Nan t’as pas compris l’truc. Quand j’te parle de rat, j’parle de gros rat. J’sais plus comment on les appellent ces trucs. Des Ski ? Sken ? Ska ? Bah un truc dans l’genre. Le truc il est haut commmme ça.
Gastien montrait avec sa main que le rat lui arrivait à peu près au niveau du haut du ventre. Après c’était dur de savoir si le rat faisait vraiment cette taille vue que cette vermine était toujours courbée :
Après j’ai jamais dit que j’le zigouille dans l’dos. C’est pas vraiment un truc d’chevalier. J’préfère qu’on s’foute sur la tronche en face à face. Et niveau méchant faut quand même l’avoir à l’œil. En plus de tous ses potes, c’est l’plus vicieux. Suis sûr qu’il fait un truc pas net en s’moment. Qu’il tente un truc et j’lui r’fait l’museau !
Gastien riait un bon coup en imaginant la scène du vicieux rat à terre. Sauf que quand il regardait Karil, celui-ci le regardait avec froideur :
Quoi ? J’ai dit un truc qui faillais pas ? Tu voulais que j’te laisse un peu d’vin ?
Et maintenant, celui-ci lui faisait la leçon. Et nanani faut pas parler aux étrangers et nanagha faut toujours être méfiant. Bon peut-être que sa franchise l’avait quelque peu froissé mais après quand on a la peau aussi pâle, fallait pas s’étonner à être regarder de travers. D’autant plus qu’il n'avait pas l'air totalement net dans sa tête :
Relax mon pote. J’disais pas ça pour t’emmerder. En même temps t’as la peau aussi pâle que Mannslieb du coup j’étais pas sûr. Et t’façon, t’as pas un troisième bras ou une tête en trop donc c’est bon nan ?
La dernière phrase de Karil sidérait le chevalier :
Comment ça c’est une dame ?! Tu penses pas qu’c’est la chaleur qui t’fait voir des trucs.
Faust intervenait dans la conversation, après avoir dorloté Armand, pour expliquer plusieurs choses. Notamment les rôles de lui et de Karil. Avec le brouhaha du public et l’alcool qui lui montait à la tête, il était difficile de suivre mais le bretonnien arrivait à comprendre deux-trois choses. Il n’était donc pas des chaotique mais des mages. Faust était un mage de l’ombre et Karil un mage de la mort. Il expliquait aussi que malgré leur mauvaise réputation au sein de l’Empire, il luttait aussi pour sa préservation. Ah et Faust confirmait qu’il était bel et bien un homme.
Alors que Gastien se contentait de regarder le mage d’un air absent, il le stoppait dans ses explications pour lui dire :
Attend, attend. Suis pas en état pour une leçon d’magie. J’pige pas grand-chose à ton charabia. Mais si j’comprends bien, vous êtes des mages ?
Il se tournait ensuite vers Karil :
Et toi ton truc c’est d'zigouiller du mort ?
Alors que les deux mages affirmaient, le chevalier ivre fut pris d’un éclat de rire et hurlait au ciel :
Par la Dame, j’en ai enfin trouvé un !
Les mages se regardaient avec surprise et inquiétude, incapable de dire si la réaction de leur nouvel ami était une bonne ou mauvaise chose. Le chevalier saisissait d’un coup les épaules de Karil pour lui dire devant lui :
Fallait l’dire plus tôt ! Comment tu voulais qu’sache qu’vous étiez mages ? Vous avez pas d’bâton ou d’robe sur vous. J’ai plein truc à t’d’mander sur les morts. Enfin, j’veux pas faire d’la saloperie d’magie noir. J’veux juste savoir comment tu fais pour éclater d’la goule, squelette, vampire et autres cochonneries dan’l genre. J’dois savoir c’qui faut pas faire contre eux pour pouvoir les éclater. Comme disait l’paternel :
"Dans la vie, le premier truc à savoir c’est qu’tu sais rien."
Enfin si tu veux blablater, faudrait attendre que j’puisse capter plus deux mots d’votre langage bizarre.
Gastien lâchait enfin les épaules du mage d’améthyste pour se tourner vers le mage gris :
Toi aussi t’dois un truc ou deux qui pourrait m’être utile. Genre comment marche ta magie. Après j’pense pas de d’mander plus désoler. Les gueguerres politiques, c’est plus un truc d’impériaux.
Alors que Gastien repartait dans son fou rire. Faust lui demandait la raison de son voyage. A cela, le chevalier ivrogne cessait de rire et son visage s’assombrissait :
Le Graal, moi ? Tu parles. Ceux qui s’lance dans cette quête sont motivés par d’bon truc. Le sens du devoir. La soif de l’aventure. L’genre de chose qu’tu lis quand t’es un marmot. Et moi s’qui m’a motivé à partir ? L’amertume d’la défaite et l’envie d’me venger.
Gastien voulait reprendre une gorgé de vin. Puis se rendant compte qu’il avait finît la bouteille il y a peu, lâchait un juron bretonnien et se laissa tomber sur le banc en pierre avant de reprendre son récit mélancolique :
J’ai rien contre mes cam’rades qui partent l’chercher. Ça s’respecte vu qu’faut pas avoir peur d’crever. Au début j’voulais aussi l’trouver. Et puis j’ai fui mon premier combat. J’ai laissé ma famille s’faire massacrer car j’avais pas d’tripes. J’ai abandonné mon fief et suis toujours pas r’tourner là-bas. J’devrais mais après j’me f’rais haïr vu qu’j’ai rien fait pour protéger mes proches et mon peuple. Du coup j’suis sûr la route et j’cherche l’fumier qui m'a tout pris du jours au lendemain. J’le fais pour l’punir d’son crime ou pour soulager ma conscience ? J’en sais rien...
On dit t’jours qu’les chevalier bretonniens se croient pur et qu’ils ont jamais fait d’crasses ou d’crimes dans leurs vies. Qu’ils sont l’exemple parfait du guerrier sans peur qu’affronte le mal. J’suis la preuve qu’c’est pas toujours l’cas...
Sa plainte fut interrompue par les cris de joies, et de colères, des spectateurs. Alors qu’il racontait son histoire, Gastien n’avait pas remarqué le début du combat. D’un coup il se levait de son siège et se joignait au cri des spectateurs pour encourager sa bête. Et bon sang quel combat ! Entre la force de l’Ettin maudit, qui envoyait balader son adversaire dans toutes l’arène, et la toxicité du Dragon-crapaud, difficile à dire qui avait l’avantage. Ce fut finalement le crapaud qui remportait la victoire sur son opposant à moitié dissout dans l’acide. Le chevalier hurlait d’un coup :
Bah voilà une bestiole qui veut gagner quand j’dis qu’il va gagner ! J’étais pas sûr t’mon coup mais au final il l’a zigouiller. Après c’était dégueu mais c’est un détail. Bon j’vais aller parier sur mon nouveau champion et après...
Oh la vache... Oh j’me sens pas bien là...
Apparemment, le peu d’alcool ingérer avait suffi à terrasser le chevalier. Il s’effondrait sur le sol et s’endormit sur le coup. Il ne restait plus qu’à savoir comment ses nouveaux compagnons allait faire face à un deuxième ivrogne bretonnien.