[Katarina] Antonlied

Nuln est la seconde ville de l’Empire et du Reikland. Nuln centralise tout le commerce du sud, c’est là que convergent les voyageurs du Wissenland, du Stirland, d’Averland et des régions plus à l’est. Nuln est le siège de l’Ecole Impériale d’Artillerie, où les canons sont fondus et où les artilleurs apprennent la balistique. Ils y étudient les nombreux problèmes pratiques liés au déplacement et à la mise en œuvre des pièces d’artillerie. Grâce à leurs efforts, l’Empire bénéficie d’un vaste et efficace corps d’artillerie, de loin supérieur à tous ceux des pays frontaliers.

Modérateur : Equipe MJ

Répondre
Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 936
Autres comptes : Armand de Lyrie

[Katarina] Antonlied

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

♫ « Quand le peuple demandera,
Quand le peuple demandera,
Quand le peuple demandera,
Anton est-il encore de ce monde ?

Vous pourrez leur dire,
Vous pourrez leur dire,
Vous pourrez leur dire,
Oui il est encore en vie !

Il n’est pendu à aucun arbre !
Il n’est pendu à aucune corde !
Il est pendu à son rêve,
De la République libre ! » ♪




Bezahltag 25. Vorgeheim 2512.
Nuln, Reikplatz.




Tout au centre de Nuln, il y a un arbre. Un immense orme de quarante mètres de haut, son tronc épais comme une chaumière, ses branchages formant des spirales s’élevant dans le ciel. C’est un arbre ancien, couvert de rainures, réputé être aussi ancien que la ville elle-même. L’orme a survécu à tout, aux guerres civiles, aux incendies, à l’invasion de Peaux-Vertes. Il se dresse au milieu d’une grande place, assez large pour accueillir des milliers de spectateurs. En journée, on y trouve des dizaines de crieurs et publicitaires. En temps de guerre, c’est là que les régiments militaires du comté de Nuln défilent. Tout autour de l’esplanade, s’étendent des avenues pavées menant là à l’Université, là à l’Hôtel de ville — l’Orme Deutz se situe à l’épicentre exact de sa ville. Plus que la statue de Magnus le Pieux à cheval scintillant de bronze, plus que les dizaines de drapeaux représentant les territoires et les dynasties régnantes, c’est cet arbre qui montre la permanence absolue de la cité. Son histoire est inscrite dans ces bras sylvains, qui ont vu tant de princes, de truands, de vagabonds, de lecteurs se succéder de génération en génération au fil des âges et de millénaires d’histoire commune.

Ce matin, alors que le soleil commençait à tout juste s’élever et faire scintiller ses rayons sur l’eau sale et verdâtre de l’Aver et du Reik se mélangeant, des charpentiers sont arrivés, en tirant avec eux mulets et ânes tractant du matériel derrière. Après avoir partagé ensemble un café mal filtré, les artisans, des gaillards de tous les âges, se mirent au boulot sous le regard autoritaire de leur maître d’œuvre. On entendit alors des coups de marteaux, des sifflets, des bruits de scie et de métal. Ils dressèrent une grande plate-forme pré-découpée, mais eurent plus de mal à réadapter les gradins qui entoureraient la scène. Ils préparaient les loges et la fosse pour un grand spectacle, qui attirerait un grand nombre de Nulner, et surtout, des invités de marque ayant fait le voyage des quatre coins du Wissenland — quand bien même Nuln n’était pas la capitale du-dit Wissenland, la comtesse Emmanuelle aimait entretenir l’idée reçue, car elle finirait bien par devenir vraie. Aujourd’hui allait être une grande journée pour l’histoire récente de la ville et de son territoire limitrophe. Mais si l’orme pouvait écrire, sans doute ne percevrait-il qu’une petite anecdote à insérer en bas de page de ses souvenirs portant si loin.





Katarina von Gildenspiegel s’était éveillée dans son lit du Marteau du Feu Noir, une maison d’hôtes située tout au sud du district Kaufmann — c’est-à-dire le quartier marchand de la ville, une sorte d’excroissance récente de la Vieille Ville, située dans une sorte de grande plaine sous le promontoire et les hauteurs de l’esplanade comtale. Ici demeuraient de riches bourgeois, des fonctionnaires huppés, des gens des métiers qui avaient réussi, quantité de gens de la classe moyenne supérieure et aisée ; ils profitaient de jolis petits parcs, de squares publics remplis de statues et de fontaines, de magasins de luxe et d’épiceries fines, et, à l’étage de l’auberge, on avait en plus une vue magnifique sur l’Aver et des centaines de mouettes volant bruyamment dans tous les sens. C’était coquet, mais kitsch aussi, et quand on avait un nom à particule, on se sentait qu’on était pas totalement à sa place au milieu de ces ambitieux qui rêvaient probablement tous d’intégrer la noblesse de cloche à force de demeurer sous le rocher de la comtesse.

Que la chambre d’hôte qu’elle payait était belle ! Un grand lit douillet à deux places débordant de draps à la trame fine et douce, d’imposantes armoires élaborées et vernies, des sanitaires et une baignoire personnelle, reliés au tout-à-l’égout et même à l’eau-chaude courante (Le miracle de l’ingénierie moderne !), et, aux murs, quelques tableaux de nature morte, peints par de jeunes artistes, maestros en devenir des collèges d’arts de la cité. Profitant de la pension complète, Katarina avait droit à trois repas par jour, toujours complété de viennoiseries, et de champagne de Gisoreux, en plus de bénéficier du service de blanchisserie qui lui permettait d’avoir constamment des vêtements propres et éclatants, parmi le trousseau qu’elle avait pu amener avec elle dans sa fugue.

L’arithmétique ne jouait pas en sa faveur. Elle possédait encore trois couronnes d’or, après avoir tout dépensé le reste en toilettes, en gages pour le transport et son installation, et puis, en quelques cadeaux auprès de nouvelles personnes rencontrées, pour espérer gagner des faveurs. Au temps où elle était avec son époux, il était encore facile d’obtenir des liquidités — le gros Strasser n’était jamais à sec, en plus de toujours mettre la main à sa bourse quand sa rousse lui faisait des yeux doux. Mais maintenant, elle payait sa nuitée quatre pistoles comptant, sans compter les extras. Évidemment, personne n’avait l’impolitesse de venir lui réclamer quotidiennement le magot, mais son ardoise commençait à douloureusement grossir.
Les comptes étaient nets : dans quinze nuits, elle serait à sec. Dans deux semaines à peine, plus rien, nada, quetchi, plus un rond. Juste ses robes et ses affaires sur les bras. Il commençait à être urgent de trouver une solution, c’était une importance quasiment vitale. Et évidemment, une réputation de mauvaise payeuse expulsable, on ne s’en remettait absolument jamais. De quoi angoisser sombrement. On comprenait mieux pourquoi Fygen se poudrait constamment le nez de Délice de Ranald, dès qu’elle le pouvait. Le problème c’est qu’après elle ne pouvait pas s’empêcher de l’ouvrir et de piailler sans discontinuer, mais au moins, elle arrêtait de contaminer tout le monde avec son cafard.


Pas le temps de penser à ça, aujourd’hui. Katarina avait la chance d’être invitée, dans une tribune ! Évidemment dans les sièges du fond, cachée dans un coin, mais elle allait pouvoir être au milieu de la noblesse officielle de Nuln, et ça, c’était déjà énorme. Combien de fois par an Emmanuelle sortait de son palais de l’Aldig pour se rendre en ville ? Deux ou trois dizaines de jours sur quatre-cents l’année, ça marquait le coup. Et en convoquant la noblesse du Wissenland, en plus — il y allait avoir un tas de nobles crottés venus de la campagne. En espérant que son mari ne fasse pas partie du contingent, mais a priori il n’y avait pas trop de risques, d’après les dernières rumeurs Strasser était actuellement à Altdorf, à des centaines de kilomètres de là, pour un travail qu’on lui avait confié.
Seul problème, il allait falloir se coltiner un pot de colle. En priant pour que Fygen soit libre pour la tirer d’un éventuel faux-pas…




Le chemin jusqu’à la Reikplatz n’était pas spécialement long, mais il fallait subir l’humiliation de le faire à pied. Nul carrosse ne l’attendait dehors, une fois habillée selon son goût. C’était avec ses propres souliers qu’il fallait remonter l’Avenue-aux-Commerces et ses mille pas, en ligne droite, jusqu’à l’hôtel de ville. Un chemin au milieu du bruit, du tumulte de la foule et de l’agitation typique d’une cité de soixante mille habitants. Collée au bord du trottoir, elle devait esquiver les charrettes à bras et les chariots de marchandises, et se retrouver au milieu des cris d’enfants, de marchands ambulants, ou de démagogues essayant de semer des rumeurs dans les esprits des passants crédules qui s’arrêtaient. Chacun allait à son travail ou à son loisir, et en cette cité, on pouvait, en traversant simplement une rue, voir du coin de l’œil le destin mêlé de dizaines d’âmes trop pressées.

Tout se calmait soudain en approchant de l’hôtel de ville. L’ambiance devenait plus morne. Il y avait un brouhaha ambiant, et beaucoup de policiers en uniforme, des costauds qui dirigeaient les curieux qui voulaient intégrer la fosse et se trouver un siège pour assister au spectacle. Attendant parmi eux, Katarina tenta de se frayer docilement un petit chemin, avant d’être arrêtée devant un gros costaud en uniforme noir, insigne de fer clinquant sur son poitrail, qui l’empêcha de continuer en montrant la paume de la main.

« Hop hop hop ma p’tite dame, on s’arrête là. »

Elle tendit son invitation. Le policier lit le papier en mimant les mots avec ses lèvres, preuve qu’il avait dû devenir alphabétisé sur le tard. Il zieuta avec insistance la rouquine devant lui, soit parce qu’il se rinçait l’œil, soit parce qu’il évaluait si elle représentait une menace pour la sécurité de l’événement. Après l’avoir bien dévisagée presque une bonne minute, il rendit l’invitation, et sèchement, il décria :

« Tribune tout au fond à gauche, dernier banc, madmoi’zelle. »

Et ainsi, sans même une escorte, sans même être guidée, elle se retrouva un peu hagarde au milieu de la Reikplatz et son tas de gens marchant dans tous les sens. C’est un valet qui, la voyant un peu paumée, vola à sa rescousse en s’approchant et en lui faisant un signe dédaigneux et pressant de la main, l’incitant à aller plus vite. C’est ainsi donc que l’on traitait une dame qui n’était pas tout à fait de la cour. Et c’est ainsi qu’elle se retrouva au milieu de ses congénères dans une tribune pleine à craquer d’hommes et de femmes beaux et bien parés, mais considérablement maltraités…


La richesse et le prestige d’un prince se mesure à la qualité et au nombre de ses suiveurs. Et la comtesse Emmanuelle II von Liebwitz, Grande-comtesse de Nuln, comtesse du Wissenland, duchesse de Meissen, protectrice du Sol, aimait prétendre être l’une des plus grandes princesses de l’Empire. Sa cour était immense, composée de centaines de serviteurs, courtisans et courtisanes, fonctionnaires au service personnel de sa maison et membres de son conseil qui venaient avec leurs propres domesticité. Lorsqu’on avait sa faveur, et qu’on s’affichait près d’elle, on pouvait bénéficier pour soi et pour les siens de places importantes dans l’armée, l’appareil administratif ou les propriétés de l’opulente maison von Liebwitz — de même que perdre cette même faveur pouvait signifier la banqueroute, ou le cachot. La comtesse produisait mille jaloux, et dix fois plus de soupirants, à chaque instant. Et quel plus beau délice que d’entretenir ces-dits soupirants ? À son grand dam, Katarina en faisait partie.

Aucune cour ne se déplaçait sans ses rats. Nobles nés-sans-le-sou, enfants puînés déçus, bâtards à l’héritage incertain, charlatants se parant de titres invérifiables, mercanti et représentants d’affaires marchandes rêvant d’obtenir un brevet, militaires sans affectations, jolies dames prêtes à offrir leur âme à un époux bien élevé, ou leur corps à un aristocrate qui compte… Tout ce beau monde suivait partout Emmanuelle, sans accéder à ses appartements et ses lieux privés, se contenant de zoner tels des racailles dans les jardins et les halls d’apparat, à profiter de l’éclat des festivités et les largesses mondaines de la comtesse — mais surtout à poireauter en attendant d’espérer se faire remarquer ou qu’une pétition permette d’accéder à un niveau plus proche de la grande comtesse, comme par exemple son escalier, ou son écurie. Tous étaient persuadés de ne rester là que quelques temps, quelques mois au pire, mais on pouvait passer des années dans cette fange semi-nobiliaire — si on n’abandonnait pas, dégoûté par l’horreur de la cour, bien avant.

Voilà pour quoi la dame de Gildenspiegel avait quitté époux, famille, et campagne natale. Et alors qu’elle grimpait les marches, passant devant ces visages qui commençaient pour certains à être connus, elle finirait par tomber sur celui qui était à l’origine de son invitation. Cela ne manqua pas : tout au bout de la tribune, le pot de colle bondit à moitié sur son banc, un grand sourire un peu niais sur sa trogne, alors qu’il faisait des gestuelles de la main pas discrètes pour que Katarina vienne à lui. Impossible d’y échapper, maintenant, il fallait se planter juste devant lui…
Image


Lorenz zu Gerthener, son nouveau « meilleur ami » depuis une soirée où il avait été incapable de lui lâcher la jambe. Troisième fils d’une dynastie noble du comté de Nuln (Mais pas Nuln intramuros, il venait d’un bled pas très loin du bourg de Zecher…), sa famille n’était ni très riche, ni très influente, mais qui avait un pedigree qui lui permettait de bien porter l’épée à sa ceinture. Il avait quitté la vie d’un semi-campagnard pantouflard et échappé à la carrière ecclésiastique en se retrouvant à Nuln, persuadé sûrement qu’il était que son nom de famille qui le faisait compter parmi les vassaux de la comtesse lui offrirait une place de choix — le jeune homme avait de quoi être déçu. Mais visiblement, il n’était pas totalement un escroc, puisque ses lettres envoyées au chambellan de la comtesse permettaient encore d’obtenir une place de choix dans une tribune pour un événement exceptionnel. C’était donc une relation à entretenir.

« Ma demoiselle, comment allez-vous ce jour, avez-vous fait bonne route ? »

Il était plein de manières et de galanteries, alors qu’il se penchait pour lui baiser la main. Évidemment, sa galanterie ne s’étendait pas au fait de venir à la chambre d’hôtel de Katarina pour l’accompagner comme un bon gentleman, mais il fallait voir si l’impair méritait d’être relevé…

Alors qu’il s’écartait pour laisser Katarina s’installer, la rousse découvrit qui serait l’autre bonhomme qui serait à sa gauche. Muet comme une tombe, et franchement malpoli, le petit gaillard avec beaucoup trop de cheveux sur sa tête ne lui dit même pas un « bonjour » et se contenta d’un signe de la tête, avant de se concentrer sur sa tache actuelle : il avait sur ses jambes un grand cahier plan, et il était en train de dessiner l’immense orme et l’estrade en contrebas au fusain.
Il dessinait bien.
Image


Mais alors que Katarina eut à peine commencé à zieuter au-dessus de l’épaule de ce bonhomme, voilà que le pot-de-colle se mettait encore à pailler :

« Quelle occasion macabre de vous revoir, ma demoiselle. Attention, cela risque d’être violent — je vous conseille de vous cacher les yeux, et je pourrai couvrir vos oreilles si vous le souhaitez. »

L’homme en train de dessiner pouffa de rire pas très discrètement. Plus bas, Katarina crut reconnaître Fygen en train de s’installer avec son copain du moment — elle était d’une compagnie plus agréable, tout de suite. Bâtarde d’un noble de cloche, désavouée par sa belle-mère, c’était une femme élégante, jeune et maline, même si elle était complètement bipolaire et alternait toujours d’une émotion à une autre. Sans doute serait-elle une compagnie plus agréable, si on pouvait sécuriser une place quelques rangs plus bas, mais difficile de fausser compagnie au bonhomme qui était là grâce à elle…



Tout ce beau monde se trouvait réuni en ce jour glorieux pour une raison très sanglante :

Aujourd’hui allait être exécuté un criminel Sudenlander. Un rat tueur de collecteurs d’impôts vomi de cette contrée semi-païenne qu’était le Vieux Solland, un pays barbare et arriéré redécoupé de toutes pièces par acte unilatéral de l’immense Empereur Magnus, il y a deux siècles de ça.
Sur l’estrade, on avait placé une grosse roue posée sur un socle de pierre, sur lequel on le torturerait. Un châtiment cruel, long, d’un autre âge. Il était étonnant qu’une personne moderne et éclairée comme la comtesse puisse ordonner tel supplice, mais elle faisait bien ce qu’elle voulait…

Jet d’observation : 15, échec
Jet de perception : 18, échec
Jet de connaissances générales (Actualités) : 17, échec.
Image

Avatar du membre
Katarina von Gildenspiegel
PJ
Messages : 40

Re: [Katarina] Antonlied

Message par Katarina von Gildenspiegel »

Katarina se réveilla doucement dans le grand lit douillet de sa chambre d’hôtes au Marteau du Feu Noir, un établissement élégant situé dans le quartier marchand de Nuln. Les rayons dorés du soleil matinal perçaient à travers les rideaux, jetant une lumière chaude sur la pièce, révélant l’opulence discrète qui l'entourait. Les draps fins, presque soyeux, semblaient l'inviter à rester encore un peu, mais elle savait que la journée serait importante, une occasion de se rappeler à l’esprit des grands de la ville.

Elle se redressa avec grâce, ses mouvements mesurés trahissant l’élégance innée de sa noblesse, même si ses moyens étaient désormais réduits. Autour d’elle, les armoires imposantes, les sanitaires modernes, et même la baignoire personnelle, signes de confort qu'elle n'aurait pas pu se permettre sans la pension complète, rappelaient que son séjour ici était temporaire, tout comme le luxe qui l’entourait. Ses doigts glissèrent machinalement sur le collier qu’elle portait toujours au cou, un simple mais précieux souvenir de son statut.

Elle se dirigea lentement vers l'une des grandes armoires vernies et en ouvrit les portes avec soin. À l’intérieur, ses effets personnels étaient soigneusement rangés. Elle n’avait pas le luxe de choisir entre plusieurs tenues. Une seule robe de cour lui restait, une tenue qu’elle avait autrefois portée avec fierté lors de bals et de réceptions, entourée de l’élite de l’Empire. La robe était magnifique, d’un pourpre profonde, brodée de fils d'or, bien qu’un œil averti aurait pu discerner les signes subtils de son âge : une couture légèrement effilochée ici, une teinte un peu passée là.

Katarina prit la robe et la déposa délicatement sur le lit. Elle la passa lentement, appréciant le contact du tissu contre sa peau, se remémorant le temps où elle pouvait choisir parmi des dizaines de tenues, où l’argent semblait couler encore à flots au sein de sa famille. Maintenant, il lui restait trois couronnes d’or, et quinze jours avant que sa situation ne devienne critique.

Elle se tourna ensuite vers le miroir en pied, accroché sur le mur près de la fenêtre. Le miroir renvoya l'image d'une femme toujours belle, mais dont les yeux laissaient deviner la dure réalité de sa situation. Elle prit un moment pour arranger sa chevelure rousse, la coiffant avec soin. L'image qu'elle projetait était tout ce qui lui restait pour maintenir son rang dans une ville où l’apparence dictait la valeur.

Après avoir vérifié une dernière fois son apparence, elle se munit de son éventail, un accessoire simple, mais élégant, utile autant pour se rafraîchir que pour dissimuler une émotion indésirable. Enfin, elle passa son doigt sur l'anneau familial qu'elle portait à sa main droite. Ce bijou, discret mais chargé de sens, était le dernier vestige tangible de son appartenance à la noblesse. L’abandonner signifierait perdre bien plus que du métal et des pierres précieuses : ce serait renoncé à son nom, à son identité.

Prête à affronter le monde, Katarina quitta sa chambre. Descendant les escaliers de l’auberge, elle ne put s’empêcher de ressentir un pincement d’angoisse. Elle savait que chaque jour qui passait la rapprochait un peu plus du moment où elle serait à sec. Mais aujourd'hui, elle n’avait pas le temps de penser à cela. Elle devait se rendre à la Reikplatz pour assister à un événement des plus importants, une occasion rare de se faire remarquer par la noblesse de Nuln. Peut-être que, là-bas, elle trouverait une solution à ses problèmes croissants.

Lorsqu'elle sortit de l’auberge, le tumulte du district marchand l’enveloppa immédiatement. Elle marcha d’un pas assuré le long de l’Avenue-aux-Commerces, s'efforçant d'ignorer l'humiliation de se déplacer à pied, parmi le bruit des charrettes, les cris des marchands, et l’agitation de la foule. Ses souliers claquaient sur les pavés, chaque pas résonnant comme une affirmation de sa présence, de son importance, malgré la modestie de ses moyens actuels.

Enfin, la Reikplatz apparut devant elle, dominée par l’imposant orme Deutz. La foule était déjà dense, mais Katarina ne la voyait pas vraiment. Son regard était fixé sur l’estrade dressée en contrebas, là où elle savait que l’histoire allait s’écrire sous ses yeux. Elle s’approcha de l’entrée des tribunes, son invitation à la main, son visage impassible. Elle ne pouvait pas se permettre de montrer la moindre faiblesse. Ici, elle devait être vue comme Katarina von Gildenspiegel, une noble dame qui avait toute sa place parmi l’élite de Nuln.


La foule se pressait autour de la Reikplatz, une mer de visages impatients et de murmures animés. Katarina avança, se frayant un chemin avec la grâce qui lui était propre, mais son esprit était agité. Elle avait bien conscience que l’apparence était la clé de sa survie dans ce monde où l’argent et l’influence faisaient la loi. Malgré la précarité de sa situation, elle devait maintenir une façade impeccable.
Arrivée près de la Reikplatz, l'atmosphère changea. Le brouhaha de la ville s'estompa légèrement, remplacé par une tension palpable dans l'air. Les policiers en uniforme, postés à intervalles réguliers, dirigeaient la foule de spectateurs vers leurs places. Katarina tendit son invitation à l'un d'eux, un homme à l'allure bourrue qui prit un temps exagérément long pour lire le document. Elle le fixa, ses yeux verts brillants d’une impatience qu’elle s'efforçait de contenir. Lorsqu'il lui rendit l'invitation et l’orienta d'un ton sec vers la tribune adéquat, elle répondit par un léger hochement de tête, une expression neutre figée sur son visage. À l’intérieur, pourtant, elle bouillonnait.

Une fois sur la place, entourée d’une mer de visages, Katarina se sentit prise d’une vague de mépris pour ces gens ordinaires. Mais elle savait que ce mépris devait être soigneusement caché, dissimulé sous un masque de calme et de contrôle. C’était là tout l’art de la cour : cacher ses véritables sentiments derrière une façade impeccablement construite.

En arrivant à la tribune, elle découvrit son emplacement grâce a un valet dédaigneux. Mais elle était déterminée à ne pas se laisser abattre par cette attitude. Elle se dirigeat avec une dignité mesurée, ses gestes précis et calculés pour donner l’impression qu’elle était parfaitement à l’aise, même si le fait d'être isolée parmis toute cette foule la mettait mal a l'aise.

Montant les marches de la tribune, elle aperçut Lorenz zu Gerthener, un sourire niais aux lèvres, agitant la main pour attirer son attention. Elle réprima un soupir. Il était un moyen pour elle d’accéder à cet événement, mais il manquais parfois de subtilité. Mais aujourd’hui, elle jouerait son rôle avec perfection, utilisant chaque interaction, chaque regard, pour renforcer sa position, pour rappeler à tous ceux qui l’observaient qu’elle était une von Gildenspiegel, une femme de noblesse, même si les circonstances la forçaient temporairement à jouer un jeu plus subtil.

S’installant à côté de Lorenz, elle lui offrit un sourire contrôlé, acceptant son baiser sur sa main avec une grâce étudiée.

« La route fut agréable, merci.»

Répondit-elle avec une douceur feinte. Puis, se tournant légèrement, elle laissa son regard balayer l’estrade en contrebas, là où le condamné serait bientôt exposé à la foule. Une exécution publique était un acte de pouvoir, une démonstration de la justice implacable de la comtesse. Katarina savait que ce spectacle n'était pas seulement une affaire de vie ou de mort pour l’homme qui serait supplicié, mais un terrain de jeu pour ceux qui cherchaient à gravir les échelons du pouvoir.

Elle observa brièvement l'homme à sa gauche, concentré sur son dessin. Il l'ignora presque totalement, mais cela ne l’importait pas. Son attention était ailleurs, focalisée sur le véritable but de sa présence ici : se rappeler que, même dans la tourmente, elle devait rester maîtresse de son destin. Tout en observant les préparatifs sur l’estrade, elle se répéta que chaque sourire, chaque regard échangé aujourd'hui, était un pas vers une possible situation meilleure, une sortie de ce piège qu’était devenue sa vie.

Lorenz, toujours aussi empressé, essaya de la protéger avec des paroles réconfortantes mais maladroites. Katarina, un sourire poli aux lèvres, secoua doucement la tête.

"Je vous remercie, mon cher, mais je me dois d’assister à cela sans ciller. Après tout, il s’agit de la justice de notre comtesse, n’est-ce pas ?"

Sa voix, bien que douce, était empreinte d’une fermeté qui ne laissait pas place à la discussion. Elle devait prouver qu’elle était forte, même si le spectacle pourrait être atroce.

En bas, elle aperçut Fygen, qui prenait place avec son compagnon du moment. Katarina eut un instant d'envie, se demandant si elle aurait dû se joindre à elle, plus loin de la scène, dans une compagnie peut-être plus frivole mais assurément plus détendue. Mais elle était là, maintenant, avec Lorenz et ce dessinateur taciturne, et elle ne pouvait plus reculer, les convenances étaient ainsi.

Elle observa les lieux avec une attention prudente, son esprit se tournant vers la façon dont elle pourrait tirer parti de cette situation. L’exécution serait l'occasion de mieux cerner les personnes présentes, d'observer les réactions et, surtout, de trouver une opportunité pour renforcer ses relations sociales. Ses pensées étaient tournées vers l’avenir, cherchant désespérément à transformer cette journée macabre en une chance pour son propre avantage.
Alors que la scène se déployait devant elle, Katarina ajusta son éventail et prit une profonde inspiration. Elle était déterminée à rester implacable, à ne pas montrer l'ombre d'une faiblesse. C’était une danse délicate entre l’apparence et la réalité, et aujourd'hui plus que jamais, elle devait exceller dans cette performance.

Katarina observa l’agitation sur la place, ses yeux se posant sur la grande roue en bois posée sur le socle de pierre, ses pensées s’égarant dans une réflexion plus profonde sur la nature du châtiment qui allait bientôt se dérouler. La brutalité du spectacle à venir, malgré la distance, avait éveillé en elle une curiosité mêlée d'une inquiétude dissimulée sous une façade élégante.

Se tournant légèrement vers Lorenz, elle adoucit son ton tout en le rendant intrigant :

« Mon ami, si vous le permettez, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la nature du crime qui justifie un tel supplice. Le châtiment que nous allons observer, aussi imposant et sévère qu’il puisse paraître, semble tout droit sorti d’une époque révolue. Cela me semble tellement archaïque pour le siècle dans lequel nous vivons. Je me serai attendu a des méthodes avant gardiste avec tous les savants de notre bonne cité. Pourriez-vous m'éclairer sur la faute commise par le condamné ? »

Elle ajouta, avec une touche de sophistication :

« La compréhension de la gravité du délit pourrait certainement offrir un éclairage intéressant sur la sévérité du châtiment qui nous est présenté aujourd’hui.»

Katarina maintint une posture droite, un léger sourire aux lèvres, tout en veillant à ce que son regard conserve une expression à la fois attentive et intéressée, comme si elle était en quête de connaissances précieuses dans un contexte aussi troublant. Elle cherchait ainsi à préserver son image tout en tirant parti de cette situation pour satisfaire son besoin de comprendre ce qui était à l’origine de cet événement, cette exécution était particulière, la comtesse sortait rarement. Et son regard pétillait d'une curiosité qu'elle n'arrivait pas à dissimuler.
Katarina von Gildenspiegel, Voie de l'Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 11 | Int 9 | Ini 8 | Att 8 | Par 8 | Tir 8 | Mag | NA 1 | PV 60/60
Lien https://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.p ... denspiegel

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 936
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Katarina] Antonlied

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Katarina était forte pour faire semblant de mousser Lorenz — mais en même temps, le-dit Lorenz semblait être tellement auto-satisfait des compliments qu’on lui lançait que ce n’était pas non plus un exploit incroyable. Il approuva d’un hochement de tête et de quelques petits mots la réflexion de la rousse sur la justice comtale, et, alors qu’on commençait à poser des questions sur le condamné, le voilà qui leva le menton et prit une voix pleine d’emphase pour décréter la sentence :

« Anton, prétendument von Adeloch, a été condamné par la cour de justice de Wissenburg pour trahison, conspiration, et meurtre de dépositaires de l’autorité publique. c’est un véritable bandit de grand chemin, devenu terriblement influent dans l’Auld Solland, qui a enfin pu être attrapé par nos héroïques patrouilleurs ruraux. Cet ignoble terroriste a agi dans l’ombre pendant des années, sous alias, c’était le fameux « Ava » dont on parlait dans la presse et dans les temples.
Il a réuni mercenaires, argent et saboteurs pour mettre sur pied une prétendue « Armée du Sudenland Libre », qui a bien failli plonger tout le sud de l’Empire dans le chaos suprême. Mais par la grâce de Sigmar et des Dieux, il a été appréhendé. »

Katarina n’ignorait pas ses cours d’histoire. Elle savait que les Ménogoths étaient une vieille tribu qui avait fait partie de la confédération originaire de Sigmar. Qu’ils étaient des guerriers et des semi-nomades pastoraux, vivant dans les vallées des fleuves Sol et Reik et contre les Montagnes Noires. Qu’ils avaient reçu un Croc Runique, s’élevant à la dignité d’Électeurs, et qu’ils fondèrent un royaume intégré à l’Empire qui s’appelait le « Solland » — en l’honneur de leur fleuve, certes, mais aussi en l’honneur de Söll, un Dieu-Soleil vengeur et guerrier qui était un héritage de leurs ancêtres ; c’était là leur déesse préférée, avec Rhya, l’ancienne divinité païenne et sans vrai culte organisé de la flore, de la nature et de la fertilité. Le Solland avait été pendant des millénaires les voisins du Wissenland, parfois alliés, parfois rivaux, parfois ennemis — ils étaient résolument attachés à leurs traditions, et ne s’étaient que relativement métissés avec les Mérogens dont le sang coulait dans les veines de Katarina. Le fait qu’ils prétendent avoir un titre de « Roi », quand le Wissenland n’était dirigé que par un « Comte », voulait après tout tout dire.
Et puis, au tout début du XVIIIe siècle, un terrible Orque, « Gorbad Griffe-en-Fer », parvint à outrepasser les défenses des Impériaux et des Nains, et le Solland saigna. Leur population fut massacrée sans scrupules, la famille royale sacrifiée aux divinités des Peaux-Vertes, leur propre Croc Runique disparu sans laisser de traces — des Nains le retrouvèrent des siècles après et le restituèrent à l’Empereur, et aujourd’hui, il se trouve à la ceinture du Reiksmarschall Kurt Helborg, chef des armées Impériales à Altdorf.
Les Sollander, jetés sur les routes de l’exode, se réfugièrent dans le Wissenland. Ils furent accueillis et protégés, mais en échange, le comte du Wissenland d’alors put faire reconnaître l’annexion du vieux Solland. Et ainsi, tout le sud de l’Empire ne formait qu’une seule et même province.

L’Auld Solland avait été reconstruit, mais des conflits religieux et ethniques refirent surface, et les Sollander paraissaient être des ingrats sans reconnaissance envers leurs protecteurs du Wissenland. Puis, il y eut l’humiliation suprême : Magnus, le plus grand des Empereurs depuis Sigmar, celui qui sauva le monde des hordes venues du nord lors de la bataille de Praag, qui mit fin à un millénaire de guerres civiles, décida de redécouper dans tous les sens moult territoires. Et alors-même que Magnus était né dans la cité-État indépendante de Nuln, il décida de faire renaître pour partie le Solland, un moyen de calmer les revendications des locaux, et aussi de « réparer » un « tort de l’histoire ». En 2305, des morceaux du Wissenland furent détachés pour former une nouvelle grande-province indépendante, et possédant la dignité électorale — mais il la nomma seulement « Sudenland », et non « Solland », pour éviter de trop donner aux plus ultras des indépendantistes.

La création d’une telle province déplut à tout le monde. Les Sudenlander étaient vexés de ne pas avoir pu recouvrir la totalité des terres de l’Auld Solland, qui étaient assez immenses, et d’en plus ne pas posséder de Croc Runique — on leur avait donné du reste les territoires les plus pauvres du Wissenland, même s’ils possèdent des mines hautement stratégiques, notamment d’or, qui permettent d’espérer un développement économique prometteur dans le futur ; surtout, ils avaient pu sécuriser la grande bourgade de Pfeildorf, et le contrôle de la place commerciale de Kreutzhofen, le seul endroit de l’Empire capable de commercer à la fois avec la Bretonnie et la Tilée par-delà des montagnes, et avec un régime fiscal avantageux.

Mais c’étaient les Wissenlander qui étaient les dindons de la farce. Du jour au lendemain, un gros morceau de leur province fut détaché, et des Wissenlander se retrouvèrent sujets du « Grand-Baron » du Sudenland auprès de qui ils durent prêter hommage. La famille von Gildenspiegel datait sa perte de prestige de cette époque — la dynastie fut séparée en deux et une branche cadette reprit les possessions du Sudenland, épousèrent des ex-Sollander, et s’adaptèrent un peu trop facilement à ce nouvel ordre des choses.

Visiblement, avoir arraché injustement une indépendance ne suffisait pas du tout aux Sudenlander. Maintenant, il leur fallait s’attaquer ouvertement aux Wissenlander, et les tuer pour prendre leurs terres…
Du moins, c’était la version de l’histoire que lui racontait son grand frère.


« J'ai des amis à la cour qui l'affirment : fait quelques années que ce Anton von Adeloch sème la panique. On doute même de son prétendu héritage noble ! C’est un ancien diplomate d’Altdorf, malin et retors, et terriblement manipulateur. Il a dévoué des fous et des ambitieux, et il s’est mit à provoquer des attentats et des attaques à la fois contre les Wissenlander du-dehors mais aussi les Wissenlander à l’intérieur de la province du Sudenland. Un homme dangereux, et violent, avec des centaines de couteaux sous ses ordres.
La comtesse ne l’a pas laissé s’en tirer ainsi, et aujourd’hui, il va payer pour ses crimes. »


Des amis à la cour… En fait, toutes les informations que Lorenz venait de donner, on pouvait les lire librement dans le journal. Il était en train de répéter des choses que Katarina n'ignorait pas du tout, mais beaucoup d'hommes aimaient se faire mousser ainsi.
En tout cas, le dessinateur à côté de Katarina continuait de gribouiller. Il grimaçait, trépignait dans son siège. Et alors que personne ne l’avait sonné, il semblerait que Lorenz ait dit un commentaire de trop. Sans lever les yeux de sa planche, le voilà qui lança une petite réflexion à voix haute :

« Ce ne sont pas des agents de la comtesse du Wissenland qui ont appréhendé Anton von Adeloch. Ce sont des chevaliers du Sudenland, au service de la baronne Toppenheimer, qui l’ont pris et offert à Nuln.
Du reste, la comtesse est en train de faire une erreur gravissime avec ce sordide spectacle. Anton von Adeloch était un criminel. Elle va le transformer en martyr. Vous vous apprêtez à voir l’apothéose d’un héros, mein Herr. »


Lorenz fronça des sourcils, et grinça des dents. Mais il fit semblant de ne pas l’écouter, et continua son discours :

« Anton avait décrété que la peur devait changer de camp. Ses hommes ont tué sans discrimination des nobles Wissenlander vivant dans le Sudenland, probablement pour les pousser à quitter le pays ! Et aussi des collecteurs d’impôts, et des officiers du Wissenland au sein de nos frontières. On parle de crimes horribles, d’hommes retrouvés écorchés vifs à des arbres, dans des scènes absolument barbares et sauvages… »

Le dessinateur eut un petit rire narquois. Et à nouveau, le voilà qui défendit le criminel qu’on s’apprêtait à rouer vif :

« Les nobles du Wissenland s’en prennent quasi-quotidiennement au Sudenland. À Altdorf, ils font pression sur la cour pour demander à ce que le Sudenland perde la dignité électorale. Aux frontières, ils installent des colonies dans le pays, bastonnent des Sollander, s’approprient des terres qui ne les appartiennent pas en fabriquant des documents de propriété tirés de leur chapeau.
Du reste, Anton von Adeloch n’est passé à la radicalité que lorsque ses plus proches alliés ont été capturés et torturés dans la prison de Saint Quintus — ou lynchés par des nobles Wissenlander trop zélés. Mais croyez-moi, Anton von Adeloch était un homme raisonnable, chevaleresque, à la bonne éducation urbaine d’Altdorf. Il avait dans sa suite des criminels bien plus durs que lui, des anarchistes et des socialistes, d’anciens ultras de Streissen…
Le Wissenland va pleurer la mort d’Anton, alors qu’aujourd’hui ils vont tous faire les satisfaits de cette journée. Dans quelques années, sinon dans quelques mois, ça va être le chaos. »


Là, ça en était trop. Lorenz, mettant une main sur le pommeau de sa rapière, se mit à vociférer plein de fiel :

« On dirait que vous trouvez des excuses pour un terroriste condamné, monsieur. »

Le dessinateur leva enfin le nez de sa planche. Il fit la moue en regardant l’arme du noble, puis haussa des épaules.

« Je n’excuse personne, je n’ai aucun billet dans ce débat.
Je regarde juste les choses avec pragmatisme. »


Et, pour continuer l’affront, le voilà qui regarda Katarina droit dans les yeux.

« Quelle est l’utilité de tuer un criminel si sa mort va convaincre dix nouvelles personnes de tomber dans la radicalité ?
Les Sudenlander veulent être libres et que leurs frontières soient respectées. La grande-baronne Etelka von Toppenheimer serait prête à collaborer avec Emmanuelle, tellement prête à collaborer qu’elle a fait capturer et rendre à la justice du Wissenland monsieur Anton. Aujourd’hui, nous devrions féliciter les Sudenlander, et pas continuer à tenir des propos qui vont nous mener à l’abysse. »
Jet d'histoire : 7, réussite
Image

Avatar du membre
Katarina von Gildenspiegel
PJ
Messages : 40

Re: [Katarina] Antonlied

Message par Katarina von Gildenspiegel »

Katarina, toujours attentive aux subtilités de la situation, nota immédiatement la tension croissante de Lorenz, dont la main reposait dangereusement sur le pommeau de sa rapière. Cette démonstration de force risquait de faire déraper la conversation vers une confrontation ouverte, une chose qu'elle voulait à tout prix éviter. Après tout, Lorenz avait son utilité, et il valait mieux calmer ses ardeurs avant que la situation ne devienne ingérable.

Elle posa délicatement sa main sur l'avant-bras de Lorenz, un geste à la fois apaisant et subtil, conçu pour le rappeler à la raison sans lui faire perdre la face devant les autres. Elle le regarda droit dans les yeux, ses prunelles exprimant une compréhension complice et une assurance tranquille.

« Lorenz, » dit-elle d'une voix douce mais ferme, « je partage votre frustration, mais rappelez-vous que nous avons ici l'opportunité de montrer notre supériorité non par la lame, mais par la maîtrise de nous-mêmes et de la situation. Il ne s'agit pas seulement de trancher dans le vif, mais de s'assurer de trouver de bon argument a opposer dans un débat courtois. »

Elle maintint le contact visuel un instant de plus, puis retira doucement sa main, espérant que le geste et les mots suffiraient à apaiser son compagnon.Elle croisa les mains devant elle, un geste qui alliait modestie et contrôle, et s'exprima avec une gravité teintée d’une certaine nonchalance.

« Il est indéniable que l'exécution d'Anton von Adeloch pourrait, comme vous le suggérez, enflammer les passions et radicaliser davantage ses partisans. Cependant, n'oublions pas que la clémence, dans ce contexte, n'est pas synonyme de paix pour autant. Une justice perçue comme faible ou complaisante pourrait être encore plus destructrice. Comment expliquer aux victimes, aux nobles dont les intêrets on était menacer, ou aux braves gens que nous avons perdu dans ces querelles que l'homme responsable de tant d'horreurs pourrait échapper au châtiment ultime? Ce serait pour eux un coup de poignard, une trahison.»

Elle marqua une pause, laissant ces mots lourds de sens flotter dans l'air, leur impact résonnant dans le silence qui s'ensuivit. Puis, avec une précision acérée, elle poursuivit.

« Nous devons également considérer les forces en présence au sein même de la cours et des sphères politiques. Les conservateurs, proches du pouvoir, ne voient pas cette exécution simplement comme une question de justice. Pour eux, c'est un acte de souveraineté, une déclaration de force. Ils espèrent que la mort d'Anton von Adeloch servira à rappeler à tous et surtout aux Sudenlander que le Wissenland reste maître de ses terres et de ses lois. Ceux qui prônent une ligne dure ne verraient aucune utilité dans la clémence, bien au contraire. Ils la considéreraient comme un signe de faiblesse, une invitation à plus de révolte et de désordre. »

Katarina inclina légèrement la tête, ses yeux rivés sur l'artiste qui avait osé interrompre Lorenz, analysant ses réactions avec minutie.

« Il est vrai que chaque camp a ses partisans engagés, des deux côtés de cette fracture qui divise notre contrée. Parmi les révolutionnaires, certains ne se satisferont jamais de la simple reconnaissance de leurs droits ; ils voudront toujours plus, jusqu'à ce que le Wissenland soit à genoux devant eux. Et du côté des conservateurs, les plus extrêmes voient cette exécution comme un acte symbolique, un moyen de réaffirmer une suprématie qu'ils estiment naturelle et inaliénable. Pour eux, laisser Anton vivre, même en prison, serait un acte de capitulation. »

Un léger sourire effleura les lèvres de Katarina.

« Ne vous méprenez pas, mein Herr » continua-t-elle en adoucissant légèrement son ton, « je ne plaide pas pour une justice aveugle ou expéditive. Je reconnais que la situation est complexe et que chaque décision comporte des risques. Cependant, nous devons aussi accepter que dans des moments comme celui-ci, l'inaction ou la faiblesse pourraient être perçues comme une invitation à encore plus de chaos. Anton von Adeloch a choisi son camp, et il a mené ses hommes dans une guerre clandestine, semant la mort et la désolation. »

Elle laissa ses mots s’imprégner, sentant que l’attention lui revenait entièrement. Katarina savait que cette intervention pouvait être entendu et c'était une manière pour elle de jauger les forces en présence, de comprendre les dynamiques internes de ce groupe. Si elle était dans l'erreur on la reprendrait. Son regard se fit plus intense alors qu’elle conclut :

« Au final, qu’il s’agisse d’exécuter Anton ou de le laisser pourrir en prison, les conséquences seront inévitables. Les Sudenlander continueront à nourrir leurs rancunes, tout comme les Wissenlander renforceront leur vigilance. Ce que nous devons éviter à tout prix, c’est de permettre à la violence de se justifier par une faiblesse perçue de la part de nos dirigeants. Ne pas punir sévèrement un homme tel qu’Anton, c’est envoyer un message aux ambitieux de chaque camp : qu’ils peuvent agir impunément, tant qu’ils savent jouer de la situation politique. C’est un jeu dangereux, que notre éclairée comtesse et son conseil ne peuvent se permettre. »

Ses dernières paroles résonnèrent dans l’air, et Katarina se tut enfin, laissant les autres digérer l’étendue de sa réflexion.
Katarina von Gildenspiegel, Voie de l'Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 11 | Int 9 | Ini 8 | Att 8 | Par 8 | Tir 8 | Mag | NA 1 | PV 60/60
Lien https://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.p ... denspiegel

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 936
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Katarina] Antonlied

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Lorenz eut un sourire goguenard quand la main de Katarina se posa sur la sienne — et un autre plus agrandit, à pleines dents, alors qu’elle tentait de dérouler son discours. Quelques têtes curieuses, autour d’eux, semblaient effectivement écouter la conversation, mais il était difficile de savoir si parmi ces messieurs-dames, il y avait beaucoup d’approbation.

En tout cas, l’artiste freluquet ne semblait vraiment pas partager les opinions de la rousse. Il se contenta de grimacer, d’un air un peu sardonique, et de lancer une petite pique qui mélangeait le compliment, la courtoisie, et l’insulte bien vilaine :

« Vous avez un très joli écho, meine Herrin. Il est plus agréable que celui qui place ces mots dans votre bouche, mais ce n’est pas pourtant que les mots sont plus réfléchis. »

Lorenz bondit à nouveau à moitié, et il railla à nouveau, bien en colère — ou peut-être simplement parce qu’il voulait faire le bonhomme devant sa cavalière :

« Vous insultez mademoiselle, garçon ! Elle a certes la bonté de donner du crédit à vos répliques, mais je n’aurai pas de patience pour vos manières ! »

L’artiste fit la moue. Il lâcha enfin son crayon au fusain, leva sa main pour afficher sa paume en signe de paix, et il regarda Katarina tout droit dans les yeux pour lui parler plus sincèrement.

« Quand on fait couler le sang, les requins y prennent goût. Et plus on est brutal, plus en retour il faut être brutal pour compenser l’offense. Tous les chemins qui mènent à la guerre civile sont faits ainsi, il suffit d’ouvrir un livre d’Histoire pour s’en rendre compte — la répression amène la violence, la violence encourage la répression, ad nauseam. Le moment où l’on gagne, c’est quand un camp décide de tirer sur les mors du cheval, pour le faire s’arrêter.
J’ose le dire, la comtesse fait une erreur gravissime aujourd’hui. Elle va le regretter. »


Critiquer la comtesse le faisait terriblement entrer dans le domaine du lèse-majesté. Et ce fut remarqué : plusieurs des curieux qui écoutaient faisaient des gros yeux, se retournaient pour observer cet artiste qui se donnait en spectacle. Lorenz trifouilla à nouveau sur sa rapière, en devenant tout rouge.

Pourtant, cette fois-ci, Katarina n’eut pas l’occasion de briller avec un mot d’esprit : une catin lui vola sa réplique. Juste sur le banc de devant, une jolie jeune femme se retourna comme une chouette pour montrer son minois.

Image



Une dame avec des cheveux bruns bien bouclés, et qui était habillée comme un homme — avec un doublet à large col. Elle donnait mauvais genre, on aurait pas toléré que Katarina s’habille comme ça dans sa famille. Pas maquillée, en plus, et se mêlant de discussions d’autrui. Avec une petite voix douce, mais bizarrement rauque, elle lança :

« Ce n’est pas la comtesse qui est à l’origine de cette décision. C’est le tribunal de Wissenburg et ses juges qui ont condamné Anton von Adeloch à mort et au supplice.
Tout au plus, vous pouvez implorer les Dieux ou signer une pétition pour que la comtesse utilise son pouvoir de grâce pour sauver le condamné. Mais justice a été rendu par d’autres qu’elle et en vertu de lois codifiées, quand bien même c’était en son nom. »


L’artiste trouvait une porte de sortie élégante. La jeune femme lui fit même un clin d’œil. L’artiste hocha plusieurs fois de la tête, et se reprit avec une voix élevée, pour se faire entendre des curieux tout autour d’eux :

« Il est regrettable que l’exécution de la sentence d’Anton von Adeloch ait été prononcée si promptement, pour ne pas nous permettre d’adresser nos supplications à Son Altesse Illustrissime — je suis sûr que cette noble femme aurait pu entendre raison ! »

Visiblement, quand même, personne n’aimait entendre de tels propos. L’artiste récoltait des murmures, des dents serrées, des regards en croix. Ça faisait un peu peine à voir — il criait tout seul contre l’événement, et il s’adressait à des Nulner chauffés à blanc. S’il continuait à faire son mariole, il risquait probablement de gros problèmes. Mais bon, c’était à Katarina de voir si elle voulait l’aider ou le laisser s’enfoncer tout seul…



Enfin, pendant tout ce discours, la tribune officielle était en train d’être remplie. Et comme prévu, avaient été invités des grandes familles du Wissenland. Pour le coup, Katarina pouvait enfin briller — parce qu’elle reconnaissait la quasi-totalité des familles en train de monter pour prendre place près du siège prévu pour la comtesse. Évidemment, à cette distance, elle ne pouvait pas se remémorer tout le monde dans cette foule de visages, mais elle reconnaissait facilement les pennons et les armoiries de ces sires.
Image


Le plus important d’entre eux était le comte Bruno von Pfeifraucher — à tous les égards, l’homme le plus puissant de tout le Wissenland, après la comtesse, évidemment. Les Pfeifraucher possédaient de très nombreuses seigneuries à travers tout le Wissenland, mais surtout, ils avaient en seigneurie la ville de Grissenwald, qui appartenait officiellement à la province du Reikland. Bruno von Pfeifraucher était un fringant monsieur qui avait tout juste cinquante ans, mais encore beau et la tête pleine de cheveux malgré ses rides qui commençaient à apparaître. Son clan l’entourait tout autour, notamment son fils aîné, Hermann — ce qui était surprenant, étant donné que celui-ci était un chevalier de la Reiksgarde, la garde privée de l’Empereur d’Altdorf.

Il y avait aussi les von Äms de Rorhof. Ils occupaient une position particulière : leur terre était une antique possession des Ménogoths, et donc appartenait à l’Auld Solland, mais leur territoire était toujours ancré politiquement dans le Wissenland, et permettait de couper Pfeifdorf capitale de la province. Un méli-mélo incompréhensible, qui faisait que les von Äms étaient en première ligne dans la guerre face aux rebelles Sudenlander. Leur comtesse, Bergida, était une vraie louve aux cheveux grisonnants, acariâtre et sûre de son rang. Une vraie noble du Wissenland comme on en faisait plus.

Astrid Toller, baronne de Hurlach, était aussi présente. Elle était connue de la rousse pour une raison toute simple : cette baronne était la seigneuresse des Gildenspiegel pour une partie de leurs terres. Les Toller étaient néanmoins fortement appauvris, et sur la corde raide, comme beaucoup d’anciennes familles du Wissenland. La baronne ne laissait rien paraître : une trentenaire pas encore mariée, elle portait une impeccable tenue toute noire boutonnée jusqu’à la gorge, dans une grande modestie qui ne faisait que plus faire resplendir sa noblesse. Peut-être Katarina pouvait espérer l’approcher à un moment ? C’était après tout sa marraine…

D’autres seigneurs importants étaient présents : Le baron Rudolf Brecht von Mauchen (Et son épouse cousine au premier degré, les Mauchen étaient de bons dégénérés en fin de race…), le lecteur Raphaël, abbé d’Eppiswald et un cousin des-dit Mauchen (Il avait une des seigneuries ecclésiastiques les plus riches de l’Empire — dommage que ce sombre Sigmarite se traînait une réputation de sodomite), ou encore Immanuel Grillparzer de Hinkend (Qui devait être aidé par deux prêtresses de Shallya pour monter les marches, vu qu’il allait bientôt avoir quatre-vingt-ans — un miracle qu’il ait pu faire le voyage jusqu’ici !)

Des têtes connues, les pontes de la province. Le destin auquel elle avait échappé.

Jet de charisme de Katarina (+1, Diplomatie) : 13, échec de 1

Jet d’héraldique : 3, réussite
Image

Avatar du membre
Katarina von Gildenspiegel
PJ
Messages : 40

Re: [Katarina] Antonlied

Message par Katarina von Gildenspiegel »

Katarina, voyant que la tension entre Lorenz et l’artiste montait, décida de jouer la carte de la diplomatie pour désamorcer la situation. Avec un sourire posé et un geste calme, elle leva la main. Sa voix était douce et mesurée, mais pleine d’assurance.

« Mein Herr, je souhaite vous exprimer ma sincère gratitude pour cet échange passionné. Vous avez raison, les discussions animées apportent souvent des perspectives précieuses. Je suis heureuse que nous ayons pu partager nos points de vue, même si nous ne sommes pas d’accord. Vous avez contribué à enrichir notre débat, et je n'ai aucune rancune. En effet, il est parfois bien plus stimulant de confronter des idées différentes. Les débats où tout le monde est d'accord peuvent parfois manquer de profondeur et d’intérêt. »

Elle fit une pause pour permettre à ses mots de résonner, avant de changer de sujet pour détourner l’attention de l’argumentation. Elle invita les autres à se concentrer sur les tribunes officielles qui se remplissaient de nobles familles. Avec un geste gracieux, elle désigna les groupes qui prenaient place, son regard s’illuminant d’intérêt.

« Regardez ces groupes qui se rassemblent pour la cérémonie, il me semble que certaines armoiries sont particulièrement familières. » dit-elle, en désignant du regard ceux qui s’installait. « Il me semble reconnaître les armoiries des von Pfeifraucher. Il est fascinant de voir leur présence aujourd’hui. Les Pfeifraucher sont reconnus pour leur vaste influence dans le Wissenland, et même au Reikland de mémoire. La présence de leur chef de famille, le comte Bruno von Pfeifraucher, est particulièrement significative. J’ai entendu dire que son fils ainé, Hermann, est un chevalier de la Reiksgarde n'est il pas surprennant qu'il soit ici?»


Katarina fit un autre geste vers une autre famille en train de se placer. « Et regardez cette autre famille avec le motif distinctif. Ce sont-ils les von Äms de Rorhof ? Leur rôle dans les affaires frontalières et leur histoire unique sont fascinants. Ils occupent une position stratégique qui pourrait offrir des perspectives intéressantes sur les dynamiques actuelles de la région. »
Elle dirigea ensuite son regard vers un autre groupe qui prenait place. « Quant à ces personnes-là-bas, ce sont les Toller de Hurlach. Il me semble reconnaitre la Baronne en personne.»

Katarina se tourna vers Lorenz, un sourire en coin alors qu’elle regardait les familles qui montaient en tribunes. Elle savait pertinemment à qui appartenaient les armoiries, mais elle se délectait de l’opportunité de montrer ses connaissances en héraldique. Elle se pencha légèrement vers Lorenz, feignant de chercher son assentiment tout en se réjouissant intérieurement de l’occasion de briller.

« Oh, il me semble que ces armoiries sont familières... » dit-elle d’un ton mielleux, en pointant du doigt quelques blasons parmi la foule qui se rassemblait. « Ce blason, c’est bien celui des Mauchen, n’est-ce pas ? Le baron Rudolf Brecht von Mauchen et son épouse se tiennent là, en effet.»

Elle jeta un coup d’œil complice à Lorenz, espérant qu’il apprécie son érudition. Puis elle continua avec une pointe d'exagération :

« Enfin, là-bas, avec les armoiries tout a droite, je crois reconnaître Immanuel Grillparzer de Hinkend. Malgré son grand âge, il semble toujours aussi résolu à participer aux affaires du monde. Quelle persévérance admirable! »

Katarina profita de ce moment pour observer Lorenz et les réactions de ceux qui les entouraient. Elle savait que ses connaissances en héraldique,étaient une manière efficace de détourner l’attention de l’altercation précédente et de se rétablir dans le contexte plus large de la cérémonie.
En posant ces questions et en commentant les familles présentes, elle espérait non seulement confirmer son statut de personne cultivée, mais aussi faire en sorte que l’attention se déplace vers les personnalités influentes qui allaient marquer l'événement.

« C’est toujours un plaisir d’observer la présence de ces grandes familles.»
Katarina von Gildenspiegel, Voie de l'Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 11 | Int 9 | Ini 8 | Att 8 | Par 8 | Tir 8 | Mag | NA 1 | PV 60/60
Lien https://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.p ... denspiegel

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 936
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Katarina] Antonlied

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Loin d’apaiser l’artiste, les derniers mots servant de conclusion de Katarina lui firent avoir les gros yeux. Il bougea lentement la tête de gauche à droite, et avec maintenant un peu de fiel dans son ton, il commença à railler :

« Débattre ? On parle de la vie d’un être humain. C’est- »

Avant qu’il ne puisse continuer, la jolie femme en doublet sur le banc juste devant se retourna à nouveau tel une chouette, et le coupa net, avec une voix douce, basse, quasiment murmurée — mais pourtant immensément ferme :

« Mein Herr… Ce n’est point que madame que vous devez chercher à convaincre, je le crois. »

Et là-dessus, elle grimaça, en faisant un geste de la tête pour désigner d’autres têtes plus loin.

Plusieurs semi-courtisans regardaient le débat depuis tout à l’heure. Et pas mal de gars qui tiraient une tête d’enterrement et observaient l’artiste avec de bons regards acérés et en croix. Des costauds, des semi-chevaliers en quête d’un régiment, des nobles imbus d’eux-mêmes et prêts à tout pour se faire bien voir de la comtesse. Si Lorenz paraissait peut-être un peu trop excité de poser la main sur sa rapière, tous n’avaient pas une main de dame pour les retenir.

L’artiste devint tout blanc, en se rendant compte de son erreur et de comment deux femmes étaient en train d’essayer de lui sauver sa vie. Il marmonna timidement ce qui ressemblait à un Danke… Vielen Danke à peine perceptible, et ainsi, il reprit son dessin au fusain, arrivant à détailler l’orme, l’estrade, et les tribunes en seulement quelques grands coups de traits estampillant sa feuille — il était un excellent croqueur, ça c’était certain.

En tout cas, Katarina reporta son attention sur son cavalier. Elle détailla rapidement les visages et les armoiries des familles invitées du Wissenland. Si tout le monde connaissait les Pfeifraucher et les Äms, les familles plus mineures de la province, elles, étaient bien à apprendre. Alors qu’elle commençait à tout raconter, elle voyait que quelques têtes de curieux autour du banc semblaient l’écouter et profiter de ses connaissances pour également prendre des notes mentales.
Encore une fois, la petite dame en doublet qui visiblement adorait se mêler de toutes les conversations, s’immisça dans celle de Katarina pour rebondir sur un de ses propos :

« Bruno von Pfeifraucher est un homme très riche et très influent, mais il a des relations un peu chaotiques avec Emmanuelle — il aimerait se faire reconnaître comme son chancelier pour la province, mais la comtesse ne souhaite pas qu’il ait plus de pouvoir qu’il n’a déjà et se repose plus sur des nobles mineurs. Pour ça qu’il joue ses billes près du Reikland. Il essaye de se rendre indispensable auprès de la comtesse, tout en voyant s’il n’y a pas plus à manger dans l’autre râtelier…
Gaia Nogarola, de Miragliano. Enchantée de vous rencontrer. »


Lorenz lui offrit un grand sourire bien obséquieux, tout en attrapant sa main pour l’embrasser, avec une promptitude bien saissante.

« Une Tiléenne ? Vous parlez parfaitement reikspiel, sans même un accent, on ne l’aurait pas deviné !
– Mon père possède une affaire commerciale qui ne cesse d’alterner entre Nuln et le pays, j’ai passé ma vie entourée d’Impériaux. Je suis actuellement étudiante à l’université, faculté de décrets et humanités.
– Une tête aussi pleine que belle, alors, signora. »

Nogarola sourit poliment à Lorenz, et fit semblant d’être gênée par le compliment. Katarina était en train de se faire voler son cavalier juste sous ses yeux, et par une étudiante, en plus…



…Les sires du Wissenland étaient bien installés dans la tribune officielle, et la fosse était pleine de curieux et de bourgeois de Nuln, quand, enfin, il y eut du grand tumulte. Des musiciens, jusqu’ici assis et patients, se levèrent depuis leur petite plate-forme montée ce matin par les charpentiers, et ils commencèrent à jouer un chant traditionnel du pays de Nuln — « le Prince le plus Riche ». L’hymne le plus kitsch et le plus simplet possible, mais que les Wissenlander et Nulner adoraient chanter pour ouvrir les foires et les cérémonies champêtres. Alors que tout le monde reconnaissait les premières notes, tous les invités de toutes les tribunes se levèrent comme d’un seul homme, à l’exception des infirmes et des vieillards, tandis que les gens debout dans la fosse retiraient leurs chapeaux et baissaient un peu la tête. Et on entendait de jeunes enfants servant de chorale chanter les paroles ô combien consensuelles du récital :


♪ Que des louanges quand je parle grandement,
Des richesses de leurs territoires !
Beaucoup de princes du pays ont siégé,
Dans le hall des Empereurs de Nuln !

« Voyez mon pays et sa somptueuse abondance »,
Dit le Prince-Électeur du Stir !
« Des semences d’or dans les vallées,
Et sur les montagnes les précieuses vignes ! »

Magnus l’homme à l’œil éclatant,
L’enfant chéri et aimé de Nuln,
Dit : « Mon pays a de jolies petites villes,
Où les sommets sont peuplés d’ours et d’argent ! »♫





La grande cour officielle de Nuln arrivait !

D’abord, de grands militaires, portant des bérets à plumes, tout rutilants de métal, et reconnaissables à leur imposante livrée azur sertie de bijoux, de colliers d’argent et de rubans de médailles d’or — il s’agissait de la compagnie des mercenaires du Héron Bleu, un grand régiment de mercenaires exclusivement Tiléens recrutés sur les terres du Miragliano — depuis le grand-père de la comtesse Emmanuelle, ils servaient de gardes-du-corps exclusifs à sa maison, au grand dam des chevaliers de Nuln et du Wissenland retrouvés licenciés ou cantonnés aux garnisons de territoires secondaires du patrimoine von Liebwitz. Les mercenaires créèrent un passage entre les lices et les tribunes, écartant sèchement quiconque traînait encore dans leurs pattes, puis formèrent une élégante haie d’honneur.

Puis approchèrent des moinillons, des oblats de divers cultes encore enfants — on reconnaissait des frères de Sigmar en bure, des sœurs de Shallya en robes blanches, et ils venaient avec des encensoirs et en priant en langue classique quelques messes basses. Suivirent derrière eux deux fauconniers tendant haut des oiseaux de proie, et un maître du chenil qui gardait en laisse d’imposants lévriers tout blancs.

Et alors, la comtesse approchait, tout devant, dans une tenue pas trop outrageuse, mais quand même très chère, avec une robe à traîne derrière elle tenue par deux courtisanes.
Image


Elle était belle, froide, le visage impassible. Juste à sa droite, un aristocrate tenait un coussin sur lequel étaient déposés des colliers de décorations, et juste à sa gauche, un page tenait aussi sur un autre coussin l’insigne de commandement de la comtesse : son Croc Runique, l’épée Dammaz Vengryn.

Juste derrière elle, venaient d’autres gens de la cour — son confesseur, son haut-connétable, son maître-intendant, son chancelier pour Nuln et celui du Wissenland. Des gens aux postes élevés, et aussi, il fallait le noter, des personnes de sa famille ; outre les nombreux cousins, deux personnes semblaient particulièrement importantes en rang. Tout d’abord, son petit frère et l’héritier officiel désigné de ses possessions, un certain Leos…
Image


Courageux bretteur, dilettante spécialisé dans le duel, Leos avait une réputation terriblement sulfureuse — selon ce qui se murmurait, et en espérant que ce soit une comptabilité à jour, il avait tué ou blessé pas moins de vingt-sept nobles dans un duel de sang, souvent pour des insultes à l’encontre de sa grande sœur. Un homme au cœur de pierre et à la soif de sang, mais qui faisait chavirer les cœurs de plusieurs jeunes femmes ; même si Katarina avait déjà entendu une rumeur selon laquelle il préférait les hommes…

Autre personnalité notable, marchant aux côtés du Nulnsmarschall Wolfhart von Liebwitz (Un gamin de vingt-cinq ans, chef de toutes les armées de Nuln et du Wissenland, et petit-cousin d’Emmanuelle), on trouvait celle en directe lignée pile après Leos : Maria-Ulrika von Liebwitz zu Ambosstein.
Image


Une jolie jeune femme, à la tête du duché d’Ambosstein, elle était la nièce d’Emmanuelle, une belle dame éduquée, courtoise, puissante, qui avait été parfaitement élevée aux côtés de sa tante pour peut-être un jour occuper une fonction très digne à Nuln ; elle était probablement plus à sa place pour hériter que ce fou furieux de Leos, c’était certain.



Derrière tout ce beau monde noble, on voyait apparaître plus de prêtres, plus de courtisans, une foule innombrable de domestiques, valets, pages, dames de compagnie, servantes — et des échansons portant des jarres d’alcool, des écuyers tranchants, des musiciens, des artistes de cours, et des consuls et ambassadeurs étrangers ; parmi toute cette foule, on pouvait par exemple noter un Arabéen à la peau hâlée, vêtu d’un turban et d’amples vêtements de soie, accompagné de deux femmes noires aux crânes rasés. De même, une Kislévite, portant une chapka et escortée par des moustachus ayant des manteaux courtes dont ils ne portaient pas une des manches, tranchait pas mal avec le reste du cortège.

Tout ce beau monde marchait sur un grand tapis rouge déployé au milieu du pavé semi-boueux de la Reikplatz, et plus loin, on voyait leur sublime parc de carrosses, voitures ferrées, palefrois de monte avec des fleurs plein la crinière, et même, chose formidable, une automobile — une voiture pouvant se déplacer non pas grâce à la force d’un cheval, mais grâce à un moteur à combustion ! Quelle fascinante invention, permise par le génie technologique, soit d’Altdorf, soit de Nuln.

Le temps que toute cette procession puisse s’organiser, se déployer, et s’installer en tribune, avec tout le cérémonial de chapeaux retirés, de révérences appuyées, de baises-mains et de compliments, il en fallut bien pour au moins trois quart d’heures. Les musiciens arrivèrent bien au bout de la première chanson, et durent enchaîner sur deux hymnes religieux (Ubi Caritas en classique, chant Shalléen de charité, puis Sigmar-a-Ghal Maraz, beuglé dans un Khazalid très approximatif, assez pour qu’on puisse voir deux Nains dans la suite d’Emmanuelle faire des grimaces et se boucher les oreilles, ce qui donnait un bien mauvais genre…), puis un chant militaire, Landsknecht’ in das Feld marschieren, qui célébrait le ravage du Parravon dans une guerre centenaire. Au final, la procession mit tellement de temps, et il faisait tellement chaud en cette journée d’été, qu’il y eut bien une ou deux vieilles dames un peu âgées pour tomber dans les pommes, ce qui compliquait encore plus la situation…

Katarina elle-même était bien embêtée. Obligée de rester debout comme une idiote, et d’applaudir toutes les deux secondes, puis s’arrêter, puis reprendre sans trop savoir quand il fallait le faire ou ne pas le faire, la voilà qui se retrouvait toute rouge, assoiffée, et en sentant une flaque de sueur contre son dos et sa robe. Lorenz, à ses côtés, avait les cheveux qui collaient à son front. Le soleil haut dans le ciel tapait sacrément fort, des rayons de plombs s’abattant sur les crânes dégarnis de l’assistance.



Pendant toute la durée de l’installation de la comtesse, l’artiste ne s’était levé qu’au tout début. Le voilà qui s’était levé du banc, et assis sur les marches, et qui fronçait fort des sourcils pour essayer de mieux dessiner la scène — il était passé à un second papier, et recommençait à croquer à toute vitesse, pour essayer de retranscrire le luxe et l’étiquette éreintante de la scène qui s’offrait devant eux.

Nogarola, décidément pipelette, décida de piailler aux deux derrière elle :

« Toujours aussi belle la comtesse.
Mais n’est-ce pas un peu inconsidéré, tout ce luxe et cette gaieté alors que l’on va mettre à mort un homme ? »


La question avait l’air sincère, mais elle ne pouvait pas être sotte au point de la poser réellement. Elle faisait l’idiote simplement pour jauger quels genre de personnes étaient Lorenz et Katarina — tactique normale de noble.

Jet d’intrigue de cour : 7, réussite

Jet d’endurance : 18, échec
Image

Avatar du membre
Katarina von Gildenspiegel
PJ
Messages : 40

Re: [Katarina] Antonlied

Message par Katarina von Gildenspiegel »

Elle détourna légèrement son regard, glissant un coup d’œil furtif à l’artiste qui, malgré la tension récente, poursuivait son œuvre avec une dévotion admirable. Ses mains semblaient danser sur le papier, capturant avec une précision remarquable la scène grandiose qui se déroulait sous leurs yeux. Katarina, touchée par l’ardeur avec laquelle il se consacrait à sa tâche, ressentit un brin de compassion pour cet homme dont la passion et le talent surpassaient visiblement les maladresses sociales.

« Je dois dire que votre dessin est vraiment remarquable. Vous avez une capacité rare à saisir non seulement les détails mais aussi l'essence même de ce que vous observez. Chaque trait semble respirer la vivacité de la scène, et votre talent pour capturer les nuances de lumière et d’ombre est vraiment impressionnant. C'est un vrai plaisir de voir comment vous retranscrivez cette ambiance avec une telle précision. »

Katarina laissa la question de Nogarola flotter un moment dans l'air, ses yeux suivant la procession en contrebas. Elle réfléchit brièvement, puis, d'une voix mesurée, elle répondit, son ton révélant une certaine profondeur de pensée :

« Vous soulevez un point intéressant, signora. Le faste de la cour, déployé avec tant de soin et de minutie, peut sembler étrange, voire déplacé, dans un contexte tel que celui-ci. Cependant, n’est-ce pas là l’essence même de ce qu’est la noblesse ? Un exercice constant d’apparence et de grandeur, même, et peut-être surtout, dans les moments les plus sombres. C’est une sorte de rituel, un rappel que la vie continue, avec ses plaisirs et ses peines, malgré la gravité des événements. »

Elle observa un instant la comtesse Emmanuelle, entourée de ses courtisans, avant de poursuivre, son regard se durcissant légèrement :

« Le luxe et la gaieté ne sont pas simplement des ornements frivoles. Ils sont les outils du pouvoir, une manière de montrer la force et la stabilité, même face à la mort. En orchestrant cette scène, la cour affirme son autorité, sa capacité à imposer l’ordre et à maintenir le contrôle, quelle que soit la situation. Après tout, chaque geste, chaque sourire, chaque note de musique fait partie d’un jeu plus grand, un théâtre où l’on joue pour des enjeux bien plus élevés que ce que l’on peut voir à première vue. »

Katarina esquissa un sourire, puis ajouta d’un ton plus léger, presque complice :

« Peut-être que c’est justement cette juxtaposition entre la vie et la mort, le faste et la tragédie, qui rend ces événements si… mémorables. Un spectacle qui reste gravé dans les esprits, ne serait-ce que par la contradiction qu’il représente. Mais n’est-ce pas ce qui fait tout le charme de la cour ? »

Elle laissa ces mots flotter un instant, ses yeux se reportant sur la scène devant elle, comme si elle évaluait une œuvre d'art complexe. Puis, décidant de ne pas s'attarder davantage sur le sujet, elle tourna à nouveau son attention vers les tribunes et la foule, son regard se posant sur les visages, les armoiries, et les mouvements des divers personnages qui composaient ce tableau vivant.
Katarina von Gildenspiegel, Voie de l'Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 11 | Int 9 | Ini 8 | Att 8 | Par 8 | Tir 8 | Mag | NA 1 | PV 60/60
Lien https://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.p ... denspiegel

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 936
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Katarina] Antonlied

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

À moitié accroupi sur les marches de la tribune, l’artiste était tout accaparé par son œuvre. C’est avec surprise, et d’abord en fronçant des sourcils, qu’il écoutait les commentaires de la rousse qui profitait d’être debout, les cuisses bien endolories, pour lui faire de l’ombre tout en lançant ses compliments. Pendant ce temps dans le coin de son œil, Lorenz tirait la grimace, même s’il était un tout petit peu trop éloigné pour vraiment écouter ce qu’ils se disaient, à moins de véritablement tendre l’oreille…

Mais après sa mine renfrognée initiale, voilà que le croqueur freluquet se mit à réprimer un sourire, et même, comble de la scène, à rougir ; ses joues creuses s’empourpraient, tandis que ses yeux noircis de cerne s’éloignaient un peu dans le vide, ce qui trahissait sa gêne.

« C’est très aimable de votre part, mais je suis juste un simple dessinateur comme un autre. Certainement pas assez talentueux pour être remarqué par les proches de la comtesse…
Mais, heu… Merci. Merci quand même. Enfin, je veux dire, merci beaucoup. »


Il gardait le même air tout penaud, visiblement le garçon n’était pas habitué à être complimenté. Après un instant à avoir eu l’air tout idiot, il se rappela peut-être un minimum de conventions sociales avec lesquelles il était visiblement mal à l’aise, et, toujours à moitié accroupi, il se retourna pour tendre sa main :

« Stepan Droevig, je viens d’Averland, Hammelsfels pour être exact. Je suis arrivé à Nuln pour apprendre au collège d’art, y a deux ans maintenant, grâce à une bourse d’étude. »

L’Averland — une des provinces les plus riches de tout l’Empire. Malheureusement, pas une des plus grandioses intellectuellement. C’était évidemment un énorme stéréotype, mais le peu que Katarina savait de l’Averland, c’est que la province possédait un fort dynamisme agricole, avec des champs fertiles à perte de vue, et le pays était divisé entre les cultivateurs de grains et de vignes, et les ranchers qui faisaient paître chevaux et bœufs longues-cornes (Qui donnaient les meilleurs steaks de tout le continent). Riches et prospères, ils l’étaient — mais les Averlander avaient aussi une réputation de ploucs, de gens passionnés, encore très attachés à la féodalité, et de superstitieux obsédés par les vieilles légendes et surtout l’astronomie. C’était pourtant en Averland qu’était née la grande université de Streissen, une ville-libre qui pendant quelques décennies avait été une mini-république indépendante où toutes les pires idées décadentes avaient cours (Démocratie participative, mise en commun des terres, répartition équitable des richesses…) — la grande-comtesse Ludmilla von Alptraum avait mit fin à cette chienlit par un ignoble massacre qui avait choqué l’Empire entier.

Son nom de famille, sans particules, sonnait roturier. Mais ça pouvait être trompeur. L’artiste pouvait être beaucoup de choses. Au moins, il était certain qu’il savait dessiner. Mais il était marrant de le voir galérer à respecter l’étiquette : il tendait sa main comme s’il voulait serrer virilement celle de Katarina, avant de la bouger pour lui proposer un baise-main, sans vraiment savoir ce qu’il était censé faire. Il allait vite se ridiculiser auprès de la cour.



Revenant auprès de Lorenz et de la Tiléenne, Katarina donna son opinion sur le luxe déployé. Cela recueillit l’approbation de son cavalier ô combien malléable, mais la jeune fille de Miragliano semblait seulement moyennement convaincue.

« Que la cour paraisse contrôler la situation, ceci n’a aucun doute.
Mais je ne sais pas comment le peuple de Nuln verra la chose… »

Et là-dessus, elle désigna la fosse, remplie de curieux, de bourgeois bien habillés, d’enfants montés sur les épaules de leurs parents, pour essayer de mieux voir le spectacle. Beaucoup tendaient le doigt vers la comtesse Emmanuelle, qui maintenant prenait place tout en haut et tout au centre de la tribune réservée. Auprès d’elle, sa famille et ses plus proches sbires, et les hauts nobles de Nuln et du Wissenland en contrebas.
Fait assez marquant : Katarina reconnut enfin le pennon d’une famille qui n’avait pas encore fait « tilt » jusque-là — normal, c’était le drapeau d’une branche cadette, qui n’avait repris qu’une partie du blason de la maison initiale. Un des enfants de la famille Toppenheimer était là. Etelka von Toppenheimer était la grande-baronne du Sudenland, et donc la femme régnante sur cette province violente et gagnée par des extrémistes, arrachée au Wissenland d’où venait le terroriste Anton — elle était aussi baronne de Pfeildorf (La plus riche ville de l’Auld Solland et la capitale non-officielle du Sudenland, puisque les terres faisaient officiellement partie du Wissenland, à n’y rien comprendre…) et Geschberg, ce qui faisait d’elle une des femmes les plus importantes de l’Empire — en plus d’avoir la dignité d’Électrice au trône de l’Empereur. On racontait qu’Etelka avait réussi à avoir douze enfants viables, à croire qu’elle était bénie par Rhya elle-même. Ce devait être un de ses rejetons qui se retrouvait dans la foule, dur de savoir duquel il pouvait s’agir parmi les visages.
Il devait se sentir bien seul, à regarder un de ses compatriotes et héros de son pays se faire tuer — quand bien même, à en croire l’artiste et certains journaux, c’étaient les autorités officielles du Sudenland qui avaient fini par arrêter et livrer Anton à leur rival voisin…


Au bout d’un moment, les valets firent signe aux plus courageux (Ou aux plus lèches-bottes) encore debout qu’il était protocolaire de s’asseoir. Il y eut encore une longue attente, durant laquelle on ne proposait aucun rafraîchissement à la tribune mineure en pleine insolation — alors qu’en face, dans la tribune officielle, on était en train de remplir des coupes de vin clairet et de bière pétillante. Il y eut alors du mouvement sur l’estrade : des hommes en uniformes, et notamment un inquiétant trio, deux hommes et une femme, qui avaient le visage camouflé derrière une épaisse capuche en cuir — le bourreau et sa famille. Instinctivement, Katarina ne put s’empêcher d’avoir un frisson dans le dos en les observant.

Sur le devant de la scène, un petit homme, habillé tout de noir, avec une perruque d’avocat sur le crâne et un col de clerc de Véréna autour du cou, déploya un rouleau de parchemin. Avec une voix peu sûre, et tremblante, monotone, visiblement peu habitué à avoir une telle foule devant lui, cet homme, qui devait être un notaire ou un juge d’instruction du tribunal de Wissenburg (Cela se voyait que ce pauvre homme n’était pas habitué à la foule de Nuln…), se mit à relire un texte :


« Oyez, oyez !

Arrêt officiel de la Cour Pénale de Wissenburg, rendu Contre Anton von Adeloch, baron de Terre-Noirhe, rendu en date du 12 Vorgeheim de l’An de l’Unification 2512 !

Vu, par la Cour, réunie en sa 1ère grande-chambre tournelle, assemblée ; le procès criminel fait par le président et les conseillers commis à la requête du Procureur général de la comtesse du Wissenland, à l’encontre du-dit Anton von Adeloch, homme noble, diplômé de l’université de Nuln, baron de Terre-Noirhe, prisonnier en le pénitencier San Quintus.

Vu, l’information, les interrogatoires, les confessions, les dénégations, les confrontations de témoins, et les conclusions du Procureur Général. Ouï et interrogé par la-dite cour, sur les cas à lui imposer, sur le procès verbal des interrogations lorsqu’il lui fit fait Question, selon l’ordonnance pénale du Reik de 2441 sur la révélation des complices…

Considérant ce qui suit :

Que la cour a déclaré le-dit Anton von Adeloch dûment atteint et convaincu de crime de haute trahison, de brigandage de grande-route, d’assassinat sur dépositaire de l’autorité publique, de complot en vue d’assassinat, de spoliation, d’incitation à l’insurrection, félonie, et lèse-majesté divine et humaine ; au premier chef, la très détestable, très méchante, très abominable sédition, commise en la personne d’Emmanuelle comtesse des terres ordonnancées par recès impérial de 2305,

Pour la participation duquel, la cour le condamne à faire amende honorable devant le Temple de son choix ; ce après quoi il sera condamné à être amené devant l’Orme Deutz des Mérogens, où il sera mené et conduit aux fers, nu sauf chemise, tenant une torche ardente. Et sur un échafaud, il y sera dressé, tenaillé aux mammelles, bras, cuisses, et gras des jambes, la main dextre avec laquelle il prêta plusieurs serments sera brûlée de soufre et déversé du plomb fondu et de la poix résine brûlante. Ceci fait, son corps sera rompu, c’est à savoir que les deux bras seront brisés en deux endroits, tant haut que bas, avec les reins, jambes, et cuisses. Puis il sera mis sur une roue haute et plantée, le visage contre le ciel, où il demeurera vivant pour y faire pénitence tant et si longuement qu’il plaira à nos Seigneurs et Dames des Cieux de l’y laisser, et mort jusqu’à ce qu’il soit ordonné par justice afin de donner terreur, crainte, et exemple à tous les autres.
Après expiation, son corps sera démembré, les morceaux consommés du feu, réduits en cendre, et jetés au vent.

Décidons également, que tous ses biens personnels présents dans le Wissenland et Nuln seront acquis et confisqués pour la comtesse. Ordonnons que la maison où il est né sera démolie, et purifiée par le feu. Ordonnons également que tous ses proches et collatéraux au premier degré — éventuels père, mère, frère, sœur, enfants, seront vidés du comté, avec défense éternelle d’y revenir. Décidons aussi que le présent arrêt sera publié, et crié en trompettes dans Nuln et les Freistadts du Wissenland, et en les bourgs de Meissen et Grissenwald.
Addendum : Décidons aussi que le condamné Anton von Adeloch sera derechef appliqué à la question, n’ayant pas révélé jusqu’ici ses complices. »




Il y eut moins de bruit, moins de tumulte, moins de brouhaha. Le moment devenait beaucoup plus solennel.

Du nord de la Reikplatz, certainement pas en empruntant le même chemin que le tapis rouge, un petit convoi de chevaux et d’une voiture toute ferrée et blindée commença à se garer. Des patrouilleurs ruraux du Wissenland, accompagnés de policiers métropolitains de Nuln, commencèrent à descendre. Un sombre prêtre de Mórr, tout de noir vêtu et le visage camouflé par un masque de corbeau, lia ses mains devant un livre saint, et attendit qu’un geôlier déverrouille les nombreux loquets de la voiture de fer. Puis un homme, menotté aux chevilles et aux poignets, descendit. Il était quasiment entièrement nu, si ce n’était pour une chemise échancrée qui tombait jusqu’à son entrejambe, pour lui offrir un minimum de pudeur. L’homme semblait complètement à bout. Il ne tenait pas debout, et il fallait que deux policiers lui tiennent chacun un bras pour quasiment le traîner, lentement, jusqu’à l’estrade — il avait été passé longtemps à la Question, c’est-à-dire torturé. Il fallut qu’il vive un horrible calvaire, pour atteindre l’orme, et enfin l’estrade, là où on le força à monter plus d’une dizaine de marches, afin de s’offrir à Nuln.

Sur les plateformes des tribunes, des croqueurs s’agitaient, exactement comme Droevig — les dessinateurs de presse ou les artistes de cour, rêvant de reproduire ce spectacle, tentèrent de marquer rapidement sur le papier les traits du condamné. Les plus riches d’entre eux utilisèrent une merveille : un appareil à argentique, qui, en un éclair, marqua sur un papier de métal un dessin de la scène, grâce à une petite explosion et un flash lumineux — une technologie tout bonnement incroyable que Katarina n’avait découvert qu’il n’y a quelques semaines, en débarquant à Nuln, et qu’elle ne comprenait toujours pas, craignant peut-être presque qu’il s’agît là de sorcellerie.


Mais enfin, l’ogre Anton von Adeloch était là. Tenu fermement par les policiers, et sans sa torche ardente promise, l’un d’eux tira sur sa tignasse pour lui lever la tête de force. C’était peut-être l’humiliation de trop pour ce baron — poussé par l’adrénaline, il bouscula faiblement à gauche et à droite, et ainsi, il se redressa, pour se retrouver tout droit, avec ses jambes flageolantes, son corps blême et exsangue, et son visage meurtri. Il affronta Nuln avec un œil torve, mais déterminé.

Il était beau. C’était fou comment le détail était marquant, à présent — grand, ténébreux, aux cheveux noirs, une moustache imposante et impeccable malgré ses joues couvertes d’une barbe sale et mal faite, n’ayant probablement pas eu l’occasion de se raser depuis des semaines. Il était là, le traître horrible qui pactisait avec des extrémistes religieux vénérant Solkan et des socialo-anarchistes républicains (On se demandait légitimement comment les deux camps pouvaient avoir pactisé avec lui…), le tueur de petites mamies nobles du Wissenland, l’écorcheur d’agents du fisc, le vil guérillero pactisant avec des hérétiques et organisant des attentats fauchant des civils, le menteur manipulant l’histoire, trahissant son propre peuple juste pour son ambition personnelle —

Il était beau. Rien à voir avec le portrait qu’on faisait de lui dans les journaux et les rumeurs de salon. Ça en était saisissant.

Jet de charisme de Katarina sur l’artiste vs méfiance de sa part : 1, réussite critique, pas de résistance de sa part.

Jet d’héraldique : 8
Image

Avatar du membre
Katarina von Gildenspiegel
PJ
Messages : 40

Re: [Katarina] Antonlied

Message par Katarina von Gildenspiegel »

Katarina repris sa main après lui avoir accordé la grâce d'un baise main avec une lenteur calculée, ses yeux fixant les siens un peu plus longtemps que nécessaire. Elle connaissait l'effet qu'elle pouvait avoir sur les hommes, et elle en usait avec finesse. Stepan était nerveux, vulnérable, exactement le type de personne qu’elle savait comment manipuler. Mais aujourd'hui, elle ne cherchait pas à obtenir quelque chose de lui. Pas encore, en tout cas.

« Stepan, » dit-elle d'une voix douce, « c'est un honneur de vous rencontrer. Votre modestie vous fait honneur, mais ne sous-estimez pas la force de votre art. Katarina Von Gildenspiegel, ravie de vous rencontrer.»

Quand elle reportât son attention sur Lorenz et Gaïa, elle retrouva immédiatement son aplomb habituel, celui d'une femme sûre d'elle, consciente de son pouvoir. Elle écouta Gaïa avec une attention feinte, un sourire poli aux lèvres, tout en analysant les réactions de Lorenz. Il était important pour elle de comprendre comment chacun percevait la situation, car ces informations pouvaient s’avérer utiles plus tard. Toujours maîtresse de ses émotions, laissa un léger sourire effleurer ses lèvres tandis qu'elle écoutait Gaïa exposer ses observation sur l'opinion publique de Nuln.

Avec un petit soupir théâtral, Katarina répondit enfin, son ton laissant transparaître une pointe d'amusement, alors qu'elle agitait avec vigueur son éventail pour lutter contre la chaleur étouffante de la tribune.

« Demoiselle, Il est attendrissant de vous entendre vous soucier du peuple. Mais ne vous méprenez pas : le peuple est une entité capricieuse, facile à orienté, prompt à l'indignation mais encore plus rapide à oublier. Ce qui les amuse aujourd’hui, ils l’oublieront demain, pourvu qu’on leur donne un autre spectacle à regarder.»

Elle fit une pause, jetant un coup d’œil à Lorenz, dont l’approbation lui importait bien plus que celle de Gaïa. Puis elle reprit, cette fois-ci avec une douceur calculée, mais toujours empreinte d’amusement.

« Vous craignez que le peuple s'agite ? Allons, soyons réalistes. La plupart de ces gens sont trop préoccupés par leur survie quotidienne pour se soucier de ce qui se passe ici. Et ceux qui s'en soucient ? » Elle haussa légèrement les épaules. « Eh bien, disons simplement qu'ils ne tarderont pas à se rendre compte que la colère est une émotion dangereuse à cultiver, surtout quand on n’a ni les moyens ni la force de la canaliser.»

Elle sourit alors, un sourire qui ne réchauffait pas, mais qui laissait entrevoir l’acier derrière ses mots. Elle tourna légèrement la tête, regardant à nouveau la foule en contrebas. Pour Katarina, ces masses n'étaient rien d'autre qu'un outil, un levier à utiliser pour atteindre ses objectifs. Il était du rôle des grands de diriger, et des petites gens de servir après tout.

Alors que le juge égrenait la liste des crimes d’Anton von Adeloch, la foule se tut progressivement, comme si la solennité du moment pesait sur leurs épaules. Katarina, elle, resta impassible, son regard calculateur fixé sur la scène. Pourtant, au fond de ses yeux, une lueur difficile à interpréter vacillait, quelque chose entre la fascination et le mépris.

Quand l’accusé fut traîné sur l’estrade, presque nu et à peine conscient, un frisson la parcourut. Pas de peur, mais d’une excitation froide et contenue. L’horreur de la situation n’était qu’une autre facette du pouvoir, un rappel brutal de ce que signifiait véritablement la domination. Anton, autrefois un homme de pouvoir, se retrouvait maintenant réduit à l’état de bête sacrifiée, offert en spectacle pour satisfaire la soif de justice – ou plutôt de vengeance – de la cour.

Katarina fixa Anton von Adeloch avec une intensité glaciale, ressentant une colère sourde monter en elle. Le spectacle qui se déroulait devant elle aurait dû être simple : un traître, défiguré par ses crimes, brisé par la justice, exposé à la vue de tous comme l’exemple parfait de la déchéance morale. Elle aurait dû se réjouir de voir un monstre révélé dans toute sa laideur, son âme noire se reflétant sur son visage.

Mais ce n’était pas ce qu’elle voyait. L’homme qui se tenait sur l’estrade, bien que marqué par sa condition de prisonnier, restait beau. Il n’avait rien du monstre qu’elle s’était imaginé. Ce contraste la troublait, remettant en question l’ordre du monde qu’elle s’était construit. Pour elle, la beauté devait être l’apanage des vertueux, des puissants, de ceux qui méritaient leur place dans la société. Les traîtres, eux, devaient être laids, bestiaux, leur défiance enlaidissant leur âme et leur corps, les rapprochant des créatures impies.

Le fait qu’Anton von Adeloch ne soit pas cette vision d’horreur la révoltait. Comment un homme capable de tant de crimes pouvait-il encore posséder une telle prestance? C’était une aberration, une insulte à sa conception du monde. Les démons pouvaient avoir plusieurs visages, se disait-elle, et certains plus agréables que d'autres. C’était peut-être le pire des pièges, celui de la beauté masquant la laideur de l’âme.

La beauté d’Anton ne faisait que renforcer sa haine envers lui, car elle voyait en lui l'incarnation d'un monde désordonné, où les valeurs étaient renversées, où les monstres pouvaient encore séduire, où les petites gens pouvaient prétendre à la place des familles les plus prestigieuses. C'était ce désordre qu'elle se refusait à accepter. À ses yeux, Anton était une anomalie, tout comme son fiancé, le bourgeois fraîchement anobli de Strasser, qui incarnait pour elle un affront à l'ordre établi qu'est la pureté du sang et des lignages.

Dans son esprit, une vérité inébranlable persistait : les criminels, les traîtres, devaient être anéantis, corps et âme, peu importe leur apparence. La beauté d’Anton ne changerait rien à son sort. Au contraire, elle intensifiait le désir de voir ce traître payer pour ses crimes.

Sous cette chaleur accablante, Katarina ressentait la soif dans sa gorge, accentuée par l’absence de rafraîchissement dans sa tribune. La prestance d’Anton von Adeloch, qui semblait se moquer des principes de justice qu'elle chérissait, n’était qu’un symptôme de ce qui clochait dans son noble pays. En lui, elle voyait l’incarnation de tout ce qui ne fonctionnait pas dans sa patrie.

Il était impensable que des individus de noble lignée, avec des ancêtres d’une ascendance plus marquée, comme elle ou son cavalier Lorenz zu Gerthener, se retrouvent dans l’ombre de parasites et de sycophantes de basse extraction, qui se vautraient dans le luxe des tribunes réservées aux puissants. Cette inversion des rôles, où les lignée de moindre envergure et les opportunistes profitaient des privilèges réservés aux véritables nobles, ajoutait encore à son mépris pour la situation.

Ainsi, en observant le condamné, elle ressentait une colère froide. Anton représentait pour elle cette dérive, ce désordre moral qui se manifestait par des injustices visibles et des privilèges mal placés. Elle le détestait non seulement pour ses crimes, mais pour ce qu'il symbolisait : un monde où les valeurs étaient perverties, où les monstres pouvaient revêtir les plus beaux atours, et où les véritables nobles étaient méprisés et déclassés. Avec la position que le condamné avait occupé, elle aurait contribuer a servir l'héritage de sa famille dans des alliances et de la diplomatie. Pas dans la trahison de l'ordre social établie qui était déjà bien précaire.
Katarina von Gildenspiegel, Voie de l'Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 8 | Cha 11 | Int 9 | Ini 8 | Att 8 | Par 8 | Tir 8 | Mag | NA 1 | PV 60/60
Lien https://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.p ... denspiegel

Répondre

Retourner vers « Nuln »