Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

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[MJ] Le Djinn
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Le vin coulait dans les verres et les gosiers tandis qu'on causait de tous les sujets du monde. Piero, toujours à la recherche d'un coup ou d'un métier pour se faire de l'argent. En vérité ce n'était pas les "petites annonces" glissées au coin des oreilles des catins qui manquaient, mais on parlait souvent de métier difficiles et dangereux, parfois illégaux. Certes, à Trantio comme partout en Tilée être noble et mourir sous la lame d'un assassin était considéré comme mort d'origine naturelle, pour autant aucune femme présente ne souhaitait empêtrer le fils de la matronne dans de tels problèmes. Il y avait bien quelques petites choses qui pourrait l'intéresser: certaines tavernes proposaient de payer des musiciens pour la soirée, quelques bonnes familles organisaient des diners où une mandoline ne serait pas de trop, on parlait même de monter la garde près des entrepôts du Petit Port. Rien qui ne corresponde à sa trempe pour le moment.

Peut-être que quelque chose arriverait dans les jours suivants... La guerre rendait le futur incertain et réduisait les opportunités, c'était un fait clair et établi.

Le reste de la soirée devait continuer sur un ton plus léger. On chanta quelques chansons, certaines femmes cousaient ou recousaient les draps, on allait coucher les enfants de la Rosa, on parlait avec le plus grand sérieux de la politique de la ville et on remettait en question la sagesse des princes concernant le manque de commande public aux maçons dont la colère grondait. En effet, on avait récemment appris que les marchands les plus riches achetaient de la pierre de taille de Karak Hirn et pas du marbre de la cité! Un affront innommable qui mettait les tailleurs de roche en fureur.
Mais la nuit tombait bien et les deux lunes prenaient leur place après le soleil. La cire à bougie coûtant cher, il valait mieux ne pas trop traîner. Les filles partaient les unes après les autres rejoindre leur lit, bâillant des "bonne nuit" peu convaincus tandis qu'elles se levaient, prenant parfois un pot de chambre ou un cruchon de vin au passage.
Très vite il ne resta que dix filles, puis six, puis quatre, puis Susanna alla dormir, puis plus personne à part Piero qui demeurait seul à la table, accroché à un pichet de vinasse qu'il ne parvenait pas à finir.

Le moment de vérité était venu, il le sentait dans ses tripes.

Sa mère, qui venait de recoucher un marmot trop aventureux, se dirigeait vers les cuisines. S'il se levait, là, ils seraient seuls et loin des oreilles indiscrètes. Elle ne lui avait pas adressé un regard en passant et une froideur permanente s'échappait d'elle. Le temps de lever la malédiction était venu.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Boire c'est moins agréable quand on est seul. Dans les reflets du liquide violacé, on revoit des visages qui nous manquent bien. Pedro, Fantini, Serena, les jumeaux, tant d'autres. Même certains aux oreilles en pointe. Mais trêve de cruchon pour le moment. Les fantômes du passé ne devaient pas lui faire oublier un problème bien plus concret. Et comme on allait à la guerre, Piero s'en alla parler à sa mère.

Lucia Orsone, une fleur aux cheveux noisettes qui avait ravi bien des cœurs. Bien des mèches d'un gris d'argent s'étaient glissées dans la coiffure serrée de la Dirigeante en chef des Roses. L'aventurier se passa une main sur le visage comme pour vérifier si tout tenait en place. Il avait troqué les habits alambiqués de la journée pour de simples braies et une chemise de soirée flottante. Les tatouages sur ses bras, entre ses omoplates ou sur le torse apparaissaient comme d'autant de cicatrices et de tâches accumulées. D'une certaine façon, il était aussi âgé qu'elle. Deux Tiléens à qui on avait demandé de grandir trop tôt.

Aussi humble que s'il se rendait auprès de Shallya fait femme, il entra dans la cuisine. "Maman..." Il inspira longuement. Comment pouvait-on traverser un quart du monde à pied, tuer de sang froid et trousser une duchesse et pourtant rester là, comme deux ronds de flan. "Je suis rentré maman. Je sais, enfin non, je ne sais pas. Il y a des choses que l'on sait que l'on sait, que l'on ignore sans peine, mais d'autres que l'on sait que l'on ignore. Et je ne peux pas savoir ce que tu as pu ressentir tout ce temps."
Il se rapprocha, comme un enfant qui avait fait une grosse bêtise et savait imminente la maternelle réprimande. "Je t'ai laissé. Deux fois. Et tu as le droit de m'en vouloir pour ça. Je t'ai laissé alors que toi... Toi tu m'avais tout donné."

Ses mains s'accrochèrent à un plan de travail, sûrement du hêtre. Il inspira encore. "T'as pris soin des filles, t'as pris soin de Susanna, mince... Tu le sais, mais cette gosse. Avec toi, c'est tout ce que j'ai. Enfin, tout ce qui a de la valeur pour moi. Pour vous, je partirai jusqu'à Rémas sur les genoux avec une peau de jute sur le dos si cela pouvait servir à quelque chose."
"Alors je ne sais pas ce que tu ressens. Tu peux être en colère, c'est normal, tu peux m'en vouloir, je l'accepterais, à défaut de le comprendre. Et si, les dieux en font grâce, tu me pardonnais, alors c'est que j'aurais réussi à réparer quelque chose pour une fois, au lieu de tout détruire."
Il regarda ses mains. "Car c'est ce que je veux, aider, pour changer. Faire de mon mieux pour quelque chose de meilleur. Je ne changerai pas le monde, je ne changerai pas le marbre en or ni les draps de lin en soierie. Mais au moins là. Je serais utile. Et quoiqu'il doit arriver à partir d'aujourd'hui maman. Je reviendrai. Je te le promets. Même si cela doit prendre du temps, je reviendrai. Même si je dois partir un temps pour revenir chargé d'or, je reviendrai pour vous. J'ai traversé un Empire, je le referais. Après tout, c'est mon foyer ici. Auprès de vous. Je n'ai ni toit ni terre. Mais je vous ai. Et ça je l'ai compris."
Et maintenant, faire face à la tempête. Tenir le cap.
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Anxieuse sans doute mais voulant paraître autant que possible détachée, Lucia fixait sans conviction une série de casseroles laissées sur le mur à sécher. A quoi pensait-elle pendant que Piero devisait? L'écoutait-elle ou se cachait-elle dans ses souvenirs? Elle aurait eu de quoi: son amant l'avait abandonné, son fils parti enfant, revenu homme. Qu'est-ce qu'il en savait, lui, de ce qu'elle ressentait? De voir partir sa progéniture en sachant qu'elle fait la même erreur que son paternel? De la voir réapparaître après des années, le visage buriné par la faim, la peur et la violence?
Mais Lucia n'était pas femme à abandonner facilement. S'il voulait expliquer, qu'il y aille.

Il s'expliqua. Elle comprit qu'il comprenait.

C'était difficile pourtant. L'abcès était si grand, si profond. Il y avait tant à dire, si peu de mots dans la langue pour l'exprimer. Ce n'était pas le temps qui manquait mais les moyens. Plus de dix ans entre deux rencontres, entre la pauvreté et la fortune, entre le départ depuis Trantio jusqu'au retour. De grands érudits, des poètes ou des hommes de lois auraient pu exprimer ce que son coeur de mère ressentait. Pas elle, elle n'en avait pas l'instruction. Elle devait essayer pourtant. Elle avait des choses à dire.


-"Je suis en colère, Pierino, mais pas seulement."

Elle prit longuement son souffle. Ce qu'elle avat à dire ferait mal.

-"Pourquoi es-tu revenu, Pierino?"

La question resta en suspens de longues secondes. C'était peut-être la phrase la plus terrible qu'elle eut jamais à prononcer.

-"Tu me dis que tu construire quelque chose, que tu veux arrêter de détruire... Mais alors pourquoi choisir un métier des armes? Tu pars un soir et tu me reviens blessé. J'ai vu le regard que tu avais, j'ai vu tes doigts encore blanchis par le fait d'avoir serré ton sabre... Piero, je sais des choses, j'ai vécu trop longtemps près des mercenaires... Tu reviens à peine à Trantio et tu tues déjà?"

Lucia secoua la tête comme pour chasser de mauvaises pensées de son esprit.

-"Tu es parti longtemps Pierino, je ne veux pas savoir ce que tu as dû faire pour survivre, j'ai entendu bien des récits d'anciens brigands ou de spadassins. Tu rendu des mères malheureuses et je ne te le reproche pas, mais comment te faire confiance à présent? Tu as été noble au temple de Myrmidia, alors désormais je doute..."

Une petite larme coula sur sa joue droite. Ses yeux perçaient comme des poignards, avec une pointe de chagrin.

-"A qui est-ce que je parle? A qui ai-je donné la vie? Je ne sais pas, Pierino. Est-ce que tu es plus qu'un autre assassin qui vient se cacher en ville? Est-ce que mon ventre a porté un être aussi mauvais que ça? Est-ce que tu n'auras fait que te défendre? Je ne sais pas, je ne sais pas..."
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

-"Pourquoi es-tu revenu, Pierino ?"


Vous pouvez avoir fait face à la charge de mille chevaliers en armure, vous pouvez avoir traversé l'Empire, un caillou dans la botte et une main dans le dos. Vous pouvez tracer votre chemin à la pointe de votre sabre comme un sillage d'estafilades sanglantes signées par un bandit de grand chemin. Mais faire face à sa mère pour entendre ceci. Pourquoi ?
Après tout, elle avait raison. Il était plus facile d'accepter de vivre avec un fantôme qu'avec un fils bien vivant dans le placard.
Sur le moment, le concerné était bien plus occupé à ne pas défaillir, les mains accrochées au comptoir comme au bastingage d'un navire en perdition.
"J'ai traversé l'Empire pour revenir... En plein hiver. Cherchant le sud comme les oiseaux. Pour Susanna et toi ! " Il regarda sa mère. "Pour vous... "
Tuer, toujours tuer. Mais c'était la seule chose pour laquelle il était doué. Et encore. Il n'avait pas les tripes pour, pas la joie à le faire. Mais il savait si bien le faire... Il ne savait faire que ça, jouer de la musique, survivre dehors.
"Oui maman j'ai fait des choses... Mais dehors. Dehors c'est ignoble. Je n'aimais pas Trantio. Ses gens, ses coutumes. Ses murailles. Je n'aimais ni ses guerres ni ses princes. Mais dehors par tous les dieux... Mais pourtant je suis revenu, ce n'est pas déjà une raison ? Je ne veux pas me dire que j'ai fait ça en vain et pourtant au fond de moi je le suppose déjà."

Il les voyait. Les faces blêmes. Quand les muscles se relâchent, que le visage se laisse pendre comme de la cire chauffée par le soleil d'été. L'odeur des miasmes du ventre. Il se souvenait que trop bien du petit bruit et de la mine horrifiée de ceux à qui il enfonçait seize pouces d'acier en travers du cœur. Il les voyait. Ceux dont le plomb avait arraché un pan de la joue, pulvérisé une main. Ou pire. Il les voyait. Ces ruffians au cul-de-Morr, ces brigands de la Reikwald. Ce gosse à qui il avait broyé la face. Il voyait Hélène qui l'attendait. Écroulée dans la neige comme les princesses des contes. Tous ceux qu'il avait déçus, tous ceux à qui il avait causé du tort. Même quand il était dans son bon droit. Car il était si simple de tout résoudre dans le sang. Il restait le fils d'un mercenaire. Élevé par un brigand, baptisé dans l'alcool et la violence que ne justifient que trop mal ses idéaux.

Mais face à celle qui l'avait mise au monde, il restait ce gosse geignard, couvert de sang, trop pressé d'arracher l'air à pleins poumons pour vivre, vivre en croquant la vie, peu importe l'amertume ou le sucre de ses fruits attrayants. "Tu parles à ton fils maman. Ni le temps, ni ce que j'ai pu faire, ou ce que je devrais faire, ne change ça. C'est ton sang dans mes veines. Tu n'es pas responsable de mes actes, mais moi je suis responsable de t'aider. J'ai tant d'années d'errances à rattraper. Ceux qui vagabondent ne sont pas toujours perdus, disait l'autre. Mais je l'étais."
Il marqua un temps de pause, avant de dégainer de sa chemise son mouchoir de tissu pour recueillir la larme sur la pommette de sa mère, comme elle l'avait tant fait lorsque, à peine plus haut qu'une paire de bottes, il rentrait tout crotté et écorché des rues de Trantio.

"Maintenant que je suis là, que dois-je faire ? Si cela te rendait heureuse, j'irais tous les matins porter le pain et l'eau aux sœurs de Shallya. Je mettrais toutes les pièces de l'Empire, de l'Estalie et de Trantio dans ma besace pour offrir à Susanna et aux filles la vie qu'elle mérite. Pour te rendre heureuse après tout ce que j'ai fait, et tout ce que je n'ai pas fait maman... Je ferai tout." Sa voix s'étrangla. Il la regarda avec cette mine de gosse terrifié. "Et si ce que tu voulais était mon départ. J'obéirai. Même si cela m'arracherait le cœur.
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Sur le visage de sa mère, Piero lu les traits du doute et de l'hésitation. Dans une pièce de théâtre elle lui aurait sauté dans les bras, pleurant à chaudes larmes et déclamant son amour maternel à un fils aisément pardonné. Pas cette femme, pas cette fois, pas dans cette vie. L'amour maternel était une chose puissante, terriblement puissante même: mais que valait-il face à l'acte de création, par delà la procréation? La Rose, toutes les filles qui la peuplaient, les enfants qui l'animaient? N'étaient-ils pas ses bambinos également? Ne risquait-elle pas de mettre en danger l'un en préférant l'autre? Quelle était la bonne attitude à adopter?

L'esprit froid et rationnel devait prendre le pas sur le pur instinct de la mère tiléenne, mais pourtant...


-"Soit, Piero, reste."

Ses mains se crispaient à la table près de laquelle Lucia se tenait. Une goutte de sueur perla sur son front alors que son visage présentait un pli d'angoisse désagréable. Elle pointa vers son fils un doigt accusateur.

-"Mais je ne te laisserai plus revenir comme ça, à moitié mort et avec du sang sur ton sabre. Je t'interdis d'avoir recours à la violence à Trantio à nouveau! Tu ne te rends pas compte de ce que tu pourrais attirer sur la Rosa. C'est la guerre Piero, la suspicion est partout et les mercenaires des Princes sont sur les dents... Tu n'auras pas toujours autant de chance, Pierino..."

Restait l'épineuse question des motivations profondes de Piero. Lucia avait connu Emilio pendant suffisamment de temps pour savoir qu'il avait le charme dans le sang et une capacité incroyable à faire prendre des vessies pour des lanternes aux gens, y comprit à elle. Qui pouvait prouver que son fils n'avait pas hérité des mêmes capacités à tordre le vrai et à se faire passer pour la victime quand il était l'accusé?

-"Ne te méprends pas, Pierino, je suis heureuse que tu sois revenu, aussi heureuse qu'une mère peut l'être... Ce que j'ignore encore, c'est le genre d'homme que tu es devenu. Tu es parti dix ans, dix ans pendant lesquels je ne t'ai pas vu, sans aucune nouvelle, avec le monde qui va si mal et les Ténèbres qui descendaient sur les terres du nord. Piero, mon Piero, comprends-moi je t'en supplie... Je ne sais pas qui tu es réellement et j'ai peur en attendant de le découvrir."

Pas d'hostilité, pas de haine, juste une inquiétude sincère à l'endroit de son enfant et de sa maison. Comment lui en vouloir?
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Qui était-il ?

C'était sa mère qui posait la question. Pourtant. Piero, Piero Orsone, l'autoproclamé Piero Orsone Salvadore Manicha Enrico de Riviera di Cruz da Trantio pour ébahir les abrutis et autres impériaux, Piero lui-même s'était posé cette question si souvent.
Il était né dans un lupanar. D'un aventurier, voyageur, baroudeur, mercenaire. Un de ces hommes d'un autre temps et d'un autre monde. Un Estalien. Sa mère, elle, n'était qu'une simple prostituée. Cependant, c'était du premier qu'il a tout voulu connaitre. Suivre ses pas. Et se faire un nom. Le sien. Et toutefois emprunté à son père. Qu'il n'avait jamais connu. Enfin si, il le connaissait de tous ceux qu'il avait pu croiser. Connu comme le loup blanc, ce Don Emilio. Lui ?
Se connaissait-il lui-même ?

Il avait baroudé, voyagé, fait le mercenaire et bien pire et encore pire. Que pouvait-il dire à sa mère ? De toutes les choses qu'il avait faites bon sang. Susanna pourrait-elle supporter de savoir ce que son père et son parrain avaient fait dans leurs vertes années ?
Bien sûr que non. Tout ce qu'il pourrait faire, c'était de garder une mine digne. Et de faire ses preuves. Comme s'il avait à nouveau douze ans.
Douze ans et l'innocence perdue. Lui qui n'était qu'un accident d'adultes. Un fardeau qu'on avait laissé à une femme pour revenir de temps à autre comme une lancinante cicatrice. On ne retrouvait ni l'enfance ni l'innocence. Tout au plus l'honneur d'aider sa mère comme un bon fils. Au moins cela.

"Mais que faire Maman ? Les Princes ne veulent de moi que mon bras et ma violence. Je n'ai pas envie de cela, mais ça revient toujours. Que puis-je faire quand on n'a ni le nom, ni l'or, ni le talent, si ce n'est d'ôter la vie d'autrui ? Enfin si, j'ai d'autres talents. Heureusement. Et ils m'ont servi. Il regarda sa mère. Il était si fatigué. "Parfois j'aimerais juste pouvoir jouer de la Mandoline. Et faire comme si les années n'étaient pas passées à un rythme si fou. Mais déjà ils nous parlent de guerre. Lorenzo Davanzatti me parlait de guerre. Les filles me parlent de guerre. J'aimerais que l'on soit à nouveau sur les murailles de la ville maman. Quand je pensais que le monde au-delà était beau."
Se mettre sur les remparts de Trantio, et jouer de la Mandoline tandis que le monde brûlerait. C'était princier comme rêve. Impérial même. Sûrement ce que les Empereurs de Tylos faisaient aux derniers jours de leur glorieuse cité. Et ils avaient raison.

Il inspira et reprit contenance, avant d'affirmer à sa mère : "Je t'en fais la promesse maman. Dans cette ville, je vivrai en homme bien. La vie m'a fourni dix doigts et une guitare alors. Ce sera un bon début. Un meilleur début."
Le début du reste de sa vie ? Il l'espérait. Mais les Dieux savaient aussi bien que lui que le destin était tortueux comme un col de montagne. Et aussi parsemé d'embuches.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Les dernières paroles de Piero firent tourner la tête de Lucia, littéralement. Elle regardait à présent le four éteint au sein duquel quelques braises rougissaient encore. Des cendres tièdes, tout ce qui se restait de sa maternité, de sa vie d'avant, quand elle n'était encore qu'une jeune prostituée qui s'abandonnait pour quelques pièces. Quand elle n'était que Lucia Orsone et pas Lucia don Rosa.

Ses yeux fixèrent alors son fils, celui qu'elle avait vu grandir mais pas mûrir. Que lui dire? Le choix la hanterait pour le reste de ses jours. Elle songea alors que si Myrmidia était bonne et Véréna juste, alors il restait encore une chance que les choses s'arrangent d'elles-mêmes.


-"J'espère que tu dis vrai, Pierino, j'espère que tu dis vrai..."

Mais il restait quand même qu'il devrait bien occuper ses journées!

-"La guerre est là, malgré tout. Elle nous prend nos hommes, nos artisans et les enfants en âge d'avoir des rêves de gloire. J'espère que tu sauras trouver ton chemin dans tout ça. Je t'aiderai autant que je pourrais quand j'aurai... Mieux pensé à tout ça... Mais que pourrais-tu faire, je me le demande."

L'espace de quelques pas elle erra dans la salle, regardant sans les voir les ustensiles traînant ça et là, la nourriture sèche prenant l'air et les miettes mal nettoyées. Soudain une idée la traversa. Une idée folle, certes, mais si elle parvenait à ses fins, de nombreuses choses se règleraient d'elles-mêmes. En un retourné théâtral dont on sentait que le travail l'avait rendu naturel à son corps, elle se tourna vers son fils.

-"Le prince Salvatore di la Canadrase, tu sais! Tu jouais avec quand tu étais petit! En ce moment il cherche un fou pour le distraire! Le métier est très bien payé et la situation très agréable à bien des égards. C'est un de mes clients réguliers alors si le poste est encore à pourvoir je dois savoir t'y introduire. Et puis tu ne serais pas content de le revoir? Il a beaucoup changé depuis qu'il a pris la tête de sa famille."

Effectivement, ce prince Piero le connaissait. Salvatore di la Canadrase, dit "Salvatore" tout court, à l'époque. Un peu plus âgé que Piero, d'à peine trois ou quatre and mais pour l'enfance c'est un fossé, sa famille n'était ni plus ni moins que la troisième plus riche de Trantio, possédant un dixième de la surface de la ville et ses membres accumulant les positions prestigieuses. Étonnamment, Salvatore, qui était le dernier de la famille, avait le droit d'aller jouer dans les rues, sans doute parce que ses parents comptaient davantage sur ses trois frères que sur lui. C'était une brute infâme qui n'hésitait pas à payer des enfants plus grands pour aller martyriser les bandes des quartiers pauvres en toute impunité. S'il était arrivé malgré tout en haut de la pyramide familiale, ou bien les dieux avaient tout misé sur lui, ou bien il avait trouvé d'autres moyens de grimper. Ce n'était d'ailleurs pas une grande surprise qu'il ait requis les charmes de Lucia. Il avait toujours aimé les femmes plus âgées.

Cela dit la position de fou, ou bouffon, était plus qu'enviable. Ces gens-là, s'ils n'étaient pas idiots, étaient puissants et protégés, certains étant même plus influents auprès du prince que les conseillers eux-mêmes.
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

-"J'espère que tu dis vrai, Pierino, j'espère que tu dis vrai..."

Lui-même l'espérait un peu. Quand on vit de sa langue et de son sabre et de sa capacité à manier les deux, on se perd parfois.

-"La guerre est là, malgré tout. Elle nous prend nos hommes, nos artisans et les enfants en âge d'avoir des rêves de gloire. J'espère que tu sauras trouver ton chemin dans tout ça. Je t'aiderai autant que je pourrais quand j'aurai... Mieux pensé à tout ça... Mais que pourrais-tu faire, je me le demande."
"La guerre prend tout. Elle prend la vie des hommes et le cœur des femmes. Et même, ceux qui sont partis n'en reviennent jamais totalement."

Il la regarda comme il l'avait tant de fois regardé faire dans ses douces années. Mais les décennies avaient filé comme le vent du sud et les choses n'étaient plus comme avant. Elle et lui, lui et elle. Deux vases qu'on avait brisés et recollés, mais les fêlures restaient. Une fille mère dans les eaux troubles de la prostitution d'une cité corrompue, un bâtard qui avait tant bourlingué qu'il n'avait pour toit que les étoiles et les silhouettes sombres des pins impériaux comme seuls murs. Quand ce n'était pas ceux de Trantio, ou des cachots. Toute sa jeunesse, il avait vu la ville comme une cage, les murailles comme ses barreaux. Il avait filé comme les oiseaux sans emporter le reste de la volière avec lui. Pour ne rentrer que plus déplumé.
Toutefois, sa mère, comme à l'époque, avait toujours une idée de côté.

-"Le prince Salvatore di la Canadrase, tu sais ! Tu jouais avec quand tu étais petit ! En ce moment il cherche un fou pour le distraire ! Le métier est très bien payé et la situation très agréable à bien des égards. C'est un de mes clients réguliers alors si le poste est encore à pourvoir je dois savoir t'y introduire. Et puis tu ne serais pas content de le revoir ? Il a beaucoup changé depuis qu'il a pris la tête de sa famille."

Superbe. Encore un nobliau. Et celui-là, il le connaissait en prime. Par les bourses de Ranald. Bon. Bon. Bon.
Et après tout, pourquoi pas ? Que cherche un riche ? De combler les aventures qu'il ne vit pas. Et ça il en avait sous la manche des aventures à raconter. Il avait la voix, l'instrument. Et après tout, ce n'était pas pire que ce qu'il avait dû faire jusqu'ici. Et il y aurait probablement moins de loufiats qu'au cul-de-Morr.
Il inspira longuement et :
"Allez. Tentons l'aventure. La fortune sourit aux audacieux alors... Va pour ces belles retrouvailles avec Salvatore."
Piero s'avança et vint prendre sa mère dans ses bras. "Mais les seules qui importent réellement, ce sont les nôtres maman."
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Il était déjà tard le matin quand Piero émergea du sommeil. Un regard sur les murs blanchis à la chaux de sa chambre lui confirma qu'il était bien arrivé des cuisines jusqu'à son lit et l'absence de mal de crâne dû à une consommation excessive d'alcool indiqua que la scène dans les cuisines de la veille au soir n'était pas un rêve.
Les travaux de maisonnées devant se terminer ce jour-ci, toutes les filles et les petits mettaient ensemble la main à la pâte pour finir de laver les derniers draps, laver à la brosse les parquets et les boiseries, frotter les murs, compter les ustensiles de cuisine et, somme toute, préparer un nouvel accueil agréable aux clients qui reviendraient bien vite. On avait déjà dû repousser deux de ces messieurs qui, le matin même, étaient passés demander un petit service à une des hôtesses pour se mettre en jambe afin de régler des affaires délicates. Bien sûr, un service spécial leur avait été promis et ces bourgeois s'en trouvaient de fort bonne humeur.

Dans la salle à manger, Alejandro était presque nourri à la cuillère par une Ophélia ravie de s'occuper de son homme d'une part et d'échapper aux corvées d'autre part. Toutefois, afin de se faire bien voir de tout le monde et étant vétérane des intrigues de cour qui remuaient les maisons closes, elle s'était levée tôt pour préparer des chiacchiere au citron pour toute la maisonnée. Leur succès avait dépassé ses espérances et les pots de miel dans lesquels on trempait ces délicieux beignets s'étaient vaporisés comme par enchantement. Heureusement pour Piero ils étaient également très bon tout seuls, quoiqu'un peu sec. Le jus de raisin frais sur la table sut cependant les faire descendre. A ses côtés Alejandro avait repris des couleurs et la blessure, qu'on voyait tâcher sa chemise blanche, suintait d'un exsudat citrin, signe que les mauvaises humeurs s'échappaient et que la plaie était en bonne voie de récupération. Le condottiere avala une des délicieuses pâtisserie avec un plaisir affiché et se versa un verre de jus de plus.


-"Il semble donc que tout se finisse bien. Je te ressers, Orsone?"

Une fois le geste accompli, il vida son propre breuvage d'un trait et reposa brutalement le verre de bois sur la table, faisant sursauter Ophélia à ses côtés.

-"T'es revenu récemment en ville, tu n'es sans doute pas au courant de l'influence qu'ont pris les Purs. C'est un désastre. Hier soir on a eu de la chance qu'ils n'étaient qu'une poignée: j'en ai déjà vu une trentaine à l'action et ils sont plus brutaux que des pirates sartosiens."

La jeune fille de joie à ses côtés intervint.

-"C'est ce que je disais à Piero hier, ce sont des fous!"

La mention fût balayée d'un revers de la main.

-"Non ils ne sont pas fous, pas fous du tout. La folie c'est quoi? Faire n'importe quoi en espérant n'importe quel résultat? Agir au hasard, sans but? Oui être sans but, c'est ça la vraie folie. Mais eux ils en ont un, de but, ils n'ont juste pas peur de leurs convictions."

-"On croirait que tu les excuses..."

-"Qu'est-ce que tu veux que je te dise? Je les connais ces gosses, bordel. Le petit Basildi, je l'ai vu fracasser un mendiant à coup de manche de pioche pour avoir pissé sur la statue de la Sante Clemencia. Mais j'ai vu son père se faire tuer y'a douze ans par un putain de mutant qui lui a fait fondre le visage avec du vomi. La Gabriela, celle qui passe son temps à s'entraîner pour aller ensuite dessouder des ivrognes au temple de l'Armada D'Oro. Son père a claqué de la Mort Blanche quand elle avait cinq ans et toute la compagnie de clébards de Grudi Tellerio sont passés sur elle et sa mère à neuf avant de foutre le feu à la baraque."

Devant la description de ces horreurs, Ophélia resta interdite pendant qu'Alejandro reprenait un beignet.

-"C'est pour ça que Véréna et Myrmidia nous protègent des orcs, des morts qui marchent ou de je sais pas quoi d'autre. C'est pour ça. Pour qu'on puisse violer nos propres enfants nous-mêmes. C'est ça la Tilée, putain."

Une veine de colère apparut sur son front, il souffla fort et parut se calmer.

-"J'peux pas leur en vouloir à ces gosses de péter les plombs et de se mettre à téter les mamelles de Myrmidia, les couilles du Père Morr ou je sais pas quel autre dieu qui veut notre bien. Je m'énerve contre eux, je leur interdis de vous faire du mal, je vous défendrais si ça arrive. Mais ne me demande pas de les condamner, Ophélia. Je peux pas faire ça. J'en ai créé, de ces gens-là"

D'une main assurée il attrapa le cruchon de jus de raisin et s'en versa jusqu'à finir le breuvage. Il se tourna ensuite vers Piero, les traits du visage tiré comme s'il avait pris dix ans en un discours.

-"Et toi, t'as pu réfléchir à ta place dans tout ça, finalement?"
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

"J'en ai créé, de ces gens-là"

Il l'avait écouté. Avec précautions. Comme partout ailleurs, mais là, en Tilée, à Trantio, dans sa ville, le sang appelait le sang. La violence provoquait la violence dans un cycle infernal dont on ne sortait que les pieds devants.
"C'est ça la Tilée, putain. Oui. Pour ça que j'ai voulu me barrer. Et regarde-moi Alejandro. Regarde comme je suis loin de la Tilée."
Il tapa du talon de sa botte sur le sol du lupanar. "Et ailleurs ce n'est pas mieux. Même là où Myrmidia ne regarde pas, ça tue, ça pille, ça viole. Les gens comme nous créent d'autres gens comme nous."

Piero descendit son jus de raisin avant d'attraper le pichet.
"Toi c'est quoi qui t'as envoyé sur les routes ? La faim ? La maison en feu ? Les rêves de gloire ? Et on en aura envoyé d'autres. Quand tu refroidis un bougre qui a eu un lardon, quand t'engrosses une fille sans même le savoir, car elle l'a voulait pas dans l'cul. On en fait d'autres. On a des dizaines de gosses sur des routes qui veulent notre peau ou nous revoir. Comme on a voulu revoir nos pères."
L'aventurier dévora un beignet. "Sauf qu'à part se vider les couilles et s'en mettre plein les fouilles, ils ont fait quoi nos pères ? Et nous, on a fait quoi ? Que des conneries putain. Je les comprends ces gamins. Ils n'ont que les dieux et leur colère. Nous, on n'a que notre colère, la boisson, les filles."
Il jeta un regard compatissant à Ophélia. Elle n'était pas si loin de l'âge à laquelle son père avait bouleversé la vie de Lucia Orsone.
"Si ma mère m'avait plus botté le derche, j'aurais peut-être fini dans un temple plutôt qu'à dormir dans les bois avec des déserteurs et des voleurs de chevaux."

Se craquant les doigts et les gants, le Tiléen ricana. "Pour ma place... Parait-il qu'un nobliau recherche un fou. J'en fais un beau non ? La mandoline, la cape rouge. Les histoires à raconter. Et j'en ai tout plein des histoires à raconter. Des belles, des tristes, des drôles, des terribles. Et certaines sont même vraies. Terriblement vraies. De ma drôle de vie."
Il se pencha sur sa chaise pour guetter l'embrasure de la porte des cuisines. "Mais j'y ai réussi quelque chose. J'ai confié la gosse à Maman. Je lui ai évité la vie sur les routes. Et pour garantir qu'elle n'ait jamais à y aller, je suis prêt à faire le bouffon pour tous les princes, les princesses et les fanatisés de cette putain de Tilée, Alejandro. De Tobaro à ici. On a créé tout plein de monstres, mais on peut aussi créer un peu de meilleur autour de nous. Un peu de bonheur."

Il ferma les yeux et posa les pieds sur la table. "En tout cas, je me sens prêt à le faire. Ça rattrapera le reste."
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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"Ma qué ?!"

Tu vuo' fa' ll'americano
mericano, mericano...
ma si' nato in Italy !

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