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Une nuit sans lune, silencieuse, se déroula. Silencieuse uniquement pour ceux ayant le sommeil assez lourd et l'esprit léger pour trouver le repos. Un repos éternel pour certains, puisque pour ceux étant encore alertes, ils pouvaient entendre, quelque part, le bruit de cris étouffés, de dents qui crissaient les unes sur les autres.... Et une soudaine explosion de violence en le bruit d'un marteau de guerre défonçant une porte, puis un "chtunk". Et le concert macabre qui se répéta dans la plupart des maisons du village.

Au petit matin, plusieurs surprises attendaient les locaux. D'une part, l'espèce d'estrangeois suspect du nom de Vilmikch fut retrouvé dans un état horrible. L'odeur infecte qui se dégageait de son corps avait alertée les villageois. Entrant dans sa demeure, chiffons au nez, ils découvrirent, avec horreur, que non seulement ce rat de Vilmikch était un véritable rat, mais qu'en plus il était mort. Et visiblement de manière horrible et douloureuse. Ses yeux étaient injectés de sang, tandis qu'un liquide jaune semblait perler de ceux ci. Il avait par ailleurs à côté de lui une flaque de sang noir mêlé à de la bile, qui avait cessé de s'écouler de sa gueule depuis plusieurs heures. Enfin, par endroits, son poil avait perdu des fils pour laisser apparaître d'horribles ecchymoses, gonflements et inflammations.

La puanteur était abjecte, et pas uniquement parce que sa vessie s'était relâchée avec son décès. Il y avait quelque chose de malsain dans l'air.

Pire encore, nul signe d’effraction ou de violence n'était observable dans le logis du rat.

Vilmikch le villageois fut jeté dans un sac par un brave, et celui ci promptement lesté dans un trou de terre, aux abords du cimetière local. La messe dite, chacun reparti chez soit, alors que les pairs du défunt se réunissaient pour se repaître de lui, un attroupement de rats noirs s'étant réuni et commençait déjà à creuser de leurs petites pattes pour accéder à leur repas.
Vilmikch allait être bouffé par ceux qu'il avait toujours apprécié grignoter en loisir. Ironique.

Par ailleurs, le chose-rat n'avait pas été la seule victime de la nuit. Une traînée de sang alors sec traçait un chemin entre l'auberge ou résidait Gomril , menant à la villegiature de Vaalnar. La tête du pauvre homme avait été massacrée au marteau de guerre. Tout comme celle de tous les villageois, à l'exception du maire Piero et son administré Theophraste.

L'inspection des scènes de crime ne révéla que peu de choses utiles au survivants. Malgré son état surnaturel, le chose-rat Vilmikch n'avait dans ses effets que ce que l'on trouvait dans la masure du villageois moyen, dans la cabane du nordique Vaalnar, d'étranges objets de verre, un tarit et une boule de cristal un traité d'astronomie et une correspondance avec un astromancienétaient les seuls trésors, et enfin le coffre de voyage du nain révéla divers objets de faible intérêt sinon que son diplôme d'appartenance au club de chasse de Karak-Azul

Regardant au loin les flammes consumer ce qu'il restait du village, Théophraste se sentait fondre de désespoir. Son regard désabusé se tourna lentement vers la silhouette du tiléen. Voilà qu'ils étaient les seuls rescapés. Voilà que tout touchait à sa fin.

"Toutes mes théories se sont avérées fausses. Tous les indices étaient piégeux. Tout les civils innocents sont morts et il ne reste plus rien à sauver. Même si j'étais capable de me sauver moi même, je ne le pourrais pas, et quand bien même à quoi ça servirait ? Je n'ai sauvé personne."

Inconsciemment, il porta une main à sa tête et tritura nerveusement ses cheveux.

"Vous avez une épée et un pistolet, quoi qu'il advienne je ne pourrais rien contre vous. Je suis à votre merci, comme le désirais le nain. J'accepte cet état de fait. Je n'y puis plus rien. Faites ce que vous voulez, mais dites moi simplement avant : était-ce vous depuis le début le coupable de tous ces meurtres ? Ou alors, est-ce que le maitre des runes avait raison ?"

"Ils étaient dix,
La première, aux longues oreilles et au corps dénudé, se consuma dans un brasier.
Le second, laid et loqueteux, fut retrouvé sans vie dans une chaumière sans feu.
Vert était le troisième. Et vert fut le bois qu'on enflamma pour qu'il parte sans requiem.
Le quatrième était de l'Empire. Son nom était grand, mais la bassesse de sa mort fut la pire.
La cinquième aimait les potions et était une noble dame. Longue fut son agonie dans l'ardeur des flammes.
Le sixième mourut comme un rat. On ne s'attarde guère sur les vermines ici-bas.
Septième et huitième, de barbes et de fourrures bardées, dans l'étreinte de la mort, décidèrent de se jeter.
Mais avec eux, l'Abatis. Jusqu'à ce qu'il ne reste ainsi,
Que nos deux survivants, alors que tombe la nuit.
Seront-ils encore deux ? Sera-t-il seul ? Partiront-t-ils ensemble ?
Qui portera le deuil ?"

Assis sur un tronc tombé, l'aventurier regarda le désastre. Dans les dernières heures, tout s'était emballé. Tout. Guidés par la folie, les autres villageois subsistants s'étaient entretués. Tous. Sauf Théophraste. Et lui. Les deux survivants.
Théophraste n'avait cessé de l'accuser. Lui n'avait jamais cessé d'avoir le doute. Cruelle ironie d'un sort qu'ils ne contrôlaient plus. Il ne restait qu'eux.

"Je le clame depuis le début. Je suis innocent. Comme tous ceux-là qui gisent dans des trous ou les cendres de leurs maisons. Toi, moi. Je ne sais pas quoi décider. Si je te tranche la gorge, peut-être était-ce moi au fond la bête ? Si je te laisse partir, tu me sauteras dessus dans la foulée, je l'ignore. Ou bien. Nous sommes véritablement innocents."
Il fit rouler la crosse de son pistolet dans sa main. Son pistolet d'ivoire. Jumeau esseulé. Mais pour l'instant. "Je t'ai suspecté tout le long de cette folie, mais à quoi bon. Il n'y a plus rien à protéger. Pas même à piller sur les dépouilles de ces loqueteux. Alors tant pis. Je jette mon sort dans les mains de Ranald. Et baste. Je suis las de tout ceci."

Ô rage, ô désespoir.... Ô existence ennemie !
Que n'avait il donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et n'était il blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Son bras, qu’avec respect toute la Tilée admire,
Son bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de ses dieux,
Trahit donc sa querelle, et ne fait rien pour eux ?
Ô cruel souvenir de sa gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à son bonheur !
Précipice élevé d’où tombe son honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher l'animal,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans le mal ?
Shallya, sois des miens princesse à présent gouverneur ;
Ce haut rang n’admet point un homme sans honneur ;
Et toi, par ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du souverain, as su t'en rendre indigne.
Et toi, de ses exploits glorieux instrument,
Mais d’un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
Lui a servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour le venger, en de meilleures mains.
La miséricorde - à moins qu'il ne s'agisse de sa lassitude - du burgmeister Piero à l'égard du plus grand suspect à ses yeux l'honorait. Las, en ces temps troublés toute piété était vue comme faiblesse, comme une blessure de chaire auto-infligée. Quel poids avait l'honneur face à la vie ? Quelle valeur donner à cette existence d'infamie ?

Quelle valeur accorder à ce sacrifice, ce don de sa personne, ce martyr auquel il se livra ? Car au lever du soleil, Piero le sombrero n'était plus. Il avait fait le choix de l'immortel, du divin, comme avant lui l'avait fait la déesse à l'aigle.
Sous l'éclat de l'aube, son corps, transfiguré par son acte noble, était désormais méconnaissable.

Théophraste eut à mettre en terre le corps du défunt Piero, feu Cupidon de son état. Au côté du défunt se trouvait Vaalnar le voyant et Gomril le chasseur, tous deux éteints la veille.

Le corps de l'estalo-tiléen était couvert de bubons, ses cheveux perdus, ses yeux injectés de sang et sa bouche noyée par un liquide généré par son propre corps, mélange de jaune infâme et de noir sanglant.
Enfin, sa seule compagnie lorsque le corps avait été trouvé fut les puces, les rats et les corps tout aussi abimés des animaux de ferme à ses côtés.

Et cette brume qui refusait toujours de se lever....

Théphraste, impériale de son état, trouva dans les papiers du maire qui, à ses heures perdues, jouait au cupidon et l'entremetteuse, son testament. Dans celui ci il confiait ses possessions et responsabilités municipales à Théophraste. Celui ci devint donc burgmeister d'une bourgade dépeuplée.

Vers midi, alors que le brouillard restait tout aussi épais, le bruit des fers d'un cheval trottant dans le lointain se fit entendre. Émergea lentement alors de la brume une curieuse apparence. Un cheval blanc, sa robe éclatante de pureté, était monté par une obscure figure dont un voile surnaturel semblait masquer le visage. Celle ci, vêtue de loques plus noires que les ténèbres du Grand Nord, tenait dans ses mains une faux. Ce mystérieux cavalier traversa le village dans un silence de mort, ignorant Théophraste qui le regardait, en s'en alla dans le lointain, absorbé par la brume et disparaissant comme il était apparu.
C'est sur ce sombre présage que l'heur de midi se termina.

Théophraste Hell burgmeister avait il quoique ce soit à dire à ses administrés avant que la nuit ne s'abatte à nouveau sur les siens ?

Il n'y avait plus rien, sinon sa vie. Plus rien, pas de village, pas de gens, pas d'abatis et surtout plus de chef d'abatis.

Les effets personnels de l'estalien étant probablement tout aussi infectés que le reste, le jeune mage eut tôt fait de les brûler. Le corps, en revanche, il lui offrit une sépulture décente, dans les limites du possible. Après tout, le vieux moustachu méritait au moins ça. Les autres avaient déjà été enterrés sous les bombes et les gravats. Plus rien ne subsistait que la ruine et un carnage putréfié. Théophraste se perdit à attendre au milieu des ruines déchiquetées pendant de longues minutes, ou peut-être des heures, cherchant dans sa contemplation désolante à trouver un sens à cette tragédie. Peut-être était il lui même déjà atteint. Peut-être cette dernière nuit lui serait-elle fatale. Déjà il lui semblait percevoir les symptômes de la fièvre la plus violente. Il apercevait un cavalier verdâtre armé d'une faux. Nurgle lui même venait peut-être le narguer.

L'apprenti se dépouilla de tous ses effets personnels dans un effort désespéré pour limiter les chances d'exporter l'épidémie au delà. Ne lui restant que son chasuble et son bâton qu'il avait purifié avec sa magie d'Hysh, il prit la première route pour se diriger vers la civilisation. Que faire d'autre à ce stade ? Peut-être allait-il mourir, mais autant tenter sa chance et profiter de ce qu'il lui restait de temps.

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Rapport à son éminence von Kurschtorfell.

Abattis numéro 15 :
État de l'exploitation : abandonnée
Personnel : aucun
État des lieux : intacts
Cause de la cessation de l'exploitation : mort des exploitants
Hypothèse quand aux décès : peste et paranoïa collective. Les villageois victimes de cette épidémie ont été frappés de terreur, sombrant chaque jour davantage dans la folie en se massacrant les uns les autres, en même temps qu'ils étaient tués par la maladie.

Évaluation : assez de temps est passé pour que l'épidémie ne soit plus vivace en ces lieux. Nous pouvons à nouveau envoyer un groupe de colons pour reprendre en charge l'exploitation.

Votre intendant.