[Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

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Depuis la Déchirure jusqu'à la création de l'Empire et de la Bretonnie, revivez ces âges passés de légendes.

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Il fallait que Drido se fasse bien entendre pour se faire obéir des chiens ; Ses deux doigts boudinés à chaque coin de ses lèvres, il les étirait, et sifflait si fort qu’il se réverbérait dans un écho le long des montagnes.
De derrière une petite butte, on pouvait redécouvrir les oreilles blanches et touffues de Futé et Gigot. Les deux patous redescendaient à toute vitesse la montée, évitant bien adroitement les cailloux sur lesquels ils risquaient de trébucher. En les voyant revenir, tout guillerets, les langues pendantes, Drido ne put s’empêcher de les engueuler :

« Ah, vous voilà, les cabots ! Vous faites semblant de pas entendre Drido, c’est ça ?!
Oui oui, vous savez de quoi vous êtes coupables, sales fripons ! »

Gigot et Futé ne réagissaient pas. Mais en voyant leur maître Halfelin reprendre sa marche d’un petit pas gêné, les deux clébards surexcités redémarraient à toute vitesse pour ouvrir la voie au convoi — et en profiter pour jouer entre eux en se sautant dessus à intervalles réguliers.
Ils étaient au paradis. Le cirque revenait tout juste de la bourgade d’Ubersreik ; pour une fois, ce n’étaient pas les Halfelins eux-mêmes qui avaient eu des soucis avec les habitants. Personne pour les accuser d’avoir chapardé quelque chose, ou de provoquer du tapage nocturne. Non, c’étaient les patous qu’on avait directement menacé, incriminé de vagabondage et d’avoir dérobé des saucisses au boucher du coin. L’affaire aurait pu être drôle, si seulement les habitants d’Ubersreik n’étaient pas arrivés au campement avec des crocs ferrés et des torches, le boucher menaçant d’empoisonner de la viande qu’il laisserait traîner afin qu’ils soient vilement tués. Plutôt que de risquer de se faire pourrir par les locaux (Même avec le seigneur du coin qui leur avait donné l’autorisation de rester, quelques habitants en colère auraient pu se débrouiller pour rendre leur villégiature insupportable en les harcelant…), les aînés avaient trouvé plus prudent de remonter les tentes, de remplir les chariots, et de traverser le col pour quitter le Reikland.

Si les chiens vivaient donc leur meilleure vie au milieu de la nature, pouvant librement dépenser toute leur énergie à sprinter d’un sens à l’autre, ou renifler la moindre bruyère qui poussait au sol, leurs maîtres subissaient plutôt un calvaire. Les Halfelins grimpaient avec leurs petites jambes des sentiers caillouteux, parfois à pic, parfois zigzagant presque pour contourner des flancs de falaises lors desquels tout le monde se prenait à serrer les dents : un seul essieu de charrette qui se brisait à cet instant, et ça serait un gros retard dans le meilleur des cas, une catastrophe au pire…
C’était tonton Drido qui était chargé de servir d’éclaireur. Il avait plus-ou-moins enrôlé deux jeunes pour venir avec lui, à trotter en avant pour voir où les autres pourraient passer, et, surtout, si on ne risquait pas de tomber sur quelqu’un qui descendait de face, que ce soit un simple berger, un groupe de pèlerins solitaires, voire un monseigneur fort empressé ; si par mauvaise fortune c’était le cas, il faudrait négocier avec eux pour leur dire d’attendre que le cirque passe avant qu’ils ne s’engagent eux-mêmes… En général, Drido était assez sympathique et rassurant pour se faire entendre. Mais il y a beaucoup de bornés chez les Humains.
Manque de pot, Susi faisait partie des deux qui avaient été enrôlés. Peut-être justement à cause de son jeune âge — tous les autres ils avaient des raisons de ne pas s’y coller. Celui-ci il avait mal à la hanche, un autre il était occupé à escorter les moutons, et puis cousin Reuban devait se reposer parce qu’à Ubersreik c’était déjà lui qui s’était chargé de creuser la tranchée, et que si Susi trouvait que marcher c’était trop fatigant, elle n’aurait qu’à prendre une pelle la prochaine fois…

La pelisse autour de son cou pour se protéger du froid, elle aidait donc Drido et ses chiens. Avec eux, le deuxième qui avait été de corvée, c’était le cousin Assmus Folbouffon, l’un des comiques du cirque, et fils aîné de Drido. Pour une fois, Assmus n’avait pas le visage grimé dans tous les sens de maquillages élaborés, mais offrait juste son visage rondouillard et légèrement vérolé, et surtout, ses énormes cernes qui trahissaient son manque de sommeil — ça faisait quelques jours maintenant que personne ne dormait vraiment très bien. On était pourtant au printemps, mais de ce côté des Montagnes Grises, la météo n’était visiblement pas au courant. Le vent, on l’entendait souffler à travers ces immenses monts, comme si c’était un géant qui sifflait. Et, quand on grimpait trop haut, des bourrasques de vents agitaient tous les vêtements, les cheveux, les poils des patous dont la langue virevoltait au gré de la brise.

Au moins, oncle Drido et cousin Assmus étaient plutôt sympas avec Susi. Drido ne sous-entendait jamais que peut-être que, au prochain arrêt, ils auraient la chance de voir d’autres Halfelins, et ça serait une bonne occasion pour elle de se faire jolie, clin d’œil clin d’œil. Assmus ne s’inquiétait pas non plus constamment de sa santé, enfin, du moins il le faisait plus poliment, en lui demandant juste toutes les heures si elle avait faim, en lui assurant qu’il avait quelque chose dans sa besace — c’est juste qu’il n’insistait pas trop lorsque la jeune Halfeline refusait. Il y avait compagnie plus insupportable. Et puis, ils trouvaient assez vite un sujet de conversation.
Parce que Drido n’arrêtait pas de parler de ses chiens. Toute la journée que les Dieux faisaient, il parlait de ses clébards…

« C’est Gigot qui embête Futé, hé, j’le vois bien ! Futé c’est pas son genre de désobéir, mais voilà, Gigot il est trop jeune — il sait jamais quand les autres veulent pas jouer !
– C’est sûr papa, c’est sûr.
– Et encore là y a pas Tartelette, parce que quand Tartelette elle est près de Gigot alors là c’est plus possible de lui donner le moindre ordre ! Rah là là, il est vilain ! Mais ça reste un bon chien !
– Oui, papa, oui. »

Ils grimpaient à sec là. Susi était donc maintenant assez surélevée pour voir toute sa famille, rien qu’en lançant un regard de chouette derrière elle :
Une dizaine de petits chariots ou charrettes, tractés par des poneys ou des ânes. Un groupuscule de moutons qui étaient étroitement surveillés par d’autres patous (Dont la jolie Tartelette), avec leurs béliers d’époux qui étaient bien plus embêtants à convaincre de suivre. Un tas de poules qu’on avait enfermé dans les cages et postées sous les bâches et les toiles de tentes pour qu’elles ne soient pas trop nerveuses. Et puis, tractés sur les roues, y avait tellement de planches, de morceaux de bois vernis et peints, pour représenter les attractions avec lesquelles ils tentaient de soutirer des pièces et des cadeaux aux humains : Du Tape-Gobo avec les maillets, un jeu de quilles à faire tomber avec une fronde, des pancartes soigneusement dessinées pour représenter les numéros qui étaient montés et démontés à chaque étape du voyage — dont celui de Susi.
C’était là toute son existence. Pas de pays, pas de terre natale, elle était née sur une route, et elle demeurait sur la route. À écouter les aînés, les Halfelins ont toujours été comme ça : à jamais marcheurs. Même avec leurs petites jambes, il fallait trotter, comme ils trottaient depuis la nuit des temps.

« Rêvasse pas, Susi ! On doit faire grimpette !
– Roooh, elle rêvasse pas la cousine ; elle songe !
– Elle songe, elle songe ! Ah, on peut très bien songer en marchant !
– Parce que tu songes à des trucs, toi papa ? Je croyais que t’entendais le vent siffler dans ta tête tellement elle est vide !
– Tss tss tss ! Fait attention à ta langue, fiston ! »

C’était toujours Assmus qui avait réponse à tout — bien pour ça qu’il était bouffon, d’ailleurs. Il fit un petit sourire à Susi, et reprit sa marche en tirant de la langue. Il n’était pas aussi sportif que son paternel, qui était bien solide pour un Halfelin. Le trio escalada une petite butte, suivis par Gigot et Futé qui traînaient dans leurs pattes. Ils passèrent sur un plateau de verdure, et, alors, s’étalait devant les yeux de Susi un horizon magnifique.

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On aurait dit qu’un colosse s’était saisi d’un marteau et d’un burin pour tailler des menhirs à sa hauteur. Une immense forêt de sapins tapissait de hauts-plateaux, tandis qu’une eau cristalline irriguait des prés gras. À la lueur d’un ciel bleu, des oiseaux revenus du sud volaient dans une élégante nuée, tandis qu’au sommet de certains pics, on devinait, en plissant très fort des yeux, quelques monticules de pierres qu’on aurait pu facilement confondre avec le reste de la roche — c’étaient ces vieilles ruines Naines, obligatoires dans les montagnes, laissées à l’abandon depuis des millénaires maintenant. Aux pieds de ces montagnes, quelques chaumières en torchis, d’où s’échappait la discrète fumée de foyers probablement bien chaleureux, on voyait les nouveaux habitants de cette terre si grande et si belle.

Un peu haletant, Assmus fut loquace :

« Alors… C’est ça, le Westermark ? »

Drido observa l’horizon. Posa ses poings sur ses hanches. Et approuva d’un hochement de tête.
Alors, le bouffon pouffa de rire. Et tonton Drido, peu causant, se contenta de sourire — d’un beau, et vrai sourire, rayonnant, qui découvrait ses fossettes au coin de ses joues glabres.
C’était ça, leur récompense, pour des jours longs et des nuits courtes, de froid mordant, de repas bien maigres — et Esméralda sait que les Halfelins sont attristés par des repas frugaux — de pleurs de bébés, de grognements de vieux, de chiens à engueuler, de prières constamment murmurées et de cœurs qui palpitent en voyant le risque d’un accident mortel au détour d’une falaise.
Les êtres humains, en observant tout ce qui les entoures, imaginent que tout doit forcément appartenir à quelqu’un : Telle forêt à tel seigneur, tels bovates de terres à telle église, et les sillons, et les vignes, et l’eau courante qui font tous l’objet d’interdits et de plaintes. Mais les Halfelins n’ont pas les yeux des Hommes. Le Westermark, c’était ce que Susi voyait : et ce qu’elle voyait, c’était à tout le monde. Toute une terre qui s’offrait au cirque Bonchardon. Peut-être un endroit où être prospère, et heureux.

Alors, comme si c’était un agrégat secret entre les trois, il y eut un instant de contemplation silencieuse. Drido s’agenouilla pour gratouiller le ventre que lui offrait Gigot, tandis que le bouffon sortait d’un pochon un peu de tabac qu’il chiqua bruyamment.

« Bon allez les jeunes ; je sais que vous voulez être tires-du-flan, mais j’ai hâte qu’on s’installe dans un endroit tranquille où on aura un vrai repas !
Je vais prévenir la caravane, traînez pas ! »


Le vieux tonton Drido s’éloigna un peu, tandis que Susi et Assmus restaient tout deux à contempler l’horizon. Le maître-chien se mit bien en évidence, et comme il avait fait pour rappeler ses cabots, il posa ses doigts dans sa bouche pour siffler très fort.
Une fois parti, les deux jeunes Halfelins étaient tous seuls sur leur bout de falaise. Le bouffon eut un petit sourire, et il parla à voix basse.

« C’est une belle vie qu’on a quand même. J’imagine pas en avoir une autre. »

Il tourna ses talons. Contempla le chemin qu’ils avaient emprunté ; d’ici, le Reikland paraissait tellement loin… Que l’Empire était grand. Susi n’avait fait que marcher, d’un point à l’autre, pendant dix-neuf années, et pourtant, elle n’en était jamais sortie. On aurait dit que partout où il y avait un horizon, ça appartenait aux Hommes.

« Dis-moi, par curiosité : T’as jamais réfléchi à des… À des trucs pour pimenter ton tour au cirque ?
Enfin je veux dire, très bien, oui, t’es douée pour te sortir de menottes… Mais hé, tu imagines si la cage était en feu ?! Ah, on s’ennuierait moins quand même ! »

Il disait ça avec une grande grimace — il était évident qu’il n’était pas sérieux. Il arrivait souvent au bouffon d’être taquin, mais jamais de véritablement penser à mal de quelqu’un. Ce n’était pas lui, le plus commère ou le plus médisant de la troupe.
Alors, ils profitaient d’être seuls pour un peu discuter, tranquilles, le temps de retrouver leur haleine empestant le tabac froid.



La caravane passait sous eux. Alors les deux jeunes suivirent le chemin qu’avait emprunté Drido pour rejoindre la troupe. Ils arrivaient au chariot le plus en arrière, où quatre Halfelins étaient assis avec les truies et du bric-à-brac en tout genre. Sans l’arrêter, Susi et Assmus s’agrippèrent au bois et montèrent à l’arrière, vite aidés par des mains tendues. Ils pouvaient enfin s’asseoir et se reposer, tandis que maintenant, tandis que le convoi quittait petit à petit la passe de montagne, c’était toute la famille Bonchardon qui pouvait découvrir la magnifique vallée verte vers laquelle ils s’élançaient.
Il y avait un des frères de Susi juste là. Rimi, le compagnon de tours d’Assmus, ne pouvait pas s’empêcher de jeter une pique à sa sœurette :

« Ha bah alors, Tristepanse ! Pas trop fatiguée ? T’as l’air toute pâle ! Faut manger, hein !

– Roh, Rimi, s’il te plaît…
– Bah quoi ? J’ai rien dit de mal ! C’est vrai qu’il faut manger ! »

Folbouffon avait beau être tout gentil lorsqu’il était en privé avec Susi, il n’était pas non plus du genre à la défendre devant ses frères. Il se contenta plutôt de faire un petit sourire gêné alors qu’il s’écrasait devant Rimi.
Celui-ci tapota l’épaule d’un Halfelin âgé qui somnolait un peu à ses côtés.

« Eh, dis donc, Beauconteur, toi qui sais toujours tout sur tout…
Pourquoi ce Col, on l’appelle la Dame Grise ? »


Perrin Beauconteur papillonna des cils. Regard Rimi. Et soupira un peu.

« Si tu me réveilles, t’as intérêt à avoir un truc pour moi ! »


Rimi sourit, et lui tendit une pipe : Si Susi chiquait, Perrin avait toujours préféré fumer. Il posa la pipe à son bec, et se pencha un peu au-dessus de Rimi, qui utilisa son briquet en amadou pour allumer le tabac bourré au fond — avec le froid montagnard, il dut bien faire claquer le silex quatre ou cinq fois pour produire une étincelle bien éphémère. Mais enfin, Perrin colla son dos à la charrette, avala bien la fumée dans tous ses poumons, et recracha par le nez avec un petit sourire.

Beauconteur était un des aînés du cirque. C’était également un des deux grands-pères de Susi — et il insistait assez lourdement, pas qu’auprès d’elle d’ailleurs, pour espérer devenir arrière-grand-père avant de mourir. Malgré son âge vénérable, qui lui épargnait la plupart des corvées manuelles, il avait encore bien assez d’esprit et de verve pour bien gagner son pain. Un bel Halfelin grassouillet, aux rouflaquettes blanches et au crâne qui commençait à dégarnir, ses rides étaient plutôt estompées par son gras, et avec la température, il avait de grosses joues bien rouges. Il gagnait sa vie parce qu’il connaissait des centaines, et des centaines d’histoires par cœur, juste en les récitant dans sa tête. Des légendes, des fables, des petits contes qu’il offrait avec plein d’emphases pour amuser les petits, tandis que cousine Poppy agitait des marionnettes pour illustrer ses paroles. Certains soirs, il passait aux sordides récits d’horreur, toujours les nuits de lune verte, pour profiter du reflet de la lumière pour se faire plus impressionnant et intrigant qu’il n’était… Devant un public plus averti, il avait même tout un répertoire intarissable d’anecdotes très osées, d’histoires d’amour bien polissonnes, qu’il pouvait maquiller en une hagiographie pieuse de Taal et Rhya pour se faire faussement modeste, peu importe à quel point il était obscène.
Lorsqu’ils arrivaient en ville, Beauconteur partait toujours tout seul. Parlait à tout le monde, tout le temps, sans jamais craindre d’importuner ou de mettre mal à l’aise. Comme ça que, alors qu’il n’était pas lettré, il semblait toujours tout savoir sur tout.
Et maintenant que Rimi lui avait permis de fumer sa pipe, il fallait se préparer à encore écouter une de ses affabulations.

« Oyez, oyez, mesdemoiselles et messieurs, jeunes et moins jeunes.

Il y a mille ans d’ici, le grand guerrier Sigmar unifiait tous les peuples humains qui existaient, chaque homme, chaque femme, chaque enfant humain reconnaissant en lui le grand Roi qui les avait menés et protégés en vainquant moult ennemis…
…Enfin, presque tous les peuples humains qui existaient. Car de l’autre côté des montagnes, bien d’autres, fort nombreux, refusaient de reconnaître son gros marteau avec lequel il avait fracassé du Peau-Verte !

De ce côté des Montagnes Grises, vivent des gens que l’on appelle les Bretonni. Alors qu’ils étaient nés dans les mêmes forêts que tous les peuples de l’Empire, ils sont partis, et ont traversé ces cols et ces montagnes, comme nous, pour occuper un grand pays jonché d'époustouflantes ruines de villes qu’ont bâti les Elfes, avant qu'ils ne disparaissent au large de l'Océan Infini.
Les Bretonnis sont des gens grands, immenses, et forts, et obsédés par leurs chevaux ! Ah, il y aurait fort à digresser sur l’amour qu’ils éprouvent pour leurs montures, que ce soit sur le sujet de savoir si ce sont toujours eux qui les montent ou s’il arrive fréquemment que ce soit l’inverse, ou bien s’il fallait se demander qui de l’homme ou de la bête a été le mieux gâté par la Sainte-Mère Rhya lorsqu’il s’agit de ce qu’ils cachent sous leurs braies — mais soit, soit !

Tout forts et virils qu’étaient les Bretonnis, ils avaient un grand souci : ils sont nés, quelque part dans leur corps, peut-être leur pantalon, avec quelque chose qui ne cesse de démanger. Ils sont, un peu comme nos béliers, obsédés par le fait de tout saccager en chargeant, peut-être parce que parfois c’est la saison des amours chez eux, et qu’ils doivent évacuer un trop-plein de frustration. Pendant des siècles, les Bretonnis ont attaqué l’Empire, saccageant les villes frontalières, capturant des femmes qu’ils épousaient de force en les jetant sur les croupions de leurs chevaux, saisissant à la pointe de l’épée des joyaux et de l’or qu’ils ramenaient de l’autre côté des Montagnes.

Un jour, en revanche, l’Empire dût juger qu’ils cassaient un peu trop les pieds, alors, l’Empire décida de leur donner un bon coup de pied dans leurs couilles pour tous les calmer.

L’Empereur Sigismond le Conquérant, convaincu par le Grand Théogoniste de Sigmar, rassembla une grande armée, à laquelle il fit emprunter ce col, que nous avons mis tant de jours à traverser. Imaginez le même chemin, mais avec des milliers de chevaux, des dizaines de milliers de soldats, tous vêtus de hauberts de fer, avec des lances, et des massues, et des boucliers !
Insolents, les Bretonni arrivèrent pour vaincre Sigismond. Mais Sigismond, plus malin et plus féroce qu’eux, les massacra bien, et poussa jusqu’à une rivière qu’on nomme la Grismerie — seule une grande cité de montagne, aux murs bien trop lourds et épais pour avoir été construits par des hommes, qui plus est des hommes aussi demeurés que les Bretonnis, résista à l’offensive. On nommait cette ville Parravon, et elle fut probablement la seule chose qui sauva les Bretonnis.

Afin de s’assurer qu’ils ne viendraient plus jamais embêter notre Empire, Sigismond décida de fonder une province. Toute la terre qu’il venait de prendre, il la nomma Westermark, et il la donna entre les mains d’un margrave. Le Westermark se truffa de mottes castrales, et accueilli de nombreux colons qui quittèrent le Reikland pour fonder des hameaux et des bourgades, et vivre bien paisiblement.

On raconte que dans les villages du Reikland, il y avait une femme qui s’appelait Fretha. Son époux était un homme libre du sud de cette province. Lorsque Sigismond rassembla un champ de guerre, l’homme prit sa lance et son bouclier, et partit rejoindre l’Empereur à la guerre comme il était de son devoir — mais alors que les guerriers rentraient dans leur pays, le mari de Fretha ne revint jamais.
Alors, Fretha s’élança vers le Col. Elle le chercha, en voyageant d’un côté à l’autre des montagnes. Elle le chercha, et l’attendit, un jour. Une semaine. Un mois. Des années. Elle attendit son mari jusqu’à devenir une vieille femme, ses longs cheveux blonds devenant des mèches blanches. Elle l’attendit, et on raconte qu’elle n’est toujours pas morte — elle surgit quelques fois auprès des voyageurs, depuis des siècles maintenant, en demandant à qui veut bien l’entendre si on n’aurait pas vu un jeune soldat qui est l’amour de sa vie.

C’est pour cela que ce col appartient à la Dame Grise. »


Il retira une bouffe sur sa pipe, mais à force de parler et de pas fumer, elle s’était éteinte. Il tapa sur le genou de Rimi, qui la ralluma pour lui.
Et puis, le frère devait se sentir drôle, parce qu’après un petit silence, il pouffa de rire :

« Hé beh, je me dis, attendre… Combien de siècles, Beauconteur ?
– Hm ? Hm… Oh… La fondation du Westermark, attend, ça remonte à… Hm…
Cinq cents ans. C’était y a cinq siècles.

– Cinq siècles à attendre son amant ! La vache, elle doit s’ennuyer la Dame Grise ! Moi j’pourrais pas attendre aussi longtemps sans femme, je me demande comment elle faisait quand elle avait une crampe pour patienter ! »

Puis il lança un regard plein de malice à Susi.

« Toi tu dois savoir ! Comment elle a dû faire pour attendre aussi longtemps, la Dame Grise ?! »
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

J'avais pas envie de faire l'éclaireuse.

Ou tout du moins, ça, c'est la chanson que je fais courir devant la famille. Dix-sept ans que je parcours les routes avec eux, j'ai un peu d'expérience de comment ça marche : si je dis que j'ai envie de faire une corvée, on va l'utiliser pour me jouer un air, comme si ladite corvée devenait soudainement faveur à échanger contre d'autres besognes : "Attends Susi, la dernière fois tu as eu la chance de jouer les éclaireuses, c'est bien normal que maintenant tu nettoies les cages des poules".

J'aime ma famille, évidemment. Je les adore même, et je ne peux pas imaginer ma vie sans eux. D'ailleurs quand je suis loin d'eux, ils me manquent terriblement. Mais quand je suis avec eux, il faut bien avouer qu'ils me fatiguent très, très vite.

Du coup, éclaireuse, c'est bien. Ils sont proches de moi, je peux les voir derrière moi, tout en bas, et en même temps ils sont loin. Avec moi, y a juste l'oncle Drido, et le cousin Assmus. Il y a vraiment pire compagnie : mon oncle, il est plutôt gentil, même s'il a la conversation canine. Quand j'étais plus jeune il m'épuisait, à toujours parler des patous et de rien d'autre, mais maintenant j'ai appris à plus vraiment l'écouter. Juste, de temps en temps comme le cousin, je prononce une petite phrase d'assentiment à ses propos, et ça lui suffit : de toutes façons, il serait tout seul qu'il continuerait son monologue, c'est pas comme si ça lui importait vraiment qu'on soit attentif. Mon cousin quant à lui, c'est un fin matois - c'est pas pour rien qu'il a un numéro de comique. Il est gentil, et on est bien complice tous les deux, mais faut pas l'embêter, parce qu'il a une sacrée répartie. Pas moyen de le taquiner sans qu'il ne réponde dans la seconde par une petite pique parfaitement adaptée. Il m'apprend un peu à trouver les bons mots quand on m'embête, mais j'ai pas l'esprit aussi vif que lui, alors des fois je bafouille.

C'est dommage qu'on ait du quitter Ubersreik aussi rapidement. Déjà parce que j'ai même pas eu le temps d'y dénicher le moindre nouveau trésor, mais surtout parce que ça a posé deux problèmes au cirque. Le premier, c'est qu'on a pas pu gagner grand chose en si peu de temps, et du coup on est obligé de rationner nos denrées - certains vous diront que le peuple halfelin est toujours jovial et souriant ; ceux-là n'ont jamais vu des halfelins au régime. Le second, c'est qu'on a du reprendre la route alors que le printemps a pas encore eu bien le temps de prendre le dessus sur l'hiver - en deux mots comme en cent : ça caille. Autant mon manque d'appétit me permet d'accepter des repas restreints sans grommeler, autant je n'ai que la peau sur les os pour me préserver du froid, et même en serrant fort ma pelisse contre moi, le vent mord à travers et je claque pas mal des dents.

Mais en vrai, ça va. On a connu pire déjà. Le cirque, ça fait depuis les grands parents des grands parents de mes grands parents qu'il arpente les routes, si c'est pas davantage encore. Les Bonchardon, ils sont déjà allés par monts et par veaux, contre marais et tempêtes. Alors le Westermark printanier, même si c'est pentu avec des cailloux qui font mal aux pieds et du vent qui se faufile sous les habits, c'est pas si terrible. Et pis quand on arrive en haut de la butte, et qu'on peut admirer l'incroyable paysage qui se dégage à l'horizon, l'inconfort on l'a vite oublié. C'est vraiment magnifique, surtout en ce début de saison printanière : la vie reprend ses droits un peu partout, les animaux sont sortis d'hibernation, les oiseaux commencent à revenir, les premiers bourgeons poussent pour bientôt laisser la vallée fleurir. Assmus, Drido et moi, devant ce spectacle, on se retrouve un peu bêtes, immobiles, à juste contempler le lointain sans plus bouger ni parler. Y a pas grand chose qui peut faire taire des halfelins, mais la nature, quand elle déploie comme ça ses plus beaux atours, on peut pas trop trouver de mots qui conviennent pour décrire sa beauté, alors on se tait. Mais pas trop longtemps quand même.

Mon oncle a eu la gentillesse de nous laisser profiter du paysage pendant qu'il retournait voir la famille. Du coup avec le cousin, on s'est assis sur un gros caillou, on a ouvert nos tabatières, et on a chiqué un peu en profitant de la vue. Le vent était toujours glacial, on avait toujours l'estomac qui gargouillait un peu, mais bizarrement ça nous gênait plus : maintenant on riait un peu bêtement. Lorsqu'Assmus évoqua un peu ému la beauté de notre existence, j'ai laissé mon regard se perdre sur l'horizon pendant que je répondais un peu distraitement :

- Ouais, c'est une belle vie.

En même temps, y en avait-il une autre de possible ? Les halfelins étaient des vagabonds de par leur nature, c'était comme ça. Ils étaient pas comme les hommes, à s'installer quelque part, à y vivre et puis à y mourir. Ça doit être ennuyeux comme vie, de toujours voir les mêmes paysages, les mêmes arbres, les mêmes cailloux, tous les jours. J'en étais sure : avec pareille existence, les halfelins finiraient tous complètement azimutés.
Mais des fois c'est vrai que je me sens pas tout à fait à ma place avec la famille. Peut-être à cause de mon physique, peut-être à cause de mes maux de ventre avant les représentations alors que tout le monde s'amuse, peut-être parce que des fois j'ai pas envie de partager mes trésors, ceux qui brillent et que la cousine Alice m'emprunte parce que quand même, ça lui ira mieux qu'à moi.

Heureusement, Assmus m'a pas laissée le temps de trop aller à mes rêveries : il a du voir que je faisais une drôle de tête, alors il me propose des idées bêtes pour mon numéro, histoire de me faire rire. C'est son travail qui prend toujours le dessus : dès qu'il voit quelqu'un qui sourit pas, il fait le pitre.

- Dis Assmus, je sais qu'on fait pas ripaille ces jours-ci, mais de là à vouloir faire griller ta cousine pour la manger, c'est un peu cavalier. De toute la famille, je suis certainement le plus mauvais choix pour faire bonne chère, tu ne crois pas ?

Une cage en feu... c'est sur que ça serait joli à regarder, que ça impressionnerait le public autant que la famille, pis on me respecterait un peu plus, mais jamais j'oserais faire un truc pareil. Je suis pas assez courageuse, et puis même, on sait jamais, suffirait que Rimi soit distrait et serre un peu trop les liens pour que ça finisse en catastrophe. J'aurais aimé être le genre de fille à avoir l'audace de faire ce genre de trucs, mais c'est pas le cas. Moi je suis juste Susi, la petite contorsionniste malingre et oubliable du cirque Bonchardon, et ça changera jamais, c'est comme ça.

Alors mon regard se perd à nouveau sur l'horizon, à contempler le paysage du Westermark, et je soupire avant de remettre une feuille de tabac dans ma bouche que je mâche en silence quelques secondes, avant qu'il ne soit temps de rejoindre la caravane.

Avec Assmus, on descend prudemment la pente qu'on a emprunté : c'est quand même pas mal escarpé, et on a vite fait de mettre le pied sur un caillou pas très stable. Une fois en bas, on peut enfin attraper les mains tendues qui nous attendent, et bondir dans le chariot pour poser nos fesses courbaturées sur une banquette.

Rimi a même pas attendu une minute avant d'être pénible. Maman quand elle insiste pour que je mange, je sais bien que c'est pas méchant, que elle s'inquiète pour ma santé et mon avenir. Mais grand frère, lui, c'est juste que ça l'amuse de me victimiser. J'aurais voulu trouver une bonne réplique pour faire taire ce baveux, comme Assmus il sait si bien faire, mais y a rien qui m'est venu. Alors j'ai fermé ma bouche entrouverte, et j'ai juste baissé les yeux en silence.
J'ai de la chance, cette fois-ci il a pas été insistant, préférant réveiller Papi Beauconteur pour le questionner sur la région. C'est vrai que si les générations avant nous elles sont déjà venues ici, nous c'est la première fois.

Papi Beauconteur, c'est le meilleur. Il est vieux, mais il a une mémoire incroyable pour les histoires et les légendes. Et y a pas grand chose que j'aime plus que de m'asseoir à côté de lui, et de l'écouter divaguer sur le monde. Il parle super bien, il ménage ses effets avec un débit de parole adapté à chaque situation narrée, il a vraiment un super don pour être intéressant. Et puis il connait aussi plein de chansons de devinettes, de charades et d'énigmes rigolotes, même si je les comprends pas toutes. J'arrive à en retenir beaucoup, mais je suis nulle quand je dois les raconter à mon tour : je m'embrouille toujours dans les énoncés, mélange les débuts avec les fins, je bafouille, je chante pas très bien, et j'arrive pas à faire les voix des personnages comme lui il fait. Mais c'est pas grave, lui il sait faire tout ça, et c'est toujours génial de l'écouter.

Comme souvent, l'histoire de la Dame Grise parle d'humains. En l’occurrence, Papi nous décrivit les bretonni, des gens qui sont amoureux des chevaux et qui aiment bien attaquer les impériaux sans qu'on sache trop pourquoi. A une époque je comprenais pas pourquoi l'histoire du monde parlait toujours des humains et pas des halfelins, et puis en grandissant j'ai compris que c'est comme ça : nous on écoute les histoires mais on les écrit pas. Peut-être parce que contrairement aux humains, on a pas de terres pour se quereller, alors on est moins belliqueux. Et puis on passe pas trop de temps à essayer de tuer d'autres halfelins, même s'ils sont d'un autre cirque, même si des fois quand on boit de trop ça arrive qu'on se tape un peu dessus avec du mobilier. Papi il m'a toujours dit "les petites personnes s'occupent des petites choses", et je crois que c'est des paroles très sages.

La conclusion de Papi Beauconteur me fit frissonner jusqu'aux orteils. Dire que j'étais toute seule là-haut avec Assmus, alors qu'il y a un fantôme de vieille dame qui rôde, et que personne m'avait prévenue ! J'aurais pu mourir ! Encore heureux que j'ai toujours sur moi la cuillère que m'a offert arrière grand papi Edgar Bonchardon, celle qui repousse les morts-vivants ! C'est sans doutes grâce à elle que la Dame Grise a pas osé venir nous déranger pendant qu'on chiquait notre tabac là-haut je suis sure.

Alors que je fouillais ma gibecière pour retrouver le contact réconfortant de la vaisselle de mes ancêtres, Rimi est revenu à la charge avec ses moqueries. Mais cette fois, je sais pas si c'est la lassitude ou la révélation que j'avais survécu au fantôme du Col, j'ai réussi à répliquer aussi sec :

- Je dirais qu'elle a fait comme toutes tes soi-disantes conquêtes quand elles te voient vidé et endormi dès la seconde minute : elle s'est rabattue sur la fermeté et la fiabilité d'un beau concombre de saison.

J'en ai les yeux écarquillés de surprise de ma propre répartie. C'est pas la première fois que je me rebelle contre mes frères, je suis bien obligée de temps en temps pour qu'ils me fichent la paix, mais c'est pas souvent que mes mots s'organisent aussi bien d'eux-mêmes. Du coup, je profite de l'occasion et en rajoute une couche afin de faire rire la galerie : je fais tomber ma tête sur le côté, laisse un filet de bave me couler sur le menton, et émet des ronflements tonitruants pour imager la situation.

Que le conflit s'enlise ou non, je peux pas laisser Papi Beauconteur se rendormir pour de vrai, alors je rebondis sur son récit, curieuse d'un détail en particulier :

- Dis papi, la ville dont t'as parlé, Parravon, c'est aussi les nains qui l'ont construite, comme toutes les ruines qu'on voit tout le temps ? Je comprends pas, s'ils étaient si forts pour construire des trucs, si Parravon c'était si bien protégé que ça, pourquoi ils l'ont abandonnée aux bretonnis ?
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 17 mars 2021, 22:41, modifié 2 fois.
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Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
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"Avec Susi, y a pas de souci !"

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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

À la pique de sa petite sœur, le sourire de Rimi s'étendit ; dévoilant encore un peu plus ses molaires, il pouffa d’un petit rire.

« Tu devrais moins traîner avec Assmus, à cause de lui tu te mets à répondre !
– Qui aime bien châtie bien, cousin.
– Beh oué, pour ça que je fais que te châtier Susi ; Hé, tu sais petite, les concombres c’est fait pour être mangés, ça te ferait plus de bien que les prendre autrement ! »

Et alors lui-même se permit une imitation : il rentra son ventre et ses joues, et serra ses deux mains sur sa panse comme pour avoir l’air affamé.
Papy Bonchardon se contenta d’observer les chamailleries des jeunes en continuant de fumer son tabac ; au lieu de se fendre d’un commentaire, il montra sa désapprobation uniquement en dodelinant la tête de gauche à droite. Ni Assmus, ni Susi, ni Rimi ne s’étaient débrouillés pour se trouver un compagnon, et ce n’était pas demain la veille qu’il allait devenir arrière-grand-papy…

Heureusement, Susi occupa vite ses pensées de vioc en lui posant une question sur Parravon. Alors, ses yeux rayonnèrent d’une vivacité toute retrouvée, et il reprit son air radieux, entièrement passionné par la question :

« Haaaa, je n’ai jamais vu Parravon de mes petits yeux de Halfelin, mais comme j’ai hâte de pouvoir l’observer ! Oui Susi, c’est forcément des Nains qui l’ont construite, de la façon dont on me l’a décrite ; On dit que ce n’est pas une ville, mais une montagne dans laquelle on a taillé une ville. Un gros massif de roche, où on a fabriqué des portes, et des arches, et des manoirs à coup de pioche et de nappes de montagne détournées. Personne ne sait fabriquer des choses si formidables, hormis les Nains…
Pourquoi ne possèdent-ils plus le monde ? Si seulement je le savais ! Y a tellement de légendes différentes, et les Nains eux-mêmes sont un peuple taciturne, trop fier de lui-même, trop tourné vers le passé pour admettre ses erreurs…

– T’as déjà parlé à un Nain, pépé ?
– Oui ! J’en ai déjà connus ! Vous étiez alors tous les trois encore dans les sous-vêtements de vos parents, et vos parents étaient pas plus grands que ma cuisse !
Ce que l’on sait, c’est qu’il y a longtemps, très, très longtemps, le monde entier appartenait aux Elfes et aux Nains. Et les deux peuples étaient alliés, et amis ; Ils se serraient la main, et construisaient de grandes cités ensemble, en combinant leur génie. Aux Elfes la grandeur des amphithéâtres, des thermes, des statues graciles et des forums fleuris ; Aux Nains la puissance des bastions, la profondeur des forges, le tumulte des chutes d’eau… Mais avec la richesse et la puissance, est venue la compétition. Et avec la compétition, la haine. Les Nains et les Elfes ont commencé une guerre terrible, réduisant à l’état de ruine tout ce qu’ils avaient bâti de merveilleux. À la fin, les Elfes grimpèrent sur des bateaux et franchirent l’Océan, tandis que les Nains, qui avaient tant saigné, durent quitter leurs grandes cités pour retourner défendre les montagnes où ils sont nés.
Autrefois, les Nains étaient si imposants qu’on raconte que toutes les montagnes du continent étaient liées par des tunnels interminables. Mais tous s’effondrèrent, envahis qu’ils étaient par l’Orque et le Gobelin qui ravagèrent tout sur leur passage. Ils ont tenu, ils ont survécu, mais le prix à payer était trop grand… Aujourd’hui ils sont un peuple triste, malade, où les jeunes sont élevés avec la nostalgie d’un temps qu’ils n’ont pas connu. »


Petit silence.
Puis, Rimi posa la question qu’il ne fallait pas :

« Et nous on était où à l’époque où les Nains et les Elfes ils se faisaient la guerre ? »

Bonchardon, qui savait toujours tout sur tout, semblait prit au dépourvu. Il bégaya un peu, et formula un début d’explication.

« Heu… Nous étions avec les hommes… De l’autre côté du Bord-du-Monde…
– On vivait avec eux ? On est comme eux du coup ?
– Non, pas… Pas vraiment…
– Pourquoi Sigmar il a pas demandé aux Halfelins de s’unir avec lui du coup ?
– Oh, c’était pas notre rôle, pas notre destin…
– Puis une fois tu as raconté qu’il y a des Humains qui viennent pas du Bord-du-Monde… ?
– Oui, c’est exact ! Il y a aussi des peuples humains bien loin d’ici, qui ont bâti d’autres Empires, d’autres merveilles !
– Mais on a déjà construit des choses merveilleuses, nous aussi ? »

Papy s’énerva. Papy savait tout sur tout : Papy connaissait des mythologies sur Ulric qui avait aplati une montagne, des aventures de la Grande Légion de Tylos qui avait conquis toutes les montagnes noires, des histoires d’amour entre un prince et une princesse Elfe, des batailles héroïques de Sigmar et de ses rois alliés qui avaient sauvé le monde face à la menace des Orques…
Mais dès qu’on lui parlait des Halfelins, là, il se sentait embêté, puis, pour une étrange raison, un peu en colère.

« On a jamais rien construit de merveilleux parce que nos jeunes ils pensent qu’à embêter les vieux et pas bosser ! Hein, bon, réfléchissez plutôt à comment vous allez nous trouver de la pitance, au lieu de rêvasser ! Non mais ! »

Les trois jeunes ne purent que se regarder mutuellement, sans doute avec incompréhension. Est-ce qu’un seul d’entre eux avait dit quelque chose de mal ? Beauconteur était un rêveur ; il adorait rêvasser, et faire rêvasser les autres. Les transporter ailleurs. C’était ça sa vie.
Il était le genre de Halfelin qui adorait les aventuriers, alors que lui-même n’avait jamais été dans une aventure.





Le cirque avait quitté la dernière passe de montagne. Au loin, on pouvait voir un tas de pierres qui formaient une tour : un gros château qui devait servir à des guerriers de l’Empire à bien protéger le coin. Ce n’était habituellement pas là où les Bonchardon aimaient s’installer — les garnisons de soldats ça s’ennuie ferme, mais c’est souvent de mauvaises gens, un peu brigands sur les bords, un peu violents, surtout quand ils sont ivres… Il fallait continuer en les ignorant poliment, sans aller demander l’hospitalité aux hommes armés.

Le sentier était beaucoup moins cahoteux, ou caillouteux ; c’était devenu un chemin de terre, qui s’enfonçait dans la campagne grasse, et surtout, habitée. Un jeune humain debout sur une butte se reposait sur son bâton, surveillant les moutons qu’il faisait paître : il fit un signe amical de la main aux Halfelins, ne s’attendant sûrement pas à tomber comme ça en pleine journée sur une masse de petites gens qui débarquaient du Col de la Dame Grise avec tout un bric-à-brac d’instruments en bois et de tentes repliées.

Il était certain qu’on était toujours dans l’Empire, quand Susi remarqua sur le bord de la route, à un croisement, une borne miliaire. Elle ne savait pas lire, mais elle reconnaissait très bien le bloc de grès : il y en avait partout sur les routes, comme marqueur d’où on était et où on allait. Le socle de la borne était rédigé en Khazalide, avec un petit dessin gravé de la Reine-Ancêtre Valaya, portant dans ses bras des gerbes de blé tressés comme les nattes de ses cheveux, tandis qu’elle étendait sa main pour pointer du doigt la direction de Karaz-a-Karak — le temps avait fait son œuvre, et maintenant le socle de cette borne était verdâtre, couvert d’un peu de mousse, l’inscription illisible à cause de la pluie, encore que personne dans tout le cirque ne savait lire les runes des Nains…
Au-dessus du socle en grès, en revanche, on avait rajouté un cercle de granit. Et là, la grande-tante Élène, en train de se dégourdir les jambes, put bien forcer sa petite-fille Poppy à s’entraîner à lire le reikspiel.

« S-Sous l’Empereur Sieg-fried le troi-si-ème, in-vaincu, pieux, heu...heureux, père de la… patrie ? Possesseur-de-…Ghal Maraz. Aimé de Sigmar et Ulric, princeps de Nuln, comes de Drakwald.
À cent mille pas de Ubersreik, trois cent mille pas de Reiksdorf.
 »






Après des jours passés dans les montagnes, les Halfelins passèrent enfin une nuit dans un climat à peu près tempéré ; il faisait toujours bien frais, pire encore quand le soleil commença à se coucher derrière ces montagnes omniprésentes, mais au moins, il n’y avait plus le vent qui soufflait toutes les toiles de tentes et agitait les lueurs des feux de camp. Ils avaient franchi une grande étape, et maintenant, ils étaient entrés dans le Westermark.

Il y eut une certaine allégresse. Alors qu’ils n’étaient pas encore vraiment installés, et qu’ils avaient préféré ignorer les ouvrages humains plutôt que d’aller à leur rencontre, ils pouvaient enfin se détendre. On installa tous les chariots du cirque en cercle, au milieu duquel on jeta les paillasses ; on préféra ne pas monter les tentes tout de suite, histoire de partir plus vite demain matin, mais au moins on posait les cages des poules au sol pour les détendre et s’assurer qu’on ait pas perdu trop de poulettes face au froid et à la peur. Puis, les Halfelins fatigués, les yeux entourés de cernes, les bouches n’arrêtant pas de bailler, purent enfin tous sourire et rire.
Et on préparait le repas. On posait les marmites au-dessus des bûches enflammées pour préparer le bouillon, jetant des légumes d’hiver et des racines, du cresson et du fenouil, en n’oubliant pas de retirer l’écume à la louche. On distribuait à tout le monde des grosses miches de pain bis bien dur, la soupe malheureusement végétarienne allant servir à le rendre mou et mangeable. Pas un goût incroyable, mais un repas bien chaud et qui tenait au corps.

Les visages de tout le monde semblaient radieux. Radieux mais fatigués. Même Rimi ne fut pas d’humeur à trop embêter Susi, ayant plutôt hâte d’aller piquer un somme dans le confort de son sac de couchage. Surtout que pour que toute cette organisation soit possible, il avait encore fallu répartir les rôles — parce que Susi avait été de corvée d’éclaireuse, personne ne la houspilla, on lui donna plutôt la charge de surveiller que la bouffe ne sur-cuise pas trop, avant de remplir les bols ; c’étaient tous les autres qui s’occupaient de jeter les paillasses, de préparer l’eau, de couper les poireaux…

Personne ne fut bien long feu. Personne pour en profiter pour jouer de la musique, ou danser. Après manger, il fallait juste souhaiter une bonne nuit à tout le monde, faire des bisous sur les joues des proches, des tapes dans le dos des copains, et ensuite, rejoindre les songes de Morr en s’avachissant sous un ciel étoilé, constellé de petites lumières : en cette fin d’hiver, on reconnaissait le Trait du Peintre dans la voûte céleste.



Le camp se réveilla avant l’aurore. Un par un, les Halfelins papillonnèrent des cils, et reprirent conscience avec les muscles plus-ou-moins endoloris. Susi sentait une toute petite douleur dans le bas du dos, la faute à avoir roupillé sur le sol, mais elle était bien épargnée par son jeune âge et son excellente condition physique. Rien à voir avec les aînés qui allaient tous pouvoir passer la sainte journée à se plaindre tantôt de la hanche, tantôt de la mâchoire. On trouva bien des volontaires pour préparer le petit déjeuner, faire frire des œufs de poule avec du lard séché, s’assurer que tout le monde soit bien nourri, du plus jeune au plus vieux de la quarantaine de Bonchardons.
Le plus jeune était un bébé. Un cousin au deuxième degré de Susi, un tout petit Halfelin potelé qu’on nommait Calvin — plus personne d’autre n’était bambin, après lui, on atteignait l’âge d’enfants qui savaient déjà parler, marcher, et ne pas mettre de la terre dans leurs bouches pour voir le goût que ça avait… Si Calvin était bien le fils de ses deux parents, sa maman une Halfeline d’un autre cirque qui était arrivée il y a dix ans de cela en épousant Hannos Fiercouteau, il était aussi un peu le bébé de tout le monde, tous les Halfelins surveillant bien à chaque instant qu’il soit nourri, au chaud, et bien apaisé.
La plus âgée était une femme. Arrière-grande-mémé Ida Cheveuxargentés. Une véritable vieille dame, vraiment vénérable, et toute ridée, elle n’avait malheureusement plus la vigueur qu’on lui prêtait à une autre époque ; Beauconteur avait raconté à Susi que, lorsqu’elle était jeune, elle était une grande acrobate, étonnamment fine et maigre pour une Halfeline, et peut-être qu’il avait confié des anecdotes à Tristepanse pour la rassurer sur sa propre maladie. Aujourd’hui, malheureusement, elle s’était mise à un peu yoyoter. Elle passait le plus clair de son temps assise dans son coin, à ressasser des souvenirs, confondant parfois les dates et les lieux où elle était…

Il fallait partir tôt. Même sans soleil. Les aînés pressaient, même Beauconteur d’ordinaire si détendu — aujourd’hui, ce devait être le dernier jour de marche. Le dernier jour à pousser. En ce 7 Jahrdrung, on était un Angestag, donc demain c’est Festag, le jour de repos hebdomadaire traditionnel — et avec un jour de repos, ça veut dire que les Humains peuvent lâcher leurs paniers à tresser et leurs métiers à tisser, et venir voir le cirque. Il était gagnant pour tout le monde d’avoir tout installé dès ce soir, et ne pas avoir à s’arrêter devant une petite bourgade.

Alors ils tracèrent. En pleine matinée, alors qu’ils auraient pu s’arrêter pour privilégier une petite collation, ils passèrent devant un hameau d’éleveurs de chèvres ; tout juste le temps de saluer et de répondre à des questions de badauds bien intrigués, et ils étaient déjà repartis sur les routes. Ils tombèrent vers midi sur une nouvelle borne miliaire, celle-ci quasi entièrement illisible, et ils continuaient la route, s’arrêtant juste pour que ceux de corvée de bouffe glissent des pommes et des biscuits à tout le monde pour servir de maigre collation. Il y eut bien une pause en début d’après-midi, pour se détendre les jambes, fumer la pipe, et changer le pauvre petit Calvin qui était fort inconsolable d’être tout le temps agité ; mais vite, vite, il fallait ne rien débarquer, et reprendre le plus vite possible la route.

Il y aurait eu de quoi avoir le moral éreinté. Vraiment se mettre à avoir des tensions au sein du groupe. C’est le souci, quand on a faim et qu’on est fatigué : on commence à plus prendre les taquineries des autres au pied-de-la-lettre, et ce qui aurait été résolu par du rire et des tapes amicales, ça s’achevait par des disputes et des gens qui se font la gueule. Même Beauconteur n’avait plus trop le goût de bien raconter ses histoires.

Mais vers seize heures, alors qu’il faisait encore bien assez jour (Merci à Ulric et sa saison de malheur, aux nuits beaucoup trop longues, de bien vouloir retourner sur sa montagne…), une nouvelle vision les récompensa tous pour leurs douloureux efforts.
Ils étaient arrivés à leur destination.


Image

Baerenthal,
Siège du Margraviat de l’Ouest.
7000 habitants.




On aurait dit un mélange d’Ancien et de Nouveau. Tout autour de la ville, il y avait une grosse enceinte de pierre dure, empilée, avec des petites courtines basses en charpente — c’était un ouvrage fait par des Humains, ça se voyait. Ubersreik, Altdorf, Kemperbad… Ces quelques villes que Susi avait déjà visitées, elles avaient souvent les mêmes murs, et c’était ça qui prouvait que c’était une cité, que les palissades étaient en pierre bien sédimentée, et non juste en bois. Mais au loin, en levant les yeux, on découvrait des vieilles arches effondrées, des restes de temples ou d’aqueduc qui ne sont plus utilisés depuis des siècles, laissés derrière par les Nains. Devant et derrière les murs en pierre, on voyait des chaumières en tertre, avec des toits de paille et de terre, pour bien isoler du froid et de la pluie. Des clôtures. Des terrains qui commençaient tout juste à être labourés. On était en tout début de saison des semis, et alors que la terre venait tout juste de dégeler, on découvrait déjà des araires à main être tirées par des grands humains tirant la langue, les pieds nus dans la boue froide.

Ils y étaient. Ils pouvaient enfin le déclarer, le comprendre dans leur esprit — c’était la fin du voyage, au moins pour quelques jours. Baerenthal. Ils en avaient rêvé. Et maintenant c’était enfin devant eux.

Drido posa ses petits poings sur ses hanches. Et pérora.

« Que je vous prenne pas à songer, les gamins !
Maintenant on s’installe pour de vrai ! »


L’installation du cirque, c’était vraiment le moment chiant. Il fallait choisir un bon coin, pas trop loin de la ville pour que les habitants puissent venir, pas trop près non plus, car ça risque de faire des conflits de voisinage — les terrains cultivés ou en jachère ne sont pas toujours bien délimités, or le cirque débarque toujours avec ses contraintes logistiques qui risquent vite d’attirer des emmerdes… Il fallait prospecter le coin, aller poliment demander aux villageois si on avait le droit de s’installer, et surtout . Et ensuite, il y avait tellement de choses matérielles à mettre en place : Lever les tentes et y planter des piquets, creuser une tranchée pour servir de latrines, lever un petit enclos pour y lâcher les poules…

Alors que tout le monde se réunissait pour se répartir les rôles, Assmus alla embêter son père qui discutait avec d’autres.

« Hé, papa, pendant que le campement s’installe, ça dérange pas si je pars déjà dans la ville ? »

Drido se retourna avec un mauvais air sur le visage.
Juste derrière lui, Susi pouvait voir que sa mère était également en train de discuter.

« Comment ça ? Tu sais qu’il y a à faire, là ! J’ai besoin de volontaires pour aller parler aux villageois, et quand on saura où se mettre y aura fort à faire !
– Oui mais je me disais, puisque demain c’est déjà Festag…
ça serait bien d’aller tout de suite faire de la publicité, non ? »


Drido pouffa de rire. C’était évident que Assmus proposait ça juste pour échapper aux corvées plus manuelles, n’importe qui l’aurait tout de suite deviné.

« Petit malin.
Allez, y a intérêt à ce que tu ramènes du monde, alors. »


Il nota alors Susi pas trop loin, et lui fit un signe de tête.

« Toi aussi tu veux faire ça, de la publicité ? »
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

Je peux pas m'empêcher de pouffer à mon tour quand Rimi fait preuve à son tour de répartie : d'abord parce que son imitation grotesque est drôle, et aussi parce que de toutes manières, si on doit faire un duel pour savoir qui de nous deux a la plus grande gueule, c'est évident qu'il gagnerait. On échange quelques piques pour la forme, mais rapidement je préfère couper court à nos bêtises pour questionner papi Beauconteur sur Parravon.

Avec Assmus et Rimi, on a les yeux qui pétillent quand il parle des légendes d'antan. Ces temps lointains où les vieux peuples auraient contrôlé le monde, c'est vraiment incroyable à imaginer. Genre au lieu d'aller de hameau en cité humaine, on traverserait des paysages uniquement peuplés d'elfes et de nains, qui viendraient voir nos spectacles. Toutes ces ruines qu'on voit partout, ces tas de pierres recouverts de mousse et de lichen, seraient alors de fiers théâtres, thermes, forteresses et maisons, qui déborderaient de vies, celles des "dawis" et des "asurs".

Mais si avant, c'était l'Âge des Elfes et des Nains, et qu'aujourd'hui c'est l'Âge des Hommes, alors forcément, on se demande si l'Âge des Halfelins verra son avènement avoir lieu un jour. Et quand on se pose cette question-là, alors on rigole un peu de s'imaginer les halfelins conquérir le monde, mais on comprend aussi un peu la mélancolie de Beauconteur, ou dans mon cas on croit la comprendre sans trop en être sûre.

Parce que je sais pas vraiment quoi en penser. J'adore les légendes, les histoires, tous ces héros incroyables qui, armés de courage et avec leurs amis fidèles, partent affronter les méchants et gagnent grâce au pouvoir de l'amour et des coups de marteau dans le visage. Comme Rimi et Assmus, je suis un peu triste que c'est jamais des halfelins les héros, que de toutes les histoires du monde on dirait qu'on a jamais rien fait d'intéressant. Et en même temps, c'est hypocrite de penser ça, parce déjà que j'ai peur des bruits dans la forêt quand il fait nuit, c'est pas de sitôt que c'est moi qui risque d'aller affronter des dragons. Et Rimi a raison : je serais bien incapable de construire la moindre maison, et c'est pareil pour toute notre famille - l'errance c'est pas compatible avec l'idée de laisser des ruines comme trace de notre passage pour les générations futures.
Quand on y réfléchit vraiment, beaucoup de ces histoires du passé sont très tristes. Les nains et les elfes étaient amis, et faisaient des choses magnifiques ensemble, et tout ce qu'ils laissent derrière eux, c'est le témoignage de leur échec : l'amitié s'est tarie, ils ont préféré s'entretuer que de s'aimer, et leurs deux civilisations y ont tout perdu ou presque. Et c'est pareil avec les humains : où qu'on aille, ils possèdent les terres et les lacs, et leurs maisons poussent partout. Mais dans leurs histoires, ils sont toujours en train de se taper dessus : les impériaux et les bretonni décrits par papi c'était exactement ça, des combats et encore des combats, sans qu'on comprenne vraiment pourquoi. Et les légendes qui restent, c'est celles des femmes mariées de nuit, comme la Dame Grise.
Peut-être que les halfelins rentrent pas dans l'histoire, parce qu'ils préfèrent sympathiser avec leurs voisins et organiser de jolies fêtes, que de chercher à les tuer. Peut-être parce qu'on préfère tout partager avec les autres, que de vouloir s'approprier ce qu'ils ont.

Peut-être que c'est dommage pour le monde que y ait jamais eu d'Âge des Halfelins.


***

Vu qu'on était veille de Festag, on a du jouer de la jambe comme jamais pour arriver dans les temps à Baerenthal, la plus grande cité humaine du Westermark. Heureusement, hier et ce matin, on a fait de vrais repas qu'ont fait plaisir à Esmeralda et à nos estomacs - fallait bien ça pour nous tenir au corps aujourd'hui vu la cadence qu'on a du suivre. C'est pas facile pour les plus vieux ce genre de journée, où faut tout le temps marcher et très peu faire de pauses, pas même pour grignoter un peu. Heureusement la plupart peuvent s'installent sur les chariots, mais pas tous en même temps car ça nous alourdit et nous ralentit trop. Arrière-grande-mamie Cheveuxargentés a insisté pour marcher aussi, et c'est compliqué de lui dire non parce qu'elle est capable de bouder et de se planter au milieu du chemin comme un piquet de tente quand elle est vexée. Elle a un peu du mal à se rappeler que si elle est encore jeune dans sa tête c'est plus le cas de ses jambes ; du coup, je l'ai un peu épaulée pour qu'elle arrive à maintenir une petite allure. Je l'aime beaucoup mémé Ida, même si elle a plus toute sa tête : et pas juste parce qu'elle aurait eu mon physique un peu ingrat plus jeune, mais surtout parce que comme papi Beauconteur elle a des histoires passionnantes à raconter. Elle mélange un peu tout, des fois ça n'a pas beaucoup de sens, mais on voit qu'elle est heureuse de pouvoir déterrer ses milliers de souvenirs, même s'ils sont pas complets ou viennent pas dans le bon ordre. Le plus rigolo c'est quand elle parle de sa vie sexuelle de quand elle était une acrobate renommée : si la moitié de ce qu'elle raconte est vrai, alors je peux dire qu'arrière-grande-mamie a côtoyé des elfes et des nains de beaucoup, beaucoup plus près que papi.

Sur la fin, toute la famille était un peu grognon : entre le froid, la faim, le rythme de marche et les petites douleurs, y avait de quoi ronchonner c'est sur. Moi j'ai du composer avec une courbature dans le dos toute la journée, à laquelle s'est ajoutée un vilain point de côté en début d'après-midi, qu'a pas voulu partir même avec une pause. Je suis agile mais pas très endurante, alors j'ai vite le souffle court et les joues toutes rouges. Néanmoins, même si le ton est un peu monté chez les Bonchardon, on savait que l'objectif était plus très loin et ça suffisait à mettre du baume au cœur, alors on a marché et marché jusqu'à ce qu'enfin, Baerenthal apparaisse.

C'est rigolo comme, même à des jours, des semaines, des mois de distance les unes des autres, les villes humaines se ressemblent toutes un peu. Y a toujours une grosse muraille en pierre pour se protéger, et derrière plein de maisons accolées aux vieilles ruines elfiques et naines : ça fait des parois contre lesquels s'installer, et de la pierre à récupérer pour construire encore plus de murs je suppose. Il y a aussi des maisons dehors, des petites fermes accolées à de grands terrains agricoles où les humains font vivre leurs animaux et pousser plein d'aliments qu'ils nous troquent contre l'entrée au cirque. De ce que j'ai remarqué, les humains qui ont beaucoup de choses brillantes dans leur maison tendent à vivre à l'intérieur des murs, tandis que ceux qui ont pas grand chose de joli vivent au dehors.

Moi forcément, mes yeux pétillent d’intérêt quand on voit la ville. Ça fait des semaines que j'ai pu trouver de nouveaux trésors, et les précédents ont déjà tous été éparpillés dix fois parmi la famille qui est pas vraiment précautionneuse : la jolie écharpe rouge en tissu tout doux a servi pour enlever la boue des poils des patous, le tabac a été fumé par un peu tout le monde, la jolie cuillère en argent c'est maman qui l'utilise pour les ragouts, et puis la cousine Alice a pris le collier doré qui allait mieux avec ses cheveux qu'avec les miens, mais elle l'a égaré juste après.
Bref, j'ai vraiment hâte de pouvoir jouer à nouveau les bonnes petites chapardeuses. Alors forcément, quand l'occasion se présente de tirer au flanc pour aller faire un premier repérage dans la ville, j'étais évidemment partante.

- Hey tonton, tu le sais bien qu'avec ma carrure maladive, je suis plus utile à jouer les rabatteuses qu'à monter les chapiteaux. Promis, toute la cage saura que le meilleur cirque du Monde est arrivé à ses portes !

La cage, c'est comme ça que j'appelle les villes humaines, parce qu'ils s'enferment toujours d'eux-mêmes, comme si être entravés par les murs ça les sécurisait. Ils s'enferment toute leur vie dans une petite maison, elle-même enfermée dans les murs d'une ville. Et d'une certaine façon, la ville, elle est aussi enfermée au sein d'une province qui est délimitée par des frontières, ces dernières étant justement les sources des querelles entre hommes. Quand j'avais réfléchi à ça, je trouvais ça rigolo parce que ça me faisait penser à mon numéro, quand je suis immobilisée par des menottes, encordée à une chaise, enfermée dans une cage : sauf que moi j'arrive toujours à en sortir.
Du coup je rigole toute seule parce que je repense à l'idée d'Assmus : peut-être que ça motiverait les humains à être libres si on mettait leur cage en feu.

Au final, Drido a à peine le temps de me donner sa bénédiction que j'ai déjà filé en compagnie d'Assmus. On glousse tous les deux comme des débiles.

- On se sépare pour parler au plus de gens possible, d'accord cousin ? Tu fais les maisons dehors, et moi je fais celles dans la cité !

Normalement, il est plutôt conciliant : du moment qu'il peut échapper aux corvées, il devrait pas trop faire le difficile sur l'endroit où il doit aller. Mais au cas où, je suis prête à le persuader avec un sourire, des arguments fallacieux sur la plus grande difficulté de ma tâche, et quelques-unes de mes meilleures feuilles de tabac. Le tabac tout le monde aime ça, on peut toujours négocier quand on en a.

Je veux pas qu'il reste dans mes pattes au sein de la ville. Je vais faire la rabatteuse, ça oui, mais je vais surtout en profiter pour commencer à fureter, et chercher les maisons des bourgeois afin de voir lesquelles pourraient être visitables dans les jours ou nuits à venir.
C'est pas que je suis pressée d'agir, mais plutôt très excitée de retrouver le contact des humains : rentrer chez les gens c'est pas pour tout de suite je le sais. J'ai pas encore beaucoup d'expérience du chapardage à domicile, mais j'ai compris que le cambriolage c'est pas une affaire qui s'improvise comme ça. La collecte de trésors c'est tout un art, alors y a des règles à connaitre : faut apprendre les habitudes de sa cible, savoir à quelle heure elle se lève, et à quelle heure elle se couche, et à quelle heure elle s'absente. Faut savoir combien y a d'entrées dans sa maison, combien y a de gens qui y vivent, et si y a des personnes payées pour surveiller la nuit ou pire encore : des chiens. Et pour apprendre tout ça, il faut du temps à observer, à discuter, et à réfléchir.

Après avoir tripoté ma patte de taupe porte-bonheur qui pend à mon cou, c'est donc d'un pas particulièrement guilleret et avec un grand sourire de gamine heureuse que j'approche des portes de la ville.

OK, donc globalement :
- Je tente d'entrer en ville avec toute ma joie et ma bonne humeur - si aux portes ça me regarde un peu méfiante je tente de faire la pub du cirque et si il faut j'offre un peu de tabac à chiquer.
- Une fois dedans, éventuellement guidée par les gardes, je cherche une grande place, un endroit où y a du monde à alpaguer et des commerces actifs, histoire de commencer à reconnaitre les lieux et les gens.
- Puisque j'ai la compétence du jargon des voleurs, je reste aussi à l'affut d'éventuels copains qui utilisent ce code pour communiquer, vu qu'il est très gestuel :mrgreen:
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Raison : +6 XP / Total : 12 XP
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
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"Avec Susi, y a pas de souci !"

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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Pourquoi c’est à moi de faire le dehors, et à toi de profiter de tout le dedans ?
C’est vrai quoi — dehors y a toujours les paysans pas très sympathiques, les bourgeois riches ça vit à l’intérieur ! »


Assmus le bouffon trouvait à redire aux propositions de Susi. Mais Rimi avait raison — à force de trop traîner avec les rieurs du cirque, elle commençait elle aussi à savoir embobiner son monde. Elle réussissait à retourner la difficulté de la corvée, persuadait Assmus que c’était elle qui prenait le plus de risques et qui, au fond, s’occupait du travail le plus ardu…
Difficile de savoir si son cousin était vraiment convaincu, ou s’il était juste vraiment amusé par l’effort. En tout cas, alors qu’il se plaignait, voilà qu’il retrouvait un sourire sincère sur son visage ; il chassa l’air de sa main, et commença à se détourner un peu d’elle.

« Bwah ! Vas-y donc, avec un peu de chance ils te prendront tous pour une enfant Humaine perdue, ça leur donnera moins envie de nous jeter des trucs au visage ! »

Il avait dit ça sur le ton de la blague. Comme d’habitude. Tout était toujours de la blague avec Assmus. Mais quand bien même il ne pensait jamais à mal, il était difficile de ne pas voir un fond de vérité dans ses propos.
Les Halfelins sont dans un entre-deux assez compliqué, quand ils découvrent des communautés Humaines. Il y a, d'abord, un certain amusement qui naît chez eux lorsqu’ils voient les Bonchardon débarquer : ils sont drôles, ils sont guillerets, ils adorent parler, ils font de la bonne bouffe… C’est toujours des moments qui paraissent agréables pour eux. Et puis, inévitablement, au fil des jours, cet accueil chaleureux commence petit à petit à s’empoisonner. Des humains se plaignent de vols. On les accuse de provoquer du grabuge. De vivre comme des sauvages, en ne respectant pas la vertu ou la modestie. De ne rien contribuer à l’Empire. De faire de la contrebande de biens, d’éviter les péages. On les jalouse, ou on les méprise, ou un peu des deux à la fois. Et puis, les petits étrangers, souvent, on rit d’eux plus qu’on ne rit avec eux. On se croit tout permit avec eux. On abuse de leur confiance, quand on abuse pas d’eux eux-mêmes.
Le cirque est errant parce que sa survie économique en dépend : il faut bouger pour jouer de nouveaux tours à de nouvelles personnes. Mais il y a toujours cette sensation désagréable, celle de ne jamais pouvoir regarder derrière soi, parce qu’on quitte un endroit où on n’est plus désiré…

Susi était une Halfeline laide. Mais son aspect malingre l’aidait bien lorsqu’elle était seule. Au loin, en la voyant, on hésitait un petit instant — on se demandait, sincèrement, si c’était pas une gosse perdue. Difficile pour quelqu’un qui lui parle de ne pas immédiatement se rendre compte que l’âme qui habite le petit corps est bien trop adulte, mais avec de la distance, elle pouvait bien paraître assez discrète pour ne pas s’attirer trop d’emmerdes.




À présent seule, elle pouvait se diriger vers l’une des portes de Baerenthal. Plus elle s’avançait le long du sentier de terre battue, plus elle voyait ces murs s’épaissir et se rallonger — c’était une bourgade bien honorable. Plus petite que Ubersreik, beaucoup plus petite que Altdorf, des villes qu’elle avait déjà observé de ses yeux, mais ça restait une cité d’Empire. La ville semblait être bercée par deux fleuves de montagne, à l’eau si pure et cristalline. Le plus haut débit appartenait à la Vaswasser, un affluent de la Grismerie qui servait de frontière avec le pays des Bretonnis — Susi n’avait pas de repères topographiques dans son esprit, mais elle avait eu l’occasion de bien boire dans la Vaswasser cette semaine passée, tout le long du Col de la Dame Grise ; l’eau avait beau être sauvage, elle était délicieuse quand on la buvait à même le lit, rien à voir avec le Reik pollué, où tous les habitants des villes de l’Empire jettent leurs déchets de toutes sortes.
La porte vers laquelle elle s’avançait était grande ouverte. Deux immenses pans de bois, bien solides, gardés par deux hommes qui étaient postés chacun d’un côté. L’un était un vieux monsieur au ventre bedonnant, l’autre un homme qui devait avoir la quarantaine — tous les deux avaient un simple costume constitué de braies beiges et d’une chemise épaisse en lin, avec pour seule arme une lance courte, et comme seules défenses un casque de cuir sur la tête et un bouclier rond sans couleurs. Ça devait être des bourgeois de la ville de corvée ; dans tous les cités de l’Empire, on forçait les habitants à se relayer pour monter la garde. Comme ce n’était pas payé et très épuisant moralement, on retirait les échelles des gardes en haut des tours pendant la nuit, afin de s’assurer qu’ils ne descendent pas pour se réchauffer devant un petit feu sans prendre au sérieux leur travail…

L’accès à Baerenthal n’était donc pas fermé à Susi. Mais son arrivée fut vite remarquée. Elle risquait en effet d’être l’attraction de la journée, s'ils avaient passé des heures à regarder des moutons et des chèvres aller et venir. Le monsieur bedonnant la regarda de travers tandis qu’elle les saluait en passant. Ils restèrent tous deux muets, et c’est uniquement une fois à l’intérieur que le quarantenaire la siffla dédaigneusement.

« Hé, c’pas possible d’être p’tit comme ça !
Tes ancêtres y auraient dû manger plus de soupe ! »


Il n’y avait pas vraiment grand-chose de drôle, mais ça ne les empêcha pas de se marrer tous les deux. L’attraction de la journée, en effet.



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Il n’y avait pas que la Vaswasser de très belle — Baerenthal était aussi une très jolie bourgade. Les bottines de Susi marchaient sur du vieux pavé, un couvert de mousse et fendu un peu partout. Il y avait du monde qui l’empruntait. Elle entendait les sabots de mulets qui tiraient à deux une charrette, tandis qu’un homme chevauché dessus la sifflait pour qu’elle s’écarte. Il y avait des femmes habillées à la mode du Reikland, avec de grosses robes de tissus un peu colorées, qui portaient des paniers en discutant. Des étals qui montraient les récoltes des céréales et des légumes d’hiver, cachées sous des bannes rouges ou bleues pour garder le tout de la pluie. On voyait des roues de chariot, des tonneaux, des tables — tout ça, tous ces éléments, c’était la preuve qu’il y avait tout un tas de gens différents qui vivaient ici. Toute cette couleur, ça devait dire qu’il y avait forcément des teinturiers qui mélangeaient adroitement des pigments. Tout ce bois, ça voulait dire des menuisiers et des vernisseurs qui en prenaient bien soin. Et puis, il y avait des odeurs : des odeurs de poisson qu’on grille, de galettes que des bonhommes préparaient au détail pour des passants affamés. Donc, il y avait des pièces, des oboles d’argent cachées dans des escarcelles, mais en tendant l’oreille, Susi entendait des bribes de conversation, et elle devinait qu’un paysan le poing sur la hanche essayait de troquer un sac plein de laine contre de la poterie.

Le plus beau, ce n’était pas cette ruche humaine. Le plus beau, c’était ces statues qu’elle découvrait en levant les yeux — des statues de marbre, tellement anciennes qu’elles avaient perdu là un bras, là un sein, la pluie et les crottes d’oiseau ayant détérioré l’aspect de ces colonnes… Mais c’étaient bel et bien deux statues de femmes qui se faisaient face. Des femmes qui devaient être très jolies à une époque, et qui avaient des oreilles pointues.

Avec autant de gens réunis dans une sorte de grosse rue, elle n’aurait sûrement aucun mal à alpaguer quelques passants.

Ça se passa fort mal.

Les plus sympas étaient ceux qui se contentaient de l’ignorer. Elle trouva un bonhomme bien habillé qui se contenta de l’envoyer paître d’un signe de la main lorsqu’elle lui parla, et il reprenait sa route sans même ralentir sa cadence. Une femme portant une charrette à main, remplie de marmite et de ferraille, qui s’excusa elle en souriant et en lui disant qu’elle n’avait pas le temps. Au moins était-elle un peu courtoise.
Non, le plus gênant, c’étaient ceux qui la rabrouaient avec un commentaire mauvais. Il y avait toujours des risques de tomber sur des gens vraiment inquiétants, se permettant des réflexions insultantes, en se demandant combien de bourses elle avait volées aujourd’hui, ou s’ils pouvaient vider les leurs pour qu’elle mérite salaire… Le souci des grandes villes avec beaucoup d’humains, c’est qu’il y a forcément plus de risques de croiser des chieurs dedans. C’est juste mathématique.

Si Susi n’avait rien obtenu de son démarchage, peut-être serait-elle plus chanceuse en gambadant simplement.

Comme dans toutes les cités humaines, les habitations les plus proches des murs étaient rarement les plus intéressantes. Bizarrement, les hommes avaient construit des chaumières juste au milieu des ruines d’anciens forums et théâtres que les Elfes bâtirent il y a des millénaires — ils faisaient paître des moutons et pousser des radis là où on pouvait imaginer un ancien temple ou un oratoire déconsacré.
En remontant le deuxième fleuve qui semblait découper la ville, elle put à son rythme passer sous un grand chêne pluriséculaire, et dépasser la place centrale de la bourgade pour aller voir où les gens pouvaient bien vivre.

Les maisons des humains sont rarement grandes — ils passent en effet beaucoup trop de temps dehors. Ils travaillent, ils cultivent, et quand ils se reposent ou se détendent, c’est bien souvent en extérieur. Au cirque, par exemple. Lorsqu’ils prient, ils le font dans de grandes maisons somptueuses où personne ne réside, car on dit que c’est les maisons des Dieux ; mais leurs propres demeures à eux sont souvent obscures, sans fenêtres, juste un trou de cheminée, et une grande pièce où tout le monde dort.
L’exception à cette règle, ce sont les hommes riches. Car les hommes riches ont eux du temps à ne rien faire, et aiment donc leur confort.
Et pour savoir où les humains riches crèchent, ce n’est pas compliqué : il suffit de trouver les maisons qui ne sont pas délabrées.

Devant une ruelle semi-pavée, Susi découvrit un de ces petits manoirs aux toits de tuiles ocres. Il y avait de jolies arches, avec des colonnes, et de grandes fenêtres séparées par des arcades — sauf que ce manoir-là n’était pas tout démoli, il n’avait pas de branches qui poussaient à l’intérieur et qui sortaient par des trous dans la charpente. Tout à l’inverse, elle voyait en contrebas un petit jardin, où une bonne femme était en train d’étendre du linge.
C’était sûrement la maison à un type important dans le coin. Un référendaire, un marchand, peut-être un compagnon du margrave. Ce genre de manoir, c’était assez grand pour qu’il loge avec sa famille et toute sa domesticité : un rez-de-chaussée, un étage, un bâtiment annexe. Le manoir avait directement pignon sur rue, mais la-dite rue semblait bien plus tranquille, un peu moins desservie que celle où il y avait des étals de galettes.

La Halfeline en fit nonchalamment le tour, sans donner l’impression d’espionner. Déjà, il y avait une niche de chien, ce qui n’était pas un bon début ; les gens riches aiment les chiens, pour la chasse.
Il sembla possible d'accéder aisément à l’étage en jetant un grappin, mais le plus gênant serait d’éviter d’éventuels veilleurs faisant la ronde. Peut-être que dans le noir de la nuit, tout serait bien plus simple… L’avantage de ces maisons avec plein de fenêtres, c’est qu’on pouvait y entrer par n’importe où, on aurait dit un fromage avec plein de bulles qui ont éclaté dedans.
La niche du chien était vide, et hormis la dame étendant le linge, il n’y avait personne. Peut-être que le propriétaire de la maison n’était pas là. Il fallait voir s’il y avait plus de monde en soirée.

Alors que Susi faisait tranquillement son repérage, elle nota à sa droite qu’il y avait une femme qui attendait devant la rivière.
Elle attira immédiatement l’œil de la Halfeline, car la femme ne ressemblait à aucun autre être humain qu’elle avait jamais vu : la femme avait la peau très bronzée.

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Elle portait un voile au-dessus de cheveux qui formaient des tresses atypiques : de longues nattes très fines, chutant bien bas. Elle avait laissé quelques marques de peinture sur son front et ses lèvres, sans que Susi en reconnaisse la signification. Sa robe n’était pas remarquable, à l’inverse de la douzaine d’anneaux dorés qu’elle avait glissé le long de son avant-bras.
La femme jouait avec une pièce qu’elle faisait sauter en l’air avant de la réceptionner. Elle faisait du pile-ou-face, tout en zieutant d’un œil le beau manoir que Susi était en train de repérer. Pourquoi faire frénétiquement voler cette pièce en l’air ?
Ce devait être un symbole de Ranald. Difficile de le comprendre, surtout que ce Dieu étrange est fort changeant. Non, Susi n’avait pas la moindre idée de ce que le geste signifiait, mais au moins elle était sûre que cette dame avait le même passe-temps et le même patron qu’elle…

Jet de persuasion (CHAR) pour que Assmus te lâche la grappe : 7, réussite de 3 ; il t’aurait laissé tranquille dans tous les cas, mais avec la réussite ça t’évites de te faire extorquer du tabac si précieux.

Jet de commérage (CHAR+INI/2) pour faire de la pub aux gens autour de toi : 19, échec automatique. Les quelques personnes que tu croises lors de ton démarchage publicitaire n’ont l’air vraiment pas réceptif. Manque de chance, ceux que tu vois ont l’air de te lancer de mauvais regards.

Jet d’observation (INI+INT/2) : 2, réussite automatique. Si les gens de Baerenthal ont l’air d’être des sacrés connards, au moins dans le quartier où t’es, tu penses avoir découvert quelques trucs intéressants — détails rajoutés dans la narration qui aurait été moins étoffée autrement.

Jet de compréhension (INT) : 9, échec de 1 seulement. Tu penses reconnaître un signe chez la femme noire, ça te fait bien penser à Ranald, même si tu saisis pas totalement ce qu’elle veut dire.

J'ai pas de plan de Baerenthal, mais en gros c'est divisé en deux avec plusieurs ponts au-dessus d'une rivière ; de l'autre côté, tu n'as pas visité les Temples (Il y en a) ou le château du margrave (Il est isolé par une palissade en bois). Tu peux choisir d'ignorer le manoir du quartier où tu es, qui est visiblement la place marchande, et continuer ton exploration.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

Se débarrasser d'Assmus, c'était facile : le cousin m'aime bien et il est plutôt conciliant. Je lui ai joué mon air, et lui il a bien voulu se laisser enfumer avec le sourire. Mais je m'étais pas vraiment inquiétée à ce sujet, je savais qu'il accepterait avant même de lui demander.

Les guetteurs de la cage, c'est une autre histoire. Ces gens-là ont un travail qui est vraiment ennuyeux : là où les marchands parlent à leurs clients toute la journée, les paysans travaillent la terre sans s'arrêter, eux ils peuvent juste regarder l'horizon, immobiles pendant des heures. Ils ont le droit de discuter et se gratter les fesses, mais c'est bien toute l'étendue de leurs possibilités. Le pire c'est que contrairement aux autres gens que j'ai cité, qui peuvent faire une pause de dix minutes si ça leur chante, les gardes de la ville s'ils arrêtent de zieuter, c'est prendre le risque qu'un ennemi déboule de nulle part à ce moment précis, et que personne ne l'ait vu arriver. Du coup, les gardes, c'est des gens très importants qui ont des journées très ennuyeuses. Moi, me ronger le mors du matin au soir sans bouger, ça me rendrait totalement azimutée, alors je peux comprendre que ce soient des gens avec parfois des réflexions un peu bizarres.

Ceux-là sont plutôt gentils. On est déjà allé dans des villes où les guetteurs essaient de nous extorquer des choses pour avoir le droit d'entrer, voire carrément qu'ils nous interdisent de venir parce que ils veulent pas de sous-hommes chez eux. J'écope juste d'une blague sur ma taille, à laquelle je réponds en rigolant poliment pendant que je passe les portes. C'est une blague que les humains aiment bien faire, dire qu'on est petit, mais je comprend pas trop pourquoi ça les fait rire. Selon Rimi, c'est parce que ça leur permet de croire qu'ils sont plus forts que nous, mais c'est pas très malin de leur part. Les chevaux sont plus grands et plus gros que les humains, mais ils montent bien sur ces derniers et leur donnent des ordres. Les cerfs, les sangliers, les ours, tout ça c'est plus gros, mais les humains arrivent à les chasser parce qu'ils sont plus malins. Les nains ils sont pas grands non plus, pourtant ils avaient autrefois un empire gigantesque plein de villes magnifiques tout en pierre, dont les ruines ont servi de fondations à leurs petites maisons de bois et de paille, ce qui prouve que les dawis étaient surement plus malins que les humains. Du coup, peut-être qu'ils savent qu'ils sont les plus bêtes des bipèdes du Vieux Monde, et qu'ils ont bien que leur taille pour se rassurer de leur force.

Je me sens toute guillerette alors que je commence à errer dans la ville, suivant les routes pavées moussues qui composent ses plus grandes artères. Alors que je me faufile à travers une foule humaine aux habits multicolores, tous mes sens sont subjugués par la vie qui se déploie entre ces murs : les discussions, les odeurs, les couleurs, les étals, les marchandises et les statues d'un autre temps. Tout m'émerveille : j'adore ces instants de découverte, ces premiers moments après un long voyage sur les routes boisées, à m'immerger de nouveau au cœur de la culture des humains. Ici, je me sens réellement toute petite : je ne suis plus Susi Bonchardon, je ne suis plus Tristepanse, la petite halfeline maigrichonne que toute la famille connait trop bien. Ici je suis juste une inconnue, une enfant qu'on aperçoit à peine, une personne de plus qui se mélange sans être remarquée aux milliers d'autres qui vont et viennent, qui s'affairent et qui vivent. Je peux être qui je veux ici, et saisir toutes les opportunités qu'on peut m'offrir.

Mon enthousiasme va être de courte durée. Connaissant ma propension à trop me disperser dès lors que je me laisse aller à mes rêveries, je prend la décision de commencer par jouer mon rôle de rabatteuse avant de trop me perdre dans la ville. Je m'installe sous les deux statues érodées de femmes elfiques, et commence à alpaguer les passants. Je manque un peu de confiance en moi, mais la famille compte sur moi alors je me lance timidement et commence à vanter les vertus du cirque à quiconque m'approchant.
Le résultat fut catastrophique : tout le monde m'ignore complètement. On fait semblant de ne pas m'entendre, on s'excuse sommairement sans me regarder, on me bouscule parce que je bloque la route, ou pire encore, on se moque de moi et me menace. Leurs commentaires me font transpirer : ils me font pas vraiment peur, je cours très vite et je peux me faufiler là où personne ne peut me suivre, mais le problème avec les mauvaises gens, c'est que vu qu'ils ont entendu parler du cirque des halfelins, ensuite ils peuvent décider de venir le soir pour faire du grabuge.

Je suis vraiment nulle. Le cirque n'a l'air d'intéresser personne, et ça me donne un peu envie de pleurer. Je le fais pas parce que je suis une grande halfeline et plus une enfant, mais j'ai quand même la gorge serrée et le nez qui renifle un peu. Je sais pas si je suis triste parce que si on a pas assez de public on va encore devoir se serrer la ceinture pendant des semaines voire des mois, ou si c'est parce que j'ai un peu ma fierté blessée face au désintérêt complet des gens pour ma petite personne. J'aime bien qu'on ne me connaisse pas dans les villes, qu'on se moque pas tout le temps de mon ventre, mais être une parfaite inconnue c'est dur aussi. Je préfèrerais être quelqu'un d'autre, une halfeline plus courageuse, pleine de gloire sur laquelle on écrirait des histoires, pour laquelle on s'arrêterait dans la rue afin d'avoir la chance discuter avec.

Je serre les poings, et je me reprend. Assmus il aura forcément mieux réussi que moi auprès des paysans, et puis même si les gens que j'ai alpagué étaient pas intéressés, ça restait qu'une petite partie de tous les gens qui vivaient dans la cité. Si le premier soir il n'y a que les paysans qui viennent mais que le lendemain, quand ils revendent leurs produits, ils discutent avec les autres humains pour leur raconter comment leur soirée au cirque était géniale, les autres viendront à leur tour. Oui, c'était évident : les gens de cette ville ils sont très occupés, ils ont peut-être déjà vu d'autres cirques avant qui étaient nuls, alors ils ont des préjugés sur la qualité du nôtre : mais quand la chanson va commencer à vraiment se propager que les Bonchardon c'est les meilleurs, ça va s'améliorer et les attirer. Tant pis, je m'excuserais auprès de tonton pour avoir mal fait mon travail, et je donnerais deux fois plus de mon énergie lors de mon numéro pour que ça soit vraiment impressionnant. Peut-être même que je mettrais la cage en feu - si ça, ça n'attire pas les gens, je sais pas ce qu'il leur faut ! Bon, peut-être je le ferais pas pour de vrai, mais je pourrais c'est sur.

J'abandonne donc ma mission officielle pour le cirque avant que les menaces qu'on m'adresse ne se transforment en actes, et décide de me consacrer plutôt à mes loisirs. Feuille de tabac en bouche et main serrée sur ma patte de taupe porte-bonheur à travers ma cotte, je me met à déambuler dans les rues de la cage. Je sais déjà un peu ce que je cherche, c'est à dire les maisons des gens qui tiennent le haut du pavé, donc j'ai pas trop de mal à me repérer juste en regardant comment sont construites les habitations autour de moi. Les petites maisons ne m'intéressent pas : déjà parce qu'il n'y a souvent pas beaucoup de trésors à l'intérieur, mais aussi parce que, n'étant composées que d'une seule pièce, il est très difficile de s'y introduire discrètement. Aussi, je m'arrête net quand apparait devant moi un grand manoir aux murs en bon état, avec un étage et des jardins. Une première cible particulièrement prometteuse : la rue est plutôt calme, le manoir a plein de fenêtres par lesquelles entrer, et s'il y a bien une niche, nulle trace de cabot à l'horizon.

Alors que je fais tranquillement le tour du manoir pour évaluer son intérêt, je remarque une femme à l'apparence vraiment atypique qui attend sur ma droite, en train de jouer avec une pistole. Je vois bien ses regards en coin en direction du bâtiment qui m'intéresse, et sa façon de jeter sa pièce en l'air et de la réceptionner me font penser au jargon des voleurs : mais avec ma mauvaise mémoire plus moyen de me rappeler ce qu'elle veut dire.

Normalement, voilà ce que j'aurais fait. Je me serais installée à côté d'elle, et puis j'aurais pris une de mes pistoles, et j'aurais fait comme elle, à jeter la pièce à ses côtés. Là elle m'aurait dit "Mais qu'est-ce que vous faites ?" avec un air un peu surpris un peu agacé, et moi j'aurais été très mystérieuse, et j'aurais répondu de manière énigmatique "et vous, qu'est ce que vous faites ?". Elle aurait été un peu estomaquée de ma répartie et de ma confiance, et du coup j'aurais rattrapé la pièce au vol avant de lui dire "On me surnomme La Pie, mais mes amis m'appellent Susi. J'ai entendu cliqueter les dés du Chat, alors je suis venue jouer", et ça l'aurait trop impressionnée.

Mais c'est pas exactement ce qu'il s'est passé. C'est possible que mon enthousiasme ait pris le dessus sur mes réflexions. C'est envisageable que je me sois un peu laissée emporter. Juste un peu.

- Ouah vous êtes tellement jolie ! C'est la première fois que je vois une humaine comme vous - vous êtes bien humaine hein, pas elfique ? Avec le capuchon, on voit pas bien vos oreilles, alors... oui non vous êtes une humaine c'est sur. Vos nattes sont sublimes, j'aimerais trop avoir les mêmes ! Mais comment ça se fait que votre peau soit noire ? C'est pas le soleil je pense, alors c'est parce que vos ancêtres ils venaient pas du Bord-Du-Monde comme les autres humains c'est ça ? Il faut vraiment que vous veniez au cirque Bonchardon ce soir, déjà parce que ma famille fait des numéros qui ne pourront que vous amuser et vous détendre - et vous avez besoin de vous détendre c'est pas vrai ? - mais aussi parce que papy Beauconteur il sera trop impressionné de vous rencontrer ! Il connait des tas de choses sur tous les vivants du monde, mais il m'a jamais parlé d'humaines qui pouvaient avoir votre couleur et votre beauté, alors c'est sur qu'il va être bouché bée pendant au moins une minute entière si vous venez ! Ah, pardon, zut, attendez...

J'ai totalement oublié le code. Comment est-ce qu'on fait encore... ah, oui. Après une courte pause, je continue de l'abreuver de questions passionnantes mais cette fois je n'oublie pas de bouger mes mains pour faire passer le message codé en même temps. Alors, d'abord les deux mains tendues et je joins les bouts des doigts pour faire un toit de maison, ensuite un regard en coin vers le manoir, et pour finir avec la main droite je fais un espèce de chat avec mes doigts, puis je tape sur le plat de mon autre main avec. Grossièrement si je ne me suis pas trompée, ça permet de demander si le manoir est déjà réservé à Ranald. Je conclus avec une seconde question, espacée de la première, en faisant deux crochets avec mes mains avant de les rejoindre pour qu'elles se serrent l'une l'autre : une manière simple de demander à la suite de la première question si une association est possible.

- ... et vos bracelets ils sont vraiment en or ? Je peux les voir ? Moi je n'ai qu'une seule boucle d'oreille mais je la trouve très jolie : et en même temps si j'en mettais douze comme vous, peut-être que ma tête pencherait un peu sur la droite à cause du poids : ça serait pas moche, mais ça ferait un peu comme les chiens quand ils comprennent pas et qu'ils tournent leur tête sur le côté. Et votre maquillage, c'est incroyable les motifs que vous arrivez à faire ! Si je vous donne du tabac, vous pourrez m'apprendre à faire pareil ? Une fois Rimi et Assmus ils ont proposé de me maquiller pour me rendre plus jolie, mais en fait ils m'ont juste déguisée en bouffonne pour faire rire la famille, et il a fallu que je me lave trois fois à l'eau du Reik pour que ça parte - mais faut bien avouer que l'eau du Reik ça vous salit plus que ça vous nettoie. Enfin bref, euh...

J'en étais où ?

- Ah, j'ai oublié, je m'appelle Susi ! Maintenant qu'on se connait, ça vous dit qu'on dine ensemble avec mon chat ?

Voilà, je pouvais pas être plus claire. Enfin je crois. Le Chat c'est bien l'animal de Ranald non ? Ou c'est la Belette ? Je sais plus.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 31 mars 2021, 16:05, modifié 1 fois.
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Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
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"Avec Susi, y a pas de souci !"

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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Alpaguée de nulle part par une jeune fille en pleine rue, alors qu’elle était en train de surveiller une maison avec des pensées probablement fort illégales, la première réaction physique de la dame à la peau mate fut assez logique : La frousse. Elle écarquilla des yeux, eut un tout petit mouvement de recul, et regarda à toute vitesse par-dessus son épaule pour observer le reste de la rue, peut-être à la recherche d’un quelconque veilleur qui passerait avec sa matraque.
Mais cette peur instinctive ne dura pas plus de quelques secondes. Loin de s’enfuir, elle se retrouvait, un peu forcée il fallait l’avouer, à écouter la Halfeline qui se répandait en discours complètement décousus. La grande dame se mit alors à sourire, et à retenir un petit gloussement, un amusement qui se dissipa lorsque Susi se mit à reproduire quelques gestes qu’elle avait appris auprès de comparses éphémères au sein de l’Empire…

Après au moins trois bonnes minutes à parler toute seule, la grande dame se mit finalement à rire pour de vrai. Et elle répondit, avec une espèce d’accent que Susi était bien incapable de rattacher à une quelconque province ; elle roulait ses «  r », et marquait une intonation au milieu des mots, alors même qu’elle s’exprimait dans un reikspiel tout à fait compréhensible.

« Ma parole, mais ça en fait des mots qui sortent d’une petite bouche ! Toi, tu es une… nsf rajul.
Tu n’as jamais vu une dame comme moi, hé bien, moi je n’ai jamais vu une dame comme toi, comme ça on est quittes. »


Elle tendit sa main ; elle avait de jolis doigts longs, qui, de façon étonnante, étaient recouverts de marques noires, des motifs qui dessinaient des traits et une fleur — on aurait dit un tatouage, mais plutôt en surface, peut-être des dessins qui n’étaient pas permanents.
Il y eut alors le moment gênant de savoir si elle souhaitait un baise-main, ou qu’on la serre, ou autre chose ; toujours compliqué à savoir avec les humains, tellement ils ont de codes selon qui ils sont et où ils vivent. Mais en fait, Susi comprit au dernier moment qu’elle présentait sa main gauche, et non la droite. Pour une raison étrange, tout ce qui est droitier est toujours plus juste et courtois. Alors, les deux femmes croisèrent en même temps le doigt l’un sur l’autre, et se saluèrent ainsi comme amies de Ranald.

« Mon nom est…
Mon vrai nom c’est Sirrah ul-Faras bint Zaniab al-Ahdal. Tu n’arriveras pas à prononcer tout ça, alors appelle-moi juste Sirrah.
C’est pour dire « nombril de poulain », si tu veux tout savoir. »


C’était un prénom rigolo, et au final pas si différent des Impériaux qui cachaient des significations toutes compliquées en un seul nom qu’ils portaient fièrement toutes leurs vies. Et il est vrai que si Susi aurait bien de la peine à prononcer à nouveau tout le nom complet de la jeune femme, au moins, « Sirrah » ça coulait très bien sur sa langue. Ça venait presque tout seul. Si-rat. Si-rrraa-ha en tentant de le dire avec son accent.

La dame fit un pas en avant, et posa ses mains tatouées sur ses hanches. Elle regarda le manoir que Susi avait observé de long en large, à la recherche d’entrées accessibles, et d’angles-morts qui seraient bien aisés pour un cambriolage. Ça avait l’air riche, et en même temps, ce n’était pas un fort, avec plein de tours de gardes et de courtines, et les sentinelles vigilantes qui vont avec. Juste une grosse maison, avec un gros jardin. Le genre de cible bien alléchante. Peu étonnant que d’autres voleurs soient sur le coup.

« Tu es toute charmante. Mais je ne sais pas s’il est vraiment bon de sortir ensembles… Enfin, on peut bien faire connaissance autour d’un casse-croûte ailleurs. »

Et pour bien signifier ce qu’elle sous-entendait par sa volonté de s’éloigner, elle tourna ses sombres pupilles au bord de ses yeux — son regard se dirigea vers la femme en train d’étendre les draps mouillés sur les cordes à linge, et qui à présent, observait les deux étranges bonnes femmes. Une Halfeline et une dame toute noire, voilà qui était fort remarquable dans une foule, et elle risquait bien de se demander ce que ces deux-là pouvaient bien avoir à faire à guetter la demeure de son maître…

« Si tu as très faim, je connais un endroit plutôt bon et pas trop cher ! »



Sirrah s’éloigna nonchalamment de la ruelle. Les deux voleuses traversèrent un petit ponton pour piétons en bois, jeté au-dessus de l’eau qui servait à la salubrité de Baerenthal. Elles arrivaient dans un lieu bien moins desservi, mais pas pour autant déplorable — ce n’était pas un immense cloaque plein de gens pauvres, comme dans les quartiers délabrés d’Altdorf. Ici, c’était plus… Abandonné. Il y avait des manoirs très jolis, mais contrairement à celui que Susi avait zieuté, ceux-là avaient leurs fenêtres placardées de planches, les tuiles ocres arrachées, les décorations en or ou en argent limées par des pillards venus rapiner il y a fort longtemps. Il y avait bien des gens qui semblaient vivre ici, mais c’était dans des petites maisons en terre et en torchis reconstruites avec des étables et des potagers partout où on avait arraché le pavage du sol.
On aurait dit une campagne paysanne, mais en plein milieu des murs.

À présent certaine de ne pas tomber sur l’oreille trop distraite d’un quelconque passant, Sirrah se mit à s’expliquer un petit peu sur la maison que Susi avait repérée.

« La maison que je regardais, elle appartient à un prêtre de Sigmar. Il y en a un certain nombre à Baerenthal, ils vivent richement, beaucoup de terres.
J’ignore à quel point tu crains la colère du Dieu au Marteau, mais moi je sais que ce prêtre m’a fait du tort. Il m’a volé quelque chose auquel je tiens beaucoup, et je compte le récupérer. »


Elle se dirigea dans une ruelle soudain beaucoup plus grande, mais aussi complètement terreuse — il était heureux qu’il n’y eut pas d’averse récente, autrement, le sol devait se transformer en gadoue bien épaisse. C’était assez étrange, croiser autant de terre dans une ville, assez perturbant, mais les yeux de Susi repéraient quand même qu’il y avait nombre de passages à exploiter pour la voleuse qu’elle était : des tonneaux laissés sans surveillance, un trou dans une grange basse trop exigu pour les grosses fesses d’un sergent d’armes, une colonne accidentée qu’elle pourrait escalader sans aucune peine… Plein d’endroits où elle pourrait aisément s’enfuir ou virevolter comme elle le souhaitait.

Sirrah continuait en même temps son exposé.

« Je voyage à travers le monde avec ma maman. Ma maman est une diseuse de bonne aventure — les hommes vont la voir pour qu’elle leur prédise leur avenir dans les étoiles, c’est un talent qu’elle a, et beaucoup de gens ont un grand besoin de savoir qu’est-ce qui les attend.
Mais ce prêtre, il y a trois jours, il a débarqué dans la tente de ma mère. Il l’a accusée de faire de la mauvaise magie, et de prier des Dieux malins. Il était tout seul, mais tu as déjà vu des prêtres de Sigmar je suis sûre : ils sont souvent tout grands et costauds. Il lui a arraché quelque chose des mains, et il est parti avec. Je sais qu’il la cache chez lui, pas dans le Temple, rien que ça c’est bizarre.
Et tu te doutes bien que face à un prêtre, on peut pas juste porter plainte devant le margrave. Ça se fait pas avec des gens comme ça. Ma peau noire tu la trouves peut-être très jolie, elle a tendance à fasciner, mais elle peut aussi beaucoup inquiéter les gens… »


Tout en parlant, elle s’était dirigée jusqu’à un petit attroupement de paysans assis. En plein air, sous un épais porche en bois recouvert d’une banne bleue, une sorte de comptoir vernis servait à des messieurs pour manger tout en étant accoudés. Derrière, un cuisinier, un gros bonhomme joufflu, entretenait le feu d’un four en pierre. À l’aide d’une planche, une dame aussi grassouillette que lui étalait de la pâte pour former des petits disques, qu’elle glissait au fond de la fournaise.
C’était un vendeur de galettes, qui offrait de quoi bien se nourrir. Sirrah alla s’installer à une table un peu éloignée du comptoir — elle épargna à Susi de devoir grimper sur une de ces chaises hautes, ce qui lui aurait probablement fait écoper de quelques remarques déplacées et à peine amusantes de la part des mangeurs.
D’ailleurs, les deux attiraient déjà des regards sur elles.

« Bon, ici, c’est déjà un peu plus calme pour discuter… Et puis, c’est quand même plus agréable de faire connaissance en mangeant, pas vrai ?
Mes marques sur mon visage ça serait très compliqué et sans doute un peu ennuyant à t’expliquer — c’est des usages qui viennent du pays de mes ancêtres, c’est plein de règles à suivre… Mais les dessins que j’ai sur les mains, c’est de l’henné, c’est juste pour faire joli. Je pourrais te faire les mêmes, si tu voulais. Mais pas en échange de tabac ; ça donne très mauvaise haleine, je n’aime pas beaucoup ça… »


Elle lui fit un petit sourire, tandis que la grosse dame aux galettes préparait une nouvelle fournée pour les clients.

« Tu viens juste d’arriver ici à Baerenthal ? Oui, tu viens juste d’arriver, moi ça fait seulement une semaine que je suis ici mais j’aurais remarqué une toute petite dame comme toi, surtout que tu n’es pas très discrète — sans vouloir vexer, moi je te trouve drôle, mais je connais des gens qui s’énerveraient très vite qu’on les aborde comme ça.
Ici c’est une ville plutôt peuplée, et y a bien des marchands, et des gens qui se rencontrent de plusieurs coins… Mais y a aussi beaucoup de paysans, et les paysans ils sont plus attachés aux hommes qu’ils connaissent qu’aux hommes qu’ils découvrent.
Assez bizarre, comme endroit. »

Jet de charisme de Susi : 3, réussite large, Sirrah est séduite par la Halfeline

Jet de connaissances générales (INT) : 11, échec de 3 ; tu n’as vraiment pas grand-chose à dire sur Baerenthal et le Westenmark. Tu sais juste que les Aînés du cirque Bonchardon voulaient traverser les montagnes parce qu’ils pensaient qu’il y aurait de l’argent à se faire. C’est un territoire colonisé par les Impériaux du Reikland, une tache d’huile où des gens pauvres des villes ont pu fonder des villages y a plusieurs générations. Tu connais bien les Reiklander, mais tu sais pas en quoi les Westenmarker sont un peu différents ; s'ils le sont, car pour le moment rien ne t'a trop dépaysé dans les costumes ou les têtes des nombreux habitants que t'as croisé.

Jet d’observation (INT+INI) : 13, échec de 5. Tu remarques rien que tu n’aies déjà remarqué chez Sirrah — elle est jolie, ses cheveux ils sont tout frisés et elle a plein d’or sur les bras. Rien que ça ça suffit déjà à en parler pendant dix minutes, comme tu l’as déjà fait dans la ruelle.


La bouffe coûte un sou pour une galette complète, deux pour avoir le pichet de vin avec. Du vin, et pas de la cervoise.
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

J'ai de la chance : l'étrangère est bien plus gentille que les habitants de Baerenthal avec qui j'ai essayé de discuter jusque là. Elle ne m'ignore pas, ne me menace pas, et n'essaie pas de s'enfuir. Au contraire, elle m'écoute, elle me sourit, elle rigole, même si elle a semblé un peu surprise de me voir utiliser le jargon des voleurs. C'est évident qu'elle est très impressionnée : elle me complimente pour mon débit de parole, me dit que je suis assurément unique, et aussi que je suis très charmante. C'est surement grâce à mon charisme naturel qu'elle a choisi de me faire confiance : on a croisé les doigts pour se reconnaître comme sœurs de Ranald, ce qui signifie qu'on peut se fier l'une à l'autre. Je peux pas m'empêcher de sourire bêtement : je suis trop contente d'avoir une nouvelle amie, et encore plus une amie aussi exotique. C'est dur de l'écouter quand elle me parle : alors même que j'ai très envie d'entendre les réponses à mes questions, je peux pas m'empêcher de vouloir poser encore plus de questions. Où est son pays natal, pourquoi elle est venue dans l'Empire, c'est quoi les coutumes là-bas, est-ce qu'ils ont aussi des halfelins dans leurs villes,...

Elle s'appelle Sirrah. Quand elle m'explique que ça veut dire "nombril de poulain" je peux pas m'empêcher d'éclater de rire. C'est un nom trop bizarre. Mais vu que c'est peut-être un peu malpoli de me moquer, je me sens obligée d'égaliser la situation :

- Moi, Susi ça veut rien dire, mais ma famille me surnomme Tristepanse, parce que je suis maigrichonne. C'est moins rigolo que Nombril de poulain.

Voilà, comme ça elle sera pas fâchée. J'esquisse une petite moue pour signifier que je n'aime pas beaucoup ce surnom mais que je m'y suis habituée, et puis on change de sujet. C'est là que le jargon des voleurs pose problème : Sirrah prend littéralement ma proposition de diner. "Diner avec le chat" dans le Reikland ça veut dire que on pouvait peut-être tenter notre chance ensemble dans un chapardage commun. Du coup je sais pas si elle a compris mon code ou pas, mais j'ose pas vraiment expliciter les choses : le jargon des voleurs c'est comme les blagues, quand on doit l'expliquer c'est tout de suite très gênant. J'hésite quand même un peu à décliner son invitation : j'ai dit à la famille que je venais pour faire de la publicité au cirque et j'ai déjà un peu perdu de temps en faisant mes premiers repérages. Mais tout bien considéré, aucun Bonchardon n'ira disputer Tristepanse parce qu'elle a pris le temps de faire bonne chère sur la route, alors je hausse les épaules et je trottine à ses côtés.

Elle m'emmène dans un quartier un peu plus populaire. C'est bizarre, parce qu'on est dans les murs de Baerenthal et il y a plein de jolis manoirs en pierre un peu partout, mais ceux-là sont vides et un peu délabrés, et c'est dans des petites maisons biscornues en terre et en torchis que les gens ont choisi de vivre. C'est une drôle d'idée de casser et de laisser en ruines les jolies choses pour préférer en construire des moches où vivre, mais vu que je vis sur la route, c'est sur que je peux pas comprendre. C'est comme ça, il y a des choses que les humains font qui sont bizarres, faut pas toujours chercher à tout appréhender quand ça nous dépasse - et des choses qui dépassent une halfeline il y en a beaucoup.

En tout cas, par ici Sirrah est davantage à l'aise pour discuter : elle m'explique un peu plus pourquoi le manoir que j'avais repéré l'intéressait aussi. Quand elle parle de son propriétaire sigmarite avec qui elle a maille à partir, je marque un petit temps d'arrêt à cause de la surprise. Par réflexe, je saisis immédiatement ma patte de taupe à travers mes habits : je peux pas la sortir en public, si trop de gens la voit elle va perdre de son pouvoir, alors je me contente de serrer très fort à travers ma cotte et ma chemise.
Voler des prêtres c'est dangereux. Ils peuvent invoquer la colère des dieux et maudire les gens. Après on attrape la poisse pour toujours, et notre vie devient très malheureuse : il faut vraiment faire attention. Je déglutis un peu et j'évite de répondre : parce que j'ai plus très envie de jouer les monte-en-l'air dans ce manoir-là maintenant, il y a surement d'autres maisons moins dangereuses. Sigmar, dans le Reikland on avait plus que son nom à la bouche, et même s'il y mille ans c'était un héros, aujourd'hui il me fait un peu peur, surtout les gens qui prononcent son nom parce qu'ils sont souvent zélés.

Mais Sirrah continue de m'expliquer, et je suis un peu rassurée : le prêtre en question a l'air d'être un bige qui mérite qu'on lui joue un air. Il a été méchant avec Nombril de jument (c'est la maman du poulain, donc c'est logiquement comme ça qu'elle s'appelle), il l'a accusée de vilaines choses, et lui a pris quelque chose qu'elle aimait beaucoup au nom de Sigmar mais apparemment il l'a surtout pris pour lui. Si c'est un méchant prêtre c'est pas pareil qu'un gentil. Dans le Reikland ils disent que la bonne enclume ne craint pas le marteau : ça veut dire que seuls les prêtres dévots sont protégés des problèmes.

C'est l'ennui avec les humains et la religion. Les dieux, ils existent on le sait, mais on sait pas trop ce qu'ils veulent en vrai. C'est les humains qui écrivent plein de livres à leur sujet, qui interprètent leurs désirs, qui demandent à ce qu'on fasse ça ou ça pour leur faire plaisir, qui établissent des tas de règles compliquées pour être un bon fidèle. Les prêtres c'est des gens super importants dans leurs sociétés, que tout le monde écoute : et des fois, ces gens-là ils profitent de l'influence qu'ils ont pour faire des vilaines choses au nom de leur divinité alors qu'en fait c'est en leur nom à eux. L'habit fait pas le moine, c'est sûr.
Les humains n'aiment pas beaucoup le chapardage. C'est pour ça qu'ils construisent des maisons : au début c'est pour avoir un toit sur la tête et des murs pour se protéger du froid la nuit, mais quand ils commencent à avoir plein de choses, au lieu de les partager, ils préfèrent tout entasser dans leur maison alors que ça leur sert souvent à rien. Ils ont plein de jolies choses que personne peut voir et qu'ils donneront jamais à personne, des habits qu'ils mettent plus, des denrées qu'ils consommeront même pas tellement il y en a trop. Ce prêtre-là il a volé quelque chose à une dame qui voyage sur les routes, pour l'enfermer chez lui et la garder rien que pour lui. Sigmar, c'était un grand héros qui tuait de vilains peaux-vertes par paquets de douze, pas un monsieur qui abusait de sa force pour embêter les diseuses de bonne aventure en leur volant leurs affaires pour les entasser ensuite dans son château.

Alors que je réfléchis à tout ça en tripotant ma patte de taupe, Sirrah nous guide à travers des rues en terre à l'agencement un peu chaotique, pleines de cachettes et de petits chemins discrets. C'est évident que l'endroit est un repère pour les frères et sœurs de Ranald, alors dans mon dos avec mon autre main je croise les doigts pour demander au Dieu Rôdeur de bien m'accueillir. On s'installe à une table devant le magasin d'un vendeur de galettes : ça sent rudement bon devant son porche, et alors même que j'avais pas faim l'odeur suffit à éveiller mon appétit. Quand on voyage avec le cirque, on a pas de four pour faire du pain, on cuisine surtout avec nos casseroles et de l'eau bouillie : alors le fumet de la pâte qui cuit ça a de quoi me faire saliver.

- Je vais prendre une galette, mais faudra m'aider à la finir Sirrah ! Et puis pour une nouvelle amie, je peux bien lever un peu la corne : va pour un pichet aussi !

Pas mal de gens nous regardent. C'est surement parce qu'on est trop belles et mystérieuses, alors je prend mon meilleur profil pour être la plus impressionnante possible. C'est bien qu'ils soient curieux, comme ça quand j'ai fini mon repas je peux tous les alpaguer pour leur dire de venir au cirque ce soir : avec un peu de chance les gens qui vivent sur la terre seront plus gentils que ceux du pavé. Néanmoins, sitôt le repas devant moi j'en oublie ma posture et me rue dessus.

- F'est fûr, f'est touyours mieux d'appfendfe à fe connaitfe autou' d'un bon fepas ! lui rétorquai-je la bouche incroyablement pleine de galette, en laissant échapper moultes miettes sur le sol.

Après quelques gorgées de vin pour faire descendre le tout et un soupir de contentement, je lui attrape les mains qu'elle me tend pour pouvoir regarder de près ce qu'elle appelle du henné, avant de m'extasier :

- Ouah, c'est vraiment trop joli ! Tu pourrais vraiment m'apprendre à faire pareil ? De vrai de vrai ? J'adorerais !

Je prends une mine songeuse quand elle m'explique ne pas aimer le tabac. J'attrape ma petite gibecière, et la pose sur la table avant de l'ouvrir pour fouiller dedans. J'en ressors ma petite bouteille de lait de brebis que je met sur la table :

- Le hénné c'est une spécialité de ton peuple, alors c'est normal que je te l'échange contre une spécialité du mien ! Ca c'est un lait fermenté de brebis mélangé à des ingrédients dont ma famille a le secret. Papy Bonchardon m'a dit que notre ancêtre qui l'a inventé ne savait pas que la femelle du mouton s'appelait la brebis, alors il l'a appelé le Lait de Mouton, mais avec le temps on l'a renommé "Lait du Moute". Il y a que nous qui le faisons, et quelques autres familles de halfelins à qui on a partagé le secret : c'est délicieux, et puis c'est très bon pour tes reflexes et ta coordination : par contre ça monte vite à la tête, encore plus que le vin, alors faut pas tout boire d'un coup - une fois ma cousine Poppy elle s'en est descendue trois flacons, on l'a retrouvée dans un champ à brouter de l'herbe en bêlant. Enfin c'est pas dangereux hein, promis ! Et puis même si tu me fais pas les dessins, c'est un cadeau, alors prend-la !

Je lui fait un grand sourire pendant que je met le flacon dans ses mains, puis je reprend une grande bouchée de galette.

- F'est toi qui est pas difcrète d'abord, répondis-je à son allégation me concernant avant de déglutir. Debout à rien faire dans une allée, je t'ai tout de suite repérée ! Alors que moi, ça fait deux heures que j'essaie de parler à tout le monde dans la ville et les habitants font tous comme s'ils me voyaient pas - t'es une exception parce que t'es pas de cette ville toi. Un halfelin qui parle pas, c'est ça qui ferait vraiment peur à tout le monde, si tu veux mon avis.

Je suis fière de moi : c'est très intelligent ce que j'ai dit là, je suis sure qu'elle est impressionnée.

- Je viens d'arriver oui, avec toute ma famille ! On est en train d'installer notre cirque à l'extérieur des murs : il faudra que tu viennes, nos tours sont vraiment rigolos ! Et invite ta maman, elle est la bienvenue aussi, je suis sure que on la fera assez rire pour qu'elle oublie d'être triste à cause de ce qu'on lui a volé. J'étais en ville pour faire la rabatteuse mais... je suis nulle. Les gens ici ont pas l'air motivés pour venir s'amuser chez nous, c'est comme tu dis, ils semblent préférer leur quotidien à la découverte des choses nouvelles qu'on peut proposer.

Alors que je bois de nouvelles gorgées de vin, l'alcool m'aide à faire germer une idée. Je prend une mine de complotrice et me penche vers elle pour chuchoter :

- Tu crois que tu pourrais m'aider à faire la publicité ? Même si les gens n'aiment pas beaucoup ta couleur de peau, en une semaine tu as du avoir le temps de te faire des connaissances qui pourraient faire courir la chanson dans toute la cage non ? Et moi en échange je t'aiderais à reprendre ce que le méchant homme a pris à ta maman : je suis une bonne petite chapardeuse, je suis sure que je pourrais être très utile !

Tout en parlant, je me rend compte qu'il me manque une information. Du coup, je fronce un peu les sourcils parce que ça m'inquiète un peu :

- Par contre, c'est bizarre, tu n'as pas dit ce que c'était, cet objet si important. C'est un secret ?
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 31 mars 2021, 16:05, modifié 1 fois.
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Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

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États temporaires :
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Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
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"Avec Susi, y a pas de souci !"

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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sirrah reçut la bouteille avec un grand sourire qui illuminait son visage — par la même occasion, Susi put noter à quel point la dame avait des dents plutôt blanches, bien propres et brossées, fait assez rare pour être remarqué. La dame ouvrit le petit bouchon de la bouteille, renifla, et l’odeur dût un peu lui monter au crâne, car elle referma très vite le tout.

« Hé bien, je n’ai jamais rien bu de tel, mais merci beaucoup, ça me fait plaisir. »

Elle approuva d’un hochement de tête. Et puis, elle reposa le contenant pour elle aussi s’atteler à manger sa galette que la femme du cuisinier leur avait apportée sur un plateau.
À l’accusation retournée de ne pas être discrète, Sirrah parut pensive. Ricana un peu, et sembla approuver d’un hochement de tête.

« Oui, tu dois avoir raison. Je suis pas habituée à voir des nsf rajul, j’en connais aucun en fait, ça doit influencer ma vision des choses. »

Le mot qu’elle disait nonchalamment avec son accent au lieu de dire halfelin comme tout le monde était strictement impossible à répéter. Pas un arrêt, pas une pause dessus alors qu’elle enchaînait les syllabes. Ça lui venait naturellement, comme si elle n’avait jamais entendu ce terme, halfelin.

Comme Susi, Sirrah tenta de parler la bouche pleine. Mais après avoir postillonné deux miettes de galette, elle décida de poliment déglutir en posant une main contre sa gorge, avant de formuler une réponse à tout le flot de paroles qui était sorti de la bouche de la jeune fille.

« Ce que le prêtre a volé, c’est une lampe. »

Elle devait pas en dire assez. Et elle dut également noter une forme d’incompréhension dans le regard de la halfeline, à moins que ce soit elle qui se l’imagine seulement ; car en tout cas, elle reprit ses explications.

« Genre… Une lampe à huile. Dorée. Pour faire de la lumière la nuit.
Ça peut paraître bête, d’être si violent pour si peu… Mais ma mère y tient vraiment beaucoup. Elle avait l’air effondrée quand on la lui a prise. Je lui ai promis de faire ce que je pouvais pour la reprendre en retour, et j’ai demandé à l’aide de Ranald, histoire de lui donner un petit quelque chose s’il m’aide.
Je crois pas que ma maman l’ait bien pris. Elle aime pas quand je prie les Dieux de papa. »


Elle réfléchit un instant à la proposition de Susi. Pianota sur la table. Puis, soudain, approuva d’un hochement de tête.

« Je… Je connais peut-être quelqu’un à Baerenthal, oui… Oh, je mens, c’est pas moi en fait, c’est ma mère — elle a pu dire l’aventure à quelques personnes, des marchands du coin, des gens avec des sous dans les fouilles.
C’est pas grand-chose comparé à ce que je te ferais risquer, je veux dire, entrer dans la maison d’un prêtre de Sigmar c’est beaucoup ! Même si bon, d’après ce que j’ai vu il a pas de sbires avec lui. Juste un gros molosse qui fait peur et qui le suit partout. Et puis une dame qui fait le ménage chez lui qui vit avec son fils de seize ans dans son manoir. C’est à peu près tout ce que j’ai remarqué.
Je pensais m’en occuper toute seule. Mais si tu me files un coup de main, ça peux m’être très utile. C’est toujours utile d’avoir quelqu’un qui surveille tes fesses, des fois où des gardes rappliquent. »


Elle sourit un peu. Les deux filles continuaient de manger leur galette, même si Susi ne parvenait pas à terminer la sienne, et que Sirrah objectait à achever celle de sa compagne — elles décidèrent d’emporter les restes avec elles, et de les jeter au-dessus de la barrière délimitant l’enclos de porcs vautrés dans la boue. Les cochons se mirent à grouiner de plaisir en se ruant sur la délicieuse bouffe.

« Pour ce soir on peut rien faire, et j’ai envie d’observer si le prêtre il est du genre casanier la nuit, ou s’il y a beaucoup de sentinelles qui font des rondes…
…Mais avant qu’on se sépare, je vais te rembourser la bouteille ! Maman vit pas trop loin, tu me suis ? »


Sirrah n’avait pas menti : cette fois, elle n’entraîna pas Susi à travers toute la ville. C’est à a peine trois minutes à pied du vendeur ambulant de galettes qu’elle attirait la Halfeline. Elles passèrent devant des restes de colonnades arrachées et couvertes de mousse — on aurait dit que c’était des armes qui avaient terrassé ce qui devait être une jolie promenade à une époque. Sûrement cette grande guerre où Nains et Elfes s’étaient entre-tués. Sirrah escalada un parapet, et, comme une funambule, mit un pied devant l’autre avec les bras écartés pour se tenir en équilibre. Elle sautilla derrière, et, elle gagnait ainsi un raccourci pour rejoindre un terrain vague devant des chaumières. Il y avait là une grosse charrette, avec un magnifique cheval tout blanc et élancé qui broutait de l’herbe. Il ne parut pas craintif alors que Sirrah s’approchait et lui caressait le museau.

« Tu peux lui donner une carotte si tu veux. »

Et elle désigna une caisse posée devant une grande tente à la toile jaune.
C’était un très beau cheval. Étonnamment élancé. Un cheval, ça a déjà un garrot élevé, celui-là était vraiment géant — il atteignait Sirrah à sa gorge, autant dire que la tête de Susi atteignait à peine son ventre… Mais il paraissait pourtant plutôt tranquille et bien peu méfiant.
La femme noire tira un battant de la tente, et la Halfeline put rentrer.

C’était une grande tente, avec une armature faite de fins poteaux de bois creusés dans le sol. Et il y avait, en dessous, tout un tas de quincaillerie partout où elle posait ses yeux. Des tables, des flacons, un divan confortable, une paillasse au sol, un tonneau roulé par terre. Une sorte de grande toile servait à séparer la tente en deux « pièces » bien petites, et Sirrah parla à présent à voix basse.

« Attends-moi ici deux secondes. »

Elle passa derrière la toile, et se mit à parler dans sa langue. Une voix lui répondit avec véhémence. Et pauvre Susi se retrouvait à attendre dans son coin pendant que deux personnes s’engueulaient juste derrière.
Mais il y avait un tas de choses fort jolies à regarder : des pinces, des bijoux, des joujous en tout genre. Plein de choses qui brillaient, qui sentaient quand elle retirait un couvercle, des pots et des jarres, des bagues et des mortiers de terre cuite.

Et puis, il y avait un miroir. Posé là, dans un coin, en bois verni. Susi l’attrapa et se regardait dedans pour vérifier qu’elle n’avait pas un morceau de viande coincé entre ses incisives.
Sirrah ne serait pas en colère qu’on lui emprunte juste un petit miroir comme ça ? Il semblait y en avoir une demi-douzaine dans cette tente…


La toile se souleva à nouveau. Susi cacha vite le miroir dans son pantalon, tandis qu’une grande femme venait en pestant dans sa langue ésotérique, avant de s’asseoir sur une chaise.
Image


Si Sirrah avait une tenue fort jolie, sa mère semblait être plus extravagante encore. Une grande robe bleue, avec des plumes d’oiseaux exotiques partout sur les épaules. Elle avait de grands cheveux frisés et noués sur sa tête, et des marques blanches sur son visage. Sa face semblait plus différente de celle de Sirrah — elle avait la peau plus foncée, et un nez un peu épais.
Mais surtout, elle avait les yeux blancs, vitreux.
Elle était aveugle. Et pourtant, elle avait trouvé le siège sur lequel s’asseoir sans aucune forme de handicap.

Sa fille apparaissait derrière avec quelque chose à la main. Elle sourit à Susi et lui indiqua un tapis par terre.

« Tu peux t’asseoir ! »

La mère grommela. Continua de parler dans sa langue. Et finalement, commença à grogner quelques mots d’un reikspiel hésitant.

« Toujours nouveaux amis à Sirrah… Toujours nouveaux amis… Quels embêtements tu vas amener, toi ?
Où es-tu ? »


Sirrah se posa les fesses au sol. Elle ouvrit la petite sacoche qu’elle avait sous le bras, et dévoila une plume aiguisée.

« Qu’est-ce que tu préfères avoir comme tatouage ? Tu aimes les miens ? Je peux te faire des fleurs, ou un oiseau, je sais faire les oiseaux, c’est joli aussi…
– On vient chez moi et on se présente pas ?! Tais-toi donc Sirrah !
Dis-moi ton nom, et approche donc. »


La maman attira sa main, et tenta d’attraper Susi. Mais sa main chassa juste le vide.
Et là, elle fronça des sourcils, l’air embêtée.

« Pourquoi…
Pourquoi je ne te vois pas… ? »

Lait du Moot et 2 sous de cuivre retirés de l’inventaire.

Jet de charisme (Réussite précédente : +2. Cadeau : +3) : 5, très large réussite, tu vas convaincre Sirrah sans trop de problèmes.

Jet d’intuition : 19, échec naturel. Pas de moyen pour moi de te filer des tips gratuits.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

Je suis contente, Sirrah a bien aimé mon cadeau. J'espère qu'elle le digèrera mieux que l'oncle Drido - lui quand il en boit son estomac fait plein de gargouillis et ensuite il produit une multitude de petits pets sans discontinuer pendant des heures.

- Tu connais pas d'autre halfelin que moi ? Bah ça alors, on n'existe pas dans ton pays natal ? Ca doit vraiment pas faire longtemps que t'es arrivée dans l'Empire en tout cas, parce qu'on est très nombreux ici ! C'est vrai qu'on a pas de ville ou de village comme les humains, mais dans ces derniers il y a toujours une poignée des miens, et sur les routes c'est tout mon peuple qui vit sa meilleure vie de nomade !

Ca me rappelle ce que m'a dit Assmus quelques jours plus tôt, quand on découvrait les premiers paysages du Westenmark, mais aussi la mélancolie que j'avais ressentie alors. Cependant j'ai pas le temps pour faire la moue, alors je continue de bavarder avec ma nouvelle amie, surtout qu'elle raconte plein de choses très intéressantes.

Déjà, l'objet que le méchant prêtre a pris à sa maman c'est une lampe à huile. C'est vrai que dit comme ça, c'est un peu bête de se mettre dans tous ses états pour quelque chose qu'on peut surement retrouver dans le premier bazar venu. Mais en y réfléchissant je sais que moi aussi ça m'embêterait qu'on me prenne certaines affaires. Mes vêtements, ou mon tabac, ou mes outils, c'est pas très grave, c'est juste des choses. Mais ma patte de taupe, ça rendrait Ranald très fâché si on me la dérobait, et après j'aurais que de la malchance pour toujours, ça serait terrible. Ma boucle d'oreille aussi, j'aime bien la tripoter, la détacher et la regarder, parce qu'elle me rappelle mon premier chapardage à domicile, et c'est un souvenir très heureux qui me fait toujours beaucoup sourire.

D'ailleurs en ce moment j'y pense, et je souris.

Du coup je suis maintenant vraiment déterminée : si la maman de Sirrah ne peut plus sourire parce qu'on lui a pris sa lampe, c'est important qu'elle la récupère. Mon cerveau se met en ébullition tout seul, et je peux pas m'empêcher de réfléchir à haute voix sur la façon dont on pourra opérer :

- Entrer c'est facile : il y a plein de fenêtres à l'étage par lesquelles passer, et les murs en pierre c'est aisé à escalader. Et puis tu as du remarquer, mais je suis plutôt petite : c'est un sacré avantage pour se faufiler partout. Pour les habitants, et bien... le chien, avec un bon gros jambon on pourra l'occuper, mais je demanderais quand même à mon oncle Drido s'il a pas des astuces pour calmer les gros molosses : il a plein de patous qu'il adore, faudra que tu le rencontres il pourra te présenter Gigot, Futé, Tartelette et les autres, c'est de bonnes bêtes même si tonton est un peu gâteux avec eux. Après, la dame et son fils, le mieux c'est de faire connaissance avec eux quand ils sortent du manoir : faudra les inviter au cirque, ou à se faire lire les étoiles par ta maman, ça sera l'occasion d'en apprendre un peu plus sur eux, et peut-être sur les habitudes de leur maitre. Si le prêtre est aussi peu prud'homme que tu le décris, peut-être qu'elle non plus ne l'aime pas beaucoup, et que ça ne la dérangera pas d'ignorer d'éventuels bruits dans la nuit...

J'ai mangé la moitié de ma galette et je me sens déjà bien pleine. Du coup, je la pose sur la table et je m'essuie les miettes que mes lèvres et mes joues avec le revers de ma manche. Je parle beaucoup, alors j'ai besoin d'une nouvelle gorgée de vin pour m'humecter les lèvres.

- Mais tu as raison, inutile de mettre la flamberge au vent, on a le temps. Moi ce soir je pense me coucher tôt parce qu'on a beaucoup marché avec ma famille aujourd'hui, et j'ai les pieds en compote. Et demain c'est Festag, alors je risque de devoir travailler au cirque toute la journée, je vais pas trop pouvoir gambader en ville : je t'aiderais après, alors je compte sur toi pour bien observer tous les détails du manoir en attendant !

Puisqu'on a fini de manger et que Sirrah me propose de la suivre, je me lève rapidement et me met à trottiner derrière elle. On a jeté les restes de notre repas aux cochons, c'était amusant de les entendre couiner de contentement. Après on a fait les équilibristes sur un petit muret, et ça nous a permis d'arriver rapidement là où vit sa maman : un petit terrain vague sur lequel était installé une grosse charrette.

A la proposition de ma nouvelle amie de nourrir le gigantesque cheval blanc qui logeait là, j'ai préféré répondre timidement que non,je n'avais pas très envie pour le moment. Il a l'air gentil le canasson, il est très joli et donne envie de le caresser parce qu'il semble doux, mais il est vraiment, vraiment grand, surement même pour des standards humains. Du haut de mon petit mètre, j'ai l'impression qu'il pourrait m'écrabouiller sans même me voir, et sa bouche semble assez grande pour confondre une carotte avec mon avant-bras. J'aime pas trop les chevaux, je préfère les petits poneys, les ânes ou à la rigueur les mules. Ils sont plus petits, et aussi moins imprévisibles. Néanmoins alors qu'on passait à côté de lui, j'ai pas pu m'empêcher de jeter un œil sous son ventre. Histoire de vérifier si ma sœur de Ranald ressemblait à son nombril ou pas, même si ça me semble hautement improbable, mais en même temps quand on est un bébé on est tout fripé et bizarre alors peut-être qu'à ce moment pour sa maman ça faisait sens.

Ma curiosité assouvie, j'ai pu aller sous la toile de tente que tirait Sirrah, pour découvrir son lieu de vie. C'était plutôt grand, avec beaucoup de capharnaüm, et divisé en deux petites pièces. Elle a filé dans la deuxième pour discuter avec sa maman en me laissant toute seule dans la première. En entendant le ton de leurs voix monter, je me suis sentie un peu coupable : c'était surement ma présence la cause de leur dispute.

Si sa maman vient à ma rencontre, il faudra que je fasse bonne impression.

Forte de cette volonté de ne pas faire honte à Sirrah, j'ai vérifié rapidement mon apparence : j'ai enlevé quelques plis sur mes vêtements, ai bien rentré ma chemise dans mon pantalon, puis constatant que j'avais fait une tâche de vin sur ma pelisse je l'ai mise en boule dans ma gibecière pour pas paraître trop sale. Parmi tous les objets qui trainaient ça et là, j'ai vu de jolis bijoux : j'aurais sans doutes parue plus jolie avec ça, mais je n'étais pas certaine que sa maman serait d'accord pour que je les mette alors j'ai préféré ne toucher à rien. Par contre, je me suis ruée sur le petit miroir qui était posé dans le coin : l'occasion de vérifier que j'avais pas de morceau de mon repas coincé entre les dents, ou des miettes encore sur la joue. Le verre était tout cassé, mais le bois verni qui l'entourait était très joli. C'est pratique un miroir à main comme ça, il m'en faudra un pour...

Lorsque la maman de Sirrah surgit à ses côtés, ma réaction fut aussi rapide que spontanée :

- Ouaaaaaah !

Elle était aussi jolie que sa fille, mais pas de la même façon. Ses vêtements étaient plein de jolies couleurs chatoyantes, avec de magnifiques plumes d'oiseau, et son maquillage blanc ressortait particulièrement bien sur sa peau plus sombre.
J'ai mis ma main sur ma bouche en entendant le son que je venais de produire, mais c'était un peu tard : pour une première impression j'ai encore du passer pour une enfant un peu bête. Et puis après j'ai vu que ses pupilles étaient toutes blanches, et j'ai compris qu'elle était aveugle, et je me suis sentie encore plus bête : mes efforts vestimentaires n'allaient pas servir à grand chose pour l'impressionner c'est sur. Fascinée par son apparence ostentatoire et toute penaude de mes bêtises, c'est un peu timide que j'ai répondu :

- C'est parce que je suis plus bas, madame.

Tout doucement, j'ai saisi sa main au dessus de moi, et l'ai guidée lentement vers mon visage pour qu'elle puisse le toucher.

- Je m'appelle Susi Bonchardon, je suis une halfeline. Je suis vraiment désolée de vous déranger chez vous, et vous assure que je ne souhaite pas être la source d'un quelconque embêtement. J'ai trouvé que les dessins sur les mains de Sirrah étaient merveilleux, et elle a accepté de me faire les mêmes quand j'ai demandé.

Je me met à réfléchir à toute vitesse. Pendant qu'on mangeait, Sirrah m'a dit que son papa priait Ranald mais que sa maman n'aimait pas ça. Je suppose donc que Sirrah est à moitié impériale, même si en vrai je suis pas sure : je sais que les nains et les elfes ont pas les mêmes dieux que nous, alors je sais pas trop si dans les pays voisins on prie le Chat également ou non. Mais c'est pas le moment de divaguer : la femme aveugle me regarde sans me voir, et je n'ai pas envie de lui mentir sur mon identité et mes motivations. Dans le doute je ne vais néanmoins pas mentionner directement le Rôdeur Sombre.

- Ma famille tient un cirque qui vient de s'installer à l'extérieur des murs, mais les habitants m'ignorent tous quand je tente de faire la rabatteuse. Les miens seront très malheureux si personne ne vient voir nos numéros demain, on a besoin d'un public pour subvenir à nos besoins, et même si les gens le savent pas, ils ont besoin de nous pour se divertir et se détendre dans leur quotidien. Et Sirrah, elle m'a raconté que vous aussi vous étiez triste, parce qu'on vous a volé votre lampe préférée. Alors je lui ai proposé que nos familles s'aident mutuellement pour que tout le monde y trouve son compte : si vous jouez les rabatteuses pour nous auprès de votre clientèle et que le public vient en nombre, alors je vous aiderais à reprendre votre bien auprès de ce méchant bige sigmarite. On a croisé les doigts avec votre fille, ça veut dire qu'on peut se faire confiance mutuellement, et je vous promet que je ferais tout mon possible pour vous aider !
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 02 avr. 2021, 17:17, modifié 1 fois.
Raison : +6 XP / Total : 30 XP
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

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- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
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