Rédigé par Magister Philodante, Assistant MJ
L'aurore illuminait déjà le ciel lorsque les caravanes marchandes martelèrent de leurs lourdes roues de bois les pavés de la vieille route de la soie avec comme destination finale les collines de Varenka. Bien qu'endommagée sur de nombreux kilomètres, cette route restait praticable malgré les ravages du temps au point que même le plus simplet des humains ne pouvait en ignorer son origine naine.
Les frontalières sont hostiles et anarchiques, mais cela n'empêcha nullement l'émergence de villes et de villages au cours des siècles. Rares sont les communautés de moins de mille habitants à pouvoir célébrer une décennie d’existence, car ces terres sont souillées par les bandits, les voleurs et autres paria ayant fuient les diverses nations souveraines. Mais ces malandrins restent le moindre mal de ce territoire, envahi par de nombreuses tribus peaux-vertes dont les raids ne laissent que peu de répits aux communautés naïves qui tentent tant bien que mal de survivre.
Il est admis pour les peuplades des principautés de voyager toujours en groupe, c’est une question de vie ou de mort. Les marchands aiment s’entourer de gardes, et les mercenaires eux-mêmes sont également rassurés de prendre la route en compagnie d’autres combattants. De ce fait, le simple regroupement d’à peine deux-trois caravanes donne très vite l’impression de se retrouver en face d’une milice ou d’une petite franche-compagnie. Il est fréquent d’ailleurs lorsque deux convois de la sorte se rencontrent, que l’une d’elles cède à la tentation de s’emparer de l’autre. Un vieil adage dit d’ailleurs « Sur la route, tous les brigands sont marchands, et l’or appel le sang ».
L’acheminement en direction de Barak Varr comporte cinq caravanes marchandes composées chacune d’une dizaine de personnes dont seule la moitié et apte à combattre. Treize haltes en huit jours sont prévues au sein des différentes communautés côtières du golfe noir qui doivent, selon les rumeurs, endurer les raids incessants des pirates humains, orcs et même morts-vivants. Mais en réalité, elles font partie des cités les plus prospères des frontalières, car le golfe est relativement sous contrôle de l’armada naine qui patrouille constamment la mer. Il est vrai que la scène d’un cuirassier nain coulant à lui seul six « navires » de guerre orcs (dont la flottaison reste probablement le plus grand mystère que les érudits nains essayent toujours de percer) restera un spectacle que les deux compagnons n’oublieront pas de sitôt !
Unique nain de la compagnie, Kragrim s’affecta lui-même à la protection de l’arrière du convoi au côté de quatre soldats impériaux. Lors du voyage, il comprit très vite qu’il s’agissait là de déserteurs ayant pris la poudre d’escampette, comportement qui bien sûr, n’était pas au goût du dawi qui ne pouvait que jurer dans sa barbe d’être limité par sa taille en fin de fil en compagnie des lâches. Mais un travail et un travail, et il avait donné sa parole qu'il ferait le nécessaire pour protéger ce convoi du mieux qu’il le pouvait. Bien qu’il s’efforçât par une marche forcée de se tenir à quelques pas d’eux, le plus jeune des soldats, qui n’avait pas de sérieux que son accoutrement militaire lui adressa la parole
Eh m’ssir nain vous parlez notre langue ? J’m’appel Hans. Que faites-vous hors de vot’ citadelle de pierre ? Vous m’paraissez plus grand que l’nain qui avait dans l’village voisin d’où qu’c’est qu’ j’ai grandi. J’me souviens que mon oncle l’maudissait, car à cause de lui tous les forgerons à dix lieues à la rondes ont dû fermer boutique. Z’avez déjà tuer un orc ? Z’êtes déjà était à la porte d’Altdorf ?
Johannes, fidèle à son habitude, préféra ouvrir la marche en rejoignant deux trappeurs originaires du nord des principautés qui se vantaient subtilement d’occuper cette fonction depuis trois voyages et de n’avoir (accessoirement) perdu que deux d’entre eux. Ainsi lui et le nain ne se retrouvaient généralement que le soir, lorsque le campement était monté pour manger et échanger quelques banalités avant de sombrer dans un profond sommeil amplement mérité compte tenu des distances impressionnantes qu’ils marchaient chaque jour.
La vieille route des nains ayant ses alentours assez bien dégagés, son travail d’éclaireur se résumait principalement à fixer constamment la lisière de la forêt en priant que rien n’en sorte. En de rares occasions, Johannes laissait son esprit vagabonder et se permettait de perdre son regard dans l’horizon de la mer en s’imaginant ce qu’il pouvait y avoir de l’autre côté, et c'est lors d'un instant comme celui-ci qu'un hurlement de loup le tira de sa rêverie.
Chuuuut z’avez entendu ? dit Ulrich, le plus imposant des deux trappeurs. L’soleil commence même pas à s’coucher c’est pas normal qu’il hurle à c’t’heure. Moi j’dis que ça pue l’embuscade d’un instant à l’autre.
‘Spèce d’idiot, jamais les goblins prendraient l’risque d’attaquer en pleine journée ils l’ont jamais fait ! répondit Mark qui prenait lui aussi bien soin d’articuler le moindre de ses mots dans un « parfait » reikspiel de manière à ce que Johannes puisse partiellement comprendre le fond de leur conversation. Puis on les verrait arriver y a au moins vingt mètres entre la route et la lisère sont pas stupides à c’point, c’est surement un signe qu’Ulric est avec nous rien de plus.
Hmm, moi j’dis que ça pue, rappel toi la dernière fois, on avait entendu un loup, et on trois jours après on s’est fait attaquer par un groupe d’homme bête ! T’en penses quoi toi l’bretonnien ? On va prévenir les autres de resserrer la fil et de continuer à avancer ou on leur conseil de monter directement le bivouac pour la nuit ? Moi j’pense qu’on arrivera jamais au sixième village pour la nuit donc autant pas prendre d’risque !