Boum ! Boum ! Boum !
- Bardak ! Bardak Barbe-Plomb ! Bardaaaaaaaak !
Le nain poussa la lucarne qui donnait sur la rue pour s'assurer de visu de ce qu'il savait déjà : Otto, le propriétaire de la misérable pièce qu'il occupait venait lui réclamer les loyers impayés pour la troisième fois de la semaine. Malgré les jérémiades, les suppliques et les menaces de l'homme, Bardak avait toujours remis à plus tard le paiement promettant qu'il allait faire au mieux, que les arriérés seraient bientôt réglés mais la vérité était que le nain bien que disposant de la somme préférait garder les quelques pièces qui lui restaient pour les destiner à l'achat de matériaux et équipements nécessaires à satisfaire sa soif d'ingénierie. Hors de question, dans ces conditions de les laisser à ce fieffé voleur marchand de sommeil.
Bardak était décidé à le rabrouer une fois de plus lorsqu'il vit qu'Otto n'était pas venu seul : deux individus patibulaires se tenaient à ses côtés. A les voir le nain pouvait imaginer sans mal que leur musculature était inversement proportionnelle à leur intelligence -et Grugni sait qu'ils étaient épais les bougres !-.
Immédiatement, Bardak referma le carreau mais le mal était fait : ils le savaient chez lui et ne partiraient pas sans avoir obtenu ce pourquoi ils s'étaient déplacés. Malheureusement pour eux, le nain était têtu et ne comptait pas leur donner satisfaction !
Pourtant, il était coincé : aucune autre issue que la fragile porte de bois pour s'enfuir et impossible de se cacher.
- Bardak ! Ouvre cette porte avant que j'ordonne à ces types de la défoncer ! Bardak !
Aussitôt dit, aussitôt fait et, deux coups d'épaule plus tard, les trois hommes firent une entrée fracassante dans le réduit.
- J'me vois dans l'obligation d'ajouter ça à ta note, l'ami. déclara Otto en désignant les débris de bois qui, une minute plus tôt, étaient encore une porte. Il eut un sourire mauvais lorsqu'il posa ensuite ses yeux de fouine sur Bardak.
- Bardak, Bardak, Bardak... J't'avais dit que je reviendrais et que tu le regretterais si tu ne te montrais pas raisonnable. Il s'interrompit puis présenta ses acolytes. Ces deux gars m'ont coûté plus cher que ce que tu me dois et il va falloir que quelqu'un casque, le nain. Mais je sais bien que ta bourse suffira pas alors, Johan et Pirloui vont m'offrir un petit spectacle et te passer l'envie de me reprendre pour une truite...
Ne voyant point d'issue, Bardak se prépara à passer un sale moment mais n'était pas disposé à se laisser corriger sans se défendre, foi de nain ! Alors, lorsque Johan s'approcha il lui décocha un violent coup de poing dans les côtes et accueillit Pirloui avec un coup de tête dans le bas-ventre, reportant ainsi, pour un temps, l'inéluctable aboutissement qui prévoyait qu'il finisse battu, sanguinolent et inconscient sur le sol.
Effectivement, quelques minutes plus tard, Bardak gisait recroquevillé au milieu de la pièce. Une douleur lancinante aiguillonnait ses côtes, toute sa bouche était meurtrie, son visage tuméfié et sa barbe maculée de sang. Il était seul et au fracas de la bagarre avait succédé un silence rassurant.
Otto et ses sbires étaient repartis non sans avoir saccagé ses travaux et subtilisé sa bourse en dédommagement. L'homme avait lancé une ultime menace alors qu'ils abandonnaient le nain gémissant : ils reviendraient dans trois jours pour récupérer les trois couronnes manquantes... ou terminer le travail.
Bardak n'avait plus le choix : il devait trouver de quoi payer ses dettes ou, à défaut, de quoi s'éloigner d'Otto. Quoi qu'il puisse en être, le nain savait que seul le travail méritait salaire et qu'il n'y avait rien de mieux que la Reiks Platz pour lui offrir des opportunités de s'en sortir...
La nuit passa et le nain recouvra quelques forces et un semblant de dignité. Au matin, il s'avança d'un pas décidé vers le vieil Orme Sacré couvert de messages situé au beau milieu de l'immense place pavée déjà bondée de monde. Plusieurs messages sans importance plus tard, Bardak s'attarda sur quelques autres :
- Eh, vous ! Nous allons bientôt visiter du pays et nous battre pour la Comtesse Emmanuelle ! rejoignez-nous !
Bardak Barbe-Plomb devait maintenant prendre une décision à moins qu'une idée ne germe dans son esprit fertile...