En dix ans Hargendorf avait bien changée. E lui même n'était d'ailleurs pas en reste. Si on lui avait dit à l'époque où il crapahutait dans les Pâles Sœurs que la population du duché serait multipliée par quatre, et que lui même serait à la tête de toute une exploitation d'araignées géantes à soie, la même engeance qui en voulait à son sang dans les montagnes, alors il se serait payé la tête du prophète en herbe.
Ç'avait d'ailleurs été une sacrée aventure que cette expédition. Les nains, l'ingénieur méridional Amerkan, l'elfe... Il y avait eu des bons et des mauvais moments. Surtout les morts. Dwaidu... Mais les bons, aussi. Ces instants passés sous la couverture, avec sa compagne de l'époque. Ils en avaient passés des bons moments. Des aventures déjantées. Assez pour vous remplir toute une vie.
Puis elle s'était casée, avec ce veinard de Aalcaas malgré les oppositions de Letraedrael à un mariage ''contre-nature'', qu'elle disait. Résultat, les deux s'étaient enfuis dans le duché, hors des forêts, pour seulement revenir une fois leur premier né. Sacré moment. Sacrés veinards.
Et les voilà, aujourd'hui, à danser, en contrebas, parmi les couples festifs, elle, portant une couronne de fleurs et une robe achetée sur le marché, lui, en forestier, gardien de la Laurelorn, mal à l'aise parmi cette foule dont il se démarquait toujours par la grâce de leur race, certainement supérieure à celle des duos d'ouvriers, et toujours meilleure que celle de Carline et son époux, bourgmeister de Dietershafen.
Là aussi, il y avait eu des cris et de la vaisselle brisée dans la famille. Après tout, elle se mariait à un marchand, issu de la roture, quand elle était elle même fille d'un duc. Elle avait beau les avoir habitués à ses caprices et ses ''farces'' spéciales, mais là c'en fut assez pour choquer son père et ses frères. Même lui, trouvait que la chose était un peu grosse à faire avaler.
Quand à ses frères, Lyam s'était unit à une Von Breintenbach, héritière d'une longue lignée noble du Reikland, et Arutha à une fille de la parenté éloignée des Toddbringer, dans le Talabecland, une certaine baronne de Soya... Tandis que lui même avait eu le bonheur de rencontrer une charmante femme chevalier, lors de la campagne mitigée du comte Gausser contre Marienburg. Tandis que l'impressionnante flotte de Sigmar, payée par les fonds de l'Empereur et du culte du Dieu-Empereur se réunissait à Dietershafen, lui même surveillait les troupiers du duché. C'est là, pour la première fois, qu'il la rencontra. Une expression de force et de confiance en soit, la fille Gausser. Resplandissante dans le cercle, à distribuer des poings comme un homme, contre des benêts ulricains lui refusant l'entrée au dortoir des officiers.
Il la retrouva plus tard, lors de ce désastreux épisode de la campagne, que cette sombre affaire du débarquement puis de l'assaut sur fort Solace, les troupes terrestres descendues dans le chaos tandis que le reste de la flotte fuyait l'armada asuro-bretonnienne, surprise après sa victoire sur les galéasses de Marienburg.
Ils firent alors connaissance dans les tranchées du siège de Marienburg. Et aussi les chevauchées sanglantes, dans les plaines désolées du Pays Perdu et ses salières....
Que de moments passés ensembles. À ressasser. Leur union avait été l'une des rares bonnes choses à sortir de cette affaire. Ça et l'assemblée de l'Union.
Puis l'ingénieur méridional, aussi, qui s'était établi dans la région, à la tête du collège d'ingénierie provincial. Le génie du Sud avait fait construire des moulins à eau, des fours de terre, des barrages et canaux partout où cela était possible, sans trop empiéter sur la Laurelorn. C'était grâce à lui qu'Hargendorf avait ouvert sa première mine à charbon. Puis à ses contacts, dans le Sud, que la conserverie avait pu être bâtie. Et de quadrupler la population, puis rendre le Nordland aussi riche que le Taalabecland. Ces pompeux sudistes qui stagnaient, quand leur province septentrionale continuait de se développer.
Et voilà que les milliers d'ouvriers de la conserverie et de la manufacture de soie rejoignaient leurs moitiés, soit sur la grand place en bas des collines, soit sur les tables du banquet offert par le duc, en cette période exceptionnellement prospère.
Aux côtés de la grande asperge, la géante qu'était son épouse, il descendit la colline, bras dessous bras avec elle. Il avait, pour l'occasion, prit l'effort de se baigner, avec des huiles, rasé sa barbe, coupé les cheveux, et porté les habits de noble que sa sœur lui avait envoyé. Carline les lui avait recommandé. Elle lui avait aussi dit que son épouse adorerait le voir porter autre chose que des habits de chasse, aussi étrange que cela pouvait sonner. Paraît il qu'elle apprécierait l'effort... Alors qu'il était la plupart du temps gêné lorsqu'il avait pareils atours sur le dos.
Mais elle... Elle n'avait pas vêtue la robe envoyée par Carline. Nop. À la place, son habituelle armure de plates ornée.
Lorsqu'ils s'étaient retrouvés, un moment gênant avait prit place. Elle savait qu'il l'appréciait ainsi, comme au premier jour de leur relation, et il savait qu'elle aimait porter ce présent de son père déchu. Et fort pratique pour participer aux mêlées qui allaient avoir lieu prochainement.
C'était son dada, le sien c'était la lutte... Mais tant pis.
Surmontant sa gêne, il la prit tout de même par le bras pour la mener en piste, où son physique et son attirail suffisaient à leur ouvrir la voie. Là, au milieu des danseurs, ils entamèrent deux danses énergiques et rapides, dans une sorte de valse méridionale, de par-delà les montagnes. Bien que l'armure de son aimée soit assez fine et légère, elle même en revanche, était bien plus... dense. Et devoir porter à bouts de bras celle ci lui faisait perler quelques gouttes de sueur tant l'effort était taxant. Mais au moins récoltait il son sourire, et un long baiser à la toute fin.
De là, ils retournèrent au banquet, afin d'étancher leur soif, de se remettre en forme, assister au toast du duc présent en personne, entouré de sa famille au complet, dont eux deux, puis chacun de filer dans son coin. Lyam et sa moitié parmi les invités, Arutha et son épouse s'intéressant aux chevaliers et officiers présents, Carline, de s'attribuer le titre de demoiselle de la soirée, alors que pourtant mariée... Mais c'était Carline. On ne pouvait rien y faire. Et son époux de taper dans les fours avec ses semblables, marchands ou notables locaux. Quand à lui même et sa géante... Ils filaient à leurs tournois respectifs ! Pas besoin de s'occuper des enfants, ils avaient des nourrices pour ça.
C'est donc motivée que Mme Gausser s'en alla se jeter dans la mêlée de l'après midi, jetant au sol ici un capitaine ostlandais, là un paladin de Morr au visage à moitié déchiqueté, ici un oriental recouvert de tissus, ou plus loin ce musicien méridional de tout à l'heure revêtu d'un gambison, pour tout de même mordre la poussière.
Finalement, le ''champion'' surprise, l'inconnu que le vainqueur aurait à affronter, se révéla être un chevalier bretonnien blond... Qui vint lui aussi mordre la poussière après avoir été sauvagement été martelé sur le heaume.... Elle devenait une nouvelle fois victorieuse. Heureusement qu'elle ne participait pas tous les ans, sinon l'industrie des paris aurait fermée depuis longtemps.
Quand à lui même, débarrassé de son veston, il termina torse nu, dans le cercle de sable, lieu ô combien familier, où les duels auraient lieux. Son premier adversaire, un bambin dont il coulait encore du lait par le nez, fut envoyé doucement hors du ring par le maître chasseur. Inutile de trop le ridiculiser devant ses copains et son aimée. Il lui avait permis quelques touches, pour sauver l'honneur, avant de l’éliminer élégamment.
Suivi un jeune acolyte ulricain, pressé de faire ses preuves, vite envoyé bouler après quelques poings échangés.
Le tribal taalite qui suivit, du Sud, se révéla être un adversaire plus coriace.... Mais pas assez. Il manquait de technique face au baroudeur qui avait vu du pays qu'il était.
En demi finale, il eu la surprise de voir une nonne. Douteux, il échangea un regard vers le jury arbitrant les match, pour recevoir un signe de tête que oui, en effet ,c'était son adversaire. La sigmarite était arrivée là par la seule force non pas de son verbe mais de ses poings. Pris de doutes, il manqua d'être bousculé hors du cercle au premier choc entre les combattants, l'adversaire ayant essayée de le plaquer d'un coup d'épaule et ensuite le jeter hors du cercle.
Un solide coup de coude dans le dos suffit à la pauvre nonne de Sigmar de lâcher prise, tandis que lui même se rétablissait.
Quelques respirations plus tard, elle retentait l'aventure... Mais il était paré, cette fois ci. Il esquiva habilement pour lui faire un croche pied, la faire chuter, saisir celle ci par derrière, et la jeter hors du cercle de sable. Une épreuve de force et d'habilités, plus que de technique finalement.
Finalement, le finaliste se révéla être un elfe. Un danseur de guerre, de Loec, s'il se souvenait bien de ce que Aalcaas lui avait raconté sur leurs dieux.
Celui ci manqua de l'envoyer
ad patres au premier échange en le surprenant par un jeu de jambes, et non de bras. Le longue vie lui heurta violemment la tempe d'un coup de pied circulaire, duquel il ne s'en sorti qu'en plongeant sur le côté. Mais le bougre était rapide car Martin pu sentir l'air près de son oreille être fendu, et le cartilage de celle ci brièvement mordu par un ongle de pied. Il s'en sortait, mais avec quelques étoiles dansant sous ses yeux à l'échange suivant. Pour la suite, son adversaire esquiva les coups qu'il essaya de lui porter, tout en répondant avec violence à ses assauts, usant et fatiguant le nordlander toujours un peu plus, le poussant dans ses retranchements.
Voyant son endurance attaquée, son souffle qui venait à manquer, le nordique tenta autre chose ; en feignant une faiblesse dans sa garde, invitant un coup d'estoc à venir le cueillir dans le plexus. Un coup vint, d'estoc, effectivement... Mais qui avait été anticipé, pour la plus grande joie des commentateurs sportifs dans l'assemblée. Non pas paré mais saisit, figurez vous. La jambe qui prévoyait de frapper au torse n'eut que du vide à manger, car le chasseur s'était décaler légèrement d'un coup de hanche, pour ensuite venir coller son bras contre la jambe de l'attaquant et la plaquer contre son ventre.
Sous son bras, le membre de l'ennemi était coincé. Immobilisé, l'adversaire se retrouvait privé d'un de ses grands atouts.... Sans pour autant être sans défense puisqu'il tenta une violente balayette de l'autre jambe pour venir percuter avec force le crâne du lutteur sur l'oreille.
Manœuvre qui avait été anticipée, puisque c'eut été exactement ce que Martin aurait tenté de faire dans une situation similaire. De son avant bras gauche, il s'était gardé de la tentative d'évasion, interposé à temps... Mais non sans que la violence du coup de lui lance des fourmis dans le bras.... C'en était néanmoins fini de l'elfe, qui avait perdu ses appuis, et que Martin vint violemment cueillir au ventre, avant de plaquer sous lui, de tout son poids, l'opposant, jusqu'à ce que l'arbitre ne sonne la victoire ou que l'elfe ne tombe dans les vapes. Elfe qui tentait de se dégager par des coups de coudes, manquant de force, dans les cottes du nordlandeur, mais aussi de lui arracher l'oreille ou le nez à coups de dents. Toujours en vain. La position dans laquelle était le baroudeur était trop bonne pour cela.
Les secondes s'écoulèrent, et finalement le longues oreilles, qui, au ''tâté'', se révélait être
une longues oreilles, avait été éliminée durement.
On lui donna des claques dans le dos, pour le féliciter de son exploit lors de ce dernier combat...Et une baffe, aussi. Son épouse, qui n'en avait pas perdue une miette, et l'avait vu trifouiller son adversaire vers la fin du match. Elle savait ce qui l'en était, mais n'avait pas résisté à l'occasion de le titiller sur ça. Et lui de lui pincer la joue en réponse pour lui rappelle qu'elle s'était quand même rincée l’œil sur le musicien, lorsqu'elle lui avait déchiquetée son gambison ''malencontreusement''.
Pas de réponse, il avait vu juste.
Puis d'être frappé à nouveau dans le dos alors qu'ils étaient en couple.... Ah.
C'était Aalcaas et son épouse, son ancienne compagne, dans les Pâles Sœurs.
Il avait frappé fort. Et l'elfe à ses côtés avait les yeux pétillants. Ça sentait mauvais pour lui.
Une bonne intuition puisque Aalcaas lui révéla par la suite que la danseuse de guerre qu'il avait envoyée dans les vapes était une cousine. Et de le féliciter pour lui avoir mis un peu de plomb dans le crâne ?
Il aurait souhaité en savoir plus sur cette étrange annonce, mais on l'enleva à cette vieille compagnie, pour le porter en vainqueur des luttes de cette année. Et de l'entretenir aux petits soins pour le match de fermeture du tournoi, qui aurait lieu en soirée, à la lumière des torches, dans l'arène cette fois ci. Un nom pompeux, en réalité, pour le terrain d'entraînement de la garnison, où une palissade était installée, surmontée d'estrades.
Chaque année, un bourgeois de Neues Emskrank amenait à Hargendorf un nouveau ''champion surprise''. Et il lui arrivait d'agréablement surprendre les locaux par l'exotisme de ses importations, par la qualité de celles ci ou simplement leur nature même. Jusque là on avait eu un tueur nain, un ours dressé, qui n'avait fait que mordiller le crâne du pauvre lutteur ayant eu à l'affronter, un mercenaire norse, qui avait envoyé chez les shayléennes son adversaire, un ogre, qui avait été finalement interdit de participation après avoir mangé l'un des lévriers du duc, et un bébé troll, dressé, qui se contenta de fracasser le bras du champion de l'année dernière. Sa bile n'était pas encore assez toxique pour être un véritable danger. Mais elle était en revanche très humiliante.
Sauf que pour cette année.... La surprise allait procurer un grand frisson au favori local, Martin lui même, car le défi à relever allait être à nul autre pareil.... Une montagne de muscles ! Récupérée dans les arènes de combat de Nuln, après une ''folie collective'' à l'échelle entière de la cité, où les citadins s'étaient mis à voir des rats parlant partout... Une haute créature, à la très forte dentition, et dont le cris de guerre vint faire douter Martin sur ses propres chances de succès..... Lorsque délivrée de ses entraves pour entrer dans l'arène improvisée, illuminée à la lumière des torches, la créature scanda un lourd et terrible ''
[a]WHAAAAAAAAAAAAAAAAAAG !!![/a]''.
Un orque. Un orque noir. Un putain d'orque noir au crâne de fer. On lui faisait combattre une machine à tuer, à mains nues. Ils étaient dingues. Fous. Tarés. Nordiques.
Et c'est d'un cris surgissant du fond du cœur qu'il répondit au rugissement de défi de la bête, en s'élançant dans toute sa témérité vers le péril vert comme Sigmar en personne....