[Anton] La Complainte du Solland

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[MJ] Le Grand Duc
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Trois nouveaux rapports sur le bureau du baron ainsi qu'une première ébauche de carte du Massif des Sources, de ses vallées et de ses cours d'eau.

Prêt à lever le camp.
Chaque paquetage devra compter : équipement personnel, couchage, vivres pour quatre jours.
Reste du matériel monté sur vingt ânes et dix mulets.
Rien n'est laissée sur place.
Cache contre indiquée ici car terrain trop dégagé.

Ernest de Lippe

Au baron,

Kolbhügel dispose d'un moulin à eau muni d'un martinet pour le cinglage. Plusieurs forgerons sur place. Si nous arrivons à sécuriser la place, nous pourrons l'utiliser pour notre compte. Le village est sur les terres de Herr Von Stegervald, ayant résidence à Pfeildorf. Aux dernières nouvelles, pas de garnison loyaliste sur place. Le bourgmestre est Erik Dorn, négociant en métaux et propriétaire de la mine du Creux, à une lieue de Kolbhügel. Dorn n'est pas aligné, la population n'est pas acquise à la Cause.

Le marché aux chevaux de Pähl va prendre place au printemps, mais les marchands seront moins nombreux à venir cette année à cause des troubles. Les maquignons de la région font hiverner leurs bêtes là. Si nous les saisissons, nous aurons des mules pour le bât et des chevaux pour nos hommes. Attention : beaucoup de négociants averlander. Saisir les bêtes, c'est nous froisser avec eux. Pähl appartient à notre camarade Ernest de Lippe. Je conseille de le concerter avant toute action. Aux dernières nouvelles, pas de garnison loyaliste sur place.

Pas de mouvement à Jatsnick. Le Feld-Major manque visiblement d'informations. Pas d'exactions contre les civils de la part de ses hommes. La population ne semble pas lui être hostile dans l'absolu. C'est différent pour les Archers : trois cas de tortures rapportés sur les dix derniers jours. Seigneur de Jatsnick = Herr Von Stegervald. Bourgmestre = Desmond Fergson, marchand-grossiste de cuir.

Pour la montagne : colonne naine repérée dans la passe de Khazid Hafak dans la montée du Pic de la Fourche. On me rapporte aussi que le hameau de Seis a été abandonné. Les maisons ont été rasées et un corps a été retrouvé dans la neige à quelques pas de là, deux flèches de facture peau-verte dans le dos. Pas de trace des autres.

Notes sur l'arsenal de Wusterburg : attaquer en terre wissenlandaise risque d'être perçu comme une déclaration de guerre par Nuln. L'opinion ne doit pas être contre nous. Je conseille de ne pas occuper le bourg et de ne pas s'en prendre aux civils. Opération pour troupes disciplinées seulement. Faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre si nécessaire (peut-être Ludwig von Ülmer ?).

Sudenland Libre
D.E Chef du Renseignement

Herr Anton von Adeldoch,

Ma mission auprès des villageois avance à bon rythme. Nombreux sont les esprits échaudés par les manigances de Pfeildorf et les jeunes gens veulent nous rejoindre. Mes directives à leur égard ont été de rester discret, de s'armer en cachette et d'attendre le signal. Les anciens semblent plus sceptiques. Je rapporte ici des paroles qui me sont parvenues telles quelles : "Cette guerre n'amènera rien de bon sinon la mort de nos enfants pour le compte de la Martre ou du fils Adeldoch. Personne ne nous aidera. Nos moutons seront volés. Les impôts ne baisseront pas." Ils ne plaignent pas de leur condition mais ne semblent pas comprendre l'enjeu de cette lutte. Quelles garanties puis-je leur offrir en leur nom ? Voici deux informations d'importance : les villageois de la vallée de l'Oggel sont dans la difficulté à cause d'un griffon. Le prédateur s'attaque aux troupeaux et les bergers doivent veiller sur leurs bêtes dès qu'elles vont au pâturage, jour et nuit. Trois d'eutres eux ont déjà péri. Si cette menace est neutralisée, ils vous seront redevables. C'est par la voie de Sigmar que je gagnerai leurs cœurs, mais c'est votre courage qui les convaincra de vous suivre. J'ai rencontré sur ma halte un chiffonnier de Mendelhof. Il m'a fait part d'une bien triste nouvelle et j'ai le regret de vous informer de la mort de Herr Otto von Ingelfingen, que je savais votre ami et celui de feu votre père. Il a été emporté la une fièvre soudaine, m'a-t-on dit. N'ayant pas de descendance légitime, ses biens et son domaine reviennent aux Toppenheimer de Pfeildorf, dont il était le vassal. Dans deux jours, un guide m’amènera dans le repaire d'une bande armée des environs. Je vous ferai parvenir un nouveau rapport dans les plus brefs délais.

Père Kristoff



3 Kaldezeit, année 2532, hameau de Bad Endorf


L'aube n'était pas encore levée et les trombes d'eau tombaient toujours sur la trentaine d'hommes couchés contre le fossé qui longeait le sentier entrant dans Bad Endorf. Ils avaient marché pendant la majeure partie de la nuit, montant et descendant les versants boisés du Massif des Sources.

Dietrich Eberwald, le maître des Tondeurs, avait ouvert la voie : les chemins qui serpentaient les Montagnes Noires n'avaient plus de secrets pour lui et les siens. Derrière avaient suivi le baron Anton von Andeldoch, son officier d'ordonnance le jeune Theobald von Bethmann-Hollweg, ainsi que vingt-cinq miliciens en arme. Ces derniers, pour la plupart de rudes bergers et paysans, ne craignaient pas de crapahuter entre les troncs nus des pins. Mais l'hiver arrivait peu à peu, et avec lui le froid et la pluie glacée. La marche s'était déroulée dans un mutisme maussade, les hommes étaient transis. Pour autant, l'objet de la promenade avait de quoi réchauffer les coeurs des plus vindicatifs d'entre eux.

Une escouade d'Archers était arrivée à Bad Endorf. C'était un trappeur du village qui en avait informé l'un des Tondeurs fidèles à Anton au cours d'une rencontre discrète, quelque part devant une ancienne source oubliée ou quelque massif rocheux. Leur présence si proche du camp des rebelles soulevait un problème majeur, car la poignée de gueux qui habitait le hameau était acquise à la Cause et offrait son soutien aux rebelles, principalement sous forme de vivres. Ils détenaient ainsi des renseignements précieux pour le Feld-Major, comme l'emplacement probable du campement ou encore l'effectif approximatif des indépendantistes, et peut-être même savaient-ils où se rendait l'importante troupe qui avait suivi Karl von Ülmer deux jours auparavant. Il était hors de question que de telles informations arrivent aux oreilles de Von Holtzendorff. Aussi Anton ordonna-t-il aux forces restantes de marcher avec lui sur le village.

Bad Endorf, à flanc de colline, faisait pâle figure sous la pluie battante. Une dizaine de maisons en pierre serrées entre elles au point où leurs toits d'ardoise se touchaient presque. Chacune était flanquée d'une bergerie étroite où on devinait des troupeaux de moutons grelottant dans l'obscurité. Quelques pâtures ça et là autour du hameau, puis la forêt et la montagne reprenaient leurs droits.

- "D'après notre informateur, les Archers se sont installés là-dedans." murmura Dietrich en pointant le doigt vers un gros bâtiment que l'on devinait sous l'averse, de l'autre côté du pré, non loin des habitations. Probablement une grange ou une étable. "Ils y seraient cinq ou six. Pas plus à mon avis."

- "Quand bien même ils seraient le double, ils ne pourront pas nous résister, surtout si on les prend par surprise !"
répondit Theobald à la gauche d'Anton, ayant visiblement du mal à contenir son excitation. Le jeune homme s'efforça cependant de garder la voix basse.

Les miliciens étaient alignés de part et d'autre d'Anton et de ses deux officiers, immobiles dans le fossé boueux. Ils attendaient sous la pluie froide, certains avec une dague entre les dents, d'autres la mains ferme sur le manche de leur hache. Ils avaient envie d'en découdre. Quelques uns retenaient difficilement leur agitation. Plusieurs tremblaient. Pour ceux qui n'avaient pas connu la déconfiture du Bois aux Trèfles, c'était le premier combat. Theobald dégaina sa rapière, faisant monter la tension d'un cran au sein du groupe. Le Chef du Renseignement leva une main à l'horizontale pour faire signe d'attendre.

- "Je vois pas de sentinelle ni de lumière depuis l'intérieur. Ils doivent se sentir en sécurité." Il s'accroupis et regarda Anton en dégainant un couteau de chasse de l'intérieur de son gilet en laine gonflé d'eau. "Il y a sûrement deux entrées, une à l'avant et une à l'arrière. Il faudra bloquer les deux. Et on s'approche sans torches et sans bruit."
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Anton
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par Anton »

L'esprit trouve toujours, dans les instants de grande tension, toutes les excuses pour s'égarer hors de la tâche présente. Anton ne pouvait pas s'empêcher de se demander pourquoi il n'arrivait pas à être triste de la mort d'Otto.

Il était là, couché dans l'herbe humide, s'apprétant à trucider des hommes qu'il ne connaissait même pas, et il ne pouvait pas s'empêcher de réflechir à autre chose qu'à sa réaction en lisant le rapport. Il s'était dit qu'il serait absurde de pleurer, et il ne l'avait pas fait.

Bien sûr, ce contrôle sur lui-même le ravissait. Mais tout de même. Est-ce qu'il n'était pas un peu triste, quelque part, de façon refoulée ? Est-ce qu'il allait s'effondrer en larmes à un moment où à un autre ? Ou bien jamais ? Est-ce que ce n'était pas irrespectueux envers Otto, de ne pas être ravagé par le chagrin ?

Il s'observait. Tentait de sonder son intérieur. Et pourquoi même être triste ? Comment l'absence peut-elle faire mal alors qu'elle est par définition une non-chose ? Est-ce que l'on est biologiquement programmé pour la tristesse en cas de perte ? N'est-ce pas le signe d'une projection - je suis triste parce que cela augure de ma propre mort, ou bien je suis triste de toutes ces occasisons manquées avec cet ami que je ne verrai plus ?

Auquel cas la tristesse serait profondément égoïste.


" Les portes sont certainement verrouillées, et si c'est du bon bois Sudenlandais, ça peut sérieusement nous ralentir. Douze hommes à l'avant, dix hommes à l'arrière, cernez la baraque. hors de vue, et restez aux ordres. La pluie va couvrir votre approche... l'idéal aurait été de les enfumer, mais ça n'est visiblement pas une option. Les trois autres, en réserve, à proximité."

Evidemment, se dire que la tristesse est égoïste, n'est-ce pas un égoïsme dissimulé, pour éviter la souffrance de la tristesse ? N'est-ce pas dénaturer sa relation avec un ami pour éviter de faire face à ses sentiments ?"

" Dietrich, Theaobald, avec moi. On va faire le tour de ces masures pour voir si on peut mettre la main sur une partisane qui pourrait nous aider. Il va falloir être diplomates."

Des ombres dans la nuit, ils vont de masure en masure. La réputation du baron le précède. On trouve bientôt une courageuse prête à prendre les risques. Son fils a fui l'impôt sur les moutons, et il n'a pas réchappé à la traque. Les tractations nocturnes aboutissent, et bientôt les silhouettes courbées reviennent à la grange.

Otto aurait nettement préféré qu'on propose aux archers une rédition. Mais est-ce que s'interroger sur cette option n'était pas une vulnérabilité, causée par la tristesse ? Le baron se serait-il demandé quelle porte de sortie non violente trouver avant la perte d'Otto ? Auquel cas, s'agissait-il de quelque chose de positif ?


"Dietrich, à vous l'arrière. Quand vous entendrez "Sudenland !" forcez l'entrée. Prenez avec vous des gaillards avec des hâches et hâtez-vous car il fera rapidement chaud là-dedans. Théobald, à vous les réserves. Si un s'échappe, prenez-le vivant si possible, tuez-le sinon. Mais surtout, tenez notre dos, on ne sait pas s'il n'est pas une fourberie à l'oeuvre. Si on vous appelle d'un côté ou de l'autre, sus ! Et par pitié ne vous faites pas tuer."

Le jeune homme eut un geste de dépit, qu'Anton sanctiona d'un regard, et d'un geste nerveux. Avant de se tourner vers la fière bergère.


"Dame Francine, à vous le rôle le plus dur, et je sais que je peux compter sur vous pour cela. A la porte avant, vous grattez, et de votre voix la plus fine, vous prétendez vouloir leur parler. Vous avez des renseignements sur ces fumiers d'indépendantistes. Vous voulez savoir s'ils peuvent vous avoir une situation à Pfeidorf pour votre fils en échange. Soyez hésitante, dites bien que vous êtes seule. Sitôt qu'ils entrebaillent la porte, c'est à nous, on l'enfonce à trois, et on entre. Vous, vous fuyez jusqu'à chez vous. Théobald s'assurera de votre sécurité."

Le regard qu'elle jeta sur Théobald sembla le réconcilier quelque peu avec le plan du baron. Il avait en tout cas redressé la nuque et le torse d'une comique façon.

"Messieurs. Vous servez une cause infiniment juste, et il convient désormais d'en faire la démonstration. Le combat ici sera pour nous le premier d'une glorieuse série. Je ne veux pas d'héroïsme. Je veux des frères d'armes qui se protègent entre eux. Prenez vivants ceux que vous pourrez surprendre blessés ou sans armes, Morr ait les autres. Les premières pages de l'Indépendance s'écrivent aujourd'hui."

Ils prirent position, Anton se plaçant devant la porte avec deux des plus grands gaillards, hors de vue de l'entrebaillement, lame au clair.

Est-ce que les animaux pleurent lorsqu'ils perdent un être cher ? Et si non n'esgt-ce pas la preuve qu'il y a là excès d'imagination chez l'être humain ?

Ses hommes avaient des instructions très simples. Foncer, s'assurer d'abord des hommes armés puis des autres. Deux des douze miliciens avaient pour instruction d'ouvrir la porte arrière, si cela était possible. Anton avait bien l'intention, si comme il l'espérait l'ennemi était frappé durement, d'hurler pour exiger qu'ils jetent leurs armes et se rendent.

Anna toqua à la porte, et Anton cessa tout à fait de réflechir.
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Quelques secondes passèrent, en silence. Francine la bergère au vilain minois grelottait dans le noir. Un oiseau nocturne poussa un hululement non loin. Finalement, on s’activa à l’intérieur. Les gonds du grand portail de la grange grincèrent sur eux-mêmes et le battant s’entrouvrit au même instant que les miliciens à côté d’Anton se raidissaient, les jointures de leurs doigts blanchissant sur le manche de leurs armes. Le baron ne pouvait pas voir l’Archer, mais il pouvait entendre distinctement sa voix.

- « Qu’est-ce qui te prend la ribaude, tu sais quelle heure il est ? J’espère que tu as une bonne excuse pour venir nous déranger en plein milieu de la nuit comme ça. » grogna quelqu’un à l’intérieur, visiblement irrité.

- « Euh je venais voir si vous aviez besoin de quelque chose, du vin ou bien du fromage ou … ou du … enfin …» répondit la bergère de sa voix tremblante. La peur lui avait fait oublier son texte, et bien que l’obscurité empêcha de voir ses traits, Anton devina les yeux de la jeune femme qui cherchaient son regard comme un acteur de théâtre chercherait, fébrile, celui de son souffleur en coulisses.

- « Qu’est-ce que c’est que ce bordel … » souffla l’Archer après un long silence, comme si la scène lui paraissait soudain aussi incongrue qu’inquiétante.

Les insurgés virent la silhouette de l’homme avancer d’un pas au dehors pour regarder alentours. Francine se recula avec un petit hoquet et les deux miliciens qui accompagnaient le baron de Terre-Noire n’attendirent pas l’ordre de ce dernier : l’un d’eux ne fit qu’un bond et balança son gourdin dans la tronche de l’Archer tandis que l’autre attrapait le bord du battant et l’ouvrait en grand. A l’intérieur, déjà, un cri qui donnait l’alerte. Les hommes qui attendaient accroupis dans le pré se mirent à accourir vers la grange et rentrèrent avec Anton tandis que, de l’autre côté, Dietrich et ceux qui l’accompagnaient s’acharnaient contre la porte arrière.

A l’intérieur, c’était le noir total. Mais cela n’empêche : ça se battait dans tous les coins. On s’invectivait, on grognait, on soufflait. Beaucoup trébuchaient ou se cognaient contre une barrière, une pièce de bois ou une botte de foin. Quelqu’un hurlait déjà à la mort. Certains, plus malins que d’autres, faisaient le moins de bruit possible et se tapissaient dans un coin pour essayer d’attraper le premier individu qui passait devant eux, en espérant que ce soit un ennemi. On se reconnaissait à grands renforts de « Sudenland » ou « Toppenheimer ».

Quelqu’un bouscula Anton sur le côté lors de l’entrée dans la grange et le baron se prit les pieds dans quelque chose qui trainait au sol avant de tomber en se cognant durement l’épaule contre une poutre ou un coin de portique. Il se relevait, cherchant son épée à tâtons, lorsqu’un coup de feu claqua dans la pièce et éclaira la scène le temps d’un clin d’œil : plusieurs hommes étaient par terre, et quelqu’un se tenait juste en face de lui. Anton n’eut pas le temps de reconnaître le visage du personnage en question. En revanche, il sentit distinctement le souffle de quelque chose qui passa juste devant son nez pour se planter, visiblement, dans un poteau en bois à quelques pouces de sa tête ! Le type d’en face grogna en essayant de dégager son arme. On s’écharpait tout autour dans qu’Anton soit capable de distinguer l’état de la situation. Au fond, on pouvait encore entendre Dietrich et ses gars se déchaîner contre la porte pour essayer de l’ouvrir, sans succès.
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Anton
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par Anton »

La possibilité qu'Anton ait légèrement sous-estimé la difficulté de l'engagement commençait lentement à gagner en crédibilité aux yeux du baron. Il n'était pas tout à fait impossible en effet que l'arbre de la bataille de Kropenleben ait, en obnubilant l'ensemble des facultés intellectuelles du chef de l'indépendance, caché la forêt de désagréments qu'annonçait cette sombre affaire des Archers.

Sombre était d'ailleurs un mot assez inapproprié, et "obscur" aurait certainement eu davantage de pertinence. Une association judicieuse de termes comme "noir chaos quasi originel", "nuit d'encre infinie", "obscurité de cauchemar", "rencontre du noir fondamental" ou "putain de bordel monstre" eurent également pu également avoir un intérêt certain dans la description au plus juste de l'expédition.

Considérons, pour commencer dans l'ordre, la pluie. Déjà. Outre le fait que c'était lamentable pour le moral, elle empêchait de plus de flanquer le feu à la grange. Elle rajoutait une bonne couche de noirceur à l'opacité ambiante. Et puis elle mouillait suffisamment l'habit pour que ça imprègne même un petit bout d'âme -à supposer que les miliciens en aient une évidemment. La pluie donc, ni prévue ni bienvenue, toujours sympathique pour l'ambiance.

Passons ensuite à la bergère. Un bon plan certainement, la bergère. Un classique de l'école de guerre. Il était fort civil de la part de cette brave femme d'avoir accepté de donner un coup e main bien sûr. Oh, un peu moins d'oublier son rôle, certainement. Naturellement, la tirade était complexe. Cyranesque. Peut-être eût-il fallu à madame une douzaine de répétitions supplémentaires ? Par Morr, c'était là un comble. Quand on connaissait la capacité du paysan moyen à mentir effrontément pour dissimuler au besoin son argent, sa fille et ses tromperies conjugales respectivement à son percepteur, au noble local et à sa femme, il fallait probablement en déduire que Francine devait fort inadéquatement constituer le 1% de péquenots honnêtes de tout le pays. Et donc que ce n'était guère que la faute à pas de chance.

Notez que la performance fut remarquable. On aurait pu lui remettre un trophée. Le trophée de "pas au point" par exemple. Une plaque commémorative "à côté de son rôle ". Et la mettre ensuite à côté de sa plaque. Taxidermisée, tiens, ce serait une idée. Ou emmurée vivante. Pour l'édification des générations à venir, une sorte de monument préventif à l'incompétence en somme. Un truc sain, auquel emmener les enfants en pèlerinages.

Peut-être empaler tout autour de cette ode à la bêtise les miliciens qui n'attendaient pas les ordres d'ailleurs ? A la Norse, un tous les cinq pieds, deux par pic. La question méritait d'être posée. Et que faire des Archers qui ne dorment pas la nuit, qui ne se laissent pas surprendre à la douce ? Les pendre probablement, à la bretonnienne, aux quatre coins du monument. Pour égayer les environs, créer de la verticalité. La chose était à étudier probablement avec un architecte. De nuit, bien éclairé, ça vous aurait une de ces gueules !

Il fallait bien signaler que l'incompétence à cette époque était partout. Saviez-vous par exemple à quel point entrer sans bousculer son voisin était devenu difficile dans le Sudenland rural ? Sans compter l'incapacité crasse des fermiers à ranger leurs granges sans rien laisser traîner par terre. Ajoutez à tout ça le temps nécessaire au primate semi-évolué que constituait l'homme de troupe moyen muni d'une hache pour fracturer une bête porte en bois, et vous aviez un joli portrait de l'état de délabrement général des facultés intellectuelles et physiques de la société impériale. Non, vraiment, la vie n'était plus possible sereinement dans ces conditions. Pas étonnant que tant de génies eussent recours aux psychotropes.

C'était vraiment à vous dégoûter de vous donner du mal pour améliorer la situation des gens. À quoi bon sacrifier sa vie à la politique, dans ces conditions ? Anton avait tout donné à ce pays, et pour quelle reconnaissance ? Est-ce que les gens avaient la moindre idée de la situation qu'il aurait pu avoir en acceptant un poste de Directeur à la banque de Nuln ? On lui avait pourtant fait de belles propositions... Vraiment, à vous dégoûter d'être désintéressé.

Bien entendu le fait qu'on s'amusa à essayer de fracasser le crâne du baron ajoutait à la situation le rien de cocasserie qui eut sinon manqué au milieu de cette jungle nocturne peuplée d'animaux débiles ahanant les noms de leurs chefs respectifs avant de s'assommer eux-mêmes de leurs gourdins néanderthaliens. La grande classe. Un assassinat, à distance, dans le noir, et par un incompétent en plus. Franchement. Pourquoi pas une arme à feu tant qu'on y était.

Non, vraiment c'était parfait. Il ne manquait plus qu'un aubergiste.

Peut-être était-il temps de revenir aux fondamentaux, de trouver un dragon et de tout cramer la prochaine fois ? Il avait lu que ça se faisait, à une époque plus noble où les subtilités n'avaient pas encore pris le pas sur la simple et bonhomme franchise de la politique à la papa. Mettre la main sur un monstre sauvage de cet acabit serait certainement plus reposant d'ailleurs que gérer des débiles.

Positivement ravi de la situation, le baron se décida à passer ses nerfs sur le demeuré qui lui faisait face. Déterminé à une extermination rapide, il balaya de la main les alentours afin de trouver indifféremment sa rapière, un gros caillou, une fourche ou même sa dignité, dans la perspective imminente une fois armé d'envoyer ad patres ledit imbécile, puis de rétablir au milieu du bordel ambiant un semblant de chaos. La perspective d'étrangler son vis-à-vis ne manquait pas de charme, mais dans l'obscurité générale, probable qu'un idiot en profite pour leur marcher dessus, mieux valait ne plus prendre de risque.

Naturellement l'idéal eût été d'avoir un plan... mais cela pouvait attendre. Une fois l'agité de la gâchette refroidi, on y verrait plus clair.

Ou en tout cas le baron serait un peu plus zen, ce qui serait dans tous les cas une remarquable amélioration de sa situation.
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 29 janv. 2019, 20:27, modifié 1 fois.
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par [MJ] Le Grand Duc »


Test de Chance (1d2) : 1, réussi.
Anton tâtonna au sol et rencontra la garde coquée de sa rapière. Il l’empoigna et n’eut qu’à piquer de toutes ses forces vers l’avant pour rencontrer quelque chose de mou qu’il perfora avec un bruit mat. Le type s’en face –loyaliste ou insurgé ?- poussa un grand cri et s’écroula en apportant la lame avec lui, laissant à nouveau le baron désarmé dans le noir.

- « Je me rends, par Sigmar JE ME RENDS » beugla quelqu’un dans la grange d’une voix tremblante.

Il y eu encore quelques remous, des bruits de pas et des grognements le temps qu’on identifie clairement les personnes et qu’on les immobilise. Quelqu’un hurlait à la mort au sol, il y avait quelques gémissements de blessés. La porte du fond céda enfin et Dietrich Eberwald fonça dans l’obscurité avec ses hommes en braillant « Sudenland ! » mais on eut tôt fait de l’informer que la situation était sous contrôle avant qu’il y ait un bain de sang fratricide dans l’obscurité totale.

On alluma une torche, à l’instant même où une silhouette bondissait de derrière une botte de foin pour déguerpir à toute allure par le portail d’entrée grand ouvert du bâtiment, en direction du pré.


- « Là, y’en a un qui s’tire ! »
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par Anton »

Tout de même il y a une justice, songea avec satisfaction le baron en plantant sa rapière jusqu'à la garde dans l'abdomen d'un homme qui s'effondra aussitôt. Le chaos ne peut pas éternellement l'emporter.

"Au nom de l'Empereur, lâchez vos armes immédiatement ! PAR L'EMPIRE RENDEZ-VOUS ! "

Peu de chance que cela serve à quoi que ce soit, mais s'il avait retenu quoi que ce soit de ses jeunes années dans la troupe, c'était qu'il était de son rôle de chef de gueuler. Fouillant des yeux l'obscurité, le Baron finit par mettre la main sur son arme, qu'il dégagea négligemment du corps où elle était plantée. Dans la grange la situation se pacifiait doucement tandis que la cavalerie arrivait juste assez en retard pour constater son inutilité.

"Désarmez ces traîtres et attachez-moi tout ça au fond de la grange. Faites le point sur les blessés de part et d'autre et soignez les nôtres qui le peuvent !"

Il observait d'un air morgue la noirceur se dissiper lentement lorsqu'une ombre surgit de la grange et se jeta à l'extérieur. Pris d'un pressentiment, le baron se précipita à sa suite, arme à la main.

"Gare à vous réserves! Neutralisez cet homme ! "
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Message par [MJ] Le Grand Duc »

Le baron de Terre-Noire se précipita à la suite du fuyard, suivi des quelques hommes les plus vifs. Arrivé à l'entrebaillement de la porte, il le vit galoper en direction du pré dans la plus totale obscurité. Mais Anton aperçu une autre silhouette débouler à l'oblique à pleine vitesse et s'élancer sur la première pour la plaquer violemment au sol comme un joueur de balle ovale.

- "Je l'ai, je l'ai !!" beugla Theobald von Bethmann-Hollweg tandis que des miliciens accouraient pour l'aider à immobiliser le fugitif.

Le bilan de l'opération était le suivant : trois Archers étaient morts, autant furent capturés vivants. Côté indépendantistes, on comptait aussi trois miliciens à terre et quelques blessés légers, la plupart par des coups amis. C'était, somme toute, une réussite, mais aussi un témoignage de l'importance à donner à la discipline dans les rangs de la jeune et fougueuse Armée du Sudenland Libre.



Une fois leur sombre labeur réalisé, les sudenlanders se regroupèrent pour faire la jonction avec leurs compagnons envoyés à Kroppenleben. On espérait que l'Opération Ludwig soit un succès mais, pour le moment, pas de nouvelles.

Rapidement rejoins par Ernest de Lippe et le train de bagages, Anton von Adeldoch et ses sbires quittèrent pour l'heure le Massif des Sources et longèrent les contreforts des Montagnes Noires en direction du Sud-Ouest, n'empruntant que les sentiers forestiers connus des seuls Tondeurs et gens du cru pour éviter les axes plus fréquentés.

Ils firent une halte à une croisée des chemins pour reposer leurs pieds engourdis et laisser les mules s'abreuver dans le ruisseau en contrebas. Il y avait là un petit oratoire dédié à Taal qui trônait sous un magnifique chêne centenaire. Ce chêne, Anton le reconnaissait. C'était à partir d'ici que, un jour, il avait remonté une piste sur plusieurs lieues jusqu'à vallée encaissée, emmenant à sa suite un fort parti de chasseurs et de guerriers. Dans cette vallée, il avait trouvé une grotte. Et dans cette grotte, un monstre. Et dans la litière puante de ce monstre, un anneau et une épée brisée. Cet anneau, le baron le portait aujourd'hui au doigt, et il devait probablement penser à tout cela lorsque Cornelius Klein, son Chef de la Propagande, vint le trouver.


- "Monsieur le baron, j'ai fort réfléchi, et j'ai ainsi plusieurs idées à vous soumettre. Notre lutte est juste, inégale, certains diraient désespérée : c'est là la meilleure matière pour écrire des chansons. En voilà le premier couplet, si vous me permettez de vous le chanter." dit-il. Visiblement trop excité par son idée, il tendit une note gribouillée de paroles et ne laissa pas le temps à Anton de répondre.

La victoire en chantant
Nous ouvre la barrière.
La Liberté Le Baron guide nos pas.
Et de Pfeildorf du Reik aux montagnes
La trompette guerrière
A sonné l'heure de la victoire/répétion des combats.
Tremblez ennemis du peuple Sudenland
Rois Reines ivres d'or de sang et d'orgueil.
Le Sud souverain s'avance,
Tyrans descendez au cercueil.

  
- « Et puis le refrain qui serait ... »
 
Notre Pays Province Patrie nous appelle
Sachons vaincre ou sachons périr
Un sudenlander doit vivre pour elle
Pour elle un sudenlander doit périr mourir.

- « Bon, c'est un premier jet. Je compte écrire de nouveaux couplets au fur et à mesure, mais ça me semble déjà bien pour que les gars chantent en chœur et se donnent du courage. Et puis, mine de rien, les chansons font rentrer les idées dans la tête ... » Il attendit la réponse du baron, l'air détaché mais les yeux plein d'espérance. Si le retour semblait favorable, alors Cornelius enchaînait : « J'ai entendu les hommes qui étaient avec vous à Bad Endorf parler pendant qu'on marchait, tout à l'heure. Ils disaient qu'une certaine Francine avait accepté de vous aider pour déloger les Archers. Je vous passerai les sobriquets dont ils l'ont affublée, mais je me suis quand même dit qu'on pourrait l'utiliser à notre escient, cette Francine. Après tout, la Liberté a besoin de personnages, d'égéries, de muses ! Quoi de mieux qu'une vilaine bergère de notre beau pays, aux mœurs purs et aux valeurs authentiques, prête à mettre sa vie en danger pour soutenir les braves et combattre les méchants ! Qu'en pensez vous ? J'ai déjà un air qui me vient … Buvons à l'aimable Francine, chantons lui quelque cho-o-seuh ... » termina-t-il en fredonnant, remuant ses index en rythme.

Après un bref service du Père Oswald le Vieux auprès de l'oratoire, la troupe se remit en marche. C'est Ernest de Lippe, le Maître Fourrier, qui marchait aux côtés du baron et lui tint ces propos :

- "Il va falloir clarifier notre situation vis à vis des nobles de la province. Frédéric von Wrangel, Erwin-Kleist von Nollendorf, et même ces couilles molles de Von der Goltz et Von Bülow. Ils ont voté pour vous lors du dernier Conseil des Pairs. Mais ils n'en demeurent pas moins les vassaux des Toppenheimer, à l'instar de nos semblables dans le Sudenland. Ils sont alors nos ennemis, tant qu'ils ne se sont pas déclarés amis. Que feront-ils lorsque la Martre appellera à lever des troupes ? A qui obéiront-ils lorsque le Feld-Major leur ordonnera de massacrer leurs compatriotes ? Car c'est ce qu'il adviendra, inévitablement. Lorsque nous aurons défait les soudards du Wissenland ..." Il s'interrompit un instant et leva son regard borgne vers les cieux, comme si seul Sigmar pouvait les aider à accomplir cette première tâche. "... ce sont des sudenlanders qui se dresseront contre nous. Les frères tueront les frères, les pères tueront les fils. Mieux vaut savoir au plus tôt qui nous pouvons compter avec nous, ou contre nous. Et à quelles peines s'exposent ces derniers."


Vous avez récupéré un pistolet lors du raid contre les Archers, tu peux le garder dans ton inventaire si tu le désires.

Pour la chanson, je me suis inspiré du Chant du Départ, chant de la Révolution et de l'Empire que je n'ai que légèrement modifié pour les circonstances.




Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par Anton »

Portrait de l’Indépendance #1
Pietro Karlson
Mon nom est Pietro Karlson.

J’ai reçu ce nom parce que mon père était Estalien, et que ma mère a toujours prétendu que, même si elle ne savait pas qui il était, c’était là son nom.
Pour ce que j’en sais, elle a très bien pu inventer cette histoire. Maintenant que je comprends mieux la vie en général, je saisis enfin que dans celle que dans celle que ma mère a vécu, il n’y a pas eu beaucoup de moments de choix. Il me semble qu’en choisissant avec sa pauvre inventivité mon prénom, en lui conférent cette exotique origine, elle qui n’avait jamais quitté les bas-fonds de Pfeidorf arrachait au destin un peu de liberté pour son fils. La liberté de vivre ailleurs qu’elle-même n’avait jamais eu.

Durant mon enfance, j’ai été ingrat pour elle. Je n’ai jamais compris ce qu’elle avait sacrifié pour m’avoir. De ce que cela représentait pour la misère d’ajouter une bouche de plus à nourrir. Je me contentais de lui reprocher ce père vaillant qu’elle n’avait même pas été capable de garder avec elle.
Dans les rues, je faisais claquer ce Pietro comme un étendard au vent. J’étais le fils d’un aventurier Estalien. Il avait été appelé en toute hâte vers son pays pour le défendre contre les peaux-vertes, car il était un grand héros là-bas, et une fois la guerre finie, il reviendrait pour me prendre avec lui. J’en venais à parer ma mère et moi d’héroïsme : nous taisions à cet illustre figure paternelle mon existence, car sinon il abandonnerait immédiatement tout pour nous rejoindre ; notre sacrifice -temporaire- était ainsi la condition de la survie de ces milliers d’Estaliens et d’Estaliennes auxquels j’acceptais de prêter mon père. Cette version ne cessa de s’enrichir au cours des ans, jusqu’à-ce qu’à l’occasion de la visite à Pfeidorf d’un Seigneur Tiléen richement vêtu à la martiale allure, mon choix s’arrêta tout à fait pour faire de mon père un Prince Estalien rompu à la guerre et à la politique, dont l’ignorance sur ma situation était le fait d’astucieuses manœuvres de ses pires ennemis.

Il devenait en effet compliqué d’expliquer comment un homme si extraordinaire et sage que mon père n’avait su, en plusieurs années, mater définitivement une pauvre invasion peau-verte. Il fallait donc s’imaginer des intrigues de cours, dont je n’avais qu’une pauvre idée, pour justifier la chose ; le monde de la politique nous était à tous un monde si étranger que je risquais bientôt les plus belles affabulations sans jamais qu’un camarade me prit en défaut.

Poison, enlèvements, assassinats, et mystérieuses négociations, parfois même des « coalitions » (un mot que j’avais entendu une fois un bailli prononcer, et que j’utilisais avec bonheur et parcimonie, mais sans guèrre d’à-propos) venaient étayer mes prétentions, et les histoires que je diffusais à quelques initiés triés sur le volet. Parce qu’elles tenaient de la rumeur, les aventures de mon père devenaient plus réelles encore à chaque fois que je les racontais, au point que j’appris parfois moi-même de la bouche de mes camarades certains rebondissements inattendus que je mettais un point d’honneur à écouter sans un soupçon de surprise, et de compléter d’un détail ou l’autre bien sordide.

Car mon père et moi-même étions désormais dans tout le quartier des personnages bien connu. En l’honneur de mon sang Estalien, je m’inventais des tournures de phrases bizarres, je me donnais des manières mystérieuses, et après quelques échauffourées dont je ne me sortis pas trop mal, je devins une figure en vue chez la marmousade qui encombrait les places et les arcades du Pfeidrof pouilleux qui était notre champ de jeu. Pour eux tous, j’étais Le fils du Prince, et même s’il me fallut casser le nez à quelques sceptiques dans mes débuts, il était par la suite si glorifiant pour ces fils de brigands et de prostituées de fréquenter un fils de Prince, qu’ils se chargeaient eux-mêmes de fortifier ma légende. Tout le monde avait intérêt à ce que je reste aristocrate, et je naviguais sans heurt d’une bande à l’autre, accueilli et reconnu partout, en gardant toujours pour autant la distance teintée de mystère d’un noble qui peut à tout moment quitter la ville parce que son destin l’appelle ailleurs, dans des terres étrangères.

C’est d’ailleurs à force de peindre à mes amis ce jour où il me faudrait tous les abandonner du jour au lendemain pour m’en aller prendre mon rang chez les Princes du Sud, que je me décidais au départ. Car peu à peu nous grandissions. Ma légende allait bientôt souffrir de ce que je n’étais ni aussi fort, ni aussi malin, ni aussi charmeur que les meilleurs éléments des rues. Du haut de mes quatorze ans, je compris bientôt avec une sensibilité remarquable que bientôt ma légende risquait de s’effondrer à l’épreuve de l’âge adulte.

J’eu bien cependant un sursaut de gloire quand vint l’époque des filles, car ma réputation me valait bien des attentions de leur part. Cependant la succession d’hommes qui se succédaient chez ma mère m’interdisait tout à fait de croire en l’amour. Mon monde était celui des hommes, des bandes des rues, et celui de mon père absent.

Aussi, au milieu de ma gloire, avant que ne commence son crépuscule, je disparu. J’embarquais subitement, sans en informer ma mère, à bord d’une péniche Tiléenne, prêt à toutes les corvées pour échapper à Pfeidorf. Je sus plus tard que mon départ mystérieux et sans un mot fit sensation, au point qu’on prétendit que les agents de la Comtesse cherchèrent à savoir ce que c’était cette histoire d’un Prince Etranger infiltré au Wissenland qui venait brutalement de quitter l’Empire.

Ma vie ensuite ressemble sans doute à celle de beaucoup d’autres. J’ai bourlingué ça et là, d’abord comme marin, puis comme soudard, j’ai visité des pays lointains, peut-être un peu plus que d’autres, sans pour autant en retirer ce que j’étais venu y chercher, et dont je n’avais aucune idée. Puis de guerre lasse, je suis rentré à Pfeidorf.

J’ai retrouvé quelques camarades, à la vie bien terne, pour lesquels j’étais resté une légende que je n’avais pas cœur à contrarier. Je n’ai pas retrouvé ma mère, emportée par une vilaine maladie quelques années plus tôt, bien que je n’aie pas réussi à savoir quand et de quoi. J’imagine qu’elle a fini à la fosse commune, comme la plupart de mes amis d’enfance qui n’ont pas passé la trentaine.

Je n’avais pas envie de rester à un endroit où rien me raccrochait. J’ai suivi dans une taverne un homme qui lui semblait savoir ce qu’il voulait. Il parlait d’indépendance, de la guerre qu’il fallait mener pour rétablir enfin la paix. Je me moquais à vrai dire de la cause, mais il m’en fallait une, pour m’occuper, pour me donner une raison de marcher, de parler, de me battre. Je ne me suis même pas enquis de la solde. Pour quoi faire ?
On m’a envoyé au Sud, dans la campagne et les petits villages.

On me considère généralement comme un bon bougre. J’ai gardé de mes enfantines prédispositions un don pour les bonnes histoires et les légendes que je raconte volontiers lorsque l’on m’y convie. J’ai conservé également cette distance un peu aristocratique, et le goût du beau geste, qui me font respecter par la plupart des troupiers que je côtoie. Je n’aime pas spécialement la violence, même si une arme à la main j’ai du répondant, et que je n’hésite pas si je sais pourquoi je me bats.

Voilà. Voilà ce qu’on peut dire sur moi, je crois, et ce que j’aurais à dire si on me laissait le temps de le faire. Une histoire pas banale, mais qui l’est tellement pour autant.

Mais c’est un peu trop long pour tenir dans les derniers mots qu’on me demande. Si encore j’avais une phrase toute faite, en Estalien. Je n'y ai même pas réfléchi pendant ces quelques heures de marche, à l'aube, qui nous a mené loin du village où nous nous sommes battus, jusqu'à cette petite clarière au bord de la route. Qu’aurait dit mon père en une telle occasion ?

« Klatchoi Te Hackida. »

Quand j’étais petit, j’ai toujours prétendu que cela voulait dire « Un jour, mon fils » en Estalien. Pour aujourd’hui, on peut aussi se dire que cela veut dire « Allez vous faire foutre ». Une réplique classique dans ce genre de situation, même si je n’ai pas spécialement l’animosité nécessaire pour articuler tout à fait ces mots-là.

Je crache par terre pour le style, et je saute moi-même de la buche sur laquelle je me tiens en équilibre, la corde au cou. Rideau, Prince.

Nous sommes les premiers pendus de l’Indépendance. Un titre qui en vaut un autre.
***
« Nous ne tolérerons pas que les Archers persécutent les Sudenlandais, qu'ils soient patriote au service de l'Indépendance ou simples citoyens. Nous punirons sans intransigeance tous les Sudenlandais qui s'opposeront à leurs frères indépendantiste de leur plein grè, et collaboreront avec l'occupant Wissenlandais. L'Armée du Sudenlande Libre vaincra, et sur les cendres de l'occupation, fera naître une nation où tous les Sudenlandais seront libres et égaux devant l'Empereur et les Dieux.

Pour collaboration avec l'ennemi, violence envers les citoyens Sudenlandais et traîtrise à la Patrie, et torture impie ces hommes sont condamnés à être pendus hauts et court, jusqu'à-ce que mort s'ensuive. Ce châtiment est la juste punition des comportements des Archers sur le territoire. Il attend tous ceux qui prendront volontairement les armes contre l'Indépendance, voleront et persecuteront la population du Sudenland, sous les ordres des Topenheimer. »

Signé : Le Conseil de l'Armée du Sudenlande Libre

Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 17 févr. 2019, 18:51, modifié 1 fois.
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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par [MJ] Le Grand Duc »

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Les Archers captifs furent pendus aux branches des vieux chênes qui se dressaient dans une prairie au Sud de Bad Endorf. Leurs corps étaient là, déjà raides, les pieds dans le vide et le teint violacé. Ici la langue pendait, là les yeux gonflés semblaient vouloir bondir de leurs orbites. C'était des sudenlanders que la brise froide des contreforts faisait se balancer, et c'était des sudenlanders qui leur avait mit la corde au cou. Bientôt le bruit allait courir à propos de ce fratricide et la rumeur allait déchaîner les passions entre ceux condamnant ce crime odieux et ceux saluant un juste châtiment.

Mais avant de sauter de la bûche et d'agiter inutilement leurs jambes dans le vide, les Archers durent parler. Que ce soit de leur plein gré, sous la menace ou la torture, les annales de l'Indépendance ne le disent pas. Toujours est-il qu'ils détenaient de précieuses informations que le baron de Terre-Noire s'empressa de compiler pour les utiliser en temps utiles.

C'est ainsi qu'Anton eut connaissance d'une colonne de renforts en provenance du Wissenland. Cette nouvelle troupe comptait de deux à quatre bataillons et avait prévu de traverser la Sol au pont de Meissen dans les semaines à venir. Les Archers furent incapable de fournir des renseignements plus précis à ce sujet. Ils parlèrent en revanche de Pfeildorf et de l'ambiance sordide qui y régnait : l'hostilité de la population était croissante, notamment au sein de la bourgeoisie qui voyait d'un très mauvais œil le ralentissement du commerce causé par les troubles qui agitaient l'ancienne province : les brigands pullulaient et un nouvel impôt était levé pour financer une milice. Le bas-peuple était également mécontent et demandait la fin de la loi martiale, ainsi que plus de libertés. La Martre cherchait des alliés parmi la population, en ville comme dans les faubourgs, ainsi qu'auprès de la noblesse citadine et campagnarde. Quant au Feld-Maréchal, il préférait se retrancher dans ses quartiers de Jatsnick pour éviter d'être la proie des embuscades et des francs-tireurs. Un Archer prétendit que c'était un vieux de la vieille pour qui une bataille devait être rangée et qui ne voulait se résoudre à se voir imposer une tactique de harcèlement constant. Peut-être attendait-il de pouvoir fixer son ennemi avant de frapper.

Enfin, deux nouvelles rumeurs vinrent se joindre au flot dont Anton avait déjà connaissance. Il semblait que les seigneurs frontaliers de l'Averland s'intéressent de près à la situation céans. Plusieurs auraient déjà envoyé des agents dans la région en qualité d'observateurs. Peut-être avaient-ils des vues sur les terres fertiles situées entre la Oggel et la Staffel, et attendaient l'occasion de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour en tirer quelques bénéfices ? On parla également des nains, dont l'ambassadeur, Nôrund Noircharbon, siégeait dans la Casemate, à Pfeildorf. On disait les représentant des clans de Karak Norn et Karak Hirn particulièrement contrariés : leurs routes de commerce habituelles n'étaient plus sûres à cause des bandits et les droits de péage levés par les autorités devenaient trop élevés. Eux aussi tentaient probablement de profiter de la situation pour faire pression sur la Martre afin d'obtenir des avantages. Les doléances molles de la bourgeoisie pfeildorfer faisaient pâle figure à côté de l'entêtement légendaire des dawis, et il était certain que si la conjecture actuelle perdurait, ces derniers n'en resteraient pas là et demanderaient compensation d'une manière ou d'une autre.

Les Archers apprirent tout cela aux rebelles, puis furent pendus. Les corbeaux se bousculaient déjà sur les branches les plus proches.









5 Kaldezeit, année 2532, Kroppenleben


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- "Maman ! Maman viens voir ! C'est le baron ! Hé m'sieur vot'seigneurie ! On l'a gagnée, la bataille ! Hé dites si j'm'engage j'peux dev'nir Comte Electeur ou un truc comme ça ?"

C'est ainsi qu'Anton von Adeldoch apprit que l'opération Ludwig avait été un succès. Et pas seulement une succès, mais une victoire éclatante, la première de l'Armée du Sudenland Libre.

Grâce à la doctrine développée par le baron, les pertes du côté des rebelles avaient été minimes tandis que la totalité du contingent tiléen avait été vaincu, éclairci petit à petit par les tireurs embusqués et les guets-apens, jusqu'à l'assaut final qui avait vu la quasi-totalité des mercenaires survivants se rendre dans les premières minutes du combat. Le seul échec, tout relatif, fut celui du sergent Walrius et de ses hommes : alors que leur mission était d'intercepter tout fuyard après l'assaut final, ils ne purent en capturer qu'une poignée parmi la trentaine qui prirent leurs jambes à leur cou à peine la corne de guerre eut-elle retenti. Walrius plaida le manque de moyens de son unité, elle-même réduite à vingt hommes, et offrit de quitter son poste si le baron ne l'en estimait pas digne.

Contrairement aux ordres délivrés par Anton, l'armée victorieuse ne se retira pas "dans les collines au Nord-Est de Kroppenleben", mais bien dans le village lui-même où une grande fête fut donnée pour célébrer ce coup d'éclat. Cette décision fut le fait du châtelain de la place Ludwig von Ülmer et le chevalier Vilnius von Wirth, commandant de l'opération, ne sut le lui refuser.

Car il était vrai que Ludwig était un homme fort charismatique. Sur ses trente ans, grand et fort, à la barbe fournie et au tempérament plus affirmé que Karl, c'était bien là le fils de son père. Moins taciturne et plus jovial que ce dernier, cependant. Il était aimé de ses hommes et de la population qu'il n'importunait guère, reléguant souvent les questions administratives à l'intendant de sa maisonnée et préférant la chasse au sanglier qu'à l'impôt. A la mort de leur père à Gerenchfeld, les deux frères s'étaient disputés : Karl préconisait de suivre Anton, tandis que pour Ludwig, c'était désormais aux Von Ülmer de porter le sort du Sudenland sur leurs épaules, choses que n'avait pas su faire leur géniteur en se rangeant éternellement derrière le père de l'actuel baron de Terre-Noire. Il avait ainsi engendré sa propre rébellion, se bornant toutefois à haranguer ses gens et ceux des hameaux alentours. L'initiative d'Anton l'avait alors sauvé d'une défaite certaine et d'un châtiment funeste, que l'intéressé s'en rendre compte ou non.

Et il présidait désormais le banquet, assit au centre d'une grande tablée disposée en U dans l'auberge de Kroppenleben. Son frère était assit à sa gauche, Von Wirth à sa droite, et tous les officiers ou personnalités d'importance de l'Indépendance étaient installés de part et d'autre. Le reste de la troupe buvait et mangeait debout, mélangée aux villageois, et la grande salle était pleine à craquer tandis que l'on amenait bière, vin, hydromel, viandes rôties et potages fumants. Des couronnes de sapin et de mimosa en fleur, dont la couleur vive rappelait celle de l'ancienne province, étaient accrochées aux murs et aux poutres. Le héros du jour était un certain Ingo, franc-tireur qui avait à lui seul couché trois officiers ennemis. Sa chope n'était jamais vide et son teint rougissait à vue d’œil. Les soldats, encore humbles bergers et chasseurs la veille, fanfaronnaient sur leurs faits d'arme et commentaient bruyamment les différentes étapes de la bataille. Ca s'écriait plus que ça discutait, la chaleur montait. Ici on faisait un bras de fer, là quelqu'un jurait avoir vu un âne chargé d'or fuir les combats au galop. Son entourage s'esclaffait alors et quelqu'un lui décochait une beigne à l'arrière de la tête. On riait, on chantait, on célébrait ce moment dans la joie et l'allégresse, et l'heure était à la fête. Même la place du village, sur laquelle donnait l'auberge, était prise d'assaut par les arsouilles qui n'avaient pas pu rentrer, et on y avait ouvert le couvercle d'un fût avec un bon coup de hache.

La nuit était déjà tombée lorsqu'Anton et sa troupe arrivèrent à Kroppenleben, et les festivités battaient leur plein.


Description de Nôrund Noircharbon et de la Casemate page 2.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Re: [Anton] La Complainte du Solland

Message par Anton »

“Sudenlanders !”

Le baron est debout sur la planche, sur des tréteaux branlants, au milieu du chaos de l’auberge. Les vivats et les cris qui l’avaient accueilli s’éteignent peu à peu, tandis que la masse des miliciens, nouveaux venus concentrent peu à peu l’attention générale. Les héros de la fête, les traits un rien tirés, attendent désormais de voir ce que leur chef, arrivé après la bataille, s'apprête à dire.

“Sudenlanders !”

“Silence, silence ! Laissez parler le baron !”

“Sudenlanders !”

“Silence !”


Et le silence, relatif, s’installa bel et bien dans cette salle emplie à craquer, aux centaines de visages luisants d’excitation, de l’effort, de la chaleur presque luxuriante. L’hydre quasi-dionysiaque qu’était devenue l’Armée du Sudenland s’immobilisa un instant dans le déchaînement de ses festivités, se courbant face à son maître ; sa volonté non pas domptée, mais simplement suspendue ; les ventres avaient faim de graisse et de vin, les gorges de rire et des entre-jambes poissait cette envie qui prend subitement les vainqueurs après que leurs ennemis ont été couchés parmi les vers. La vie pulsait comme jamais elle n’avait pulsé, débridée, dans les près de deux-cent cinquante poitrines de l’indépendance, et tous se sentaient immortels, tous se sentaient beaux, joyeux, désirables, dans la fournaise de la salle aux vapeurs d’alcool.

Droit dans son habit sombre et sans fioriture, la main sur son immense rapière, le cheveu rare et les yeux brillants, un homme domine la foule toute entière tendue vers la jouissance. Il la tient dans sa main, la contrôle de sa voix ; son pouvoir est celui d’un délicat équilibre, et il sait qu’il ne pourra contraindre longtemps la bête qui réclame son dû de liberté et de chaos.

Anton Von Adeldoch se dresse et, autour de lui, les hommes qu’il a mené à travers les heures sombres de la nuit et une marche infernale. Ils sont là, ses miliciens, en armes, gagnés peu à peu par l’envie de fêter eux aussi leur victoire, mais figés dans leur rôle sérieux de gardes du corps au milieu de la liesse ; foule distincte dans la foule eux qui, le matin même, ont pendu des frères Sudenlandais pendant que d’autres recueillaient les lauriers de la gloire sur un vrai champ de bataille.

La bête aux deux cents cinquante poitrines retient son souffle.

“Sudenlanders, soldats de l’indépendance,

Aujourd’hui marque la première victoire de l’Indépendance sur l’envahisseur.

Face aux Tiléens, face à des hommes venus semer le chaos sur nos terres, vous vous êtes dressés, avec discipline. Vous avez suivi le courage de vos chefs. Vous leur avez montré ce que c’est qu’être Sudenlandais. Je suis fier de vous.”


La bête rugit, s’esclaffe, jouit de sa puissance et de ses succès. Elle sait qu’elle a mérité cette louange, mais déjà, d’un geste, le baron la retient d’aller plus loin. Il sait qu’il la perdrait. Le rugissement se brise sur ce geste, s’éteint, son souffle épais flottant encore dans l’atmosphère lourde de la grande salle. Attentif.

“Je suis fier aussi de ceux qui nous ont mené à la victoire. Ils ont prouvé aujourd’hui qu’ils étaient de véritables chefs de guerre.”

Rugissement à nouveau. Les seigneurs de la soirée, à commencer par Ludwig, se levèrent pour se faire acclamer, puis à l’initiative de De Wirth, s’inclinèrent de façon plus ou moins appuyée en direction du baron avant de se rassoir. Qui tenta de reprendre sa harangue.

“Ce soir, nous fêtons …”


Le chaos était devenu trop fort pour la voix du baron. Les rugissements avaient relancé la fête et certains avaient recommencé à boire ; l’attention des soudards se dispersait, doucement emporté par le flot de la bière et des conversations. La situation échappait au baron, l’hydre lui échappait. Sous les yeux de ses généraux. Inacceptable.

Anton Von Adeldoch décida d’attendre que le silence se fasse, comme si ce droit lui était absolument dû. Les poings aux hanches, ses yeux noirs balayèrent la cohue qu’était devenue la salle et ses hommes. C’était une prise de risque, dans sa situation, mais il ne voyait guère de meilleure option.

Au plus fort du maelstrom, un milicien particulièrement aviné hurlait une chanson à boire. Une chance à saisir.

Le baron se concentra sur lui. Il ne dit rien, mais il fronça les sourcils.

Au début, rien ne changea. Il sentit une goutte de sueur descendre le long de son échine lors de longues secondes qui lui parurent des heures.

Puis, enfin, deux miliciens rompirent le rang et se taillèrent un chemin jusqu’à l’homme, qui refusa de se taire. Alors sur un signe de tête du baron, les deux hommes agirent : deux coups au ventre et un crochet bien appliqué à la tête le renversèrent, et en un éclair les deux hommes le jetèrent hors de la taverne. Ces deux hommes, qui avaient suivi le baron à travers les montagnes depuis les débuts, étaient deux costauds à l’air sombre et décidé, et ils parurent ne pas se formaliser du blanc qui succéda aux hurlements de goret de l’ivrogne. Ils en avaient déjà vu bien d’autres, et reprirent silencieusement leur place au pied de la table où le baron se tenait.

C’était une petite victoire pour le chef de l’Indépendance qui reprit sa harangue comme si de rien n’était, dans un silence devenu brusquement épais, lourd.

“Ce soir nous fêtons notre victoire, et nous remercions les Dieux et les Déesses de leurs faveurs. Je n’oublie pas ceux qui sont tombés lors de cette première journée de combat, et je sais que vous non plus vous ne les oublierez pas.”

La bête s’ébroua et, de mauvaise grâce, grogna son assentiment. Les choses reprenaient leur cour légitime et ayant regagné son rang d’orateur, le baron courait désormais le risque, par des paroles trop plates, d’ennuyer la foule. Le long trajet de la journée, la tension continue, les combats et les incertitudes sur l’avenir rendaient difficile la tâche au tribun, tâche à laquelle sans exceller il était pourtant assez familier. Il comprit qu’il ne tiendrait guère plus, et qu’il fallait conclure.

“Les festivités vont continuer, mais le combat pour l’indépendance aussi. N’oubliez jamais que désormais nous avons signé, ensemble dans le sang de nos ennemis un pacte ; il ne se terminera que lorsque nous aurons terminé notre tâche, que nos couleurs flotteront sur Pfeidorf !

Notre tâche sera longue, mais vous avez prouvé aujourd’hui que je peux compter sur vous. Je sais qu’à chaque fois que je pousserai le cri sacré de “Frei Sudenland”, vous serez là, à mes côtés pour me défendre !”


L’animation reprit lentement. On sentait la conclusion proche, et il courait dans les dos un frisson puissant, animal, qui n’était plus celui de la camaraderie mais bien celui de la horde, de la meute. La bête s’animait, et se trouvait être légion. Elle se connaissait, se comprenait, sentait qu’elle n’était qu’une, et s’était trouvé une tête.

Qui dégaina brusquement une lame claire vers le ciel.


“Aujourd’hui, je nous somme deux cent, et deux cent encore attendent de nous rejoindre.

DEMAIN, PAR VOS EXPLOITS NOUS SERONS DES MILLIERS !

ET NOUS MARCHERONS ENSEMBLE SUR NOS ENNEMIS !”


La bête sentit ses gorges s’assécher, et pourtant la boisson ne la tentait pas.

Elle cherchait comment communier entre elle, avec elle-même, ses deux cent têtes.

Elle cherchait le moyen de purger cette tension animale.


“ET ILS CRAINDRONT NOTRE CRI !

FREI SUDENLAND !

FREI SUDENLAND !”


La bête trouva ce moyen, cet exutoire. Un cri ! Deux cent voix dans une gorge monstrueuse se mirent à scander ce mot, deux cent mains s’élancèrent vers le ciel en défiant l’avenir avec tout ce qu’elles purent brandir, lame, choppe, couteau… Frei Sudenland !

Unie dans un cri, et le hurlant à la face du monde, deux cent têtes, deux cent poitrines, un seul cœur, une seule âme !

De tous les côtés, dans le bourg, des villageois s’approchèrent davantage encore, pour contempler ces vaillants, et comprendre ces cris !

Le flot était irrésistible et, il les emporta avec, leur arrachant de la gorge, contre leur gré, ces deux mots...

Frei Sudenland !

Et soudain ils furent mille, comme l’avait promis le baron. Innombrables, ils se reconnaissaient, non plus hommes, femmes, enfants, nobles, paysans, charpentiers ou meuniers, mais ensemble, embarqués vers un horizon si immense que leurs centaines de bras ne parviendraient jamais à l’embrasser tout entier.

Le village entier vibrait des accolades, des gémissements, des pieds qui frappaient le sol pour éprouver leur force et bondir ensuite, des entrechocs de tout ce qui pouvait frapper sur tout ce qui pouvait résonner et inscrire dans la chair cette volonté indomptable : Sudenland libre !

Dans la sonnerie des cloches et du Tocsin, au milieu des rugissements de la bête qui déjà se dispersait dans la nuit pour poursuivre sa débauche d’alcool et de joie, le baron disparu pour préparer la suite du combat.



***
Au château de Kroppenleben


Anton s’assit lourdement dans la chaise tendue de cuir qui faisait face au lourd bureau. Il avait demandé une chambre en hauteur, comme à son habitude, et en dépit des efforts des serviteurs désespérés qui alimentaient la cheminée avec tout ce que le château comptait de bois de chauffage, la pièce restait toujours désagréablement froide à cette heure de la nuit.

Les efforts de la journée l’avaient épuisé. Il demanda à être seul, et ne fut bientôt plus dérangé que par les craquements du brasier, de la pierre et du bois qui peu à peu s’échauffaient, ainsi que du vent qui se glissait par les interstices.

La victoire le réjouissait, mais tout entier tendu vers ce but premier, il se sentait désormais complétement vidé, comme s’il avait tout donné dans un suprême effort. Les membres las et la tête toute embrouillée, il lui semblait difficile de savoir ce qu’il convenait désormais de faire. Quelle priorité ? Que décider, que trancher ?

Dehors la nuit prenait le contrôle du bourg et de son château. Anton savait que comme, quelque part dans une des salles du modeste édifice, ses conseils attendaient de pouvoir le voir pour lui remettre leur rapport. Il appréhendait quelque peu ce moment. Il lui semblait avoir déjà bien trop d’informations à sa disposition. Le trop-plein, l’envie de fuir, le prirent tout à coup à la gorge, et il joua un instant avec cette idée, coupable plaisir sans lendemain, lubie étrange qui lui prenait parfois de disparaître pour se réinventer ailleurs loin de ces liens qui le clouaient au sol. Il se rêva dans un autre pays, il imagina le désarroi dans les yeux de ses ennemis, de ses amis, un monde qui se recompose sans lui, hors de lui...

Il fallait pourtant bien décider quelque chose. L’Armée était là désormais, sa vision s’accomplissait. Elle avait commencé. Que fallait-il faire pour la poursuivre, la mener à son terme ?

L’Armée n’était qu’un outil. Un outil au service de l’Indépendance. Au service de son ascension. Idée étonnante, il ne l’avait jamais pensée en ces termes son ascension. Il disait toujours “L’Indépendance”, comme une cause un peu mystérieuse, décorrélée de ses ambitions personnelles. Mais finalement, est-ce qu’il avait tant envie que cela d’être Comte ? D’avoir chaque jour que Morr accorde plus d’ennuis, plus de questions, plus de tracas qu’il n’est possible à un surhomme d’en résoudre en deux jours ?

Peut-être pas, finalement. Mais il n’était plus vraiment le temps pour ce genre de questionnements. Il avait mis en branle l’Univers, il serait bien temps de s’en échapper lorsque l’occasion s’en présenterait. Pour l’instant il avait une armée à gérer. Et un Empire à conquérir. Une terre. Le Sudenland.
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 01 juil. 2019, 15:36, modifié 1 fois.
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Anton von Adeldoch, Noble du Sudenland, lien vers l'aventure en cours: http://warforum-jdr.com/phpBB3/viewtopi ... 380#p97380
Profil de combat :
FOR 9/ END 11/ HAB 7/ CHAR 11/ INT 11/ INI 9/ ATT 11/ PAR 8/ TIR/ 9/ PV 75/75, bonus de l'équipement inclus avec -2 Par/Hab à l'adversaire, -1 armure de l'adversaire et parade 10, protection tête/bras/torse de 9.

Détails permettant d'arriver à ce profil:
Profil: FOR 8/ END 10/ HAB 8/ CHAR 11/ INT 11/ INI 9/ ATT 10/ PAR 9/ TIR/ 9/ PV 75/75
Compétences: Monte, Arme de prédilection (rapière +1 Att)
armes: Arc court (dégâts:26+1d8, malus -2/16m) ; "fleuret estalien" (rapière, dégâts:14(+8)+1d8, parade 10, rapide (-2Par/Hab de l'adversaire pour parer/esquiver), perforant (1) (ignore 1 point d'armure adverse))
Protections: mailles. Torse, dos et bras, protection de 9, encombrement de -1 HAB, ATT et PAR
Talisman de Gork : +1 For Att et END
Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges
Fr.N.

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