Il y eut un grognement. La main sortit de l’ombre, emportant en coup de vent une chauve-souris jusqu’au sombre recoin d’où elle était sortie. Elle la broya brutalement, puis pendit mollement le long d’un corps massif et difforme. Les yeux dans le vague, Milosh contempla le cadavre informe. Pourquoi était-il ici ?
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Son Maître l’avait regardé, de ce regard de prédateur qu’il voulait noble. Puis avait craché :
« Toi être réveillé. Remercie ton seigneur et maître, car il t’a fait le plus beau cadeau qui soit. Te voila Stryge. Mais toujours le serviteur de Rametep l’Eternel ; son débiteur à jamais. Le reconnais-tu ? »
Hébété, les sens en feux, ne comprenant ni où il était, ni qui il était devenu, il avait acquiescé, sans en saisir le sens. Mais une part de lui savait qu’une certaine vérité venait d’être dite.
« A présent, tu dois partir. Il n’y a pas place ici pour deux serviteurs de la nuit. Le Prince te délivre pour instant. Va ! Je trouverais quelqu’un pour m’apporter trésors aussi. »
Milosh s’était contenté de le regarder, incrédule, flatter de la main un objet de gromrill qu'il avait rapporté deux ans plus tôt. Cela lui avait fait mal aux yeux. Ne le voyant pas réagir, le Prince avait grondé, de sa voix étonnante :
« Toi partir. Maintenant ! »
La bête avait sorti de longues griffes et fixé Milosh, l’œil noir. Il quitta le cimetière en rampant.
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Caché dans une maison abandonnée des faubourgs, Milosh, tremblant de tous ses membres vit son regard dans une flaque. Il hurla.
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Sa main était désormais rapide. Trop rapide pour le petit rat qui tentait de fuir. Le vampire planta ses dents démesurées dans la carcasse bientôt exsangue. Ses sens s’apaisèrent. Il devait s’éloigner encore. Il était bien trop près des hommes et de leurs feux. Ces feux qui désormais lui brûlaient les yeux.
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Il s’était caché par instinct des hommes, et s’était éloigné du cimetière. Il ne savait pas où il allait, ce qu’il devait faire, ni ce qu’il était. Ses bras devenaient de plus en plus longs, sa poitrine plus forte. Il sentait ses griffes crisser contre les dalles de pierre. Il pouvait désormais se suspendre aux poutres, comme les chauves-souris, son aliment de prédilection qu’il chassait de nuit, ses yeux se riant de l’obscurité. Qui était-il ? Cette question lui vrillait le crâne, anéantissant le frêle fil de ses pensées.
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Il marcha jour et nuit. Il n’avait plus soif, plus faim, ne ressentait plus la fatigue. Mais cette marche apaisa ses esprits. Lui permit de comprendre que ses sens étaient meilleurs, plus vifs. Et sans savoir pourquoi, il se dirigea vers un village. Il commençait à ressentir une puissante démangeaison dans tout son corps. Quelque chose contre laquelle les pauvres chauves-souris ne pouvaient rien. Et il sentait que quelque chose là-bas était fort, et pourrait l’apaiser. Il allait affronter les feux et son ancien peuple, l’humanité.