La campagne enneigée s'étendait à perte de vue, une plaine glacée de tranquillité éternelle sous un ciel nocturne. La nuit était tombée depuis plusieurs heures, enveloppant le paysage dans un manteau d'obscurité. Tout était désert, et le silence régnait en maître. Les arbres, dépouillés de leurs feuilles, se dressaient comme des sentinelles muettes dans cette immensité gelée. La neige tombait en gros flocons du ciel étoilé, scintillant à la lueur de la lune. Chacun d’eux apportait une touche de magie à cet endroit isolé, couvrant la terre d'un blanc immaculé. Le vent glacial sifflait faiblement à travers les branches des arbres, créant une mélodie douce mais solitaire.
Au milieu de ce paysage désert, une grande ferme se dressait comme un phare de chaleur et de vie. Son bâtiment principal, une imposante structure de bois solide, diffusait des éclats de lumière à travers ses fenêtres éclairées par des lanternes. De l'extérieur, on pouvait percevoir des bribes de discussions joyeuses et le doux son de rires. De temps en temps, la porte d'entrée s'ouvrait, laissant échapper un rai de lumière chaleureuse dans la nuit glaciale. Des silhouettes vêtues de manteaux et de chapeaux s'affairaient à l'intérieur, se préparant pour une célébration spéciale. Des cris et des éclats de voix éclataient sporadiquement, réchauffant l'atmosphère autour de la ferme.
À travers les fenêtres, on pouvait apercevoir une grande table décorée de guirlandes et de bougies, prête à accueillir les convives pour un festin somptueux. Les flammes dansaient dans les cheminées, créant une ambiance chaleureuse et accueillante qui contrastait avec le froid mordant de l'extérieur.
Des enfants couraient en riant dans la cour de la ferme, laissant des traces de pas dans la neige fraîche. Leurs joues étaient rougies par le froid, mais leurs sourires étaient radieux, porteurs de l'excitation de la soirée à venir. À l'intérieur, la famille se rassemblait autour d'un immense sapin orné de morceaux de verre colorés qui étincelaient à la lumière de l’âtre. Les chants résonnaient doucement, créant une atmosphère magique qui enveloppait tous les gens présents
À l'abri des arbres bordant la propriété de la ferme, juste à la lisière de la lumière chaleureuse qui émanait de la maison, se tenait une âme solitaire, une ombre silencieuse.
C'était Nola Al'Nysa, la tueuse implacable, la main vengeresse d'un maître vexé par le fils d'un des paysans de la ferme. Nola avait reçu une mission sombre. Son maître, un homme riche et puissant, avait été l'objet d'une offense de la part du fils d'un des paysans. L'insulte avait été profonde, la fierté du maître gravement écorchée, et il avait juré une vengeance sans merci. C'est ainsi que Nola avait été envoyée pour accomplir cette tâche sordide. Là, dans le noir, elle attendait le moment propice pour agir. Elle était vêtue de noir, se confondant avec les ombres des arbres. Ses yeux acérés scrutaient la ferme, surveillant chaque mouvement, chaque son qui provenait de l'intérieur. Elle était une prédatrice, une chasseuse de la nuit, prête à accomplir sa sinistre mission.
À l'intérieur de la ferme, les festivités de Nowel se déroulaient avec joie et insouciance. Personne ne se doutait de la menace qui rôdait à l'extérieur. Les rires des enfants et les chants résonnaient dans la nuit. Mais Nola, elle, était enfermée dans sa propre solitude, sa propre obscurité. Elle n'était pas une personne cruelle, mais elle avait appris à être impitoyable dans un monde impitoyable. Sa loyauté envers son employeur était inébranlable, et elle accomplissait sa mission sans hésitation.
Le froid piquant de la nuit se faisait sentir, et chaque expiration de Nola créait un nuage de fumée qui se dissipait rapidement dans l'air glacial. Elle était parfaitement immobile, dissimulée dans les ténèbres de la forêt, observant la ferme avec une vigilance implacable. Son souffle se mêlait au silence de la nuit. Ses sabres étaient solidement attachés dans leur fourreau, reposant dans son dos, prêts à être dégainés en un éclair. Sa dague était cachée dans sa botte, à portée de sa main libre, tandis que sa petite hache pendait à sa ceinture.
Elle était une professionnelle, une guerrière aguerrie qui avait survécu à d'innombrables batailles et avait appris à maîtriser l'art de la patience. Elle savait que le moment propice pour agir pouvait mettre du temps à arriver, et elle était déterminée à attendre, peu importe les conditions.
La nuit avançait lentement, et la fête à l'intérieur de la ferme se poursuivait sans se douter du danger qui rôdait à l'extérieur. Les étoiles brillaient toujours dans le ciel nocturne, indifférentes aux machinations de Nola.
Au fil du temps, la file des convives qui arrivaient sur la propriété de la ferme sembla se tarir, puis finalement cessa définitivement. Tous les invités semblaient être enfin arrivés pour célébrer le Mondstille, la nuit silencieuse de Nowel. À l'intérieur de la ferme, la fête battait son plein. Les convives étaient réunis autour de la grande table décorée, partageant des rires, des histoires et des mets festifs. La chaleur de l'amitié et de la famille contrastait avec la froideur de la nuit extérieure.
Dans l'obscurité glaciale, Nola Al'Nysa, l'amazone au cœur de glace, quitta sa cachette et s'avança silencieusement vers la ferme avec la discrétion d'une prédatrice. La neige crissait doucement sous ses bottes, mais le son était étouffé par le bruit festif qui s'échappait de la ferme. Elle avait également pris soin d'avancer contre le vent pour ne pas laisser son odeur trahir sa présence aux chiens de garde, bien que ceux-ci semblaient déjà trop occupés par l'atmosphère festive pour prêter attention à autre chose. Ses sens étaient en alerte, ses yeux perçants scrutaient les environs tandis que ses oreilles capturaient le moindre son. La ferme se rapprochait lentement, et Nola se tenait prête à passer à l'action. Ses sabres étaient toujours solidement attachés dans leur fourreau, mais elle savait qu'il serait bientôt temps de les dégainer.
Elle passa telle une ombre proche du corps de ferme où tous les convives étaient réunis puis traversa silencieusement la cour, observant furtivement les enfants qui riaient ensemble et les anciens qui partageaient des histoires autour du feu. L'atmosphère du Mondstille régnait en maître à l'intérieur de la ferme, où tous étaient heureux de se retrouver, de partager des moments de joie et d'oublier les soucis de la vie quotidienne.
Pourtant, Nola restait seule dans le froid de la nuit, consciente que son rôle était de gâcher cette joyeuse fête. Les rires des convives résonnaient dans ses oreilles, créant un contraste frappant avec la solitude qui l'entourait. Elle était une étrangère dans cette scène de bonheur, une intruse dans l'intimité chaleureuse de la famille. Sa détermination était inébranlable, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe d'amertume. Mondstille était une période de réconciliation et de paix, mais pour elle, c'était une nuit de violence et de vengeance.
Toujours dissimulée derrière la fenêtre, Nola apercevait sa proie, le jeune homme, beau avec des yeux rieurs et un sourire sincère qui s'amusait à faire danser une jeune enfant sur ses genoux. La scène était touchante et il était difficile de croire que cet homme, en cet instant, puisse être l'objet d'une telle vendetta.
Lorsqu'un groupe d'hommes sortit de la ferme pour aller chercher des denrées supplémentaires, Nola réagit avec la rapidité et la discrétion d'une ombre. Elle se plaqua contre le mur, se fondant dans un renfoncement sombre, dissimulée à la vue de ceux qui étaient dehors. Son souffle était calme malgré l'adrénaline qui montait en elle. Elle savait qu'elle ne pouvait pas se permettre d'être découverte maintenant, alors que la mission était sur le point de s'achever. Les hommes parlaient entre eux, inconscients de la présence de la guerrière dissimulée à quelques pas seulement. Les ombres de la nuit lui offraient une couverture suffisante pour rester invisible.
Après une longue attente, le moment que Nola attendait semblait enfin arriver. Elle observa avec une attention implacable le jeune homme se lever de sa place à l'intérieur de la ferme et se diriger vers la sortie. Les battements de son cœur s'accélérant légèrement alors qu'elle suivait chaque mouvement de sa proie. Une fois dehors, il expira lentement, profitant de l'air froid qui l'entourait. Il se dirigea ensuite vers une grange déserte de l'autre côté de la cour, ignorant le danger qui se cachait dans l'obscurité. Nola, telle une ombre silencieuse, le suivit pas à pas, restant invisible et inaudible.
Une fois arrivé à la grange, le jeune homme la contourna et commença à se soulager, le bruit de l’urine résonnait dans la nuit glaciale, mais soudain, un son léger se fit entendre, presque imperceptible. Il s'interrompit, se redressa brusquement et tourna la tête vers l'origine du son. C'est alors qu'il la vit. Nola Al'Nysa, belle et terrifiante, se tenait là, émergeant des ténèbres de la grange. Son œil mort contrastait de manière frappante avec la profondeur de son autre œil bleu, et son regard était fixé sur lui, pénétrant comme une lame. Un sourire cruel étira ses lèvres, soulignant le contraste entre sa beauté et son intention sombre. Le jeune homme resta figé, la terreur se lisait dans ses yeux. Il comprit que sa légèreté avait été sa perte, qu'il avait été suivi par cette mystérieuse étrangère. La nuit de Mondstille se transformait en cauchemar.
Nola sortit l'un de ses sabres de son fourreau et en appuya la pointe contre la gorge du jeune homme. La lame froide contre sa peau lui fit frissonner l'échine, et il sentit le danger imminent. Le regard de la guerrière était impitoyable alors qu'elle lui dit d'une voix glaciale :
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« Tu as insulté la mauvaise personne, et maintenant tu dois en payer le prix. » Le jeune homme, les larmes aux yeux, sentit la terreur monter en lui. Il savait qu'il était entre la vie et la mort, et il supplia Nola avec des paroles désespérées.
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« S'il vous plaît, je vous en prie, ayez pitié ! C'était une erreur, une parole en l'air, je n'aurais jamais dû offenser qui que ce soit ! Pensez à l'esprit de Nowel, à ma famille ici dans la ferme, nous sommes si proches ! »
La jeune femme parût soudain hésitante, un dilemne intérieure la saisie, une lueur de compassion qui tentait de percer son cœur de pierre. Ses yeux se perdirent un instant dans ceux du jeune homme, et elle sentit le poids de sa décision.
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« Tu as gagné cette nuit en sursis. » dit-elle finalement en reculant d’un pas dans l’obscurité.
Les yeux du jeune homme s'emplirent de larmes, et un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres tremblantes. Il savait qu'il avait échappé de justesse à la mort.
« Merci, merci infiniment. Je ne sais pas ce qui m'a pris, je le regrette tellement. »
Nola, retrouvant en partie sa détermination :
« Mais n'oublie pas que ta dette envers moi n'est pas effacée. Demain, à l'aube, tu me retrouveras dans la clairière proche de la ferme. Si tu n’es pas là, toute ta famille périra. »
Le jeune homme, bien que pétrifié par la peur, acquiesça, reconnaissant la chance qui lui était offerte
« D'accord, je serai là. Je ne vous décevrai pas. » Nola retira son sabre de la gorge du jeune homme, le laissant en vie pour cette nuit de Nowel. Elle s'éloigna dans l'obscurité, laissant derrière elle un homme à genoux, les larmes mêlées de gratitude et de terreur. La nuit silencieuse du Mondstille avait pris une tournure inattendue, et le jeune homme savait qu'il devrait affronter son destin au lever du jour.
Au petit matin, Nola, n'ayant pas dormi, se tenait en attente à l'endroit convenu pour le rendez-vous. Adossée contre un tronc d'arbre, elle fumait tranquillement sa pipe, la fumée s'élevant doucement dans l'air frais du matin. Son regard perçant scrutait les environs, surveillant chaque mouvement, prête à agir si le jeune homme ne respectait pas sa parole. Soudain, un étrange bruit perça le silence de la clairière. Un son léger et cristallin, semblable à celui d'un grelot, s'éleva dans l'air. Nola se redressa instantanément, alerte, son sens de la méfiance aiguisé par des années d'expérience. Elle connaissait l'importance de rester sur ses gardes. Intriguée, elle s'avança discrètement vers le son mystérieux. La neige fraîche sous ses bottes ne produisait aucun bruit, sa silhouette se fondant dans l'obscurité de la clairière. Son cœur battait plus vite, anticipant l'inconnu qui se cachait derrière ce son étrange. Elle était prête à découvrir la source de cette mélodie inattendue.
Elle s'attendait à trouver le jeune homme accompagné de quelques compagnons venus en découdre avec elle. Cependant, ce qu'elle découvrit la saisit totalement par surprise. Au lieu du garçon de ferme, elle se retrouva face à un gros nain habillé de velours rouge, qui fouillait avec empressement dans un traîneau à l'arrêt. À ses côtés, six rennes majestueux étaient attachés, leurs naseaux expirant de la vapeur dans le froid matinal. Nola était bouche bée, ne comprenant pas ce qu'elle voyait. Elle se demanda si elle avait été suivie, si cet étrange nain était un allié du jeune homme ou s'il s'agissait de quelque chose de bien plus étrange. Les événements avaient pris une tournure inattendue, et elle était désormais confrontée à une énigme qu'elle ne pouvait pas résoudre. Elle resta là, dans l'ombre de la clairière, observant le nain et se demandant quel rôle il jouait dans cette histoire étrange qui se déroulait sous ses yeux.
Le nain se retourna soudainement, surpris par la présence de Nola. Cependant, au lieu d'exprimer de la colère ou de la méfiance, il lui sourit chaleureusement. Ses yeux pétillants semblaient en savoir long sur elle. Il parla d'une voix douce et aimable :
« Nola, mon enfant, je voulais t'offrir ce présent, pour te remercier d'avoir épargné la vie de ce pauvre garçon innocent. La période de Noël n'est pas propice aux vengeances, les hommes s'entretuent déjà tout le reste de l'année. »
Nola resta silencieuse, incrédule face à la tournure des événements. Elle n'avait jamais imaginé qu'une telle rencontre surviendrait. Le nain semblait en savoir beaucoup sur elle, sur sa mission, et sur son dilemme. Elle ne put s'empêcher de ressentir un mélange d'inquiétude et de curiosité.
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« Qui es-tu, et comment sais-tu tout cela ? » demanda-t-elle, méfiante.
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« Je suis un ami de la nuit de Nowel, un gardien des traditions et des valeurs de cette période. Je t'ai observée, Nola, et je sais que tu as un cœur qui peut faire des choix justes, même dans les circonstances les plus sombres. » répondit-il de manière énigmatique en souriant.
Le nain tendit à Nola un petit paquet soigneusement emballé de papier bleu et jaune, orné de motifs festifs. Nola fut surprise par le poids inattendu de l'objet et intriguée par son contenu. Elle prit le colis avec précaution, sentant une étrange tension dans l'air alors qu'elle commençait à défaire l'emballage. Sous le papier coloré se trouvait une petite boîte en bois finement sculptée. Les détails complexes semblaient raconter une histoire, mais Nola ne pouvait pas en saisir la signification. Elle ouvrit la boîte avec prudence et découvrit à l'intérieur un objet étonnant.
Une heure plus tard, le jeune garçon arriva à la clairière, le cœur lourd, marchant vers ce qu'il pensait être sa condamnation. Sa démarche était lente, comme celle d'un condamné à mort marchant vers la potence. Il s'attendait à trouver Nola dans l'ombre, prête à exiger son dû. Cependant, à son grand étonnement, la clairière était déserte. Il se retrouva seul, entouré par la quiétude de la nature enneigée. Puis, son regard tomba sur quelque chose d'étrange : un papier coloré qui gisait sur le sol. Intrigué, il se pencha et le ramassa. Soudain, un bruit lointain attira son attention. Le son d'un fouet claquant dans l'air, de sabots frappant le sol et de grelots qui chantaient à l'unisson se rapprocha rapidement. Le jeune homme se releva d'un bond, son cœur battant à tout rompre, ne sachant pas à quoi s'attendre.
Une voix grave et rieuse raisonna derrière les arbres :
« Oh, oh, oh ! Joyeux Nowel » et un grand attelage tiré par six rennes somptueusement harnachés fila dans le ciel du petit matin, quelques mètres au-dessus de sa tête.