L'annonce de la possibilité de la présence d'un sorcier semblait surprendre les humains. Avaient-ils si peu de sensibilité aux Vents? Je me rappelais alors que mon peuple est l'un de rare peuple ou la Magie est fréquente, alors que les praticiens humains restent rares. Ils sont même fréquemment pourchassés par leurs semblables qui les catégorisent alors comme des enfants du démon. Il arrive en effet que cela soit possible. Que certains se fassent corrompre. Mais malheureusement, ils en existent certains qui pourraient accomplir de grandes choses et qui meurent à cause de ces chasses aux sorcières.
Je regardais le groupe et leur adressais un sourire amical.
-Mon peuple peut sentir lorsqu'il y a manipulation des Vents de Magie. Et quelques instants avant que les rats ne passent entre nos jambes, j'ai ressenti cela. Je ne suis pas versé moi-même dans ces pratiques, alors je ne peux vous dire quel genre de magie a été utilisé. Mais je ressens toutefois ces manipulations.
Si j'avais sût à l'avance qu'il était possible de croiser un mage ou un sorcier en ces lieux, je vous assure que je vous aurez averti. Mais je ne m'attendais aucunement à ce qu'une petite frappe comme Rezy soit de collusion avec pareil individus. Je dirais même que cela m'ennuie fortement. Un, ca veut dire qu'il a le bras suffisamment long pour trouver pareil individus et deux, ça nous mets en danger, ce que je ne souhaite pas. On va donc devoir agir en toute discrétion pour ne pas laisser le temps à ce sorcier de lancer le moindre sort. Et surtout rapidement.
Et par rapport à votre remarque, je vois deux possibilités. Soit le mage est un client de Rezy, soit un créancier qui doit un service à cette ordure. Il a pu lui demander de le cacher ou alors, Rezy lui rend un service. Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il est peu probable que le mage soit des hommes fidèles à ce chef de gang.
Je vous propose, si on voit que le mage est forcé de travailler avec lui de l'inviter à nous rejoindre. Que nous assurerons sa protection. Dans le cas contraire, il nous faudra le neutraliser. Qu'en pensez-vous?
L'idée pouvait paraître folle, mais si un mage se voyait contraint de travailler pour une raclure, le fait de lui offrir une protection officielle et une reconnaissance pouvait changer la donne. Cela pouvait permettre à l'individu de voir les choses autrement et de changer de cible. C'était un pari risqué, mais qui pouvait rapporter gros, autant pour le mage que pour la garde et la cité.
Ma demande d'un moyen de se contacter rapidement ne trouva de réponse favorable. Je m'y attendais, mais cela valait la peine d'être demandé. En pareilles circonstances, la réponse était normale. Il aurait fallu un moyen magique pour pouvoir se contacter sans se faire remarquer. Or, dans notre groupe, ce qui se rapprochait le plus d'un mage, c'était moi, de par ma sensibilité naturelle. Et je n'étais pas versé dans ces arts. J'en venais presque à le regretter. Mais je m’abstins d'en faire le commentaire.
L'on se sépara donc en deux groupes, comme l'avait suggéré le Capitaine. L'Egoutier et un soldat nous accompagna, Gil et moi, dans notre avancée. Ce faisant, alors que nous cheminions, je ressentis que la présence magique s'éloignait. Cela ne pouvait signifier qu'une chose. Ce serait le Capitaine et ses hommes qui se retrouveraient face à face avec l'homme. Cela me rassurait autant que cela m'ennuyait. Mais je devais faire confiance au Capitaine pour prendre la décision qui conviendrait à la situation le moment venu. Pour le moment, je me concentrais surtout sur notre objectif, la capture de Rezy.
Nous avancions, traversant de nombreuses salles. Et à chaque fois, la sensation de malaise se renforçait tandis que les odeurs me prenaient la gorge de plus en plus. Je dus même m'arrêter un court instant, me mettant à cracher de la bile tant l'odeur devenait insupportable. L'eau que je bus derrière pour me rincer la bouche ne changea presque rien finalement. Mais je repris notre périple.
Finalement, après quelques autres salles traversées, nous arrivâmes dans une salle bien plus grande que les autres. L'on arriva au-dessus de l'ensemble, nous permettant d'appréhender les dimensions du lieu, mais également ce qui s'y trouvait. Et cela n'était pas pour me rassurer. Un trou béant habitait le centre de la pièce. Un trou ou il devait être facile de faire disparaître bien des choses. Ou bien des gens.
De là où nous étions, nous n'avions guère le choix des possibilités pour rejoindre le reste de la pièce. Soit l'on s'exposait sur une échelle, soit on faisait le détour par une rampe obscure.
Je réfléchissais encore à cela lorsque l'égoutier nous fit signe et s'arrêta en montrant l'autre côté de la pièce où se trouvait une embouchure, nous disant que le Capitaine devrait arriver par là et qu'il resterait là tant que l'officier n'arriverait pas. Les humains peuvent parfois être bornés. Et dans le cas présent, c'était le cas de celui-ci. Je devais reconnaître que cela serait une perte considérable lorsque l'on se battrait contre Rezy et ses hommes, mais le point de vue de cet homme était compréhensible. Il tenait à sa vie plus qu'à autre chose. Or, Vondred lui avait promis un nouveau départ et il s'y accrochait fermement. Je ne pouvais le lui reprocher. Je hochais donc de la tête en guettant les entrées de la salle. Et il faut reconnaître que l'attente de ne fut guère longue et ma patience fut récompensée car bientôt, ce fut Rezy qui apparut là, accompagné par deux de ses brutes. Il semblait passablement pressé, aussi ne fouilla-t-il pas les hauteurs pour vérifier que tout était en ordre pour sa rencontre avec ce mystérieux client. Ce qui nous arrangeait, car, en position haute, il ne pouvait nous voir dans cette pénombre, pour le coup, salvatrice.
Toutefois, l'absence de Vondred et de ses hommes commençait sérieusement à m'inquiéter. Avait-il rencontré quelque chose qui l'avait ralenti, ou pire? Je ne pouvais être certaine de rien. Cependant, je me doutais que ce n'étais pas le fruit du travail de Rezy directement, sans quoi, il serait bien plus paniqué de savoir que les instances impériales soient au courant de sa petite affaire et que certains d'entre eux soient présent... A moins que la personne qu'il doive rencontrer puisse le prémunir contre ce genre de revers de fortune. Mais rien ne pouvait garantir à cette racaille ce genre de chose. Il serait donc, normalement, bien plus inquiet que cela. Du moins, je l'espérais.
Et voilà qu'il montre un signe de peur à l'encontre de ce mystérieux visiteur. Ainsi donc, cette personne avait de quoi provoquer pareil état chez ce chef de gang. Une chose intéressante.
Serions-nous assez rapide pour neutraliser ou tuer Rezy avant l'arrivée du client? Je l'ignorais. J'avais bien envie de dire oui, mais je n'avais aucune certitude. Et l'absence de Vondred pesait lourd dans la balance.
Je fis signe à mes camarades de me suivre en silence le long de la rampe, ramassant un peu de boue pour en enduire ma lame et ne pas nous faire remarquer en la sortant de son fourreau. L'on s'avançait lentement pour ne pas faire de bruit. Le but était simple. Se rapprocher pour être en position d'attaque dès que l'on aurait une ouverture sans se faire voir. Mais également, profiter d'un moment de surprise pour compenser les éventuels avantages que pourrait avoir Rezy et son client.
Je n'avais interrogé personne car j'ignorais comment porterais ma voix en pareil endroit. Et j'avais dû prendre une décision rapidement. Mon choix avait-il était sagesse ou folie? Seul le temps nous le dira. Mais nous allions devoir agir bientôt, avec ou sans le Capitaine. Je ferais ce que je pourrais pour tenir ma promesse de garder Rezy en vie, mais pas au risque de mettre la vie de Gil et du garde en péril juste pour cela. Il faudrait donc que Vondred arrive rapidement pour être certains d'attraper la cible. Je demeurais sur le qui vive, prête à esquiver les attaques à mon égard.
Je serais les dents, nerveuse, comme à l'aube de chacune de mes batailles passées, à l'issue incertaine. Qu'Isha veille sur moi et qu'Eldrazor guide ma lame dans ma chasse. Tel était le vœu pieux que je formulais silencieusement dans mon cœur.