[Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

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Depuis la Déchirure jusqu'à la création de l'Empire et de la Bretonnie, revivez ces âges passés de légendes.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Alors que Susi détruisait le raisonnement de Reginarr, en partant dans des hypothèses fort plus optimistes que celles du Mariusbourgeois, elle put voir, malgré l’obscurité de la tente, les traits du grand barbu devenir bien plus durs. Sourcils froncés, lèvres retroussées. Sa patience envers la Halfeline commençait à filer, et il ne semblait pas être le genre de bonhomme qui aimait parler longtemps.

Fort heureusement, elle acheva ses propos par l’acceptation du contrat du costaud — quitte à y rajouter quelques clauses qui n’étaient pas prévues.

« Je suis un passeur. Ma vie, mon gagne-pain, ce sont les frontières, les postes de douanes, les ponts et les écluses. Je fais passer de tout — des marchandises, des artefacts, et parfois, des gens. J’offre une nouvelle vie à des criminels, ou des nobles qui veulent fuir leurs proches, leur chemin tout tracé. J’offre des secondes chances, et c’est bien là où je coûte cher.
Tu voudrais que j’offre ceci à Zaniab… Contre son gré ? Qu’elle soit forcée d’être séparée de sa fille ?
T’imagines même pas les complications que ça implique. Encore plus si tu me demandes de m’improviser sorcier à devoir détruire des choses magiques. Et tout ça en une nuit… Enfin, en ce qu’il reste à cette nuit.
Bientôt les ténèbres deviendront lumières, et Baerenthal se réveillera pour découvrir tes péchés. »


Il regarda dans le vide. Il sembla réfléchir à quelque chose. Une dizaine d’émotions passèrent sur son visage, ou à la lueur de ses yeux. La colère. La tristesse. La peur. L’avidité. Susi se serait crue au pantomime : le visage du roux était terriblement expressif, alors qu’il affichait des grincements de dents ou des froncements de sourcils succins.

Il mit une main à l’intérieur de sa veste. Il en sortit une petite pièce ; une pistole d’argent estampillée du portrait d’un Empereur obèse, une couronne de lauriers sur la tête.

« J’ai toujours tenté Ranald, dans ma vie. C’est comme ça que je suis devenu riche. Pas parce que j’étais talentueux, ou intelligent, ou charismatique. Juste parce que j’avais de la chance. Tellement de gens à ma place ont pas eut la même fortune. J’ai vu des copains danser sur les branches des arbres, et un brûler au bûcher. Nous sommes à l’aube d’un monde étrange, Susi. Je crois que tu ne te rends pas compte de ce que t’as déversé sur cette ville.
Le temps des gens comme moi, ou comme Zaniab, il est en train de se finir. Aujourd’hui, on vit dans un monde de Talecht. Ces reliques que tu décris, que tu veux que je détruise… Elles pourraient détruire toute ma famille, si on me prenait à traficoter avec.
Est-ce que tout ça vaut cinq cents couronnes ? Meh. J’ai conscience que c’est déjà une sacrée somme que je fais reposer sur tes toutes petites épaules. Inutile d’en rajouter davantage. »


Il s’approcha de Susi, et baissa sa voix.

« Je te propose un meilleur marché. Un plus… Ranaldien. »

Il tourna la pièce. Elle était traversée d’un grand « X » qui la barrait.

« Je t’aide dans la totalité de ce que tu as exigé de moi. »

Et il la tourna, pour montrer à nouveau l’Empereur obèse.

« Ou bien je t'abandonne aux loups. »

Pile-ou-face. Tout-ou-rien. La totalité de sa vie, décidée sur un lancé de pièce.
Jet de charisme (Bonus/Malus : Inconnu) : 20, échec critique. Ha.

Il est temps d'accepter. Ou de fuir.

Note meta : 5 PdC de Ranald te permettent de relancer le jet si le résultat ne te convient pas. Mais ça ne marchera qu'une fois.
15 PdC de Ranald te permettent de gagner le lancé de pièce, de base.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

Ca ne marche pas. Je le vois bien au fur et à mesure que j'expose mes arguments et conditions dont j'étais si fière. Sur le visage d'Aetulff, il n'y a pas d'admiration pour ma verve, il n'y a pas de surprise de ma maitrise de la négociation, il y a juste... de la contrariété.

Ce sont mes conditions qui semblent le fâcher le plus. Celle qui concerne Zaniab surtout. Je sens qu'il me juge sur l'éthique de ma demande. Je deviens minuscule sur mon tabouret sous le poids de ses accusations. J'ai envie de protester, d'expliquer mes raisons, de lui montrer que mes intentions sont pures. Lui expliquer que je veux offrir à Sirrah la liberté de Ranald, le choix d'aller où bon lui semble sans plus que sa mère ne vienne altérer sa mémoire pour lui imposer quoi que ce soit. Que si mon amie souhaite malgré tout retrouver sa génitrice, elle pourra le faire en connaissance de cause.

Il y a tous ces mots dans ma gorge, toutes ces phrases qui montent dans ma bouche mais qui n'arrivent pas à dépasser mes lèvres. J'étais tellement sure de moi il y a un instant, et maintenant je me met à douter de ma propre moralité. Est-ce que ce que je fais et demande... c'est mal ?

Le mercier géant fait de drôles de grimaces. Il ne parle plus, il a l'air perdu dans un conflit intérieur, tandis que son visage laisse s'échapper des bribes muettes de ses réflexions et émotions. Je sens bien que même s'il n'approuve pas mes conditions, il hésite vraiment sur la réponse à me donner. Qu'une partie de lui souhaite m'aider, tandis que l'autre préfèrerait me foutre dehors avec un coup de pied au cul.

J'ose pas l'ouvrir. J'attends qu'il ait fini son introspection en me faisant toute petite. Je regarde le tabac sur la table, j'ai très envie d'en reprendre une pincée pour calmer mes nerfs, mais j'ose même pas me pencher jusque là. L'une de mes mains se faufile désormais sous ma chemise noire pour mieux tripoter ma patte de taupe contre ma peau, tandis que l'autre file vers ma bouche, le pouce tendu vers mes lèvres afin que je commence à y ronger la peau - l'ongle y est déjà passé quelques heures plus tôt, pendant les préparatifs du chapardage. J'arrache un minuscule bout de chair avec mes incisives, laissant s'échapper quelques gouttes de sang de la blessure que je suce sans y prêter attention.

Il sort une pistole de sa veste, et se met à parler.

Je ne comprends pas grand chose de ce qu'il me raconte.
Aetulff parle des conséquences de mes actes sur Baerenthal. Pourtant j'ai juste volé un prêtre. Il s'en remettra, c'est pas bien grave un chapardage, c'est jamais que des choses qu'il a perdu, pas des gens. Enfin, à part son chien, c'est vrai que c'est vraiment triste ce que la femme de la lampe lui a fait - mais enfin, un chien mort ça a pas de conséquences pour toute la cage, si ? Il y a bien la lampe aussi, mais si le vicaire en parle pas personne ne saura jamais qu'il l'avait.
Il parle aussi de la fin d'une époque, d'un monde qui change, et ça aussi ça me laisse perplexe. Je suis une petite personne, l'évolution du monde me dépasse un petit peu - et pourtant, ma famille et moi on voit bien davantage le monde que le monde ne nous voit. C'est vrai qu'à Reikdorf et à Ubersreik, un peu comme à Baerenthal, on a bien constaté que les gens de Sigmar étaient plus écoutés qu'avant, que de plus en plus d'humains allaient boire les paroles les prêtres du marteau les festag dans des messes barbantes, mais c'est jamais qu'un dieu à la place d'un autre dieu, c'est pas si important que ça, si ? Moi par exemple certaines semaines je remercie davantage Phinéas pour la qualité du tabac qu'il met dans mes mains plutôt qu'Esmeralda pour ses repas - je le fais surtout pour contrarier Maman - mais ça ne change pas fondamentalement mes journées.

Quoiqu'il en soit, même s'il est un peu cryptique sur le fond, il est très clair sur la forme. On fait cliqueter la pistole et c'est le Rôdeur qui décidera de notre sort.

Je déglutis.

J'avale de travers.

Je tousse.

- Je... je peux voir la pièce ?

Il me fait un sourire. Ma méfiance l'amuse. J'évalue son poids, je fais quelques lancers pour vérifier qu'elle n'est pas truquée. Elle ne l'est pas. C'est logique quelque part - si Aetulff voulait me livrer à Talecht, il n'aurais pas besoin de me proposer un jeu de hasard, il pourrait le faire directement. Non, la vérité est simple à appréhender : incapable de trancher entre son souhait de m'aider et la crainte que cela ne dégénère pour sa famille et lui, il préfère se mettre à la table du Chat et le laisser décider à sa place.

J'observe le visage bouffi de l'empereur sur la pistole, comme si Ludwig le Boursouflé pouvait m'aider à prendre moi aussi une décision.

Si je prend la situation d'un point de vue très pragmatique et personnel, je n'ai pas besoin de jouer avec le Rôdeur. Les précédents arguments me concernant que j'ai donné à Aetulff lors de notre négociation n'étaient pas des effets de manche : je ne suis actuellement pas vraiment en danger. Le vicaire n'a jamais aperçu que ma silhouette de dos, dans ma tenue noire. Si je me débarrasse de cette dernière, il n'a bien que ma taille approximative pour m'identifier - donc n'importe quel enfant de cette ville pourrait être coupable. Puisque c'est la lampe maudite le cœur de ses préoccupations, il est certain que son attention sera bien davantage tournée vers les deux arabéennes que moi : et sans aucun butin dans ma besace, il me sera aisé de quitter cette ville de bon matin si j'arrive à me cacher jusque là. Comme Assmus, je n'aurais qu'à prétexter une nuit un peu arrosée à la taverne pour expliquer que j'ai raté l'heure de fermeture des portes la veille, et le tour sera joué.

C'est rassurant, de penser comme ça. Il y a ce petit chemin droit devant moi, il est tranquille, il va tout droit, il évite les obstacles, et en quelques enjambées me voilà revenue auprès de ma famille, en sécurité.

Mais je ne suis pas en train de dire à Aetulff que je ne vais pas jouer. J'ai toujours ces torsions dans mes entrailles, une partie de moi qui refuse catégoriquement de me comporter ainsi.

Depuis que j'ai frotté cette lampe, je me sens affreusement coupable. J'ai été tellement idiote de libérer cet esprit, si je m'étais retenue juste un peu, tout se serait tellement mieux déroulé. Talecht n'aurait jamais été alerté, je serais sortie de son manoir en toute sécurité, et Sirrah et moi on se serait partagé son butin en riant de nos bonnes aventures.
Je sais pourtant que c'est pas juste ma faute à moi. Zaniab a délibérément évité de nous mettre en garde sur sa lampe : si elle m'avait prévenue, jamais je l'aurais sortie de sa boite. En altérant la mémoire de Sirrah, elle a aussi mis en danger la vie de sa fille. C'est de sa faute à elle, tout ça.

Si je m'enfuis, qu'adviendra t-il de Sirrah ? J'ai peur qu'Aetulff n'ait raison : que Zaniab soit capturée, et mon amie traquée. J'ai essayé de me rassurer sur le comportement théorique de la femme de la lampe, mais la vérité c'est que je ne sais rien à son sujet, sinon qu'elle semblait capable de tuer et dévorer tout ce qui lui passait sous les griffes.

Mon amie aussi aspirait à renouer un lien avec le Rôdeur, parce qu'il était la divinité de son père. Nul doute que c'est pour cela qu'elle venait voir Aetulff, qui dissimulait son autel dans sa mercerie. Nul doute que c'est pour cela que Zaniab lui a formellement interdit de revenir ici. Elle lui a volé sa liberté. J'aimerais la lui rendre.

Je scrute la pièce de monnaie, tout en tripotant encore et toujours ma patte de taupe.

Dois-je faire confiance à Ranald ?

J'aime ma famille, plus que tout, mais je me suis jamais sentie bien au cirque. J'ai appris le contorsionnisme, mais je l'ai fait pour moi, pas pour le cirque, ni pour mes proches. Je n'aime pas cette foule qui m'observe et me juge, et attend que je joue les monstres pour leur bon plaisir. Je n'aime pas nos grands repas familiaux où tout le monde fait ripaille et me juge parce que je suis incapable de faire bonne chère, ou vomis le surplus quand je me force pour leur faire plaisir Je n'aime pas écouter les anecdotes coquines de chacun, les moqueries de Rimi et l'énumération des amants d'Alice alors que je me sais condamner à rester seule pour toujours à cause de mon vilain aspect.

Je déteste Tristepanse.

Mais être l'amie du chat ? Ca c'était quelque chose. Je ne vivais plus pour faire plaisir à quiconque sinon moi-même. Tous mes dons servaient une même forme d'art, celui du chapardage. Les biens que je collectais, c'étaient les miens, rien qu'à moi. Et même si après quelques jours, mes trésors finissaient toujours dans les poches de ma famille, j'avais la satisfaction très personnelle de me dire que j'étais davantage qu'un numéro parmi d'autres : mon art secret avait la capacité d'offrir aux miens un train de vie bien supérieur que la somme de leurs efforts.
J'adorais chaparder. Si ma mémoire se focalise actuellement encore sur la partie du vol qui s'était mal déroulée, je peux quand même me rappeler de mes émotions avant que tout ne dégénère. L'escalade des murs, la recherche de trésors, la progression discrète dans le couloir, et ce moment incroyable où j'ai volé à l'amante de Talecht la clé qu'elle portait autour du cou dans son sommeil ! J'étais douée à ça, vraiment douée, et je ne me voyais plus faire autre chose de ma vie que de la dédier toute entière au Rôdeur Nocturne. Voir toujours plus grand, pour des butins toujours plus opulents. Je veux être comme les voleurs légendaires des histoires de papi, une légende mystérieuse dont on raconte pendant des siècles les prouesses nocturnes.

Ma main qui brutalisait ma patte de taupe à cause de l'anxiété s'est calmée. Désormais, je caresse calmement ses petits poils tout doux.

Je ne vois pas vraiment Ranald comme les humains. Je ne l'imagine pas comme une figure mystique toute puissante qui me regarde depuis les nuages mais plutôt comme... un compagnon qui me suit partout où je vais. Un ami qui me donne de bons tuyaux. Un frère qui me regarde grandir avec fierté. Je lui donne une pièce sur dix pour le remercier de rester à mes côtés, de ne jamais m'abandonner quand j'ai besoin de lui.

Il n'a pas été tendre avec moi récemment. Il n'a pas apprécié que je mette en péril la perfection de mon chapardage pour jouer avec un bibelot arabéen. Je lui en ai un peu voulu de m'avoir laissé tomber alors que le vicaire me poursuivait. Il m'a forcée à abandonner tout mon butin, et à me blesser de partout, pour réussir à me mettre à l'abri.

Mais j'ai réussi. Je suis à l'abri. Et maintenant, mon ami tend la main vers moi, et me demande de lui faire confiance.

C'est dur de dire oui. Je suis une fichue froussarde, j'ai toujours été une froussarde. Je veux pas être sauvée par Morr. Je pense à maman, à Rimi, à Assmus, et à tous les autres. Même si j'ai jamais réussi à les rendre fiers de moi, je les aime. Je veux pas les perdre. Et je veux pas qu'ils soient tristes de me perdre non plus. Maman serait inconsolable. Je peux pas lui faire ça.

C'est terrible comme choix.

J'inspire un grand coup, puis expire lentement.

Je peux plus me rattacher à mon ancienne vie.
Je peux plus vivre juste pour ne pas décevoir ma famille.

Je veux vivre pour moi, pour mes désirs propres, et pour Ranald.
Je veux offrir la liberté qu'il m'a offerte à Sirrah, peu importe ce qu'elle en fera.
Je veux aussi montrer à Ranald que son amitié m'est précieuse. Que je le remercie de ses bienfaits, de m'avoir permis de trouver un peu de bonheur dans ma petite vie.

Peut-être ai-je trop côtoyé les humains depuis que j'ai mis de la distance avec ma famille. Car il n'y a rien de plus humain que ce que je m'apprête à faire.

Un acte de foi.

- Je joue.



En cas d'échec, j'utilise 5 pdc pour faire une relance.
J'utilise ma compétence chance sur les deux jets.
Si c'est foiré malgré ça, fuck it, plan B => je déguerpis comme si j'avais les loups d'Ulric au cul à la seconde où je vois le résultat (ou le devine), avec l'aide des poteries de Sirrah qu'il me reste.

Ranald take the wheel.
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
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"Avec Susi, y a pas de souci !"

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Aetulff ne laissa pas un moment de suspense ; peut-être arrivait-il au bout de sa prestidigitation. À la seconde même où il reçut l’approbation de Susi, il fit claquer son pouce contre son index, expulsant la pièce d’argent en l’air, la laissant tournoyer plusieurs fois sur elle-même, avant de soudain l’attraper au vol. Il colla la main contre son autre paume, et l’ouvrit, afin de révéler le résultat.

Pile. « X ». Ranald avait triomphé sur Sigmar.

Et là-dessus, Reginarr éclata d’un gros rire gras, en tapant du pied sur le sol. Et le voilà qui se mit, comme un zinzin, à parler à la pièce :

« Oh, tu n’en as pas terminé avec moi, sac-à-puce… Tu n’en as jamais terminé avec moi. »

Il se leva tout droit, frappa la table, et beugla comme un goret :

« Serilda ! Warin ! »

Ses deux enfants rouquins rappliquèrent presque deux secondes plus tard, quasi au garde-à-vous tels des légionnaires. Reginarr commençait déjà à rassembler un tas d’affaires dans une besace : des feuillets de parchemin, une petite flasque en cuir, quelques petits pochons contenant on-ne-sait quoi… Et en même temps, il distribuait des ordres clairs, secs et directs à ses enfants.

« Mon garçon, tu vas vite faire le tour du quartier — j’ai besoin que tu fasses rappliquer les jumeaux, et cousin Boudewijn — qu’ils viennent avec l’habituel, disons… Sur le petit ponton de la Vaswasser, mais pas directement sur le ponton, dans l’allée au boucher. Ils m’attendent patiemment là, je m’occuperai d’eux. Et une fois que t’es allé les prévenir, va réveiller ta petite amie, et dis-lui que j’ai besoin d’une charrette.
– C’est pas vraiment ma petite amie, c’est juste une amie, et puis-
Bref ! J’ai besoin d’un de ses ânes et une de ses charrettes, prends un peu de pièces dans la caissette avant de partir — t’attrapes trente pistoles, mais tu essayes de négocier pour ne lui en filer que vingt. On va avoir besoin de louer sa bestiole pendant quatre semaines, et tu peux lui filer quelques-uns de mes bijoux en gages, même si je compte sur toi pour être pingre. Demande-lui juste de les préparer et de les laisser dans sa grange — j’amènerai quelqu’un pour récupérer, mais elle déplace rien elle-même, pigé ?
Ja — Jawöhl.
– Serilda — mademoiselle Bonchardon est ta responsabilité. Tu la fais sortir de la ville et tu vas au chêne éploré. Prends vingt-cinq pistoles au cas où faut corrompre des sergents de paix, mais ne le fais qu’en dernier recours — tu vas prendre le chariot à bras, t’as de la chance, Susi est petite, ça va le faire.
– Tu veux que je parte maintenant ?
– Dès le début de l’aube, ça fera moins suspect. Pour l’heure, reste ici au cas où des sergents passent, et prétend que je suis à la maison de la Naine, Ingleglaze.
– Elle va mentir pour te couvrir ?
– Non, jamais de la vie. Mais je me dis — si des sergents viennent toquer chez elle en pleine nuit et réveillent son bébé alors qu’il fait à peine ses nuits, elle va tellement les pourrir qu’ils vont s’enfuir en courant. »

Et alors, Reginarr se retourna, enfila la lanière de sa besace autour de son cou, et observa Tristepanse tout droit, avant de lui parler très solennellement.

« Pense à remercier Ulric — les nuits sont encore longues. Et si tout se passe bien, tu pourras même me remercier demain. »

Et sans plus de commentaire, il s’enfuit au trot, suivi de son fils. Susi se retrouva seule avec une Serilda visiblement fatiguée, qui passait ses mains dans ses cheveux en soupirant.

« Très bien… Faut que je me concentre… Allez. »

Elle regarda Susi de la tête aux pieds, sembla réfléchir un instant. Puis, elle hocha de la tête.

« Commençons par le commencement : je vais t’amener de nouveaux vêtements, et reprendre ceux-là. S’habiller tout en noir c’est bien pour se cacher, mais si tu te fais attraper avec, les sergents risquent d’être suspicieux. »

Et voilà donc qui fila, laissant la Halfeline quelques minutes. Dehors, on entendait le cheval d’Aetulff hennir puis partir en pataclopant sur la terre battue. Mais autrement, la nuit était encore silencieuse — c’était étrangement rassurant, maintenant.

Serilda revint, en portant sur son épaule un tas de frusques et de robes. Elle eut même le luxe de laisser Susi choisir, et lui proposa quelques voiles et des broches en étain pour bien faire — il fallait habiller la Halfeline comme une petite bourgeoise pauvre comme les autres. Alors qu’elle se déshabillait, la rouquine attrapa tous les vêtements de monte-en-l’air, et les choura dans un sac. Elle exigea aussi de reprendre ce qui restait d’équipement à la Halfeline — notamment ses étranges petites bombes, les boules de bolas, ou l’outillage pour crocheter des serrures. Tout ce qui aurait constitué de jolies pièces à conviction devant un juge.
Puis Serilda disparut de nouveau, avec le sac, qu’elle dit partir planquer. Elle invita à Susi à rester tranquille, et à chiquer du tabac si elle avait envie. C’est peut-être un quart d’heure plus tard qu’elle retourna dans la tente, en invitant Susi à la suivre.

Elles allèrent dehors. Le terrain vague était encore très obscur, et la nuit encore très calme. Serilda amena Susi jusqu’à un grand fût en chêne, dont elle ouvrit le couvercle, avant d’expliquer la suite des opérations à la Halfeline :

« T’es petite, et tu sais te contorsionner. La suite ne va pas être agréable, mais je préfère courir zéro risques, même si tu jures à mon père que personne ne pourrait te reconnaître.
Y a un tas de paille dans ce tonneau, et des trous pour respirer. Ça va pas être confortable, mais je vais te planquer là-dedans et refermer le couvercle. Je ne le rouvrirai qu’une fois que tu seras en sécurité.
Je vais te laisser une outre d’eau et un peu de fruits à grignoter. Je t’encourage à pas faire de bruit. Et si t’as besoin de… Bah de pisser quoi, fais-le maintenant, parce qu’après tu devras te retenir.
Je te laisse un moment pour te préparer et calmer tes nerfs, le temps que je prépare le reste. Tu me dis si t’as besoin de quoi que ce soit. »


Ce n’était probablement pas la première fois que la jeune fille faisait ça. Pas vu son ton calme et les contingences qu’elle prévoyait. Elle partit bien un instant, et revint à nouveau un quart d’heures plus tard.
Elle tint fermement le tonneau, et aida Susi à grimper et tomber dedans. Puis, elle ferma le cerclage du tonneau, et la pauvre Halfeline se retrouva au milieu de ce rouleau de bois avec juste de fins trous entre les planches pour ne pas finir asphyxiée. Elle pouvait entendre sa propre respiration. Mais c’était pas si différent des cages desquelles elle s’échappait.

Serilda fit tomber le tonneau par terre, en prévenant tout de même la Halfeline pour qu’elle se roule en boule et se protège le visage. Puis, Susi roula en même temps que le tonneau. On la chargea à l’arrière d’une petite charrette à bras, on la souleva à nouveau, et voilà qu’elle pouvait rester couchée sur le côté, dans une position qui était certaine de lui provoquer d’immenses courbatures en peu de temps.


Susi n’avait plus beaucoup de moyens de savoir combien de temps s'écoulait. Juste prostrée là, de façon bien désagréable, peut-être que c’était le bon moment de fermer l’œil et de dormir un peu — si seulement l’angoisse ne la tenait pas très éloignée des bras de Mórr. Serilda n’avait pas prévu de partir avant l’aube, alors dans les faits, c’étaient bien des heures que Susi passait ici, en plein air. La meilleure indication, c’étaient encore les cloches de la ville ; à chaque heure, le diacre éveillé au Temple de Sigmar tira sur la corde de son gros carillon, et indiqua ainsi comme il était déjà une heure, puis deux, puis trois du matin.

La cacher dès maintenant fut en revanche un bon pari, car un instant, elle entendit plein de bruits de pas, lourds, des bottes — un monsieur à la voix grave siffla et exigea de parler avec Aetulff Reginarr. Serilda arriva pour lui répondre, en prenant une voix de petite fille inquiète et apeurée ; les gardes avalèrent tout cru le bobard, et partirent tous vers le domicile de la Naine, non sans avoir fait un petit tour dans la tente avant.

À un moment, Susi entendit au loin un coq se mettre à crier ; Le gallinacé avait beau être matinal, c’est que ça indiquait le début d’un nouveau jour. Beaucoup plus tard, Serilda s’approcha de la charrette, la souleva en soupirant, et commença à rouler.

Les cloches de Baerenthal se mirent à sonner. Or, ce n’était plus un tintement régulier comme celui qui avait rythmé la nuit ; c’était un bruit de cloches continuel, et qui fut bientôt repris par un beffroi, puis eut un écho de l’autre côté de la bourgade. C’étaient des cloches d’alarme, le genre qu’on entend durant un incendie.

Serilda fut arrêtée aux portes de la ville par des gardes avec des lances. Étonnamment, ces messieurs ne la laissèrent pas passer ; bien qu’ils étaient très polis et avec une petite voix, visiblement de simples habitants de la ville embrigadés pour prendre leur tour de garde, ils dirent qu’ils avaient reçu un ordre du sénéchal de maintenir les portes fermées. Quand Serilda s’enquérait de quelques explications, elle n’obtint que quelques grognements dubitatifs — ils n’avaient pas plus d’informations qu’elle. Souriante et joviale, Serilda leur souhaita une bonne journée, en se plaignant tout de même qu’elle allait devoir porter des tonneaux pleins pour faire tout le chemin du retour, et que son père allait lui donner une volée de bois vert ; elle essayait de les avoir par la pitié, mais ça ne marcha pas.
La rouquine fit tout le tour de la ville. Dans les rues qui s’éveillaient, Susi pouvait entendre du brouhaha de quelques conversations naissantes, le meuglement d’une vache, et puis, les sabots de chevaux battant le pavé. Beaucoup de chevaux.

Serilda trouva une porte plus discrète. Cette fois-ci, elle ne joua pas à la petite fille avec le garde ; elle prit une voix un peu plus rauque, et un peu plus taquine aussi. Elle joua du charme avec un sergent énervé, et visiblement fatigué. D’abord en colère, elle parvint à lui arracher un rire. Puis, une chose en entraînant une autre, elle proposa de le dédommager pour son horrible nuit. Délestée d’un peu de sous, elle put alors filer et enfin quitter cette ville.

Alors, il y eut une longue marche où elle fit rouler la charrette sur une vieille route cabossée et pleine de cailloux. Une longue pause aussi. Mais Susi pouvait enfin s’endormir et se reposer — parce qu’elle était tirée d’affaires.
C’est un peu complètement con mais je suis un gentil MJ — au lieu de lancer la pièce sur un d2 comme ça serait logique que soit un pile-ou-face, je vais lancer un d100 — comme ça, tu gagnes sur 55 au lieu de 50 grâce à « Chance » :orque:

Here it goes : 26, c’est gagné.

Susi n’a plus son destin entre les mains. Tout ce qui va suivre sera un tas de jets… Cachés.



On toqua cinq fois successivement sur le tonneau. Puis, tout le bois se mit à vrombir alors qu’on cognait dessus. Le cerclage de bois sauta, et la lumière envahit le fût ; la pauvre Halfeline fut éblouie comme jamais, alors que sa drogue finissait de faire effet, laissant ses yeux plus sensibles que jamais à la lumière. Heureusement, Serilda se mit devant le tonneau, et tendit sa main.

« Tu peux venir te dégourdir les pattes. Tu es libre. »

Susi l’attrapa, et fut aidée à descendre. Elle se retrouva au milieu d’un paysage idyllique, même si la lumière du jour lui filait une horrible migraine.
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Elle était au milieu d’une prairie, à l’ombre d’un immense chêne. La Vaswasser fraîche et scintillante coulait rapidement par ici. Il y avait des arbustes avec des baies, et puis, chose un peu étrange, deux grosses pierres plantées dans le sol, avec des écritures dessus ; l’une avait des runes Naines, l’autre un langage qui ressemblait un peu plus au reikspiel. Malheureusement, Susi ne savait lire ni l’un, ni l’autre.

Serilda semblait crevée. Elle massait le bas de son dos visiblement endolori, et la voilà qui s’avachit contre le chêne, en s’étirant un peu, une grimace enlaidissant son visage.

« Il y avait du monde en ville. Un tas de guerriers du sénéchal qui patrouillaient. Mais on s’en est sorties, et maintenant qu’on est dehors, on ne peut plus risquer grand-chose, toi et moi.
Mais j’espère que mon père et ma famille s’en sortent. Il n’y a pas de raisons, mais… »


Mais, ils pouvaient bien être attrapés par le guet, et tous finir pendus. Visiblement, Susi avait bien fait de jouer la précaution — loin de rester discret, Talecht était bel et bien parti chercher les autorités, et on avait commencé à retourner toute la ville.

On pouvait voir Baerenthal, ici. Au moins le donjon du margrave, bien lointain. Aucun nuage de fumée noire ne s’élevait en l’air, alors, il n’y avait pas d’incendie généralisé. Peut-être n’était-ce pas une bonne nouvelle. Aetulff avait-il tenu sa promesse et brûlé la tente de Zaniab ? S’était-il fait tuer par la sorcière ? Étaient-ils tous les deux dans une sombre geôle, à présent ?

En guise de petit déjeuner, Serilda avait acheté un peu de lard et du biscuit dans une auberge sur le chemin. Et Susi n’avait plus qu’à tourner en rond, se dégourdir les muscles, peut-être se laver rapidement le visage dans l’eau glacée.

À un moment, peut-être pour faire la conversation, la rouquine désigna une des dalles en pierre devant l’arbre.

« Papa m’a lu ce qu’il y avait là-dessus. Je saurais pas répéter exactement, mais ça raconte comment une grande princesse Elfe, Maruviel, a ici tenu un festin avec un roi Nain du coin, Snorri. Ils ont échangé des cadeaux et fêté l’amitié éternelle entre leurs deux peuples.
Ce chêne-là, il était sacré pour les Elfes. À une époque, cet arbre il pouvait bouger. Il pouvait même parler. Mais il y a eut une guerre, et depuis, il n’a plus aucune force, et c’est juste un bête arbre. C’est pour ça qu’on dit qu’il est éploré.
Ses feuilles ne jaunissent jamais en automne, et il ne les perd pas en hiver. Il est tout le temps comme ça, verdoyant. Alors, peut-être que ce racontar est pas totalement faux. »


Elle regarda au loin, à gauche. Les immenses montagnes grises s’élevaient tout là-haut, dans une succession infinie de passes et de cols.

« Ils vivent encore là-haut, les Nains. Ils ont des forteresses. Même en plissant fort des yeux, j’arrive à peine à les distinguer. La plupart sont en ruine, il paraît. Mais au moins, ils sont en vie — les Elfes, plus personne ne les a jamais revus, même si certains villageois du Westermark te diront qu’ils en croisent la nuit, fuyant les regards comme des chats.
C’est quand même fou. Qu’est-ce qui a bien pu provoquer une guerre telle qu’ils ont tout perdu ? »



Le soleil monta jusqu’au zénith. Serilda s’était assoupie sous le chêne depuis un moment. De temps à autre, quelques voyageurs passaient sur une route non loin, ou une barque descendait depuis la Vaswasser ; ils disaient bonjour aux deux filles qui patientaient ici, sans chercher à en savoir plus. Une ambiance calme, détendue.

Enfin, un canot descendit de Baerenthal. Un homme en train de ramer siffla très fort, ce qui força la rousse à se réveiller. Elle bondit en reconnaissant les trois passagers du canot ;
Il y avait là un grand homme aux cheveux auburn avec un grand tatouage sur l’œil, un Aetulff tout sourire derrière, et enfin, une jeune femme voilée à la peau mat ; ils étaient parvenus à retrouver Sirrah, et en plus, à s’échapper !
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Le nouveau PNJ


Serilda s’approcha de l’eau. Le grand barbu que Susi n’avait jamais rencontré sauta dans la rivière, et commença à tirer à la force de ses immenses bras le canot.

« T’as besoin d’aide, Boudewijn ?
– Nah, ça ira petiote ! »

Aetulff sauta à son tour, sauf que lui alla pousser le canot. À eux deux, ils mirent l’embarcation contre le sol dur en deux temps trois mouvements. Alors, Aetulff s’approcha de la coque de la barque, et tendit avec galanterie sa main pour aider Sirrah à descendre.

L’arabéenne tenait fermement la petite lampe qui avait causé tant de problèmes contre son abdomen. Elle semblait parfaitement exténuée, les yeux entourés de cernes, les paupières à moitié fermées — elle avait la même migraine que Susi. Pourtant, la voilà qui eut un immense sourire très sincère en découvrant sa complice. Ça ne pouvait pas être une joie feinte.

Boudewijn et Aetulff ramassèrent des sacs et des gibecières dans le petit bateau. Ils s’approchèrent de Susi et Sirrah, et jetèrent tout à leur pied. Il y avait là tout le matériel de Susi, ainsi que tout le butin du cambriolage — rien ne manquait. Sirrah soupira d’aise, avant de rire nerveusement.

« T’es vraiment forte pour te faire des amis, Susi. »

Aetulff s’étira, et bailla fort.

« Bon, voilà une bonne nuit de travail !
Ton cirque n’est toujours pas parti, Susi, même s’ils ont remballé leurs affaires. Je te conseille de retourner dare-dare là où tu les as laissés — ils t’attendent, et il ne vaut mieux pas que l’un d’eux parvienne à entrer discrètement dans la ville fermée.
Boudewijn va aller plus loin pour affaires dans le Westermark. Moi-même et Serilda, on descend chez les Bretonni, à Parravon. Quant à Warin, il va me remplacer ici. Ma petite famille est donc à peu près partout, et tu es certaine d’avoir un Reginarr à qui parler, qu’importe où ton cirque décide d’aller.
Tu vas donc pouvoir travailler pour rembourser ta dette. Même si pour l’heure, profite surtout de ta liberté retrouvée. Pas tous les jours qu’on réussit un cambriolage aussi fou. »

Et… C’était tout ? Tous ces événements, et Reginarr commençait à partir comme s’il en avait suffisamment dit. Sirrah demeura sur place un instant, la lampe toujours accrochée à son bras, nerveusement, comme s’il était impensable pour elle de s’en détacher. Mais elle se réveilla de sa semi-torpeur, et arrêta Aetulff en haussant la voix :

« Attendez !
Ma mère, je dois… L’attendre ici ? Combien de temps ? »


Aetulff regarda le ciel. Il réfléchit bruyamment, en faisant des bruits avec sa bouche. Puis se retournant, il parla avec une grande certitude :

« Midi… Elle doit être sur le chemin vers le col de la Dame Grise. Dans quelques jours, Ubersreik, et puis, Reikdorf. »

Sirrah battit des cils, commença à formuler une phrase qui mourut dans sa bouche, pouffa d’un rire nerveux.

« Mais… Nous ? Comment voulez-vous qu’on… Que je… Rejoigne Reikdorf ? »

Aetulff eut un sourire nerveux. Il leva sa main, et la tournoya de gauche-à-droite, l’air de dire « coussi-coussa ».

« Le truc c’est que… Susi a payé seulement pour le passage vers le Reikland de ta mère. Vous deux… Vous êtes pas des passagers prévus.
Donc vous, vous partez vers le sud, ou l’ouest. »

Sirrah eut un mouvement de recul, comme si on venait de lui donner un coup de poing. Elle regarda Susi avec un air absolument pétrifié, puis le roux avec une expression d’ire.

« Qu… Qu-, quoi ?!
Comment ça ?! Où est-elle ?! Pourquoi ?! »


Aetulff leva les mains en l’air, dans une posture pacifique. Il se rapprocha des deux filles, en faisant un pas devant l’autre.

« Pourquoi, ce n’est pas à moi de te répondre. »

Et il désigna la Halfeline du menton. Il la jetait sous le carrosse, sans trop de remords.

« Mais je peux te dire ce qui va se passer pour elle : que du bien. Non je te raconte pas l’histoire du chien mourant que j’envoie chez les cousins dans une ferme ; je suis un professionnel, là-dedans. Ta mère est sous la garde des gens de ma famille, on va assurer son transport et sa sécurité, loin de quiconque qui puisse lui mettre la main dessus. Et vu comment le père Talecht a décidé d’agiter toute la ville tel un fou furieux, tu peux remercier la Halfeline d’avoir payé pour — j’espère que tu te rends compte qu’elle est le suspect numéro un sur sa liste, qu’elle est facilement reconnaissable, et surtout, aveugle. »

Les explications d’Aetulff n’aidaient pas. Sirrah se mit à hyperventiler sur place, subissant complètement l’angoisse. Elle se mit à agiter la lampe sous son bras.

« C’est… Non, non, c’est pas possible… Elle… Je… Je dois la protéger ! Elle… Elle peut pas s’en sortir sans moi, et, elle, elle a besoin…
– Sirrah. Sirrah ! Je n’ai pas kidnappé ta mère en l’arrachant de force ! Je ne t’ai pas menti : je lui ai parlé, honnêtement, les yeux dans les yeux. Elle a accepté mon aide. Pas de bon cœur, certes, mais elle est parfaitement au courant de ce qui va suivre. Que crois-tu que Talecht ferait en l’attrapant ? Des choses terribles. Moi, je lui permets de s’enfuir, et d’être pénarde. Une belle main tendue de nulle part, surtout que ce n’était pas très malin de votre part à toutes les deux d’aller cambrioler un prêtre de Sigmar.
– Elle… Comment va-t-elle faire ?!
– Faire quoi ?
– Vivre ! »

Aetulff ricana, comme si c’était une enfant effrontée qui lui parlait.

« Sirrah. Ta mère est une grande personne. C’est une excellente magicienne, une sorcière très indépendante. Je suis sûr que dans deux mois elle est la magicienne de cour d’un aristocrate du Reikland. Merde, je suis sûr qu’elle peut finir à la cour de Ludwig le Boursouflé !
Elle est aveugle !
– Eh bien c’est encore mieux ! Les nobles adorent engager des serviteurs avec un handicap — ils se sentent plus en sécurité, ils aiment être servis par des invalides.
Sirrah… Soyons honnêtes. Ce n’est pas pour ta mère que tu as peur. Enfin, c’est ce que tu crois, mais c’est faux. C’est pour toi-même que tu es terrifiée. Parce que tu sais pas ce que tu vas faire sans elle. Alors que Zaniab, on pourrait la lâcher n’importe où sur Terre, elle trouverait un moyen de s’en tirer. Et je la lâche pas toute seule. Je vais l’aider.
Toi… Toi, eh bien, il faut que tu comprennes que t’as le monde devant toi. Et c’est aujourd’hui que tu fais ton choix. »


Sirrah agita la tête de gauche à droite, très rapidement.

« Elle… Elle peut pas. Je suis… Je suis tout ce qu’elle a !
– Écoute, Sirrah… Je ne vais pas disparaître. Ma famille est partout dans cette région. Si tu veux vraiment revoir ta mère, dans quelques mois, dans un an, je te retournerai à elle. Mais en attendant, vous n’avez plus de maison, les hommes du margrave vont vous pourchasser, et il faut que vous vous fassiez oublier.
Je sais que tu vas être en colère, que tu vas être remplie de haine et de peur. Mais la réalité, c’est que tu sais t’en sortir toute seule. Tu as plus aidé ta mère qu’elle ne t’a aidé en retour. Tu sais survivre, tu sais te vendre, tu sais engranger de l’argent. Et tu as des amis de ton côté. »


L’arabéenne regarda la Halfeline. Elle n’était plus vraiment certaine.

« Si tu insistes pour contracter une dette auprès de moi… Je peux me débrouiller pour que tu rejoignes Zaniab d’ici ce soir. Mais je ne te le conseille pas. Le mieux que tu puisses faire, là, c’est filer plus en avant. Le monde s’ouvre devant toi, et il est grand.
Et sois heureuse. Car l’autre solution, c’était que ta vie se termine. Tu n’as pas envie de finir en cellule, pas après ce que vous deux avez lâché sur Baerenthal. »


Et il désigna la lampe du doigt.

« Plusieurs personnes ont aperçu le démon. C’est une sacrée chance qu’elle n’ait tuée personne. Mais vous savez que des gens vont venir la récupérer. »

Et là-dessus, il retourna vers sa barque, suivi de Serilda et Boudewijn qui allèrent avec un pas très lent, comme s’ils étaient prêts à s’arrêter à chaque instant.

Sirrah, elle, observa Susi avec des yeux humides, attendant ses explications.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

Le mercier ne me laisse pas le temps d'angoisser, faisant virevolter sa pistole à la seconde où j'ai choisi de prendre ce pari. Quand il ouvre sa grosse paluche pour me montrer le résultat et que je vois le X gravé dessus, je ne réalise pourtant pas vraiment ce qu'il se passe. J'entend son éclat de rire, je le vois parler à sa pièce, j'observe ses deux enfants arriver et prendre les ordres de leur père, mais mon esprit refuse de percuter.

Ranald m'a sauvée ?

Il y a une histoire de charrette. J'écoute pas vraiment - c'est dommage, ça me concerne pourtant. J'écoute pas parce que j'éclate de rire. C'est nerveux, je contrôle pas vraiment, il y a toute la pression que j'ai accumulé qui se relâche d'un coup. Juste... j'ai gagné ? Enfin j'ai pas vraiment gagné je le sais, je viens de m'endetter de plein de couronnes, mais je m'en fous, j'ai l'impression d'être la gagnante quand même. Ranald vient de parier sur moi et c'est un sentiment incroyable. Je sors ma petite patte de taupe de sous ma chemise et je l'embrasse frénétiquement d'une dizaine de baisers pendant qu'une litanie de "merci" envahit mes pensées à son attention.

J'entend mon prénom. J'ai pas trop fait attention aux ordres donnés à Warin, mais là je comprend que c'est Serilda qui va s'occuper de mon évasion. Je lui fais un coucou enthousiaste de la main mais elle n'a pas l'air de me remarquer. Elle a l'air fatiguée ; sûrement qu'elle dormait à poings fermés avant que je ne mette le bazar dans toute la cage et que son père ne la réveille. Ce n'est qu'une fois Aetulff et Warin partis qu'elle se tourne vers moi en soupirant.

- Je suis contente que ce soit toi qui m'occupe de mon évasion, lui dis-je avec un sourire chaleureux. Même si je suis désolée de te donner encore plus de travail que d'habitude.

Je tiens pas en place, habitée par un optimisme passionné. Pourtant, je sais bien que ça peut encore mal tourner. J'ai demandé plein de choses au grand jutone, et l'ai envoyé au devant de nombreux dangers : le vicaire, la milice, la femme aux griffes, et la sorcière. Mais Ranald a fait tomber la pièce du bon côté. Il a pas guidé ainsi la pistole pour ensuite punir Aetulff en l'abandonnant face à l'adversité, j'en étais sûre et certaine. Tout allait bien se passer.

Je me déshabille sans faire de manières quand elle me le demande. Avec l'excitation, je fais des mouvements vifs pas très précis et suis un peu ridicule, notamment quand je me coince la tête dans l'encolure de ma chape noire parce que j'ai eu la flemme d'enlever le deuxième bouton. Je rechigne un peu plus quand elle me demande de lui remettre mes outils, mais me résigne après quelques secondes : c'est jamais que des choses, j'en trouverais d'autres. Tant que je peux garder ma patte de taupe...

Après avoir mis toutes mes affaires dans un sac, Serilda est partie préparer je sais pas quoi, me laissant le temps de farfouiller dans le tas de fripes à ma taille qu'elle a mis à ma disposition pour m'habiller. Mais avant, je prend le temps de me regarder à la lueur d'une bougie devant le miroir qui est installé dans un coin de la tente.

Je paie vraiment pas de mine. J'ai de la poussière plein la trogne, et ma tignasse asymétrique est imprégnée de sang séché. Mes jambes ont plein d'ecchymoses de taille et de couleur variables. Et quand je rigole nerveusement en constatant mon triste état, c'est pour mieux remarquer que j'ai un morceau de tabac coincé entre les dents. J'essaie de l'enlever avec un ongle, avant de remarquer que je les ai tous rongés.
Mais même sans les blessures et la crasse, il y a un corps qui n'est vraiment pas joli à observer. On peut compter mes côtes juste en les regardant. Au-dessus, y a mes clavicules qui font un affreux relief trop visible, et en-dessous les os de mes hanches bien saillants qui sortent de chaque côté comme deux pointes. Tout ce que l'on voit, c'est cette fine musculature, aussi vulgaire que ridicule, qui se dessine de plus en plus sur mes bras, mes jambes et mon torse à cause des intenses entrainements que je pratique pour mon numéro. Je me met de côté, et tente d'expirer à fond et de me courber en avant pour faire sortir un ventre inexistant, mais ça ne fonctionne pas. Je suis maigre, tellement maigre que c'en est déprimant quand on pense à tous les efforts que je consens à faire pour faire plaisir à maman, à toutes ces fois où je me suis retrouvée affreusement malade à cause d'une part de tourte de trop.

- Pfff.

En temps normal, mon reflet me déprime, mais cette nuit ça va. Bientôt, je vais avoir le plaisir de pouvoir de nouveau entendre maman critiquer cet affreuse apparence qu'est la mienne, et ça me rend joyeuse. J'ai hâte de pouvoir avoir l'opportunité de me disputer encore une fois avec elle. De me battre avec Rimi et de lui enfoncer mes os des hanches trop pointus dans le corps quand on roulera au sol. D'aller puer de la gueule avec Assmus en mâchant du tabac bon marché pendant qu'on fait les éclaireurs.

J'attrape une petite poignée de tabac que je me met à mâchouiller, puis regarde les vêtements que Serilda a laissé pour moi. J'ai l'habitude de me vêtir à la garçonne, mais mon amie m'a surtout emmené des habits plus féminins, alors je me résigne à prendre une robe dans sa sélection. Je n'en porte pas d'habitude parce que je me trouve ridicule dedans ; les costumes de scène c'est pas pareil que les vrais habits de la vie quotidienne. Mais il y en a une toute simple d'une belle couleur jaune moutarde qui me plait même si elle est un peu large pour mon menu gabarit, alors je l'enfile en vitesse avant de l'agrémenter d'un voile de la même couleur qui couvre mes bras, et d'une petite broche en étain en forme de tête de chat que j'épingle au niveau de mon cœur.

Je me scrute dans le miroir. Je flotte un peu dans le vêtement, mais ça me va pas si mal. C'est dommage que ce miroir-ci ne parle pas comme Mori, j'aurais bien aimé lui demander ce qu'il pense de mon apparence.

Quand Serilda réapparut, j'ai tourné sur moi-même avant de lui demander :

- Alors, alors, alors ? Je suis comment ?


***


C'est pas l'évasion la plus glorieuse du monde. En tout cas c'est pas comme ça que je me l'étais imaginée - même si en réalité je ne m'étais pas vraiment imaginée grand chose. Mais quand même, pliée en deux dans un petit tonneau qui se fait pousser, rouler et soulever, non vraiment, je voyais ça autrement. Non pas que j'ai fait la difficile quand Serilda m'a dit d'aller dedans - je suis bien sagement allée me vider la vessie dans les latrines de la mercerie puis suis entrée dans le contenant de bois cerclé en faisant un beau mouvement bien gracieux comme lors de mes numéros. Un moyen comme un autre de garder ma dignité à peu près intacte.

Le début m'a rappelé un très mauvais souvenir avec Rimi. Cet abruti avait profité de la fin de mon numéro pour me laisser enfermée dans mon tonnelet de scène, pour m'emmener dévaler une colline. Ca tournait tellement vite que j'avais gerbé partout à l'intérieur - et on a du jeté le tonneau parce que l'odeur de vomi avait imprégné le bois. Heureusement Serilda est plus douce que mon frère, et puis j'ai rien mangé de la soirée, alors même si le roulis du tonneau me file la nausée ça reste supportable.

A la vérité, j'étais pas si mal installée dans le fût. Il était grand, bien plus que celui que j'utilise sur scène, et je suis plutôt petite. Genoux repliés contre moi, je pouvais rester prostrée couchée dans une position fœtale dedans. Bien sur, le bois était dur, et évidemment, j'étais dans l'incapacité de déplier mes membres pour m'étirer, mais ça restait supportable.

Mais à mesure que les heures passaient, le supportable se mua en incommode, puis en pénible, ensuite en désagréable, pour enfin se conclure en épouvantable. Par les dents de Taal, j'avais l'habitude de passer une poignée de minutes dans ce genre de position pour mes numéros, mais pas toute une foutue nuit !

Le temps passe bizarrement dans ce genre de moment. Six heures à ne rien faire, dans une position inconfortable, ça laisse pas mal de temps pour laisser son esprit vagabonder. Au début, j'ai toujours cette allégresse de la victoire, je pense à des choses agréables comme mes prochaines retrouvailles avec ma famille. Des choses désagréables aussi, comme les pires moments de cette affreuse nuit. Je réfléchis à l'avenir, à ma nouvelle dette, à ce que pouvaient représenter cinq cent couronnes et comment j'allais trouver une telle somme. A Ranald et ce qu'il attend de moi. Je pense à papa aussi, qui a quitté le cirque pour suivre son cœur et qu'on a jamais revu. J'espère qu'il est heureux où qu'il soit maintenant. Il l'est forcément : des souvenirs que j'ai de lui, il était toujours le sourire aux lèvres à rire de son gros timbre bien grave. Je me demande si moi aussi, un jour, je ne devrais pas me séparer des miens définitivement. Peu à peu, mon allégresse initiale s'estompe et la fatigue prend le dessus - je crois que j'ai perdu conscience quelques fois, mais jamais longtemps, le bruit des cloches me réveillant lorsque ce n'était pas juste l'inconfort de ma position.

Moi qui ne suis pas du matin, j'ai rarement été aussi heureuse d'apercevoir les premiers rayons du soleil par les trous de mon tonneau et d'entendre un stupide coq brailler. Serilda arriva presque aussitôt, et je devinais à ses soupirs qu'elle était fatiguée de tout le travail que je lui imposais. J'ai essayé de lui parler un peu pour la faire sourire, mais elle m'a vite intimé de fermer mon museau : elle n'était pas censée être vue en train de discuter avec un tonneau.

Les cloches sonnent depuis un moment. Quand je réalise la raison de leur tintamarre, je sens mon ventre se serrer et mes jambes repliées trembler.

Elles sonnent pour moi.

J'ai encore plus paniqué quand j'ai entendu l'échange entre Serilda et les gardes des portes de Baerenthal. Elle essaie de leur jouer un air mais ça ne fonctionne pas. C'est le sénéchal qui leur a dit de ne pas ouvrir les portes. Le SENECHAL. Je me suis plantée en beauté - Talecht ayant échoué à me mettre la main dessus la nuit, il a prévenu les hautes autorités. Il avait privilégié la sécurité d'autrui à sa carrière politique - je m'étais définitivement trompée à son sujet.

Serilda est repartie sans avoir pu convaincre les gardes. Je suis prisonnière de la cage.

- On... on fait quoi maintenant ?

- Chut !

Elle est dans une rue très fréquentée. Il y a plein de voix qui parlent et se mélangent, j'arrive pas à saisir ce qui se dit mais les gens semblent inquiets. Il y a plein de bruits de sabots sur le pavé aussi.

Je tente de me rassurer. Serilda a l'air de savoir où elle va. Et puis, si Talecht a demandé l'aide du sénéchal, c'est qu'il n'a pas retrouvé sa lampe - et donc que très certainement Sirrah s'en était sortie. Je serre fort ma petite patte de taupe - Ranald ne va pas nous abandonner, c'est sur, il faut que je continue de croire en lui.

Et j'ai raison de lui donner ma confiance, parce que Serilda arrive à convaincre un autre garde d'une autre porte de nous laisser sortir. Comme les autres, celui-ci avait eu pour consigne de ne laisser passer personne, mais le charisme de mon amie et une patte bien graissée ont su convaincre l'homme de fermer momentanément les yeux.

Serilda ne me libère pas de mon tonneau pour autant. Selon elle, on doit mettre le plus de distance possible entre nous et Baerenthal si on veut s'assurer que ma liberté ne puisse m'être reprise. Alors j'attends, encore, prostrée dans mon fut. La petite porte de la cage qu'on a pris donnait sur une route mal entretenue et toute caillouteuse : j'arrête pas de rebondir dans mon tonneau, et regrette ne pas avoir un peu plus de gras au corps pour amortir les coups. Mais malgré ces tristes conditions, j'arrive à fermer les yeux à nouveau et m'endormir : libérée de toute angoisse, la fatigue est si forte qu'elle arrive à me submerger.


***


Je me réveille avec une putain de migraine. Serilda a ouvert mon tonneau, et je me prend les rayons du soleil en pleines rétines, et ça fait un mal de chien comme si j'avais fini ma nuit ivre morte. Putain de Fée et liesse. Mais je passe outre la douleur lorsque ma conscience se réveille vraiment : ça y est, je suis libre, de vrai de vrai !

Je m'extirpe du tonneau avec l'aide de mon amie. Mais même avec son aide, je me ramasse quand même au sol en sortant : j'ai les muscles tétanisés, des fourmis dans les jambes, et je suis incapable de supporter mon propre poids. Pas grave : sentir l'herbe sur mes mollets est un plaisir incomparable.

J'éclate de rire et caresse le sol de ma main. Je met mon autre main en visière sur mon front et regarde Serilda.

- Tu l'as fait ! Tu l'as fait ! Je suis libre !

Je me relève et lui bondis dessus, l'enserrant dans mes petits bras en riant si fort que j'en ai des petites larmes qui coulent.

- Merci ! Merci mille fois ! T'es la meilleure, la meilleure des meilleures !

Je finis par m'asseoir avec elle sous l'ombre du grand chêne. On s'étire toutes les deux - elle comme moi avons les muscles foutrement endoloris. Entre la migraine et la fatigue, je suis pas bien vaillante, mais ma liberté retrouvée me donne assez d'allégresse pour surmonter ça.

En plissant fort les yeux j'arrive à découvrir un peu le paysage qui m'entoure. C'est vraiment joli ici. Le grand chêne majestueux, le fleuve à l'eau claire et limpide, les mystérieux gros cailloux avec des runes dessus, ça fait très enchanteur. Le genre d'endroit parfait pour manger un pique-nique avant de faire la sieste.

Serilda est un peu inquiète pour sa famille, et vu que c'est un peu ma faute toute cette situation, je veux la rassurer. Je met la main autour de mon cou, et fais glisser la cordelette de mon pendentif au-dessus de ma tête, puis lui fourre la patte de taupe dans les mains.

- C'est un porte-bonheur que m'a confié le Rôdeur, je te le prête. Tu peux le serrer fort pour qu'il t'écoute. C'est sur que le Chat il protège ta famille. Il aurait pas fait tomber la pistole de ton père du côté non marqué si c'était pour le délaisser ensuite, j'en suis certaine.

Je lui fais un grand sourire en croisant l'index et le majeur de mes deux mains.

Il nous faut attendre maintenant. On commence par manger un morceau. Maman serait fière de moi, j'ai dévoré tout le lard et les biscuits qu'elle avait pris pour moi - faut dire que toutes ces émotions ça creuse pas mal. Je bois abondamment aussi, parce que même si j'avais la gorge desséchée après l'épisode de la lampe et de la suie, je m'étais pas beaucoup désaltérée avant d'entrer dans le tonneau par peur d'avoir envie de pisser ensuite. Je profite d'ailleurs de ma nouvelle liberté pour aller derrière les buissons à baies et caguer un gros coup - avec toutes ces angoisses nocturnes, ça faisait un moment que mes intestins protestaient. J'hésite à aller me baigner dans le fleuve parce que je pue pas mal, mais on est encore qu'au tout début du printemps et l'eau est encore glaciale alors je me résigne à faire une toilette plus sommaire. Je me rince les cheveux pour me débarrasser du sang séché, et puis je me débarbouille le visage qui était plein de poussière et de terre.

Quand je reviens sous le chêne et m'assied contre son tronc, je sens la fatigue qui revient à la charge. Mais alors que je commence à m'assoupir, Serilda prend la parole et me montre les dalles en pierre pour me dire ce que son père avait lu dessus. Du coup, je rouvre le yeux, me redresse un peu, et l'écoute parler des elfes et des nains, de leur ancienne amitié révolue, de la disparition de tout ce qui faisait la beauté de leurs civilisations unies.

- Papy Beauconteur nous parle souvent des légendes sur les elfes et les nains. Il dit qu'avec la grandeur de leurs civilisations respectives est aussi venue la compétition entre eux. Qu'ils voulaient toujours faire mieux que l'autre - plus grand, plus beau, plus cher. Et que si ce sentiment avait au début émulé leur créativité, il est devenu toxique sur le long terme : parce que dans une compétition pour que quelqu'un soit déclaré gagnant, il faut que l'autre soit déclaré perdant. Et que, puisque personne ne voulait perdre, des conflits ont éclaté, d'abord minuscules, puis de plus en plus grands. Jusqu'à ce que la guerre anéantisse leurs deux civilisations toutes entières, ne laissant derrière elles que des ruines et du chagrin.

C'est triste comme histoire. Moi ça m'aurait pas dérangé d'admettre que j'étais la plus nulle si ça permettait à personne de mourir.


Après cet échange un peu mélancolique, on est toutes deux redevenues silencieuses. Et rapidement, on s'est toutes deux assoupies à l'ombre du chêne.


***


On s'est réveillées de nous-mêmes lorsque des voyageurs sur des barques descendant le long du fleuve nous ont salué. J'ai levé la tête et leur ai fait un coucou de la main sans trop réfléchir, ce n'est qu'après coup que j'ai pensé que je ferais peut-être mieux de rester discrète.

Le soleil était presque à son zénith, et il nous fallait encore patienter. Ma migraine s'améliorait, mes étirements avaient un peu soulagé mes muscles, et ma fatigue avait été vaincue. Résultat : plutôt que de ronger mon mors sans bouger, je ne tenais plus en place, et tout en discutant avec mon amie, je multipliais les acrobaties dans l'herbe à côté d'elle. C'est alors que je marchais sur les mains que j'osais passer les trivialités pour assouvir ma curiosité :

- Alors tu fais ça souvent, aider des gens à fuir les autorités ? Tu fais que ça ou tu fais d'autres choses illégales aussi ? Genre comme moi, chaparder des trucs rigolos la nuit ? Tu as une idée de comment je pourrais me faire cinq cent couronnes d'ailleurs ? Même en trouvant pour dix couronnes par maison visitée, ça va me demander quatre... non cinq... attend dix et dix et dix et dix ça fait...

Je me met à vouloir compter sur mes doigts, oubliant que c'étaient mes mains qui assuraient mon équilibre. Bien évidemment, je me ramasse donc sur l'herbe. Puis me relève aussitôt, pour faire un grand écart qui me sert à étirer mes jambes encore endolories.

- En tout cas maintenant on est non seulement amies, mais aussi collègues de travail, vu qu'on a le même employeur !

Je lui fait un grand sourire, puis me remet sur mes pieds pour faire quelques pirouettes. La liberté, il n'y a que ça de vrai.

Une poignée de minutes plus tard, un canot apparut à l'horizon, descendant vers nous depuis Baerenthal. Serilda ayant une bien meilleure vue que moi qui subissait encore les effets secondaires du Fée et Liesse, ce fut elle qui pointa du doigt en direction de l'embarcation avant de s'exclamer avec entrain :

- C'est eux !

Je met mes deux mains en visière sur mon front pour tenter de voir les passagers du canot. Je reconnais sans mal Aetulff à l'avant, avec un grand sourire goguenard - rien qu'à sa mine réjouie, je devine déjà que tout s'est bien passé. Mais mon cœur ne s'autorise à reprendre ses battements qu'au moment où, derrière un autre homme à la grande carrure, je reconnais Sirrah, bien vivante.

Incapable de contenir mon allégresse, je bondis sur place et laisse échapper des petits cris de joie, agitant les bras sur la rive à l'attention de mon amie arabéenne. Je la vois qui me fait un gigantesque sourire en m'apercevant, et mon cœur palpite de bonheur.

J'ai vraiment réussi. Je nous ai sauvées toutes les deux.

- Sirraaaaaaaah ! Que je gueule alors que le canot rejoignit la terre ferme.

Tout comme Serilda plus tôt, je bondis sur mon amie à l'instant même où elle quitte la barque, mais cette fois-ci je saute en prenant mon élan pour arriver à sa hauteur, afin de m'accrocher à elle et l'enlacer de toutes mes forces, mes jambes enserrées autour de sa taille et mes bras autour de ses épaules. Elle tient la lampe dans l'une de ses mains alors elle peut pas forcément répondre à mon calin, mais je m'en fiche.

- Ranald soit loué, tu vas bien, tu vas bien ! J'ai eu tellement peur, je t'avais laissée toute seule avec... mais tu es là ! Tu es là !

Et je la serre plus fort encore.

Aetulff et l'autre homme - que Serilda a nommé Boudewijn - ont posé des contenants à nos pieds. Du haut de mon perchoir humain, je reconnais ma gibecière et le gros sac en toile qui m'a servi pendant le chapardage. Je desserre ma prise sur Sirrah et redescend au sol pour aller les ouvrir. Je découvre ainsi que toutes nos affaires mal acquises y étaient présentes, sans exception. J'échange un regard complice avec mon amie arabéenne, et on se sourit bêtement l'une à l'autre malgré la fatigue et les maux de crâne.

Le patriarche Reginarr m'adresse la parole. Il m'explique que sa famille est présente partout aux alentours, et donc qu'où que j'aille il y aura quelqu'un auprès duquel je pourrais trouver du travail et rembourser ma dette. Je hoche la tête pour lui montrer que je compte bien respecter notre marché à la lettre, avant de lui répondre :

- Normalement, c'est vers Parravon que le cirque Bonchardon devait poursuivre sa route, donc on se reverra certainement là-bas, Herr Reginarr. Je... vous... enfin voilà. Merci. Juste... merci.

Il va sans dire que cet instant de liesse et d'euphorie s'évapora comme neige au soleil à l'instant où Sirrah aborda le sujet de sa mère. J'avais occulté Zaniab de ma mémoire jusque là, et ce retour brutal à la réalité vint me tordre les intestins avec la force d'un troll en furie. Il y eut un échange entre mon amie et Aetulff, un long échange où je vis Sirrah passer de l'incompréhension à la peur panique, puis à la colère. Je n'ai pas trouvé la force d'en placer une pendant leur discussion. Pendant mes longues heures d'introspection dans mon fût cette nuit, j'avais pourtant eu l'occasion de bien réfléchir à comment j'allais présenter les choses à mon amie, mais maintenant que la situation se présentait devant moi, ma bouche devenait toute sèche et les mots refusaient de sortir. Heureusement qu'Aetulff se montra particulièrement loquace à ma place dans un premier temps. A la vérité, il fut d'une grande aide : il rassura Sirrah sur l'état de santé de sa mère, sur sa sécurité, sur sa capacité à refaire sa vie n'importe où sans la moindre difficulté. Il insista sur l'importance de ma décision de payer pour elle, qui aurait été en danger de mort si elle était restée prisonnière de la cage.

Ce n'est que lorsqu'il signala à Sirrah la possibilité de contracter une dette envers lui pour pouvoir rejoindre sa mère que ma langue se délia d'elle-même.

- Non. Si Sirrah décide de rejoindre sa mère, je paierais pour elle. J'ajouterais le prix au montant de ma dette. Mais d'abord... Sirrah, il faut qu'on discute.

Je soutiens son regard. C'est difficile. Il y a plein d'émotions qui dansent dans ses yeux humides de larmes. Je me sens coupable. Mais c'est trop tard pour reculer.

- Ecoute-moi Sirrah. Ta mère... tu sais que c'est une sorcière. Et je parle pas juste de quand elle lit l'avenir dans les mains des gens. Elle sait faire d'autres choses, plus sombres. Et puis elle a ces objets dangereux, vraiment dangereux. Il y a ce miroir cassé que j'ai trouvé chez elle. Avec dedans un mauvais esprit qui m'a proposé de m'aider à me venger de mes ennemis, et à ramener à la vie des morts. Il a dit que Zaniab était une geôlière et m'a dit que je devais la tuer - c'est pas le genre de conseil que donnerait un gentil esprit. Et puis il y a la lampe, celle que tu tiens ! Celle qu'elle nous a envoyé chercher ! Celle qui contient cette femme aux griffes qui m'a suppliée de l'autoriser à tuer Talecht, et qui dévore de la chair humaine vivante pour repas ! Bon sang, elle ne nous a même pas prévenues du danger que refermait cette lampe, on aurait pu mourir toutes les deux à cause de son silence !

Je prend en confiance en parlant. Il y a un sentiment de révolte qui gronde au fond de moi, et qui ne demande qu'à s'exprimer.

- Mais c'est pas à cause de ça. C'est pas grave qu'elle soit une gentille ou une mauvaise personne si c'était une bonne mère pour toi. Mais c'est pas le cas Sirrah. Ce qu'elle t'a fait, c'est... c'est pas juste.

Je sens l'émotion qui monte aussi dans ma gorge.

- Ta... ta mémoire. Tu... je sais que ça va être difficile de me croire, mais j'ai besoin que tu me croies et que tu réfléchisses bien à ce que je vais te dire Sirrah. Ta mère a fait quelque chose à ta mémoire. A tes souvenirs. Ecoute, quand je t'ai rencontrée, tu m'avais déjà décontenancée parce que tu faisais des drôles d'erreurs. Et j'ai juste pensé que tu étais un peu étourdie. Mais plus j'ai appris à te connaître, plus les erreurs se sont avérées nombreuses. Tu... tu dis avoir vécu à Mariusbourg pendant des années, mais tu as affirmé que j'étais la première halfeline que tu voyais - et je peux te jurer qu'il y en a des centaines et des centaines là-bas, c'est impossible que tu n'en aies jamais aperçu. Et puis tu confond le nom de toutes les iles, comme une touriste qui n'y serait allée qu'une semaine, mais tu y as vécu des années ! Et tu m'as dit que ta mère lisait l'avenir dans les étoiles, alors qu'elle est aveugle et utilise ses mains pour lire celles des autres par le toucher. Et tu m'as affirmée que la lampe qu'on devait récupérer était en or, alors qu'elle est en terre cuite ! Tu, tu... Sirrah, la femme griffue, elle te connaissait, elle connaissait ton prénom, et a dit que ça faisait plaisir de te revoir, et tu ne l'as pas reconnue, même que ça l'a vexée, comme si c'était impossible que tu l'oublies ! Pire que ça, tu n'avais pas la moindre idée de ce qui pouvait se passer avec cette lampe. J'espère vraiment que tu n'en avais pas la moindre idée, sinon ça voudrait dire que tu as risqué ma vie dans cette maison en gardant le secret, et je ne crois pas que tu aurais pu me faire ça, pas la Sirrah que j'ai appris à connaître. Mais Zaniab savait, et elle ne t'a rien dit, risquant ta vie à toi aussi ! Putain, si on avait su, si j'avais su, jamais je n'aurais... et tout ça... tout serait tellement différent.

Je m'essouffle. Mais je ne fuis pas son regard.

- J'ai payé pour sa vie parce que c'est ta maman, et que je voulais la sauver pour toi. La mettre en sécurité, loin du danger. Mais j'ai aussi payé pour te mettre en sécurité, toi, en l'éloignant de toi. Parce que si tu vas lui demander des comptes, alors il lui suffira de jouer une fois de plus avec ta mémoire pour te manipuler à nouveau. Parce que j'ai aucun doute que c'est à cause d'elle que tu as autant de trous de mémoire, parce que ça l'arrange bien pour te garder bien docile auprès d'elle, à faire ses quatre volontés.

Tout ton être crie que tu voulais être libre, Sirrah. Tu appelles Ranald de toutes tes forces ! Pense à comment on s'est rencontrées ! Nous nous sommes parlées parce que tu connaissais le symbole du Rôdeur, celui de la pièce qu'on fait tournoyer, que tu tiens de ton père, et qui m'a permise de t'identifier comme une amie du Chat ! Et tu connais, ou connaissais, Aetulff et sa mercerie, pas par hasard, mais parce qu'il dissimulait dans sa tente un autel de Ranald - jusqu'à ce que ta mère t'interdise d'y mettre les pieds ! Tu m'as dit que c'est elle qui choisit tout pour toi, qu'elle décide de chacune de vos destinations en voyage sans que ton avis ne lui importe - tu as même abandonné ton amoureux bretonni, celui pour lequel tu te sentais éprise d'un véritable amour, dont tu es encore capable de te souvenir, pour elle, parce que tes désirs ne lui importaient pas.

C'est Ranald qui a voulu notre rencontre. Alors selon ses préceptes, je voulais juste t'offrir un petit fragment de liberté, un moment où tu serais seule à choisir de ton destin à toi, pour toi et rien que pour toi. Aetulff te l'a dit : ta maman s'en sortira très bien sans toi, et je sais que tu le sais aussi. Tu... on va en Bretonnie avec le cirque, tu pourrais voyager avec nous et aller retrouver ton amoureux si tu le voulais ! Tu peux aller où tu veux, comme tu le veux.

Mais un cadeau n'est pas destiné à plaire ou à être accepté, et je... je comprendrais que tu le refuses. Que tu préfères renoncer à cette liberté pour l'amour de ta maman, malgré la mauvaise magie qu'elle utilise sur toi. Et comme je l'ai dit à Aetulff, je... je paierais si tu veux la retrouver. Parce que ça serait ton choix, et que je le respecterais.


Je baisse désormais le regard.

- Je veux pas que tu m'en veuilles, que tu me détestes. Je... je sais que c'est mal ce que j'ai fait. Que... que même avec tout ce que je t'ai dit, c'est quand même mal. Je suis désolée de t'avoir rendue triste.

Et dans le silence qui suivit ma piteuse conclusion, une voix sournoise provenant de mes souvenirs surgit sans prévenir dans mon esprit pour me glacer le sang.

"Cherche plutôt comment tu peux devenir sa maîtresse au lieu de Zaniab. Fais-la douter de sa mère, et fais-lui croire que toi, tu peux lui offrir une vie plus aventureuse. Fais-la pleurer, puis sèche ses larmes."
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - RP
Warfo Award 2022 du meilleur PJ - Ecriture

"Avec Susi, y a pas de souci !"

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Interrompre Aetulff Reginarr était une très mauvaise idée. En jurant à voix haute qu’elle contracterait une dette pour Sirrah, le gros rouquin ne put s’empêcher de retrousser ses lèvres pour afficher ses dents, dans une sorte de grimace lupine. Ça se voyait à sa tête, que ça lui coûtait beaucoup de laisser Susi finir.
Puis, suivi un long discours, peut-être devant plus d’oreilles indiscrètes que Susi aurait préféré…


La scène toute entière était à la Halfeline. On se taisait et on la laissait dérouler — privilège rare dans une famille aussi nombreuse que le cirque Bonchardon, il était rare qu’auprès de sa famille, elle puisse entamer un argument sans être immédiatement interrompue par un cousin braillard ou une tante qui se mêle de ce qui ne la regarde pas. Les humains étaient rarement plus polis, mais au moins ceux-là la bouclaient, ne laissant que le silence pour toute réponse à chacune de ses phrases.
Elle pouvait aussi regarder, dans les gestes et le visage de Sirrah, la manière dont ses propos semblaient la toucher.

Il y eut de la colère, quand on se mettait à diffamer sur sa mère : elle ouvrait grand la bouche, avalant l’air, comme si elle s’apprêtait à vociférer. Puis il y eut de l’incompréhension, des paupières qui s’ouvraient et se fermaient à toute vitesse, tandis qu’elle entendait ce qu’on racontait sur sa mémoire ; elle ne put s’empêcher de faire un pouffement de rire, comme si ce que racontait Susi était parfaitement ridicule, et la voilà déjà qui agitait le museau de gauche à droite, en se préparant à réfuter cette thèse. Il y eut de la vexation, aussi, quand elle pensait qu’elle était accusée à son tour d’une quelconque faute, ça se voyait à sa manière de serrer des poings, et de jouer nerveusement avec la lampe qui était toujours tenue fermement entre ses mains.

Et puis, ensuite, il y eut beaucoup de stoïcisme. Susi n’était plus certaine qu’à quel moment exact de son propos, mais la jeune fille d’Arabie avait juste complètement cessé de bouger. Elle se mettait à regarder dans le vide, complètement figée, comme si ses entrailles s’étaient faites d’albâtre — il n’y avait bien que sa respiration, son torse qui se bombait et se rétractait, qui rappelait que son âme ne l’avait pas quittée.

Le silence qui suivit fut long. Terriblement, long. Assez long pour qu’on entende des oiseaux piailler, l’eau de la Vaswasser qui coulait, et le gros Boudewijn complètement largué qui décida de sortir son mouchoir pour expulser un gros paquet de morve, sous le regard méprisant de Serilda.

Sirrah ouvrit la bouche. Elle voulut dire un mot. Rien n’en sortit. Elle leva un doigt, puis regarda Susi droit dans les yeux.

« Je t’en veux, Susi. »

Et elle baissa ce-dit doigt.

« Mais, je…
Je pense que je dois réfléchir. C’est… Beaucoup, à répondre tout d’un coup. »


Et là, dans son visage, Susi put voir beaucoup de tristesse dans ses grands yeux brillants. Mais aussi, et elle n’hallucinait pas, un petit sourire dans le coin des lèvres. Triste et heureuse à la fois ; Mori avait raison, la liberté était un cadeau très cher.

Alors, l’Arabéenne commença à marcher, en faisant un signe de tête.

« Je suppose que faut aller par là, si on veut retrouver ton cirque ? »

Et c’est ainsi qu’elle acceptait sa proposition.

Avant qu’elles ne s’en aillent, Serilda quitta les Reginarr qui s’attelaient à repousser la barque. La petite rousse vint s’agenouiller pour aider Susi à embarquer ses sacoches, et elle trifouilla la nouvelle patte de taupe qu’elle avait glissée autour de son cou.

« Tu m’as bien dit que tu me prêtais cette patte ?
J’espère que c’est un vrai porte-bonheur et que tu viendras l’récupérer, parce que ça me ferait très plaisir de te revoir. »


Elle leva son doigt, et tapa sur la pointe du nez de la Halfeline.

« Surtout qu’on va avoir des tuyaux pour que tu te fasses de l’argent. Et que tu nous en rapportes, bien sûr… »

Et voilà que la rousse fit un sourire enjôleur, et un clin d’œil assez ambivalent. Il y avait tout un savant mélange de gentillesse et de taquinerie, de charme et de moquerie dans ses manières — oui, elle était bien la fille de son père.

« Tot snel, jolie pie. »




Le trajet du retour fut très calme. Sirrah ne pipa pas un mot. Elle ne semblait pas faire la gueule ; c’était difficile à expliquer, mais non, la Halfeline n’avait pas la sensation qu’il y avait une sorte d’horrible gêne entre elles. La fatigue et la violence des événements rendraient sûrement l’Arabéenne silencieuse cette nuit, et peut-être les quelques suivantes ; mais ce n’était rien que Mórr, et peut-être l’alcool ne pourraient pas dissiper. L’Arabéenne finirait par pardonner. Et surtout, par révéler la grandeur du butin du cambriolage, car elle ne décrochait toujours pas cette satanée lanterne qui avait causé tant d’ennuis, et provoqué tant d’effroi chez Susi…

Un miroir récupéré de la terre plus tard, et voilà que deux silhouettes s’approchèrent du cirque Bonchardon. Les Halfelins paniqués se rueraient sur la plus petite des deux. Il y aurait des câlins. Puis des cris et des engueulades. Des explications exigées. Puis encore d’autres câlins. Et au final, on terminerait de lever les chapiteaux, de ranger les tentes, d’enfermer les poulets dans leurs cages. Et comme ils faisaient dans chaque ville où ils s’arrêtaient, les Bonchardon reprendraient leur errance perpétuelle, marchant avec Esmeralda là où les routes les mèneraient.





En fin de journée, le cirque Bonchardon s’arrêtait près d’un hameau près de la Vaswasser. Quelques chaumières d’un village-relai, entourées d’immenses champs endormis par la fin de la saison d’Ulric, et pourtant, même en cette saison encore froide, il y avait un certain dynamisme — des marchands et des voyageurs semblaient aller et venir, d’ici et de là-bas, et tous devaient bien s’arrêter quelque part pour se restaurer, réparer les essieux de leurs charrettes, et peut-être prendre du repos s’ils étaient en galère. Ce n’était pas un bon endroit pour faire halte — les villageois accueillent à bras ouverts les caravanes de marchands cherchant une auberge, rarement les cirques de Halfelins qui débarquaient par plusieurs douzaines avec leurs bêtes et leurs tentes. Mais c’était un bon endroit pour aller acheter des provisions, et échanger un peu de drap d’Ubersreik contre des pommes et de la viande séchée.

Accompagnant ses deux frères (Ou plutôt escortée par eux, surveillant leur petite sœur de crainte qu’elle ne s’échappe à nouveau), Susi entra dans ce hameau. Les Halfelins trouvèrent les villageois bizarrement tous rassemblés en un seul endroit, hommes, femmes, et enfants : ils se tenaient devant leur petite chapelle locale, une sorte de grande grange en bois, avec des gravures au fond du chêne le long du linteau : ça représentait des petits animaux, tout autour d’un couple de bonhommes sans visages qui se tenaient la main. L’un des bonhommes avait des cheveux longs et portait une gerbe de blé, l’autre avait des cornes sur la tête : Taal et sa femme Rhya.
Pourtant, ce n’était pas un druïde ou un chamane, en robe de lin ou en peaux de bêtes, qui se tenait devant les portes de la chapelle. C’était un grand homme, très beau, musclé, avec des yeux bleus brillants, vêtu d’une armure de maille au-dessus de laquelle il avait un paramentique de blanc, et une écharpe de pourpre. Son crâne était rasé de très près, lisse, et il avait à sa main un marteau.

Avec une voix forte et mélodieuse, il achevait un sermon :

« Le seigneur de guerre Martrud a trahi ses serments ! À Orquemont, les Bretonni brûlent tout sur leur passage, avec une brutalité qui dépasse celle des Peaux-Vertes ! Ils attaquent dans les villages, ils attrapent les enfants de Sigmar jusque dans leurs lits, et les tuent, sans faire de distinction entre les enfants et les adultes ! Ils n’ont aucune pitié — sauf pour les femmes qu’ils cherchent à ravir pour en faire leurs esclaves !
Gens de Baerenthal, écoutez-moi : Ceux qui appellent à la paix vous mentent ! Il n’y a pas d’union possible avec ces barbares — ils se mélangent à nous comme l’huile le fait avec l’eau ! Ils ne comprennent pas l’amour, et n’ont aucune notion de l’honneur ou de la parole donnée ! Ils ont abandonné leurs propres Dieux, et leurs âmes sont sourdes à la paix !
Ce n’est pas un cœur ouvert qui vous a protégé des Bretonni — C’est la foi et le fer ! »

Et il leva haut son marteau au-dessus de sa tête.

« Rhya a échoué ! Nous devons faire comme au temps du grand Empereur Sigismond, qui a repoussé les frontières d’ici jusqu’à la Lynsk, de Mariusbourg jusqu’au Golfe Noir ! Nous devons nous placer sous le ban de Sigmar, qui reviendra parmi nous pour le Nouveau Millénaire !
Voilà mes ordres : Entraînez-vous à la lance et au bouclier, formez des milices, organisez des tours de garde, empêchez vos enfants de s’éloigner de vos regards, et surveillez chacun des enfants des Seigneurs-à-cheval, même s’ils viennent à vous avec des cadeaux et des sourires !
L’Empire est en guerre ! Et c’est une guerre que nous gagnerons ! »


Le prêtre ne reçut nul applaudissement, ni ovation fanatisée. Mais les gens de l’assistance se mirent à se dévisager les uns les autres, avec ces espèces de regards durs, froids, et méfiants.
Charisme de base : 11
Bonus : A toujours été amie avec Sirrah (+2)
Bonus : Est restée derrière pour Sirrah (+4)
Malus : Poignard dans le dos (-4)

Jet : 13, réussite de justesse.
Eeeet, c’est la fin du RP !

Au cours de cette aventure, Susi :
– A rencontré Sirrah, la poulaine.
– A volé une gourmette au sénéchal du Westenmark.
– Est devenue une célébrité de Baerenthal, grâce à ses numéros de contorsionnisme.
– A commencé bien malgré lui un partenariat avec Origène le Docète, un vieux sorcier d’un temps révolu.
– A cambriolé le vicaire de Baerenthal.
– A libéré un démon sur la ville.
– Est devenue l’obligée de la famille criminelle Reginarr.

Pas mal de choses, donc !

Tu gagnes :
– 196 XP grâce à tes posts
– 25 XP bonus pour avoir accompli ton aventure
– 10 XP bonus pour ton inventivité lors de nombreuses situations
– +5 PdC de Ranald pour avoir bien servi le Chat (Tu as bien volé et tu t’es moquée des grands, mais tu n’as pas eu recours à la violence pour autant)
– +2 PdC d’Esmeralda pour avoir été une bonne Halfeline
– +1 PdC de Josias, pour ton addiction au tabac.
– Sirrah, une nouvelle pote qui rejoint le cirque.
La lampe, dont les effets seront découverts au prochain RP.

Je te laisse tout dépenser dans la chapelle.

La suite… Bientôt.
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