[Snorri] La victoire se forge à l'entrainement

[[MJ] Le Djinn]

Comme chaque matin dans le quartier Schwarzrauch les nains descendaient travailler de bonne heure. Le soleil paresseux se levait à peine quand les premiers coups de marteau réveillaient les voisins de l'Aver et que les fours à fondre coulaient l'acier en fusion nécessaire à l'artisanat nain. Quel spectacle pour un humain aventureux d'observer ces génies à l'œuvre, ces perfectionnistes taillaient, tranchaient, martelaient et fuselaient avec un talent rare, curieux du moindre détail, soupçonneux du moindre défaut, chantonnant à tue-tête:

"Hey-hi, hey-ho, on commence le boulot…"

L'ensemble résultait en un gigantesque vacarme où les cris tonitruants des chevronnés envers les apprentis couvrait pourtant sans peine la plus violente frappe contre le fer rouge. Ca et là un nabot se prenait une dansante par un supérieur furieux ou un propriétaire de forge exaspéré par l'incompétence de son aide humain jurait de l'utiliser pour alimenter le feu s'il ne se reprenait pas dans la minute.

Dans une maison troglodyte, c'est à dire construite principalement sous la chaussée, de ce quartier nanique où l'ethnie s'était regroupée, un maître-ingénieur de la guilde du même nom mesurait les trois jeunes nains qui se pressaient devant lui. Oui il les connaissait: ils étaient les trois courtes-barbes qui cherchaient à se faire un nom parmi les ingénieurs de Nuln. Et chez les nains si on doit commencer quelque part c'est bien par la guilde de sa profession, hé! Qui aurait pu songer une seule seconde à laisser de jeunes êtres impressionnables et corruptibles entre les mains d'umgis incompétents et vantards? Le nain plus qu'adulte observait ces pousses de haut en bas comme s'il s'était s'agit de bétail.
On comptait Gungni Barbe-Poudrée, fils d'un ingénieur nain de Marienburg qui avait décidé d'envoyer son fils dans la ville où, disait-on, l'argent coulait à flot pour les jeunes nains talentueux. Et de fait, talentueux Gungni l'était: chauffagiste de renom, maitre-ferronnier, quatorzième optimisateur de la chasse-d'eau naine, il était promis à un brillant avenir avec ses trente-huit hivers et sa douce barbe noire qui lui faisait comme une couronne autour du visage.
Qui aurait vu Sigmar Noraksson n'aurait pu le confondre avec un autre. Outre son nom étrange sa barbe blonde était à moitié brûlée, résultat prolongé des explosions qu'il avait causé toute sa vie et qui l'avait poussé à porter en permanence des vêtements lourds en cuir renforcé. A quarante ans il avait fait exploser bien plus de grenades et de canon que n'importe qui.
Enfin l'inspection se terminait sur le jeune Snorri Strullison. Il causait une énorme inquiétude à la communauté naine, en effet on le trouvait bien trop proche des humains, passant son temps à fouiner dans l'université de Nuln et du côté de l'Ecole Impériale d'Ingénierie: horreur suprême pour un professeur nain! Comment un membre de sa race pouvait *oser* estimer les umgis, ces incompétents qui avaient besoin que tout leur soit montré dix fois avant de comprendre? Non, non. Il était plus que temps de le reprendre en mains.

De l'autre côté les jeunes connaissaient aussi leur professeur, le sévère et sombre Mornin Bouche-à-Feu. Ce vénérable nain de quatre-vingt dix ans n'était pas pour rien dans la réussite de la diaspora naine à Nuln et était un membre du Conseil Nain de Nuln aussi respecté qu'écouté. Son agilité avec les armes et les systèmes complexes était reconnue et personne n'aurait mis en doute sa capacité à faire de n'importe quel bout de bois une arme mortelle en moins d'une heure.
Son humeur n'était pas des meilleures aujourd'hui et au lieu de développer le sujet journalier il se contenta de poser une question rude:

-"Alors les marmots, j'ai une question simple pour vous: qui a déjà tiré ou sait même par quel côté on tient un fusil?"

Sigmar leva la main, Gungni regarda piteusement ses chausses, ne restait que Snorri...

[Snorri Sturillson]

Alors que je traversais pour la première fois depuis longtemps le Quartier Schwarzrauch à une heure aussi matinale, un bruit assourdissant retentit soudainement dans ma caboche... La salve matinale. Saleté de canon ! Dépêche-toi, Snorri. J'espère surtout que je n'ai rien oublié. Vérifions... Mes carnets, avec de quoi écrire avec ou sans encre, c'est bon. Les outils, ... c'est bon, ouf. J'aurais déclenché un drame si j'avais dû faire demi-tour. Enfin, il ne manque plus que la lettre de Père... Ah, la voilà. Le sceau est toujours intact. Surtout, se souvenir de ses recommandations :

- "Snorri, reste attentif, pour une fois.
La Comtesse Umgi pense nous avoir fait un honneur en te donnant cette place, mais tu as bien vu ce que ces premiers mois ont donné. Tu l'as vu de tes propres yeux, non ? Leur approche de la balistique est incomplète, leur forge est bonne, mais mal entretenue, et les nouveaux élèves passent plus de temps à laver des latrines ou courir qu'à apprendre de vrais procédés. Leurs farces et apprentissages au 'tir' ne servent tout simplement pas. Que cela te change de tes... anciennes habitudes de l'Université, soit. Mais tu n'es pas un marmot pour autant, à devoir passer par de telles étapes. Libre à toi de continuer dans cette Ecole d'Artillerie. Cependant, j'ai autre chose à te proposer. Écoute moi très attentivement.
Tu donneras cette lettre à l'entrée de l'atelier que je t'ai montré ce matin. Uniquement cette lettre. Si l'on te demande quoi que ce soit d'autre comme objet, tu l'ignores. Ils te considéreront comme un Umgi tant que tu te comporteras comme tel. Ne te fais surtout pas avoir, tu m'entends ? Et à partir de maintenant, chaque fois que tu mentionneras les Humains, parle des Umgis. Enfin, écoute tout ce qu'ils vont t'apprendre. Ce sont des confrères qui n'ont pas eu la même << chance >> que moi, mais ils sont avant tout des Nains. Des. Nains. Tout comme toi. Tâche de te rentrer ça dans le crâne. Maintenant va te reposer. Tu commences demain, juste après la salve. Aucun retard. Je trouverai une entente avec le Directeur."

Je parcourais donc les derniers mêtres dans le quartier, à toute allure, à travers les ruelles rectilignes et les nombreux offices d'orfèvre, essayant de ne pas m'attarder sur le vacarme métallique, la chaleur montante et les conversations mêlant Khazalid et Reikspiel douteux. Là, c'est le lieu indiqué. La pancarte murale est pleine de suif... C'est juste illisible. Bah, c'est forcément ici.
On m'interpelle, en Khazalid. Au moins j'suis pas perdu. Qu'est-ce que je fais ici ? Je cherche à apprendre la forge et les armes. Qui je suis pour espérer apprendre avec tout ce barda d'Umgi ? Snorri Sturillson, fils de Sturill Stragudsson, Conseiller Dawi et Umgi, originaire de Karak Hirn. Et la lettre qui le prouve. Vu le regard, j'ai dû me faire comprendre. Père a toujours cet effet, même quand il est absent. Bon, j'enlève mon chasuble maintenant, ce n'est pas utile ici. Où est-ce qu'il m’emmène... Un autre atelier, sous terre ? C'est quoi cet emplacement ?! Ces forges, ces râteliers, les tisons brûlants et les fourneaux de pierre vive, tous cachés sous terre... D'extérieur, on ne peut se douter d'absolument rien avec le bruit ambiant et tout le tapage alentour. Pourquoi vont-ils si loin pour cacher tout ça ? Tiens, deux autres qui semblent attendre. Oh. J'suis le dernier arrivé, c'est ça ? Et mer...
[...]

Voilà donc l'enseignant. Mornin Bouche-à-feu. Qu'est-ce que je dois faire ? Le saluer ? ... Oulah, c'est pas son jour. On va attendre.
Si j'ai déjà tiré ? De quel côté on tient une arme à feu ? Euh... c'est une blague ? Bien sûr que je sais com... Attends, te précipite pas. C'est le bon moyen pour prendre une gifle dès le premier mot. il parle sans doute d'une arme Dawi. Les Hum... Umgis sont sûrement hors catégorie ici. Voyons voir... Le blond a l'air sûr de lui. Barbe-de-suie fond à vue d’œil... Oh et puis zut, je lève la main. Allez, soit sûr de ce que tu dis :

- "Oui, avec une arme Umgi. Un des pétoires qu'ils font dans leur École. Pas un vrai fusil Dawi."

Bon, c'était même plus proche d'un lance-pétard complètement rouillé qu'un pistolet Umgi, mais le principe est le même, non ? On charge le canon, on déverrouille la ... 'platine', et on actionne la mise à feu avec la gâchette. Et on évite les farces des dernière année, maintenant que je sais à quoi m'attendre. Allez, ne te dégonfle pas maintenant Snorri. Reste droit. Cherche personne du regard. Regarde au loin, droit devant toi. Ne te cambre pas, tu vas prendre une rouste...

[[MJ] Le Djinn]

Avec un dernier regard méprisant à l'encontre de Gungni, le terrible professeur se retourna sans faire plus attention que ça à la réponse de Snorri. Son esprit agité le poussait à chercher le sujet de la rencontre. Et quel sujet! Derrière les portes d'une armoire six fusils attendaient, neufs et rutilants, aux factures pourtant reconnaissables à l'œil exercé: trois de fabrication humaine et trois de qualité naine. Sans ménagement Mornin les bazarda sur une table accolée à un mur, des affaires diverses tombèrent lourdement au sol dans un fracas répercuté par les parois dures de la pièce.

-"Ceux qui savent montreront à ceux qui savent pas et ceux qui savent pas auront intérêt à bien écouter. Vous en prenez deux chacun, un dawi et un umgi. Pour aujourd'hui ce sont vos outils de travail, enfin les principaux."

Le premier à s'en emparer fût Sigmar, déterminé et un léger sourire traversant sa barbe. D'une main experte il soupesa les deux armes et en conclut un rapide comparatif.

-"L'arme de notre peuple est un peu plus courte... Plus de qualité cela dit... Oui meilleure précision, meilleure résistance, moins de risque de long-feu... Décidément, rien n'égale la science dawi!"

A ses côtés, les yeux mi-clos et replié sur lui même, le jeune Barbe-Poudrée se sentait bien moins à son aise. Il cherchait encore à attaquer à l'arme les lanières de cuir pendues à côté afin de le porter en bandouillère. Aventureux toutefois il osa poser sa question, qui pourtant paraissait relever de l'évidence:

-"C'est entraînement au maniement et tir aujourd'hui, c'est ça?"

Bouche-à-Feu n'écoutait déjà plus que d'une oreille distraite, occupé qu'il était à porter trois lourds sacs remplis de quincaillerie, approximativement la même dans chaque étui d'ailleurs. Il les posa devant les apprentis ingénieurs avant de se remettre droit, étirant son dos endolori.

-"On peut dire ça! Pour c'te leçon j'ai décidé de vous faire pousser la barbe pour de vrai, vous allez devenir des dawis véritables! Alors pour commencer: j'sais pas si vous êtes au courant mais les umgis sont incapables de faire quoique ce soit sans accroc, c'est l'évidence. Mais pour nous c'est une aubaine car ensuite on est payés par eux pour régler leurs emmerdes! Voilà le sujet: nos ancêtres ont construit les égouts de cette ville y'a des siècles et des siècles autant par commande que pour remercier l'Empire de son amitié avec nous. Seulement voilà, les umgis sont pas fichus de les surveiller correctement et toute la saloperie du monde s'est incrustée là-dedans: mutants, fidèles des Sombres, monstres en tout genre, trancheurs de gorge, skavens et la liste est longue..."

Il tapait ses mains sur sa bedaine surmontée d'un tablier noircie à la suie comme pour se débarrasser l'estomac des immondices qu'il venait de prononcer: la lie de la société habitait sous Nuln et il fallait bien toute l'obstination des humains pour l'ignorer!

-"Les umgis ont un service pour calmer un peu ce beau monde: les égoutiers. De braves types hein mais ils peuvent pas faire de miracles. Du coup la Comtesse - ou plutôt un de ses valets- a acheté les services d'une petite compagnie de brisefers pour nettoyer tout ce bordel. C'est là que vous intervenez: ce midi les dawis vont descendre et faire le ménage dans les couloirs et vous y les accompagnerez. Votre mission sera de tester vos armes, de noter vos observations et de me faire un comparatif clair des joujoux. Ah et en cas de pépin vous pouvez utiliser les outils à vos pieds pour réparer les bidules. Y'a des balles et de la poudre dedans aussi, pas d'inquiétude. C'est bien compris? Des questions?."

Les jeunes apprentis s'entre-regardèrent, peu à l'aise. Ce genre de mission était une nouveauté totale pour tout nain n'ayant jamais été au contact d'une forteresse, une occasion sans doute à ne pas manquer, ou pas...

[Snorri Sturillson]

... Et voilà, on y est.
Entraînement au tir, sur cibles mouvantes, réelles, et qui plus est des machins qui n'ont qu'une envie : nous raccourcir et/ou nous bouffer tout cru. Tu parles d'un travail d'orfèvre... Attends, il a bien dit des Brise-fer ? Mais où est-ce qu'on va bien fourrer notre nez dans les égouts pour avoir besoin d'une telle élite martiale ? On va remuer le Sous-Monde ? Hm... Ou alors c'est pour en mettre plein la vue à la Comtesse, comme d'habitude. C'est certainement ça. Elle a encore dû faire des folies et maintenant qu'il est temps de passer à la caisse, devant les banquiers des Guildes, elle blablate, et faut lui rappeler qu'on est pas des usuriers tendres et tête-en-l'air. Elle devrait pourtant le savoir, à force, qu'on n'est pas parmi les plus patients du monde, quand ça parle d'or. On est pas des Halfelins, bon sang ! Et voilà que je m'égare à rêvasser. Bon, ça va, j'ai rien raté. Vite, prendre la sacoche et les sachets de munitions, bien séparés de la poudre... Ensuite, le fusil Umgi. C'est vrai qu'il est un peu lourd celui-là, et pas vraiment à ma taille. C'est certainement fait exprès.
Ensuite l'engin Dawi.... Voyons voir.... Déjà, on voit que c'est plus pratique. C'est à l'échelle, l'épaule se place bien, la poigne aussi. Le canon est plus lisse, comme si le métal avait été retravaillé avant d'être mis en forme... Le rouet est différent, et le bois semble plus dur, plus rigide, comme pour tenir les chocs. Ou pour correspondre aux gros bras que j'ai vus en entrant. C'est certainement vrai dans les deux cas. Par contre ça pèse lourd tout ce barda. Il nous prend pour des mulets ?

- "C'est compris. C'est plutôt une expédition ou un simple entraînement ? Je comprends bien l'idée des Brise-fer pour nous guider, faire le ménage et nous protéger, mais ça me semble un peu exagéré de demander à l'élite de garder trois marmots. À moins qu'on ait une zone tendue à éclaircir."

Dans tous les cas, ça promets du grabuge, avec une telle protection. Vu la réputation des Brise-fer, il faut vraiment qu'il y ait du lourd parmi les mutants, les machins des égouts, ou quoi que ce soit d'autre ... Par contre, dans quoi est-ce que Père m'a envoyé, franchement? Si je me fais charcuter, ou qu'il m'arrive quelque chose d'affreux et qu'il l'apprend, ça va barder en ville. Mais ils doivent le savoir.... C'est peut-être pour ça finalement qu'ils font tout un pataquès pour trois apprentis ingénieurs. Un entraînement au tir en réel... Tsss, autant dire un coup d'éclat aux yeux de la Comtesse, et de mon père, ouais. Si je me rate, c'est moi qui prend les baffes de Père, et s'ils se ratent, c'est quand même Père qui va aller les secouer. Grandiose.

Enfin bref, on verra ce que ça donnera. Allez Snorri, reprends toi. Garde la tête froide. C'est des égouts, avec des vrais soldats autour. Y a pas de souci à se faire. Si tu te plantes, tu pourras au moins voir l'étendue qui sépare l'élite des Corps des Tunnels et toi, si grand soit-il.
Et puis, c'est presque à domicile, non ? C'est juste pas la bonne altitude...

[[MJ] Le Djinn]

Quelques minutes suffirent pour que le groupe de nains soit paré. Ils étaient beaux avec leurs armes en bandoulières, leurs sacoches, besace, outre et autre nécessaire. Le terrible Mornin les scruta de son œil inquisiteur, guettant le moindre défaut et n'hésitant pas à remettre en place l'équipement d'un distrait, par exemple la sacoche de Snorri ou un fourreau de dague pour Sigmar. Avec ça les créatures des tunnels n'avaient qu'à bien se tenir: ils avaient de quoi leur répondre!

-"Pour ta gouverne, jeune Sturillson, y'a pas de vraie différence chez les nains entre l'entraînement et l'expédition. On apprend jamais mieux la guerre que dans le creuset de la bataille. Mais vous inquiétez pas trop non plus, les brises-grobis sont au courant de vot' pucelage et feront gaffe à vous. Allez, suivez-moi maintenant, j'vais vous lâcher chez eux."

Quelques marches d'escalier plus tard et la surface s'offrait à eux. Le quartier était encore plus animé, les forges battaient à plein régime et on négociait sec avec les aventureux humains qui souhaitaient passer commande. C'était évident pourtant: qualité dawi, prix dawi, fort simple! Malheureusement les umgis semblaient incapables de comprendre cette simple équation, tentant toujours de tirer le coût vers le bas, arguant que des forgerons de leur peuple feraient la même chose pour trois fois moins cher! Le nombre de forgerons nains qui partit en hilarité était trop élevé pour être compté…

Une trotte à travers la ville, sortant du quartier nain pour la Neuestadt où, effectivement, six nains en grosses armures argentées attendaient à côté d'une porte aux barreaux d'acier trempé. Les passants les lorgnaient de loin, d'un air suspicieux, se demandant sûrement ce que c'était que cette compagnie de guerriers en armures lourdes, bardés d'armes blanches et à poudre, qui attendaient là en sifflant. Gungni et Noraksson laissèrent s'échapper un "ouah" d'admiration: ces dawis étaient proprement formidables à regarder et les légendes qui courraient sur ces champions des forteresses leur donnaient une aura plus grande encore. Bouche-à-Feu se rapprocha et serra la pogne d'un des courtauds à la barbe poivre et sel.

-"Bon les petits gars, j'vous laisse avec ce gaillard, jusqu'à la fin de la mission vous lui appartenez. A ce soir, je veux vous voir rentrer pour un rapport cette nuit même."

C'est ainsi que les jeunes-barbes furent laissées face à face avec ce grand costaud aux bras épais comme des troncs ainsi que ses cinq assistants aux esprits renforcés par des décennies de bataille.

-"Alors c'est vous les crevettes? J'suis Thorin Kodarson et là y'a Patok, Rollon, Fimir, Melnor et Skalf. On va passer l'après-midi dans les égoûts et on va zigouiller tout ce qui a pas le bon nombre de bras et de jambes. Vous, vous restez derrière nous et quand l'ordre est donné vous avancez pour tirer. C'est bien compris?"

[Snorri Sturillson]

Donc c'est un entraînement, en nous envoyant au charbon ?
...
Hm.

Je crois que je n'ai pas le choix de toute façon, donc pas besoin d'y réfléchir plus en profondeur. Pouah, ce que c'est lourd tous ces outils ! On va faire un bruit d'enfer à trois avec les soldats en armure autour. Ca va quand même être quelque chose, cette histoire... Des Brise-fer, bon sang ! Des soldats entraînés, l'élite de la défense des forteresses, qui font le sale boulot de protéger les tunnels du Karaz et de l'Ungdrin Ankor, et qui sont, j'imagine, très souvent en première ligne. J'ai pas envie de me prendre une gifle d'un de ces gars-là... Surtout que, si c'est des vétérans, ils ne doivent pas être très sympathiques, une fois mis au travail. Bon, note à soi-même : ne parler que quand on me le demandera, et suivre ce qu'on me dira de faire. Remarque, on nettoiera p'tet plus que la zone prévue. Et puis p'tet qu'ils ont des grenades à phosphore... J'espère qu'ils en ont. P'tet une unité défectueuse, qui n'explosera pas, que je pourrai récupérer. Quoique, c'est de fabrication Dawi, ce serait exceptionnel que ça ne fonctionne pas comme prévu... J'pourrai au moins enfin voir à quoi ça ressemble réellement, plutôt que les expérimentations farfelues des Umgi Impériaux. Parce que bon, leurs armes incendiaires, c'est remarquable sur les pièces d'artillerie, mais si ce que Père me rabâche est vrai, tous les explosifs à main de l'Ecole d'Artillerie, c'est pas encore ça, que ce soit les charges de démolition, les grenades, ... J'pourrai peut-être en faire quelque chose. Père sera content. Enfin, je crois.

Ils nous emmènenent où, exactement? Eh, mais c'est la taverne en bas de ... Bah oui, l'Université. Et là, l'office de la Guilde des Médecins. Qu'est-ce qu'on vient faire à la Neuestadt ? ... Ah, voilà les fous d'Hoffenbach, et...

Foi de Grungni, ils sont vraiment là ! Et six costauds, en plus ! Ce n'est pas possible, on n'est pas de la même espèce, y a une étape différente quelque part ? Déjà, vu la trogne, ils doivent avoir un siècle de plus que nous, chacun. Et ça n'a pas l'air d'avoir été un siècle de repos ou de politique... Même sans l'armure, j'suis sûr qu'ils font tous au moins trente livres de plus que moi ! Et je n'ose même pas calculer avec l'armure ... D'ailleurs, c'est quoi ce métal ? On dirait de l'argent, mais personne n'oserait faire ça quand même. Même l'autre déjantée, la nièce de la Comtesse, elle n'oserait pas faire ça. Enfin, je crois... Donc que des Dawi fasse cela pour une demi-douzaine d'armures minimum... Sainte Valaya, c'est pas de l'argent, c'est du fer météoritique... Du gromril... Ils en portent donc vraiment. Et pas une pièce n'est faite avec un autre métal. Ça doit coûter un prix à fabriquer... Et c'est plus lourd que l'acier, ou pas ? J'aimerais bien l'inspecter, mais je vais certainement me prendre un pain, et j'ai bien envie de garder mes dents et ma caboche en intégralité. Qui plus est, on a du travail qui nous attend.

Donc on a le chef, Thorin. Les deux bruns teigneux, Patok et Rollon. Celui à coté, c'est Fimir, et à coté, le... Blond, c'est Skalf. Et juste derrière, Melnor. Bon, faudra se souvenir de ça, et ne pas faire de gaffe. Un après-midi entier dans les égouts... J'ai bien fait de ne pas prendre mon chasuble. Non seulement, j'aurai eu l'air ridicule à coté de ces masses de métal et de muscles, mais en plus, j'aurais dû en racheter un en sortant, si je voulais mettre les pieds une nouvelle fois dans les institutions Umgi... Attends, comment ça "tout ce qui n'a pas le bon nombre de bras et de jambes" ? Euh, aux dernières nouvelles, il n'y a pas d'insectes géants là-dessous.

- " Compris " , dit-il en hochant la tête.

Eh misère, va vraiment y avoir du spectacle en bas. Je ne sais pas si c'est de la peur ou de l'impatience que je ressens, mais ça me prend aux tripes. J'ai l'impression de surchauffer, comme une bouilloire sous pression...

[[MJ] Le Djinn]

Trois expérimentés devant, trois jeunes, trois expérimentés derrière, tel était l'ordre de marche des nains quand ils entrèrent dans les égouts de Nuln par une porte lourde et barrée de métal. Ils ne restaient d'ailleurs pas longtemps à la surface: après deux mètres de couloir à ciel ouvert un escalier sale en pierre taillée plongeait avec une pente raide vers les ténèbres. Prévoyant les brises-fer avaient déjà allumé une petite lampe à huile dont le chef Thorin Kodarson se servait pour ouvrir la voie. L'escalier conduisait à une salle troglodyte formant un carré de huit mètres de côté percé au plafond par un puit de lumière, laissant les guerriers se préparer correctement. Et quelle préparation! Haches courtes et masses d'armes d'acier trempé, pavois de gromril épais qu'ils porteraient à la puissance du bras, grenades de divers modèles nains, multiples pistolets à la ceinture, casque ouvragés et gravés de rune, matériel de survie, cordes et lampes pour chacun. Ils partaient dans ces lieux souterrains mieux que les umgis ne partaient à la guerre.

-"Allez les grobis, en route. On a assez trainé."

Sigmar déglutit et Snorri put constater que ses jointures étaient blanches à force de trop serrer son fusil, terrifié qu'il était, loin du calme des professionnels. Une lourde porte de pierre ferrée barrait encore la route, une énorme serrure la bloquant. Evidemment le barbe-de-fer sortit de sa sacoche une clé épaisse pour l'ouvrir. Un vent puant parcourut les narines des présents quand l'air putride s'échappa de la cavité. Une odeur de cadavre et d'oeuf pourri fit frissonner les jeunots.

-"Autant vous y habituer, les jeunes. En tant que dawi vous retrouverez cette odeur dans toutes les batailles que vous mènerez."

Les tunnels étaient pourtant d'une fabrication magnifique, bien loin de l'odeur fétide qui les parcourait. Il se constituait de deux marges d'environ un mètre de large chacune, grandissant occasionnellement, aux virages notamment, séparée par un canal peu profond large de trois mètres environ. Les murs étaient parfaitement agencés, taillés et gravés de frises et runes naines qui racontaient probablement l'histoire des nains du cru. Le guerrier Patok discutait d'ailleurs avec Fimir à ce propos.

-"Et donc nos ancêtres ont fait tout ça? Pour sûr ils ont pas chômé."

-"Ils avaient été payé pour ce boulot, ils allaient le foirer hein. Par contre regarde moi la finesse des traits de ce dawi, c'est l'œuvre d'un maître."

-"Tu crois que les umgis sont dignes de tout ça? J'veux dire ils sauraient pas reconnaître une porte naine d'une porte skaven..."

-"T'as vu l'état des égouts? T'as ta réponse mon pote."

En effet, si les murs eux-mêmes étaient propres et nets, ils étaient couverts d'immondices à la nature variée. Excréments, fluides corporels, fruits et légumes pourris, jambon faisandé. Les eaux charriées par le canal étaient d'un vert opaque absolument immonde et des ordures, passaient régulièrement accompagnées, plus rarement il est vrai, d'un corps humain. La première heure de promenade, dans les niveaux les plus proches de la surface, fût d'un ennui mortel, heureusement un premier événement vint briser la monotonie: une forme bougea dans le lointain noir profond. Thorin leva sa lampe vers la forme et constata qu'il s'agissait d'un humain recroquevillé.

-"Rollon t'y vas. Les enfants en formation devant nous, vous le couvrez."

Haussant les épaules, Rollon, la lumière posée sur le casque, s'engagea, l'air neutre, en passant il demanda à son supérieur:

-"Acier ou poudre?"

-"Poudre, faudrait pas émousser l'acier. Et puis avec un peu de chance le bruit attirera les autres."

Sitôt dit, sitôt fait, le nain rangea sa hache pour sortir un énorme pistolet d'un calibre indécent du point de vue umgi et s'approcha de la forme. Elle lui arrivait en fait à la ceinture, positionnée comme elle était.

-"C'est un enfant humain, barbe."

-"Rien à signaler?"

-"Il a trois oreilles, y'en a une en plus sur le front,c'est bon?"

-"C'est bon!"

Rollon approuva d'un signe de la tête et, presque sans regarder le marmot terrorisé qui pleurait à chaudes larmes en l'implorant de partir, leva son arme et explosa le crâne du mutant d'un tir bien placé. Le gamin se retrouva éclaté comme un fruit trop mûr et s'effondra sur le sol avant que le brise-fer ne balance son cadavre dans le canal avec un coup de pied. A côté des étudiants, Thorin était ravi.

-"Allez repos les jeunes, on continue! Au moins on aura pas perdu notre journée!"

[Snorri Sturillson]

...
Bon, on entre par une porte, c'est déjà ça. C'est un sacré escalier ça, quand même. Ils ont repris le modèle d'un château ? Ça me semble bien trop grand pour des égouts... Ah, et c'est quoi cette.... Je préfère pas savoir.... On va regarder bien devant soi, sans penser à ce qu'il y a sous mes semelles. Surtout, ne pas faire attention aux bruissements et aux espèces de clapotis visqueux à chaque pas, hein, surtout pas. On est en sécurité, entouré par des soldats entraînés, extrêmement compétents et habitués aux souterrains, tout va très bien se passer, n'est-ce pas ? Alors pourquoi j'ai quand même des doutes, hm ? Pourquoi j'ai quand même l'impression d'avoir 20 livres de plus qui m'écrasent les tripes ? Oh, voilà que ça ne descend plus. Eh, c'est pratique cette ouverture au "plafond". Ça rappelle bien qu'on est sous terre, et qu'il faut grimper pour échapper aux ennuis... Superbe. Tiens, voilà qu'il y a des râteliers et des supports d'armement dans cette salle. Bon sang, tout cet équipement ! Des haches, des pièces ouvragées de partout, des lampes à huile, des boucliers ciselés, etc. On croirait du travail d'orfèvre. Grungni me garde, la fortune que ça doit coûter ! Y'a même des inscriptions lisibles sur les pièces d'équipement. Voyons voir ce que ça dit... "Honneur. Courage. Endurance."... Original.

On reconnaît le trait Dawi, c'est plus que certain. Et là, voilà des maillets, des cordes, du linge épais, et même des rations et des... Attends, des rations ?! Mais qu'est-ce qu'on peut foutre des rations ici, on est sensé rester qu'une après-midi !

...

J'espère qu'on ne va pas se paumer là-dessous. J'ai tout sauf envie de devoir rallonger ce séjour "instructif" dans la merde et les relents de moisissures. On va garder le fusil bien en main à partir de maintenant, ça vaut mieux. Et voilà que je blanchis à vue d'œil. Merde. Par contre, avec tout leur barda, j'ai l'impression d'être cerné par des murs en mouvement. Des murs qui coûteraient un bras et une baraque à beaucoup de seigneurs Umgi, mais c'est un détail. À ce niveau-là, ça sert plus à grand-chose de faire une estimation du prix. Tiens, on se met en mouvement. Ils doivent plus avoir de place pour rajouter du métal sur les pistons qui leur servent de jambes. Ils ne sont pas tous comme ça dans les forteresses, j'espère. Ah tiens, y avait l'ouïe et la vue, maintenant, c'est l'odorat qui passe en revue. Au moins, on ne s'est pas trompé, ce sont bien les égouts. J'en sentirais presque mon petit-dej' qui tangue.

Par contre, il a raison le chef, ce n'est pas du travail de fainéant ! La pierre est bien droite, rectangulaire, lisse. Les plafonds sont serrés et stables grâce aux murs qui s’arque-boute au sommet, et le tout s'incurve de manière circulaire à chaque croisement, sans angles vifs, et avec des bonnes pierres, bien taillées, presque sur-mesure. Ils sont même allés jusqu'à mettre une alternance dans l'agencement des interstices, pour empêcher les fuites, et donner un style propre. Enfin, propre, ça devait l'être à l'origine. Peut-être. Foi de Grungni, c'est un bel ouvrage, pour une si pauvre utilisation... Ils étaient combien à s'acharner pour tout ça ? Vingt ? Cent ? Plus encore ? ... Vu la taille de la ville, si ce labyrinthe en couvre l'intégralité, ça a dû prendre un temps considérable, et le service rendu pour contrebalancer à dû faire couiner plus d'un diplomate... Heureusement que Père n'a pas eu à se charger de cet échange.
Vu l'entretien accordé par les Umgis, j'imagine déjà l'humeur à table...

Qu'est-ce que c'est que ce truc qui flotte ? Ah, mais quelle horreur ! A partir de maintenant, je ne vais pas jeter un seul regard de plus dans ce torrent de saloperies qui coule à côté. Ah, c'est immonde. Moi qui pensais que les tarés des Taudis étaient dégueulasse, je suis servi [...]

[...]
Pourquoi on s'arrête soudainement ? Quelqu'un a vomi avant moi ? ... D'accord, il y a un truc là-bas. C'est quoi ? C'est trop petit pour un Umgi, non ? Ah bah si, c'est bien un Umgi. Encore plus famélique que ceux de la surface. Et avec des vêtements en accord avec les environs. Il s'est caché ici ? À cette distance, on dirait qu'il a toujours vécu dans cet enfer olfactif. J'ose à peine imaginer l'odeur qui émane de lui. Enfin, c'est qu'un gamin, c'est rien. On contin... Qu'est-ce qu'ils font ? Attendez, on ne va pas dézinguer un gosse, quand même ? Mais on est chez les Umgis, on ne va pas commencer par trancher le premier gamin qui s'est réfugié dans le coin, juste parce qu'il sent la merde dans un endroit pareil ? ... Trois oreilles. Et le chef pose pas plus de questions. Il arrive à les voir lui, cette triplette d'esgourdes ? C'est peut-être toutes ces nuits à lire qui m'ont trop habitués à voir de près... Mais quand même, trois oreilles, ce n'est pas un signe de danger, à ce que je sache. Bon sang, il va pas... !

- "..."

Il l'a fait, et sans broncher. Superbe. Impossible de parler à travers mes tripes nouées. De toute façon, personne ne m'aurait entendu à travers le vacarme du tir... Il a pulvérisé un gamin à bout portant, sans rien demander de plus. On est pas sensé nettoyer les trucs un peu plus dangereux ? Enfin, je ne sais pas moi, les rats, la vermine, les trucs agressifs, non ? Je croyais qu'on était sensé être trois apprentis qui devaient tester des armes sur de vraies cibles, avec du danger, et que c'était pour ça qu'on avait les 6 remparts vivants autour de nous... Pas qu'on était là pour massacrer les quatre affamés du coin. D'accord, il avait trois oreilles, mais quand même. Un coup de hache ça aurait suffi pour l'achever, non ? Il était pas obligé à rajouter une couche de cervelle sur le tapis de merde verdâtre...

Oh non, v'là le p'tit-dèj...
Allez Snorri, on tient le choc. On raccroche les boyaux, et on lâche pas le repas. Vu la tronche du chef, ça va barder. Il vaut mieux que je me taise. Il a le même genre de veine que Père, quand il part dans une de ces colères silencieuses, et qu'il se met à grommeler dans le corridor...

On est en train de trucider des gosses, et ça fait plaisir à tout le monde. Quel merdier...

[[MJ] Le Djinn]

La marche se poursuivait dans les boyaux salis par la boue, la merde et le sang. Le doux clapotis de l'eau berçait les oreilles des marcheurs, renforçant encore leur détermination. Les brises-fer semblait ravis et ne parlaient qu'en bien de ces tunnels, taillés juste à la bonne taille par leurs ancêtres. A vrai dire, à la réflexion même les trois apprentis n'étaient pas si mal dans cet endroit. Chez les umgis un bon nombre de dawis se voyaient forcés de vivre à la surface, ou bien dans des maisons de fabrication humaine ou bien sur les routes, hors leur nature profonde, la nature naine, préférait nettement les lieux étroits et cloisonnés. Bien sûr il y avait le stress de départ, la peur de l'inconnu, la crainte de la rencontre; sous un toit de pierre, pourtant, il semblait que ces sentiments finissaient par s'adoucir.

Point d'inquiétude pour les jeunes en revanche: les bruits de pas se multipliaient autour d'eux. Des pas légers ou lourds, rapides ou lents, proches ou lointains. Rollon et Fimir s'en touchaient deux mots d'ailleurs.

-"Je me demande si elle avait une famille la gamine."

-"T'as des regrets?"

-"Sois pas idiot, c'était une mutante, j'ai pas de regrets à avoir. Non je me demande si y'aurait pas moyen qu'on descende la famille aussi, comme ça on règle le problème."

Thorin goûtait peu ces discussions impromptues et ordonna rapidement la fin des bavardages. Ce n'était sans doute pas pour gêner Sigmar, un peu dégoûté par le ton donné à cette expédition. Malgré ça ni lui ni Gungni n'avaient l'air particulièrement contre le meurtre systématique des mutants, sans doute parce qu'ils avaient depuis longtemps accepté le crédo impérial officiel qui consistait à dire que les mutants étaient des monstres qu'il fallait tuer à vue. Les exactions quotidiennes de ces pauvres gens dans les bas quartiers, qui faisaient les choux gras des gazettes, n'étaient pas pour les détromper.

-"STOP! En formation Hexagone de Gromril! Les petits, au centre."

En effet, une forme avait bougé dans l'ombre et, plus important que ça, il semblait que le canal s'arrêtait là pour les marcheurs. Un mur bloquait toute avancée et l'eau s'écoulait à présent par une grille partant vers les profondeurs. En revanche une pièce était accessible sur leur droite, débouchant sur une salle rectangulaire très large qui avait dû servir comme entrepôt de matériel et salle de vie avant d'être abandonnée. Les brises-fer se placèrent en hexagone parfait, trois fois deux nains, tournés vers l'extérieur et bouclier en avant, entourant les trois apprentis ingénieurs. Positionnés comme ça, entrant les uns après les autres ils pénétrèrent dans la pièce. Rapidement ils durent se rendre compte qu'ils étaient complètement entourés. Une trentaine de formes grotesques évoluaient dans l'ombre et les recoins, dans les alcôves, les tuyaux ou les couloirs mitoyens. C'étaient des mutants. De pauvres bougres dont les corps avaient été dévorés par la corruption, les transformant en amas de chair dégénérés et horribles à l'œil. Le chef de troupe siffla:

-"Formation enclume appuyée arrière..."

Les professionnels se déplacèrent contre le mur d'entrée, qui semblait vide d'adversaires. Les dawis se replacèrent alors pour former un arc de cercle entourant les jeunes et appuyé sur le mur. Skalf rit aux éclats.

-"Formidable les petiots! Vous allez avoir le meilleur champ de tir de la ville!"

La masse horrible et immonde se rapprochait. Des femmes à plusieurs bouches garnies de crocs, des hommes dont les pustules étaient devenues si énormes qu'elles les rendaient bossus, des abominations sans sexe ni genre mais aux multiples bras et tentacules. Un véritable cauchemar visuel, une ôde à l'horreur qui laissait d'ailleurs Sigmar pétrifié. Des cris et des mots hideux et inintelligibles s'échappaient de leurs orifices: "Laissez nous", "pour...quoi…", "partez...", "mes enfants…"
Thorin lança alors, pour lancer la bataille:

-"Leur existence est un dammaz! A LA GUERRE! POUR LA FIN DU DHARKHANGRON! KAZAK! KAZAK!"

Les mutants, sans doute aussi terrifiés que provoquer par la voix graveleuse et puissante du barbe-de-fer, se jetèrent alors sur les boucliers d'acier et les armures de gromril. Snorri allait-il agir comme un lâche umgi ou laisserait-il la fureur des dawis envahir ses veines et le mener au combat?.

[Snorri Sturillson]

Allez, on respire...
On respire...
C'est quand même grand cet endroit, une fois qu'on a passé l'odeur qui attrape le gosier et la mélasse écœurante au sol. On doit bien marcher depuis trois ou quatre heures maintenant, au minimum. Hm, rectification : c'est quand même une grosse étape à passer, cette odeur...

Ca devait être quelque chose, quand c'était neuf. Les grandes arches bien polies, emboîtées parfaitement, sur des centaines de pas à la ronde... Et puis bon, on n'est pas si mal, sans la suie et les fumées des fonderies. Avec un pot d'arôme dans le nez et de vraies bottes, j'suis sûr qu'on peut s'y sentir au calme. Pas de gueulards qui scandent leurs offres et marchandises à tout-va, pas de roublards imberbes pour vous importuner parce qu'on n'est "pas comme les autres", ... Et surtout, pas de canonnade assourdissante toutes les 6 heures pour vous secouer les esgourdes... Mouais. Ce ne serait certainement pas la même histoire sans les six blocs de grès autour de moi, ou les deux compères à côté. J'me demande bien ce qu'ils pensent de tout ça, eux. Vu leur tête, ça ne doit pas être leur meilleur jour pour eux non plus. Ils sortent des forges, eux aussi ? Vu le cramoisi de celui-ci, il a dû expérimenter deux-trois fois en douce... J'me demande d'où ils viennent ces gaillards, quand même.
Tiens, y en a un qui a loupé le rythme de marche. Deux fois. Trois fois... Attends. C'est bien le bruit de nos pas, ça ? Hm...

Eh punaise, qu'est-ce que je m'étais dit. Ne pas regarder les effluves. Bah bravo, je m'étais presque habitué à l'odeur. Allez, concentre-toi, Snorri. Reprends-toi, contiens tes tripes et regarde devant toi. Desserre un peu la prise sur la crosse, concentre-toi et tâche de ne pas renverser la charge de l'arquebuse. C'est du travail nain quand même, pas une taloche de peintre. Ce serait insultant de cogner ça par terre. Et je n'imagine pas la rouste que je me prends si Bouche-à-feu voit que j'ai cabossée une arme... Ça a quand même quelque chose de rassurant, cet objet. Bon, ça pèse son poids, ce n'est pas souple du tout, ça se range qu'à l'épaule, mais voilà. C'est une vraie arme naine. C'est quand même étrange qu'on me file un tel objet pour m'entraîner. Ils n'ont pas peur que je me flingue une jambe en faisant n'importe quoi ? Hm. Ils doivent se douter que j'aie des instructions autre que les leurs.

Ah, on s'arrête ? On fait enfin une pause ?
...
Oh non. Non non non non.
Ça resserre les boucliers et j'vois les veines qui pulsent. Vite, le fusil. Tout est encore là-dedans ? Ouf. Allez, vite, on reprend l'arme en main correctement, même si je sais pas où me foutre. J'y connais rien aux formations militaires... Oh, bon sang, j'ai chaud d'un coup ! J'ai l'impression que tout fuse à fond de tonneau... Mais ils sont combien ?! 5, 10, 15... On est complètement cerné. Qu'est-ce que j'ai chaud ! Avec le chef qui beugle des ordres, j'ai l'impression que ma cervelle va exploser. Oh pétard, j'ai les jambes qui pulsent, les mains qui se crispent, et j'ventile comme un soûlard des Quais. Oh, bon sang, j'sais pas quoi faire. C'est un bain de sang. V'là qu'il tire en premier, l'autre blond. Vite, vite, vite.
Grande respiration, on serre et.... Là, celui avec les dents tordues ! Allez, pas le temps de voir s'il est mort, on s'écarte, on prend l'autre arquebuse, et on allume. J'aurais tout le temps pour me masser l'épaule après.... Là, le grand avec les coudées bosselées !

Clic.

Comment ça, clic ?! Barbe-teigne, je l'ai pas chargé ! Vite, dégage de là Snorri. Enfer de Gazul, j'ai pas le temps ! Recharge, recharge, recharge... On a dit : La poudre. Voilà. On tasse un peu pour pas flamber le canon. Ensuite : la bille... Et le rouet. Allez, allez, allez ! Faut pas attendre qu'il y ait une brèche aux remparts pour accélérer la manœuvre ! C'est bon, c'est armé. Allez, et que Grungni me garde, faut pas que je rate le prochain !