[La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

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Depuis la Déchirure jusqu'à la création de l'Empire et de la Bretonnie, revivez ces âges passés de légendes.

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[MJ] Le Faussaire
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[La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

Message par [MJ] Le Faussaire »

Royaume de Bretonnie - Duché de Gisoreux et d'Artois.
Année 1524 du calendrier bretonni.

Troisième année de La Régence.



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***
Le soleil se levait à peine à l'horizon.
Malgré le jour naissant, ils n'en étaient pas à leur première lieue de la journée. Le vent sifflait entre les plaques et les tissus. On cavalait ardemment, au rythme des pavés et des arbres bien alignés. Ils n'étaient pas obligé de partir si tôt, mais il ne fallait surtout pas être en retard. Au loin se dessinaient deux tours à parapet, une toiture étincelante, et un grand espace déboisé, sous des nuages effilés.

Il ferait beau aujourd'hui. Il ferait frais. Surtout, il ne fallait pas être en retard. C'était mal vu d'être seulement à l'heure, alors...

***
Armand cligna des yeux. La piécette entre les phalanges de son gantelet remua doucement, provoquant un cliquetis entre deux plaquettes. C'était sa dernière pièce. Son dernier écu, oui, pour cette semaine. La pièce rayonnait étrangement lorsqu'on la plaçait face au soleil naissant. Elle était intacte, parfaite, propre... Trop propre. Bien trop propre pour être vraie. Et pourtant, elle était là, vraiment entre ses doigts.

La nuit s'était passée sans encombres, encore une fois. Quelques courants d'air, quelques racontars en haut des murs, quelques commentaires sur la gente locale - Evrard ne savait faire que ça, des commentaires -, et déjà la nuit filait. Alors qu'il passait une dernière fois sur la courtine Ouest, il sentit à nouveau le vent à travers son armure. Il ferait beau aujourd'hui. Cela faisait deux semaines qu'il faisait beau. << Messire, il fait toujours beau à L'Oisillon >> l'avait-on prévenu avant son arrivée - et pour l'instant, c'était on-ne-peut-plus vrai.

Cela faisait aussi deux semaines qu'il était en poste, assigné à cette partie du palais, avec une partie des autres "nouvelles têtes". Ses journées se passaient en majorité avec des gens tels qu'Evrard de Berzé, Maric de Loisy et parfois avec le marquis Jacques de Champas, qui donnait les ordres et les informations à chaque groupe de chevaliers. Evrard était le plus bruyant, mais aussi le plus costaud - et il le faisait savoir, avec ses solerets braillards et son air... propre à lui-même.

Enfin, la lune s'absentait. Il n'aurait plus à écouter le gros nordien - enfin, languillois - et peut-être pourrait-il enfin croiser quelqu'un d'une toute autre importance - un ministre, un grand-officier, ou peut-être même un homme du Conseil ou de la Chambre. C'est qu'il y avait du monde dans le palais, des gens de haut statut et de bonne compagnie, que l'on croisait et pouvait croiser à tout heure et en tout temps ... Cela dit, il fallait être quelqu'un si l'on voulait être remarqué, et se faire remarquer si l'on voulait être quelqu'un.

Alors, les portes noires de la salle de veille s'annoncèrent devant lui. C'était là la fin de son office nocturne.

***
Sans annonce, ils furent interrompus durant leur rapport et pendant une conversation, alors qu'ils quittaient le promenoir. Le malappris ne se présenta point, et pire encore, il salua Armand et toute la troupe de gens d'armes d'un geste très adroit et très approprié - preuve que l'individu était bien élevé et bien éduqué. Pire encore, l'inconnu portait la livrée du palais, les << couleurs de la Maison >>. D'un ton mielleux et mesuré, il entonna :

- " Milles excuses messires, j'ai à transmettre la requête d'un ou plusieurs hommes méridionaux. Est-ce qu'il y en a parmi vous ?"

Le valet esquissa un sourire poli, scrutant son auditoire sans bouger ni sourciller. Il faut dire que les hommes du Sud étaient assez rares dans ce duché, et plus encore dans le palais. La plupart des nobles et gens d'armes étaient de la région, de baronnies et comtés affiliés à Parravon ou - pour les plus étrangers - au grand duché de L'Anguille et du Lyonesse.

Les "gens du Sud" ou "méridionaux" comme on les appelait poliment, étaient si éloignés du Roy et du palais qu'il ne semblait pas si coutumier d'en voir au sein du service royal. Le marquis de Champas avait prévenu Armand à son arrivée : << En dehors de quelques dames de Brionne, il n'y a que peu d'apparentés ici >>. Une formule assez sobre pour dire que le duché de Brionne était la seule maison représentée ici avant son arrivée, ou la seule "méridionale" qui importait.

Petit à petit, les regards se tournèrent vers Armand, ignorant au passage les moulures du plafond, le lustre des meubles, le duvet sur les fauteuils et rideaux, ou encore l'air semi-nerveux du quêteur. Ce dernier ne dit mot, mais il suivit les mouvements de tête avec attention, fixant ses deux yeux grisonnants sur le descendant de Lyrie.

Il faisait frais ce matin, oui. Cependant, c'était comme si les regards arrivaient à réchauffer Armand...
Ce n'était pas vrai bien sûr, puisqu'avec Armand, rien n'était totalement vrai.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Armand VII de Lyrie
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Re: [La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

Message par Armand VII de Lyrie »

Je me demande combien de personnes dans le Vieux Monde se réveillent chaque jour en se persuadant tout seul, afin de se tirer de leurs draps, qu’aujourd’hui est enfin le jour où ils vont changer de vie. En se brossant les dents, en s’épilant les sourcils, en s’appliquant leurs baumes sur le visage (Du moins pour ceux qui se permettent d’avoir une hygiène, ce qui, il est vrai, limite fortement le genre humain dont je parle), combien de personnes se mettent en forme et se motivent à affronter leur enfer quotidien en se disant : « Aujourd’hui, je vais changer de vie. » Combiens mettent le pied dehors qu’il vente ou qu’il neige, et se dirigent vers le lieu de leur servitude, en se répétant la même rengaine : « Aujourd’hui, je vais démissionner. Aujourd’hui, je vais faire un bras d’honneur à mon employeur et ne pas rentrer chez moi ce soir ».
Mais ces mêmes hordes de bouffons accomplissent raisonnablement leurs heures, sourient et hochent de la tête quand ils subissent la sempiternelle remontrance sur la qualité de leur œuvre, et ils rentrent chez eux pour prendre leur tisane (Ou leur rail de poudre) avant de sombrer à nouveau dans les bras de Mórr — peut-être jusqu’au jour où Mórr ne les lâchera plus.

Je vous dis tout ça, parce que j’essaye de me sentir un peu moins seul, quand je me dis tous les matins que j’ai très hâte de me casser de mon job. Hors de question que je le dise jamais à voix haute, que même je me contente de simplement sous-entendre l’infime once d’insatisfaction quant à ma charge actuelle : dans notre royaume de Bretonnie, en ce moment même, des dizaines, voire des centaines de milliers d’enfants rêvassent éveillés qu’un jour ils intégreront l’armée royale. Ils entendent les histoires, lisent les gazettes, ouïssent les rumeurs, et ils désirent cette magnifique vie d’aventures, de combats, d’histoires d’amour, tout ça au service d’un Roy qui récompense fortement les courageux qui se tireront de la masse. Le renouveau du temps des chevaliers, même si ces chevaliers ont beaucoup trop changé depuis l’ère de Gilles et des Compagnons — ils ont des pistolets et ils se parfument ces chevaliers-là, mais ils rayonnent encore lorsqu’ils chargent avec leurs immenses harnois de plates et leurs lances de huit pieds de long, juchés sur des destriers qui font trembler la terre sous leurs sabots.

Quand je me suis engagé dans les gens d’armes il y a deux ans, obtenant ma simple charge dans une compagnie, on m’a beaucoup vendu ça aussi. On nous a amené dans la province de Quenelles, où on s’est énormément entraîné six mois durant — à manœuvrer en groupe à cheval, à marcher à travers le pays, à se battre à l’épée ou à l’arc… On était fins prêts à être lancés sur n’importe quoi : peut-être à Bastogne à devoir hebdomadairement se battre contre les diverses créatures du Mont Orcal — ou bien sur la côte de Couronne, à surveiller les incursions Norses. On a décidé de me muter dans la province la plus méridionale du pays, la Gasconnie, et on m’a prévenu, qu’on serait sur la brèche, que ça allait barder, qu’il fallait craindre tant les Peaux-Vertes que les cruels Estaliens qui tenteraient tôt ou tard de reprendre le pays que nos ancêtres leur ont arraché par la force des armes.
Hé bien j’ai été proprement carotte ! Juste quand on est arrivés moi et d’autres récemment-engagés, l’ambassadeur du roy venait de renouveler la trêve avec le royaume de Bilbali, quant aux Peaux-Vertes je n’ai jamais vu que des gobelins égarés et en fuite parce qu’ils avaient été proprement détruits dans les montagnes, soit par les Nains, soit par les bergers (C’est très violent un tas de bergers dont on menace les moutons). Ma sinécure en Gasconnie a donc beaucoup consisté à regarder les montagnes depuis un parapet, contrôler trois fois de suite les marchands qui passaient sur les routes (Ils avaient tout le temps des papiers en règle les enfoirés…), et faire des virées à cheval dans la contrée à dormir sous le ciel. C’est vrai que c’est des beaux paysages, mais enfin il fait froid la nuit, surtout en hiver, et puis franchement les fêtes locales elles sont rares — même si je ne me moque pas des locaux, parce que les campagnards sont capables de se murger avec une violence à en faire pâlir des satyres.
Tenez, exemple, une des très rares fois où j’ai dû enfiler mon armure « pour de vrai », c’est quand on a été appelés en urgence parce qu’un berger cocu a pété les plombs : il a enlevé ses propres enfants et s’est retrouvé en forcené dans sa propre chaumière. On a dû débarquer à vingt avec les chevaux, les arbalètes et le harnois des pieds à la tête pour cerner la maison pendant six heures. Vous savez comment ça s’est fini ? L’aîné du village a juste calmé le gars et il s’est rendu sans faire d’histoires, même pas un drame bon pour les histoires. Du coup quand je raconte ça généralement je dis que ça s’est fini avec nous qui sommes intervenus à la grenade pour l’arrêter alors qu’il allait tuer ses gosses, je trouve que c’est une fin plus intéressante.

Finalement, on m’a informé de ma mutation à Oisillon, parce que je l’aie demandée quatre fois de suite à mon capitaine chaque fois que j’avais l’occasion, et il en a eu marre de mon harcèlement perpétuel, ça et les lettres que j’ai envoyés à mon oncle.
Vous savez c’est quoi la meilleure ? Trois semaines après que je fus parti, une horde de Peaux-Vertes a déboulé du col du vieux-Glamborielle, et tous les gens d’armes royaux de Gasconnie se sont joints aux brigandiniers locaux pour stopper leur avancée dans une grande campagne d’escarmouches successives. Et moi j’étais déjà dans le duché de Parravon donc c’était trop tard pour faire demi-tour. Ranald est une salope.




Alors m’y voilà à Oisillon, et pour ces seize premiers jours, on ne peut pas dire que les choses soient bien différentes, sauf que la compagnie est plus richement vêtue. Au lieu de me rincer l’œil avec des bergères, on a l’occasion de voir de l’aristocrate perruquée et maquillée — mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, elles ne sont pas forcément plus jolies. Comme on est plus proches de Gisoreux, qui est l’immense capitale de Bretonnie, j’ai pu racheter un truc dont je m’étais sevré depuis mon entrée dans la gendarmerie, et je porte maintenant sur moi un joli pochon rempli de délice de Ranald — j’ai passé trois jours à sniffer quand j’étais dans mon auberge dans les faubourgs, j’ai presque aucun souvenir de là-bas donc c’était très probablement génial. C’est sûr que la dope se descend plus et se maîtrise mieux que l’eau-de-vie de ruraux, même si ça a pas le bon arôme du patxaran artisanal dans la distillerie familiale, et c’est une vraie sensation qui m’avait manqué. Malheureusement, j’ai trop abusé et maintenant il faut que j’attende ma prochaine solde en plus de ma prochaine arrivée à Gisoreux pour retrouver de quoi me poudrer les narines, je suis sur les réserves là ; à moins que je trouve un trafiquant à Oisillon, ce qu’il y a peut-être. Chut. Je prends mes marques ici.
Pour l’heure, ça fait deux semaines que je me suis pas trop fait remarquer. Professionnel, courtois, très avare en paroles. Je souris tout le temps, sauf quand c’est mon tour de garde où je reste bien au garde-à-vous à tirer la bonne gueule de sentinelle noble qu’on attend — on doit s’effacer dans le décor, droits à tenir notre épée par le fourreau, alors que les aristocrates de passage font comme si on était même pas là. C’était plus détendu en Gasconnie mais ça m’empêchait pas de prendre mon travail très sérieusement, je porte l’uniforme du Roy, faut que ça marque, qu’on me respecte à la hauteur du respect pour notre grand monarque. Enfin ça c’est ce que je dis aux gens, la réalité c’est que je fais juste ça pour me faire bien voir et espérer un jour passer capitaine de compagnie, parce qu’il est hors de question de faire le piquet comme un bouffon toute ma vie.

Au moins le reste de la lance avec qui je traîne m’a l’air agréable. Ils ressemblent aux gens d’armes que j’ai toujours connu, en tout cas — jeunes et volontaires, même si un peu braillards, et pas toujours avec des bonnes manières. Tenez, prenez Evrard : un vrai cacou, le gars parle tout le temps, et je ne comprends toujours pas de s’il m’aime bien ou de s’il se fout de ma gueule à chaque instant, très probablement les deux en même temps pour tenir au stéréotype de l’Anguille. Aujourd’hui j’essaye de faire mon trou, de m’intégrer — mais je suis devenu habitué maintenant, je sais me faire apprécier de tout le monde. Faut juste un petit temps d’adaptation. Avec un peu de chance, tout le monde dans deux mois me connaît. On essayera de rendre le boulot tout proche du Roy agréable, surtout que je suis au bon endroit pour progresser dans les rangs.

Et donc, toutes ces digressions pour en revenir au tout début de mon propos : si tous les matins je regrette d’avoir rejoint la gendarmerie, à chaque fois que j’ai mon uniforme sur le dos, je rentre dans le moule et je fais comme si j’étais l’homme le plus serviable et ravi du monde.
Combien d’humains font comme moi ?




Je suis encore frais de ma nuit. Faut dire qu’avec mon travail, j’ai appris à dormir n’importe quand, de façon courte, pour revenir en pleine forme après. Peut-être la faute aux longues nuits d’hiver en Gasconnie, fallait dormir peu et se réveiller facilement. Malgré tout, va falloir que je me force à trouver Mórr pour la matinée. Être garde de nuit à Oisillon m’a l’air mille fois plus passionnant que garde le matin — la nuit le palais ne dort pas, c’est là où on entend des rires, où on voit des gens courir dans les jardins pour aller se bécoter, où on s’adonne facilement à l’alcool et la musique. Le matin c’est le moment où les mêmes décuvent, zonent n’importe où… Hier, Evrard a terrifié un valet qui était en train de vomir dans des fleurs, je lui ai quand même dis de faire gaffe, un jour sans faire exprès on pourrait confondre un page avec un fils de duc et l’asticoter alors qu’il est en train de pisser dans une fontaine, et ça serait pas beau sur le dossier pour les promotions. Le programme allait donc être très simple pour moi : rapport devant le marquis, c’est-à-dire rien à signaler, puis bacon-œufs et dodo, et dans l’après-midi je serais frais comme un gardon pour me préparer à la soirée.

Hélas, c’était sans compter sur un des valets du roy. Alors qu’Evrard était en train de tout raconter à ma place, j’étais tranquillement au garde-à-vous, derrière lui, quand ce gars débarque avec l’attirail complet du riche serviteur (Le vrai serviteur intime, pas juste le garçon d’écurie, je veux dire), et à nous parler très poliment et très gentiment, mais quand même un peu comme si nous étions ses boys — ce qui en fait n’était pas faux, étant donné qu’on vit aux crochets du roy et des impôts des millions de sujets de Bretonnie. Il eut sa requête bizarre, et tout de suite après, tout le monde se tourna pour me regarder.


Ils sont sérieux ? J’ai dû me retenir extrêmement fort de pas lever les yeux au ciel, ou de me mettre à pousser une gueulante. Je l’ai dit, deux semaines que je suis ici, hors de question que je me fasse remarquer. Mais quand même ! Méridional ?! Moi, méridional ?! Forcément je suis entouré de nordistes qui mangent que du beurre et de la crème, alors moi qui demande de l’huile d’olive à table ça fait pousser des soupirs et railler des blagues, mais ça va quoi, Aquitaine c’est pas si sudiste que ça ! À moins qu’ils pensent à moi parce qu’ils savent que j’ai passé genre un an en Gasconnie ? Petit le pedigree quand même.
Roh putain je le vois trop arriver. Si j’approuve ce que dit le valet dans deux jours tout le monde se fout de ma gueule en imitant mon accent (Que j’essaye fort de gommer depuis que j’ai franchi la Grismerie…). Mais bon, là ça commence à faire lourd, le valet attend une réponse, et puis j’ai rarement une occasion de me faire mousser…

Alors du coup je quitte les rangs en trois pas pour me mettre devant mes camarades. Je frappe mon poing fermé sur mon cœur en guise de salut, et je confirme ce que la troupe attend de moi.

« Monsieur ; Je suis Armand de la vallée de la Lyrie. Mes ancêtres servaient le Compagnon Frédémond d’Aquitanie. »

Toujours appréciée la petite référence au temps de Gilles et des preux chevaliers. Ça me fait passer pour un gros niais avec des étoiles dans les yeux, qui est trop trop ravi et en extase de faire partie de la gendarmerie. Généralement c’est bien vu.

« Si je peux servir, je me tiens à votre disposition. »
Armand VII de Lyrie, Chevalier Bretonnien
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 10 | Int 8 | Ini 8 | Att 9 | Par 9 | Tir 8 | NA 1 | PV 60/60
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_vii_de_lyrie

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[MJ] Le Faussaire
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Re: [La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

Message par [MJ] Le Faussaire »

Le valet retrouva sa droiture juste après la réponse d'Armand, et lorsqu'il eut laissé les quelques secondes de silence adéquat, il lâcha un calme mais non moins attentif :

- " Voilà qui est parfait. Suivez-moi, Monsieur."

Et lorsqu'Armand fit un mouvement - le moindre vacillement qu'il soit, de la main ou du pied ou même du chef - le valet s'inclina à nouveau, avant d'ouvrir les bras afin d'indiquer le sens de la marche à son invité. Il y eut quelques réactions de la part de l'auditoire, que ce soit sur les visages, sur les plis des mains, les froissements d'épaules, les mimiques mal dissimulées, ... Bref, cela avait eu son petit effet sur l'assemblée - mais pas sur le valet.

Cet individu plutôt banal - en dehors de son habit - n'avait toujours pas dit un mot sur la requête qu'il devait amener et, sentant sans doute comme Armand les diverses réactions des nordiens, il ne dit rien avant d'avoir franchi au moins trois autres portes et un couloir isolé.

Une fois ce périmètre franchi, Armand arriva dans une partie du château qu'il ne connaissait point - une des nombreuses ailes ou parties intermédiaires qui reliaient bon nombre de chambres et de quartiers privés mais qu'aucun officier ou gens d'arme n'avait daigné expliqué au chevalier aquitanien. Ils franchirent un autre seuil, plutôt court, et alors le serviteur s'exprima.

- "Comprenez monsieur que ce n'est pas par mauvais opinion que je vous déleste temporairement de votre lance, bien au contraire. J'ai cependant reçu un besoin que seul un homme tel que vous peut combler."

Il marqua une pause, bifurquant à gauche avant de marcher à ses cotés.

- "Vous avez sans doute remarqué que vos semblables se font rares en ces lieux. Rassurez-vous, nous y sommes. Pourrais-je avoir votre épée, s'il-vous-plaît ?"

Ils étaient en effet arrivé dans une chambre, une sorte de salon bien arrangé, avec moult tissus suspendus et rideaux bien placés. Il y avait un tapis sur le sol, quelques décorations chaleureuses, des floraisons, et deux fauteuils séparés, qui regardaient le mur d'en face, en biais. Le valet se racla doucement la gorge, plaça les mains et l'épée dans son dos, avant de reprendre d'un ton mielleux :

- "Madame est servie, est-ce que cela suffit ?"

Il y eut une pause, puis un froissement, et Armand entendit alors une autre voix, plus tendue, mais aussi plus chantante - mais seulement par petites touches.

- "Cela suffit, oui. Je vous remercie, monsieur."

Malgré les environs semblables au reste de l'Oisillon, quelque chose dans ces lieux hurlait à Armand qu'il était en présence d'une femme - avant même que la voix ne se répande entre ses oreilles. Quelque chose dans l'air ou l'intonation de l'inconnue avait réveillé les sens d'Armand - à moins que ce ne soit le manque de poudre dans son nez qui se soit manifesté. Le valet s'inclina à nouveau, pivota sur place, puis disparut dans le dos du chevalier. Il disparut aussi de ses pensées, de ses idées, et tout simplement des sons qu'il entendait.

- "Veuillez excuser l'embarras que monsieur a pu provoquer, messire. J'espère sincèrement ne pas vous avoir enlevé à votre devoir. "

Quelque chose tira un des tissus, et une silhouette ombragée apparut aux abords d'une fenêtre, entre voile et verre. Elle ne dit mot pendant un temps, comme si un tel silence était attendu ou qu'elle attendait autre chose. Elle n'était pas grande, pas mariée - sa coiffe trahissait la chose - et sur ses mains jointes se lisait une certaine manière... Préoccupée. Les cheveux bruns ou noirs, le teint hâlé - à moins que ce ne soit les rideaux qui coloraient sa peau et sa tignasse -, les joues lisses, le visage... Elle ne montrait qu'une partie de son visage, que des bribes et des contours. Elle était trop loin pour décortiquer chaque grain de peau ou vacillement. En plus, elle ne le regardait pas, la tête tournée vers le paysage matinal.

Tout ce qu'Armand savait, c'est qu'il n'avait jamais vu cette femme - tout comme il n'avait jamais vu cette partie du palais.

- "Ai-je l'assurance de votre secret, messire ? Pouvez-vous me le promettre sur votre honneur de chevalier ?"

Décidément, même si cette femme se maitrisait en apparence, quelque chose en elle ou autour d'elle semblait remuer. Quelque chose d'insidieux sans aucun doute, vu la demande, vu le valet. Quelque chose de douteux peut-être, vu l'emplacement, vu l'instant.
Test secret : 10.
Test d'INT : 4, réussi.

Je coupe très tôt, afin de pouvoir effectuer la discussion proprement par MP - et te permettre de broder tes pensées et réactions lors de celle-ci.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Armand VII de Lyrie
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Re: [La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

Message par Armand VII de Lyrie »

L’étrange valet m’entraîne loin de mes camarades d’armes. Et voilà que je le suis dans ces longs couloirs que le marbre et l’air ambiant laissaient bien frais, à en avoir des frissons — mais pas moi, parce que je ne frissonne jamais. On traverse ces galeries aux grandes fenêtres éclatantes grâce au verre cristallin de Brionne, et on découvre partout ces pièces d’armure brillantes fabriquées à Montfort (Par des forgerons immigrés Impériaux), ces magnifiques broderies cousues de fils d’or qui montrent des grandes scènes des chroniques de la Dame du Lac, avec du métier tissé en Gasconnie (Par des petites mains immigrées d’Estalie), et ces miroirs réfléchissants aux cadres en bois d’ébène assemblés dans la riche province de Quenelles (Par des artisans immigrés de Tilée…). Et alors que mes yeux se posent sur chacun des détails, des bibelots, des décorations luxueuses qui s’offrent en s’étalant jusqu’à l’écœurement aux yeux des visiteurs, l’homme à mes côtés engage la discussion avec moi :

« Comprenez monsieur que ce n'est pas par mauvais opinion que je vous déleste temporairement de votre lance, bien au contraire. J'ai cependant reçu un besoin que seul un homme tel que vous peut combler. »

Je peux combler beaucoup de choses, mais j’ai mon prix, je me retiens de dire. Pour toute réponse, je me contente d’encore marcher avec le lourd cliquetis métallique de mon armure et ses plaques de métal.
Et voilà qu’il m’arrête devant une pièce, et me demande de retirer mon épée. Je fronce des sourcils à cette étrange requête, mais ne m’en formalise pas — je déboucle ma ceinture, lui tend l’arme par le fourreau, et lui fait les gros yeux alors qu’il s’en saisit : j’aurais horreur qu’il la tienne par la garde, mais il a la politesse exercée de l’attraper uniquement par le cuir. Après quoi il entre, fait grossièrement l’introduction, et se casse en fermant la porte derrière.

Je me retrouve dans le petit monde feutré d’une jeune femme d’honorable naissance. Le genre d’endroit où il fait toujours chaud alors que dehors il fait froid, où ça sent toujours le parfum de violette alors que dehors on renifle la floraison de la forêt, et où on pense toujours être accueilli, alors qu’on est jamais réellement chez soi. En observant le lit, impeccablement bien fait et recouvert de magnifiques couvertures brodées et décorées, je ne peux m’empêcher de deviner la présence d’une peluche ou d’une poupée bien cachée, tout ce qui lui reste d’une tendresse antique abandonnée avec les premières mues. C’est le genre de petit monde que les hommes de Bretonnie fantasment de pénétrer, et seule une infime minorité y parvient.

Et elle me sort le petit discours bien rodé, avec sa voix fluette, malhabile, courtoise et exercée, mais qui trahit tout de même un grand embarras. La peur d’être seule avec un homme, l’embarras de réclamer de l’aide (Sans oser l’implorer…), et puis, surtout, l’angoisse à l’idée qu’on puisse trahir un secret. Sommes toutes, des peurs bien saines, dans le monde de la Bretonnie. Les femmes nobles de notre pays n’ont comme seul capital que leur réputation, c’est leur richesse et leur pauvreté, et il est trop facile pour des personnes comme moi de le leur dérober.

« Veuillez excuser l'embarras que monsieur a pu provoquer, messire. J'espère sincèrement ne pas vous avoir enlevé à votre devoir.
– Monsieur est fort discret, il ne provoquera aucun embarras. Mais il disait que je devais me mettre au service d’un homme, madame… Mademoiselle. »

Je me corrige faussement, c’est une erreur maîtrisée. Et pendant que je la rassure avec ma petite voix rauque, je reste bien fixement au garde-à-vous, les mains dans le dos, à la regarder tout droit.

« Ai-je l'assurance de votre secret, messire ? Pouvez-vous me le promettre sur votre honneur de chevalier ? »

Je ferme un poing et le pose contre mon cœur.

« Bien sûr, mademoiselle, rien ne quittera cette pièce. Je le jure sur mon honneur. »

Je le dis avec toute la conviction que je peux rassembler, et expulser hors de mes cordes vocales. Cela la convaincra, mais elle demeure silencieuse pour un moment — elle réfléchit à la tournure de ses phrases. Elle est le genre de personne qui ne peut jamais parler réellement, qui doit toujours maîtriser son texte à la virgule près, ne jamais laisser la moindre petite trace d’euphémisme ou de propos équivoque — ou si elle le fait, c’est à dessein. Quand elle sera plus âgée, ça sera devenu naturel pour elle.

« Il y a une chose que je voudrais savoir. Malheureusement, comme vous le comprenez, messire, je ne suis aussi capable que vous dans certains domaines. »

Aussi capable que vous. La phrase me fait serrer des dents et des sourcils. À quoi fait-elle référence ? Dit-elle cela parce que je suis gendarme, et parce qu’elle voit l’épée et l’armure ? C’est l’explication rationnelle. Mais mon cerveau malade ne peut pas s’empêcher de travailler à toute vitesse pour essayer de déceler dans cette simple phrase un sous-entendu quelconque.

« Avez-vous déjà été assigné par un officier ? »

Je hausse des épaules — parce que c’est ce qu’il faut faire quand on est hésitant. Et c’est avec la même voix claire et droit au but que je lui réponds :

« Je suis sous le commandement du marquis de Champas, mademoiselle. Il n’a pas encore jugé bon de me confier d’ordres.

Vous pensez que je serais doué parce que je suis gendarme, ou parce que mes racines poussent dans le sud ? »

Je dis la dernière phrase sur le ton de la boutade, avec même un sourire naissant. Mais elle reste là, une main sur la vitre, à prendre une grande inspiration. Beaucoup de choses semblent l’empêcher de parler avec libéralité — beaucoup d’angoisse, surtout.

« Vous devez donc savoir que les gens d'ici ne sont pas comme vous, messire. »


Je penche un peu la tête de côté. Non, je ne vois absolument pas ce qu’elle veut dire.
Mais la voilà qui tourne enfin la tête pour m’étudier. Quelques instants, je découvre mille détails sur son visage : de grands yeux bleus, une face ovale au teint hâlé, une silhouette fine, les cheveux qui descendent en cascade… Elle aurait le portrait parfait pour immédiatement enticher un jeune chevalier dans une chanson de geste. Sûrement qu’elle n’ignore pas cela d’elle-même. Et donc, je réponds à la fable — poliment, comme un bon chevalier courtois, je baisse les yeux, comme s’il était punissable de profiter trop longtemps de la vue de son agréable visage. Et enfin, elle daigne donner la raison de ma présence ici.

« Il y a un homme qui rôde dans le château, la nuit. Il apparaît parfois à ma fenêtre, juste avant ou juste après la veillée. Il ne se montre qu'un court instant, comme s'il croyait ne pas être vu. »

Voilà. On y est. Un harceleur. Ça explique la peur et l’embarras mêlés. Je comprends bien mieux la situation. Beaucoup de femmes sont comme ça — facilement hystériques pour pas grand choses. Ça m’a déjà causé des problèmes dans la vie ; on se contente de faire une petite réflexion et on est fiché éternellement par des cercles de jeunes gamines comme un infréquentable.
À ma place, je pense que beaucoup d’hommes se seraient mis à pouffer de rire devant le ridicule du propos. D’autres se seraient jetés à genoux et auraient fait de grands cris pour dire que c’était ainsi intolérable de l’importuner. Moi, je me contente de froncer des sourcils, et d’enfin mettre fin à ma stoïque garde sur place : je m’approche de la fenêtre, pour essayer de voir ce qu’elle peut bien observer dehors.

« Un homme… Et, il vous importune ? Il vous observe avec insistance ? »

Elle fait deux pas pour s’éloigner, me laissant ainsi tirer le voile pour me glisser derrière. Alors qu’elle répond à ma question, je tire sur la poignée pour ouvrir la fenêtre en grand, et laisser entrer la brise froide du dehors dans la pièce trop bien réchauffée.

« Je ne sais pas ce qu'il fait, messire. Je l'ai surpris une fois, alors que je revenais d'une audience. Depuis, Je ... J'ai senti sa présence quelques fois. Quand je sens ses yeux sur mon dos, le soir, alors je me retourne, et il est là, et parfois non. Parfois je vois ses yeux, parfois ses mains sur le rebord, ou bien son menton à la dérobée, jamais plus. »

Imprécis, mais très vivant, comme description. Délire nocturne ? On pourrait facilement y croire alors que je me retrouve à me pencher au-dessus du balcon, parce que je vois difficilement comment on pourrait jouer aux cabrioles par ici.

On est au deuxième étage de cette aile du palais. Dehors, il y a pas grand-chose : un muret décoré, un long passage extérieur couvert de graviers, qui sert de chemin de ronde ou de passage pour les serviteurs. Il y a des arbres fruitiers un peu plus loin, un passage qui mène vers la cour. Ici c’est pas franchement la meilleure vue du palais même s’il y a des buissons et du lierre un peu partout — tout Oisillon est tellement magnifiquement décoré, c’est incroyable…
Mais pour arriver à cette fenêtre, pas vraiment d’endroit à se raccrocher qui est évident. Je me retrouve à bien pencher la tête dehors, à regarder vers le haut, ça mène vers le toit, et vers en bas, on y voit un beau rebord en marbre comme celui sur lequel je me tiens.
Alors que j’observe tout ça, je continue de poser froidement des questions fort analytiques.

« Depuis combien de temps, maintenant, mademoiselle ?
– Depuis… Plusieurs semaines à présent.
– Vous n’avez remarqué aucun détail particulier ? Il ne vous fait vraiment penser à personne près de vous ?
– Si messire, il a des yeux pâles, pâles à vous glacer le sang, même de dos, et il ne fait jamais de bruit. Je pense qu'il n'a que l'ombre ou la lune pour amie. On dirait un spectre quand il vous regarde.
Je n'ai pas d'ami ou de tels êtres autour de moi. Mon entourage est… »


Mes questions tranquillisent son esprit. Sa voix se calme, alors qu’elle se confie de plus en plus, mais elle continue de parler à demi-mots, comme si elle avait peur que j’interprète mal ses paroles, comme si ça allait causer du tort à son entourage. Elle a l’air d’être terrifiée à l’idée de marcher sur les pieds de quiconque. Pauvre jeune fille.
C’est vraiment le genre de personne dont l’honneur est facile à dérober.

« …assez réduit, messire. Mes gens n'oseraient faire cela. Ils sont bien courtois.

Ils ont du bon sang, messire, et pas ces yeux. Ces fichus yeux… »


De mon observation extérieure, et de ma jugeote, la seule chose que je vois de possible, c’est que le malotru se soit hissé depuis l’étage en dessous. Déterminé, quand même, pour passer ses nuits à reluquer une femme. Surtout s’il peut se faire voir par une sentinelle nocturne, ou un commis de cuisine qui sort fumer la pipe. Et j’ai pas l’impression que en dessous ce soit une pièce accessible, à moins que je ne me goure complètement.

Je me décale un peu du rebord, recule d’un pas. Mais c’est toujours le visage tourné vers le paysage dehors que je continue mes questions.

« Ses yeux vous ont marqué, mademoiselle… Avez-vous pu voir ses oreilles ? Ou… Un autre détail moins notable, mais dont vous pensez vous rappeler ? »

Je délire peut-être totalement, mais la personne qu’elle me décrit me semble à peine humaine. Il doit y avoir du délire hystérique dedans, mais enfin, le rationalisme bas-du-front ne sied qu’aux fiottes de Tilée — il y a les nuits de pleine Morrslieb des possessions, et il y a des êtres maléfiques qui singent la silhouette humaine. Sûrement qu’un lieu plein de vie et ancien comme l’Oisillon doit avoir ses côtés obscurs, qui ne donnent pas envie de dormir la nuit…
…Moi, je dois avouer que ça m’excite. Mon esprit s’illumine à toute vitesse, alors que j’essaye déjà d’imaginer un plan. Un voyeur acrobate qui profite du couvert de la nuit pour gratter l’honneur d’une magnifique jeune fille, voilà qui est impressionnant comme premier contact avec Oisillon — tellement mieux que tous ces mois à me faire chier à côtoyer des putains de bergers en Gasconnie.

Mais ma question, bizarrement, la crispe, m’obligeant à la regarder. Elle marche de gauche à droite dans la pièce, mains liées, fortement entre elles — peut-être qu’elle se retient de mâchouiller un de ses ongles, on gifle les filles qui font ça pour que ce tic leur passe une fois adultes.

« Il était grand, je pense. Un visage... froid. Aiguisé, pointu, comme celui d'un fauve ou ... D'un faucon. Oui, il avait des mains telles des griffes. Longues et qui ... Qui ne laissent pas de traces. »

Visage aiguisé, mains griffues, tête de faucon… Le portrait robot de notre mateur-saltimbanque le fait de plus en plus passer pour une bête ignoble sortie du Moussillon !… Ou à un métis Estalo-Arabéen bien dégueulasse, du côté de la Gasconnie on voyait de ces phénomènes vous savez, un vrai argument contre le mélange des sangs… Je cache mon sourire provoqué par ma propre réflexion pas-très-Shalléenne, tandis que la pauvre jeune fille se retrouve à s’accrocher à un meuble tel un matelot sur un bateau en train de tanguer.

« Vous avez une idée ? Vous savez que faire, messire ? »

J’ai des idées poupée. Pas forcément très originales, mais y a pas toujours besoin d’être une tête dans la vie. Mais reste une question importante à répondre :
Pourquoi je me ferais chier à te rendre service ? Parce que t’as des beaux yeux bleus ? Je veux bien jouer à l’amour courtois, mais je me contenterai pas d’un bisou sur les mains. Elle me fait doucement marrer, avec sa belle gueule d’ange et ses petites manies graciles de fille terrifiée — elle peut se permettre de venir me faire siffler comme un clébard, et non seulement je viens au pied, mais en plus il faudrait que j’agite la queue… Je veux plus jamais entendre une garce dire que dans notre pays les femmes ont pas de droit, elles peuvent se permettre de faire ce qu’elles veulent dans notre pays, et en plus on doit dire merci.

Mais allez, je calme tout ça. Je me retrouve à m’avancer dans la pièce, à me rapprocher du lit. Je tourne à 180° devant, me penche un peu, et essaye d’observer la fenêtre depuis l’endroit où elle dort. Sous quel angle peut-elle voir l’intrus ? Sous quel angle disparaît-il ? J’étudie silencieusement pendant quelques secondes, avant de grogner, de me relever, et de lui faire face — mais toujours sans la regarder dans les yeux, je baisse la tête et lui parle avec une petite voix douce et mielleuse, comme un petit jeune homme embêté de sa situation et prêt à tout pour la régler.

« Ce que vous me décrivez fait froid dans le dos, je comprends que vous ayez besoin d’aide, mais… Pardonnez-moi une question indiscrète, je suis tout nouveau à l’Oisillon, tout nouveau dans une cour en fait, donc ça va probablement vous paraître très idiot…
Pourquoi le secret ? Vos inquiétudes m’ont l’air très légitime, n’avez-vous pas des gens proches de vous qui peuvent veiller la nuit, ou bien ne pouvez-vous pas essayer de changer de chambre pour décourager le harceleur ? »


Mon petit numéro de charme semble marcher, parce qu’enfin, je lui arrache un sourire. Elle est très belle quand elle sourit. Ça me donne envie…

« Ma ... place à la cour ne me permet pas de m'étendre en public. Les gens comme nous n'ont pas toujours cette chance, vous verrez. Quant à moi, je n'ai pas votre armure, messire, ni votre ... Condition. Je ... Si l'on venait à savoir qu'un fauve rôde en ces lieux, ou que je m'étends à ce sujet… »

Elle sourit toujours et elle est toujours aussi désirable. Mais c’est un sourire qui tend un peu. Elle est heureuse ou… Pas heureuse ? Ou gênée ? Ou elle me fait du gringue ? C’est dur. Putain, pourquoi les gens sourient quand ils sont mal à l’aise ? 1 2 3 4 respire. Offre un sourire en retour toi aussi. Sincère, compassionnel… Mais il faut pas trop sourire non plus, pas montrer les dents… Je le contrôle au millimètre ce putain de sourire.

« Votre place, mademoiselle ?
Nous ne nous sommes point présentés. Je me nomme Armand de Lyrie. Peut-être que si vous me parliez un peu de vous, je pourrais me faire une idée plus précise de qui pourrait ainsi vous suivre ? »


Elle pose ses mains sur les pans de sa petite robe, et me fait une révérence très courte et malhabile.

« Vous pouvez m'appeler Éléonore, messire Armand. »

Éléonore. Juste Éléonore. Elle croit quoi, que je vais rêvasser d’elle la nuit avec un prénom, chercher un moyen de faire des rimes avec afin de lui chanter un poème la prochaine fois qu’on se voit ? Pour ça que je couche qu’avec des mamans, au moins elles me disent spontanément qui elles sont et ce qu’elles peuvent me donner, y a pas ce jeu chiant de puceaux qui se tournent autour des années.
Je suis pas plus avancé de savoir si c’est une fille de baron, de comte, de duc ou de marquis. Mais allez, je suis nouveau à l’Oisillon et on va bien se faire voir de ma compatriote.

« Je ... Je passe mes journées à tisser avec mon entourage, comme le veut la saison avant les réceptions. Elles ne sont pas de celles qui me voudraient du mal, non. Je tiens à ce que chacun soit bien loti, vous savez. Je ... Je n'ai jamais importuné le Marquis ni les cardinaux, et … »

Et la voilà qui refait un salut, avec une minuscule révérence, comme si quelqu’un d’autre était dans la pièce.
D’accoooooooooord. La fille est aussi jetée que moi en fait, on va bien s’entendre putain.

« Je devrais quester mes servantes, peut-être ?
Vous devriez partir messire, elles arrivent dans peu de temps. »


L’angoisse s’empare d’elle. L’angoisse de la rumeur, l’angoisse de devoir donner des explications. C’est marrant, elle me siffle pour venir mais un quart d’heures à peine après je dois dégager. Les femmes… Enfin, je me redresse bien, et c’est toujours avec la même voix assurée, mais douce, mais sympathique, mais gentille, que je lui réponds :

« Hé bien, Éléonore, je vais m’arranger pour être de garde près de votre fenêtre au moins ce soir. Je verrai de loin si j’observe la même chose que vous. Je resterai discret pour essayer de le prendre en flagrance, mais soyez assurée qu’au moins, cette nuit, vous dormirez tranquillement. Si je dois revenir vers vous, je suppose que je peux passer par votre serviteur ? »

Et alors que je vais me casser, je m’arrête et me tourne :

« Ah, et avant que je parte, une simple question — avez-vous une idée de ce qui se retrouve juste à l’étage en-dessous d’ici ? »

Elle réfléchit un instant.

« Je crois que l'office qui était en dessous a été déplacé par le cardinal Dumourieux. Ce doit être un salon comme celui-ci désormais.
Demandez mon nom aux cuisines si vous ne me trouvez pas ici. »


Je la fais face, la regarde enfin droit dans les yeux. Avec un poing contre le cœur, je me penche, et recule sans lui tourner le dos jusqu’à la porte. Voilà, tu vois que je suis bien né, Lénore, je vous jure que ce genre de mimiques ça a son petit effet sur les filles, même les âgées.

Je me retrouve dehors. Je revois monsieur qui m’attend toujours avec mon épée, comme un porte-manteau humain, ce qu’il est. Je dis pas ça pour me moquer — moi je suis un épouvantail humain payé à faire peur aux gens, et voilà que je viens de me faire engager par une donzelle pour terrifier un reluqueur nocturne, on a chacun un devoir dans la vie. J’opine du chef alors que je reprends mon arme, et en me réarmant, je me permets une petite vanne :

« Vous avez raison d'être prudent, il faudrait que tous les bons serviteurs aient votre vigilance. Même si vous devez être la première personne que je vois se méfier des Meilleurs du Roy. »

Les Meilleurs du Roy, c’est comme ça que la gendarmerie royale s’appelle. Les effectifs triés sur le volet des monarques de la dynastie de Blois. On est une institution ancienne, aux multiples batailles remportées qui sont cousues d’or sur nos drapeaux, et les roys reposent sur nous pour gagner leurs guerres et terrifier leur noblesse. Feu Charles II de la Dure, notre monarque précédent, a porté notre budget et nos effectifs à un niveau jusque là inconnu, et c’est pour ça que tous les hobereaux de Bretonnie de la péninsule de Grande-Tête jusqu’aux Monts d’Irranas rêvent d’intégrer cette prestigieuse institution.
Évidemment, ce qu’il faut pas dire à voix haute, c’est que les meilleurs gens d’armes ne sont plus dans la gendarmerie royale… Les meilleurs guerriers de toute la Bretonnie, ils sont dans les compagnies des deux ducs qui se détestent, Couronne et Parravon. C’est eux qui possèdent réellement le pouvoir sur notre roi-enfant, et c’est donc eux qui ont la part du lion des grands combattants de la nation. Ils s’amusent à recruter du gros barbare naïf et féru de la Dame de l’Orcal, du semi-Norse braillard du Lyonnais, du militarisé né-sous-une-épée du Vieux-Glamborielle… Mais que mes homologues au service de Louen et Gaston se rassurent — je suis toujours mieux payé et habillé qu’eux.

« Madame Éléonore n'a pas toujours été dans cette situation, messire. Sans nul doute que cela changera pour le mieux, et grâce à vous, n'est-il pas ? »

Il répond bien, le valet, et avec le sourire en plus. Ça me force à sourire en retour. Les domestiques sont toujours beaucoup, beaucoup plus intelligents qu’on ne l’imagine. Moi, contrairement à tous les gens de ma race, je ne les ai jamais sous-estimés.

En tout cas, je commence déjà à dégager, pour pas abuser du temps qu’on m’a accordé, mais j’essaye toujours de grappiller plus d’informations pour m’aider.

« J’ai… Rarement entendu ce genre de requêtes, mais rarement ne veut pas dire jamais. Je vais faire tout ce qui m’est possible pour l’aider.
Vous-mêmes, avez-vous vu quelque chose qui sortait de l’ordinaire auprès d’elle ? A-t-elle des… Personnes qui demeurent auprès d’elle durant la soirée ? Une damoiselle de compagnie, peut-être ? »


Il semble réfléchir alors qu’il me laisse devant la porte qu’il ouvre de cette aile.

« Oui, en effet, Madame n'est pas ordinaire non plus. Sa compagnie est assez restreinte, et elle ne passe que peu de temps en compagnie d'inconnus ces temps-ci. Votre cas est une exception récente.
Il serait préférable qu'elle vous annonce ses doutes à leur propos cela dit. Vous comprenez sans doute pourquoi, et mieux que moi je pense. Qui plus est, je pense que vous leur plairez.
À moins que… »


Il regarde dans le couloir, à droite, à gauche, et termine pas son propos. J’ai aucune idée de ce qu’il veut dire par là, mais il a l’air d’adorer parler par euphémismes comme sa maîtresse. Ça me fait ricaner.

« Dans un premier temps, il vaut mieux que je reste un inconnu et un fantôme. Mademoiselle Éléonore aura des nouvelles de ma part bientôt.
Oh, avant que je parte, question bête… Est-ce que vous savez ce qui se trouve à la fenêtre en dessous de mademoiselle ?

– Hmmm…
Je crois que c'est une chambre. Je ne sais plus qui l'a libéré. Je crois que ce quelqu'un souhaitait réarranger certaines salles comme celle-ci, mais qu'ils ont changé d'avis. »


Je suis en train de me casser, mais je prends le temps de le saluer poliment.

« Merci. Je retourne à mon devoir, je suppose que vous avez à faire de même. »

Il approuve de la même manière que moi et claque bien la porte. Il doit apprécier le fait que j’aille droit au but et que je n’abuse du temps de personne, je dois être un des premiers gens d’armes de l’Oisillon a pas lui casser les noisettes, enfin, je pense.




Bon bon bon bon. Ça en fait des informations.

Je vais commencer à être obsédant avec la pièce du dessous, mais j’ai vraiment l’impression que c’est un bon endroit pour grimper à la fenêtre de dame Lénore — je préfère croire en cette théorie que d’imaginer qu’elle a tapé dans l’œil d’un sordide semi-démon, du moins ça faciliterait ma tâche. Je vais jeter un coup d’oeil, je vais sûrement être bloqué à la porte, mais je verrai bien si elle est facile à ouvrir, ou à crocheter — voir si un double de clé n’est pas planqué dans un pot de fleur ou un vase en porcelaine de Bastogne. Ça semble trop évident, mais jamais personne pense au trop évident. Si le mateur fait ça toutes les nuits, je pense pas qu’il serait assez con pour garder un double de clés sur sa propre personne, mais là aussi il faut jamais sous-estimer la connerie des gens.

Après, mon plan pour ce soir, c’est d’espérer être de garde dans le coin — et si je ne le suis pas, de convaincre un de mes camarades d’échanger son tour de ronde, en lui offrant une faveur similaire une prochaine fois si l’occasion se présentait. On va rien faire d’incroyable, je pense : je vais surveiller l’appartement d’Éléonore de loin, et essayer de voir si je vois la même chose qu’elle. Déjà, si je peux observer quelque chose qui sort de l’ordinaire, ça m’aidera, et puis au pire, on improvisera en partant de là…
Armand VII de Lyrie, Chevalier Bretonnien
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

Message par [MJ] Le Faussaire »

Ce que l'on pouvait admettre, c'est que l'Oisillon n'était pas l'endroit le plus simple à fréquenter. Sans compter les convives et les gens de la Maison, c'était un lieu qui se distinguait par son style si éminent et la complexité de son architecture. Dans certains duchés, on disait l'intérieur du château plus grand que l'extérieur, tandis que dans d'autres lieux, on disait que cet endroit cachait d'immenses secrets. Ces deux légendes auraient bien pu être vraies aux yeux d'Armand, tant le bâtiment regorgeait de couloirs, d'alcôves, de chambres et antichambres - ou encore de petits salons privés et isolés en apparence, qui pourtant n'avaient pour entrée et pour issue que des portes somptueuses et des vitraux indiscrets. Selon l'heure de la journée, on pouvait parfois se croire près du chemin de ronde, et l'heure d'après se rendre compte à la fenêtre que l'on était près du chenil, ou de l'entrée des serviteurs !

Fort heureusement pour lui, Armand savait où il allait, et il savait aussi comment y aller sans s'engouffrer dans ce labyrinthe en chêne et fer forgé. Avançant d'un pas décidé vers sa destination, il ne prêta sans doute que peu d'attention au décor, aux vastes tapis tressés ou aux décorations murales toutes plus exquises les unes que les autres - après tout, ce genre d'extravagance et d'extrême opulence n'était que chose commune en ces lieux. Ne portant son attention que sur sa propre destination, il s'y trouva assez rapidement - de son propre avis, évidemment.

L'endroit était à peu près comme il l'avait imaginé, s'il l'avait imaginé - une porte solide, épaisse au premier regard et pourtant délicate d'aspect. Une porte engoncée dans un mur de bois et de pierre sculptée, oui, une porte "de brave" comme on les appelait - ce qui ne voulait pas dire grand-chose, puisqu'une porte n'avait ni émotion ni courage. Il s'en approcha sans encombre, et après quelques observations, alors qu'il cherchait à empoigner le mécanisme pour faire son entrée, ce fut un son qui attira son attention. Oui, un son. Un simple bruit, à-demi étouffé, mais pas assez pour n'être capté.

Cherchant l'origine de celui-ci, il ne trouva que l'épaisseur de bois devant lui. Il colla alors son oreille près de la poignée, et un autre son émergea. C'était un petit cri - non, une note, et même plusieurs. Quelques secondes passent, et Armand se décide - il toque. Il ne sonne pas comme un sourd, ni comme un ahuri, mais de manière sobre, maitrisée, comme un digne le ferait.

Là, les sons s'estompent, écrasés par le tintement de ses gantelets. Quelques instants s'écoulent, et les notes ressurgissent. Cette fois, il agrippe la poignée, et - Cla-k - Non, c'est verrouillé. A nouveau la musique s'est dissipée. Le chevalier s'engouffre dans un couloir perpendiculaire, s'insère dans la première alcôve venue, et se met à lorgner la porte et tout ce qu'il convoite derrière. D'autres instants s'écoulent - plus longs et plus pressants que les autres - avant que du mouvement survienne. Un mécanisme s'enclenche bruyamment, suivi par un glissement de porte. Pas de chance, la porte s'ouvre vers l'intérieur, ne laissant à Armand qu'un maigre espoir d'apercevoir son très récent interlocuteur.

Le gendarme fait demi-tour, revient sur ses pas, croise à nouveau la porte entrouverte, et alors que celle-ci allait à nouveau retrouver son cadre, il lâche :

- " Bonjour monsieur ! "

Ce à quoi une main - ou plutôt un coude, une épaule et une oreille - répond :

- " Bien à vous, messire, et bon-jour."

La voix est grasse, le bras aussi. L'épaule est un peu basse, le ton aussi. L'homme - car c'en est un, sans aucun doute - est épais, le visage assez rond, habillé comme un gentil - à moins qu'il ne soit seigneur, ou encore courtisan.

C'en est assez pour Armand, qui s'engouffre à nouveau dans le dédale de portes et de gens.


***


Six heures du soir, l'heure du lever pour Armand. Quelques flexions rapides, quelques extensions - c'était facile, il aurait pu en faire un millier avec le temps -, et c'était déjà l'heure d'une autre nuit de garde. Lorsqu'il se réunit avec les autres de sa lance et de son rang, il fut très vite interpellé par le marquis et un autre officier. Le marquis montrait sa tête des jours d'effort, mais pas une perle de sueur n'était juchée sur son front - sans doute l'avait-on agacé avec des sottises ou tout un tas d'autres raisons.

- " Messieurs, vos postes pour ce soir sont les mêmes que les soirs derniers. Maric et Antoine, vous ajouterez la tour-ronde dès deux heures après la nuit, tandis qu'Armand et Evrard resteront sur le trajet habituel. Mauger, vous irez avec Audric du coté de ... "

Comme à son habitude, le marquis n'attendait pas de commentaires ou de remarques, et c'est pourquoi il croisait les regards de chacun de ses hommes pendant qu'il donnait les ordres à chacun et qu'il répartissait ses lances sur les différentes parcelles du domaine.

Ainsi, Armand et toute sa lance seraient à nouveau postés en vue de la tour-ronde - c'est-à-dire à l'opposé de la fenêtre de Dame Éléonore.
Test secret : 14, hm.
Test d'INT : 9, dommage.
Test secret : 15, hm.
Test de perception : 6, puis 4.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Armand VII de Lyrie
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Re: [La Régence] [Armand VII] Une ère nouvelle / Un air nouveau

Message par Armand VII de Lyrie »

Les instants de réveils sont les rares moments qui m’appartiennent. Quand je n’ai pas ce brave balourd d’Evrard pour énoncer à voix haute ses réflexions trop personnelles, quand je n’ai pas les collègues et les gens devant qui je dois faire bonne impression — quand je suis seul face à mon miroir et mon lavabo, dans un parfait silence, c’est le seul moment où je peux voir mon visage figé et sans expression qui se reflète dans la glace.

Deux yeux entourés de cernes se présentent sur ma trogne, la faute à mon rythme de sommeil complètement déphasé - à cause de mon service de nuit, je suis obligé de me réveiller dans l'après-midi. Je les gomme avec de la crème achetée à un apothicaire. Je me brosse les dents avec de la pâte à sauge, et couvre mes poignets et mon cou d’une forte essence boisée d’Artenois — c’est utile pour camoufler l’odeur de sueur qui va m’imprégner, tant à cause de mes exercices physiques que je répète dès le réveil pour me sculpter, qu’à cause de la grosse armure que je vais devoir porter, même si par la grâce d’Ulric nous ne sommes pas en plein cagnard en cette froide saison. Je me peigne les cheveux et les graisses un peu pour ne laisser virevolter qu’une simple mèche stratégiquement laissée sèche, histoire de pas avoir l’air « trop » professionnel, ça rend mieux.
Et alors que j’ai préparé le masque que je vais devoir présenter au monde, je commence, par habitude, à m’entraîner à afficher des émotions.

Mon visage, par nature, ne bouge jamais. Il est toujours de marbre, incapable de réagir seul à quoi que ce soit. J’ai appris, depuis des années maintenant, que ça en terrifie les gens. Parfois, un abruti me dira, soit toi-même, mais si je suis moi-même les gens s’enfuient. Alors je répète, j’apprends à sourire, juste un petit peu, quand quelqu’un dit quelque chose qui est censé être amusant. À froncer les sourcils, quand je suis circonspect. Je fais les gros yeux, j’entrouve la bouche quand je dois être anxieux. Le plus dur, c’est d’obliquer les sourcils aux moments où je suis censé ressentir de la tristesse. Et il ne faut jamais, surtout jamais confondre une émotion ou une autre.
Je me souviens d’une fois où j’avais souri quand mère m’avait demandé où était passé le chat.




La montre promet une nouvelle journée fort peu passionnante. Sitôt le marquis ayant donné ses ordres, on peut partir s’équiper. Je ceinture l’épée, verrouille mon plastron, alors qu’Evrard comme à son habitude, se lance dans une discussion que je n’ai pas écoutée. Alors que je ne sais même pas de quoi il me parlait, je pouffe :

« Ah ouais c’est sûr. »

Il a l’air ultra satisfait de ma réponse et approuve d’un hochement de tête.

« Tu me laisses deux minutes ? »

Auric et Mauger sont en train de s’équiper non loin. Deux preux chevaliers issus du duché de Couronne, souvent tout le temps ensemble — comme moi et Evrard, me direz-vous. Mauger est un petit peu plus tassé, brun, Auric est grand, blond, mais ils ont tous les deux l’air de beaux gentilshommes. J’étudie l’un et l’autre ; puis au final, bien que je ne les connaisse pas vraiment personnellement, même pas du tout en fait, je jette mon dévolu sur le brun.

« Bonjour à vous, sire Mauger, sire Audric...
Pourrais-je vous demander quelque chose ? »


Les chevaliers se regardent. Mauger approuve de la tête, dis un mot à son collègue, et on s’éloigne tous deux un tout petit peu dans le baraquement. Alors qu’on continue de s’équiper, je parle avec une petite voix :

« J'ai une faveur à demander. Je sais, c'est très présomptueux vu qu'on se connaît à peine et que je viens d'arriver, mais…
Est-ce qu'il serait possible que je prenne ton tour de garde près des murs ? »


Il réfléchit.

« Toute la garde ?
– Au moins une partie, je sais pas si le marquis est un homme très regardant tant qu'on fait notre boulot, mais oui, on aura retrouvé nos places assignées avant la fin de notre ronde…
– Si quelque chose survient, il ne reconnaitra que nos heaumes. vous n'avez pas déjà des problèmes j'espère ? A moins que vous n'en cherchiez ?
– Aucun problème, non, je réponds avec fermeté. J'ai besoin de surveiller le côté de la cour, ce soir. Une dame de mon pays qui est très inquiète et qui croit que quelqu'un l'observe. Je suis sûr que ce n'est rien, mais elle était sacrément inquiète, et elle ne veut pas porter plainte officiellement à notre gendarmerie... Question de réputation, vous imaginez bien avec les femmes. »

Ma réflexion le fait sourire.

« Je comprends. Nous échangerons nos heaumes quand vous le souhaiterez. Evrard est-il prévenu ?
– Merci. Il est évident que si nécessité le commandait, je vous revaudrai un service. Je vais prévenir mon camarade maintenant »

C’était facile. Et j’ai même pas eu à mentir ! L’agréabilité de Mauger me le rend appréciable à mes yeux, et je suis certain que je peux plus compter sur sa discrétion que mon l’Anguillois attaché… D’ailleurs, alors que j’attrape mon heaume et que je retourne auprès de mon balourd préféré, qui bien sûr est en train de tailler le bout de gras avec d’autres gendarmes, il faut que je lui annonce, avec une petite voix :

« Pendant notre ronde, je vais échanger ma place avec celle de Mauger. Pas que ta compagnie est désagréable, mais j'ai un truc à faire côté murs. »

Evrard m’attrape par l’épaule, et me tire un peu brusquement pour approcher sa bouche de mon oreille ; ce con arrive d’ailleurs à me faire mal.

« Seulement si j'ai la primauté sur le récit de ta petite virée. Sinon… »

Et voilà qu’il se met à éclater de rire, avant de me bousculer et de me taper dans l’épaule. Je reste de marbre, même si je force un sourire. Il peut être bizarrement menaçant, quand il veut…



Rutilants dans nos armures aux couleurs de la maison de Blois, nous commençons notre ronde, pour l’heure à quatre, accompagnés du bon seigneur Maric de Loisy et d’un noble appelé Antoine. On entend le cliquetis de nos lourdes armures et nos solerets qui battent le gravier, alors qu’on marche d’un pas assez rapide pour se vivifier le sang en cette journée trop fraîche — même si le soleil couchant printanier perçant les nuages essayent tant bien que mal de réchauffer la Terre. Ça discute, mais je n’écoute pas trop — mes camarades échangent sur des choses et d’autres, alors que mon regard se perd sur les grands jardins du palais d’Oisillon, dans lesquels travaillent quelques paysans.

Comme ils parlent tout de même de tournois, je décide de me faire entendre d’une petite voix pour lancer un sujet quelconque :

« Savez-vous s’il est prévu que Sa Majesté se rende dans le pays aux beaux jours ? Ou bien il demeurera à Oisillon ? »

Pas sûr qu’ils aient accès à l’agenda royal, mais enfin, c’est juste du commérage…

« Nooooon, répond Maric presque au-tac-au-tac, non, ou bien son Altesse n'ira pas loin. Gisoreux, Château d'Artois p't'être…
– Mais le duc-régent, par contre… Soupçonna Antoine.
– Ha, il trouvera bien de quoi cavaler en campagne !
– Et certains d'entre nous avec, oui.
– À moins qu'il ne commande un autre duc. J'ai ouï dire que des marchands s'étaient fait nombreux vers les thermes. »

Comme de bons Bretonniens nobles, ils aiment parler en sous-entendus et en euphémismes. Heureusement, je suis leur conversation.

« Les thermes... Couronne ? Les terres du duc Louen ?
– Exa-exa. Les terres de la Colombe, des Léoncoeur et des Artise.
– Faut dire que c'est un solide leur duc. A la joute d'automne il a quasiment rossé tout le monde !
– Faut dire qu'il n'est pas souvent à la cour…
– Ça lui réussit plutôt bien, non ?
– Certes, mais ça n'explique pas la multitude de marchands. Tu penses qu'il y a une raison à cela ? »

J’en ai absolument aucune foutue idée et c’est le genre de conversations particulièrement inutile. Mais soit.

« Le duc gère peut-être très bien ses terres. Aussi bon chevalier que bon dirigeant. Toute la Bretonnie devrait s'en réjouir, n'est-ce pas ? »

Je dis ça avec un petit ton hautain. Cela fait sourire les deux Couronnois, mais Evrard fait la gueule.

« Oui, il vaut mieux cela pour nous tous que le Cardinal.
– Pfeh - A toujours faire son intéressant, il ne se fait pas beaucoup d'amis.
– Au moins ce n'est pas un bastognois. »

Ils rient tous trois. Moi je ne trouve ça pas très drôle, mais je me force à rire quand même, pour faire comme si j’étais dans le groupe.

« Il est bon que notre roi soit bien entouré, de gens loyaux et compétents. Il y a notre régent, le grand guerrier, et le cardinal, le ministre le plus compétent, eux je les connaissais même depuis la Gasconnie... Qui sont les autres, proches de notre monarque ? »

C’est Maric qui me répond, après tout de même un bon instant de réflexion.

« Il y a les quatre cardinaux et le régent, qui sont au chevet du Trône, du Roy et de tout le Royaume. Tu dois surtout connaître de Capus - le Myrmidien - et Dumourieux.
Ensuite, le Trône accorde conseil à ses ministres, ses clergés, et aux grands noms : le Marquis de Champas, les de Semblan, les Ducs, les Pairs, les Artises font partie des gens qui sont écoutés régulièrement.

– Si tu te trouves face à un cardinal ou un de Semblan, surtout tu ne dis pas un mot de trop.
– Oui, c'est pas parce que t'es nouveau que tu peux pas finir dans une cage suspendue comme... C'était quoi son nom, au dernier ?
– Octave. S'ils ne l'ont pas enlevé, tu as dû le voir sur la route après Gisoreux…
– .. Et ensuite tu as les ministres, qui servent et exécutent les volontés du Royaume, et la famille de Blois qui représente la volonté du Roy.
– Pareil, pas de questions avec eux, sinon t'es bon pour Bordeleau ou je-ne-sais-quel coin pourri. »

Je grimace. Octave ? Un noble enfermé dans une cage ? J’ai du mal à y croire.

« Les Blois, l'illustre famille royale, oui... Mais je connais moins les de Samblan et les Artise. Ce sont des grands ministres du roy ? D'où viennent-ils ?
– Artise sont de Couronne. Ils sont au même rang que le duc Léoncoeur-
– C'est qu'ils sont souvent à la cour ces temps-ci, interrompt Evrard.
– Mais ils sont pas ducs.
– Et ça leur plaît vraiment pas.
– Quant à de Semblan…
– C'est des braves gens !
– Tu dis ça parce qu'ils sont tes suzerains, ou parce qu'ils ont gardé le Vieux-Lyon comme emblème ?
– Jaloux !
– Au moins, ils sont en force et en présence par ici, et ils n'hésitent pas à s'en servir.
– Tu parles de la famille d'un ministre, j'te signale ! Se met à carrément hurler Evrard, assez pour que des gens se retournent.
– Ressaisis-toi, braillard, tu vas nous attirer l'orage ! »

Cet imbécile de l’Anguillois n’est pas discret. Serrant la mâchoire, je change vite de sujet pour essayer de faire redescendre mon balourd :

« Enfin, tous ces princes, on est juste là pour les saluer et la boucler devant eux de toute façon... Mais les jeunes nobles, il doit y en avoir pas mal ? Et des jeunes dames, aussi.
– Oh les saluer, oui, mais ils ne sont pas que deux par famille, même ici. Et ceux-là ont d'autres cousins, ou des connaissances, qui eux tournent autour des plus grands, pour l'instant. S'ils veulent être bien vu, contrairement à nous, ils doivent d'abord se trouver un bon ami. Quand la saison se confirmera on les verra plus souvent.
– Ils viendront nous demander des informations, des indications. Ou simplement, ils feront les intéressants, ils apporteront des messages, des rumeurs, des invitations.
– Quant aux jeunes dames, eh bien…
– Ça dépend surtout de leur compagnie. J'te l'avais dit quand t'es arrivé, mais c'est pas le Cardinal qui défendra les demoiselles par ici. Soit elles sont bien gardées avant leur arrivée, soit elles vont vite trouver un protecteur attitré.
– Et ça, c'est au bon vouloir de chacun.
– Et ne sois pas stupide. Plus tu patientes sans rien faire, plus elles vont trouver des jeunes têtes pour les courtiser. Elles vont toutes recevoir des lettres, des invitations, des mots, peut-être même les tiens, hm ?
– Oui, de toute façon, avec ton pays, tu dois déjà avoir l'habitude... »

Je suis d’accord avec leur fine analyse. Il faut toujours vite se trouver une petite amie, parce que sinon très vite toutes les filles disent qu’elles sont casées et ça devient insupportable. Sans copine, ça va être chiant de faire son trou dans l’aristocratie. C’est un moyen évident pour faire comme tout le monde, être casé.

En regardant un peu au loin, je lance une petite plaisanterie :

« Le problème des gens de mon pays, c'est que généralement, ils s'en fichent qu'une damoiselle ait un protecteur. »

Cela les faits rire. Comme quoi c’est utile de jouer avec les stéréotypes. J’ouvre la bouche pour dire une autre connerie, quand soudain-
-une porte de service du palais claque, s’ouvre, et quelque chose s’enfuit à toute vitesse : on entend le bruit du gravier et on voit des buissons s’agiter frénétiquement plus qu’on aperçoit une silhouette, mais ça fait qu’on devient tous quatre hyper figés.

« Heu... C'est normal ça ? »

Ils me répondent pas, et le trio se lance comme des diables à la poursuite de quoi que ce soit qui ait filé. Sans même que je sache ce qu’on poursuit, j’attrape le fourreau de mon épée et rejoins moi aussi la frénétique course à travers jardin, passant à travers les haies et à l’intérieur de l’élégant alignement de parterres à toute vitesse !

On dérange les pauvres jardiniers, qui vont devoir réparer nos conneries alors qu’on est complètement perdus et séparés dans un labyrinthe de verdure. Au final, je me rends compte que ma course ne sert à rien, siffle un juron, et décide de faire demi-tour pour revenir au palais. J’aime pas courir après des choses qui ne peuvent pas être attrapées, et cette phrase a pour moi plusieurs sens.

Plus tard, Maric se porte volontaire pour aller prévenir les collègues. Moi je m’approche de la porte qui a claqué, devant laquelle se trouve deux gugus en tabliers. Probablement des commis de cuisine. Je leur fais un signe de main alors que j’arrive à leur hauteur.

« Bonjour à vous bonshommes ! Je vais prendre vos dépositions. Pourrais-je avoir vos noms et occupations s'il vous plaît ? »

Ils ont l’air nerveux et stressés. L’un d’eux fume frénétiquement du tabac roulé, comme pour tromper l’anxiété.

« On-on-on est des cuisines, m'sire. Des cuisines, pour la viande et-
– ... On l'pensait mort, le bestiau.
– On s'appelle Raoul et Huguin, M-eh-ssire
– On pensait pas qu'il pouvait s'relever après ça, messire. »


Un bestiau ? C’est ça qu’a filé ?

« Des... Cuisines ? Qu'est-ce que vous prépariez ? Cela paraissait gros comme gibier.
– Un marcassin pour, messire. Pour le conseil.
– Des fois ils mangent très tard, alors on doit préparer à cette heure. »

Un marcassin en liberté dans les jardins royaux. Les pauvres commis risquent le fouet. Je comprends un peu mieux leur réaction.

« Un marcassin... Et qu'est-ce que vous lui avez fait, ou plutôt, mal fait, pour qu'il se relève ?
– On l'a matraqué, puis on l'a détaché pour le saigner, mais c'te fauve s'est réveillé la tête en bas avant qu'on puisse l'ouvrir, et il a réussi à… »

Les pauvres. Ça va être le drame de leur journée. Mais je n’ai pas l’envie de retourner le couteau dans la plaie. Pas cette fois.

« Y a des bestioles avec la tête dure, que voulez-vous. C'était un sanglier Norse ? Je fais avec un petit sourire.
– Non messire, un gasconnais. C'est pour ça qu'il est si vif, le diable.
– Bon, bonshommes, je vais notifier la sergenterie. Un conseil tout de même, juste entre nous - si votre maître-queux ou un de mes collègues vous réinterroge... Ne dites pas que vous avez détaché le marcassin. Dites que c'est ses liens qui étaient mal noués. »

Rejeter la faute sur les autres est toujours une bonne idée dans la vie. Je ponctue mon conseil d’un clin d’œil, auquel un des commis répond.

Alors que je vais reprendre mon chemin de ronde, Evrard arrive, tout en sueur. Je lui lance une blague pour me payer sa tête :

« Pourquoi cette course ? T’essayes de perdre du poids ? »

Et là il faut que vous compreniez quelque chose sur les gens comme Evrard : Ils adorent se foutre de la gueule de tout le monde, tout le temps. Evrard, il passe ses journées, du matin au soir, à faire des plaisanteries aux dépens de tout le monde : les femmes, les étrangers, les pauvres, les aristocrates… Rien n’est respecté pour lui, et tout est sujet à des moqueries cruelles et vilaines.
Mais faites une blague sur lui-même, et il se sentira immédiatement susceptible. À voir ses yeux, ma blague sur le fait qu’il ait peut-être un peu de gras à perdre ne passe pas du tout, alors, un peu inquiet de sa réaction, je change à toute vitesse de sujet.

« C’est un marcassin qui a filé. Je te propose qu’on trouve un sergent à qui refiler le boulot, c’est pas nous qui allons passer l’après-midi entière à le chasser. »


Enfin sauf si tu veux vraiment le manger, bouboule, je me retiens de lancer.
Armand VII de Lyrie, Chevalier Bretonnien
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 10 | Int 8 | Ini 8 | Att 9 | Par 9 | Tir 8 | NA 1 | PV 60/60
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_vii_de_lyrie

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