Il faisait nuit noire, seules les étoiles illuminaient faiblement le ciel. Le hors-la-loi, lui, courait à toute vitesse, à en perdre haleine, il a son arc en bandoulière et tient dans ces deux mains deux gros sacs remplis de couronnes d'or, tellement remplis de pièces qu'à chaque pas effectué, plusieurs d'entre elles débordent des sacs et tombent au sol dans leur bruit caractéristique: une sorte de tintement sonnant et trébuchant.
Les Peaux-Vertes avaient attaqué le campement...Prévisible...Johannes avait profité de la confusion créée par l'affrontement pour se faufiler à travers le camp avec l'intention de fuir dans la direction opposée par rapport aux combats. Ce faisant il était tombé sur le chariot spécial de la caravane, celui-ci contenait tout l'or et l'argent destinés à payer les gardes du corps escortant le convoi marchand, une seule sentinelle était en faction, les autres participant à la mêlée contre les orques et les gobelins, leurs clameurs et le tintement des armes en aciers s'entrechoquant pouvant être entendus jusqu'ici.
Le renégat ne pouvait pas laisser passer cette occasion, il avait alors encoché une flèche à son arc et visé la tête du garde, quelques fractions de secondes plus tard le projectile était partit...et n'avait que trop bien touché sa cible, le trait toucha le mercenaire à l'œil droit, s'y enfonça et transperça le crâne, sa pointe apparaissant de l'autre côté, à l'arrière de la tête. La sentinelle, qui n'avait rien vu venir, s'effondra sans un bruit, le bretonnien, arborant un petit sourire, pût alors s'approcher pour s'accaparer autant d'or qu'il pouvait. Etant concentré sur ce qu'il faisait, le hors-la-loi se moquait éperdument des beuglements victorieux des Peaux-Vertes, des râles d'agonie émis par les soldats, des cris des femmes, des enfants et des marchands sans défense que l'on trucidait, seul comptait le fait qu'il puisse s'échapper de ce carnage et si possible avec le plus d'argent, qui saurait se révéler utile pour la suite de son périple.
En somme, voilà comment Johannes s'était retrouvé à carapater en pleine nuit, à travers les collines rocheuses de Varenka.
Mais tout à coup un gobelin au visage grimaçant et gloussant d'un rire très strident, typique de ces petites créatures, surgit devant le renégat. Réagissant instantanément, le hors-la-loi laisse tomber le sac de pièces dans sa main gauche pour saisir son couteau de chasse et égorge cette sale bestiole. Cette dernière poussant un hurlement très dérangeant à entendre...et commençant à se dissiper...comme si elle n'était constituée que de brume ou de quelque autre essence immatérielle. C'est alors que deux autres gobelins apparaissent d'un seul coup derrière le bretonnien, eux aussi ayant leur visage déformé par les grimaces et ricanant d'un ton moqueur à l'encontre de Johannes. Le renégat, fronçant les sourcils, lâche le second sac de pièce qu'il tenait dans sa main droite afin de se saisir de son arc pour ensuite les viser et leur tirer dessus. Les petits Peaux-Vertes s'évaporent avant même que les flèches du hors-la-loi ne les atteignent, et finissent par resurgir très prés de lui...au nombre de quatre cette fois et le raillant toujours. Le bretonnien se précipite sur eux et les lacère rageusement de coups de couteau afin qu'ils disparaissent une bonne fois pour toute, ils finissent par s'évaporer à nouveau, mais non sans cris aigus, témoignant de leurs souffrances. Etrangement ces cris commencent à résonner dans la tête de Johannes, s'amplifiant de plus en plus au fur et à mesure que les secondes passent. Le renégat colle alors ses mains contre ses oreilles et ferme ses yeux pour tenter de stopper ces sons dérangeants, en vain, il commence alors à courir à l'aveuglette et ce qui devait arriver arriva.
Il trébucha sur quelque chose et finit par s'aplatir à terre, mais les cris avaient disparus, cessant de tourmenter son esprit. Se relevant et rouvrant les yeux, il constata avec stupeur que les Collines de Varenka avaient bien changé...
Regardant tout d'abord ce paysage désolé, Johannes ne s'aperçu que plus tard qu'il avait trébuché sur quelqu'un...un nain en l'occurrence...A la grande surprise du renégat, le dawi finit par se relever, son corps sanguinolent et son armure ensanglantée ainsi que des flèches plantées dans son dos trahissent la mort violente qu'il a reçu. Mais le bretonnien finit par reconnaitre ce visage, cette barbe rousse et ses sourcils épais...Kragrim?!...Mais que faisait t'il donc ici?! Avant que le hors-la-loi ne puisse lui adresser le moindre mot, le nain commence à parler d'une voix morne et creuse, comme si toute vie l'avait quitté, comme s'il était mort à l'intérieur de lui-même:
"Pourquoi les as-tu abandonné Johannes? Tu les as trahis? Pourquoi nous as tu trahis?"
"Oui, il nous a abandonné, il nous a laissé mourir, il nous a trahi." lui répondirent en cœur tout un ensemble de voix au ton glacial.
Le renégat se retourna alors et pût voir derrière lui que tous les morts, les massacrés de la caravane revenaient le hanter de leur présence fantomatique. Il y avait tout le monde: des soldats, des marchands, des femmes, des enfants, Hyeronimus...tous portaient les traces et autres stigmates d'une mort donnée brutalement par les orques et les gobelins. Ils commencèrent alors à s'avancer vers le hors-la-loi tout en répétant en cœur ces paroles lancinantes et sur un ton funeste, mettant les nerfs de Johannes à vif:
"...Tu nous a trahi Johannes, souviens-toi, honte à toi..."
"...Tu nous a trahi Johannes, souviens-toi, honte à toi..."
"...Tu nous a trahi Johannes, souviens-toi, honte à toi..."
"...Tu nous a trahi Johannes, souviens-toi, honte à toi..."
"MAIS VOS GEULES LA PUTAIN D'VOS MERES!!" s'écria le hors-la-loi, jamais il ne s'était sentit aussi faible et fragile face à tout cela, mais il comptait bien ne pas céder face à ces revenants.
"Z'etes tous là à m'faire chier pour c'que j'ai fait. Mais r'gardez vous un peu bordel! Qu'Est-ce qu'vous auriez fait à ma place hein? Hein?!"
"Nous nous sommes battus jusqu'au dernier, nous sommes restés sur place jusqu'à la toute fin, nous avons accepté notre destin. Tu aurais pût te battre avec nous, mais tu ne l'as pas fait.
"...Toi Johannes tu n'est qu'un lâche..."
"...Toi Johannes tu n'est qu'un lâche..."
"...Toi Johannes tu n'est qu'un lâche..."
"N'importe quoi...z'êtes tous des cons oui! C'trop facile d'se dire "ouais on va tous mourir de toute façon" vous aussi z'auriez pût vous barrer et est-ce que vous l'avez fait? Eh ben non! Z'avez choisi la facilité, z'avez choisi d'crever bêt'ment. Vous réfléchissez pas c'est tout!"
"Ne te voile pas la face Johannes. TU as choisi la facilité, celle de t'enfuir, et TU masques ta couardise sous couvert de réflexion.
"...Tu n'assumes pas Johannes..."
"...Tu n'assumes pas Johannes..."
"...Tu n'assumes pas Johannes..."
Nous sommes morts par TA faute, tu aurais pût nous aider mais tu ne l'a pas fait. Tu n'assumes pas Johannes, même vivant tu ne l'assume pas, auprès de tes compagnons tu ne l'assume pas."
"...Tu n'as ni honneur, ni fierté, ni dignité, et nous sommes morts à cause de cela Johannes, à cause de toi..."
"...Tu n'as ni honneur, ni fierté, ni dignité, et nous sommes morts à cause de cela Johannes, à cause de toi..."
"...Tu n'as ni honneur, ni fierté, ni dignité, et nous sommes morts à cause de cela Johannes, à cause de toi..."
Mais justement...VOUS êtes morts VOUS n'y pouvez rien à ça...z'avez compris? C'est...fini, pour vous. Y a qu'les vivants qui s'soucient d'l'honneur, d'la dignité et tout l'tintouin. Y a qu'moi qu'peut l'faire, pas vous sales macchabés d'mes deux. Alors...dégagez...dégagez tous...z'avez rien à foutre ici."
D'un coup, toute l'assistance spectrale se figeât, ne prononçant plus un mot. Petit à petit ils s'altérèrent, devinrent transparents et s'effacèrent littéralement de la vision du hors-la-loi. Content d'avoir gagné ce petit duel, il se retourna à nouveau pour voir ce qu'était devenu Kragrim.
Mais à la place se trouvait désormais la masure familiale de Johannes, elle ne différait pas spécialement des autres maisons de paysans: quatre murs faits en argile et encadrés par de grossières poutres en bois disposées aux angles, ces mêmes poutres soutenaient un toit fait de chaume et de paillasse. Le renégat se dirigea alors vers la "maison" quant il vit son père sortir, un air d'abord renfermé et grave mais qui se mua en une expression de tristesse et de regret quand ce dernier aperçu Johannes arriver. Intrigué par cela, le bretonnien accéléra le pas. Quelque chose de grave était-il arrivé à sa famille?
Soudain sa mère sortit à son tour abattue, en pleurs, le visage pâle et creusé par les cernes, à la vue de son fils elle commença à prononcer ces mots sur un ton amer et déchirant, plus particulièrement pour Johannes qui entendait cela de sa propre mère:
"Mon fils....Pourquoi?....Ne fais pas ça! Ne t'en vas pas! Tu laisse le malheur derrière toi Johannes!....Tu iras au néant pour ce que tu as fait.... Pour nous avoir abandonné, moi et ton père. Tu finira au néant!"
Tout à coup une lumière intense aveugla Johannes....
Reculant brusquement et inconsciemment sa tête pour tenter de l'éviter, le hors-la-loi se cogna le crâne contre le rocher sur lequel il s'était callé pour dormir. Poussant un petit grognement, il mit alors sa main devant son visage pour masquer la lueur du soleil matinal. Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire comme cauchemar....
Prenant le temps de bien se réveiller et de rendre se compte que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve, il finit ensuite par se défaire des ses deux couvertures pour se lever et s'étirer un peu afin de soulager ses courbatures, car il était vrais que cet endroit n'avait pas été le plus confortable pour dormir.
Quelques instants plus tard, il constata en se grattant le ventre que tout allait normalement dans les environs, le reste du campement se réveillant lui aussi à son rythme, n'ayant subi l'attaque peau-verte que dans ses cauchemars. Les quelques sentinelles qui avaient veillé toute une partie de la nuit s'en allaient, le visage creusé par la fatigue, se coucher dans les tentes leur étant réservées. Certains caravaniers commençaient déjà à sortir de petits paniers et autres sacs remplis de nourriture pour petit-déjeuner, ce qui raviva la faim du bretonnien, qui maintenant qu'il y pensait, n'avait pas mangé depuis quasiment un jour. Il fouilla alors son sac pour tenter d'y trouver quelque chose de comestible. Mais à part un vieux quignon de pain, il n'y avait rien d'autre. Visiblement il allait falloir se contenter de cela....quoi que....la douce odeur d'une soupe ainsi que celle d'un fromage parvenait aux narines du renégat. Dorénavant, dans la tête du hors-la-loi, impossible de partir sans avoir goûté à au moins une de ces deux choses.
Alors qu'il pénétrait dans le campement en quête de cette fameuse soupe et de ce fameux fromage qu'il avait senti plus tôt, Johannes se surprit à entendre puis à écouter discrètement quelques conversations sur la citadelle naine de Barak Varr. Certains étant soulagés de pouvoir l'atteindre après tout ce petit périple, d'autres faisant la moue, voire exprimant leur mécontentement à l'idée de se retrouver confiné dans un quartier spécial, dans un bastion contrôlé par une race restant étrangère aux humains. Mais ces derniers étaient minoritaires par rapport au reste du groupe, qui ne demandait que la sécurité et la protection d'une cité stable en ces terres anarchiques qu'étaient les Principautés Frontalières. Cependant la priorité numéro un du renégat était de trouver de quoi petit-déjeuner. A flanc de colline, entre deux charrettes, se trouvait un petit comptoir composé uniquement d'une grande planche de bois reposant sur deux tonneaux aux extrémités, sur cette planche était étalé tout un tas de nourriture: de la viande, du jambon cru, du fromage, du pain tout juste sortit d'un fourneau démontable, des bouillons de légumes, des fruits ainsi que quelques outres et des gourdes contenant de l'eau. L'endroit était comme une sorte de réfectoire organisé par tous les marchands de victuailles du convoi, où tout le monde, à condition de payer, pouvait venir se servir. Il y avait bien quelques personnes qui étaient là pour la nourriture ou pour garder les lieux mais c'était les plus matinaux, le reste du campement étant encore en train de se réveiller. Le bretonnien s'approcha alors du comptoir, balaya du regard tout ce qui se trouvait sous ses yeux, un gargouillement de son estomac se fît entendre mais Johannes se devait de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre, il fallait manger léger pour voyager léger, sans avoir une grosse digestion qui vous pèse sur le système. Posant alors huit sous de cuivre sur le comptoir, le hors-la-loi adressa un regard interrogatif au marchand se tenant en face de lui: que pouvait-il avoir comme nourriture pour une telle somme?
Le négociant ayant comprit sa question tacite lui donne alors la moitié d'un pain, quelques tranches de fromage ainsi qu'un petit gobelet d'eau. Johannes bût d'un trait le gobelet, le laissant sur place, et s'en alla à la limite du camp pour déjeuner tranquillement dans son coin, savourant presque cette nourriture pourtant bien ordinaire et prosaïque.
C'est ainsi qu'après avoir mangé, le bretonnien se remit en route et quitta définitivement le camp pour se mettre en marche et atteindre Barak Varr le plus rapidement possible. C'était une belle journée qui s'annonçait pour faire cette petite randonnée.