« Mon pauv’ gars, r’garde ce qu’ils t’ont fait… Hé ! Tavernier ! Sers un verre ! Je te le paye mon gars, offert. Tu t’appelles comment ? Moi c’est Peter. J’bosse dans le charbon, l’entreprise familiale Erhard… Avant j’étais à la mine, dans les montagnes grises, mais je me suis mis à tousser comme un fou furieux alors on m’a fait muter ici à Nuln pour que je bosse dans le conditionnement. »
Le plus discrètement du monde, Frida se volatilisa. La petite voleuse restait toujours dans la taverne, mais elle disparut un peu plus loin, au fond de la salle, près des musiciens aux costumes très bizarres. Le pauvre Reinhard, lui, était transporté au milieu des ouvriers parieurs et joueurs de dès, qui échangeaient des choppes de bière et des godets de cervoises.
Le petit monsieur à moustache releva le museau de ses papiers. Il leva sa main, et fit un signe à Peter. L’ex-mineur s’arrêta et s’approcha donc, Reinhard sous le bras. Le bigleux à lunettes offrit un sourire chaleureux au fidèle de Nurgle, et lui fit signe de s’asseoir.
« Un ancien de chez Richthofen, tiens ? Est-ce que je pourrais savoir au cours de quelles années vous avez travaillé ? »
Il nota un air bien peu rassuré sur le visage de Reinhard, alors, il se mit à se fendre d’un rire fluet pour détendre l’atmosphère.
« Rassurez-vous ! Je ne suis pas un espion du guet. Je demande ça par curiosité. Voyez-vous, je suis journaliste, et j’aime beaucoup raconter les histoires de gens comme vous, des gens simples, pas les grands notables de la ville.
Je me présente : Mon nom est Asmus Kassel, rédacteur en chef du Batelier Déchaîné. Vous en avez peut-être entendu parler ? »
Asmus Kassel plia une page d’une gazette, et la posa sous les yeux de Reinhard. Si le cultiste n’avait aucune idée de ce que les caractères imprimés voulaient dire, Kassel tapota ce qui faisait le véritable succès de son journal : Les dessins satiriques. Il y avait dessus quelque chose d’écrit en reikspiel, en cursive, et, sous forme de caricature, deux bonhommes torse-nus, l’aine et les jambes couvertes par des braies moulantes ; l’un d’eux était un homme obèse, avec une tête aux joues si épaisses et au nez si écrasait qu’il ressemblait à un porc, et portant un marteau qui ressemblait étrangement à un jambon dans lequel il plantait ses dents. L’autre homme dénudé était extrêmement fin, famélique, comme une aiguille, avec une grande moustache, le crâne rasé, et un marteau qui était couvert de sang dégoulinant.
« Peut-être voulez-vous vous installer et discuter un peu avec moi, si cela ne vous dérange pas ? »