Ainsi dut il mettre ses obligations féodales de côté pour honorer le premier de ses serments, envers la sylve. Celle ci était venue à lui, chargée d'une mission improbable dont seul ce peuple avait le secret. Défaire un seigneur noir, à l'autre bout du vieux monde. Pourquoi ? Pour l'empêcher de nuire davantage à ses lointains enfants dans la région. Comment ? En faisant alliance avec les créatures les plus répugnantes, fusse cela temporaire.
Mais à la surprise de Martin, plutôt que de devoir franchir l'Empire de part et d'autre, à cheval ou en bac, il n'eut qu'à coller son front à un arbre, prier et fermer les yeux, pour être transporté en un lieu inconnu.
La première chose qui le frappa fut l'air. Celui ci était différent, plus lourd, sec, attaquant la peau et vous vidant de l'eau contenant votre corps. Pendant une minute, il eu l'impression de suffoquer, lui qui avait quitté les terres froides de l'hiver nordlandais, pour un été de canicule, sous le soleil cruel des frontalières.
Ensuite ce fut les étranges animaux, qu'il mis un temps à identifier, présents à ses côtés. Hommes bêtes. La lie de l'humanité. Les parias. Les mutants. Les monstres. Ces saloperies que l'on tuait à vue. Cette engeance du chaos que l'on tuait au berceau, la rage au cœur, par devoir. Mais étrangement, un baume mystérieux vint éteindre cette haine dévorante qu'il avait à l'égard de ces abominations, et, bon an mal an, fit route avec eux vers la cité.
Et quelle cité ! Une ville alliant le magnifique à l'horrible. Cette architecture des plus raffinées, des plus nobles, ces dômes d'or et de lumière, ces murs parfaits, ces tours qui semblaient toucher le ciel... Mais également le silence. Ce silence de mort qui vous prenait à la gorge, vous glaçait les os.... Oh. Certes. Il y avait des vivants en ces lieux, mais.... Ils étaient peu. Ils étaient silencieux. Et effacés. Discrets.
Au centre de l'urbain se dressait une forteresse noir, faite d'onyx, ou bien d'obsidienne. L'entrée n'en était pas gardée. Ni surveillée. En fait, les rares soldats vivants les invitaient même à y entrer.
Sur ses gardes, ses nouveaux "compagnons" à ses côtés, le chasseur, l'arc en main, la flèche déjà encochée, longeait les murs de ce palais sinistre. Tout était de bon goût, mais quelque chose dans l'air gâtait tout cet apparat et cette gloire passée qui avait décorée la place....
Divers salles traversée, trophées admirés, exploits d’antan du maître des lieux, capturés par tableaux, statues et sculptures....
L'être qui leur fit finalement face dans la salle du trône....C'était... Il n'y avait pas de mot. Son aspect sordide, macabre, n'éteignait malgré tout pas le charisme qui se dégageait de lui. Les corps suspendus de sinistre manière, derrière sa personne, le sang qui peignait le mur, les tapisseries, teintées du liquide carmin d'infortunées victimes...
Et cette femme étrange qui figurait à ces côtés... Ce regard froid, cruel, qui vous donnait envie de vous carapater, mais en même temps cette beauté sensuelle à qui vous ne pouviez dire non, à qui vous donneriez tout, dans l'espoir infime qu'elle daigne vous laisser caresser sa main, sentir son parfum.... Elle lui fouetait le sang comme jamais, faisant naître un désir insoupçonné en lui, tant dans son cœur que dans son bas ventre...
Sortant sa dague, le chasseur s'entailla le bras, la douleur aiguë lui faisant monter les larmes aux yeux, mais lui permettant par là même de revenir à lui même, et d'atténuer l'aura de ces deux personnes sur sa personne.
Enfin le souverain de ces lieux s'adressa à eux, de sa voix caverneuse. Il les interrogeait d'une voix blasée, par quelle folie ils espéraient vaincre ? S'ils se sentaient dignes ?
Et c'est là qu'il réalisa qu'il ne pouvait certainement pas vaincre cette créature. Les chances étaient largement inégales. C'était marcher droit dans les bras de la mort. De Morr même.
Souriant, l'impertinent répondit calmement.
Il y a plusieurs moyens de vaincre. J'ai déjà repoussé la mort par plusieurs fois. Il suffit juste de lui cracher dans l’œil.
Le seigneur liche se leva alors, se saisissant de sa vorpale pour s'apprêter à pourfendre ses "invités".
Offres nous donc un combat digne d'une geste seigneur noir !
Martin n'avait pas attendu que l'ennemi se lève pour agir. Déjà quand celui ci leur avait adressé la parole, il s'était reculé, sans lâcher sa flèche encochée, pointée vers le bas. Après une ultime bravade, il prit le temps de viser, puis larda l'affreux d'un rapide trait vers l’œil du noir seigneur. Si la main de l'archer n'avait pas tremblée, il allait faire de ce sac d'os un sac d'os borgne. Quoique pouvait un squelette être borgne alors qu'il n'avait pour tout œil qu'une sombre cavité ? Fichues abominations. On était toujours obligés de philosopher lorsqu'on les combattait....
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