En abordant le sujet du collège de Shyish avec Karil, Faust s’était honnêtement attendu à obtenir des informations assez triviales : l’ambiance qui y régnait, si les autres apprentis étaient sympathiques, la nourriture servie, ou encore les cours donnés. Tous ses petits détails faisant le charme de la vie étudiante, et qui devaient sans aucun doute grandement varier d’un collège de magie à l’autre. Une curiosité, en somme, très innocente, que le sorcier d’améthyste avait semblerait-il prit un peu trop sérieusement ! C’est donc avec un air légèrement perplexe que l’Umbramancien dut assister au discours de son ami sur les légendes et la philosophie complexe de son ordre centenaire… Pas que la discussion était inintéressante, loin de là, mais il avait juste espéré quelque chose de plus… simple.
Faust n’osa ainsi pas interrompre l’enfant des rues lorsque ce dernier rebondit sur la mauvaise réputation des deux établissements. Le collège gris autant que le collège d’améthyste incarnaient des concepts pouvant très facilement instiller la méfiance. La confusion et la mort : une perte de contrôle, de liberté, de maîtrise sur son destin et ses actions. La connaissance que l’on ne peut même plus se fier à son propre corps, que notre mémoire peut être altérée, ou que quoi que l’on fasse, on finira par quitter ce monde. Mais outre cela, le jeune homme théorisait également qu’une grande partie de la réputation des deux collèges venait tout simplement de leur discrétion, ce qu’il comprenait tout à fait. Déjà que leurs domaines de prédilection ne favorisaient pas la sympathie des masses, si l’on rajoutait à ça la paranoïa et le manque d’informations à leurs sujets, il devenait très facile de comprendre les raisons d’une telle défiance. La peur demeurait la première et la plus puissante des émotions humaines ; et la plus puissante de toutes les peurs restait celle de l'inconnu.
Néanmoins, ce qui attira réellement l’attention du Reiklander fut la légende qui suivit. D’après son camarade, il s’agissait là d’une histoire censée représenter la philosophie des enfants de Shyish, et le compagnon la trouva, de fait, assez agréable à entendre. De l’épopée du premier mage, il lui sembla comprendre que la recherche de pouvoir était vaine aux yeux des sorciers d’améthyste. Qu’un Magister se disant invincible en duel soit ainsi assassiné indiquait nettement une propension à penser que peu importe la puissance atteinte, un homme ne peut échapper à sa fatalité. De celle du second, il retint le message plus explicite qu’était celui de ne pas pouvoir contrôler la faucheuse ; alors que du destin du dernier mage se dégageait la morale de ne pas chercher à lutter contre l’ordre naturel des choses, mais à embrasser sa mortalité, et à s’opposer face à ceux tentant de la vaincre.
Les trois piliers du collège d’améthyste, en quelque sorte : Ne pas céder à l’ambition, et à la vaine recherche d’une puissance qui permettrait d’échapper à la mort. Ne pas avoir l’orgueil de penser pouvoir contrôler cette dernière. Embrasser la conclusion de toute chose et lutter au nom de cet ordre naturel, supérieur à la simple existence humaine.
Une logique à laquelle le mage de l’ombre ne trouvait, ici aussi, pas grand-chose à redire.
- C’est un joli conte, mais je ne sais pas si mon avis est réellement pertinent. Il est probable que je me serai bien entendu avec le dernier mage. Notre courte vie doit être un motivateur, pas une raison de désespérer : autant se dépasser et accomplir ce qui nous tient à cœur durant cette période restreinte. Je ne pense pas que la recherche de puissance soit mauvaise en soi, tant qu’elle sert un but plus noble. Si je me souviens bien, Shyish est aussi la foi en quelque chose de supérieur à la vie humaine, n’est-ce pas ? Que ce pour quoi nous nous battons et ce que nous construisons peut être éternel, contrairement à nous. Alors s’il a vécu en cherchant à s’améliorer pour ne pas laisser un tel drame similaire à son duel se reproduire ; et qu’il a péri sereinement en sachant qu’il avait fait ce qui était en son pouvoir pour défendre cette cause, je suis heureux pour lui.
Si les deux acolytes avaient jusque là réussi à conserver un semblant de sérieux, les dernières paroles de Karil firent cependant dériver la discussion de manière irréversible. Le compagnon n’en était plus étonné à ce stade : dés qu’un homme apprenait que les mages gris pouvaient effectivement modifier leur apparence, ce genre de remarque grivoise lui revenait toujours au visage, aussi n’essayait-il même pas de dissiper les doutes de ses interlocuteurs.
- Dis toi juste que ça fait partit des inconnues de la vie. Tu ne pourras jamais savoir si Sigmar est véritablement un dieu, si le chaos peut être vaincu, ou si je suis bien un garçon. Il faut savoir vivre avec ses incertitudes !
Ou réussir à noyer ces questions existentielles dans l’alcool, solution que le mage pourpre semblait favoriser. Une fois les bouteilles de vin récupérées, et les paris pris (dont celui de Daine), le duo s’éclipsa rapidement pour revenir dans les gradins, afin de ne pas louper le prochain match. Combat pour lequel Faust avait un intérêt tout particulier, puisque mettant en vedette son grand favori : l’élémentaire de Ghur. Et autant dire que le jeune homme ne fut assurément pas déçu ! Bien que toujours équilibré, l’affrontement lui parut beaucoup moins serré que les deux précédents. Dans une démonstration de force qui rappelait à tous pourquoi la magie d’Ambre se spécialisait notamment dans la traque des monstres, l’incarnation découpa méthodiquement les appendices noueux du kharybdiss, jusqu’à ce que la créature, désormais privée de ses têtes, s’écroule au sol. En plus de sa puissance brute, l’élémentaire semblait faire preuve d’une intelligence animale le rendant plus redoutable encore. Rien de mieux que l’incarnation de la bête pour remporter un tournoi de monstres !
Visiblement satisfait, l'umbramancien se balança doucement de gauche à droite, avant d'adresser un sourire taquin à Karil, qui avait étrangement préféré ne pas faire confiance à un être de pure magie.
- Je t’avais dit de parier sur l’élémentaire. En tant que mage, quand même, ça ne te rend pas un peu curieux ? Imagine ce que pourrait donner une telle créature pour Shyish ou Ulgu…
Par contre, pour ce qui était du prochain combat, là, le jeune homme allait devoir se fier à ses impressions. Il ne connaissait ni le dragon-crapaud, ni cet Ettin qui peinait visiblement à rentrer dans sa cage, mais l'affrontement précédent lui avait bien prouvé que la taille et la carrure ne faisaient pas tout. Malgré le physique aussi grotesque qu’imposant de l’Ettin, le magicien préféra donc se laisser tenter par ce prétendu dragon, bien que ce dernier ne semblait pas partager beaucoup de traits en commun avec les nobles créatures des légendes.