Elle avait réussi ! Elle avait déchiffré ces stupides énigmes capillotractées, trouvé son chemin dans le labyrinthe de galeries souterraines qui composaient les Archives Interdites de l'Université, gardé son calme en voyant le frappadingue des désolations lui-même répandre les flammes à travers les rayonnages souterrains, et enfin, ENFIN, mis la main sur le livre tant convoité : le Monstrum Maleficarum.
Elle enfourna une poignée de livres choisis aléatoirement dans sa besace, et comptait faire de même avec l'objet de leur mission lorsque, prise d'une curiosité malsaine, elle ressentit le besoin d'au moins l'ouvrir quelques secondes pour comprendre la raison de la convoitise de leur mystérieux commanditaire.
Peut-être que l'excitation du moment avait altéré son jugement, l'empêchant de voir que l'instant n'était vraiment pas propice à la lecture. En effet, le maraudeur était avait été particulièrement talentueux dans sa pyromanie, et alors qu'évoluer dans les flammes commençait à devenir une seconde nature, peut-être aurait-elle du prêter plus attention aux bibliothèques et aux poutres de maintien qui faiblissaient autour d'elle. Aussi lorsqu'elle sentit les puissants bras de Goraxul enserrer sa taille pour la soulever sans aucun ménagement afin de la porter comme un sac de patates, elle ne comprit pas immédiatement son objectif. Ce n'est alors qu'il se mit à courir en direction de la sortie et qu'elle vit une énorme bibliothèque en flammes s'écraser sur sa position d'il y a quelques secondes que la situation s'éclaircit.
Suivant les marques de craie que Dokhara avait laissé sur les murs pour baliser leur progression, la course de Goraxul était teintée d'un spectacle surréel de destruction. Tout le souterrain s'écroulait, et juchée sur l'épaule du maraudeur la jeune baronne ne pouvait rien faire d'autre que de contempler les dernières secondes de l'Université. Les poutres affaiblies crépitaient et cédaient au dessus-d'eux, des pans entier du bâtiment s'écroulaient dans les souterrains, et partout, les flammes dévoraient tout ce qui n'était pas de pierre.
Ils remontèrent les escaliers menant au vestibule à toute vitesse. Se contorsionnant sur le dos de Goraxul, Dokhara tenta d'observer l'état de la pièce principale.
- Oh putain.
Le feu avait tout envahi, du sol au plafond. Des pans entiers de l'Université s'étaient affaissés, s'écroulant sur eux-même vers les fondations que Goraxul avait sciemment affaibli en y répandant les flammes. La toiture au-dessus de leur tête était dans le même état de dévastation - une bonne partie des poutres de maintien s'étaient déjà vu dévorées par les flammes, et des pans entiers de milliers de tuiles s'étaient effondrées sur les bibliothèques, qui elles-mêmes affaiblies par les flammes s'étaient renversées partout dans le vestibule. Il n'y avait plus de chemin, juste des débris, des cadavres, des flammes et de la fumée. Et droit devant eux, la route était totalement obstruée par des bibliothèques écroulées les unes contre les autres, des piles de livres en proie à la destruction, et des skavens carbonisés. Mais pas d'issue.
Un cri de guerre plus tard, Dokhara comprit que Goraxul n'accepterait pas cette fatalité. Il chargea comme un dingue en direction de l'obstacle, et la jeune femme ne put rien faire d'autre que de s'agripper à lui de toutes ses forces, serrant dans son poing la sangle de sa besace contenant leur butin, hurlant à son tour pour l'accompagner dans son effort - quoique la voix de la baronne semblait bien plus teintée de terreur que de courage guerrier.
Les yeux fermés, Dokhara ne put deviner par quel miracle ils réussirent à traverser l'obstacle, mais ils le firent bel et bien. Elle sentit de puissants impacts sur ses cuisses et son postérieur - si Goraxul avait utilisé son autre épaule pour percuter le mur de bouquins, son corps porté comme un sac avait malgré tout fait les frais de cette héroïque traversée.
Quelques secondes après l'impact, un bruit assourdissant traina en longueur pendant un long moment - celui de l'affaissement complet de l'Université, s'écroulant sous son propre poids et répandant une montagne de poussière et de gravats. Quelques-uns percutèrent son crâne sans qu'elle n'ose davantage ouvrir les yeux, trop effrayée du spectacle qu'elle pourrait découvrir.
Quand enfin le maraudeur cessa sa course et qu'elle trouva le courage de rouvrir les paupières, ce fut pour croiser son regard noir, ses pupilles d'obsidienne trop proches de son visage. Il lui assura que Slaanesh veillait sur elle à travers lui, et elle ne pouvait que le croire en ce moment et remercier son Dieu d'avoir été si vigilant. Effectivement, sans Goraxul, elle n'aurait sans doutes réussi ni à se débarrasser de la horde de skavens qui l'avait acculée avec la kislévite blonde dans la taverne, ni à survivre à l'effondrement de cette maudite Université. Elle fut prise d'un violent désir d'embrasser le guerrier des désolations et de mordre ses belles lèvres jusqu'au sang, et aurait volontiers cédé à ses envies... s'il ne la gardait pas solidement harnachée à son épaule, son bras musclé entourant toujours sa taille avec une force démesurée.
Observant autour d'eux, elle vit que Goraxul avait couru jusqu'à être à une bonne distance de l'Université, là où il était certain d'être à l’abri des débris volants. A ses côtés se tenaient Gorgut et Veylaïs, tous deux amochés par les flammes mais bien vivants. L'orc, lorsqu'il la vit avec de nombreux livres dépasser de la besace qu'elle tenait encore solidement en main, lui fit une grimace terrifiant qu'elle assimila à un sourire. La pirate quant à elle la taquina d'une pique pour lui rappeler l'échec de leur pari : un nouveau match nul - et ce n'était pas faute d'avoir tenté l'impossible pour tuer l'un ou l'autre des participants !
Trop épuisée pour formuler une phrase, elle ne lui répondit que par un vague sourire heureux, avant que leur groupe ne décide à prendre la route les menant à la taverne dans laquelle cette drôle de nuit avait commencé. Le maraudeur semblait apprécier le contact physique qui s'était établi entre eux et ne semblait en conséquence pas décidé à lui faire retrouver le plancher des vaches - loin de s'en formaliser, Dokhara y vit l'occasion de se reposer quelques minutes.
***
La jeune baronne vida sa chope de bière d'une traite avant de l'envoyer percuter la table. Le regard pétillant de malice, elle fit un sourire amusé à Veylaïs en voyant qu'encore une fois, cette dernière avait réussi à suivre son rythme à la seconde près, le bruit de sa propre chope frappant la table à l'unisson avec Dokhara.
Leurs deux paires d'yeux se tournèrent vers Goraxul, qui avait eu besoin d'une seconde supplémentaire pour ce cul sec. Sans rien oser dire, elle le gratifièrent néanmoins d'un d'une mine moqueuse lourde de signification. Il fut sur le point de protester, mais un rot tonitruant émanant d'un gros bébé verdâtre ayant fini son propre tonneau l'interrompit dans son élan.
Plus que le fait d'être encore vivants, c'était surtout le contenu du sac et de la bourse posés sur leur table qui les rendaient aussi enjoués. L'échange s'était fait sans entourloupes, et ils avaient obtenu un joli petit pactole en échange du Monstrum Maleficarum. Et c'était loin d'être le seul retour sur investissement qu'ils avaient obtenu pour cette mission suicide : les livres volés par Dokhara se revendraient une vraie petite fortune, pour peu qu'ils trouvent le bon acheteur. Acheteur qu'ils ne pourraient trouver dans la cité impériale - sur le chemin du retour ils n'avaient pas croisé âme qui vive, pas même celle d'un skaven. A part des ruines de bâtiments calcinés et des cadavres, il n'y avait plus rien dans cette portion de Nuln. Que les hommes-rats aient gagné cette guerre ou qu'ils l'aient perdu, l'ancienne capitale de l'Empire ne se remettrait jamais d'un tel cataclysme.
Ils allaient devoir se trouver une sortie, mais où aller ensuite ? Ils ne savaient pas si situation similaire s'était produite dans l'Empire, et voyager seule sur les routes serait bien trop dangereux.
Et puis il y avait ce pari avec Veylaïs. Bien sur, après avoir vécu pareils évènements, frôlé la mort de si près, ressenti une telle adrénaline, l'une comme l'autre était bien plus disposée à s'adonner à quelques plaisirs charnels mais c'était sans compter l'importance du jeu et de leur ego dans cette affaire. Ni l'une ni l'autre ne pouvait se satisfaire d'un match nul - il devait y avoir une gagnante, et surtout, il devait y avoir une perdante. D'une manière où d'une autre, elles devaient trouver un moyen de se départager pour établir une relation de dominante à dominée saine.
C'est à cette pensée qu'une idée vint illuminer l'esprit de Dokhara. Elle savait où régler une fois pour toutes ce conflit. Un lieu hors du temps et des guerres, se déplaçant sans cesse à travers le Vieux Monde mais trouvable par quiconque souhaitant s'y rendre. Un endroit où ils pourraient sans aucun mal dépenser cet argent mal acquis. Où un orc et un chaotique pourraient côtoyer des humains sans que cela ne choque qui que ce soit.
Dokhara vida sa seconde chope, puis exposa son idée de prochaine destination à ses nouveaux compagnons.
***
FIN D'AVENTURE POUR LA SUICIDE SQUAD
... OU PAS ?