Et l’arène croulait sous les applaudissements quand on fit entrer les finalistes, vainqueurs entre les vainqueurs ! Le griffon, toujours aussi fier et orgueilleux, toisant la foule d’un œil vaillant et l’élémentaire, brutal et sans pitié, qui brisait ses chaînes avant chaque match, impatient d’anéantir ceux qui lui contestaient sa supériorité. Enfin, le dernier qui restait, évidemment…
D’ailleurs aucune seconde ne fût perdue, car à l’instant même où la herse se refermait, l’élémentaire brisa ses chaînes, déchirant la magie qui le retenait pour foncer avec fureur vers cet inconscient qui lui servait d’adversaire. Le griffon, sans doute étonné par l’indélicatesse et la brutalité de ce sauvage, esquiva habilement en s’envolant d’un coup d’ailes, dominant la scène et ricanant presque devant ce singe impuissant qui tendait vainement ses mains en l’air pour l’attraper. Sans perdre de temps, la noble créature se précipita vers le sol, serres en avant, prêt à empoigner son adversaire. Agile, l’incarnation tenta d’esquiver : pas suffisamment vite cependant, car son dos se trouva lacéré par des poignards naturels. Plein de ressource, le fils de Ghur se retourna néanmoins pour frapper d’un poing magistral le flanc du griffon qui atterrissait dans la foulée. Quand les deux se relevèrent il sembla que l’échange s’achevait dans une égalité.
Etonnamment moins classe qu’à l’accoutumée, le griffon se jeta de tout son poids sur l’ennemi pour lui dévorer la face. Plaqué au sol par la carrure supérieure du volatile, l’être de magie ne put que subir les assauts, la tête percée de multiples coups de bec aiguisé comme un fer de hache naine. Déboussolé, hébété, il lui fallut quelques instant pour songer à une stratégie d’échappatoire : il invoqua dans un souffle ses longues griffes et les planta dans le cuisseau du griffon, lequel hurla de douleur en se reculant. Furieux, la monture repartit à l’assaut, mais trop grossièrement pour l’incarnation qui l’accueillit d’un coup de griffe en pleine tête, arrachant un œil à la bête. Rendu fou par la douleur et la haine, l’oiseau ne se contrôla plus. Il s’envoya et fondit en piqué, comme au départ, seulement il hurla un cri strident. Le son était si aigu que le Ghur en fût paralysé, se tenant la tête entre ses mains : le choc qui s’ensuivit fût d’une brutalité inouïe. Le bec fendit les chairs magiques avec aisance, arrachant un nuage de fumée et d’herbes folles au passage. Le transpercement terminé, le griffon balança l’élémentaire sur le côté. Telle une poupée de chiffon, celui-ci partit s’écraser un peu plus loin.
S’il avait eu des os, l’incarnation se les serait brisés. Pourtant, il se releva encore, invoquant quelque magie pour régénérer ses plaies : insuffisamment néanmoins. Le borgne, tel qu’il serait désormais nommé, repartit à l’assaut, bien déterminé à ne laisser aucun répit à sa victime. D’un bond il se projet en l’air, bouche ouverte, griffes en avant…
… Et s’écrasa sur le bras levé surmonté de griffes de Ghur. Il y eut un cri d’agonie et un râle d’étouffement. Le griffon chuta lourdement au sol, quatre trous béants dans le torse. Lentement, l’élémentaire se remit sur pied et, presque par pitié envers un fils de la nature, s’approcha, le poing levé pour asséner le coup fatal. Conscient du danger, le volant se releva avec difficultés, essayant dans un ultime effort d’inverser la balance dans un coup audacieux : alors qu’il faisait presque le mort, il lança une patte munie de tout son poids vers le crâne du victorieux.
L’incarnation repoussa violemment l’assaut puis plongea ses lames dans la gorge du griffon qui tenta un dernier hurlement, étouffé dans sa gorge qui s’emplissait de sang.
La foule explosa ! Le vainqueur, le vainqueur était là ! Il était là !
On rit beaucoup moins quand, devenu fou, l’élémentaire fondit sur les nains du Chaos venus le récupérer.