Stephan galopa vers la porte sud, tandis que les guetteurs taillaient les mèches des lanternes. Les premières lueurs de l’aube avaient disparu des rues de Talabheim, et de jeunes enfants jouaient sous la herse. Il avait choisi la route du sud pour la meilleure des raisons. Les kislévites venaient du nord, et le plus rapide pour éviter une bataille était d’aller tout droit dans le sens inverse, de plus Reinard se trouvait dans le sud…
D’un coup de talons, il força le hongre à aller de l’avant, vers le sud. À sa gauche, le soleil levant atteignait les pics bleus des montagnes. Dans le ciel d’azur, les oiseaux chantaient, derrière lui montaient les premiers bruits d’une ville qui s’éveille. Mais c’était sur les kislévites que le soleil se levait, Stephan le savait bien. Pour les humains, c’était le crépuscule qui s’annonçait..
Reinard.
Lui et sa bande d’égorgeurs assoiffés de sang avaient établi leur quartier général dans Graven et étaient une plaie béante et purulente pour le commerce. Les caravanes étaient pillées, les pèlerins assassinés, les femmes violées. Et pourtant aucune armée ne pouvait les localiser tant la forêt de Graven était vaste.
Reinard. Son père était un prince des enfers, sa mère une noble de Talabheim. Du moins c’est-ce qu’il disait. Stephan avait entendu dire que sa mère était une prostituée et son père un marin de passage. L’un des passe-temps favori de Reinard avec ses prisonniers, c’était de les faire rôtir par petits bouts, sur des charbons brûlants, et de servir la viande une fois cuite aux pauvres diables qui avaient été capturés avec eux.
Les sabots de l’alezan faisaient peu de bruits sur la neige. Stephan le fit avancer au pas, pour éviter que des branches cachées ne le fassent trébucher. Le froid commençait à passer à travers l’épaisseur des vêtements, et très vite, ses pieds furent gelés malgré les cuissardes. Il fouilla dans son sac pour en extirper une paire de mitaines en peu de mouton.
Le cheval continua sa route. À midi, Stephan décida de s’arrêter pour un bref en-cas froid, entravant le hongre près d’un ruisseau. Avec son épée, il brisa la glace afin que la bête puisse boire, et lui donna une poignée d’avoine.
Alors qu’il allait remonter en selle, Stephan jeta un coup d’œil à l’arrière-train du cheval. Il avait de profondes cicatrices autours de la queue…