[Faust] Inspecteur Valdorf

[[MJ] Le Djinn]

Test de charisme de Faust: 5, réussite.

Le petit monologue de Valdorf achevé, l'agromancien se laissa retomber sur sa chaise, pensif, presque contemplatif. Sa main gauche posée sur la cuisse, la droite jouait avec une plume d'oie colorée dont l'embout était encore à moitié couvert d'encre de Cathay. Dieter Vogt, archidruide de Talabheim, cherchait ses mots devant la situation. Les éclats de la discussion entre Chardon et Othon ne l'aidaient pas à réfléchir, mais comment cela aurait-il pu être autrement? L'un était un chat ailé, résolument magique, héritier d'une arcane liée à la nature, à la jovialité, à la bonne santé et à la croissance de la Vie tandis que l'autre un chien certes parlant mais très terre à terre, né de l'ombre et de la tromperie, des ténèbres en somme.

N'en restait pas moins que ces pitreries finissaient d'agacer prodigieusement le magicien qui, en plus d'être un homme aux nombreuses responsabilités, souffrait ce jour-là d'un mal de crâne de tous les diables. L'assemblée vit donc la porte du bureau s'ouvrir en grand, d'un seul coup, vers l'antichambre. La violence de la chose était telle que tous se figèrent.

-"Othon, Chardon. Dehors avant que je ne me fâche vraiment."

Peut-être pour la première fois de sa vie, Faust vit son compagnon canin sortir d'une pièce la queue basse et les oreilles tombantes. Ce n'était pas la première fois qu'il se faisait disputer avec véhémence, mais jamais il n'avait eu dans le regard cet air de peur, de terreur même. Il sortit à pas de loup sans se faire prier, suivit par les battements d'ailes inquiets de son compagnon félin. Quand ils furent tous deux sortis, les portes se refermèrent sur eux en claquant avant de se couvrir de lierre un peu à la façon dont celui-ci se mouvait dans le jardin des fleurs d'Arcturus.

-"Maintenant, messire Tilman, nous allons pouvoir parler. Pour tout vous avouer, j'avais quelques doutes sur cette histoire d'enlèvement et ce depuis le départ. Votre venue ne fait que confirmer mes craintes.

Oui je connais le capitaine Gaëtan, c'est un membre du Guet, qui doit être en poste depuis une demi-douzaine d'années maintenant. Il est en charge de la plupart des crimes sans liens avec la religion, aussi n'est-ce pas surprenant de le retrouver sur cette affaire. Cela étant, je me suis un peu renseigné sur lui à la suite de sa visite chez Amélia et il semble même s'être porté volontaire avant même qu'on ne lui demande."

Restait la réaction guettée au nom de Paulein Astoffen. Sans paraître profondément choqué, n'en restait pas moins que le druide eu une expression de surprise, ce qui le poussa même à commenter:

-"J'ai entendu parler de cet Astoffen. Un répurgateur présent en ville depuis quelques temps et qui participe à des charités, des donations, des distributions de pain aux pauvres, etc. J'ai même entendu dire qu'il discutait avec Herr Hauptveen, un banquier, pour financer une pièce de théâtre promouvant les valeurs de l'église sigmarite."

En disant cela, Vogt ne tenta même pas de cacher le mouvement de ses yeux vers le ciel. Intrigué, il lissa sa barbe blanche du bout des doigts.

-"Mais enfin, il n'a pas le profil d'un meurtrier fou, d'un "Quêteur" comme vous dites. Je l'ai entraperçu une fois ou deux, il a davantage le profil d'un père de famille porté sur la viande en sauce que celui d'un cerveau malfaisant!"

Derrière la porte jaillirent les sons étouffés des aboiements d'Othon et des feulements de Chardon. Les deux se chamaillaient encore ce qui fit pousser au druide un puissant soupir de soulagement.

-"J'y pense à présent, quelles sont vos relations avec Othon? Pourquoi Siegfried l'a-t-il ramené ici, à Talabheim?"

Le regard du mage prouvait qu'il ne plaisantait pas, pas plus qu'il ne tentait de faire une conversation tranquille pour détendre l'atmosphère. Le ton, plus que sérieux, laissait présager de l'importance de la question.

[Faust Valdorf]

À défaut de se connaître, Faust et Dieter semblaient au moins partager un goût prononcé pour le calme et le silence ; puisque l’archidruide ne tarda pas à intimer aux deux animaux de quitter son bureau, visiblement bien peu amusé par leur bruyante dispute. L'aura du druide se déploya sous l'effet de l'agacement, semblant former autour d'eux des lianes verdâtres fouettant l'air en tout sens, et dont les claquements secs ne manquèrent pas d'arracher un léger frisson à l'umbramancien. Entre lui et Amélia la veille, les mages de jade pouvaient définitivement se montrer intimidants, lorsqu’ils le souhaitaient… sur ce coup là, Faust compatissait autant avec Vogt qu'avec ces pauvres familiers !

Les agitateurs désormais envolés (littéralement pour l’un d’entre eux), la discussion pût aussitôt reprendre de manière plus formelle. Les bras croisés sur la poitrine, le jeune Magister écouta attentivement les réponses de son interlocuteur, tentant de les relier aux informations récoltées depuis son arrivée en ville. Au moins, quelques détails commençaient à s’éclaircir. Sur Gaëtan, déjà : que l’homme se soit proposé pour mener l’enquête avant même qu’on ne lui demande, ouvrait tout un pan de possibilités sur son rôle dans cette affaire. Si la mémoire du Valdorf ne lui jouait pas des tours, le capitaine du guet ne possédait aucun lien particulier avec Amélia, cette dernière n’ayant pas indiqué l’avoir connu avant les récents évènements. Qu’il s’empresse de prendre en charge l’affaire paraissait donc… suspicieux, pour le dire ainsi. Mieux valait ne pas arriver à des conclusions hâtives, mais Faust pouvait au moins ajouter Gaëtan à la liste des individus sur qui garder un œil à l’avenir. Et d’autant plus si l’intuition du mage à son sujet se révélait juste...

Concernant Astoffen lui-même, le brouillard se dissipait aussi. Tout comme l’avait été Amélia, Vogt parût surpris de telles accusations envers à un homme à la réputation pourtant irréprochable ; mais ne connaissant pas personnellement le répurgateur, se montra incapable de lui en apprendre plus à son sujet… si ce n’était pour le nom d’un des proches collaborateurs du sigmarite ! Herr Hauptveen… probablement qu’il s’agissait du bourgeois entraperçu par Faust à la messe matinale ; d’autant plus qu’il l’avait effectivement entendu discuter d’investissements et de saltimbanques avec Astoffen. Bingo. Pas que pour le moment, s’intéresser de plus prêt à ce banquier lui paraissait prioritaire, mais autant garder l’information de côté, au cas où. S’il était amené, dans le futur, à devoir saper l’influence publique du Quêteur, Herr Hauptveen lui serait sans doute utile.

Ignorant les doutes émis par Vogt sur la culpabilité de leur suspect principal, Faust fut néanmoins quelque peu surpris de voir l’archidruide aborder de lui-même le sujet d’Othon. Il devait vraiment avoir laissé mauvais souvenir, pour que le seigneur sorcier décide de prendre l’initiative… bien qu'en vérité, le Valdorf avait de toute manière prévu d’en discuter avant la fin de cette entrevue. Maintenant que le familier avait quitté la pièce, l’opportunité d’obtenir quelques détails sur son passé était juste trop belle, même si cela n’empêcha aucunement la question du druide de le prendre de court. Il ne savait honnêtement pas trop comment expliquer sa relation avec le familier… en premier lieu, parce qu’il ne s’agissait même pas réellement du sien. D’ordinaire déjà, on pouvait difficilement résumer de manière simple le lien entre un maître et son compagnon magique. Ces derniers se trouvaient dans ce flou étrange du libre arbitre, sortes d’hybrides à la fois éternellement soumis à ceux les ayant amenées dans ce monde, mais également capables de leurs propres actions et raisonnement. Des serviteurs conscients, sur lesquels les érudits de tout l’Empire devaient probablement rédiger bon nombre d’écrits philosophiques. Mais dans le cas présent, le chien appartenait à Siegfried. On le lui avait simplement « confié », pour le dire ainsi, ce qui rendait la chose encore plus compliquée : ils ne s'inscrivaient pas dans une bête relation « créateur/création ». Othon était pour lui cet étrange mélange d’ami, d’animal de compagnie et même de mentor tout à la fois. Il était… juste Othon.

Renfoncé contre un dossier de bois toujours aussi peu confortable, Faust se permit quelques secondes de réflexions, ne sachant pas véritablement que répondre. Passant une main sur la base de sa nuque, le mage de l’ombre étouffa un soupir, avant d’en revenir à son interlocuteur.

- Othon est un ami, avant tout chose. D’une certaine manière, il veille sur moi depuis que je suis entré au collège : Siegfried me l’a assigné lorsque j’étais encore apprenti, pour éviter des… accidents, de ma part. Nous nous sommes côtoyés durant toutes les années que j’ai passées là-bas. C'est donc naturellement, quand Dorothea nous a prévenus de l’enlèvement, et qu’on m’a confié la tâche de l’élucider, que Siegfried a jugé bon qu’il m’accompagne.

Le mage pesa ses mots quelques instants, incapable de dire si son explication satisferait le maitre de jade ; puis se décida néanmoins à continuer, sa curiosité le poussant à demander des clarifications sur cette résurgence du passé.

- Je ne sais pas ce qu’Othon a fait la dernière fois qu’il est venu dans cette ville, ni même quand c’est advenu. En toute honnêteté, il a refusé de m’en parler jusqu’à maintenant. J’ai simplement cru comprendre qu’il y avait un passif entre vous, ou même avec messire Philmann. J’ignore quel doute vous nourrissez à son égard… enfin, à notre égard, et je vous serais réellement reconnaissant si vous pouviez m’éclairer à ce sujet. Cependant, pour l’heure, que nous nous concentrions sur l’affaire en cours me semble d’une plus grande importance.

Tout intéressante soit la précédente mission de son compagnon canin, ce n’était pas pour en apprendre sur elle qu’il était initialement venu : cela pourrait attendre la fin de leur discussion. Pour l’instant, obtenir des informations sur l’enlèvement restait sa priorité.

- Pour revenir sur ce que vous disiez, il est vrai qu’Astoffen ne ressemble pas à l’image qu’on se ferait d’un fanatique, et même si nous savons tous deux que les apparences peuvent se montrer trompeuses dans nos milieux respectifs, j’avoue n’avoir pas d’autre preuve de sa culpabilité que les dires de mes supérieurs. Mais c’est pour cela qu’on m’a envoyé enquêter, d’une certaine manière. J’ai fait la promesse de retrouver Gaspard, découvrir l’identité de ses ravisseurs, et les punir comme il se doit. À partir de là, que ce soit Astoffen le responsable, un autre répurgateur ou le Grand Théogoniste lui-même m’importe peu. À l’heure où nous parlons, cet enfant est probablement mutilé sans ne l’avoir jamais mérité : je ferai en sorte que ce crime ne reste pas impuni, quelle que soit l’identité du coupable. C’est tout ce qui compte. Et pour cela, Herr, j’ai besoin de votre assistance.

Et de réponses. Surtout de réponses, en fait.

- Si ce n’est pas trop demandé, pourriez-vous m’indiquer à quoi ressemble le capitaine Gaëtan, son prénom, et où je pourrais le trouver ? Cheveux roux, teint bronzé, du genre souriant, non ? Ces informations me seraient aussi utiles pour Hauptveen, vous l’imaginez bien, même si je crois déjà avoir une idée de son apparence.

En l'occurrence, un gros homme à lunettes et aux riches vêtements, mais possédant néanmoins d'assez jolis yeux verts. Sa petite visite de ce matin commençait à porter ses fruits.

- Également, et ce sera je pense tout, avez-vous connaissance, mis à part Astoffen, d’informations sur les autres répurgateurs qui agissent en ville ? Pas tous, bien entendu, mais j’imagine qu’en tant que Seigneur Magister, et résidant de longue date à Talabheim, vous devez tout de même être au fait de l’identité des plus actifs d’entre eux. Un certain Isaure Holindheim, par exemple.

[[MJ] Le Djinn]

D'un air distrait, l'archidruide Vogt passa sa main dans son épaisse barbe blanche alors qu'il réfléchissait aux questions qu'on lui posait. A la mention de la première réponse de Faust, Othon est un ami, avant tout chose", l'umbramancien put lire quelques mots sur les lèvres de son vis-à-vis:

-"Un ami... Oui, oui, nous verrons cela."

Il ne prit cependant pas l'initiative d'interrompre Faust alors qu'il revenait dans un mode d'interrogatoire plus classique. Non pas qu'il ait pu se permettre de brutaliser un mage de plusieurs fois son âge et sa puissance, bien sûr, mais il n'en restait pas moins que le jeune sorcier d'Ulgu avait l'art des questions précises et du manque de tact. Si Dieter ne parut pas en prendre ombrage sur le coup, il marqua quand même un certain agacement, notamment quand il lui fût demandé de décrire le capitaine Gaëtan. Ressemblait-il donc tant à un portraitiste de rue?

-"Je n'ai pas souvent rencontré Jakob Gaëtan, je dois dire, et il ne m'a pas laissé une forte impression. Roux peut-être, bronzé sans doute. Un air d'adulte n'ayant pas encore assez grandi, je dirais. Je ne peux pas vous en dire davantage. Quant à où il se trouve... Vous devriez faire le tour des postes de gardes, les hommes sauraient vous l'indiquer mieux que moi. Pour Hauptveen, un homme âgé, assez voûté, toujours très bien habillé. Un air de nain avec un nez épais, le cheveux rare. Je l'ai croisé un peu plus souvent, celui-là, il vient souvent aux réceptions de la cour. Il a un hôtel dans le quartier châtelain, comme il se doit. Sa maison ne doit pas être trop difficile à trouver, c'est celle avec le plus de dorures."

Dans le cas du capitaine Gaëtan, la description n'aidaient pas tellement tant elle était vague. Pour Hauptveen, par contre, il y avait là des informations utiles à exploiter plus tard.
Restait la question des répurgateurs en ville, là encore Vogt resta évasif.

-"Je ne m'intéresse aux répurgateurs que pour leur fixer les limites prévues par l'Ordonnance. Je connais cet Holindheim mais même s'il est connu pour être un zélé, il n'a jamais mis en péril, ou essayé de le faire, les intérêts du Collège de Jade, ou d'Ambre pour ce que j'en surveille. Ni des autres, au passage. Il est présent depuis quelques années, je crois? Pour le reste, je crains que Starke ne soit contraint de se passer de mes connaissances sur les relations entre la cité et le temple de Sigmar qu'elle abrite."

Jet d'INT de Faust: 17, échec.
Jet de CHA de Faust: 13, échec.
Jet de CHA secondaire: 3, réussite.

Sans devenir hostile, la discussion avait pris un tour plus froid. Pour une raison que notre enquêteur ne parvenait pas à discerner il semblait que le druide soit plutôt réfractaire à partager des informations sur les répurgateurs de la cité. Vogt paraissait d'ailleurs sur la défensive jusque dans sa gestuelle et sans la puissante influence du vent de Ghyran qui le gardait dans une dynamique de bonne humeur et de calme, il se serait sans doute vexé.

-"Si nous avons terminé je me permets de ne pas vous retenir plus longtemps, Herr Tilman. Vous devez être un homme très occupé. Pourrez-vous dire à Chardon de revenir, en passant? Il doit être en train de s'amuser avec le chien. Ce fût une discussion étonnante, et j'espère que vous reviendrez vers moi quand vous en aurez appris davantage, évidemment."

Les lianes qui bloquaient la porte se défirent alors, laissant la possibilité à quiconque d'entrer ou de sortir, mais avant que les plantes ne lâchent les gonds, Diert Vogt s'arrêta dans son geste, pour un dernier avertissement:

-"Comme vous m'êtes sympathique mais que vous me paraissez bien jeune, laissez-moi vous aider un peu plus, Herr Tilman: méfiez-vous d'Othon. Il n'est pas le gentil animal que vous pensez et il est autant là pour vous aider que pour vous surveiller. Vous n'êtes pas le premier."

La porte de bois était encore fermée mais avec du courage Faust pourrait poser une dernière question, au risque de fâcher son hôte par son insistance...

[Faust Valdorf]

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Déjà que sa présence ne paraissait pas vraiment le ravir, l’interrogatoire de Faust n’agaça visiblement que plus encore l'impassible Dieter Vogt. Au fur et à mesure qu'il déversait ses questions, le jeune homme put distinctement observer dans les gestes du druide les signes d’une lassitude grandissante ; ce qui ne manqua pas de provoquer chez l'inquisiteur un léger froncement de sourcils ! S'en devenait presque épuisant, à force : qu’est ce qu’il avait encore bien pu dire de mal ? Lui qui tentait toujours de se montrer poli... enfin, dans la mesure du possible : ce n’est pas parce qu’il se trouvait face à un seigneur sorcier, qu’il allait soudainement sortir les titres ronflants et l’étiquette digne d’un Bretonnien. N’était-il pas préférable pour tous que le détective aille à l’essentiel, vu leur situation actuelle ? Le temps de son Éminence lui semblait précieux, alors autant ne pas le perdre en formules futiles.

Au moins, cette “bavure” manifeste n’empêcha pas Dieter de lui fournir quelques informations supplémentaires, même si la pertinence de ces dernières se montra assez variable. Concernant les bonnes nouvelles, la description d’Hauptveen permit à l’Altdorfer de confirmer ses doutes : un banquier à l’air de nain, le crâne dégarni et le nez proéminent, richement habillé, mécène des sigmarites… ce portrait tout droit sorti d’une caricature ulricaine correspondait effectivement au patricien du temple. Comme quoi, peut-être bien que ces torchons reflétaient, au fond, une certaine part de vérité ! Pour ce qui était de Gaëtan et d’Holindheim, a contrario, le résultat fut nettement plus décevant : dans le cas du premier, car Vogt semblait ne réellement posséder aucun renseignement supplémentaire à son sujet ; et dans celui du deuxième, parce qu’il se refusait à les lui transmettre.

Alors, oui, Vogt lui confirma que le répurgateur agissait en ville depuis quelques années maintenant, ce qui corroborait la version de ce dernier : jusqu’à preuve du contraire, le “vieux renard” s’était effectivement montré honnête avec Faust. Mais il n’en restait pas moins que le ton passif agressif et les sous-entendus de l’archidruide commençaient à sérieusement lui taper sur les nerfs. Cette manière que l'Agromancien avait de contester l’ingérence du collège gris dans l’affaire depuis son arrivée ; précisant une fois de plus, qu’à sa connaissance, les répurgateurs locaux ne mettaient pas en péril les intérêts de l'ordre de jade et des autres, ou que le patriarche Starke devrait se passer de ses renseignements à ce sujet… Pas que les rivalités ou les désaccords entre écoles de magie lui soient inconnus ; mais la remarque paraissait ici particulièrement mal placée !

Certes, le collège gris était avant tout dédié à l'espionnage : aussi l’Altdorfer pouvait-il comprendre une certaine méfiance. Peut-être le druide percevait-il leur implication dans l’affaire comme une tentative d’établir un réseau à Talabheim, plus qu’une véritable volonté de venir en aide ; surtout vu leur absence de preuve concernant la culpabilité d’Astoffen. Certes, les identités des répurgateurs de Talabheim constituaient des renseignements sensibles à dévoiler devant lui ; car s’il ne parvenait pas trop à discerner les raisons précises de ce silence, Faust supposait que c’était en partie pour ça que le conseiller répugnait tant à en dire plus.

Mais aussi critique soit Vogt à l’égard de leur ordre, il n’en restait pas moins que c’était eux qui s’occupaient de retrouver un sorcier pourtant sous sa responsabilité. Honnêtement, l’umbramancien s’attendait à plus de bonne volonté et de coopération venant d’un mage aussi expérimenté…

Pour autant, il garda son calme. Tout comme le conseiller l’avait laissé parler avant de répondre, le Reiklander se montra attentif, mais sans chercher à cacher la déception qui devait transparaître sur son visage. Rapidement, le maître des lieux l’invita à quitter ces derniers, jugeant probablement que ce qui devait être dit l’avait été ; tout en lui lançant un avertissement supplémentaire, apparemment motivé par une “sympathie” à son égard. Le mage de Ghyran lui intimait… de se méfier d’Othon. Si elle poussait naturellement à la réflexion, et que Faust croyait en sa véracité, cette “révélation” ne lui fit pas l’effet d’une bombe, pas plus qu’il n’en tomba de sa chaise. C’était… attendu, d’une certaine manière ? Même sans la remarque du druide, cela faisait déjà un certain temps que le Valdorf suspectait quelque chose de louche à propos du familier ; et plus encore, la pensée qu’il ne soit pas le premier compagnon envoyé aux côtés du chien, lui avait effleuré l’esprit juste avant qu’ils n’arrivent au tribunal.

Il devait néanmoins l’avouer, l’idée d’être surveillé par Othon provoqua chez le jeune sorcier un certain malaise. C’était… étrange. Malgré tout, il restait convaincu que le molosse ne possédait aucune inimitié à son égard : aussi ingénue que ça puisse paraitre, il imaginait mal dans le rôle d’un vil traître, l’animal qui l’aidait si diligemment à lutter contre ses mauvais rêves. Non, ce qui le dérangeait, c’est plutôt la volonté qui pouvait bien se cacher derrière cette directive. Peut-être était-ce tout simplement pour “évaluer” ses performances lors d’une première mission (auquel cas Magalie se trouvait probablement dans la même situation). Mais peut-être qu’une raison plus “dommageable” justifiait ce comportement. Un manque de foi à son égard, la crainte qu’il ne soit trop aisément corrompu, ou que ses actions ne s’opposent d’une quelconque manière à celles du collège ; comme l’avaient peut-être fait celles de ses prédécesseurs. Et vu le destin que l’ordre réservait à ceux mettant leurs intérêts au-dessus de la “raison d’État”, peu étonnant qu’Othon ne souhaite pas trop parler de ses anciens compagnons, si tel était le cas…

Probablement qu’il confronterait le concerné à ce propos, de toute manière : il ne connaissait pas meilleur moyen pour éradiquer ses frayeurs que de vider son sac. Tout aussi perturbé qu’il soit par ses pensées, le mage gris n’en laissa cependant que peu paraître devant Vogt ; préférant qu'un moment de faiblesse ne vienne pas déranger une entrevue qu’il jugeait déjà suffisamment pénible.

- … C’est une manière fort étrange d’exprimer votre sympathie, mais j’imagine qu’il serait impoli de ne pas vous en remercier. Je tâcherai de m’en souvenir. Pour ce qui est du reste, je crois en effet que nous en avons terminé.

Une fois les lianes bloquant la porte dispersées, le magister put enfin se libérer de ce désagréable siège. Il lui suffisait désormais de saluer Vogt, et de retourner dans le couloir où devaient encore se disputer les deux familiers. Mais alors que ses pas le menaient vers la sortie, le Valdorf crut bon de tenter une dernière intervention à l’encontre du druide : toujours avec ce ton poli qui n’atténuait que peu l’honnêteté de ses paroles. Il préférait faire valoir son point de vue, au risque d’énerver un hôte visiblement déjà au bout de sa patience.

- Cependant, puisque le temps des remarques de dernière minute semble venu, permettez-moi également de vous en adresser une. Avec tout le respect que je lui dois, ce n’est pas pour divulguer vos réponses à monsieur Starke que je vous demandais tout cela. Je comprends qu’il s’agit là d’informations sensibles, et qu’en votre qualité de conseiller, vous ne pouvez pas vous permettre de les dévoiler au premier venu ; mais je vous prie de me croire lorsque j’affirme seulement m’y intéresser dans le cadre de cette enquête. Si vous avez quelque chose de plus à rajouter, ou que vous pensez utile, il vaudrait mieux m’en faire part avant qu’il ne soit trop tard.

En lieu et place d’une quelconque colère, c’est plutôt une heureuse indifférence que Faust obtint pour seule réaction. Si ses mots atteignirent les oreilles du conseiller, alors ce dernier fit mine de ne pas les entendre ! Comme si rien n’était sorti d’entre ses lèvres, le mage de l’ombre fut promptement raccompagné jusqu’à l'entrée, Vogt se permettant même de lui délivrer quelques encouragements, sans pour autant soulever sa remarque finale. Soit l’âge le rendait dur de la feuille (expression à propos pour un Agromancien), soit ce dernier méritait amplement une réputation de vieux borné…

- Soit. Bonne journée, dans ce cas.

Quelque peu amer, l’Altdorfer se retrouva donc une nouvelle fois dans l’antichambre du bâtiment : seul avec le silence, si on faisait fit des aboiements en provenance du corridor avoisinant. Dire que la rencontre le décevait aurait été un euphémisme ; et pas tant à cause du caractère même de Vogt (bien que Faust n’éprouvait définitivement plus grand respect envers lui), que du sentiment de patiner dans son enquête.

Que les deux hommes ne s’entendent pas était une chose : pas besoin de sympathiser pour collaborer, même si cela restait plus agréable avec des parties en bons termes. Le problème, c’est que son manque d’informations actuel le laissait dans une situation où il ne pouvait pas réellement avancer tout en maintenant son alibi. Il avait déjà interrogé tous les magisters jugés importants pour l’enquête ; et était également entré en contact avec des répurgateurs de Sigmar, sans pour autant que cela ne lui apporte d’indices supplémentaires sur la position de Gaspard. Fouiller les lieux du crime serait probablement inutile, vu les trois semaines écoulées depuis les faits ; et si ce fameux Gaëtan lui paraissait fortement suspicieux, l’atteindre semblait impossible, en l’état. Jusqu’ici, sa couverture n’avait pas été trop difficile à assurer : avec les sorciers, il lui suffisait de se présenter en tant que compagnon ; et avec les répurgateurs, en tant que confrère templier. Mais improviser une excuse pour s'approcher de manière discrète, d'un homme éloigné des milieux magiques comme religieux, s’annonçait autrement plus compliqué… En somme, malgré quelques débuts de pistes, Faust se trouvait désormais sans véritable possibilité d’action ; mis à part patienter, ce qui réduirait encore les chances déjà infimes de retrouver le garçon vivant...

Passant une main sur son visage , le magister soupira longuement, avant qu’un autre feulement ne le sorte de sa réflexion. Autant faire le point avec Othon : peut-être que ce dernier aurait en tête un détail lui ayant échappé.

Chien noir et chat vert ne furent guère difficiles à retrouver, tant les bruits de leur “jeu” se réverbéraient entre les murs et dalles blanches du tribunal. Déjà que même en présence de leurs maîtres, ils manquaient d’en venir aux griffes, leur comportement empirait simplement une fois laissés seuls… Les gardes de Vogt, bien que toujours présents, ne se trouvant visiblement que peu perturbés par la chose ; c’est l’arrivée opportune du mage gris qui fit enfin cesser ce vacarme animalier, les deux concernés interrompant leur petite dispute comme des enfants pris au milieu d’un méfait.

- Allons allons, un peu de calme, je vous prie : on vous entend dans tout le bâtiment. Enfin, au moins, heureux de voir que vous vous êtes plus amusés que nous...

Disant cela, le sorcier d’ombre croisa à nouveau les bras, toisant d’un regard narquois les créatures magiques. Ils faisaient la paire, ces deux-là.

- Chardon, c’est ça ? J’en ai terminé avec Herr Vogt, tu peux retourner auprès de lui. Merci d’avoir patienté.

Toujours aussi jovial, le petit chat herbeux les salua bien poliment, puis s’envola rejoindre son créateur de quelques battements d’ailes ; tout au contraire d’Othon qui, enfin délivré de son calvaire, semblait vouloir s’enfuir aussi vite que possible dans la direction opposée. On aurait dit qu'il venait de passer le pire quart d’heure de ta vie… ce qui, tout compte fait, ne devait pas être si éloigné de la vérité.

Alors, désormais seul à seul, les deux enfants d’Ulgu furent libres de discuter ; même si Faust préféra au préalable qu’ils se rendent dans un des nombreux couloirs vides de cette bâtisse labyrinthique. Au milieu d’un passage désert, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes ; à se répandre en messes basses dans un tribunal marqué du sceau de la vérité. Le mage exposa ce qu’il avait découvert jusqu’à maintenant, les paroles échangées avec Vogt (en faisant, fit du moment concernant Othon), et le problème qu’il voyait se dresser devant eux ; dans l’espoir que son camarade l’aide à y remédier.

Au moins en arrivèrent-ils rapidement à une conclusion similaire. De l’avis du familier, rencontrer Gaëtan constituait en effet le meilleur moyen d’exposer l’imposture de son “maître”. Il fallait se rendre à l’évidence : pour le moment, leurs pistes, trop peu nombreuses, empêchaient toute véritable intervention. Pas que l’animal s’en formalisait, cependant ; car là où Faust privilégiait avant tout la recherche de Gaspard, Othon jugea bon de lui rappeler que sa mission en ces lieux n’était pas tant de sauver l’enfant, que d’en profiter pour identifier les Quêteurs et détruire leur réseau. S’ils devaient patienter un peu pour atteindre cet objectif “principal”, quitte à accepter une perte collatérale, alors qu’il en soit ainsi ; le problème étant que la logique inverse trouvait plus aisément grâce aux yeux de l’umbramancien. Sur ce coup-là, les deux envoyés du collège possédaient des priorités visiblement opposées, si bien que l'avertissement du druide lui revinrent immédiatement en tête...

Faust partageait également ce désir de démanteler le réseau de répurgateur, mais il ne pouvait juste pas laisser se produire une mort aussi injuste, sans tenter tout ce qui était en son pouvoir pour l’empêcher. Pour cause, Vogt paraissait plus préoccupé par le maintien des relations avec l'église locale, quitte à refuser de lui confier des renseignements à ce sujet, pour éviter qu’il n’aille provoquer des troubles ; là où Othon ne cachait absolument pas que la capture du garçon leur donnait surtout une occasion, ironiquement assez bienvenue, d’enfin prendre les Quêteurs la main dans le sac. Comme s’ils avaient tous déjà fait une croix sur la survie du petit, et qu’il restait le seul à espérer pouvoir le retrouver. Alors s’il n’y avait personne pour simplement se soucier du bien-être de Gaspard, il s’en chargerait lui-même. Ou du moins, il s’y essaierait : en l’état actuel, il lui fallait encore prendre le temps de la réflexion. Un peu défait, le mage gris se décida donc à rebrousser chemin en direction du Mousquet Rouillé ; espérant peut-être que la marche et l'extérieur permettraient à ses idées de se remettre en place...

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Il y avait un peu de chemin jusqu'au Mousquet Rouillé et rien que traverser la place de la Loi et sa foule de touristes, avocats, juristes, colporteurs, coupables, témoins et plaignants était une gageure. Il semblait toutefois à Faust que les lieux étaient agités, bien plus qu'à l'accoutumée malgré un nombre strict de citoyens relativement faible. Les gens parlaient vite, parlaient forts, créant un brouhaha inaudible bien que paniqué. Impossible de comprendre ce dont le bon peuple de Talabheim devisait avec tant d'avidité, quel sujet était sur les lèvres de tous. Les portes vers la Dragonnière battaient grande ouverte alors que personne n'en venait, au contraire la rumeur en venait, des pauvres bougres des larmes plein les yeux, babillant des propos incohérents à qui voulaient les entendre. Othon leva les oreilles et sa face refléta une profonde inquiétude. Un regard fût échangé entre Faust et le canidé, qui murmura dans les poils bordant sa gueule:

-"Ca sent mauvais, très mauvais et cette fois c'est pas les égouts..."

Dans le lointain résonnaient des cris, des pleurs, des exclamations de surprise. Un voile recouvrait le Quartier des Marchands et c'était une nuée de badauds qui se pressait pour comprendre de quoi il en retournait. On questionnait les commerçants qui ne savaient rien, on harcelait les gardes ahuris qui se dirigeaient vers l'épicentre du chaos sans rien savoir de ce qu'ils trouveraient, on interrogeait même les mendiants, qui savaient tout sur tout mais durent cette fois s'avouer impuissants.
La truffe du familier s'agita alors et il se figea, bousculé dans le même temps par un inconnu empressé qui suivait le mouvement de foule. Othon était tétanisé, reniflant l'air à grande bouffée. Son museau s'agita dans les airs, puis plus bas et enfin sur la terre. Il claqua la langue plusieurs fois afin de goûter la piste et fonça droit vers la file opaque des sujets de l'Empire, forçant Faust à le suivre au jugé. Repérer un chien noir semi-géant semblait une affaire aisée, mais on changeait vite d'avis quand une horde manquait de nous écraser, avançant inlassablement.

L'attroupement devait s'arrêter sur une place large, rectangulaire et au coeur du quartier. C'était la place de la Guilde, qui devait son nom à l'établissement de la guilde des marchands qui lui faisait face. Un beau bâtiment dans le plus pur style impérial, avec son premier étage plus large que le premier, ses fenêtres étroites en meurtrières et le toit si pointu qu'on l'aurait confondu avec une pointe de flèche. Des tuiles rouges, des murs beiges réhaussés de bois brun sombre et d'acier luisant. Sans être un des monuments de Talabheim il restait un bel ouvrage à observer et bien des commerçants s'enorgueillissaient de pouvoir y entrer à leur guise. Devant lui, sur la place adjacente, régnait toute la journée une atmosphère faite d'argent, d'entente et de lourds contrats signés.

A cet instant l'ambiance était bien plus lourde et la foule quatre fois plus nombreuse qu'à l'accoutumée. Le mage ne tarda pas à trouver Othon, qui formait une sorte de trou de vide autour de lui alors que les humains se rendaient compte de sa présence et s'enfuyaient, effrayés. Il tentait de passer au force, aboyant et grognant au besoin pour se faire entendre. Le suivre fût simple. Il avançait à pas de loup, doucement mais avec sûreté jusqu'à arriver à un véritable cordon sanitaire de soldats qu'il perça sans même s'en rendre compte, avant de se figer, stupéfait. L'umbramancien ne put que l'observer s'arrêter et de se placer à ses côtés, les gardes n'osant pas le toucher en ayant vu ses vêtements. Faust écarquilla alors les yeux.

Au centre de la place, en vue de tous, un rideau circulaire était au sol. Le piquet s'élevait désormais seul, haut de trois mètres. Sur ce piquet un corps avait été empalé. Un petit corps, carbonisé dont les traits n'étaient même plus discernables, seulement ses os noirs et ses vêtements brûlés. Dans ses orbites vide on sentait encore la douleur de la calcination et il avait dû hurler au point que sa mâchoire s'était déboitée, à moins que ses bourreaux aient traités son cadavre avec si peu d'écart qu'ils en aient arrachés les muscles maximiliaires.

Un corps d'enfant avec comme une cicatrice taillée en croix sur l'épaule droite.

[Faust Valdorf]

Tout commença par des murmures. Des messes basses portées par le vent, des larmes s’écoulant du visage des habitants. Quelque chose venait de se produire, durant l’heure passée au sein du tribunal. Quelque chose d’assez effroyable, pour troubler la quiétude d’une ville comme Talabheim. Instinctivement, Faust y prêta une oreille attentive, poussé par ce vieux réflexe qu’Alphonse avait mis tant de temps à lui inculquer : rumeurs et ragots faisaient tourner l’Empire, alors autant toujours s’en tenir informé. Mais ce coup-ci... quelque chose n’allait pas. Au milieu du brouhaha et des cris de surprise, l’umbramancien ne parvenait pas à comprendre la raison de tant d’agitation. Machinalement, son esprit ne tarda pas à combler le vide, faisant ressurgir des dizaines de scénarios imaginables. Un, en particulier. Cette épée de Damoclès pesant, depuis son arrivée, au-dessus de sa tête.

Et si…

Un frisson lui parcourut l’échine. Il échangea un regard avec Othon. Magister et familier jaugèrent la situation l’espace d’une seconde. Puis ils se mirent à courir.



C’est long, deux semaines. Seize jours, selon le calendrier impérial. Sans l’ombre d’un doute, assez de temps pour mettre à mort un enfant sans défense ; éloigné de ses parents, de ses mentors, de tous ceux pouvant le protéger. Rien de surprenant à cela. Mais il voulait y croire.



Gaspard avait disparu dans le quartier des marchands ; et c’est dans ce même district que le menèrent les remous des passants. Une marée humaine dans laquelle il se serait normalement senti à l’aise, son anonymat préservé par la masse ; mais dont il ne désirait à présent que la disparition, pour pouvoir avancer sans obstacle vers sa destination. Il suivit Othon, écartant du bras ceux qui se trouvaient devant lui, bousculant la foule plus que se faufilant dans cette dernière. Le souffle court, le cœur battant, piétinant le pavé de ses bottes resserrées. Corps contre corps, tentant de fendre au travers du mur de chair. Plus vite. Plus vite. PLUS VITE !



Aurore l’avait averti avant qu’il ne quitte Altdorf. Sans prendre de gants, sans même tenter de cacher l’issue probable de cette affaire. “À mon avis nous n'allons pas tarder à apprendre que son corps a été retrouvé brûlé”. S’il ne l’avait pas exprimé par des mots, le regard lancé par Siegfried indiquait lui aussi la même opinion, à ce moment-là. Ils ne l'avaient jamais imaginé réussir, ce sauvetage. Sa mission consistait à infiltrer les Quêteurs, pas à empêcher ce qu’ils considéraient probablement comme inévitable. Une décision pragmatique. Comme toujours, au collège gris. Il voulait y croire, pourtant.



La course continua, sans qu’il se rende bien compte des minutes écoulées. Suffisamment longtemps pour qu’il ne se trouve les poumons vidés d’air et le visage haletant. Ici aussi, Faust n’était pas le seul. Tout autour de lui, des piétons, des curieux, agglomérés sur un parvis trop restreint, malgré son envergure, pour accueillir un si grand nombre de personnes. Ses jambes tremblaient. Sa tête tournait. Le vacarme ne cessait pas. On se bousculait, on se poussait, si bien que le mage peinait de sa petite taille à obtenir une vue claire sur l’origine de toute cette agitation. Alors il avança. Tant bien que mal. N’ayant pour seuls repères que l'immense bâtisse donnant son nom à la place de la Guilde ; et… l’extrémité d’un piquet de bois qui s’élevait au loin. Non… non non non non non. Tant qu’il ne le voyait pas, il ne pouvait être sûr. Tant qu’il ne le voyait pas, il restait encore une chance…



Ça ne pouvait être qu’une erreur, après tout. Impossible que ça se finisse ainsi. Il fallait une conclusion similaire à celle de ces anciens contes en classique que lui comptait son père, ou à ces histoires ranaldiennes qu'aimait raconter Marco. L’escroc au grand cœur parvenant à sauver la veuve et l’orphelin des griffes du mal, grâce à son astuce et à son adresse. Une première réussite pour une première mission. La fin heureuse. Il voulait y croire.



Plus il s’avançait, plus la foule devenait dense. Au moins, Faust parvenait désormais à entendre plus qu’une simple cacophonie. Des ordres, des voix graves qui rugissaient par dessus du reste. Le ton rauque et autoritaire de la soldatesque. Des dizaines de gardes étirés sur ces lieux, chargés de séparer la masse des civils de son objectif. Mais ils ne l’arrêtèrent pas. Qu’il soit magister ou répurgateur n’importait pas en cet instant ; tant que sa fonction lui offrait le droit de passer ce cordon. Othon se trouvait là, lui aussi. Immobile. Le sorcier franchit les quelques mètres le séparant de son familier… pour finalement s’arrêter devant la vision d’horreur qui s'offrait à lui.



Il leur avait promis. À Amélia, dont il partageait la peine même s’il ne la connaissait que peu ; mais à Dorothea, surtout. Il n’était pas un chevalier bretonnien, pas plus qu’un prêtre vérénéen. En omettant ceux le liant à sa nation et au collège, les serments n’avaient en soi aucune importance pour l'enfant d'Ulgu. Il aurait pu refuser de répondre à la druidesse éplorée, pour ne pas faire miroiter un espoir illusoire. Mais c’était son souhait. Pas pour l’ordre, pas pour l’Empire, pas pour Verena ou toute autre divinité. Pour lui. C’est ce qui lui paraissait juste. Ce que son cœur, ce que ses tripes, ce que son corps entier lui intimait. Il y croyait vraiment, en sa capacité à sauver ce garçon. C’était la promesse qu’il s’était faite à eux comme à lui-même.

Et il venait d’échouer à la tenir.



Tétanisé. Les bras tombants, le regard toujours fixe. Il sentit quelque chose remonter le long de sa gorge, un malaise dans son estomac. Pour peu, il se serait mis à gerber à même le pavé. Heureusement, il eut le réflexe de placer sa main contre sa bouche, alors que son corps s'arquait légèrement vers l’avant. Fermer les yeux. Ravaler. Respirer. Pendant quelques secondes, ce ne fut que Faust contre ses entrailles. Pas de bruit, pas de mort, pas de vertige. Puis il rouvrit ses paupières, un filet de bile et de bave teintant la paume de son gant. La foule criait toujours. L’odeur de charogne lui emplissait encore les narines. Et lorsqu’il releva le visage, son regard embrumé croisa les orbites vides de Gaspard. La cicatrice en forme de croix sur l’épaule. Les senteurs de pourpre, de carmin et de jade qui s’élevaient de la carcasse. Et les quelques mèches de blond bruni, encore visibles sur son crâne en partie carbonisé.

Il y eut un déclic. Comme si une chaîne se brisait. Qu’on faisait enfin voler en éclat la serrure. Un torrent qui le submergea en un instant ; emportant le peu de sang-froid qui lui restait. Le remords. La colère. Le doute. Un peu tout à la fois. Le rire, aussi.

Qu’est-ce qu’il avait l’air con maintenant !

Tout ça pour ça, vraiment ? Tous ses beaux discours, ses paroles, pour échouer comme le premier des abrutis. À croire qu’il s'était monté la tête inutilement ! Rien n’avait changé depuis l’épreuve d’Hannah, au final. Il se trouvait condamné, encore une fois, à devoir punir les coupables sans jamais protéger les victimes. C’était sa faute putain. Pourquoi est-ce qu’il n’était pas allé fouiller le temple la veille ? S’aventurer de nuit, aller chercher Astoffen, n’importe quoi d’autre que rester cauchemarder dans son auberge. Il aurait pu l’éviter. Il aurait pu l’éviter s’il avait choisi l’action au lieu de la prudence…

La colère bouillait dans ses veines, comme si l’Ulgu camouflant son enveloppe s’était vu remplacé par le brasier ardent d’Aqshy. Il en avait marre. De ces répurgateurs à la con, de ces druides incapables de comprendre la gravité de la situation, et surtout… marre de sa propre impuissance et des excuses qu’il cherchait pour la justifier. Il serra une main sur la garde de son épée, ses doigts s’enfonçant dans la fusée comme s’il souhaitait y apposer son empreinte. Alors, face au bûcher, toute cette haine envers soi-même, toute cette frustration, il la laissa éclater au grand jour. Tombant le masque et les manières, juste pour cette fois.

- MAIS VOUS ALLEZ LA FERMER OUI ?!

Le cri sortit du cœur, sans qu’il ne vise quelqu’un en particulier. Le Valdorf détestait devoir hausser le ton ; mais c’est bien sa voix d’ordinaire si éthérée qui venait de s’élever au-dessus de ce capharnaüm sonore. De quoi lui faire mal à la gorge. Probablement qu’Othon ne l’avait jamais vu si… passionné. Le regard froid comme l’acier, il tourna sa silhouette vers les gardes présents aux alentours, continuant ses invectives sans même se soucier de si sa première intervention avait suffi à attirer leur attention.

- Qu’est ce que vous attendez pour le descendre ?! Que les corbeaux s’en occupent ?! Taillez-moi cette merde en pièces !

C’était plutôt idiot, vraiment. Le pieu devait s'élever à quelque chose, comme, trois mètres du sol : pas sûr qu’ils puissent ne serait-ce qu’attendrir le bois, avec les épées dont ils se voyaient armés. Mais autant dire que Faust ne se trouvait pas dans le bon état d’esprit pour considérer ce genre de détails. Le visage visiblement énervé, il détourna son attention vers le soldat le plus proche de lui, bien peu préoccupé par la foule que ce dernier tentait probablement de repousser ; le ton plus posé, mais toujours aussi tranchant, quitte à l'agripper pour se faire entendre.

- Depuis combien de temps est-ce qu'il est là ?

[[MJ] Le Djinn]

De l'embarras se lisait sur les visages des soldats présents et surtout du soldat interrogé. De l'embarras et de la honte, accompagnés par la peur. Être interrogé par un répurgateur, car c'est ce à quoi Faust ressemblait, n'était jamais une expérience agréable. Ils avaient la réputation d'être cruels, fanatiques et d'avoir la lame facile. Cent blagues courraient sur ce dernier fait, d'ailleurs.
Aucune pensée graveleuse ou déplacée ne traversait pourtant pas l'esprit de Johann, jeune garde de Talabheim peu habitué aux réprimandes et qui s'était contenté d'obéir aux ordres et de bien faire quand son sergent lui avait demandé de participer au cordon de sécurité de la place. Il tenta néanmoins de répondre:

-"Je... Je sais pas... Je...""

Il ne serait visiblement d'aucune utilité malgré des menaces, de la colère ou toute autre forme d'argumentation musclée. De sa face blanche comme un linge de pucelle ne sortirent que des mots sans utilité:

-"Je suis arrivé y'a... Dix minutes? J'sais pas... Avant..."

Rien de plus n'en serait tiré, laissant le Valtdorf dans le brouillard. Evidemment les choses ne devaient pas se passer ainsi car le fameux sergent, comprenant qu'un de ses hommes était dans une situation délicate, s'empressa de venir faire son rapport à cet officier ecclésiastique. C'est qu'un répurgateur énervé pouvait faire beaucoup de dégâts à une carrière s'il le désirait.

-"Sergent du guet Frederik Daulstrof, au rapport. Je supervise l'unité ici présente, messire. Euh... Avant de commencer, puis-je voir les... Enfin les papiers quoi..."

Erwin Tilman lui offrit sa tête la plus menaçante en lui présentant les documents, que le militaire ne regarda d'ailleurs que d'un oeil distrait. Il n'était même pas sûr qu'il savait lire. Il tenta au moins de garder l'air le plus professionnel possible.

-"Merci, euh, messire? Le corps a été trouvé il y a moins d'une heure par un passant qui a vu le rideau se soulever. Personne n'a vu le rideau être installé. Enfin on cherche encore, mais on est pas sûr. J'ai envoyé un gars au temple de Morr, pour chercher les prêtres. On va bientôt dégager le cadavre, pas d'inquiétude m'sire."

L'air de rien, à côté d'eux, Othon reniflait le corps, sans doute pour essayer d'y trouver une odeur familière ou pour s'en souvenir ensuite. Il n'en parlerait évidemment pas en public et il semblait peu probable qu'il puisse discerner quoique ce soit dans un tas de cendres et de chairs brûlées. Pourtant, essayer était nécessaire.

-"Bon ben euh... On va r'tenir la foule, euh... M'sire..."

Le crime était désormais accompli, maintenant il s'agissait de savoir ce que Faust allait pouvoir faire. Othon avait été clair: la mission était d'infiltrer les Quêteurs et pas moins. Bien sûr il y avait plusieurs façon de faire et l'approche de la fureur et de la mort n'était pas non plus retirée des possibilités. Au mage de l'ombre de préparer la suite, à présent.

[Faust Valdorf]

En temps normal, l’umbramancien aurait probablement éprouvé un semblant de compassion pour le garde balbutiant devant lui. De toute évidence, il ne s’agissait là que d’un novice. D’un garçon comme un autre, tout aussi dépassé par les évènements que le reste de son unité. Mais malheureusement pour lui, c’est sur sa personne que le Valdorf avait posé en premier son regard. Et, Verena en soit témoin, Faust n’était définitivement pas d’assez bonne humeur pour qu’un “j-je ne sais pas” constitue une réponse satisfaisante. L’amertume le rendait susceptible ; la colère, agressif. Et de la colère, il en avait à revendre.

- Oh bordel.

Le magister n’avait jamais été quelqu’un de très intimidant, physiquement parlant. Assez petit, le corps tout aussi fin. Mais lorsque la rage prenait le dessus, pas besoin de ressembler à l’incarnation mortelle de Sigmar pour impressionner un simple milicien. Sa main se tendit comme par elle-même ; saisissant au col l’uniforme de l'intéressé, pour abaisser ce dernier au niveau de son visage. Il soupira brièvement, crachant l’air de ses poumons plus qu’autre chose. Une sorte d'aigreur déformait ses traits, alors qu’on le forçait à répéter son unique question.

- Depuis. Combien. De temps ?

Une fois de plus, pas de réponse audible. Dans sa fureur du moment, l’inquisiteur en vint à se demander si ces abrutis savaient parler Reikspiel. Presque de dégoût, Faust relâcha sa poigne, laissant le garde au faciès blanchi reculer de quelques pas ; et avant qu’il ne puisse réitérer ses menaces envers un autre passant, c’est le sergent lui-même qui se décida à transmettre son rapport. Au moins, celui-là savait aligner plus de deux mots, même si l’humeur du répurgateur n’en fut absolument pas apaisée pour autant ; surtout lorsque le gradé du guet jugea bon... de venir quérir la preuve de sa profession. Mais. Putain. Est-ce qu’ils pouvaient arrêter de lui demander ses papiers pendant 5 minutes !? Forcé d'obtempérer, c’est à peine si l’Altdorfer ne jeta pas la licence contrefaite au visage de son interlocuteur. Tournant en rond d’un pas pressé, comme un animal en cage, alors que le dénommé Daulstorf lui résumait les circonstances du drame.

Oui, évidemment. On avait fait installer un bûcher entouré de draps sur une des places principales de la ville, mais sans qu’aucun passant ne remarque la chose ! C’est sûr que c’était simple à poser discrètement, un gamin empalé à trois mètres de hauteur. Son estomac se nouait. Faust grinça des dents. Sa bouche s’entrouvrit, prête à déverser un nouveau feulement d'injonctions… pour finalement se renfermer dans un claquement de mâchoire.

Ça n'en valait pas la peine. Inutile de perdre plus de son temps à cracher son venin.

Il tapota de sa botte sur le sol, comme cherchant quelque chose dans lequel frapper du pied ; puis tourna simplement les talons, soufflant du nez lorsque le garde souhaita reprendre sa mission première.

- Faites. Faites. Prévenez-moi si vous trouvez un témoin.

Chacun retourna à ses occupations. Les limiers continuèrent leur cordon de sécurité, tandis que le mage s'affairait, sans succès, à inspecter la scène de crime. Les flammes avaient tout emporté, rendant le cadavre méconnaissable pour toute personne autre que le magister. Les indices potentiels, les preuves : envolés. Faust s’acharna, perdant le fil du temps, scrutant le moindre centimètre via ses sens aetheryques ; sans qu’ils ne donnent rien. Il en fut de même pour l’odorat d’Othon. Et alors que les envoyés de Morr arrivaient sur les lieux ; que le brasier le consumant commençait à faiblir, et que l’autre, bien réel, était finalement démantelé ; le magister dut se rendre à l’évidence.

L’objet de toutes les attentions désormais emporté, la foule ne tarda pas à se disperser. C’est piteux, les poings serrés et le corps tremblant que l’umbramancien entreprît le chemin du retour. Seul lui restait en bouche l’amer goût de la défaite. Et en tête, une image macabre, à jamais gravée dans sa mémoire.
***
Il commençait à faire froid, dehors. L’astre orangé se couchait lentement sur les rebords du cratère ; camouflé plus tôt qu’en d’autres lieux par la hauteur du Taalbastion. Au contrebas de sa fenêtre grande ouverte, Faust entendait les discussions des passants, rentrant pour la plupart d’une longue journée de travail. Un fond sonore qui pourtant, ne parvenait pas à le détacher de ses pensées. L’avantage de la colère, c’est qu’elle avait permis un temps d’occulter ses autres émotions. Elle s’était déversée en lui, comme un torrent noyant le reste de ses pensées. Mais maintenant que la vague retombait… on le laissait seul. Seul face à son échec. Accoudé sur le rebord ; il tira une longue bouffée sur sa pipe, gardant la fumée dans la bouche, avant de la recracher au vent.

Il n’osait pas prévenir Amélia.

La honte le retenait. Il voulait lui dire. Enfin, plutôt, elle méritait qu’on lui dise. Il.. il ne pouvait pas laisser une mère être la dernière informée de la mort de son enfant. Mais il ne s’en sentait pas la force. Pas lui. Il demanderait à Philmann d’annoncer la chose à sa place : en tant qu’ami de longue date, ce dernier saurait certainement trouver les mots justes. Plus qu’il ne le pourrait, en tout cas.

Posant une main contre son visage, le magister frotta ses yeux rougis. Peut-être qu’elle ne s’en remettrait jamais. Comme son propre père ne s’était probablement jamais vraiment rétabli de sa perte. Faust avait pris des mois à faire le deuil de son ancienne vie ; et sa douleur d’alors n’était certainement qu’une infime fraction de ce que ressentait déjà la Dauvein. Il avait tenté d’empêcher cela, de prévenir un évènement similaire à ce qu’il avait lui-même connu, en réunissant la mère et son enfant. Et il avait échoué. Pathétiquement. Il ne possédait aucun droit de lui indiquer que faire du reste de sa vie. Tout au plus pouvait-il espérer qu'elle trouve la force d’avancer malgré tout ; et l’y aider en mettant hors d’état de nuire ceux responsables de ses malheurs. Il n’était plus question de jouer au sauveur héroïque. Juste de limiter la casse.


Le détective tira une nouvelle fois. Trop précipitamment, sans doute : une toux rauque ne tarda pas à lui remonter la gorge, le forçant d’un réflexe à mettre son poing devant la bouche. 40 sous dépensés pour s’étouffer. Il fallait admettre qu’il s'y essayait pour la première fois, aussi le processus lui paraissait encore peu naturel. Il n’était même pas sûr d’avoir bien tassé le tabac, à vrai dire. Siegfried fumait tout le temps, au collège, mais malgré la passion de son maître, le Valdorf n’avait jamais souhaité sauter le pas. Jusqu’à aujourd’hui, du moins. Il ne pouvait pas se permettre de boire, histoire de garder l’esprit lucide. Pour se détendre, ça suffisait. Autre bouffée, autre nuage ; plus dissipé, cette fois-ci. Le foyer arrivait déjà à sa limite.

Faust se redressa lentement, enlevant d’une main sa nouvelle source de réconfort, avant de refermer la fenêtre de la chambre. Derrière lui, Othon se tenait allongé sur le sol. Après avoir bien vérifié qu’elle s'était éteinte, l’Altdorfer déposa la pipe sur la petite table de sa chambre. Son manteau reposait sur le dos d’une chaise, ses armes également. D’un pas las, il vint s'asseoir au même niveau que le familier, avant d’attirer le cabot à lui, pour l’enlacer dans une étreinte silencieuse ; quelques minutes durant.


Malgré la peine, la question restait cependant la même ; et le devoir le rappela bien vite à ses préoccupations principales. Comment progresser, à présent ? Il s’agissait désormais de mettre ses regrets de côté, et décider que faire dans les jours à venir. Faust possédait un certain nombre de pistes et de cibles exploitables, en l’état : encore fallait-il choisir laquelle privilégier.

Le banquier Hauptveen bénéficiait visiblement d'un lien purement "commercial" avec Astoffen ; le bourgeois n’étant qu’un mécène de la pièce que le répurgateur souhaitait visiblement commander. Un dénommé "Hugo" s’assurait, de ce qu’il comprenait, des finances et du bon respect des délais par les saltimbanques concernés. En l’état actuel, Faust ne possédait aucune raison de suspecter autre chose qu’une collaboration classique, entre un religieux et un généreux protecteur. Peut-être s’agissait-il de plus, bien sûr : par exemple, si Astoffen utilisait une partie des dons pour alimenter sa petite cellule ; mais le fait est qu’à part une certaine “paranoïa", rien ne laissait pour l’instant penser à un projet plus sinistre derrière cette pièce.

L’implication du capitaine Gaetan, dont Amélia lui avait parlé, paraissait déjà plus probable. Ce dernier avait apparemment choisi de prendre l’affaire “Gaspard” en charge peu après l’incident, alors qu’il ne possédait a priori aucun lien avec les victimes. De plus, et c’est cette hypothèse qui mettait surtout la puce à l’oreille de l’inspecteur ; il avait aperçu un gradé militaire à la messe matinale, au même banc qu’Astoffen et le reste de ses collaborateurs. Si ce soldat anonyme se révélait être Jakob Gaetan, peut-être qu’il existait un lien plus sérieux entre les deux. Peut-être.

Enfin, le doute subsistait toujours concernant ses deux “amis” répurgateurs, Isaure et Otmar ; mais Faust s’inquiétait moins à ce sujet, du fait de son contact déjà établi avec eux. La suite se ferait naturellement, de ce côté. Pas besoin de forcer la conversation.

Mais toutes ces belles suppositions et hypothèses ne restaient que cela. Des doutes. Pour parvenir à démêler le vrai du faux, encore fallait-il obtenir des preuves. Et pour se faire, le mage de l’ombre ne possédait pas trente mille solutions : la discussion, ou l’investigation. Autant dire que la nuit se portait plus à la seconde qu'à la première. Les yeux tournés vers le vide, Faust fit passer une main sur la tête du chien noir ; pour attirer son attention.

- Je pense me rendre au temple, une fois les lunes levées. Les répurgateurs m’ont montré des passages ce matin, des points de garde, ce genre de choses. Je dois pouvoir m’y introduire sans laisser trop de traces.

Pas que violer la sainteté d’un tel lieu l'enchantait vraiment, peu importe ses propres opinions sur le culte de Sigmar ; mais il ne pouvait pas dire non à une source d'informations potentielle. L'Unificateur lui pardonnerait bien cet écart.

- On a les suspects. Le problème, c'est qu'on manque de preuves. Même si c’est risqué, il faut bien avancer d’une manière ou d’une autre. Je ne pense pas que les quêteurs se réunissent directement dans ou aux alentours du temple… mais avec de la chance, je tomberais peut-être sur des documents d’Astoffen, des entrées, n’importe quoi qui pourrait servir.

Au contraire, avec de la déveine, l’opération pouvait rapidement tourner court. Une trace de passage trop voyante, et la vigilance de ses ennemis en seraient alertées. Mais après les derniers évènements, la passivité lui paraissait intolérable. Il avait déjà patienté trop longtemps, dans cette affaire. Et ce n’est pas comme s’il comptait trouver le sommeil, de toute manière.

- Et surtout... j'ai besoin de me défouler un peu.

Niveaux achats, en utilisant les prix de la nouvelle réforme (vu que de toute façon y'a pas de prix pour une pipe sur le wiki actuel) ; ça nous fait :

- 40 sous pour la pipe et la tabatière
- 13 sous pour une once de tabac (merci le moot)
- 10 sous pour une douzaine d'allumettes

Soit un total de 63 sous @_@ !

[[MJ] Le Djinn]

Les puissantes cloches des temples tonnèrent à l'unisson, annonçant la minuit.

A l'auberge du Mousquet Rouillé, une petite équipe se préparait à perpétrer un méfait au nom du Bien. Un sorcier et son fidèle compagnon canins, unis par les liens de la magie des ombres. Faust avait revêtu ses habits de répurgateurs habituels, facilement identifiables au besoin et avait fait enfiler à Othon son armure de cuir qui le protègerait en cas de mauvaise rencontre. Pour que l'opération commence il ne restait plus qu'à utiliser Ulgu, ce qui fut rapidement fait à la faveur de la sphère rassurante que procurait le familier.

Utilisation de Changeforme : 5, réussite du 1er coup.
Utilisation d’Incognito : 12 puis 6, ça passe.
Utilisation de Gardien ombrageux : 16 puis 7, ça passe.

Normalement ils auraient dû être lancés plus loin dans le post mais pour des raisons de pur style je les ai mis là. Le résultat est le même car je considère qu'ils "commencent" à l'endroit prévu que Faust connait.

Une puissante magie fût invoquée et les vents y répondirent.

Pour un observateur extérieur, rien ne serait plus banal que cet individu en vêtements sombres et communs, au visage indistinct et oubliable qu'on oublierait à la seconde où on le passerait dans la rue. Un inquisiteur expérimenté aurait tout de même remarqué quelque chose d'étonnant: cette ombre, mimique d'ordinaire si fidèle à l'original, paraissait quelque peu en retard sur les mouvements de son possesseur. Parfois même elle refusait de suivre ses gestes, semblant vaquer à ses occupations comme un membre du corps autonome qu'on étirerait par réflexe, sans y penser. Tout était prêt.

Arriver jusqu'au quartier des temples ne fût pas compliqué pour un sou. Les rues peu éclairées fournissaient un refuge facile à qui ne voulait pas être vu et dans l'obscurité urbaine, Faust et Othon n'étendaient que deux ombres fugitives parmi tant d'autres bien plus dangereuses montrant de longs poignards et des mains pleine d'or maculé de sang. Un petit voyou sans importance, une frappe si petite que personne n'en désirait dans sa bande, se prit au jeu de menacer cet être surnaturel qui glissait dans les rues comme un fantôme. Son couteau étincela moins que les crocs de l'animal qu'il rencontra. Quelques enjambées plus loin, la porte du lieu-clôt des religions se dressait devant le duo. Le garde laissa passer celui qu'il croyait être un répurgateur sans même lire son nom.

Mais voilà, si pénétrer dans le quartier était une chose, entrer dans le temple, fermé à cette heure, en était une autre. A ce moment, d'un geste mental, Faust en appela à son gardien ombrageux, jusque là en sommeil. Son ombre s'étendit alors devant lui sur deux mètres avant de grandir, donnant naissance à une silhouette lui ressemblant physiquement mais avec comme subtiles différences une tête ronde et vaporeuse dans laquelle les yeux brillaient comme deux améthystes enflammées. La créature, qui possédait une vie propre, leva les sourcils dans un geste qui signifiait le contentement et suivit son maître, son Un, à la recherche d'une entrée secondaire...

Test pour trouver l'entrée: 20, échec critique.

La chose était loin d'être évidente: dans le noir quasiment complet les seules lumières venaient des torches rituelles sur les remparts et celles des gardes en patrouilles, souvent par groupe de deux ou trois. Il fallait se glisser subtilement pour éviter de se faire repérer. Othon posa sa tête le long du sol et Faust se cacha derrière les haies bien coupées, regardant par les yeux de son ombre les chemins à parcourir.
La catastrophe devait pourtant arriver. Une grosse branche craquante qu'il n'avait pas vu éclata sous son pied, juste à côté de deux patrouilleurs qui discutaient à voix basse. Les deux hommes s'immobilisèrent, dégainèrent leurs matraques, et l'un d'eux avança en disant:

-"Bouge pas Jakob, je vais voir, ça doit être un animal mais..."

Il n'était pas encore trop tard pour l'umbramancien qui tenta de s'enfoncer un peu profondément dans les bruyères derrière lui et échapper à la lumière, si honnie, de la torche.

Test se planquer: 18, gros échec.

Le sort Incognito étant actif, le garde doit quand même passer un test d'Intelligence pour repérer Faust: 12, échec.

La tentative de Faust et d'Othon de se cacher plus loin ne fût pas couronné de succès, les branches annoncèrent leur position très rapidement et le garde se déplaça en conséquence, son camarade sur ses talons. La torche était juste là, brisant les ombres protectrices, et la sentinelle observa à travers les futaies. Ulgu caressa dès lors son esprit et son jugement s'en trouva transformé. Dépassé par un pouvoir qu'il ne pouvait comprendre ni même ressentir, il se contenta de se retourner en disant:

-"C'est rien Jakob, sans doute un chat perdu... Donc, pour ton frère je pense que tu..."

L'équipe l'avait échappé belle mais elle était maintenant libre de reprendre ses recherches qui, il fallait l'avouer, n'avaient que peu progressées depuis qu'ils s'étaient rendus là.

Nouveau jet de recherche: 16, échec.

Rien ne devait se passer comme prévu. Les entrées secondaires d'importances étaient toutes gardées ou verrouillées et les rebords facilement accessibles se trouvaient sous des torches murales rendant toute progression impossible. Ne restait qu'une seule solution: une fenêtre à volets sur l'arrière, bien loin de l'objectif de Faust. Il n'avait pourtant pas le choix et se décida à laisser là Othon. Le chien lui léchouilla la joue en guise d'au-revoir et lui dit simplement:

-"Bonne chance, partenaire. Qu'Ulgu te couvre jusqu'au bout."

Les adieux réalisés, le sorcier des ombres se prépara à utiliser sa magie.

Lancement de Marche des Ténèbres: 5, réussite.

D'un coup, en quelques mots à peine, Faust parut imploser dans un nuage de poussière noire qui s'évapora autour de la position où il se trouvait. Sa forme physique se rematérialisa à sept mètres de haut, accroché aux volets en bois. De là il pouvait essayer de sauter pour avoir accès aux remparts ou bien essayer d'ouvrir les volets pour se plonger dans la salle devant lui. La luminosité ambiante étant très faible il aurait quelques minutes pour se décider, bien que ses bras peu habitués ne tiendraient sans doute pas son poids aussi longtemps.

Le gardien ombrageux pénétra à travers le bois et arriva dans une pièce noire qui ressemblait à une sorte de vestiaire où pendaient des robes de sigmarite aux couleurs indéfinissables dans l'obscurité. Une autre porte, trop loin pour que la créature d'Ulgu puisse y accéder, laissait filtrer une lumière vive. Quelques voix indéchiffrables provenaient de l'autre côté.
Un autre coup d'oeil au-dessus des remparts permirent de voir qu'ils étaient patrouillés par quelques sentinelles fatiguées, certaines s'endormant sur leurs lances. Des tourelles permettaient de rentrer dans différentes partie du temple.

A Faust de décider où ses pas le mèneraient.

[Faust Valdorf]

Un mouvement en avant, un regard vers la droite. Ses bottes de cuir glissaient sur le pavé plus qu’elles ne s’y posaient, survolant ce tapis boueux si commun dans les artères des grandes cités. Le visage enseveli sous sa capuche, l’Ombre s’avançait par petits pas discrets. Évitant les avenues ordonnées faisant la fierté de Talabheim ; leur préférant les étroits coupe-gorges, plus semblables à ceux des rives Est d’Altdorf. À ceux qui entouraient le collège d’Ulgu. Tout ce qu’il avait appris dans l’enceinte de ces murs allait devoir être mis à profit, cette nuit ; une perspective qui suffisait à enserrer son estomac d’un nœud d’anxiété.

À chaque pas le rapprochant du quartier des temples, les battements de son cœur accéléraient un peu plus. On enseignait toujours aux enfants à craindre les monstres, les monte-en-l’air, qui la nuit cherchaient à bafouer le seuil de leurs maisons. Et pourtant, il pouvait désormais confirmer que les voleurs étaient ceux tremblant le plus quand venait le moment de passer à l’acte ! Le moindre échec, le moindre bruit, le moins faux pas pouvait signifier sa découverte. Sans une discrétion absolue, la mission entière serait peut-être mise à mal… mais c’était là un risque que l’umbramancien s’était résolu à prendre. Erwin Tilman avait fait ce qu’il pouvait : à Faust Valdorf de creuser les pistes, désormais.

Jetant à intervalle régulier des coups d'œil en arrière, le Reiklander fut rassuré de voir la silhouette toujours présente de son familier, engoncé dans sa protection de cuir. Probablement que l’animal ne lui serait pas d’une grande utilité pour l’infiltration même : trop difficile pour un chien, aussi surnaturel soit-il, d'escalader un mur ou de crocheter une porte. Mais sa capacité à atténuer les risques aetheryques était toujours bonne à prendre, surtout vu la quantité de sorts que le mage gris prévoyait de lancer. C’est la nuit qu’Ulgu soufflait le plus violemment ; et l’on était jamais loin d’un accident que les vents se faisaient ouragans...

Peu à peu, le duo entama ainsi sa progression jusqu’au temple d’Heldenhammer ; s’engouffrant ici dans une ruelle malfamée, rasant là les murs, disparaissant encore au détour d’un croisement. Faisant fi des quelques gardes et malfrats trop peu attentifs pour les gêner, c’est sans mal qu’ils atteignirent tous deux la Promenade des dieux ; dont l’infiltration s’annonçait d’or et déjà bien plus corsée. Le temple de Sigmar, impressionnant de jour, revêtait ici des atours de véritable forteresse. Un monolithe de marbre et d’acier, entouré d’un rempart de fortune, et dont les impassibles statues semblaient servir de gardiens inanimés. Sans parler de ses défenseurs vivants, bien sûr ; dont Faust parvenait, obscurité aidant, à discerner la lueur des torches. Comme des petites étoiles, dispersées tout au long de l’avenue, dont l’éclat perçait faiblement entre les haies verdâtres et les statues de pierre… enfin, dans son cas, surtout des obstacles à éviter.

A priori, les locaux d’Astoffen devaient se trouver vers les ailes du temple, l’umbramancien l’avait vu y inviter Hauptveen. Fouiller de ce côté-là serait donc probablement un bon point de départ. Problème étant, l'église ne paraissait posséder comme véritable entrée que cette grosse porte centrale, en bois bardé de métal. Il devait bien y avoir quelques accès secondaires, mais rien que le mage ne puisse vraiment situer. De sa position reculée, il était en vérité difficile de voir quoi que ce soit. Il avait beau être un enfant d’Ulgu, l’obscurité nocturne l’handicapait autant que n’importe quel malandrin. Chier. Son impulsivité lui jouait des tours, sur ce coup-là. Évidemment que son repérage de la zone n’était pas encore complet : c’était le souci avec les cambriolages décidés sur un coup de sang...

Pinçant l’arête de son nez, l’umbramancien étouffa un soupir. Il allait donc devoir s’avancer pour trouver une entrée dérobée ; ce qui signifiait s’exposer à la cohorte de patrouilles. Qu’à cela ne tienne. Il était temps de commencer les véritables préparatifs.

À la lueur de la lune, Faust leva une main. D’un chuchotement, il en appela aux vents.

Un frisson parcourut sa nuque, alors que l’Ulgu l’entourait de sa présence brumeuse. Et devant lui, la créature s’anima.

Son ombre se mit à bouger. Ce qui n’était qu’un reflet transposé contre le pavé se vit doter d’une forme, d’une substance ; alors que ses membres noirs et lisses, paraissaient comme s’extirper d’une mare d’encre. Un double fait de jais, qui vint finalement se poser devant lui, le regardant de ses yeux brillants. Après sa confrontation avec Antonius, Faust s’était mis en tête d’acquérir lui aussi une créature similaire. Et même si le sort utilisé à cet effet différait évidemment de la fabrication d’un familier ; il n’en restait pas moins assez fier du résultat. Une paire de bras supplémentaire ne serait pas de trop, vu ce qui les attendait.

- Bon réveil. On a du travail.

D’un autre mouvement du poignet, l’umbramancien incanta un second sort, visant cette fois à modifier son apparence. Comme un tisserand jouant avec des fils, Faust fit à nouveau danser les vents autour de ses doigts ; et son long manteau de répurgateur s’en retrouva transformé. Recouvert d’un voile d’Ulgu, lui donnant l’allure d’un ample vêtement noir, à la cagoule d’une même couleur. Le parfait déguisement, fabriqué sur mesure par une simple impulsion de son esprit. Les costumes étaient enfilés, les acteurs préparés. Ne restait désormais plus qu’à entrer en scène.

Et pour ce qui était du thème de la pièce, on partait plus sur de la comédie.

Visiblement maudit par tout ce qui était druidique ou végétal en ce monde ; Faust n’eut qu’à avancer une dizaine de mètres… avant qu’une branche laissée à l’abandon se décide à embrasser la semelle de sa botte.

Crac
Le mage serra les dents, le corps tout entier comme paralysé. Il entendit des paroles diffuses. Les bruits de pas non loin de sa position. Pu.Tain. De. Merde. Suivant la forme d’Othon et de son ombre, qui fuyaient déjà plus en avant, Faust tenta tant bien que mal de rectifier le coche. Mais encore et toujours ces foutus craquements. La haie attirait l’attention plus qu’elle ne le dissimulait. Alors, en désespoir de cause, poussé par l’instinct, le Valdorf s’arrêta net. Accroupi contre la clôture verdâtre. Essayant comme il le pouvait de contrôler une respiration qui déjà s’emballait. Les pas se rapprochèrent. Il en était à sentir la chaleur de la torche. Il ferma les yeux, comme pour éviter le regard qui se poserait sur lui d’une seconde à l’autre.

Puis plus rien.

Comme un chat ayant perdu tout intérêt dans sa chasse, le garde rebroussa simplement chemin ; laissant un mage trop haletant pour ne serait-ce que soupirer. Et dire qu’il n’était même pas encore entré dans le bâtiment principal. La nuit s’annonçait… mémorable.

L’adrénaline aiguisant ses sens, et conscient qu’il venait de risquer l’échec sans même avoir vraiment commencé sa mission ; le mage gris reprit ses esprits. L’infiltration avait cela de bien que Faust ne pouvait se concentrer que sur cette dernière. Trop souvent il se laissait vaguer à des pensées parasites, à des incertitudes, des hésitations ; surtout vu les évènements de l'après-midi. Mais pas dans le feu de l’action. Ses réflexes prirent le contrôle, guidant son corps au travers du dédale urbain. C’était juste lui et la nuit. Lui et l’ombre.

En quelques enjambées, le voleur et ses compagnons quittèrent l’allée principale de la Promenade ; pour se glisser derrière le vaste temple de Sigmar. L’inaccessible forteresse affichait enfin une faiblesse. Les gardes ne daignaient pas patrouiller ici : et malgré l’obscurité, le sorcier parvint à déceler une fenêtre à volets, laissée à l’arrière de la bâtisse. Une entrée bien loin de son lieu d’intérêt, mais que Faust se résignait à emprunter. L’avantage, c’est que la hauteur ne posait pas de réel problème. Sa magie le dispensait d’un équipement à préparer : pas besoin de grappins ou d’outils de crochetage. Une simple téléportation lui permettait d’atteindre les fenêtres les plus élevées ; à condition qu’une ombre les couvre.

Ce qui n’était cependant pas le cas pour son compagnon canin. Pour qu’il puisse continuer, l’umbramancien allait devoir laisser Othon derrière. La chose avait été convenue, mais lui fit quand même un petit pincement au cœur. Un au revoir si solennel lui donnait un arrière-goût d’adieux, qu’il n’était pas sûr d’apprécier. C’est néanmoins avec une certaine tendresse qu’il passa une main sur la tête du familier, se préparant à avancer seul vers l’antre de ses ennemis.

- Je ferai attention, ne t’inquiète pas. On va bien voir si je mérite vraiment ce titre de compagnon...

Et sur ses mots, le magister s’élança. Gardien ombrageux à ses talons, Faust appela à lui l’Ulgu qui parsemait les lieux. Il inspira un grand coup, avant de claquer les doigts… pour se retrouver suspendu à quatre mètres du sol. Pieds collés contre la pierre, les mains agrippées au volet ; il prit quelques secondes pour raffermir sa position et évaluer sa situation, le cœur battant légèrement la chamade. Fiou. C’était toujours un peu désorientant de se téléporter ainsi, surtout en hauteur. Le nombre de fois où il avait mal calculé la distance durant ses premières tentatives… Magalie le charriait encore avec ça, même des années après.

Au moins la situation paraissait-elle sous contrôle de l’autre côté du couvercle de bois. Son ombre elle aussi transportée s’était empressée de traverser la fenêtre, ne dévoilant qu’une salle inhabitée et plongée dans l’obscurité. Il devait faire avec : ne manquait plus qu’à espérer que les individus se trouvant dans le couloir adjacent, ne décident pas d'en bouger.

Pour un voleur classique, pénétrer par cette ouverture aurait pu constituer une épreuve en elle-même. Forçant à crocheter le loquet de métal, à gâcher de précieuses minutes ; peut-être même à attirer l'attention, par une tentative trop bruyante. Pour Faust, la situation fut réglée en moins de 10 secondes ! D’une impulsion mentale, il intima simplement à son ombre, déjà présente à l’intérieur, de lui ouvrir la fenêtre et les volets la protégeant. Aussi facile que ça. Ni une ni deux, le chemin se retrouva libéré, et l’umbramancien put se glisser à l’intérieur du temple sans plus de cérémonie.

À y regarder de plus près, il paraissait avoir déboulé dans une espèce de grand débarras, ou de vestiaire. Il faillit se heurter contre des seaux, des serviettes, des balais, sans parler des tenues de prêtres pendues qui l’entouraient de tout côté. Derrière la porte, de laquelle perçait une forte lumière, Faust percevait bien quelques voix étouffées, d’hommes comme de femmes ; mais rien qui n’attira particulièrement son attention. Probablement qu’il était tombé à côté de quartiers où logaient certains membres du temple. Mais qu’importe : au moins, il était entré.

Consciencieux, le Valdorf décida de fermer derrière lui la fenêtre et le volet, afin de ne pas éveiller les soupçons d’une quelconque patrouille qui passerait par ici. Plus intéressé par les ailes du rez-de-chaussée que par l'étage ; il intima à son ombre de glisser son buste au travers du sol, afin de lui donner un aperçu de la salle inférieure à la leur. Si cette dernière se trouvait être aussi silencieuse que l’actuelle, alors il utiliserait sa marche des ténèbres pour y pénétrer. Dans le cas contraire, il allait falloir attendre que les individus devant eux s’écartent du chemin ; ou que l’ombre parvienne à détecter une salle adjacente et suffisamment discrète pour qu’ils puissent s’y inviter...