Re: [Helveticus Matix/Gob'] Acte 2.1 : Les Rouages de la Connaissance
Posté : 04 juin 2020, 16:33
par Helveticus Matix
L'acolyte récita la totalité de son rapport sans la moindre interruption. Habituelle, durant la conversation de deux membres du Culte, le flot de données allait dans les deux sens, même lors d'un monologue. Notifications de réception, de validation, d'approbation ou de demande d'approfondissement. Simples signaux, silencieux ou non, visant à assurer que le maximum d'informations soit tiré de l'échange. Si leur langue numérique n'avait pas une cadence infiniment supérieure à celles organiques, alors les moindres conversations prendraient des heures, voire des journées entières.
Mais ici, rien. A part quelques rares signaux l'incitant à continuer, Helveticus avait l'impression de parler à un mur sans le moindre circuit imprimé. Il dû même se rappeler à plus reprises que la structure magnifique qui se trouvait devant lui était active. C'était très perturbant, mais pas forcément une mauvaise chose. Si Kryptaestrex ne s'embarrassait pas de demandes superflues, c'était peut-être qu'il avait confiance en son subordonné. Passé la sensation de malaise que ressentait l'acolyte, il ressentit une immense fierté à cette idée.
C'était peut-être une bonne chose que le Magos ne soit pas intrusif. Helveticus sentait, malgré ses protocoles de dissimulation, beaucoup de ses préoccupations bourdonner dans son crâne. Des préoccupations qu'il n'avait pas encore l'intention de révéler à son supérieur. Le cube de stase, le message de l'Ordo Machinum, les propres craintes de l'acolyte sur la possibilité d'une infiltration au sein même du Culte. Matix ne pouvait se permettre de dévoiler cela à quiconque avant d'avoir regroupé plus d'informations.
Son mécadendrite optique ne quitta pas le servocrâne du Magos de son œil bleuté, s'assurant qu'il ne s'égare pas trop sur les circuit du serviteur de l'acolyte.
Alors qu'il détaillait l'accrochage résultant de la récupération de la Cyberchape, le jeune adepte perçut quelque chose. Une réaction infime, subtile mais involontaire, avait agité la structure de Kryptaestrex. Une légère montée de température de ses systèmes, ainsi qu'un frétillement de ses circuits, pile au moment où Helveticus avait parlé du danger imminent de la singularité causée par Seth. Dans un recoin de ses cogitateurs, l'acolyte se lança dans une analyse minutieuse de cette réaction pour y dégager un diagnostique crédible.
Il y avait une incohérence étrange dans la réaction de son supérieur : ce n'était pas lorsque Matix avait détaillé la naissance de la singularité, véritable manifestation hérétique à l'encontre du Dieu Machine, mais lorsque le jeune adepte avait mentionné la proximité immédiate du danger et les risques encourus par sa propre personne. Incapable d'en dégager le moindre sens, Helveticus laissa ses diagnostiques en suspend en attente d'informations supplémentaires.
Une fois que l'acolyte eut terminé son rapport, conclut par sa mention de la situation sur Arrak VII, Kryptaestrex prit enfin la parole. Le jeune adepte se sentit alors enseveli par le flux de données, sonores ou pas, dégagé par pareille entité, signe de son rang hautement plus élevé. Tout comme le Majoris Skeptis, le Magos balaya la requête de son disciple d'une simple mention de la juridiction sur ce système. Il rajouta même que l'expédition de son disciple ne remplissait pas la totalité des normes requises pour être pleinement validée.
Si la parole d'un supérieur était presque divine, Helveticus s'agaça silencieusement de cette réponse. Il n'appréciait pas de voir l'influence du Culte tout puissant, détenteur de la Vérité Véritable, être ainsi stoppée par pareille broutille. Mais ce sentiment anathème fut rapidement soufflé par les paroles suivantes du Magos. Après s'être levé pour dévoiler la magnificence de son corps, il félicita son acolyte pour le succès de sa mission, le promouvant au rang de technoprêtre.
Bien que s'attendant à cette ordination, Helveticus chancela. Après tant d'années de prières et de dévotion totale, ses effort allaient enfin être récompensés. Il allait s'élever un peu plus vers la Machine et pourrait ainsi la servir bien plus efficacement. Son œil s'embua et bien qu'il tenta de se contenir, quelques données extatiques s'échappèrent de son crâne pour se répandre dans la pièce. Ce n'était pas très protocolaire, mais Matix doutait fortement que quiconque ait pu se retenir de ce genre de réaction lors de leur première promotion au sein du Culte.
Avant que le presque technoprêtre ne remercie son supérieur pour l'honneur qu'il venait de lui faire, ce dernier reprit la parole. Une réprimande, aussi inattendue qu'incohérente. Helveticus l'archiva immédiatement, avant même d'en avoir dégagé le moindre sens. Il relança ensuite les diagnostiques démarrés un peu plus tôt en y ajoutant ces nouvelles données. C'était toujours, voir encore plus, incompréhensible.
Helveticus était un acolyte, soit au plus bas de la hiérarchie de la prêtrise de Mars. Il n'était doté d'aucun implant d'une réelle valeur et restait donc un élément dispensable. Certes, bien moins que les vulgaires serviteurs ou encore le citoyen moyen de Mars, mais comparé à la récupération d'une relique telle que la Cyberchape, la question de s'analysait même pas. Pour un technoprêtre, la situation demanderait cependant une analyse approfondie : son Savoir, mais surtout la combinaison des implants/reliques, définirait si la mise en danger de son corps en vaudrait le coup.
Mais Matix n'était pas un technoprêtre quand il avait accompli sa mission sur Arrak VII, aussi la réprimande de son supérieur n'avait pas le moindre sens. Pire, elle allait à l'encontre même des principes de l'Adeptus Mechanicus. Inciter un membre du Culte à s'éloigner de son devoir était un crime dont même un Magos n'était pas à l'abri. Helveticus ne s'était pas mis en danger par simple intérêt personnel (inexistant d'ailleurs), mais pour servir le Dieu Machine. Conformément au protocole, il avait pesé le pour et le contre et était instantanément arrivé au diagnostique suivant : dispensable comparé aux objectifs de sa mission improvisée.
Alors quoi? Kryptaestrex était-il défaillant? Les propres protocoles inquisiteurs de l'acolyte foudroyèrent douloureusement son crâne de réprimandes à cette simple pensée. Était-il au courant du coffret de stase? Pourquoi ne l'aurait-il pas mentionné à son disciple, le châtiant par la même occasion pour avoir omis ce détail?
Deux probabilités plausibles se dégagèrent des diagnostiques de l'adepte :
- Kryptaestrex était au courant pour le coffret de stase et s'attendait à ce que son disciple le lui rapporte. Mais il était surveillé, jusqu'à sa propre demeure, et préférait donc laisser Helveticus dégager les secrets du coffret par ses propres moyens, sans risquer de trahir son existence. Comme Matix avait mis sa vie en danger après avoir récupéré le coffret, c'était toute l'opération qu'il avait mis en jeu.
- Kryptaestrex gardait quelque chose sous silence. Quelque chose au sujet de l'acolyte. Quelque chose de très important au point de rehausser considérablement la valeur de son existence. Ceci avait-il un rapport avec le contact que Helveticus avait établi avec un Esprit de la Machine? Ou surtout avec les injonctions protocolaires d'origines mystérieuses qu'il avait subi à chaque fois que sa vie était en danger?
Plus il approfondissait et plus Helveticus penchait vers la seconde probabilité. Il se rappelait en effet de ces lignes de code d'origine inconnue mais prenant presque le contrôle de son corps dans les moments les plus désespérés.
Dans tout ce vacarme de diagnostiques, une donnée se dégagea soudain, supplantant toutes les autres : il avait plus de valeur qu'il ne le pensait jusqu'alors et il pourrait peut-être en tirer quelque chose. Après s'être incliné et avoir remercié respectueusement le Magos pour l'annonciation de son ordination, l'acolyte se redressa pour tenter sa manœuvre, véritable coup de poker qui pourrait se retourner fatalement contre lui.
Magos, au risque de paraître déplacé, j'ai une requête à vous soumettre.
Au cours du retour de ma mission, j'ai pu étudier la Chair Véritable dans le respect de la bienséance envers les reliques sacrées. J'ai senti une connexion s'établir, un contact. Je ressens une certaine obligation à son égard, et c'est pourquoi je propose mon corps pour en gérer la protection, l'élévation. Grâce à votre réprimande, je me sens grandi de sagesse et capable de protéger pareille entité... comme elle pourra me protéger moi-même.
J'ai bien conscience du caractère présomptueux de ma requête. Bien d'autres membres du Culte plus sages et vénérables seraient désignés pour cette tâche divine. Mais je me sentais obligé de vous soumettre cette demande et en subirai le châtiment si elle vous semble intolérable.
Si sa requête était osée, Helveticus misait tout sur l'étrange réprimande de son supérieur pour lui faire prendre sa décision. En effet, couplé à une entité sacrée, la valeur auto simulée par l'acolyte s'en verrait décuplée. Il ne mettrait plus sa vie en danger sans raison suffisante et même alors, la Cyberchape lui assurerait une protection importante.
Re: [Helveticus Matix/Gob'] Acte 2.1 : Les Rouages de la Connaissance
Posté : 05 juil. 2020, 21:01
par Helveticus Matix
Helveticus se réveilla dans un spasme de terreur. Le mouvement brusque arracha un cri de douleur binaire à l'acolyte, à la fois rassurant et démoralisant. Il sentait de nouveau le poids de l'Omnimessie sur ses épaules, sa poigne sur ses os et sa morsure sur sa chair. La source de sa souffrance et de son salut. Il n'était plus seul, sans pour autant être entier, un trou béant creusé dans son dos. La peur s'était dissipée, mais le malêtre accablait à présent le jeune adepte, son corps n'ayant toujours pas accepté l'injure de la Chair Véritable.
Matix sentit ses pensées se vider, ses protocoles purgeant cette réflexion de soi blasphématoire. Il s'était habitué à cette sensation désagréable, comme si une tierce personne aspirait les concoctions de son cerveau par une paille pour les verrouiller dans une boîte inaccessible. Ce drain, en plus de chercher à tuer dans l'oeuf toute réflexion hérétique, avait aussi pour but de taire toute pensée susceptible de perturber leur hôte. Des protocoles sensés calmer l'esprit de l'acolyte et apaiser son agonie quotidienne.
Helveticus se rendit compte trop tard que la mise en quarantaine était en train de grignoter le rêve qu'il venait de faire. Futilement, il tenta d'agripper les fragments de souvenirs restant, mais les protocoles les lui arrachèrent des mains. Matix savait qu'il était passé à côté de quelque chose d'important, de très important, mais dans la confusion de son réveil, il n'avait pas eu le temps d'analyser son rêve/cauchemar. Plus rien ne pouvait être fait, le coffre de quarantaine ayant déjà débuté à déchiqueter ses pensées.
Sentant le désarroi de son maître, MOC vint léviter autour de lui. L'acolyte tenta de relever la tête pour contempler son servocrâne, mais se résigna sous la douleur. Il étouffait, les pompes de son bionique respiratoire ne parvenant pas retrouver un rythme régulier, leurs filtres obstrués par des gouttes de sang coagulé. Il devait fournir un effort considérable pour garder son oeil ouvert, fixant la silhouette endormie de Tekh pour calmer son esprit et son organisme.
Helveticus rattacha tout son être sur son serviteur comme si sa survie en dépendant. Il ressentait un mélange de compassion et de culpabilité à son égard. Tekh devait se sentir infiniment plus mal que lui, sans vraiment avoir conscience de son propre état. L'acolyte sentait une affinité s'établir avec lui, un lien fort créé à partir d'une souffrance partagée. Mais c'était Matix qui était la source de cette souffrance, l'ayant imposée à son serviteur et à lui-même. Il était l'origine du mal, ravageant tout sur son chemin vers un but dérisoire.
Cette fois, la purge fut physiquement douloureuse, les protocoles siphonnant sans ménagement le raisonnement de l'acolyte. Ne se souvenant même plus de la cause de cette nouvelle souffrance, Helveticus se mit à pleurer, accablé de désespoir. Chacun de ses sanglots agitait sa structure et l'élançait toujours plus, provoquant une nouvelle vague de larmes. Un cycle pitoyable de douleur et de pleurs qui semblait infini.
Une bonne quinzaine de minutes plus tard, Matix retrouva son calme, sa peine ne valant plus le coup d'être exprimée par rapport aux blessures subies. Après un court diagnostique, l'acolyte conclut avec horreur qu'il avait dormi pendant deux jours. Sa Cyberchape l'avait maintenu en vie, injectant diverses concoctions nutritives dans son organisme. Helveticus ne put se résoudre à regarder ses pieds. Il sentait le contacte d'un liquide dont il ne voulait pas diagnostiquer l'origine.
L'acolyte capta les signaux en Lingua Technis, son sursaut lui arrachant une plainte binaire étouffée. S'il n'en comprit pas tout de suite l'origine, la réalisation de l'approche de son ordination le foudroya presque physiquement. La cérémonie devait se dérouler dans quelques heures à peine! A l'aide de son mécadendrite optique, Helveticus observa son triste état. Il n'était pas présentable, pauvre carcasse souillée et malade offrant un abominable spectacle.
Matix tenta de se relever, sans le moindre succès. Il aurait au moins aimé être debout pour accueillir ses invités, retrouvant ainsi un minimum de dignité. Mais même cela, son corps le lui refusa. Résigné, le jeune adepte envoya une timide réponse positive pour inciter les acolytes à entrer.
La porte s'ouvrit, dévoilant de multiples silhouettes, dont deux humaines. Les acolytes faiblement modifiés étaient accompagnés d'un essaim de servocrânes, plusieurs regroupés pour porter un chargement. Leur visage serein se crispa soudain, l'un levant sa manche pour couvrir ses narines encore humaines. Le jeune adepte reprit rapidement contenance, ne parvenant pourtant pas à totalement masquer son dégoût. Helveticus était toujours dans la même position, défait, incapable de lever la tête pour observer les nouveaux arrivants.
Requête : assistance //
Les deux acolytes s'écartèrent pour laisser passer l'essaim de servocrânes. Ces derniers déposèrent leur chargement dans un coin de la pièce, puis virent tournoyer autour du presque technoprêtre. Matix leur envoya une injonction pour lui laisser un peu d'espace, puis souleva mollement les appendices de sa Cyberchape. Les bras ombilicaux s'accrochèrent à de solides tuyaux dépassant du plafond. Une fois ses appuis sécurisé, Helveticus ordonna à l'essaim de se fixer à sa structure pour que leurs forces combinées puissent le soulever.
De manière plus ou moins synchronisée, le jeune adepte tira sur ses appendices tandis que les serviteurs faisaient chauffer leurs propulseurs. Il n'avait plus de force dans les jambes et leurs efforts sembla insuffisant. Matix craignait à présent de basculer en avant, ce qui aurait des conséquences probablement des conséquences fatales. Il releva douloureusement le crâne pour fixer les deux acolytes immobiles devant lui, incapable de définir si la scène qu'il leur offrait les intimidait ou les dégoûtait d'avantage.
REQUÊTE : ASSISTANCE IMMEDIATE //
L'injonction cinglante sortit les jeunes adeptes de leur fascination distante. Ils se précipitèrent pour soutenir le poids de l'immense Chape, évitant ainsi la catastrophe. Libéré de sa propre masse, Matix put enfin prendre appui sur ses jambes. La douleur s'était étrangement inversée : elle n'était plus causée par la gravité, comme si la Chair Véritable cherchait à s'enfoncer toujours plus profondément dans son dos sans ménager les organes et les os. A présent, c'était comme si on tentait de lui arracher un harpon du corps, les jointures et les soudures à même les os ou la chair n'appréciant guère cette nouvelle répartition du poids.
Mais Helveticus s'en fichait. Il se tenait debout et non plus écroulé dans son propre jus. Les appendices consolidèrent leurs prises et le presque technoprêtre se sentit capable de soutenir sa propre structure pour l'instant, non sans que MOC ne lui ait apporté sa canne en métal. Epuisé mais retrouvant un semblant de dignité, le jeune adepte pouvait enfin débuter les préparatifs de son ordination.
Après avoir ôté le torchon dégoulinant ayant servi de vêtement à Matix à la suite de son opération, les deux acolytes commencèrent par laver leur futur supérieur. Helveticus préféra ignorer les seaux débordant de compresses usées recouvertes de pus ou de sang, son organisme se battant toujours avec acharnement pour recracher ce corps étranger.
Des premiers rituels d'assainissement furent exécutés sur sa silhouette nue. On lui transféra ensuite une vague de données pour lui expliquer la conformité vestimentaire de la cérémonie à venir, mais aussi offrir quelques choix de personnalisation. Les caisses rapportées par les servocrânes contenaient tout le matériel nécessaire et bien plus. Helveticus définit mentalement un schéma précis, revenant plusieurs fois en arrière ou rajoutant quelques détails supplémentaires avant de l'envoyer aux acolytes. Ces derniers, assistés des servocrânes, s'exécutèrent immédiatement, plusieurs outils jaillissant de sous leurs manches pour découper, clouer, poncer ou encore coudre selon les plans.
La magnifique tenue de cérémonie, qui ne quitterait presque jamais le corps de Matix, avait été minutieusement ajustée et recousue pour être faite sur mesure. Le tissu que revêtait les technoprêtres était une oeuvre d'art en soi, complexe calligraphie le rendant à la fois épais, flexible et très résistant. Elle recouvrait l'acolyte des pieds à la tête. Couleur rouge Mars, Helveticus s'était permis quelques décorations. Chaque ouverture de la robe (au niveau de la capuche, des bras et des pieds), était ornée du blanc dentelé rendant hommage au Culte.
Mais ce n'était pas ces quelques détails qui donnaient toute son originalité à la nouvelle tunique de l'acolyte. Grâce à la fibre même du vêtement, il lui était possible de modifier précisément sa pigmentation. En effet, à la manière des electoos, ces tatouages changeants si prisés au sein de l'Impérium, une profusion de circuits imprimés étaient dissimulés dans le tissu. Ainsi, l'acolyte pourrait faire apparaître ou disparaître des symboles sur son vêtement.
Malheureusement, ce procédé était limité et, si Helveticus était bel et bien capable de transmettre ces données à sa tunique, leur répartition était trop disparate, aléatoire, pour offrir une lecture compréhensible. Il ne comprenait pas la raison de cette perte d'information, persuadé qu'il passait à côté de quelque chose. Les données étaient envoyées et traitées, elles n'étaient juste pas visible. Les cogitateurs surchargés par la mise en quarantaine de la souffrance constante de l'acolyte ne purent approfondir le sujet, Matix manquant de sombrer dans l'inconscience sous l'effort d'une telle réflexion.
Quelques légères modifications furent aussi apportées à la Cyberchape. Des réserves d'encens sacrés étaient à présent dissimulés dans de petits compartiments de sa structure, lui permettant de diffuser en continu son odeur si caractéristique à l'aide de petits orifices savamment répartis. Elle se mélangerait ainsi avec les expulsions de vapeurs qui s'échappaient régulièrement de l'engin.
Enfin venaient les autres décorations plus superflues mais si nombreuses qu'elles apportaient un poids additionnel significatif à l'ensemble. Des lignes de codes sacrés imprimées sur du vieux parchemin étaient fixés un peu partout sur le dos et le haut du crâne de Matix. Les sceaux en cire rouge représentant l'autorité par le symbole du Culte. Une armée de cierges recouvraient la Cyberchape, lui donnant une allure d'étrange chandelier. Le chapeau cylindrique de l'acolyte était lui aussi ornés de plusieurs bougies à l'aide de petites chandelles fixées à sa paroi. A son sommet se trouvait un autre encensoir fumant, laissant croire à une surchauffe de ses cogitateurs.
Un electoo fut aussi gravé sur le front du jeune adepte. Un petit rouage noir et simple mais en constante rotation, représentant ainsi les préceptes de la Force Motrice.
Les préparatifs terminés, acolytes et servocrânes s'éloignèrent que l'imposante structure qu'était Helveticus. Sans ajouter un mot, leur matériel fut soigneusement rangé et ils quittèrent la pièce après un salut plus protocolaire que sincère. Intérieurement, l'acolyte avait prié pour qu'ils se proposent de l'aider à se rendre au lieu de la cérémonie, mais ce douloureux pèlerinage incombait à son unique personne.
Il avait encore plusieurs heures avant son ordination et calcula son itinéraire. Une petite demi heure à pieds était nécessaire pour s'y rendre, mais avec son handicap actuel, le jeune adepte serait en retard s'il ne partait pas immédiatement. Cette simple pensée l'emplit d'une panique paralysante : il n'était ni prêt, ni capable de subir pareille épreuve. Son seul souhait était de dormir jusqu'à ce que sa peine et sa douleur ne soient qu'un ancien souvenir. Mais il n'avait pas le choix, une telle injure à l'égard de l'Omnimessie et de son devoir résulterait par une suppression immédiate, quelle qu'en soit la raison.
Helveticus n'avait plus conscience d'où il allait, ni de ce qu'il était. Préventif, il avait installé un programme indépendant pour diriger ses jambes à destination, mais le reste de son corps l'avait déjà oubliée. Agrippant sa canne de métal décorée, l'acolyte avait l'impression à chaque pas que le suivant le tuerait. Mais les implacables protocoles le forçaient à avancer, ne prenant que quelques secondes de repos lorsque les signes vitaux de leur hôte devenaient critiques. Les appendices étaient d'une aide salvatrice, assurant un certain équilibre à cette silhouette chancelante.
Il aurait été facile de retracer l'itinéraire de l'acolyte. Il laissait derrière lui une forte odeur d'encens et de vapeur. Sur le sol, les gouttes de cire des cierges à lente consommation se mêlaient à de petites traînées de sang. En effet, les dessins dentelés arrières du bas de sa robe n'étaient plus visibles, à présent aussi rouges que le reste de sa tunique.
Sur sa capuche, des stalactites de cires tombaient devant ses yeux, obstruant un peu plus sa vue à chaque pas. Il avançait de ce rêve flou décoré de blanc, délirant de paysages aussi insensés qu'infinis.
Alors qu'il traversait (sans le savoir) une passerelle suspendue au dessus d'un immense hangar, des signaux passèrent au rouge, synonyme que les protocoles allaient accorder une courte pause à Matix pour qu'il ne tombe pas dans les pommes. Ses jambes s'arrêtèrent et les appendices prirent appui, accordant un répit aux muscles torturés de l'acolyte. Ses sentant à nouveau capable d'organiser ses pensées, il se tourna vers la barrière de la passerelle pour observer son environnement.
Helveticus eut soudain une impression de vide béant, chose qu'il n'avait jamais ressenti jusque-là dans sa contemplation des titanesques structures du Mechanicus. Un sentiment étrange l'accabla, le sommant d'ouvrir les yeux alors que ses paupières étaient déjà rétractées. Instinctivement, sans comprendre comment, il le fit, et c'est alors qu'un nouveau monde s'offrit à lui.
La vision noosphérique. Dans sa constante confusion, l'acolyte avait oublié que le dispositif avait été installé durant son opération. Ses jambes se dérobèrent, les appendices couinant sous l'effort soudain mais réussirent à garder leur équilibre. S'il avait eut une mâchoire, cette dernière se serait décrochée pour rouler sur le sol. C'était... tout bonnement... indescriptible.
Omnimessie.
Matix avait prononcé ce murmure binaire sans s'en rendre compte. Il ne ressentait plus rien d'autre que l'instant, la souffrance s'étant momentanément évaporée. Son dos, son corps, l'horreur qu'il vivait, tout cela n'était plus qu'un flux d'information mêlé à un univers d'information. Il n'y avait plus de matériel ou d'immatériel, seulement ce flot continu, calme, magnifique. Des symboles hexamatiques, traduisant les mathématiques divines, couvraient toutes choses, et bien plus. Un océan si dense que Matix le croyait physique, pesant, malléable.
Chaque objet, chaque structure de son environnement avait été remplacés par des données lisibles. Elles ne prenaient pas la forme des objets en question, se manifestant plus comme des nuages condensés s'entremêlant, mais un simple coup d’œil permettait d'identifier la matière, la texture, les proportions, la fonctionnalité, la densité, la masse, la non-masse, les coordonnées précises et une infinités d'autres informations. Instinctivement, l'esprit comprenait l'objet analysé et le représentait mieux qu'un regard ne pourrait jamais le permettre.
En contemplant sa propre tunique, Helveticus comprit la raison de ses interrogations lors des préparatifs : les petits symboles hexamatiques coulaient à la verticale sur le vêtement, transmettant la totalité des données souhaitées. L'information n'était pas perdue, juste invisible à l’œil nu, transmise en rideaux de lignes de codes accessibles seulement à ceux dotés de vision noosphérique.
Pour la première fois de sa vie, Helveticus Matix "voyait".
Il se rappela avoir déjà vécu une infime partie de cette expérience après son opération, lorsqu'il avait pu clairement identifier le technoprêtre Biologis qui l'avait torturé. Mais c'était incomparable avec ce qu'il était en train de vivre actuellement.
En plus des nuages de données hexamatiques représentant chaque élément, matériel ou immatériel, du vaste hangar, un autre courant existait. Un flux mouvant, fleuve ou vent, circulant en continu au travers de la matière et sans le moindre rapport avec son environnement proche. C'étaient des données qui venaient de Mars toute entière, une offrande généreuse à quiconque était capable de les lire. L'acolyte prenait conscience de machines se trouvant à des milliers de kilomètres de là, tout en comprenant la moindre de ses caractéristiques. S'il se laissait emporter par le flux, alors il pouvait circuler dans ce dernier et capter toujours plus de données. Armé de temps et de patience, l'acolyte pourrait ainsi s'informer de chaque micro élément composant ce monde, allant du simple grain de poussière aux machines les plus formidables.
Ou presque. Car si les données étaient belles et bien présentes, certains symboles étaient totalement incompréhensibles pour le jeune adepte. Ce n'était pas une question de savoir mais d'accessibilité, Helveticus n'ayant pas encore le rang lui permettant d'aborder de tels sujets. Ces derniers étant réservés aux hauts technoprêtres et aux Magos. Même alors, Matix n'était pas convaincu que toute donnée soit offerte à la lecture.
Grisé par cette "dimension noosphérique", l'acolyte ouvrit un peu plus son esprit, plongeant sans prudence dans ce flot éternel. Ce qui devait arriver arriva : Helveticus ne prit conscience que trop tard de son inconscience. Le flot était bien trop dense pour un intellect novice tel que le sien. Si l'information existait belle et bien, il fallait la traiter pour la comprendre et, même si la vision noosphérique permettait un traitement presque instantané, l'accumulation finissait par engendrer la surcharge. Même un Magos équipé des plus puissants cogitateurs d'analyse ne se risquerait pas à pareille entreprise.
Et Matix s'était jeté sans prudence dans la gueule du loup.
Helveticus se réveilla avec une migraine infernale. Un rapide diagnostique l'informa que quelques uns de ses cogitateurs avaient grillé avant que le fameux "protocole inconnu" ne le plonge dans un coma artificiel. Toujours équipé de sa vision noosphérique, l'acolyte regarda autour de lui. A chaque fois qu'il focalisait sa vision sur un point précis, il se sentait à nouveau plonger dans le flux. Il sentait alors le protocole inconnu se manifester et devait fermer les yeux pour échapper à une nouvelle catastrophe. Pris de nausées qu'il ne pouvait pas physiquement exprimer, le jeune adepte décida de restreindre son accès à la noosphère pour ne pas risquer de sombrer à nouveau. Le flux était beaucoup moins dense, mais au moins ne s'exposait-il plus à perdre pied.
Une goutte de sang coula sur son crâne et l'aveugla. Si les dommages n'étaient pas irréparables, il n'en restaient pas moins sérieux. Ses capacités de traitement de l'information étaient légèrement diminuées, mais ce petit handicap avait des conséquences désastreuses. Cela signifiait que moins de données de douleur pouvaient être mises en quarantaines et Helveticus en sentit pleinement les effets. De plus, sa vision noosphérique restreinte actuelle ne le libérait plus des sensations. L'information n'était plus lue mais belle et bien subie.
Décidément, le destin s'acharnait, chaque instant de répit se payant au centuple.
Pour couronner le tout, une alarme fit vriller le crâne de l'acolyte. La cérémonie débuterait dans 32,27 minutes et, avec sa démarche actuelle il y serait dans... 1 heure, 14 minutes et 51 secondes. Son ordination allait se transformer en exécution!
Plus souffrant que jamais, mais gagné de l'énergie du désespoir, Matix se propulsa en avant, ses appendices furieux raclant le sol pour le faire avancer plus vite. Ignorant ses alertes ou les plantes de son corps, l'acolyte ne s'arrêta pas, sentant la menace du protocole inconnu planer au dessus de son esprit. Sans s'attendre à une réponse, il déchaîna dans son crâne des données explicatives : s'il s'arrêtait maintenant, il serait exécuté. Contre toute attente, le protocole sembla le comprendre et se rétracta. Le jeune adepte se sentit même armé de forces supplémentaires!
Il allait à présent 1,8 fois plus vites que dans la vitesse prévue dans son itinéraire. Ce n'était pas suffisant. 4,9 km/h, 5,2 km/h, 5,7... Helveticus continuait d'accélérer, sentant les fibres son corps se déchirer toujours un peu plus. La chimie humaine était bien plus efficace que ses mises en quarantaine actuelles, il sentait certes la douleur, mais la terreur était plus forte.
Entraîné par la panique qu'irradiait son maître, MOC se fixait sur la Cyberchape pour la soulever autant que possible. Cet infime paramètre pesa lourd dans les calculs de Matix qui avait bien conscience que, sans son serviteur, l'entreprise n'était mathématiquement pas possible. Sa silhouette tordue claudiqua ainsi dans le calvaire le plus total, des panaches de fumé s'échappant de la Chair Véritable à chacune de ses enjambées.
14 secondes. Helveticus arriva 14 secondes avant le début de la cérémonie. Il aurait pu arriver à l'instant précis où les portes se seraient ouvertes, mais s'évanouir au début de son ordination aurait des conséquences tout aussi désastreuses que d'arriver en retard. L'adrénaline redescendue, l'acolyte ne parvenait plus à s'oxygéner correctement. Il ordonna à sa Cyberchape de baisser la température de son corps et de calmer son organisme à l'aide d'un cocktail de drogues et autres mixtures chimiques. MOC donna quelques coups de soudures douloureuses aux endroits où les plaies du jeune adepte étaient les plus béantes.
Aveuglé par la sueur, le sang et la cire, Matix n'osait contempler le triste spectacle qu'il devait offrir. Les cierges s'étaient presque tous éteints, MOC s'empressant de les rallumer l'un après l'autre. A l'aide de ses appendices, l'acolyte réorganisa ses ornements pour tenter de sauver les meubles.
Il n'était pas prêt. 5 secondes. Il n'en était pas capable. 3 secondes. Que ça s'ARRÊTE!! 1 seconde.
Omn...ssie// ..de-.oi dans c..te é..euve
Réglée comme une horloge, la porte imposante s'ouvrit, la lumière vive irradiant le visage déjà aveuglé d'Hevleticus.