Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

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[MJ] Le Djinn
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

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Au Cul-de-Morr, Piero vidait des godets plus vite qu'un truand vidait les bourses des passants sur le marché de Sartosa. Les breuvages, infects, refusaient catégoriquement ce se laisser ingurgiter, rendant nécessaire de les boire d'un trait, avant que leur cocktail de saveurs infectes ait le temps de s'installer sur les papilles. Certains habitués du coin ne devait d'ailleurs plus pouvoir sentir les goûts à force d'avoir enchaîné les godets au vu de la facilité avec laquelle les liquides formant un arc-en-ciel de brun et de jaune pisse coulaient dans leur gorge.
Rien d'autre à signaler que ce que Piero avait compris en poussant la porte de la piaule insalubre: la taverne rassemblait la lie de Trantio, les déshérités, les chiens, les malaimés. Toutefois, ses connaissances des bas-fonds avisaient le bandit au grand cœur à ne pas se méprendre sur la nature de ceux qu'il voyait. Les adeptes de Shallya ou de Ranald, pétris des meilleurs intentions, se feraient un devoir de les absoudre de leurs erreurs. Les premiers pleureraient sur les conditions de vie terribles des enfants qui deviendraient les monstres de demain, sur la décadence de la société, sur la perméabilité des hommes aux Ténèbres. Les seconds fustigeraient les riches, les nobles, les véritables truands qui, selon eux, paradaient dans les manoirs en vêtements de soie et pas dans les rues en chemises percées. Ils avaient partiellement raison, ils avaient partiellement tort.

Car autant que la vie nous forge, nos choix nous définissent. Reproche-t-on au fer d'être de mauvaise qualité quand la lame éclate sous le choc ou blâme-t-on le forgeron incompétent? Fustigeons-nous la pierre fourbe quand l'édifice s'effondre ou renvoyons-nous le maître d'œuvre qui n'a pas sur travailler avec? A ce même titre, fallait-il se tourner contre les conditions d'existence avilissantes du nouveau-né ou contre l'homme qu'il deviendrait? A qui s'en plaindre d'ailleurs?

Les dieux civilisés étaient trop haut, et Rhya indifférente.

Au final ils restaient à critiquer, ces criminels et malandrins. Personne ne leur avait demandé d'égorger pour trois pièces à l'effigie d'un prince disparu, personne n'avait exigé d'eux qu'ils violent des serveuses apeurées, personne n'avait requis qu'ils pillent des commerces. Ces dangers publics devraient être surveillés, par la force si nécessaire. Le sabre de Piero rougirait peut-être encore de sang cette nuit et les âmes de gens que personne ne regretterait rejoindraient peut-être Morr par son cul.

Test d'intelligence de Piero: 3, réussite.
D'un geste nonchalant, le bandit lança une pièce sur la table pour payer ses consommations. La soirée qui avançait se révélait somme toute assez banale. Quelques combats éclataient bien ça et là entre mauvais payeurs et videurs ou entre alcooliques, mais quelques torgnoles volaient avant que le calme ne revienne, ou plutôt que les rires reprennent leur place dans la salle. Il allait franchir le dernier pilier de soutien avant la porte quand une voix annonça, trop forte pour qu'li puisse la rater:

-"C'te richou là, il mourra d'un accident."

-"Qui t'la dis?"[/b

-"L'Ale! C'est l'Ale qui a le coup. Demain, pendant le spectacle..."

Les silhouettes qui parlaient appartenaient à deux hommes dans un cercle de quatre. Des travailleurs des carrières au teint blanchi par le marbre extrait à la sueur des mains et aux bras brisés par des décennies de travaux de force. La puanteur suave de la sueur, intolérable à tout nez ayant connu plus d'un bain annuel durant toute sa vie, aurait fait frémir un gobelin. Ils se partageaient le contenu d'une énorme cruche aux effluves de fromage de brebis trop fait. Vêtus de noir et de gris, ils donnaient l'apparence de fantômes, de spectre condamnés à errer pour l'éternité autour de la table ronde où ils avaient pris place. Se sentant écouté, l'un d'entre eux fit signe à ses compagnons de parler plus faiblement et Piero ne put rien entendre de plus. Cette information en poche, il franchit la porte pour l'ouvrir sur un gaillard costaud et tatoué d'une lame enflammée sur le bras droit. Un "protecteur" des dames, en vérité un guetteur chargé de renvoyer à la boue les clients trop pénibles. Se forçant à sourire, il laissa passer le bandit sous couverture avant de lui lancer:

-"Hésitez pas à revenir demain soir! On a la Compagnie du Rat Noir qui passe nous chanter la chanson et nous montrer des femmes!"

Le noir le plus absolu étreignait Trantio. Les rues, silencieuses, ne s'agitaient que pour étouffer le pas feutré des voleurs de nuit et celui, martial, des patrouilles mercenaires. Le chemin à la Rosa Blanca serait quelque peu long mais sans agitation majeure. Peut-être pourrait-il en profiter pour commencer un de ces plans qu'on lui avait appris, dans les Irranas?
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Même les relais de la Drakwald entre la neige pleine de merde et les engelures aux pieds résonnaient dans sa tête comme des lieux bien plus heureux et avenants que ce bouge. Là bas, malfrats des bois, chasseurs, charbonniers, on était tous un peu égaux entassés à partager lentilles et mauvaise bière. Alors que là.

Les truands qui trainaient ici n'avaient pas l'once d'idéalisme de son ancienne bande, aucune lueur finaude dans les yeux, rien que ces iris noirs des grandes lamies que les pêcheurs du Nordland pendaient à leurs étals. De sales bêtes que nul ne regretterait, il ne pensait pas aux poissons.
Tendant le cou et l'oreille aux conversations environnantes, il scruta d'un œil faussement insouciant les marbriers. Pour trainer dans le coin ça devait mijoter autre chose que du sauté de veau.

Et il n'était pas tombé sur un osso bucco. Ces loufiats là n'étaient pas moins troubles que les bandits de l'autre tablée. Ça parlait de dégommer un richard. Demain. Durant un spectacle. Et pour citer le premier homme du vieux monde à avoir reniflé un cul de putois : Ça pue cette affaire.
Piero inscrivit toutes les informations dans sa cervelle de piaf chanteur. Le faciès des bougres, leur voix, le plan.

Puis en continuant d'être le plus désintéressé possible il s'éclipsa. Non sans un regard en direction du portier. Diantre, il devait avoir plus de malfrat à dégager que lui si il avait été à la Rosa. En parlant de ça il devrait y retourner. Planifier comment empêcher Lorenzo de bouffer les pissenlits. Sur le chemin il réfléchissait. D'abord, l'avertir. Voir si il était résolument décidé à aller dans ce cloaque alors que la ville offrait pléthore de tavernes. Surveiller ses boissons. Surveiller les hommes autour. Rester armer. Et ne pas boire. Il faudrait rester affuté. Attentif. Se méfier des filles et surtout. De l'Ale.
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"Ma qué ?!"

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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Le lendemain matin, Piero fût réveillé par le bruit d'un client sortant de la chambre de Bianca, mitoyenne à la sienne, et faisant bruyamment savoir à quel point il avait apprécié la passe. C'est que Bianca, en le convainquant de rester pour la nuit et de payer l'astronomique somme demandée, s'était octroyée une belle avance sur ses rentrées de la semaine. A part ce haut-fait, la soirée précédente s'était déroulée sans surprise, les habitués venant profiter des charmes de leurs favorites et des vins bien trop chers de la Rosa. A présent venait la première étape d'une journée réussie: le petit-déjeuner. La salle commune où se trouvaient des tables drapées de lin blanc accueillait les différentes femmes de la maison close, souvent avec leurs enfants en bas-âge. Justement Alessia buvait une soupe en discutant avec Oriana, d'un an son aînée et qui donnait en même temps le sein à ses jumeaux nés deux mois plus tôt. C'était un tableau charmant que ces filles, que l'on voyait plus souvent nues que vêtu, discuter dans de simples robes de jour sans gloire des sujets habituels des femmes tiléennes et en l'occurrence des enfants. C'est qu'Oriana tenait pour acquis le fait d'épouser le père des bambinos, un jeune sergent mercenaire qui était le portrait craché des garçons et un de ses clients les plus réguliers. Depuis le temps qu'ils se côtoyaient et discutaient avant ou après l'acte, elle avait appris à le connaître et le savait peu riche mais responsable et agréable, d'où la décision de l'épouser purement et simplement plutôt que de demander une somme rondelette. Les deux femmes cancanaient également sur Pia, la petite de dix-neuf ans enceinte au huitième mois et dont le père était à n'en pas douter un fils de prince-marchand, ses principaux clients. Elle priait Shallya et Myrmidia nuit et jour que l'enfant à naître soit le portrait craché de son père pour pouvoir, justement, lui faire cracher le plus d'or possible.
Cette conversation, Piero ne l'écoutait que d'une oreille distraite jusqu'à ce que des cris résonne dans l'entrée.


-"Mama! Mama!"

Un des sales gosses de Trantio, un certain Augusto, faisait une entrée fracassante dans la maison close, réveillant au passage les filles les moins motivées à quitter leur couche. Sa mère, la robuste Claudia, vint le trouver pour lui passer une éponge sur le visage: le petit était parti tôt dans les rues avec un groupe de copains pour aller chasser la bande du grand Paolo, le fils cadet du boucher Unsodini, celui qui posait son étal place des Piastres. Evidemment, Paolo et ses camarades plus âgés avaient collé une rouste à Augusto et ses amis, aussi celui-ci revenait-il piteux avec des hématomes sur le visage et une petite plaie au genou droit. Sa mère, plus fâchée qu'inquiète, le gronda sévèrement alors qu'elle l'emmenait vers sa chambre pour le débarbouiller. C'est à ce moment que Susanna, toujours dure à la tâche et déjà au travail depuis l'aube, sorti des cuisines pour apporter de l'eau de source (achetée à grand frais) et du pain beurré avec du jambon à Piero. Son visage ne tenait aucun signe de fatigue, quoiqu'elle devait être épuisée des tâches ménagères, longues et répétitives. Elle fit un geste de la tête vers la mère et son garçon qui remontaient.

-"Quand tu n'étais pas, Madonne parlait de toi de temps en temps. De quand tu étais petit et que tu allais te battre. Elle s'en servait pour donner des conseils aux mères de la Rosa. Alors, c'est vrai que tu as cassé les dents de devant du juge Fanmino? Il refuse encore de sourire aujourd'hui à cause de ça!"

Avec un gloussement elle ricana et retourna pour sa journée de travail. Piero quant à lui pourrait utiliser son temps libre pour chercher des idées concernant la protection de Lorenzo. Le rendez-vous ayant le lieu le soir, il disposait d'un peu de temps pour réfléchir à tête reposée, quoiqu'on le mettrait à contribution durant l'après-midi pour faire la garde près de la porte. Les clients difficiles venaient plutôt le soir en général, mais si la rumeur courait que la Rosa avait engagé un gardien à temps plein éloignerait les plus lâches des emmerdeurs. A cette occasion, d'ailleurs, sa mère lui adressa presque la parole en lui signifiant à grand geste de se ranger à compter du comptoir, à côté d'Annabella, la petite brune rencontrée lors de sa première visite. Elle regardait Piero comme un fantôme, avec un mélange d'admiration et de curiosité morbide. Sans doute lui avait-on dit qu'il était mort loin de la Tilée, lui faisant douter de la nature de l'homme à ses côtés. Un esprit perdu venu terminer les tâches n'ayant pas pu être achevées de son vivant ou un véritable être de chair et de sang ayant vu le monde? Curieuse, elle demanda:

-"Dis euh... Piero? Tu... Tu as déjà vu les forêts de l'Empire? C'est comment?"

Elle lui offrit deux grands yeux noirs comme seuls savent les produire les ventres des Estaliennes. Son faciès bronzé et ses cheveux légèrement raides confirmaient qu'elle devait provenir des côtes à l'Ouest. Sa propre question semblait l'embarrasser.

-"Enfin on m'a dit qu'une forêt c'était comme un parc mais avec des arbres partout et j'ai jamais vu plus que quelques arbres dans un parc... Je voudrais savoir, à quoi ça ressemble? Est-ce que c'est beau, une forêt? Est-ce que les gens au Nord vivent dedans? Oh et est-ce que les impériaux ont des têtes de chien aussi? Le Santorelli -tu sais le journaliste qui tient le Trantien Enragé- l'a écrit dans son journal d'il y a deux mois et ça ne me sort pas de la tête. Surtout qu'il y a un marchand de Noulno qui est passé l'autre jour et je l'ai pas trouvé différent des autres hommes à part qu'il était tout blanc."

Son air coincé entre le vexé et le soupçonneux plaqué sur sa charmante bouille de jeune fille en fleur ne pouvait que faire fondre les coeurs. Pas étonnant, dans ces conditions, que Lucia lui demande de tenir l'accueil. Il restait encore quelques heures à tirer avant de pouvoir aller chercher Lorenzo, Piero aurait donc le temps de lui répondre.
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

D'une certaine façon, Piero avait à nouveau dix ans. Il prenait une collation dans la salle commune avec les femmes, les filles et les moutards de l'une et l'autre. Il était juste plus grand, plus cabossé, plus poilu. Et plus si vivant.

Des histoires de braves femmes cherchant à échapper à cette vie pas si pire mais pas si mieux. Quitte à élargir ses horizons bas, le mariage, faire cracher le pognon à quelques pigeons. Combine et débrouille, c'était le lot de ce monde. Au dessus des grouillots, en dessous des honnêtes gens. Une bande de besogneux comme seuls les villes pouvaient en entretenir. Et c'était très bien ainsi.

Il sourit en regardant arriver les garnements tout crottés. Les gosses continuaient à se battre entre eux. Pour des fiefs inexistants, pour des titres fantoches et des genoux égratignés. La vie continuait en fait. Elle ne s'était pas arrêté avec son départ. Le monde tournait encore, il avait juste décidé d'enfoncer les deux pieds dans le sable. En croquant dans les victuailles de Susanna, l'aventurier ne pu réprimer un rire. "Ce vieux truand a finit Juge ? Tou va mal en ville depuis mon départ, je vais devoir rectifier ça."

Puis, le petit déjeuner englouti, il s'en alla à la tâche guère palpitante de videur. Sur sa chaise, était ce de l'orme ? Dur à dire sous l'usure, il faudrait la poncer, il regarda passer les gens dans la rue. Avec l'agitation du matin tardif. Puis, inclinant la tête vers la gauche, il fixa Annabella qui le regardait comme si il avait une laitue entre les incisives. En prenant son air le plus diligent, Piero sourit avant de demander du regard si il y avait un soucis.

-"Dis euh... Piero? Tu... Tu as déjà vu les forêts de l'Empire? C'est comment?"

Alors ça. Pour une question. C'était quelque chose. Il en resta un peu con sur le moment.

-"Enfin on m'a dit qu'une forêt c'était comme un parc mais avec des arbres partout et j'ai jamais vu plus que quelques arbres dans un parc...
Je voudrais savoir, à quoi ça ressemble? Est-ce que c'est beau, une forêt? Est-ce que les gens au Nord vivent dedans? Oh et est-ce que les impériaux ont des têtes de chien aussi? Le Santorelli -tu sais le journaliste qui tient le Trantien Enragé- l'a écrit dans son journal d'il y a deux mois et ça ne me sort pas de la tête. Surtout qu'il y a un marchand de Noulno qui est passé l'autre jour et je l'ai pas trouvé différent des autres hommes à part qu'il était tout blanc."


Se pinçant l'arête du nez, descendant pour refriser ses moustaches, il commença à répondre aux existentielles questions sylvicoles de la charmante demoiselle dont il devrait sûrement demander ce qu'elle faisait la semaine prochaine pour Festag.

"Par où commencer... Déjà saches que si je recèle de qualités, je ne sais pas déchiffrer deux mots. Donc les papelards des Baveux ça me passe loin, loin au dessus." Il mimait bien entendu le mouvement de la main au dessus des plumes de son couvre-videur. "Et il s'appelait comment le marchand ? J'ai traversé la moitié du pays avec quelques bons gars. Je pensais leur inviter de passer..."
Une idée germa dans son esprit. Quoi que non. C'était tout juste une graine glissée dans un petit trou de terre. Elle allait avoir tout le temps de mûrir. "Et pour éclairer ta lanterne ma belle Annabella. Les Impériaux sont de tout type et tout aspect mais à part pour le caractère et parfois l'odeur, ils n'ont pas grand chose de canin." Il ricana. "Même si chez eux les loups ont un rôle prépondérant. C'est l'animal d'un de leurs dieux. Ulric. Dieu de l'hiver. Des loups. Et donc en partie des forêts. Et alors les forêts... Si ça peut te sembler identique, des arbres, des arbres, des arbres... Elles sont toutes différentes."
Il faisait bien entendu de grands gestes pour illustrer ses dires. On est tiléen dans ce bordel oui ou mince ?
"Imagine des étendues d'arbres aussi grandes que la ville, plus grande même. Des milliers de lieues d'arbres, de buissons. Avec les animaux qui vivent dedans. Mais aussi les monstres, les bandits. Les forêts font peur. Même si les Impériaux vivent entourés d'arbres, ils sont pour la plupart dans des villes. Des villages. Ils déboisent, ils mettent des palissades. La forêt est une marâtre qui nourrit mais peut dévorer. Pourtant les Hommes y vivent. Ils essayent tant bien que mal de la dompter. Chasseurs, bûcherons. J'ai rencontré au nordland, quasiment accolé à la Norsca et à ses barbares blonds, tout plein de braves hommes des bois. Ils étaient les plus valeureux que j'ai connu Annabella. Ils craignaient la forêt et la respectait. Mais il n'y a pas que les hommes et les créatures à poil ou à plume. Il y a les elfes. Tu as déjà vu un elfe toi ? J'en ai croisé une, j'ai dormi avec, vécu avec un temps. Elle ne vivait pas dans la forêt, elle en était une part." Sa voix s'étrangla un peu. "Comme le souffle du vent dans les cimes, l'eau qui s'échappe des mousses pour former les ruisseaux. Elle était la forêt. Féroce mais belle. Les forêts sont terrifiantes mais aussi splendides. L’Été elle sont chargées de feuilles d'un vert dense, les fruits mûrs éclatent au sol, la vie s'ébat. À l'automne les feuilles de certains arbres ne changent pas mais d'autres... D'autres prennent la teinte des cheveux de Maman. Cuivré, orangé, comme le ciel du soir. Avant de tomber. L'Hiver s'installe alors et tout s'endort sous une couche de neige si épaisse qu'elle pourrait recouvrir les Appucini sans même laisser transparaitre les sommets. Mais après l'hiver suit le printemps et la vie reprend. Les arbres reprennent les feuilles qu'ils ont perdu. Les animaux mettent bas. On se prépare pour une nouvelle année. Comme les Hommes de l'Empire le font."

Après ces belles tirades, il réajusta son chapeau. Et l'idée plantée en tête vint quérir le soleil salutaire à sa croissance. "Dis moi. Avec les filles. Vous connaissez quelques gaillards francs du collier mais assez... Imposant ? Et de préférence armé ? Pas que je ne fais pas confiance à mes qualités de bretteur mais j'ai un nobliau à protéger et mon dernier tour au cul-de-morr m'a confirmé que certains là bas préféreraient qu'il ne respire plus. Tu comprends pourquoi j'aurais besoin d'une poignée de types pas trop bavards à envoyer avant mon arrivée là bas. Histoire de. Bien sûr je rémunérais."

Il irait aussi voir en fin de journée si il peut remettre la main sur les gaillards du Hijo de Manaan en ville. Mieux valait être bien accompagné une fois dans le cloaque.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Plus brave que bien des hommes, la jeune femme hocha la tête positivement, pour faire celle qui comprenait ce qu'on lui disait. Dans les faits, son regard laissait transparaître une intelligence somme toute moyenne voire limitée que compensait son bustier que d'épais mamelons cherchaient à percer. Plus d'un gaillard s'était crevé les yeux sur un téton dressé de celle-là. En croisant les bras, elle répliqua tout de même:

-"Oh mais vénérer des loups! Je veux pas dire mais c'est de la sale race ces bestiaux là! Faut être un peu con pour les prier! Est-ce que les impériaux sont pas un peu cons justement?"

Le passage sur les elfes impressionna grandement la ribaude dont les lèvres se transformèrent en un "o" ébahi. Des étoiles dans les yeux, elle lança ses conclusions et observations:

-"Une elfe? La chaaaaance! J'ai déjà vu un elfe venir ici, une fois! Il venait demander son chemin! Et y'a une elfe aussi qui se produit dans un bordel de la haute j'crois! Mais elle couche pas, elle fait que parler et les nobles paient une fortune pour l'inviter à diner. Oh je te jure, moi aussi j'aimerais qu'on m'invite à diner pour que je puisse parler. J'ai toujours mal aux hanches après les diners, c'est chiant. Et en plus t'as dormi avec?! Ca suce, les elfes, alors? J'ai fait un pari avec Eva! Faut dire qu'avec leur tête longue là elles doivent pouvoir prendre tout du..."

Une toux rauque vint la cueillir au tournant. C'était Susanna qui ne faisait que passer. Comme Piero avait terminé sa tirade, Annabella, qui n'avait pas sa fibre poétique, se prit simplement à imaginer à quoi ressemblerait un monde orange avec des truies mettant bas. Décidant que cela ressemblait bien trop au quartier du Prince, elle effaça la vision de son esprit.
Restait la question de Piero sur une ou deux fines lames à emprunter. Sur ce point là, elle avait quelqu'un en tête.


-"Des gaillards armés et pas trop regardants? Hé, on a pas trop ça je crois. La clientèle ici c'est plutôt les employeurs directs des sales types... Mais j'crois que j'ai quelqu'un en tête. Va à l'impasse de la Tegola Verde, tu sais, dans le quartier des Albero di marmo? Un diestro vit là et je crois qu'il a besoin d'argent. Il était tellement sans-le-sou qu'Ophélia a dû le prendre à moitié, tu te rends compte?"

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Le lieu-dit de l'impasse de la Tegola Verde. Ici commençait la colline de Trantio et se rassemblaient ceux du peuple qui n'étaient pas assez riche pour faire partie de la classe moyenne mais qui l'était trop pour vivre dans les quartiers misérables aux côtés des rats. On trouvait ici des ouvriers qualifiés, des petits artisans, des marchands débutants, des serviteurs municipaux et tout ce que la cité considérait comme trop important pour ne pas les laisser mourir de la galle mais en même temps pas assez pour leur laisser le droit de respirer un air qui ne donnait pas la tuberculose.
Trouver l'adresse ne fût pas tâche aisée, mais quelques questions aux femmes en train de réparer des habits ou de donner le sein aux enfants suffirent pour arriver à bon port: entre quatre maisons de pierre qui devaient avoir neuf siècles et qui avaient trois étages, tous lézardés. On ne devait pas y mourir de froid en cet hiver doux, mais personne ne voudrait venir vivre ici par choix. Il y avait trois portes mais Piero savait laquelle le mènerait à celui qu'on nommait sobrement "le Diestro".

Il frappa. Pas de réponse.
Il frappa encore. Des pas lents.


-"Qui va là?"

Quand Piero lui répondit, la porte s'entrouvrit, une chaine d'acier empêchait qu'elle s'ouvrât complètement. Un homme plutôt âgé devint visible. Grand, bien bâtit, des vêtements d'aventurier bien entretenus, plus que les quelques vieux meubles derrière lui. Des cheveux bruns, une épaisse barbe, un début de bedaine entouré de bras puissants et surtout, ses pièces maîtresses, son chapeau à bord et sa rapière à la garde dorée.

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L'homme dévisagea Piero avec prudence, la main non loin de la garde et le corps toujours majoritairement derrière la porte afin de bénéficier d'une protection facile en cas de présence d'arme à feu.

-"Je suis Alejandro di las Campos de Aceitunas. Que me proposez-vous?"
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Piero avait rompu le pain et tirer le vin avec des mendiants comme des rois, ainsi l'affirmait-il, mais il fallait bien l'admettre, les mendiants n'avaient pas toujours la philosophie que leur imputait les penseurs. Et la seule réflexion d'Annabella devait être dans une plaque en cuivre polie le matin avant son service. Faut dire qu'elle en avait un joli de reflet, et de profil.

Mais c'était si dur d'aimer les femmes d'ici. Quand la sévère Francesca Licitra tenait encore les lieux elle savait les choisir. À une paire de rognons prés elle aurait pu finir sergent-recruteur pour une compagnie de mercenaires la vieille peau. Au fond de sa mémoire il se souvenait des inspections. Elle ne prenait pas n'importe quel brin de fille échouée dans les caniveaux. Il fallait que les clients en aient pour leur argent. Un corps en bonne santé, une face pas trop dévastée par les maladies infantiles. Les filles nues qui pleuraient en rattrapant leurs atours au sol lorsque la matrone aux yeux de glace leur disait de partir.
Dès lors toutes les femmes du bordel avaient été ses tantes à l'époque. Cette génération là était-elle des nièces ? Des nièces curieuses aux grands yeux noirs et au cuissot ferme voulant savoir ce que pouvait bien avoir vécu ce drôle d'épouvantail pondu par la patronne.

"Je dirais pas que les Impériaux sont cons. Je pense qu'ils sont différents. J'ai appris à les aimer à force tu sais. Comme j'ai appris à aimer Trantio et ce qu'elle a à m'offrir." Un clin d’œil, un sourire.

À la suite des remarques de la jeune femme il ne put s'empêcher de rire un peu. "Le jour où j'ai ma paye je t'offre un diner si tu veux. Ce n'est peut être pas l'elfe des Princes mais..." Repensant un peu à l'espèce de teigne aux cheveux de feu il soupira. "Je n'ai pas pu le savoir. Mais par contre une descente à la gnôle. Je suis le premier Tiléen à voir une elfe danser à moitié nue sur une tablée. Ça je te le dis."
Un peu de complicité. Avant ce soir. Avant les grandes scènes avec les grands de la ville.

Après les conseils, il la remercia d'un salut de chapeau et alla se préparer pour trouver son potentiel complice.

Les quariers moyens, moyennement vivables. Le ventre rond et prolifique de la ville. Ici vivotaient les artisans, les gens un peu au dessous d'eux. Qui assuraient que la ville fonctionne. Et dont les enfants suivraient les pas. Peut être qu'il aurait terminé ici si il était resté. Peut être. Qui sait ?
Mais c'était un tout autre diestro qui s'était retrouvé là. Après avoir toqué à la porte, il resta de marbre. Droit, digne, formel.
Il avait plus trop fière allure ce diestro. Mais si il était honnête et compétent, il servirait son rôle à la perfection.

-"Je suis Alejandro di las Campos de Aceitunas. Que me proposez-vous?"

Il fit le signe de révérence entre diestros. "Bonjour señor Alejandro. Je suis Piero Orsone Salvadore Manicha Enrico de Riviera di Cruz da Trantio. Aventurier galant, bretteur et musicien. J'ai une proposition pour vous. Ce soir. Rémunérée bien entendu.
Replaçant son chapeau, il ajouta : "L'idée est simple. J'assure la protection d'un estimé citoyen de la ville. En toute discrétion cela va de soit. Mais j'ai besoin de renforts. Et qui d'autre qu'un confrère qui a juré sur sa rapière de défendre l'honneur et la bravoure en toute circonstance ? "
Devant l'intérêt et la curiosité grandissante d'Alejandro, il termina :
"Rendez vous ce soir au cul-de-Morr. Restez discret et assurez vous de répéter tout perturbateur qui viendrait troubler les festivités."
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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[MJ] Le Djinn
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

L'heure approchait. Dans les marmites les soupes du soir étaient mises au feu vif, les ouvriers rentraient du travail et les marchands rangeaient leurs étals. Dans les caserne, les Caballeros, la garde municipale, préparait ses effectifs et ses patrouilles. Avec la guerre venait la paranoïa et les sergents d'armes veilleraient au grain pour que le moindre espion, ou reconnu comme tel, soit appréhendé. La chose inquiétait d'ailleurs davantage la populace que les véritables traîtres: n'importe qui pouvait être dénoncé par un voisin jaloux, un rival en amour ou un parent désireux de toucher un héritage et c'était la spirale infernale. D'abord les cachots aux interrogatoires, puis les prisons privées sous la colline centrale et enfin le gibet aux remparts. Même les innocents avouaient quand le bourreau s'y mettait avec assez de ferveur, surtout celui de la famille Trostina, le sadique Pedrini dit aussi "Mains Rouges". Dans ces conditions, se promener dans les rues quand les deux lunes s'étendaient au ciel demeurait périlleux, même pour un bandit aguerri et un bretteur vétéran.

Malgré tout, Piero arriva sans encombre au palais Davanzatti. Sa grande chance fût qu'un des mercenaires protecteurs du quartier noble l'ayant aperçu la veille se trouvait également de faction ce soir-ci, il laissa donc le repenti passer par la porte sans le passer par la lame. Les belles-rues, comme mortes à cette heure du repas, se firent écho de la démarche inquiète de leur unique occupant, seulement entrecoupés par les rires provenant des villas, demeures et palais sur les côtés. Des silhouettes sombres arpentaient sans fin les remparts et guettaient aux fenêtres barrées d'acier, surveillant cet inconnu qui pénétrait dans un monde qui ne serait jamais le sien.
Retrouver sa destination s'avéra plus difficile que prévu dans l'obscurité, mais il y parvint quand même. Les grilles des jardins formaient comme les dents d'une créature immense qui observait avidement le pauvre hère passant devant, tantôt aussi comme un rang de piquiers prêts à défendre leur position jusqu'à la fin. Il frappa à quatre reprise rapidement et bientôt la tête du serviteur Miguelo apparut derrière le fer.


-"Ah c'est vous? Pas de blague hein! Je vais chercher le jeune maître, ne bougez-pas."

Il ne mentit pas, car quelques minutes plus tard il revint avec Lorenzo le Jeune, préparé pour aller s'encanailler.
C'était un désastre.
Sans doute qu'aux yeux du jeune noble, les vêtements qu'il portait étaient du plus bas commun, du plus simple appareil. Jugez-donc: une veste rouge, un pantalon blanc, des gants gris et des bottes marrons. En soi, rien du déluge de couleurs qu'on attendait d'un membre de la haute-société. Sauf qu'au-delà de l'apparence générale, les matériaux utilisés n'avaient rien de commun, de même que la qualité du tissu. Tout était doublé de laine pour tenir chaud en hiver, les habits n'avaient aucune griffure ou saleté, ou si peu, le travail de main était remarquable. On était à des lieux du standard du Cul-de-Morr. Par chance il avait pris avec lui une longue dague bien en évidence et au tranchant sans nul doute affûté. Si Myrmidia était avec eux, la simple vue de cet objet dissuaderait une bonne partie des tranches-bourses et autres racailles nocturnes.


-"Vous voilà enfin! Vous en avez mis du temps dites-moi! Allons-y, je refuse que la soirée commence sans moi."

Musique!

Il appuya bien le dernier mot en avança avec cette démarche hautaine et travaillée que seuls la haute-société s'amusait à travailler, avec les prostituées et les nouveaux riches. Comme il ne correspondait qu'à deux des trois catégories suscitées, la nuit promettait d'être longue pour Piero.
Se frayer un chemin jusqu'à la taverne fût plus facile que prévu: les gardes patrouillaient dans d'autres secteurs et Lorenzo ne fit pas la forte tête. Son sourire idiot et son trépignement d'impatience risquaient en revanche de rendre les videurs et les clients nerveux, sans compter de potentiels assassins d'après ce que Piero avait entendu. Quand on les laissa entrer dans l'établissement devant lequel deux ivrognes s'entretuaient à coup de manches de pioche sous le regard désabusé d'un gardien semblant tout droit sorti d'un bagne de Lustrie marienburgeois, le jeune noble ne tenait plus en place. A l'intérieur, l'ambiance se chauffait pourtant à peine: la plupart des tables, déjà occupées, n'accueillaient que de pauvres gens occupés à prendre une mauvaise soupe avec du pain aux champignons. Pas d'origine, les champignons. Quelques filles commençaient aussi leur service, lançant des regards qui se voulaient charmeurs aux clients. La majorité étaient des laides ou des vieilles avec des trognes atroces. Seules une ou deux se démarquaient du lot, sans doute des filles des premières. Lorenzo s'avança et jeta au cuistot de salle, occupé à surveiller un fût de canon transformé en casserole géante:


-"Bonsoir mon brave! Envoie-moi ton pire plat!"

L'homme, dont le visage paraissait être un morceau de fesse de porc coincé entre deux verrues, aurait été moins surpris en voyant entrer Shallya juchée sur un pégase et jonglant avec des tartes au citron. Interdit, il attrapa un pain moisi creux et le remplit de soupe avant de l'amener au noble. Evidemment, on ne mangeait pas dans des bols ici, ce serait trop riche: on mangeait à même le pain. En observant le potage depuis sa position de garde, juste derrière son protégé, Piero compris que le tavernier coupait en fait de l'eau avec deux légumes et de la sciure de bois, pour épaissir. Evidemment, les regards ne tardèrent pas à se tourner vers eux, surtout vers Lorenzo qui souriait en mangeant le pire repas de sa vie. Des murmures parcoururent la salle et il devint rapidement évident pour Piero qu'il ne pourrait pas surveiller toute la taverne tant qu'Alejandro n'arriverait pas et, comme il ne lui avait pas donné d'heure précise, rien ne garantissait que ce serait pour tout de suite. Entre les prostituées qui, déjà, parlaient entre elles de ce richou dont elles reconnaissaient le maintien, les bandits de tout poils et les pauvres désespérés prêts à tout pour se venger d'un système injuste... Quel serait le plan de Piero pour la soirée?
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Par les imposantes mamelles de marbre des statues de la ville, Piero savait bien son bourgeois fort asticoté sur l'aspect aristocrate. Mais à ce point. C'était quelque chose.
Quand l'Estalo-tiléen lorgnait sur les fringues de Davanzatti il ne pouvait s'empêcher de se dire que les bêtes qui avaient servi à les confectionner devaient avoir mieux bouffé que lui.
Au fond de son crâne il espérait vraiment que Lorenzo allait retenir les quelques règles qu'il lui avait donné et qui pouvaient toutes sommairement se résumer à : Ne pas se faire remarquer.

Rien que le trajet lui donna envie de se cogner la tête contre les murailles de la ville jusqu'à les fendre. Comment pouvait on... Marcher comme un noble ? En tout cas ça se voyait comme les nichons d'Annabella. Sauf que le premier qui mettrait la main dessus c'était sa bourse à lui qui s'envolait. Et les parents Davanzatti ne laisseraient pas un couillon comme lui s'en tirer à bon compte si un loufiat égratignait la frimousse du rejeton sacré.
Si quoi que ce soit arrivait et qu'il mouftait, ou pire, n'était plus en état de moufter, ça serait les assassins au derche ou la corde en bonne et due forme. Il déglutit donc en suivant le branquignole sacré, espérant que l'autre ivrogne soit déjà arrivé au céleste cloaque.
C'était peine perdu. Le nobliau était aussi discret qu'un ogre dans une charcuterie et pas de trace d'Alejandro di las Campos de Aceitunas. Il soupira en restant alerte.
Tout en empoisonnant son palais sur cette soupe de misère, il louvoyait sur les cageots moches à faire peur et sur les malfrats autour d'eux. D'une main sur l'épaule il capta l'attention de Davanzatti. "S'agirait de rester un peu calme, la taverne nous regarde comme un mâtin lorgne sur une livre de saucisses."
Que foutait ses renforts bordel de madre ?

Les baguenaudes s'étaient approchés trop près du signore au gout de Piero. Agitant des hanches couvertes de varices et de peau d'orange pour séduire l'attention de Davanzatti. À coté c'était une table de jeu. Qui lui faisait signe. Bon, entre deux maux. Mieux valait le ramener plumé que couvert de morpions. Il le fit basculer en direction des parieurs. Qui bien entendu le faisaient gagner les premières manches. Il surveillait tout ça d'un œil tandis que de l'autre il regarda la bande de saltimbanques miteux qui s'installait sur "scène."
Bien trop d'information, bien trop de superflus dans cette antichambre de fous, de pauvres et de meurtriers. Jusqu'à ce qu'arrive dans l’entrebâillement de la taverne la figure de faisan empâté d'Alejandro. Bien. Il serait pas de trop pour veiller sur notre héritier et sur ceux qui voulaient lui élargir la gorge.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Avec toute la prestance de l'homme équipé d'une lame et sachant s'en servir, Alejandro di las Campos de Aceitunas s'avança dans la salle, le fourreau bien en vue de tous. Dans l'obscurité crasseuse du Cul-de-Morr il était difficilel de le jauger comme Piero avait pu le faire en plein jour, mais il donnait malgré tout l'apparence du diestro déchu. Ses vêtements, sans doute de bonne facture, s'élimaient sous une utilisation trop prononcée, sa barbe et sa moustache autrefois vaillantes grisaient et dégarnissaient par endroits, de même de nombreuses rides d'inquiétude et d'âge parsemaient à présent son visage alors qu'une grande fatigue se lisait dans ses yeux. De maigres rires naissaient à son passage ainsi que des sourires nerveux tandis que d'autres arboraient une mine plus sérieuse ou intriguée. Piero eut alors le loisir d'observer, selon sa propre expérience, qui dans la salle constituait de la petite frappe, du lâche qui fuirait au premier coup rendu, et qui constituait une autre frange de la criminalité qu'on pouvait nommer "les durs". Les débutants ou les pleutres riaient à voir un semi-vieillard entrer dans des habits de militaire déchu, s'imaginant avoir là une proie facile qui comptait surtout sur un passé révolu pour impressionner. A côté, la racaille plus expérimentée observait le détail de son apparence et comprenait qu'en cas de confrontation ils auraient affaire à forte partie: ses vêtements, même si vieux, étaient pratiques et permettaient des mouvements fluides dans toutes les directions, ses mains âgées portaient les marques veineuses de muscles toujours bien développés et un regard filant de droite à gauche, attentif à son environnement. On ne jouait pas à l'imbécile avec un homme comme ça.

En s'avançant, Alejandro croisa le regard de Piero ainsi que de Lorenzo, qui le dévorait du regard avec l'intérêt du blasé pour l'exotique. Conformément à ce qu'on pouvait attendre de lui, de Aceitunas ne prit pas le risque d'aller saluer son employeur du soir, ce qui aurait attisé la curiosité des chalands, et choisit plutôt d'aller se prendre une boisson au cabaretier.


-"Une bière. La moins mauvaise."

Il lança un sou sur le comptoir, que le propriétaire récupéra vivement avant de lui amener un verre contenant une substance grumeleuse, vaguement liquide et dégageant une odeur de moisi. Il allait la porte à ses lèvres quand un ruffian à peine adolescent lui envoya en riant:

-"Oh ben mon seigneur a des goûts de luxe! La pisse est pas assez chaude pour toi?"

Au regard qu'Alejandro lui lança, il apparut clairement à Piero que s'il n'avait pas été en mission, le moqueur aurait reçu une sévère correction. Malgré tout, il sut rester professionnel et se contenta d'un coup d'oeil assassin avant de retourner à sa boisson. Au moins son professionnalisme l'honorait, à défaut de laisser une forte impression.

La soirée put ensuite continuer sur le même ton que son début. A la table de dés et de cartes où Lorenzo jouait, la tension montait doucement. Au-delà d'être laissé vainqueur par ses adversaires, le noble s'en sortait plutôt bien: il montrait un certain talent tactique et pouvait gagner même sans mauvais comportement autour de lui. C'était le pire scénario. Dans ce genre de cas, les arnaqueurs et joueurs professionnels n'avaient même pas besoin de faire semblant et de laisser leur pigeon se douter de quelque chose. Ils le laisseraient simplement croire qu'il était bien meilleur qu'eux et le moment venu le feraient repartir avec pour seuls vêtements sa culotte et les cordons de sa bourse.
Les fleurs de pavé, voyant bien le petit jeu qui se jouaient, n'insistèrent pas au début, se rabattant sur des clients plus fauchés ou moins bien protégés. Une des plus jeunes, et à vrai dire une véritable rose au milieu de cette taverne, tenta d'approcher Alejandro, mettant en avant une poitrine ferme, des hanches capables de supporter ses coups de butoir et un minois fin qui n'avait pas encore reçu trop de coups. Au-delà du besoin matériel, Piero put sentir chez elle une véritable envie de se donner au vieux diestro; pas par concupiscence bien sûr ni parce que la prostitution lui plaisait, mais parce qu'il incarnait pour elle une forme de nouveauté, presque d'idéal. En d'autres termes, il avait l'air d'être le genre d'hommes qui ne la battrait pas pendant l'amour, qui la respecterait à peu près, qui paierait correctement la passe et avec lequel elle serait en sécurité pendant quelques dizaines de minutes. A quel niveau de désespoir fallait-il être pour considérer cet ancien duelliste comme un amant convenable?

Elle n'eut cependant jamais le loisir d'aller se proposer à lui. Une vieille catin édentée, sans doute s matrone ou sa mère, lui attrapa le bras et serra si fort que la pauvresse en eut un petit cri de douleur. Elle la lança alors vers Lorenzo, qui venait de gagner le gros lot et qui, attiré par la perspective de gagner encore, proposait de remettre la somme quasiment entière sur le tapis. Il était venu le moment suprême où les joueurs allaient le dévorer tout cru. Mais la damoiselle s'approcha de lui et mit tout son talent, tout son apprentissage pour le ramener avec elle avant qu'il ne puisse plus payer pour ses lèvres.


-"Je suis Anna, mon bon seigneur, et je peux être toute à vous si vous le voulez. Je sais faire des choses que nul n'imagine, dans d'autres quartiers...

Presque de force, elle attrapa sa main et la plaqua sur son sein droit. Lorenzo en parut charmé tandis que derrière lui les parieurs montraient désormais les crocs. De son côté Alejandro surveillait le reste de la salle: Piero préfèrerait-il le laisser aux bons soins de la belle ou vidé de son or par des brigands qui n'accepteraient peut-être pas un refus?
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Quand on a grandi dans un champs de fleurs de pavé, on sait qu'elles sentent le purin.

Piero regarda brièvement Alejandro. Avec lui dans la salle pour couvrir plus de manœuvre, il pouvait pleinement se concentrer sur Lorenzo et ses frasques.
La tapin ou le tapis. Bon. Tout faisan, pigeon, volaille de toute sorte sait que se faire plumer une fois met du plomb dans la tête, de linotte. Mais c'était un bien moins agréable moment que les cuisses chaudes et douces d'une rose perdue. Sauf que la fille lui ferait son affaire hors de sa vigilance. Ce qui pouvait aller d'un tabassage par des loufiats au détour d'un mur, à se faire égorgé sur le plumier de la ribaude. Et le Lorenzo se croyait bien trop Cesare pour ne pas finir pompé de tout son blé et son jus.

Entre les deux maux, il fit son choix et se ramena avec la délicatesse d'un porteur de marbre sur la table. "Permettez que j'm'installe ?" Vlan. Juste à coté de la petite Anna et de son bel oiseau bien riche.
Il se craqua la nuque. Et dévisagea rapidement les tourtereaux et la tablée d'escrocs tout en buvant de son immonde boisson sans alcool. Ce cloaque était décidément trop petit pour tout ce beau monde.
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