Ma fantastique fille Cyrielle fêtera dans quelques jours son cinquantième anniversaire, mais ses prétendants sont nombreux depuis plusieurs mois déjà. Jusqu’à présent, je les ai tous éconduits, mais il est normal qu’une jeune femme aussi séduisante, porteuse du nom des Nagaril, devienne très tôt l’objet de convoitises. Mais je veille. Je ne souhaite que le meilleur parti pour elle. » |
Sur ces mots, le seigneur Dranduil fit mine de s’éclipser discrètement, laissant Ori avec sa fille Cyrielle, les autorisant manifestement à faire plus ample connaissance. Leurs regards se croisèrent, mais une certaine gêne persistait après le départ du père de Cyrielle, de sorte que l’un des deux allait devoir briser la glace afin d’engager la conversation. Ori avait toute les raisons de se sentir gêné, son manque d’expérience en la matière le pénalisant quelque peu. Il eut toutefois l’intuition qu’il était de bon ton de proposer un verre à la jeune femme, aussi se tourna-t-il pour faire signe à un serviteur non loin : passer l’objet à la fille du seigneur Dranduil permettrait sans nul doute à Ori d’avoir suffisamment confiance en lui pour lancer la conversation, en la questionnant sur la raison de sa présence, par exemple. Le serviteur interpellé se rapprocha, et Ori put proposer un verre à la belle Cyrielle Nagaril, répétant curieusement le geste de Dranduil, qui lui avait tendu un semblable verre quelques minutes plus tôt. Cyrielle accepta le verre en silence, un sourire poli sur le visage, ne quittant Ori du regard un seul instant. Suffisamment mis en confiance, celui-ci s’apprêta à lancer une question afin d’amorcer un semblant de discussion, mais un élément perturbateur vint contrarier ses plans, sous la forme d’un nouvel arrivant, qui fit mine d’engager la conversation avec eux.
L’elfe portait de riches vêtements dont les différentes couleurs, allant de l’orangé au pourpre, semblaient avoir été choisies dans le but d’attirer l’attention. Son front juvénile était ceint d’un diadème sans ornement, contribuant à coiffer sa chevelure flamboyante. L’intrus à la surprenante apparence prit tranquillement un verre sur le plateau du même serviteur qu’Ori, avant de saluer ses deux vis-à-vis, d’abord la fille Nagaril, puis le fils Aen Elle.
« Mes respects, princesse Cyrielle. Je ne puis m’attarder, devant m’entretenir d’importantes considérations avec votre père. M’est-il permis de demander ce que la fille chérie du seigneur Nagaril fait à Tor Æthil, à discuter avec de beaux nobliaux au singulier regard ? » |
La réaction de Cyrielle fut particulièrement curieuse, puisqu’elle répliqua avec un petit sourire en coin, omettant délibérément de saluer l’importun comme le recommandait pourtant l’étiquette.
« Oh, cessez donc de vous conduire comme le prétendant exclusif que vous n’êtes pas, seigneur Cael de Caledor. Serait-il possible que ma présence à cette cour soit la raison de votre empressement de vous entretenir avec Père ? » |
L’elfe à la chevelure de feu arborait un sourire factice, qui ne pouvait qu’irriter Ori, d’autant plus qu’il venait d’être interrompu dans sa tentative de première discussion seul à seul avec la fille du seigneur Dranduil. Ori devait prendre la parole rapidement, pour éviter que le jeune prétendant ne monopolise l’attention de son interlocutrice.
« Excellente initiative, soldat. Tâchez de le faire parler, pour m’éviter de devoir m’en charger. Le commandeur Keltharion souhaite savoir quelle famille de Nagarythe ce traître sert. » |
« Vous avez jusqu’à demain à l’aube, soldat. Employez tous les moyens que vous jugerez nécessaire. Le commandeur Keltharion entendra votre rapport dans son bureau. » |