait de la place pour eux, et effectivement un coffre derrière pour leurs bagages et leur attirail d’équipement. Ayant tous prit place, le mécamancien alluma le moteur et commença à faire fonctionner le véhicule…

Quel désastre ! Conduire un véhicule ouvert sur la surface d’une lune n’était pas du tout pareil que sortir d’un créneau rempli d’autres voitures ! Il fallut dix minutes de stress intense, à faire des marches avant puis arrière dans tous les sens, sous les « conseils » des trois autres qui ne savaient même pas conduire, pour enfin réussir à quitter le parking. Les quelques militaires qui passaient faisaient les gros yeux, ce qui n’avait pas tranquillisé la honte que ressentait Mora. Enfin, il pouvait enfin rouler.

Les routes étaient embouteillées. Remplies de taxis, de camions, de pousse-pousse, même de chevaux avec des calèches. Les piétons marchaient sur la chaussée sans avoir peur d’être écrasés, et il fallait freiner sec tous les quatre mètres. En plus, les panneaux étaient mal faits et il était aisé de se perdre. Cela se voyait que Salbris n’était qu’une cité-ruche récente, la route flambant neuve était déjà pleine de nids de poule, probablement car mal bâtie, et les gens n’étaient pas encore habitués du tout au règne de l’automobile.

Finalement, Mora trouva là où le soldat à l’accueil lui avait dit d’aller : il avait marqué un bâtiment résidentiel, où le rez-de-chaussée accueillait un restaurant. Il se gara sur le parking, et attendit. On avait rien dit d’autre au groupe. Juste attendre là. Par réflexe, Mora décida de klaxonner : peut-être que c’est ce qui était attendu, et de toute façon tous les sauvages de cette ville ne faisaient que ça, klaxonner.

Rien.

Dix minutes plus tard, ils étaient garés au milieu du brouhaha de gens qui marchaient dans tous les sens, de « tut-tut » de voitures et de sabots de chevaux claquant le sol. La ville était une colonie de fourmis pleine à craquer. Et aucune trace de Sand, ils ne savaient même pas à quoi ce bonhomme ressemblait. C’est pourtant lui qui devait leur donner des ordres…

Quoi faire maintenant?
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Valindra
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

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Magdela Sephone, Soeur de Bataille
Sitôt que nous arrivons sur le spatioport et que l’occasion nous est donnée de vaquer à nos occupations, nous décidons d’explorer les lieux sur lesquels nous venons d’atterrir. Le Saint Atterrissage se déroule bien pour le moment, et nous offre la faveur de pouvoir déambuler entre les quais en nous remémorant les cantiques d’autrefois.
Nous revoyons, dans mes souvenirs, le Couvent Prioris qui m’a vu grandir, et là, je parle de moi, Sephone, car Sigma et Nox sont nés autrement et ne peuvent être que spectateurs de ma mémoire. Notre éducation, après le prélèvement dans les rangs de la Schola, fut supervisée par la Prieure qui commandait aux Mères Supérieures de ne pas nous lâcher d’une semelle. Pendant que les Légatines partaient avec les osts des Sororitas pour déchaîner la Guerre de la Foi contre nos ennemis, nous vivions la douleur, la faim, l’abnégation, la pénitence, tout pour honorer les Saintes, martyrs comme l’Empereur-Dieu qui souffre depuis des temps immémoriaux pour le bien de l’humanité.
Je me souviens de ces portraits de Calices d’Ebène sur les draperies, et je n’ai jamais saisi tout à fait le message sacré qu’il y avait derrière ce symbole, et il aurait été prétentieux de croire le contraire de toute manière, car seuls savent les élus. Je me souviens aussi des candélabres, des papiers d’encens brûlés, des fresques des batailles épiques de la Grande Croisade représentant Sainte Dominica, la Porteuse du Graal Eternel, expiant les infidèles par le Bolt, la Lame et la Flamme, des parchemins en peaux humaines peinturlurés de fleurs de lys et de psaumes évangélistes, de reliques des martyrs érigés en Saints. Tout cela tapisse le fond de mes pensées pendant que je déambule dans le spatioport, jusqu’à ce qu’un évènement inattendu me tire de mes rêveries.

Un train maglev portant d’immense wagon-conteneurs carrés, surveillé par des militaires en uniformes et des chiens-xenos tenus en laisse, débarque tout un tas de gens émaciés, sales, paniqués. Nous y voyons des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants, tous de peau noire, originaires à priori de la même population. Ils pleurent, crient, s’alignent dans des files mal organisées qui font le trajet inverse au nôtre, un trajet qui mène vers la frégate de la libre-marchande. Nous devinons qu’ils sont sans doute déchus de leurs droits, qu’ils sont destinés à l’esclavage mais… s’il y avait, parmi eux, des fidèles ?
Nous préférons nous assurer que ce ne soit pas le cas, alors nous osons une approche qui se solde inévitablement par un échec.

« Z-once des infidèles ! S'pas un spectacle, circulez ! »

Main sur le holster, le sous-officier qui nous fait face fulmine d’impatience. Nous concevons que notre approche n’est pas désirable, alors nous tentons de les amadouer gentiment en les félicitant d’être aussi rigoureux pour écarter les fidèles de ces hors-la-foi. Nous évoquons même l’Empereur-Dieu pour les remercier d’être aussi imperturbables, et nous risquons une petite curiosité supplémentaire.

« A qui ai-je l’honneur ?
- À qui moi ai-je l'honneur ? Votre nom, documents d'identité, maintenant ! »

C’est là que les choses se gâtent. Je me présente. Acolyte Magdela Sephone, Cantus de la Sainte Inquisition. Quelle gourde ! Mais quelle gourde !

A quoi bon avoir appris l’humilité à Prioris si je fais péter mes galons devant le premier venu ?!

Je le vois se raidir, serrer son calepin et devenir tout blanc. Je ne pensais pas pouvoir faire un tel effet, et me voilà limite prise au dépourvue. Il se présente. Groupe d’intervention n°4, armée Neustralienne, en charge du transport des prisonniers civils. Voilà donc le méchant militaire devenu un doux agneau. Je savoure l’instant. Je me sens tout à coup requinquée, plus forte que jamais, plus haute que je n’ai jamais été. Alors, j’ignore ce qui me prend, mais je fais du zèle.
Quelle gourde, au nom de…

J’exige les registres, les attestations des acquéreurs, le décret royal, et là, tout part en vrille. Il tourne les talons. Pendant quelques instants, nous avons le temps d’observer ces pauvres gens et le traitement inhumain qui leur est administré. Des coups de savate. Des bousculades. Les chiens-xenos qui aboient et menacent.
Au retour, le sous-officier n’est plus seul.

« Madame. Je suis le commandant Léon-Maurice de Janin, officier-en-second du groupe d'intervention numéro quatre, armée royale Neustralienne.
Pourrais-je voir votre document de rattachement, s'il vous plaît ? »

Nous voyons le petit bonhomme avec sa moustache bien peignée, avec son uniforme flambant neuf et une guirlande de médaille sur la poitrine, avec son petit air coquet et son élocution structurée. Le contraste avec le sous-officier est saisissant, c’est comme si deux mondes cohabitaient dans la même institution. Le commandant se montre insistant, oscille entre le protocole et les politesses de convenance, mais ne se défait pas de sa première intention. Je finis par céder, et je tire de sous ma cuirasse le papier qui atteste de mon engagement auprès d’Astrid Skane.

Ai-je réalisé la pire erreur que j’aurais pu commettre ? N’aurais-je pas dû fuir, à ce moment, ou bien étais-je déjà trop enlisée dans le nœud du problème ? Courir après s’être prétendue de l’Inquisition, c’est peut-être leur offrir une occasion de tirer : le gentilhomme le dit lui-même, se prétendre de cette institution sans en être est passible de la peine de mort. Et puis, de toute manière, j’ai déjà vendu la mèche. Lors, il ne me parait plus utile de lutter contre le courant : puisque je m’enfonce, autant me laisser avalée tout entière par le problème.

Refusant que ce gentillet disparaisse avec mon papier certificatif et déclinant presque irrespectueusement le petit moment de plaisance qu’il me propose, j’oublie vite l’idée de siroter une limonade tandis que nos pas nous entraînent vers une sorte de QG militaire. Là s’agite une véritable marée d’hommes en uniformes, plus ou moins hâtés, et nos yeux curieux supervisent la structure et ces pèlerins : certains sont des colosses sur lesquels l’uniforme semble n’être qu’un bout de chiffon, d’autres sont d’une rectitude si franche qu’on les croirait sortis de la Schola, d’autres enfin sont plus nonchalants comme s’ils étaient désabusés de vivoter sur ce quai en attendant d’être libres. Je suis restée plantée là, flanquée par les gardes, à attendre que l’officier confirme l’authenticité de mon contrat, comme si le fait que je l’ai suivi jusque dans cette enceinte ne suffit pas à lui prouver que je suis ce que je prétends être.
Et puis, les choses ont continué de se gâter. Pour ne rien arranger, parce qu’on me refusait de voxer avec mes compagnons, j’ai fini par vendre la mèche et par commettre l’ultime erreur que je pouvais commettre en révélant mes origines. J’ai littéralement appris au Commandant que la partie de moi qui est Sephone provient de la sororité, et je l’ai accusé de retenir en otage une des Filles de l’Empereur-Dieu.

Hormis au Couvent Prioris où j’ai vite appris que je n’étais pas grand-chose, je me suis toujours crue supérieure au commun des mortels. Mais bon sang, en fin de compte, je crois que je suis définitivement conne. Je perds le Nord. Je cumule les gaffes et j’agis avec imprudence, ce qui ne ressemble pas à une Sœur. Finalement, est-ce que Sephone ne mérite pas son excommunication ?

Sigma bouge. Notre corps ressent le mouvement métallique qui délie ses doigts et les referme, et nous apprenons que même en étant annexe à notre métabolisme, Sigma est perméable au stress. Il fait partie de nous, à présent. On se plaît à l’imaginer en train de déchausser les dents de ce maudit Commandant.


L’affaire finit par prendre une ampleur inattendue. Nous attendons qu’une autorité supérieure à celle du Commandant arrive, et à ce sujet nous avons quelques fourmis qui nous chatouillent les guiboles, nous le ressentons presque même dans la partie manquante de notre chair que nous avons incisé à grand coups de couteaux chez le Père Gregorius. Une autorité supérieure à celle du Commandant Léon-Maurice de Janin, cela signifie une autorité très haut placée. Masteel nous avait pourtant prévenu : méfiez-vous des prévôts, qu’il avait dit. Nous aurions dû appliquer ce conseil à la lettre, car à l’arrivée d’une nouvelle délégation de soldats, nous découvrons un homme que nous ne sommes probablement pas censés voir.

« Thegen Zillinentrop. Chef de centre, système Neustralien, Synopticon. »

Thegen Zillinentrop a le visage à moitié caché par de l’augmentique, il porte des gants blancs et un épais manteau de fourrures qui montre clairement l’importance qu’il a. À sa main, il porte un bâton estampillé de la croix Impériale. Difficile d’ignorer ce que cela veut dire : nous reconnaissons les symboles d’un officiel gradé de l'Adeptus Terra, l'institution qui permet à l'immense Imperium de tenir. Pendant une seconde, nous faisons un bond dans le passé. Terra, cela nous rappelle le Couvent Prioris, et Thegen baigne dans une aura que nous avions coutume de voir lorsqu’on croisait la route de la chanoinesse : cette aura, elle glace le sang, elle fait hérisser le poil et trembler des doigts, elle vampirise quelque chose à l’intérieur de nous, nous dépouille de toute assurance, flagelle nos genoux et font remonter tous nos péchés. Nous avons presque envie de tout avouer.

Le Synopticon est une des agences les plus secrètes de l’Administratum, et si nous ignorons quelles sont ses attributions réelles, nous connaissons au moins vaguement son rôle dans le puzzle de l’Impérium. C’est un service de renseignement puissant, qui fiche, catégorise et écoute la population de l'Imperium avant de transmettre les informations utiles aux différents organes de l'Adeptus Terra - dont l'Inquisition dont nous faisons partie à présent. La rumeur voudrait même qu'ils aient la capacité d'écouter tous les téléphones et de voir à travers toutes les caméras de la galaxie, mais peut-on seulement savoir si cette légende est avérée ?

« J'ai hâte de demander à votre Inquisitrice en quoi consiste cette idée de rompre une isolation de huit mois causée par une Tempête Warp, et, sans s'annoncer, d’envoyer immédiatement un de ses agents demander des explications sur le terrain. Si elle en souhaitait, je pouvais lui en communiquer directement et en personne.
Mais certes. Que puis-je pour vous ? »

Nous avons l’impression soudain que notre peau est devenue glaciale. Notre gorge se resserre si fort que notre pomme d’Adam peine à faire son mouvement d’ascenseur. Nous nous sentons misérables, petits, frêles, coupables.
Qu’est-ce qui m’a pris ? D’où est venu ce grain de folie que je n’ai su contenir ?

Un premier échange se produit. Nous nous écrasons dès lors que le chef de centre du Synopticon s’en réfère aux devoirs des Sœurs. Certes, nous ne sommes formées pour absoudre les infidèles de leurs pêchés, mais nous le faisons par la Lame, le Bolt et la Flamme. Il n’a pas tort.

« Le travail de l'Inquisition, même de l'Ordo Hereticus, n'est pas de convertir les âmes. Son travail est de punir les infidèles et les hérétiques, pas de se mêler de conquérir les cœurs. Il me semble qu'Astrid Skane est une inquisitrice depuis très récemment. J'ose espérer que ses acolytes ne sont pas non plus très récents. Je n'aimerais pas accuser une servante du Conclave d'amateurisme. Non, je n'oserais pas. »

Et pourtant, c’est précisément ce qu’il fait. Nous nous sentons derechef outragés, une clameur secrète gronde dans notre union tripartite.
Nous savons comment les choses risquent de se passer. Ils vont envoyer des registres et blâmer notre investigation. Nous n'avons pas l'autorité nécessaire pour pouvoir nager à contre-courant. Pour autant, l'irruption de Thegen sonne quand même comme quelque chose de douteux et nous nous rassurons sur une chose au moins : Astrid Skane a monté les étapes rapidement et possède, sans nul doute, une meilleure perspicacité que la nôtre. L'escalade conflictuelle que nous avons initiée n'est peut-être que le début d'un travail de fond. Pourquoi monter de grades en grades alors qu'il ne s'agit, finalement, que d'un simple contrôle ? Est-ce que ce petit grain de folie n’est pas pareil à un petit gravillon qui se coince dans l’engrenage et qui fait exploser toute la mécanique bien huilée de la corruption neustralienne ?
Nous finissons par nous dire qu'une partie du travail est fait. Malgré nos erreurs, nous avons soufflé sur des braises chaudes qui peuvent, nous l’espérons, finir en incendie. Nous savons ce qu’il nous en coûtera néanmoins, et nous ne sommes pas vraiment impatients à l’idée de recroiser l’Inquisitrice. Pour nous mentir à nous-même, nous essayons de nous convaincre, après tout, que l'Inquisition n'est pas venue ici juste pour être spectatrice : nous avons traversé une tempête Warp pour agir. Ce n'est pas rien.
Mais nous nous mentons. Je m’en remets au Dieu-Empereur, car c’est là une faiblesse de l’âme que je ne devrais pas accepter.

L’échange commence à se gâte entre le Synopticon et nous, car nous n’aimons la façon dont il nous aborde et la colère finit presque par dépasser l’anxiété. Nouveau message pour moi-même : je dois tempérer mes émotions et ouvrir mon esprit à la sagesse. Nous finissons tout de même par emboîter le pas au chef de centre. Il nous traîne dans une pièce à part. Nos yeux finissent par tomber sur des détails croustillants : une chemise cartonnée verte estampillée du symbole de l'Imperium, l'Aquila bicéphale. Dessus, il est écrit : "Ordres d'évacuations des populations du continent d'Oultrocéan", et dessous, "Secreto Extremis". Thegen tire les rideaux, pose sa serviette, verrouille la porte. Nous voici dans la plus haute confidence.

Nous avons merdé, mais finalement, c’est comme si nous trouvions de l’or dans un fleuve.

« Si vous avez le moindre appareil de communication ou d'enregistrement, je vous prie de les éteindre. On m'a indiqué que vous aviez une oreillette, retirez-la. »

Nous déconnectons le porte-vox par politesse, puis nous asseyons par imitation. Thegen ouvre la chemise qu’il a posé sur la table, et sous nos yeux se dévoilent des dizaines de documents : des rapports tapés sur parchemin ou papier, des photos de grands territoires dans une terre aride, beaucoup de photos de gens également, tous avec la même couleur de peau et les mêmes traits de visage que ceux sortis du train. Ils sont entassés derrière du fil de fer barbelé.

« Le continent d'Oultrocéan a un problème de place et de gestion de la population. Une dizaine d'ethnies la composent, la grande majorité desquelles sont arriérées depuis des temps immémoriaux et sont infidèles à la Lumière de l’Empereur. Lors de la découverte de la planète de Neustralia Prime il y a deux mille deux cent huit années, il fut négocié avec le diocèse Markaynite l’évangélisation progressive de ces populations, avec l’envoi d’une cinquantaine de missionnaires d’ordres religieux variés, ainsi que leur catégorisation avec l’aide d’un détachement permanent de deux sœurs Dialogus de l’Adepta Sororitas... »

C’est un long discours. Nous en tirons les informations qui nous intéressent sur le contexte politique actuel de Neustralia.

L’Oultrocéan est une source abondante d’hydrocarbures, de terres agricoles, de produits miniers. Une el dorado pour les exploitants, toutefois occupé par les indigènes. Parmi ces derniers, les Osanyins forment l’ethnie la plus réfractaire face à l’intrusion des colons et présentent un très faible taux d’évangélisation. Si jusqu’alors le Ministorium interdisait les rapts envers cette communauté, les choses ont visiblement changé depuis que la tempête Warp a isolé ce monde du reste de l’Impérium. Les peuples de l’Oultrocéan en ont profité ces huit derniers mois et ont multiplié les actes de rébellion et de sabotage dans les colonies du continent. Des esclaves se sont retournés contre leur maître et se sont constitués en milices.
Lors les Hourtinois (les habitants de l’île d’Hourtin), contre l’avis initial du Ministorum, ont réuni leurs pontes pour décider de congédier les Osanyins de leur territoire. Les Osanyins n’étaient pas les plus belliqueux, mais ils représentaient visiblement une menace trop sérieuse et une trop forte imperméabilité à l’évangélisation pour que les grandes personnalités de Neustralia les ignorent. Parmi ces derniers, on note le camérier du roi, les quatre préfets d’Oultrocéan, le Magistratum Calixis, les représentants de l’Officio Agricultae et Officio Medicae, le Synopticon, l’Adeptus Arbites, le Domaine Impérial, le Departmento Exacta, et l’archevêque du Ministorum de Neustralia. Seul l’archevêque du Ministorum a été difficile à convaincre, sûrement parce que c’était contraire à ses consignes, preuve que ce décret n’est pas immuable et, surtout, qu’il peut devenir une épine dans le pied des nobliaux de l’île d’Hourtin : s’il est certes nécessaire, cet édit reste proche de la désobéissance et on sait le sort que l’Empereur-Dieu réserve aux mutins. Nous comprenons un peu mieux la réticence des officiers à révéler ces documents et les contraintes qui pèsent sur leurs épaules.
Mais ensuite, les choses se compliquent.

Inutile d’être une érudite pour comprendre que ce procédé de déportation des Osanyins n’est pas humainement viable. Dans un des paysages de notre âme, je sens que Nox délivre une larme et pousse un gémissement de chagrin quand il observe la catégorisation de ce peuple par groupes de capacités. Sigma semble plus neutre, encore insaisissable à mon esprit. Mais face aux dimensions toutes relatives des bâtiments réservés aux groupes les moins productifs mon cœur se serre, et la mère qui sommeille à l’intérieur de moi imagine ce que tout cela veut dire : les plus faibles vont être parqués comme du bétail, en particulier les enfants, les vieillards, les malades. Nox pourrait être de ceux-là. J’aurais moi-même pu appartenir à ce qu’il définit comme des centres adaptés en d’autres temps, mais à présent, je suis assez certaine d’être plus indiquée pour un camp de travailleurs si je dois finir, comme eux, par être exportées.
Quoiqu’il en soit, les chiffres, les dessins architecturaux, les registres ne me trompent pas. Ces centres ne sont pas viables. Comment peuvent-ils procéder pour loger tant de malades, d’hommes et femmes, d’orphelins dans de si petits espaces, si frêles soient-ils ?

Le débat se termine. Je risque une petite sortie de route en scrutant un visage, et en disant qu’ils ne sont pas comme nous. Thegen réplique que cela n’a rien à voir, que ce protocole n’a rien à voir avec un acte de haine délibéré, que c’est une affaire de coût et de dépense. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme… cela ne me rassure qu’à moitié, mais je n’en demande pas plus. Après une nouvelle menace du chef de centre, je parviens à m’éclipser.

Le train maglev nous entraîne vers un nouveau destin.
Valindra | Haut-Ælfe, Voie du noble
Profil : For 8 | End 7 | Hab 9 | Cha 10 | Int 8 | Ini 9 | Att 10 | Par 9 | Tir 10 | Mag | NA 1 | PV 55/55
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États Temporaires
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Reinhard Faul
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par Reinhard Faul »

J’ai bien aimé le voyage jusqu’à Lutèce, parce que c’était la première fois que je faisais partie d’un groupe social qui peut se promener sans attirer l’attention. C’était chouette. Afin de me « déguiser », j’ai juste enlevé mon surcot, ma plaque d’identification, ma ceinture, et autres symboles très reconnaissables afin de les remplacer par mon armure pare-éclat. Il reste encore le pantalon et la tunique, mais bonne chance pour deviner d’où ça vient (surtout que les deux sont abîmés par les lavages fréquents et les vieilles tâches qui ne partent pas). Ce n’est évidemment pas très confortable de voyager en armure, mais ça me donne l’allure d’un mercenaire plutôt que d’un Psyker. Tant que je ne fais pas le mariole, bien sûr.

Donc le voyage en navette c’était sympa, j’étais très content – même si je ne pouvais pas m’adosser dans mon siège à cause de mon équipement. J’ai écouté un livre sur l’histoire de Sainte-Terra. J’aime bien parce que c’est mystérieux et exotique – même si ça manque un peu d’action à mon goût. Tout ce caca nerveux sur la bombe atomique, et ne même pas s’en servir à la fin ! Enfin c’est de l’histoire antique très très ancienne, leurs armes pouvaient à peine détruire une ville – ridicule. Sur ma planète natale, la majorité de la surface n’est pas compatible avec la vie humaine à cause de la radioactivité ou je sais pas quoi. Une séquelle d’une guerre ancienne dont j’ignore tout. C’est pour ça que malgré la présence d’usine-relique, la population vit avec une technologie rudimentaire. Nous ne deviendrons jamais une planète-ruche, contrairement à Neustralia-prime. Pas que ça me concerne désormais, bien sûr.

Mais ça m’a donné des pensées mauvaises pendant la correspondance entre la navette et le train – sans doute la chose la plus maléfique qui se soit déroulé pendant cette innocente étape. J’étais en train de savourer un thé sur une terrasse de café (bien dos au mur pour surveiller la foule), et ça m’a traversé l’esprit. M’enfuir.

C’est la première fois que je me promène avec mon passeport, de l’argent, mes affaires. Je pourrais… tout simplement me lever, prendre un train pour n’importe où. Ça n’aura jamais été aussi facile. Je ne le fais pas, bien sûr, mais il est naturel que j’y pense. L’idée m’a longtemps hanté. Je frissonne en repensant aux conséquences de ma dernière tentative. C’était il y a longtemps, et c’était stupide. Mais je regarde quand même la foule circuler avec une jalousie douloureuse.

Après ça un autre voyage, en train cette fois-ci, et bien long. Je suis assis à côté de Sephonus parce que c’est la seule des trois qui semble n’en avoir absolument rien à foutre que je sois un sorcier. Les deux autres font des remarques et prennent bien garde à ne pas me toucher accidentellement, mais elle non. Par contre elle semble bien énervée – et ça n’a rien à voir avec moi. J’hésite à lui demander pourquoi, mais j’ai mes propres problèmes. J’hésite entre faire une petite sieste – ça serait pas de trop vu qu’on doit enquiller la rencontre avec Sand après un long voyage – et passer tout le trajet à surveiller les autres passagers au cas où un maniaque homicidaire se cacherait parmi eux. J’opte à mon corps défendant pour la seconde option, incapable de me détendre suffisamment pour dormir en public.

Mais bon ce voyage n’avait pas fini d’être agréable. Après le train, j’eus le petit plaisir de me moquer bruyamment de la conduite de Mora – alors que je n’ai moi-même jamais touché un volant. Il était de toute évidence mal à l’aise pour manœuvrer un véhicule inconnu sur une nouvelle planète avec ses propres routes et ses panneaux, et de mon côté je suis un peu rancunier. Je sais qu’il en fait pas exprès de faire ses conneries ! Mais moi aussi j’ai le droit au bonheur, merde. Donc je me suis appliqué à dire « encore ! » d’un ton agacé quand il calait sur les ronds-points, à grogner quand il passait à ce que j’estimais trop près d’un obstacle, et crier « mais t’as pas vu tel panneau ?! » quand il faisait une connerie et que les autres voitures se faufilaient autour de nous en klaxonnant. Si il se plaignait, je pouvais utiliser la défense du « mais j’ai pas le droit de conduire » d’un ton consterné, laissant entendre que je me serais précipité sur le volant si j’en avais eu l’occasion. Techniquement j’ai pas le droit de conduire jusqu’à ce que soit vraiment utile que je le fasse, auquel cas mon supérieur se plaindrait bruyamment de mes lacunes en la matière. Ensuite on me mettrait devant le volant et j’apprendrais sur le tas. C’est comme ça que ça marche.

Enfin après tout ça on est arrivé sur le lieu de rendez-vous. Il n’y avait personne. On a attendu à cuire (il fait très chaud sur cette planète) à l’intérieur de la voiture pendant dix bonnes minutes. J’ai regardé les deux autres. Sephonus est toujours bizarre, Wullis est pas dans son élément et j’ai détruit toute capacité d’agir chez Mora en faisant le gros lourd. Avec un haussement d’épaule je suis sorti de la voiture en annonçant que j’allais chercher le nom de Sand sur les sonnettes de l’immeuble en face.

Du coup c’était un mystère très rapide à résoudre parce que l’agent de l’Inquisition était bien dans ce bâtiment-là. On est parti à trois, on (enfin euh… je) a laissé Wullis cuire tout seul afin de surveiller la voiture des voleurs et des pauvres qui rôdent sans doute dans le coin (j’ai quand même pris le temps de lui expliquer rapidement ce qu’était un pauvre, il doit manquer de référence si il vivait dans une tribu sur planète-bouse). Après deux secondes d’intense réflexion, j’ai ajouté avant de partir à l’adresse du pauvre Garde qu’il pouvait se servir du thé tiède qui se trouvait dans ma gourde. Puis on est monté.

C’est un bureau de détective privé tel que je ne me l’imaginais pas. Ça sent très très fort le tabac et la sueur. Il y a une dame qui pleure bruyamment dans l’entrée. Un ventilateur dégueulasse qui brasse un air inexistant. Tout est mystérieusement jaune, même la plante en pot. La secrétaire se lime les ongles en public et nous adresse un laconique :

« Bienvenue à Sand Déductions investigateurs privés et spéciaux que puis-je faire pour vous. »

Je réponds :

« Bonjour ! Nous devons rencontrer monsieur Sand. Est-il à son bureau actuellement ?

- Monsieur Sand est actuellement en train de rencontrer un client si vous souhaitez ses services veuillez remplir le formulaire et patienter je vous prie. »

Elle se saisit d'une petite tablette à sa gauche où se trouve clipsé un formulaire demandant des informations personnelles de contact. Je réponds sans prendre l’objet :

« Non merci, ça ne sera pas nécessaire. Nous allons juste attendre qu’il ait fini. »

Là, la grosse dame arrête de se limer les ongles. Elle me regarde tout droit, moi, puis les deux compagnons derrière. Elle semble réfléchir toute seule. Mais elle n'est que semi-convaincue. Maintenant, elle parle avec un ton de persiflage :

« Ces messieurs-dames sont trop bons pour la paperasse ? Ces messieurs-dames vont s'il vous plaît remplir le formulaire pendant qu'ils attendent afin que je puisse établir le devis à leur nom et avec leurs coordonnées bancaires. »

Je lève les yeux au ciel. C’est pas un de mes supérieurs, c’est pas un membre d’une organisation de l’Imperium, c’est une putain de secrétaire en train de m’embrouiller pour rien. Je vais pas me faire caca dessus pour si peu :

« Non mais j'ai dit que c'était pas nécessaire. On a rendez-vous avec monsieur Sand pour de l'embauche, c'est lui qui nous a dit de venir à cette heure-là. »

Là cette grosse truie prend bien le temps de réfléchir puis m’invite à m’asseoir avec le ton le plus maléfique que j’ai jamais entendu chez un être humain.

Je vais m’asseoir en lui lançant des regards mauvais. Et là, hasard du voyage, malchance, m’arrive un truc complètement stupide. Les chaises de la salle d’attente sont si merdiques que quand je m’installe sur l’une d’entre elle, une vieille blessure se réveille et je glapis de douleur. Je me suis fracturé le bassin il y a quelques années, un truc massif. Malgré mes pouvoirs j’en ai encore des séquelles. Ça doit être un relief du cal osseux qui pince un truc, je ne sais pas, mais ça me fait très mal.

Je jette un coup d’œil vers le suspect évident : la secrétaire. Mais même en étant violemment paranoïaque – ce qui est le cas, c’est même indiqué dans mon dossier médical et j’en suis très fier – j’ai du mal à concevoir le Complot de la Chaise qui Fait Bobo Exprès. Du coup je laisse pisser et je vais m’installer ailleurs.

On attend encore dix minutes dans une chaleur étouffante – j’ai quand même une petite pensée pour Wullis qui surveille la voiture, et qu’on a garé en plein soleil – et monsieur Sand, l’agent de l’Inquisition, nous reçoit enfin. Un type entre deux âge, qui garde son manteau à l'intérieur et qui dégage quelque chose de miteux.
Image
Il parle avec une voix rauque et grave :

« Ah bah, vous avez trouvé le chemin. Installez-vous. »

Il n'y a que deux chaises, pas trois - un tabouret est rempli de fringues dans un coin. Je relève le détail parce que j’ai très mal et que je prends Mora de vitesse pour m’installer. C’est en faisant ça que je remarque les photos. Sur l'une, le même homme, mais plus jeune et rasé de près, porte un magnifique uniforme de l'Adeptus Arbites pendant que quelqu’un le médaille. Sur l'autre, tu vois une jeune femme qui tiens un bébé dans ses bras.

« Oh, vous étiez dans l'Arbites aussi... enfin euh, je veux dire… »

J’agite la main pour signaler que je parle sans réfléchir. En réalité je dis ça parce que je suis curieux. Je me demande si il connaît l’Inquisitrice d’avant, vu qu’elle a été dans l’Arbites aussi. En disant la moitié d’une phrase, j’espère pousser l’homme à compléter de lui-même. Mais le mec est trop malin et esquive mes techniques rhétoriques sans broncher. Je laisse tomber et j’enchaîne :

« Bonjour monsieur. On est là, oui. Un de nos collègues est resté dehors pour garder un œil sur la voiture.

- Quatre, d'accord… Ziegler est pas avec vous ? On m'avait dit que vous l'accompagnerez. »

J’élargis les yeux de surprise. Je n’ai jamais entendu parler de ça – si un Magos de l’Adeptus Mechanicus était censé prendre le train avec moi, je pense que je m’en souviendrais ! Mais honnêtement, j’ai complètement oublié l’existence du bonhomme à bord. J’ai passé l’immense majorité du Saut-Warp enfermé dans un bunker, puis il y a eu la prise d’otage, puis j’étais dans ma cellule. Du coup je me tourne vers Mora d’un air interrogatif. Le lien est logique, il fait des trucs de robot bizarre, le Magus aussi, ils se connaissent forcément.

< Erreur.
| Magos Ziegler | [devrait] nous accompagner.
Correction : // | Magos Ziegler |[absent]
Cause : // données manquantes >

Bon OK il sait pas non plus, donc j’ajoute d’un ton prudent :

« On ne nous a pas dit qu’il était censé faire le voyage avec nous… Le vol jusqu’ici a été... compliqué. »

C’était largement suffisant comme explication, presque trop, mais Mora peut pas s’empêcher d’ajouter :

< Requête : // Au… aurions-nous oublié d’attendre le | Magos | ? >

Il a l’air tout paniqué, quoi que c’est difficile à dire avec le respirateur et tout ça. Peut-être qu’il a envie de chier. En tout cas j’élargis les yeux de douleur quand il sous-entend qu’on aurait oublié une grosse huile derrière nous comme des énormes crétins désobéissants.

< Incorrect.
| Magos Ziegler | était censé nous accompagner sur Neustralia prime.
Cette unité a beau fouiller ses archives de données, elle ne constate aucune erreur d’itinéraire de notre part.
Diagnostic // : | Magos Ziegler | avait d’autres occupations —> changement de plan >

Mais on s’en fout de ton opinion connard ! Sand aussi a l’air un peu perplexe parce qu’il fait remarquer :

« Certes. D'autres occupations. Bon bah si Ziegler avait mieux à faire, c'est qu’il avait mieux à faire. »

Visiblement, la réflexion l'a froissé.

« Bon, les dernières informations, mais elles sont arrivées en retard et ne m'ont été reconfirmées que ce matin par monsieur Masteel, c'est que maîtresse Skane était toujours tracassée par cette histoire de meurtres à liens dans Salbris. C'est donc là où nous allons nous rendre ensemble. Je vais réaliser l'autopsie du dernier cadavre, que la police m'a laissé au frais depuis... Toute une journée maintenant. Une fois l'autopsie réalisée, vous pourrez poursuivre l'enquête seuls, on m'a dit que je pouvais vous faire confiance et que vous n'aviez pas besoin de directions, donc je le crois bien. Globalement, vous savez ce qui se trame j'imagine, pas d’a priori spécifiques ? »

Je suis toujours mentalement en train d’insulter Mora, donc les conneries de Sang me prennent de court. Tout ce qu’il dit est faux. Pire : dangereux pour nous. Il est évident que nous ne sommes pas autonomes ni même compétents. On est là depuis deux semaines et on a encore rien fait. J’ai pas le temps d’emballer ça diplomatiquement je veux juste signaler que je ne suis pas dupe :

« On nous a dit que vous nous donneriez des ordres. Nous ne sommes qu'acolyte. »

Sand ricane un peu - jaune, mais pas de façon mesquine, plus comme si je lui avais dit un truc vraiment drôle. Alors qu'il s'enquille un second cachet, il continue de sa voix rauque :

« Ouais c'est sûr, mais vous voyez, tous les chapitres de Space Marines que j'ai contacté étaient occupés, de même que les sections de recherche de la Divisio Immoralis, alors forcément, faute de Grox on mange du Rat...
Allez, je plaisante. Vous êtes des acolytes. Vous avez été sélectionnés pas pour un talent en particulier, ou parce que vous avez prouvé quoi que ce soit, mais parce que vos recruteurs ont jugé que vous pouviez vous débrouiller. Je demande pas grand-chose de vous : vous allez faire une investigation basique, chercher quelques faits, poser des questions, charmer, intimider... Trouver ce que vous pouvez découvrir sur la vie d'un homme mort sans faire trop de grabuge. Et ça va être formateur, surtout, un test de votre qualité. Donc non, vous aurez des directions de ma part, je vais vous mettre dans la bonne direction, mais cette enquête, vous allez la mener vous-mêmes. » Petite pause. « En plus, pour rien vous cacher, j'ai des investigations plus importantes à mener en parallèle. »

Je parviens à me retenir d’être insolent devant ses vannes, mais c’est pas l’Inquisitrice non plus donc je mets un tout petit peu, un soupçon, presque rien de rébellion en répondant :

« D'accord monsieur. »

Mais j’ai quand même l’impression qu’on nous entraîne dans un espèce de plan foireux où on finira responsable de tout ce qui se passe mal sur cette planète. Je le vois venir, mais je ne peux rien faire pour l’empêcher. Je suis obligé de poursuivre :

« On sait qu'une vingtaine de cadavres de gens normaux ont été retrouvés avec des organes manquant, ôtés avec méthode. »

Je me souviens que les coupables sont peut-être des aristocrates, mais que cette partie de l'enquête ne concerne que Skane qui tient beaucoup à la discrétion sur cet aspect.

«Exact » Sand reprend. « Tous dans le même quartier, l'arrondissement de Lutèce. C'est pas un endroit où il fait bon vivre. C'est une zone de Salbris au fond de la ruche, il y a eu une coupure électrique massive il y a deux ans qui a brûlé la majorité des blocs, et il y a eu une crise économique à cause de l'endettement du petit conglomérat noble qui avait installé les manufactora sur place. Je suppose que c'est ce qui se passe quand des seigneurs féodaux sortis de la terre se retrouvent à la tête d'industries... Une partie de l'arrondissement est irradié, vous ferez attention où vous circulez à l'intérieur.
Les meurtres ont prit une dimension violente pour les moeurs de la population, toute la ville est déjà au bord de l'émeute, la récente promulgation par le roi de la conscription par loterie d'une large partie de ses sujets ne va pas arranger les choses. Votre discrétion va donc être le meilleur moyen de survivre.
Clair pour vous, pas d'autres questions ? »

Bah si… plein. Je demande la première qui me vient en tête :

« On m'a dit qu'il n'y avait aucun signe évident de culte interdit, mais qu'aucun Psyker n'avait vu les cadavres… »

Sand a pas l’air très préoccupé par un culte chaotique, il répond :

« Personne dans la police n'a eu cette idée. On m'a dit qu'il y avait un psyker dans votre équipe, si vous avez des capacités liées à ça, libre à vous de les utiliser. »

Je me sens mieux, j’aimerais vraiment pas avoir à tripoter un cadavre qui a été souillé par les Autres. Pendant que je savoure mon soulagement, la conversation enchaîne sur des détails plus pratiquo-pratique. Mora demande :

< Cette équipe dispose d’un comm-vox.
Requête : // disposez-vous d’un canal sur lequel cette équipe pourrait vous contacter?
Remarque : // efficacité. Cela nous permettrait de faire nos rapports sur le terrain. >

Sand ricane à nouveau d'un léger rire sincère.

« J'ai un numéro de téléphone si ça vous intéresse.
Mais plus sérieusement - les infrastructures de Salbris sont de très mauvaise qualité, toute la ville a été mal construite, trop vite, par des promoteurs trop zélés. À Lutèce c'est encore pire - les communications sont presque impossibles entre l'arrondissement et... Quoi que ce soit d'autre. Il y a des interférences constantes à cause d'antennes défectueuses, et pour appeler la police par exemple, les habitants sont obligés d'avoir recours à des téléphones publics sur ligne fixe. Les comm-vox ne peuvent pas dépasser le sommet de la ruche, vous serez complètement sans renforts une fois à l'intérieur de Lutèce. »

Sephonus, qui a quasiment pas décroché un mot depuis le début du voyage en train, retrouve la parole et demande :

« Est-ce qu'il des ghettos là où nous allons œuvrer ? Si d'aventures vous avez ne serait-ce qu'un plan de la zone, cela pourrait nous être utile, notamment pour tenter de lier les meurtres. Je suppose que notre camarade peut enregistrer ?

- Tout Lutèce entier est un ghetto. Je crois que selon les estimations du magistratum municipal, 60% de Lutèce est considérée comme une zone-charognarde, abandonnée de l'administration et des travaux publics. Il y a des contaminations de radiations et de polluants. Les policiers en général n'ont pas vraiment noté les lieux des meurtres : l'endroit est tellement morbide, ils se contentent de récupérer les cadavres et de les autopsier au Templum Mori de Salbris. Le cadavre que nous allons voir est la toute première fois qu'un corps va être étudié dans son contexte, et c'est uniquement parce que j'ai dû jouer de relations discrètes et en sous-main.
Néanmoins, je dois bien pouvoir vous trouver une carte si ça vous aide. Aucune chance pour qu'elle soit encore d'actualité, mais au moins, ça vous permettra de vous repérer entre vous. »

J'ai pas trop participé à la conversation parce que je ne sais pas comment marche tous ces machins là, mais je pense à d'autres trucs. C’est plus fort que moi, faut que je demande :

« Euh monsieur, si c'est tant le chaos que ça... est ce que vous savez pourquoi ces vingt cadavres-là, précisément, ont attiré l'attention ? »

Fin je veux dire… même si on est des chiures de mouche, on a fait des putain de Saut Warp pour enquêter sur vingt petits cadavres de rien du tout ? Pas chaotique ? Même si c’est très méchant de trafiquer des organes... Sand me regarde comme si j'étais le dernier des abrutis, gobe un troisième cachet (il aime décidément beaucoup la drogue), puis répond :

« Justement. Ces cadavres n'ont pas attiré l'attention. C'est pour ça que nous n'avons quasiment rien de solide pour travailler, et absolument zéro piste à proposer. Quand la police nationale de Neustralia débarque, ils récupèrent le cadavre, interrogent deux-trois personnes autour, puis rentrent au commissariat et classent l'affaire au fond de leurs archives. Si les Lutéciens n'avaient pas commencé une immense émeute il y a quelques mois, personne ne serait au courant dans toute la ville qu'il y a des crimes en série, et aujourd’hui, la police est plus préoccupée par le fait de mater les émeutes qui éclatent partout en ville que vraiment s'occuper de résoudre ce crime.
La seule raison pour laquelle vous êtes là, c'est parce qu'Astrid Skane a décidé de charger une équipe. Comprenez que c'est une mesure exceptionnelle : moi et les autres acolytes de Skane, je veux dire, les acolytes principaux de Skane, sommes surchargés de travail avec quelque chose de très urgent. Maîtresse Skane doit avoir ses raisons pour vouloir que quelqu’un règle cette affaire. Si vous voulez les connaître, il va falloir lui demander vous-mêmes.

- Non c'est pas ça que je voulais dire c'est plus... enfin il n'y a que l'Inquisitrice qui sache de toute façon. Tant pis. »

J’ai l’impression qu’il fait semblant de ne pas avoir compris ma vraie question. J’aime pas ça du tout. Je me tourne vers les deux autres, si jamais :

« Je ne crois pas avoir d'autre question... ? »

Sephonus fait un truc bizarre avec ses doigts et demande :

« Nous allons donc nous rendre au Templum Mori, si nous avons bien compris. Est-ce qu'à tout hasard nous avons pu récupérer quelque chose sur eux avant de les diriger vers le lieu de l'autopsie ? Une carte, un portefeuille, une photo de famille... quelque chose d'autres que leurs organes et qui pourrait nous mettre sur une piste.
Nous sommes heureux de savoir que vous nous tiendrez compagnie jusqu'à la morgue. Ce sera peut-être l'occasion de nous apprendre quels individus et quels réseaux nous devons peut-être éviter ?

- Non, nous n'allons pas au Templum Mori. Un cadavre a été récupéré dans la matinée. Nous allons le voir directement, et pouvoir enquêter sur le cadavre dans son contexte - c'est à dire sur la scène de crime. Vous aurez le luxe de fouiller le corps à ce moment là.
Quant aux individus et aux réseaux à éviter... Personne en particulier, je ne connais pas Lutèce. Faites attention à qui vous parlez et ne dites pas que vous êtes de l'Inquisition, c'est la règle la plus importante. »

Sephone devient blême et déglutit, acquiesce timidement de la tête. Mora enchaîne :

< Remarque : // quartier | défavorisé | / infrastructure de qualité | basse | / présence de forces de l’ordre | basse |
Interrogation : // cela signifie-t-il que ce quartier est totalement ignoré? Existe-t-il un réseau de picto-enregistreurs [ou autre] pour surveiller un minimum la population du quartier? >

« C'est sûr que ça serait super facile que tout ait été enregistré. » Sand pouffe de rire. « Autrefois régnait sur le quartière de Lutèce une organisation qu'on appelait le Cartel Tantalus, c'était une union de familles nobles qui ont mis en place les manufactures de Lutèce et les sites industriels multiples. Malheureusement, le cartel Tantalus s'est effondré récemment. L'Hégémonie Skaelen-Har leur a fait une guerre commerciale terrible, genre, le terme de guerre est propre, il y a eu des morts et des gens qui ont finit en prison. Aujourd'hui, le cartel Tantalus est complètement endetté et les manufactures ne travaillent plus que pour rembourser les dettes de la société.
Je vous dis ça car les rares sites qui tournent ou qui sont encore surveillés parce que sensibles auront des picto-enregistreurs. Mais les incendies d'il y a deux ans, couplé avec le fait que tout fout le camp à Lutèce, fait que la plupart d'entre eux seront probablement hors d'état de marche. Mais si vous êtes vigilant, et doué avec vos mains, peut-être que miraculeusement vous tomberez sur une caméra qui pourra vous donner de précieux renseignements. En somme : Au travail.  »

< Archivé.
Requête supplémentaire : // qu’en est-il de la présence de l’Adeptus Mechanicus dans le secteur? Ont-ils des affectations dans le quartier pour réaliser les rites d’entretien?
Précision : // nous pourrions interroger les servitors et collecter des données supplémentaires. >

Sand le regarde tout droit. Il hausse ensuite des épaules.

« Écoutez, on vous a peut-être enseigné que toutes les machines étaient sacrées et que c'était un devoir religieux de s'en occuper, mais je vais être brut de décoffrage avec vous :
L'Adeptus Mechanicus, du moins ses responsables, se fiche d'entretenir du matériel et des machines s'il n'y a pas un profit à se faire dedans. Lutèce est une carcasse qui n'a pas encore été avalée. Je veux bien manger mon chapeau si vous découvrez un seul membre du clergé de Mars. Il doit y avoir quelques servitors de travail, ce à quoi je vous dirai la même chose que pour les picto-enregistreurs. »

Outch. Mora est stupéfait de la remarque et semble même vouloir répliquer. Puis il baisse les yeux et se replonge sur sa tablette, le visage écarlate. Il est agaçant, mais je suis sincèrement désolé pour lui.

Sand soupire et se relève. Juste avant qu’on ne l’imite, il fait un signe afin qu’on reste en place. J’ai une petite pensée pour Wullis qui doit bien savourer son sauna perso.

« Bon. Maintenant qu'on en a fini avec tout ça, Masteel m'a indiqué qu'il y avait un peu de... Comment il appelle ça ? Du soutien matériel à vous apporter. Commençons, donc. »

Il ouvre son armoire, fouille dedans, il y a tellement de choses là-dedans qui déborde que c'est un miracle qu'il arrive à s'y retrouver. Il attrape une sorte de boîte en carton qu'il jette sur le bureau. Il ouvre, et commence à sortir des disquettes.

« Lequel d'entre vous est Enkidu ? »

Il nous nomme tous les trois, plus Wullis qui est pas là. Mais au final, on se retrouve chacun avec une petite disquette métallique. L’acolyte nous explique de quoi il s'agit :

« Ceci est un jeton d'accès pour la zone de Lutèce. Il vous permettra d'utiliser le métro dans l'arrondissement de Lutèce, mais surtout, de passer à travers les immenses murs barricadés qui encerclent l'arrondissement. Veuillez ne surtout pas les perdre, sinon vous ne pourrez plus sortir, et ça va entraîner plein de complications administratives. »

Ensuite, il attrapa des petits porte-cartes, qu’il jette devant nous un à un. À l'intérieur, une carte de travail avec nos noms, notre taille, et nos photos en noir-et-blanc et de mauvaise qualité - cette carte de travail nous désigne tous comme des agents de surveillance d'une société appelée "Coblast Inspections". Le détective explique :

« J'ai réfléchi à un moyen de justifier votre présence avec des armes à Lutèce. Cette société est une organisation marchande de Neustralia de mauvaise réputation, qui se spécialisent dans la récupération de matériel abandonné – des charognards quoi – ainsi que dans les services de « ressources humaines diverses » – en gros, des mercenaires et coursiers armés. Si cela ne vous plaît pas, rien ne vous oblige à jouer à mon jeu, mais ça expliquerait pourquoi vous vous promenez avec des flingues à interroger des gens. Si vous jouez le jeu en faisant les gros bras agressifs, cela passerait crème.
Notez que, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce ne sont pas de fausses cartes de travail. La société Coblast Inspections existe réellement, mais c’est une société-écran de notre organisation. »

Il voulait dire l’Inquisition.

Ensuite, il pose devant nous quatre petits boitiers qui tenaient dans la main, avec un clavier.

« Vox manuel. Ou téléphone cellulaire en bas gothique. Ça m’a coûté cinq trônes, mais c’est des téléphones prépayés qui vous permettront de rester en contact entre vous si vous n’avez pas mieux. Les interférences font que c’est illusoire de penser utiliser ça pour parler plus loin que l’arrondissement de Lutèce, mais ça vous permettra de rester en contact entre vous. »

Il pose ensuite des sortes de petites torches assez étranges et bizarrement rustiques : c’est une sorte de gros bâton avec un volet qu’on pouvait relever ou rabattre.

« Chem-lampe. Ça utilise pas de batterie ou de dynamo, mais un cocktail chimique à l’intérieur. Ça éclaire jusqu’à trois mètres autour de vous si vous levez le petit volet, ou si vous le rabattez, jusqu’à six mètres devant vous.
Quand Lutèce passe en cycle de nuit, quasiment toutes les lumières sont coupées et vous ne verrez presque plus rien, donc je me suis dit que ces choses là seraient utiles. »

Il trouve ensuite une plaque de données, une vieille tablette verdâtre qui a vu de bien meilleurs jours.

« Cadeau aussi. La carte de Lutèce se trouve dedans. Vous pouvez utiliser cette plaque de données pour enregistrer des informations, prendre des photos, faire des audios… Incroyable la technologie, hein ? Il y a un code, si vous échouez trois fois la plaque de données a pour ordre de vider tout son disque dur.
J’ai aussi pu vous dégotter des vêtements. Enfin, un gros manteau qui vous fera passer pour des sous-ruchards et que vous pouvez mettre au-dessus de votre barda, je savais pas dans quel accoutrement vous viendriez et donc je me suis dit que ça serait utile. Au fond de la sous-ruche, vu qu’il y a pas de soleil, il fera, j’espère pour vous en tout cas, plus frais qu’ici.
Et il me reste une toute dernière chose à vous offrir. »

Il retourne dans l’armoire, et revint avec une sacoche. Il l’ouvre, pour dévoiler trois gros cylindres transparents remplis de liquides, ainsi qu’un petit auspex miniaturise. Accompagné de ces outils, un kit contenant un long scalpel. Sand explique en quoi ça consiste :

« C’est un bio-auspex, il analyse le tissu humain pour trouver des anomalies par rapport à la normalité humaine. Si vous découvrez des organes qui m’intéresseraient, j’aimerais beaucoup que vous préleviez des échantillons pour me les ramener.
Évidemment, je m’attends pas à de la chirurgie, mais essayez de faire ça proprement. »

Il attend un instant.

« Ah, et j’ai aussi une bourse de 120 trônes. J’aurais aimé pouvoir vous donner plus, mais j’ai des gros frais aussi de mon côté, et puis, je pense que Masteel vous a payé…
Enfin j’espère. Il vous a payé ? »

C’est plus fort que moi, faut que je réponde avant les autres :

« Oui, mais on a dû acheter notre équipement avant de venir. »

Ce n’était pas la bonne réponse. Le détective hoche la tête… et ne me donne pas d’argent. Merde ! Voilà ce que c’est quand on fait dans la demi-mesure et qu’on ne ment pas franchement. Il aurait pu cracher un petit quelque chose en plus sans broncher, j’en suis sûr. Enfin j’ai pas le temps de m’inquiéter de savoir comment je vais payer le restaurant – car il est hors de question que je cuisine, je ne sais pas le faire – car on a un cadavre à rencontrer.
Natus est cacare et abstergere coactus est.
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Lien Fiche personnage: Ici

Stats :
Voie du sorcier de Nurgle (Profil avec empreintes occultes et mutations)
For 9 | End 14 | Hab 10 | Cha 6 | Int 15 | Ini 10 | Att 10 | Par 9 | Tir 9 | Foi 8 | Mag 18 | NA 3 | PV 140/140

Mutations/marques :
Nuages de mouches : -1 ATT/PAR/TIR/INI pour toutes les personnes à moins de 6m
Plaies suppurantes : 1d3 dégâts retranchés à chaque blessure
- Morsure Venimeuse : Poison hallucinogène
- Hideux (Effet : Peur)
- Organe du Chaos (-1 CHA/HAB, +1 END, +5 PV)
Pourriture de Neiglish : Porteur sain
Protection de Papy : 2d4 PdC à chaque critique en incantation
Grimoire :

- Lumière : À appliquer sur un objet ; Fait de la lumière pendant 1h
- Flammèche : Petite étincelle au doigt pendant une minute
- Météo : Connaît la météo prochaine
- Repos : Peu faire se détendre quelqu'un

- Infestation de Nurglings : 24m / 1d4 tours / Projectile magique. Une fois qu'une personne est touchée, elle subit 10+2d10 dégâts magiques par tour / Dès la fin du sortilège ou la mort de l'ensorcelé, des bubons explosent, libérant 2d3 amas de chair, qui sont autant de nurglings
- Fontaine putride : 6m / Instantané / 30+2d10 dégât devant lui + gain de 7 armure temporaire magique / +5 dégât par point de MA
- Gerbe corruptrice : 12m / 10+1d10 dégât dans une zone de 6m, esquivable ; métal rongé après 1d4 tours / -1 esquive par MA

- La multitude fait le tout : Se change en nuée de mouches
- Prodigieuse santé : Contact / Devient ultra bogosse et ultra chad
- Grande invocation de petits amis : Invoque des insectes pour servir d'ingrédients
- Immonde messager : Peut envoyer des messages twitter (Caractères limités)
- Allégresse fétide : Supprime toute douleur mentale ou physique
- Divine urgence : Force la cible à faire un jet d'END. Diarrhée en cas d'échec.
- Paludisme dévorant
- Vent de Nurgle
- Torrent de corruption

- Invocation : Nurglings
- Invocation : Bête de Nurgle
- Invocation : Porte Peste
- Octogramme de conjuration
Compétences :
- Résistance accrue : +1 END aux jets testant la résilience physique (Fatigue, drogue, alcool, torture...)
- Vol à la tire : +1 pour escamoter quelque chose
- Baratin : +1 pour endormir la vigilance de quelqu'un
- Déplacement silencieux : +1 pour fureter quelque part
- Déguisement : +1 pour s'infiltrer en étant déguisé
- Alphabétisation
- Autorité
- Humour
- Empathie
- Coriace

- Sens de la magie : Sur un test, détecte les événements magiques
- Incantation (Domaine de Nurgle)
- Maîtrise de l'Aethyr (Nurgle) : 3
- Contrôle de la magie
- Divination (Oniromancie) : Sur un test au cours de son sommeil, peut découvrir la destinée de certains personnages
- Langue hermétique (Langue Noire) : Parle la langue immonde du Chaos
- Confection de maladies : Peut fabriquer des maladies communes et rares
- Connaissance des démons
Équipement de combat :
- Bâton démoniaque : 2 mains ; 10+1d8 dégâts ; 8 parade ; Assommante & Utilisable seulement par les classes magiques. +1 PAR
- Pistolet à répétition : 46+1d8 dégâts, malus -2 TIR/8 mètres, peut tirer cinq fois à la suite avec un malus de -1 TIR par chaque nouveau canon qui fait feu
- Agaga (Épée à une main) : 18+1d10 dégâts ; 13 parade ; Rapide, Précise, Perforante (2) ; +1 INI
- Cocktail Molotov (x4) : Dans un rayon de 1m, toute personne qui est touchée par la bouteille prend trois états de « Enflammé ». Dans un rayon de 2m, c'est 2 états seulement. Dans un rayon de 3m, un seul état.

- 15 balles et poudres

- Tenue de cultiste de Nurgle : 5 protection ; Tout le corps sauf tête

- Anneau d'Ulgu : Lorsque porté, vous pouvez faire croire à ceux qui vous entourent que vous êtes un humain lambda (sans mutation aucune ni trait particulier) pendant 1 heure. Vous ne pouvez utiliser cette capacité qu’une fois par jour. Vous ne pouvez pas prendre l’apparence d’une personne en particulier.

- Miroir de la Demoiselle d'Acques
- Cor de la harde des Museaux Annelés
Équipement divers :

- Marque de Nurgle
- Caresse de la vipère (poison) : Un sujet blessé par une arme enduite de ce venin doit réussir un jet d'END-4 sous peine de mourir dans END minutes. Chaque minute avant sa mort, le sujet subit 5 points de dégâts non sauvegardables, et un malus cumulable de 2 à ses caractéristiques.


- Couverts en bois
- Sac à dos
- Couronnes dentaires en bois
- Tatouages
- Porte-bonheur

- Sap-biscuit

- Costume de répurgateur + Fleuret (Déguisement)
Divers divers :

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Diederick von Bildhofen
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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par Diederick von Bildhofen »

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Après avoir effectué notre descente dans l’atmosphère avec un reportage sur les groupes criminels locaux dans les oreilles – merci à Enkidu pour le coup – nous arrivâmes sur la croute de la planète, ou j'entama le rituel habituel du régiment. Humant l'air ambiant à pleine narines, j'analysais les odeurs qui venaient. Fumée, pollution, sel... Yep. Je l'avais.

Salut la poubelle ! dis-je bien fort. Car ça puait dans le coin. Rien à voir avec les belles odeurs de Phyrr.

Passée la surprise de mes compagnons autour de moi, nous eûmes à patienter un chouïa pour accomplir la paperasse au spatioport, le groupe et moi-même avons eu à patienter pour que l’une de ces immenses machines crachant de la vapeur puisse nous emmener au terminal qu’était notre destination. N’ayant rien de mieux à faire, je me suis acheté l’un de ces bulletins d’information qu’on pouvait retrouver dans presque toutes les destinations. Parfois il y a des histoires drôles ou des vieilles éditions des aventures de Blak et Mortimer. J’ai même mi la main de l’un d’entre eux où ils étaient en syndicat moscovite, quoi que ça puisse être.
Sauf que là c'est des histoires absolument horribles sur des trucs abjects et presque hérétiques. Le cannibalisme on connaît ça sur Phyrr. À Skaggos, les tribaux mangent leurs morts pour empêcher ceux ci d'être relevés pour servir Ceux de la Glace, et leurs montures mangent aussi la chaire de leurs ennemis tombés au combat. Et parfois les ennemis sont eux aussi mangés. Mais c'est ritualisé. Et les skaggosis ont toujours été des gens étranges. Mais ce que je lit là ? C'est abject, horrible, immoral, hérétique, un affront aux Anciens Dieux de la Forêt. Il faut écorcher vifs ces abjectes criminels et les pendre par leurs entrailles à un arbre sacré afin de les délivrer au jugement des Dieux et les priver de la paix accordée par ceux ci. Pouha !

Puis après le trajet en machine à vapeur, on a eu à louer un véhicule. Mora étant le seul pouvant conduire ces machins en zone civile sans écraser les passants, il eut le loisir de se prendre toutes les remarques possibles au visage des collègues. Moi, je me contentais de jouer au copilote avec une carte de la ville sous les yeux pour essayer de nous repérer et guider l’homme de fer au cours de la conduite. J’étais bien placé puisque j’étais assis à l’avant. C’est aussi là où il y a le plus haut taux de mortalité, mais ça allait. On était pas dans une zone de combat… pour le moment.

Puis après avoir manqué de démolit un lampadaire et quelques autres mobiliers urbains – sans avoir tué quiconque – on est arrivés à destinations et on a patienté un bon moment sur le lieu de rendez-vous mais… notre contact était pas là. Y’avait un restaurant pas loin du parking et j’ai bien pensé à y aller pour demander où se trouvait ce monsieur Saule, mais Enkidu semblait avoir plus d’idée de là où chercher et s’est mis à faire le tour des adresses. Bien sûr qu’il y avait des adresses, e-avec des noms et tout. Pourquoi ça me surprend qu’il y a des adresses avec les noms des gens ? Après tout, les gens de l’imperium donnent aussi des noms à leurs rues. Et des chiffres. Alors bien sûr qu’il y a des adresses… M’enfin. Je suis choisit pour garder la voiture des miséreux. Au soleil. Et Enkidu, en consolation, m’autorise à siffler sa gourde de thé tiède. Ça permet de tuer le temps sous le soleil énorme du coin. Et y fait tellement chaud… trop chaud. J’en peux plus, je sors et je me tire à l’ombre pour continuer à garder la voiture. Mais je quitte pas celle ci du regard, y’a plusieurs rigolos qui sont déjà passés à plusieurs reprises pour faire les malins.

Et puis j’attends.
Modifié en dernier par Diederick von Bildhofen le 01 mai 2024, 18:46, modifié 1 fois.
Le savoir c'est le pouvoir. Et savoir quand le garder, le cacher, le partager, cela est la véritable épreuve de ceux le détenant.

Diederick Maria Reichenbach Bruno "Ruichen" von Bildhofen, Voie de l'étude de la connaissance
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 10 | Int 10 | Ini 8 | Att 8 | Par | Tir 8 | Mag | NA 1 | PV 60/60

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« Alors que tu défiais le couvre-feu, tu découvres une vertu trop zélée. »

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Re: [Dark Heresy] Le tranchant des ténèbres - Partie II

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les acolytes ayant été sommairement rééquipés, et leurs questions ayant trouvé réponses, Sand décida que l’heure était venue de continuer le travail. Il invita les acolytes à se lever, tandis qu’il rouvrit son bureau, s’arrêtant juste avant pour prendre son chapeau au porte-manteau, et vérifier que son pistolet était chargé. Il repassa à l’accueil, se pencha au-dessus de sa secrétaire pour lui dire à voix basse : « Tu peux t’occuper des prochains rendez-vous ? Je sais pas quand je reviens. » La grosse dame leva les yeux au ciel, et même si c’était de bien mauvaise foi, elle se leva et railla très fort : « Mademoiselle Morand ! Mademoiselle Morand, venez avec moi je vous prie ! »

Ils s’approchèrent tous les quatre du trop petit ascenseur. Sand demanda à ce qu’ils y aillent deux par deux, aussi, malgré la petite perte de temps, ils atteignirent tous deux en sécurité le rez-de-chaussée. Ils se retrouvèrent sur le trottoir, où Wullis était en train d’attendre. Sand alla à sa rencontre pour lui serrer la main et lui remettre son manteau :

« Soldat. Omardha Sand.
Je vais chercher ma voiture, vous pouvez me suivre prudemment, je nous amène jusqu’à Lutèce. »


Les acolytes prirent place. Cinq minutes plus tard, Sand sortait avec sa voiture, jouant du klaxon pour les inviter à le suivre. Il avait la voiture la plus basique et la plus commune possible : une quatre porte couleur bleu, couverte de rayures, avec un pare-choc un peu enfoncé, et un petit sapin au rétroviseur. Pour discret, il faisait discret, on n’aurait jamais pu penser qu’un tel tacot soit l’apanage de l’Inquisition, qui se déplaçait constamment dans des gros SUV noirs et modernes aux vitres teintées (Et blindées).

Avec lui en éclaireur, la suite fut un poil plus rapide. Il fallait toujours naviguer dans des avenues bondées et parcourues et piétons, de pousse-pousse, de chevaux et de bicyclettes qui se partageaient d’une façon bien chaotique l’asphalte, mais globalement, même à 10 km/h, ils progressaient. Petit à petit, ils quittaient la périphérie brûlante et asphyxiante de la ville pour s’enfoncer dans les profondeurs de Salbris. Construite comme les cités-ruches, même si c’était sur un monde féodal encore peu peuplé, la ville avait d’imposantes méga-structures qui commençaient à obscurcir le ciel. Au-dessus d’eux, les flèches de grattes-ciels carrés d’habitations et de bureaux s’étendaient sous leurs yeux. Cela ne contribuait pas vraiment à fournir de la fraîcheur — il y avait toujours la même température caniculaire, mais à ça s’ajoutait l’enfer des bruits assourdissants (Klaxons, aboiements de chiens, brouhaha de la foule…) et l’odeur étouffante des pots d’échappement et des cheminées des immeubles fonctionnant au fioul.
Ensuite, petit à petit, alors que le soleil était progressivement camouflé, la circulation se dissipait, et sur la route, on voyait maintenant de nombreux policiers. En képi et en uniforme, ils plaçaient des barrières et faisaient des signes pour forcer les véhicules à changer de direction. Derrière eux, de nombreuses personnes pacifiques marchaient avec des banderoles pas encore déployées — c’était un début de manifestation. Ils grossissaient jusqu’à constituer une foule, de centaines, et on devinait, bientôt de milliers d’individus. Pour l’heure, elle n’avait pas encore débuté, mais on comprenait de la nervosité violente dans les visages des forces de l’ordre, la même tension que l’atmosphère avant l’orage.



Le véhicule de Sand s’arrêta devant plusieurs barrières d’un péage. Il passa par la fenêtre et glissa son jeton d’identification dans une fente. On le lui rendit, et la barrière se leva. Ce fut ensuite au tour de Mora, qui ouvrit la fenêtre et l’imita.
Et ainsi, ils étaient entrés dans Lutèce.

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L’endroit tout entier faisait peine à voir. Les rues se rétrécissaient, les bâtiments perdaient en fraîcheur et en solidité, et ici, il faisait presque nuit, alors qu’on percevait encore la lueur du soleil à travers certaines structures. Si tout Salbris était bruyante, d’un coup, en entrant dans l’arrondissement Lutèce, le silence était absolument saisissant. On entendait plus que les bruits des moteurs, et on était éclairé par les phares de la voiture. Les gens qui marchaient dans les rues semblaient ou très pressés, ou bien il s’agissait de zonards semi-titubants, leurs organismes ruinés par l’alcool ou les stupéfiants. Il faisait bizarrement humide, comme dans un marais, et ici l’asphalte était rempli de nids-de-poule et de flaques d’eau condensée croupie. Les ampoules grésillaient, les grandes affiches de propagandes étaient semi-décollées, et il régnait une espèce d’odeur néfaste de bile et de corruption.

Surtout, on voyait encore les traces du grand incendie dont avait parlé Sand : beaucoup des structures étaient calcinées, et là où avant on devinait des commerces et des lieux de vies, il ne restait plus que du béton noirci, et une fumée stagnante qui même après deux ans ne s’était pas encore dissipée. Tout le quartier semblait bien au bord de la mort. Les descriptions du clarificateur ne présentaient pas fidèlement l’horreur de ce chaos urbain.


Sand continua le long de rails. À quelle scène s’attendrait-on, quand on entrait sur une scène de crime ? Sans doute des dizaines de voitures avec les gyrophares allumés, une foule de curieux en train d’observer, des journalistes avec des picto-enregistreurs en train de parler dans un micro. C’était le genre de scènes qu’on voyait dans les picto-divertissements policiers pour passer son jour de congé avec sa famille, après tout. Si on souhaitait un tel engouement, on serait déçu. Au milieu des wagons rouillés et figés sur de vieilles rails de cuivres en partie subtilisés, on ne découvrait que deux véhicules : une voiture de police, certes, ainsi qu’un fourgon d’une société de pompes funèbres. Sand arrêta son véhicule, claqua sa portière, et attendit que les acolytes ne se garent et sortent également.

Tous les cinq, ils finirent de marcher les vingt derniers mètres qui les séparaient de la scène de crime. Deux policiers en uniforme attendaient, dans leur voiture, en train de boire du café et de manger des beignets fourrés. Sand toqua à la vitre, ce qui les fit sursauter. Le conducteur tourna une manivelle pour faire baisser la fenêtre, avant de se mettre à crier :

« C’est vous qu’on devait attendre ? Putain vous avez mis le temps, ça fait des heures qu’on se fait chier ici !
– Sand, détective privé. J’ai besoin de votre rapport. »

Le clarificateur montra son cognomen. Le policier ne l’observa qu’une fraction de secondes avant de faire signe de la main pour qu’il se pousse, et qu’il ne sorte. Les deux n’étaient pas les plus fins limiers de Neustralia : de simples flics en uniforme, l’un était un grand dadet très mince avec le nez rouge et la peau pâle, l’autre un garçon très gras qui débordait un peu de son uniforme, avec une barbe bien mal taillée. Ils baillaient et s’étiraient, ayant probablement passé la journée dans la voiture. Il ne fallait pas les plaindre : ils avaient la clim et la radio, même si tout autour d’eux avait une ambiance stéréotypée de roman d’horreur — perdus au beau milieu de Salbris, dans un cimetière de trains complètement à l’abandon, on aurait dit l’endroit parfait pour se faire pourchasser par un tueur en série.

« Essayez de vous grouiller de faire ce que vous avez à faire, qu’on puisse se casser de là, ordonna le policier. On a été repérés par les locaux quand on est allés au café, je vous jure que les gens d’ici foutent les jetons, que des cassos et des crackeux par là.
– On sera bref. Je vais chercher mon matériel.
– On se fait engueuler par les responsables des trains aussi, grogna le gras. Il y a seulement un départ le matin et une arrivée le soir à Lutèce, et le train du soir est actuellement bloqué en gare tant qu’on a pas récupéré la charogne.
– J’ai dit qu’on sera brefs. »

Sand ouvrit le coffre de sa voiture. Il en sortit une grosse mallette de métal, disproportionnellement large, qui semblait bien lourde. Et ainsi, accompagnés des policiers, ils firent le tour d’une plateforme abandonnée pour sauter sur d’autres rails. Et voilà que, au milieu de nulle part, on découvrait un cadavre nu allongé sur le flanc.

« Qui que soient les putains de tueurs, ils pouvaient pas faire mieux pour bien casser les couilles. D’habitude ils les balancent dans une ruelle ou au caniveau, là ils se sont pas fait chier. Et évidemment, il y a beau avoir quinze quais ici, ils l’ont jeté sur le seul encore en service ! Parlez d’une veine, une chance sur quinze !
Hé, heu, au fait, vous auriez une cigarette ? »


Un flic qui taxait une clope. Sand l’ignora, tandis que le policier frottait ses mains devant les acolytes, en espérant que l’un d’eux veuille bien le dépanner.

Le cadavre était celui d’un jeune homme. Totalement nu. On voyait donc sa peau très pâle. Des dizaines de cicatrices guéries depuis des années qui marquaient son dos. Des boutons partout sur les bras. Son crâne était rasé de près.
La vue du cadavre avait quelque chose d’assez saisissant. Mais les quatre acolytes étaient endurcis. Silencieusement, ils se postaient derrière Sand, qui s’agenouillait devant le corps en posant sa mallette. Il l’ouvrit, et dévoila tout un attirail qui se déployait en plusieurs étages.
Au fond de la mallette, on comprenait la raison du volume de l’attirail : un servocrâne reposait dedans. Une magnifique œuvre du Dieu-Machine, il s’agissait d’un outil medicae de haute qualité, probablement produit sur un monde-forge à partir de la dépouille d’un ancien médecin.


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Quand il l’activa, le servo-crâne se mit à ouvrir ses mandibules pour y découvrir des câbles, tandis que ce qui avait été une colonne vertébrale se mouvait pour découvrir une méchadendrite miniature.

« Quand a-t-il été découvert ? »

Le policier obèse ouvrit son manteau pour sortir un petit calepin. Il fouilla dans ses notes un moment, avant de donner une réponse.

« Ce matin, après le départ du train qui va en ville. Un employé de la gare qui l’a vu après avoir fait sa ronde sur les rails.
– Peut-être qu’il a été largué du train alors… Quelque chose de spécial dessus ?
– C’est un train de marchandises et de passagers qui fait le tour de Lutèce avant d’aller dans le quartier principal de Salbris, une fois le matin et une fois le soir. Il a été fouillé dans l’après-midi par nos collègues, ils ont rien trouvé de spécialement alarmant.
– Je ne doute pas que vos collègues ont bien fouillé et enquêté. »

Sa réflexion sarcastique fit grimacer les deux policiers, qui se regardèrent mutuellement en levant les yeux au ciel. Tandis que le servocrâne commençait à analyser et prendre des photos du cadavre, Sand recouvrait ses mains de gants, et commençait son enquête.

« Pas de témoins ?
– Personne. Il y avait pas un chat ici, comme vous vous en doutez en regardant autour de vous. On a fait le tour des voisins, personne a rien vu pendant la nuit, où le train attendait. Je vous avoue qu’on a pas grand-chose à en dire, les locaux détestent répondre aux questions de flics.
– Vous venez du commissariat de Lutèce ?
– Empereur merci, non ! Mais le magistratum a dit qu’avec tous les meurtres, fallait qu’une unité spéciale se charge de l’enquête, donc c’est nous qu’on a appelé et pas les quelques collègues qui sont postés à Lutèce. »

« L’unité spéciale » en charge de l’investigation semblait bien pauvre, vu les deux enquêteurs à la disposition de Sand. Mais Sand s’épargna une autre remarque.

Son servocrâne commença à torturer le cadavre du garçon. Des flacons de sang se remplissaient, tandis que Sand se mit enfin à manipuler le corps pour essayer de le retourner. Il eut bien du mal : le corps était absolument contracté, et dur comme du bois.

« Rigidité cadavérique. Le corps est frais d’entre douze et trente-six heures. Il a probablement été tué au plus tôt hier dans la nuit, au plus tard il y a deux jours seulement. »

Il fit des observations. Força les paupières à s’ouvrir, puis la bouche, quitte à utiliser un outil métallique pour le forcer, ce qui faisait d’horribles bruits d’os. Il utilisa une lumière mauve pour parcourir le corps. Il attrapa une loupe grossissante pour relever certains détails. Tout le long, il donnait ses observations :

« Un œil manquant. Nerf optique retiré.
Traces de chirurgie sur son thorax, là où se trouvait le poumon. Points de suture… On lui a retiré quelque chose puis refermé ? En tout cas, l’état de reconstitution des tissus semble dire que cela a été fait il y a huit à dix jours, il a survécu à cette chirurgie.
Peau écorchée au niveau de l’estomac jusqu’à l’aine. Parties géniales intactes. »


Le servo-crâne s’approcha de lui, et il y plaça un flacon de sang. Une mini-centrifugeuse située au fond du crâne s’activa, et il y eut des « bip » répétés avec un bruit de moteur. Cinq minutes plus tard, sur une plaque de données, se téléchargeait un rapport médical.

« Traces importantes d’anticoagulants, substances alchimiques. Usage stupéfiant ? On lui a injecté du panimmunisant, antibiotique, antipoison et antiviral. »


L’observation continuait.

« Cordes vocales endommagées. Lésions, pas propres… Il a hurlé. Longtemps. »

Les deux policiers eurent froid dans le dos. Ils décidèrent de s’éloigner et de quitter la scène de crime.

« Cause de la mort : syndrome de défaillance multiviscérale. Il avait d’immenses quantités de drogues dans le corps… Overdose ?
Cela a dû jouer. Mais pas que. Reconstitution par intelligence mathématique semble dire qu’à un moment, ses anticorps étaient à des niveaux critiquement élevés. Comme s’il était un patient cancéreux… »


Le servocrâne sonna à nouveau. Sand se releva pour lire sa tablette. Il transféra une information sur celle du grope.

« Les relevés biométriques donnent un positif sur quelqu’un, on a de la chance.
La victime se nomme Saul Arbest. 23 ans. Enregistré comme ouvrier non-qualifié. Il était lié par contrat d’endenture servile au Cartel Tantalus de ses 13 ans jusqu’à… Il y a six mois. Son contrat a été rompu par décision unilatérale du cartel, pour cause d’invalidité. Malin — il y a une augmentation de salaire automatique après dix ans d’emploi, il a été licencié juste avant.
Nous avons son identité génétique suite à une arrestation il y a cinq mois — a pris part à une manifestation non-autorisée devant les locaux du cartel.
Dette contractée : Deux mille cinq cents trônes, auprès de divers créanciers.
Dernière habitation connue : Chambre 6/23, bloc 7-17#, arrondissement Lutèce.

Alerte : Rapport de personne disparue enregistré il y a 32 jours par Lili Arbest, sa sœur, résidente du même bloc. »


Sand ricana.

« En somme, une vie normale au service de notre glorieux Imperium. L’Empereur Protège. »

Il frappa contre son cœur dans une parodie de serment militaire.

« Je vais commencer l’autopsie. On va la faire ici et maintenant, j’ai le matériel pour.
Inutile de regarder si vous êtes sensibles. »


Il avait dit ça non par sincère volonté de protéger les acolytes, mais par provocation.

À nouveaux à genoux, il commença alors à découper Saul Arbest à l’air d’une étrange arme laser, qui ouvrit net son corps. Petit à petit, il exposa tout ce qu’il était, os et muscles avec.
Il y avait un gros trou manquant là où se trouvait avant son cœur.

« Pas de poumons ?
Mais son corps a guéri… Il a survécu au retrait de ses poumons, et un moment. Respiration artificielle ?
Si c’est du simple vol d’organes, pourquoi l’avoir refermé et gardé en vie ? »


L’autopsie dura comme ça une bonne heure. Puis, soudain, Sand s’arrêta. Le servo-crâne médical continuait de prendre ses relevés et des pictographes, tandis que le médecin-enquêteur observait ce qui avait été un corps humain à qui on avait volé des morceaux.

Et, alors, il approcha un scalpel énergétique de ce qui avait été la moelle épinière. Il se concentra très fort sur le corps de Saul, faisant de petites entailles dessus au but inconnu.
Soudain, il sauta en l’air et s’effondra au sol derrière, comme un chat ayant découvert quelque chose de terrifiant, avec un juron entre ses dents :

« Putain ! »

Une sorte de cordage métallique bougeait tout seul. Il se leva, comme un minuscule tentacule faite de fil de fer. Le fil de fer bougea de gauche à droite, cherchant peut-être à fuir ou à entrer quelque part. Sand, l’imperméable maintenant plein de poussière, approcha son scalpel, et donna un choc électrique directement dans le fil de fer, ce qui le fit « fuir » : deux, trois, quatre fils de fers identiques se mirent également à bouger.

Le clarificateur mit ses doigts à sa bouche et siffla. Le servo-crâne approcha son méchadendrite et donna un coup de jus beaucoup plus puissant à l’ouvrage. Tout de suite, le clarificateur bondit sur l’occasion : il tailla dans la moelle, et alors que son collègue robot préparait déjà une grosse fiole remplie d’un liquide bizarre, Sand arracha la chose « sonnée », la jeta au fond du vase transparent, et le servo-crâne verrouilla le tout.

Se relevant, les acolytes purent mieux voir la bête maintenant piégée. Une sorte de gros tenia de métal, une ossature élégante en verre, et de grands fils robotiques. La chose bougeait dans tous les sens, et le liquide prit une teinte de sang noir.

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Mora, de façon incompréhensible, croyait savoir ce que pouvait être cette chose — il était sûr que lorsqu’il était parmi sa famille Thulienne, il avait vu des choses des dessins de ce genre dans des livres de biologie, ainsi que des modélisations 3D sur des plaques de données : cela faisait partie d’archéotechnologies recherchées par les Thuliens, des outils aux propriétés inconnues, mais construites à l’âge de gloire de l’Humanité, car issu de schémas de construction standardisés fragmentés et indéchiffrables.
Cette chose-là était aussi interdite que désirable. Si sa flotte apprenait que ça existait, les Thuliens amèneraient immédiatement des agents pour le récupérer et l’étudier. Néanmoins, si Mora ne savait pas du tout comment une telle relique avait pu être découverte ou recréée, ni quel était son but, il y avait une chose qu’il n’ignorait pas :
C’était ça, qui avait tué Saul Arbest. Son corps avait rejeté le parasite, ce qui expliquait que les causes de la mort ressemblaient à un cancer.

Sand devait être arrivé à la même conclusion, car il lança, haletant :

« J’ai mon coupable. »

Le clarificateur de l’Inquisition était certain de lui. Et pas juste parce qu’il avait sorti un ténia robotique du corps d’un cadavre — il semblait en colère, les poings fermés.
Il savait quelque chose qu’il ne voulait pas dire.

« Cette chose l’a tué de l’intérieur.
Je n’ai pas besoin de vous faire part de ce qu’est ce petit monstre, vous n’avez pas besoin de connaître son descriptif ou les édits de l’Omnimessie l’entourant, mais sachez que ce n’est pas juste illégal, mais de la techno-hérésie complète. Quiconque a utilisé cet objet mérite punition, à la fois des Saints Ordos et du Mechanicus.
Il a probablement essayé de prendre le contrôle d’Arbest, à la manière d’un parasite. Je n’ai pas les détails, mais notre enquête autour d’un réseau de voleurs d’organes vient de prendre une toute autre dimension. »


Il retira son chapeau, épongea son front, et soupira.

« Je vais ramener le corps d’Arbest avec les pompes funèbres puis contacter Ziegler.
Il nous reste… Quatre heures avant que Lutèce ne passe en cycle de nuit. C’est donc à vous de jouer, et de débuter l’enquête. »
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