Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

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[MJ] Le Djinn
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Un hochement de tête approbateur vint de la part d'Alejandro. Il leva son verre à moitié vide vers Piero et déclara d'un ton solennel:

"-Et puisses-tu réussir à en créer, du bonheur. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de faire le fou? Tu comptes aller jouer les bouffons?"

Une brève explication plus tard et Ophélia comme Alejandro sifflèrent d'admiration.

-"Tu vas travailler pour Don Salvatore? Tu vas mener la vie de prince!"

Le diestro, une moue étonnée sur el visage, confirma.

-"S'il te prend à son service, tu vas prendre du ventre plus vite qu'un grand prêtre de Verena. Ce type-là a plus d'argent que tous les bas-quartiers de Trantio, Luccini, Bibaldo et Tobaro réunis. Je suis surpris qu'il cherche un bouffon par contre, c'était pas le Tririri? Il écumait les tavernes de la Puerta del Sol."

-"Il est pas mort il y a trois mois lui? Je crois qu'il a fait une tumeur maligne."

Un haussement d'épaules accueillit la remarque.

-"Mort d'une tumeur maligne? Je dirais plutôt mort d'empoisonnement. Tu te rappelles la pièce qu'il avait monté pour se moquer de Don Pedro de Satud? Trantio en avait ri pendant des semaines."

-"On ne saura sans doute jamais."

-"Oui... Mais bon, rares sont les fous de prince morts naturellement dans leur lit."

Il fût conclut de s'accorder sur cette dernière affirmation.

-"Mais je pense que t'y plairas, Piero. En vrai avec les filles on le savait bien que tu n'allais pas rester. On se disait que c'était pas trop ton genre de rester ici à faire le planton pour nous surveiller, c'est toujours pareil avec les gars qui reviennent des routes."

En parlant elle se colla à Alejandro comme pour le maintenir près d'elle et lui caressa le dos, celui-ci lui sourit et ne réagit pas plus que ça.

-"Qu'est-ce que tu veux? Le grand air c'est addictif, pire que la boisson ou les belles femmes."

Ils n'avaient pas davantage à dire sur le prince Salvatore que ce la mère de Piero lui avait déjà expliqué. Un homme réputé cruel et brutal, arrivé à une position où personne ne l'attendait par des tragédies familiales, qui gérait ses domaines d'une main de fer mais qui, étonnamment, n'était pas particulièrement féru de plaisirs subtils et de grands banquets. Du moins il n'était pas connu pour ses fêtes.

Lucia introduirait Piero auprès du prince quand viendrait le moment, aussi celui-ci pouvait-il décider d'aller se promener un peu à la recherche d'informations supplémentaires. Par où commencer?
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

"Mais je pense que tu t'y plairas, Piero. En vrai, avec les filles, on le savait bien que tu n'allais pas rester. On se disait que ce n'était pas trop ton genre de rester ici à faire le planton pour nous surveiller, c'est toujours pareil avec les gars qui reviennent des routes."

Pourtant, il avait envie de montrer l'inverse. Que cette fois, ça changerait. Il pouvait le faire, il devait le faire. Arrêter son baroud, devenir sédentaire. Faire de la viande et du gras. Être heureux. Ce n'était quand même pas la Mer de Tilée à boire, si ?
Comme certains vont pêcher les palourdes, il partit à la pêche aux informations.
Les rues de Trantio fourmillaient de monde. Mercenaires, citadins, grandes fortunes en palanquins comme va-nu-pieds glanant des miettes dans la boue. La plus belle cité au monde. La Sienne. Et elle lui avait manqué.
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Tout d'abord, s'enquérir auprès des maçons. Et Myrmidia en soit remerciée, la ville en abondait. La marche fut longue, mais le vent charriait la direction au moyen d'une volatile poussière blanche. Les carrières de marbres. Imaginez une Montagne éventrée, découpée et tronçonnée. Des milliers de cubes en négatif, le fronton arrogant des besoins du Vieux monde en pierre trantine. Ici, on entaillait la roche pour mieux la sublimer par la suite. Et les blocs colossaux que charriaient les hommes, les bœufs et les mules termineraient sans doute en statues splendides pour orner les salons des princes et des empereurs.
C'était la pause du midi, aux heures les plus chaudes, on se terrait à l'ombre des entailles pour boire du vin coupé à l'eau et grignoter sa pitance. Ce n'était pas son monde, et le regard torve des ouvriers le lui faisait bien comprendre. Malgré sa trogne et ses pognes de brigand et d'homme des bois, pour ces pauvres hères si fières de leur travail, il était un privilégié. Le marbre, on ne vivait que de ça jusqu'à ce qu'on soit enterré en dessous. Mais auprès des contremaitres et des petits patrons des carrières, Piero glana quelques nécessités. Ainsi le prince Salvatore n'hésitait pas à délacer les cordons de sa bourse pour que le Marbre soit découpé en toute sécurité. Mais il voulait tout dans les temps. Sinon c'était un avertissement et le lendemain, la rencontre avec son personnel... À faire obtempérer. Ferme, mais juste, selon les Standards tiléens. Voilà ce qui engageait déjà du bon.

Laissant les Marbriers à leur roche, ce fut en direction des tavernes de la ville moyenne qu'il se dirigea ensuite. C'était un travail minutieux désormais. Glaner des choses auprès d'anciens employés du Prince, ceux-là même qui juraient d'emporter dans la tombe ou dans le fleuve, la moindre chose qu'ils avaient fait ou vu. La gent mercenaire était une race farouche et peu bavarde tant que l'Alcool ne lui humectait pas le gosier et les yeux. Mais à force de discrétion, de petites histoires bricolées et de quelques tournées de ratafia, l'aventurier repenti obtint son dû. Le Prince pouvait être très colérique, et les serviteurs en faisaient les frais. Il n'hésitait pas non plus à envoyer des brigades régler ses soucis avec la plèbe à grand coup de gourdins ou d'arbalètes. Mais il payait. C'était un homme de son temps. À poigne. Mais aussi fidèle à sa femme, ce qui intriguait tous les loufiats à avoir été sous ses ordres. Ils lui parlèrent de ses embrouilles avec les autres grandes familles, les affaires des Hauts de Trantio. On lui parla aussi de ses frères. Les pauvres. Un accident dû à la boisson, une embuscade en revenant du lupanar et un égout dont le troisième ne revint jamais. Chacun y allait de son avis. Ranald avait ses lubies parfois. L'ambition d'un cadet aussi. Dans tous les cas, c'est la tête remplie d'informations de premières ou de secondes mains qu'il put revenir à la Rosa.

Alejandro ne manqua pas de lui donner son propre avis sur le prince. Toujours ça de pris. Après, il n'avait plus qu'à aller parler à Susanna. Et à attendre le moment fatidique où on lui ferait revoir son vieux camarade d'enfance.

Trantio n'avait jamais cessé d'être leur terrain de jeu. Les bâtons étaient juste devenus des lances, les caisses des palais, les soldats de plomb, des contingents de spadassins.
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

De retour à la Rosa, Piero aperçut Alejandro qui partait pour rentrer chez lui, Ophélia au bras. Ils tournaient à l'angle d'une rue quand il arrivait, l'empêchant de dire au-revoir au bretteur. Sans doute se reverraient-ils assez vite, surtout si Piero trouvait le moyen de l'introduire à un employeur plus permanent. Pour le moment toutefois il voulut aller discuter avec Susanna pour lui demander son avis sur la situation. Un esprit plus taquin aurait pu exercer un doute sur la sagesse d'une servante de maison close sur le caractère des politiques, mais toutes les informations pouvaient avoir leur importance.

Cette fois-ci, plutôt que la voir en plein travail, l'ancien bandit eut le privilège de l'observer faire les yeux doux à un jeune homme assis à côté d'elle dans la salle principale. Il devait avoir dix ans de moins que Piero, des cheveux tout aussi noirs, une carrure forte et des bras épais ainsi qu'une posture plutôt courbée, comme quelqu'un qui aurait passé trop de temps penché sur un bloc de marbre. Une petite moustache bien entretenue complétait la tendance, quoique sa peau normalement noircie par le soleil semblait s'être blanchie au contact de la poudre de la pierre. Susanna se fit un plaisir de présenter son homme:


-"Ah! Antonio, je te présente Piero, l'homme qui m'a recueillie quand j'étais petite. Piero, je te présente Antonio, mon ami! Il est tailleur de marbre dans la carrière de Cadrizzo."

Les deux hommes se serrèrent la main et clairement, ce jeune homme avait de la poigne. Il semblait en revanche un peu nerveux à l'idée de rencontrer son interlocuteur qu'il considérait sans doute comme le parrain, l'oncle ou le père adoptif de sa belle. Hors, dans la société tiléenne, avoir l'approbation paternelle était nécessaire à toute union: faire bonne figure serait donc essentiel. Tous trois désormais assis, quelques marmots jouant autour d'eux, Piero put demander à Susanna ce qu'elle pensait du prince Salvatore, si elle le connaissait ou avait sur lui des rumeurs.

-"Pas tellement non. Ce n'est pas un habitué et nos habitués ne font peut-être pas parti de ses clients. Il n'a pas une bonne réputation dans les strates moyennes de la ville: trop violent, trop brutal. Tu sais autre chose, mon chéri? Je crois qu'il travaille avec les Marbriers, non?"

En réponse, Antonio hocha positivement la tête et répondit à son tour:

-"C'est un peu le client difficile oui. En général les tailleurs et les carriers l'aiment bien parce qu'il paye toujours cher pour qu'on puisse travailler sans se tuer. Par contre les patrons l'aiment un peu moins, il a tendance à venir casser les jambes des contremaîtres. Ca lui fait pas que des amis."

Il soupira.

-"En fait certains pensent qu'il voudrait récupérer les carrières de marbre pour lui seul et c'est pour ça qu'il essaie de se mettre les petites mains des Marbriers dans sa poche quitte à s'opposer aux chefs. Comme il compte s'en débarrasser, ils ne l'intéressent pas."

Un haussement d'épaule avant la conclusion:

-"Après je l'ai rencontré que deux fois donc je peux pas dire. Mais je l'ai trouvé juste désagréable, pas tellement pire. Et Myrmidia sait qu'à Trantio, on a bien pire."
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Il rentrait à la maison. Cela lui faisait presque bizarre quand il y repensait. La maison. Il en avait à nouveau une. Pour combien de temps ? La question était tout autre.
Alejandro repartait déjà. Tant pis, il prendrait de ses nouvelles auprès d'Ophélia bien assez tôt. Pour l'heure il voulait prendre des nouvelles de sa filleule. Chapeau sur la tête, l'air flamboyant, Piero entra comme un prince en son palais. Pour voir un nouveau prétendant dans sa basse-cour.
Ainsi, voilà le fameux Antonio. L'aventurier posa son chapeau sur un porte-manteau et toisa le jeune homme avec le même regard qu'un diamantaire nain l'aurait fait devant une pépite.

-"Ah ! Antonio, je te présente Piero, l'homme qui m'a recueillie quand j'étais petite. Piero, je te présente Antonio, mon ami ! Il est tailleur de marbre dans la carrière de Cadrizzo."

Il était marbrier. Marbrier. Et rien d'autre. Piero Orsone en fut heureux. L'Homme, le sinistre individu, le maudit énergumène, l'ignoble prétendant freluquet venu ravir le cœur de sa filleule, Antonio donc, était marbrier. Et c'était une nouvelle merveilleuse. C'était là sa pire crainte. Que comme Serena, que comme Hélène, que comme sa mère, sa quasi-fille puisse aimer des hommes comme lui. Des Hommes comme son père ou comme Fantini. Des Hommes qui rendaient toujours les femmes malheureuses par leurs actes et leurs idées, par leur ambition ou leur folie. Il aimait Susanna de tout son cœur, il l'avait aimé du jour où il l'avait prise dans ses bras, à quelques heures à peine, tandis qu'elle s'époumonait dans une clairière des Appucinis auprès de sa mère, de son père, et de lui. Elle était tout ce qui lui restait de son ancienne vie. Et pour cette raison toute bête, Piero avait si peur qu'elle s'y plonge tête la première. Mais non. Elle ne s'était pas entiché d'un joli-cœur brigand à ses heures perdues. Ni d'un spadassin aux habits flamboyants, maniant bien la verve, sa verge et qui allait finir sa vie au bout d'une vergue en faisant pleurer sa veuve que tout Trantio aurait vu comme la pire des trainées. Susanna ne rêvait pas de terminer avec un barde, un saltimbanque, un rêveur ou un agitateur politique. Non. Elle était avec un homme simple. Qui travaillait pour ramener le pain. Et c'était si bien. C'était si beau.

"Enchanté, Antonio. Je suis Piero Orsone. Je vois ce qui a pu taper dans l'œil de la petite en te regardant." Il rigola avant de lui offrir son sourire aux dents les plus blanches.
Ils discutèrent ensuite autour d'un pichet de vin. Comme les autres Marbriers et les mercenaires, l'avis sur Salvatore était assez formel. Rusé mais brutal, brutal mais rusé. Bon patron, mauvais mécène. Ma foi, un travail est un travail, et la fine bouche était pour des temps moins tumultueux.
"J'ai bien assez baroudé aux quatre coins de la carte pour le dire. Il y a bien pire. Tellement pire. Alors pour ce qui est de ce côté-ci des murs de Trantio, on fera avec."
Il remercia Antonio et Susanna, tout en laissant un regard rappelant à qui s'adresser pour ce qui était des bénédictions pour les fiançailles. Ou pour les cassages de trogne après un cœur brisé. Dans tous les cas. Il avait besoin de se préparer.
Deux jours pour que le prince et sa mère trouvent le temps de s'occuper de lui. Deux jours pour parfaire son personnage. Son style. Refaire ses meilleures phrases, adapter son jeu. Il marcherait sur des œufs en cristal comme ceux de la Duchesse de Praag. Sa mère lui avait fourni les beaux habits égarés de quelques honorables clients. Beau comme un courtisan, confiant comme un pigeon d'élevage, il se rendit avec elle jusqu'aux beaux quartiers. Comme en se rendant chez Davanzati, ils ne pouvaient que constater que les demeures des riches n'avaient rien à envier avec l'ile de Rijker. Et pourtant...
"Tu nous aurais imaginé ici à l'époque. On a monté les échelons de manière bien étrange, mais on les a assez bien gravis tout compte fait."
Les plus vieux palais laissaient la place aux plus récents, l'aristocratie boursouflée d'une ville immense s'entassait ici avec la même véhémence que celle des plus pauvres pour s'entasser dans les venelles puantes de la basse ville. Des mercenaires, arbalètes au poing, les regardaient d'un oeil mauvais depuis leurs courtines. À leur niveau, c'était le bal permanent des messagers, des courtisans, des serviteurs de toute sorte. Parfois une chaise haute ou un palanquin entouré d'une brochette de gros bras en arme et en uniforme fendait la foule avec la grâce d'un navire de guerre. Ainsi était Trantio, grouillante, des plus pauvres aux plus riches. Et ils marchèrent. Jusqu'au palais Savatore.
Les mosaïques présentant des exploits guerriers et des parties de chasse laissèrent place aux imposantes portes ouvragées de la citadelle. Ils y étaient. Bon. Plus qu'à briller maintenant.
Modifié en dernier par Piero Orsone le 31 août 2022, 15:49, modifié 1 fois.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Un bagne géant, voilà ce à quoi ressemblait la Haute-Ville de Trantio, la Terrasse de Myrmidia, la Plaza Major. Un ensemble de palais-forteresses aux multiples propriétaires qui avaient chacun amené leur touche personnelle au lieu, pour le meilleur et pour le pire. Souvent les décorations manquaient de pimpant, de beauté manifeste à vrai dire. Sur les façades neutres et austères on encourageait le martial, spartiate et efficace dans une froideur pragmatique. Quelques lions de marbre bien loin des murs, des statues des dieux, et surtout de la déesse, au centre de longues rues pavées qui grimpaient avec la Grande Colline sur laquelle la ville avait été bâtie.

Des pentes douces grimpant vers le sommet on voyait déjà Trantio, la belle Trantio, qui s'étalait. On apercevait les carrières de marbre en contrebas dans la petite vallée, on voyait la fumée sortir des quartiers des forges et des fonderies, on voyait la poussière s'élever de chez les sculpteurs. On voyait la ville vivre.
Enfin on y arrivait. Le palais de Salvatore, ou comme on l'appelait, le Palazzio Ricostruito, du fait que de nombreux incendies l'avaient dévasté et que ses charpentes avaient dû être refaites plusieurs fois ainsi que les murs. Le résultat était pour le moins étonnant: si l'on retirait les mosaïques d'inspiration arabéenne, et bien étranges de ce côté-ci de la mer, on avait davantage l'impression d'être face à une grande maison, un manoir plus qu'une habitation de prince. La façade était neutre, de pierre taillée à laquelle s'agripper devait tenir de l'exploit. De multiples fenêtres flanquées de barreaux d'acier parcouraient la devanture, laissant la maison fixer le passant telle une araignée curieuse. Le parvis lui-même était d'un mètre et demi plus haut que la rue, forçant le visiteur à s'avancer à découvert à travers une petite place de quinze pas avant de monter des escaliers qui menaient vers la porte d'entrée. De façon affreusement asymétrique, une tour plus haute qu'une cheminée de fonderie de verre jaillissait de la partie gauche du palais, vis à vis de la rue. Sa vigie constituée d'un petit rempart autour d'un carré qui ne devait pas faire plus de trois épaules de long abritait un garde qui surveillait la rue, arquebuse en main et qui toisait de sa hauteur le duo venu visiter son maître. C'était sans parler du toit, triangulaire mais bien plus plat qu'à l'impérial et qui laissait entrevoir des fenêtres avec vues sur la rue, sans doute pour des tireurs.

Arrivés devant la porte, Lucia se tourna vers son fils. Comme seule une mère sait le faire, elle l'enguirlanda sur sa dégaine de voyou et lui remis les vêtements bien en place, lui lissant au passage les cheveux et la moustache du plat de la main. Peut-être se vengeait elle des années où elle n'avait pu le faire.

Elle s'apprêta à tambouriner le lion d'acier forgé qui servait de claquoir quand la porte s'ouvrit pour révéler un serviteur en beaux habits carmin, à la mode lâche et ample, comme s'il portait une cape sur le haut de son corps mais un pantalon plus étroit assorti. Il s'inclina.


-"Bella Lucia, n'allez pas vous salir les mains sur ce lion que tant de gens si sales ont déjà touché. Entrez, entrez... Vous avez amené un garde du corps? Il est vrai que les rues ne sont pas sûres."

D'un âge sans doute proche de la quarantaine, une coupe mi-longue bien propre et un petit bonnet blanc de tissu sur la tête, l'homme paraissait être un servant modèle. Il s'inclina longuement pour laisser la propriétaire de la Rosa passer et Piero derrière elle avant de refermer la porte avec un dernier regard soupçonneux vers l'extérieur.

-"Arturo, mon ami, c'est mon garde du corps mais également mon fils, je viens le présenter au prince qui recherche, de ce qu'on m'a dit, un fou. Le palais m'avait fait savoir que je devais le présenter à cette heure."

-"Ah? L'on a donc manqué de me prévenir, mais que voulez-vous? Tout le monde oublie le Arturo de nos jours! Je vais aller demander l'aval du prince et je vous mènerai à lui."

Il s'absenta quelques minutes durant lesquelles Piero put faire un point de là où il se trouvait: une sorte de vestibule plutôt vaste, de la taille de la salle commune de la Rosa. Des tableaux de qualité diverse parsemaient tous les murs de pierre dure, représentant à ce qu'il semblait des membres passés de la famille. Quelques meubles ainsi que de quoi s'asseoir donnait à l'ensemble un côté un peu feutré, quoique manquant singulièrement de décoration plus rutilante. Lucia en profita pour faire un peu de conversation:

-"Arturo travaille pour les Canadrase depuis environ six ans. Il est l'intendant avec lequel je parle le plus souvent, quand le prince demande des renforts à ses dames de compagnie durant les grandes soirées. Mais il n'y en a pas tant que ça pour cette famille, Salvatore est un peu chiche je crois."

Elle allait continuer quand Arturo entrouvrit la porte et fit passer le mot qu'ils pouvaient le suivre.

Si l'entrée laissait à désirer sur sa grandeur, le reste du palais, du moins les grands couloirs, n'en manquaient pas: du marbre de quatre couleurs disposé en des motifs floraux du plus bel effet, renforçant les éclats du soleil qui filtraient par les vitres, des plafonds entièrement peint de créatures monstrueuses et mythologiques, des tableaux aux cadres dorés aux portraits de femmes souriantes. Beaucoup de portes également, menant sans doute vers d'innombrables salons, bibliothèques, salles de repos, de jeu et tout autre raison pour laquelle on avait bâti un palais de cette taille.

Soudainement, Arturo tourna à droite toute vers une porte en chêne à laquelle il frappa trois fois avec une droiture parfaite. Au même moment une patrouille de gardes silencieux passa bien qu'aucun ne manqua de saluer Lucia de la tête.


-"Entrez, je vous attendais."

La pièce, plus étroite qu'on aurait pu le penser, était de couleur majoritairement verte, comme si on avait voulu y reproduire une petite forêt. Du marbres aux peintures, le vert restait prédominant, même sur le tapis arabéen, un modèle sans doute inestimable, qui couvrait la quasi-totalité du sol. Une petite cheminée éteinte dormait paisiblement au centre d'un mur face à une table de bois clair entouré de chaises. Des papiers aux sceaux variés était posés dessus et, à la verticale, une fresque murale peignant un brave mercenaire tenant la bride fasse à une foule de paysans aux visages affreux ajoutait à la logorrhée verte un côté militaire.

Seul assis à sa table était un homme, habillé de rouge et de fil d'or. Son vêtement général était si amples qu'on aurait cru pouvoir se perdre dedans, mais cela ne semblait pas le gêner outre-mesure. Piero reconnut instantanément Salvatore, qui n'avait pas tant changé depuis son plus jeune âge. C'était toujours cet être au corps ambigu mêlant, mélangeant des traits replets, notamment sur le visage, avec une forme imposante qu'on retrouvait chez les athlètes. Bien sûr il n'avait pas la carrure d'un bûcheron de la Drakwald ni la puissance corporelle d'un lutteur des arènes de Bibaldi, mais la viande en abondance couplée sans doute à un exercice physique certain lui avait donné un corps gras mais puissant. Impressionnant sans doute, mais qui s'éloignait également des canons de beauté Tiléen qui privilégiaient une forme de modération martiale, de maigreur physique. Sa moustache, épaisse et fournie mais bien peignée, achevait de le transformer en un être hors-du-temps, qui semblait vouloir se conformer aux attentes de son époque sans y parvenir. Ses yeux, enfin, noirs et scrutateurs placés au-dessus d'un nez épais et sous une coupe de cheveux courts, ne laissaient aucun doute sur sa nature d'intrigant de palais.

A son plus jeune âge déjà c'était une brute, un petit bourreau. Il aurait pu se moquer de Piero, chercher à le rabaisser comme il le faisait avec les enfants pauvres des bas-quartiers. A la place il sourit et ce sourire fût sincère.


-"Ah, Orsone! Orsone de retour! Ca, si on me l'avait dit..."

Il ne se leva pas, évidemment, mais tourna sa chaise dans la direction des entrants. Derrière lui une grande fenêtre donnant sur un balcon baignait la pièce dans une douce lueur de printemps.

-"Lucia, vous êtes toujours aussi ravissante, bellissima. Excusez-moi de ne pouvoir m'abaisser devant vous, ma goutte me reprend aujourd'hui et me lever me cause une douleur atroce."

La donna ne sembla pas s'en offenser et lui rendit une petite révérence délicate.

-"Il n'y a aucun mal de fait, un prince doit préserver sa santé."

-"Voilà que vous parlez comme mon médecin! Continuez ainsi et il faudra que je passe par cette fenêtre pour échapper à vos ordres!"

Quelques rires de bon coeur, Arturo sortit discrètement de la pièce.

-"Excellence, je viens prétendre Piero au titre de fou de cour. Vous le connaissez déjà, vous étiez si camarades quand vous étiez petits."

Le prince parut réfléchir et se gratta un menton qui cherchait à se dédoubler.

-"Oui, oui. Si je n'avais pas considéré votre offre, bella Lucia, vous ne seriez pas arrivés jusqu'ici en ces conditions. Mais Piero, en dépit de nos vieilles amitiés, je dois te dire que dix fous se présentent chaque jour à mon palais depuis la disparition du précédent. Crois-tu être capable de nous divertir, ma cour est moi? Sais-tu ce qu'être un bouffon implique, au-delà des apparences et du rire?"

La question paraissait sérieuse, plus qu'elle ne le laissait présager au premier abord. Il faudrait marcher sur des oeufs, mais avancer avec détermination.
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Loin du faste glorieux des magistrats de Rémas, loin des palais des grands pontes de Luccini, encore plus loin de la ville haute de Tobaro, le Palazzio Ricostruito avait l'air des sévères demeures des Bien-nés de l'Empire. Piero repensa à Dalien. À Fernando, même à Gustavo. Que devenaient-ils ? Il avait l'impression de les avoir quittés il y a une éternité, cela ne faisait même pas une demi-lune. Il regarda les fenêtres barrées. Cela rappelait toute la confiance des Princes envers leurs propres gens. Mais tant pis. Il avait besoin d'argent. Et mieux valait devenir un giullare, le bouffon du Prince, que son tueur. Il en avait marre de sortir sa lame pour survivre. Tant marre.

Sa mère leva les yeux vers lui, pour critiquer tout ce qui était possible. De bien faire bouffer les jambières de ses chausses, de bien déplier sa cape rouge, de corriger ses cheveux, sa moustache, sa posture. Il se laissa faire comme s'il avait à nouveau huit ans. Après tout, il n'avait pas beaucoup avancé depuis. Bien droit, le torse bombé, l'air tellement formel qu'on aurait pu penser qu'il candidatait pour devenir le gardien du Jardin de Morr de la ville, il salua le serviteur qui les accueillit, sa mère et lui. Pour l'instant, il resta silencieux, quoique poli. Il regarda les différentes pièces, les couloirs. Les portraits d'innombrables ancêtres remontant aux Patrices. Si les circonstances de sa vie lui avait permis de rentrer dans plus d'un palais, il restait assez surpris des dispositions de celui-ci. S'il y avait de la beauté, et si chaque meuble ou objet de décoration aurait suffi à racheter la plupart des villages de l'Empire, le Palais de Salvatore semblait assez sobre. Presque un peu terne. Étrange, pour un endroit si désespérément en quête d'un fou.

Du vert, vraiment ? Ses péripéties à travers la verdure éternelle et sombre des résineux de la Drakwald et du Nordland l'avaient échaudé contre cette teinte-là. Le vert, c'était le poison des teinturiers, le mal insidieux qui rongeait les entrailles des artistes. Le vert, c'était la couleur des arbres de l'Empire, trois fois maudit. Mais le vert était aussi l'espérance, qu'espérait donc le Prince ? Il le découvrirait sûrement bien assez tôt. Comme il découvrit Don Salvatore Augusto Benedicto Pedre de la Ruisimate del Regimentio de la Sanctifica Espada de Myrmidia Ruiz y di la Canadrase, comme on l'appelait maintenant.
Ses yeux de jais le fixèrent, mais pas trop longtemps, l'impolitesse n'était pas de mise. Mais il avait appris à vite décrypter les choses de la haute vie, question de survie élémentaire. Don Salvatore avait forci, bien forci. D'une certaine manière, il était resté comme durant leur enfance. Gros et grand. Mais le muscle était bien là, sous le tissu de luxe. Il avait les cheveux courts, la moustache fournie. Cela lui donnait un air plus vieux, plus marchand. Plus prince-marchand.
Et pourtant il lui sourit et le salua comme s'ils s'étaient quittés la veille, comme s'ils avaient encore treize ans. L'aventurier resta un peu en retrait le temps que sa mère chauffe l'atmosphère de la salle. Jusqu'à la fatidique question :

-"Oui, oui. Si je n'avais pas considéré votre offre, bella Lucia, vous ne seriez pas arrivés jusqu'ici en ces conditions. Mais Piero, en dépit de nos vieilles amitiés, je dois te dire que dix fous se présentent chaque jour à mon palais depuis la disparition du précédent. Crois-tu être capable de nous divertir, ma cour et moi ? Sais-tu ce qu'être un bouffon implique au-delà des apparences et du rire ?"

C'était le moment de la jouer fine. "Le bouffon est la seule personne qui peut conseiller un prince sans attendre de geste ou de récompense en retour. Je ne cherche ni terre, ni titre. Je ne désire aucune armée, aucune statue, je ne suis que Piero Orsone da Trantio. Fils de Lucia Orsone da Trantio. Revenu en ville il y a peu. Pour ce qui est de divertir, j'ai assez d'histoires pour une vie, et assez de vies pour marquer l'Histoire. Je sais jouer de la musique, manier les mots et le sabre et pourtant, je viens en toute humilité me faire humilier. Après quoi dire d'autre ? On se connait depuis que l'on sait marcher. On sait ce qu'est Trantio, ce que sont les riches, ce que sont les pauvres, ce que sont les resquilleurs, les lêches-bottes, les suiveurs, les vantards. Quelle est la différence entre la cour des Princes et celle des rues ? Les enjeux et les risques. Et je suis prêts à en prendre, toujours pour divertir leurs excellences."

Une petite révérence, entre sérieux et moquerie. Tout ce que l'on attendrait de lui désormais.
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Prenant la tirade pour ce qu'elle était, c'est à dire une demande d'embauche poliment formulée, Don Salvatore fit tourner sa main par quatre fois dans le vide au-dessus de sa tête, chassant physiquement des paroles câlines et flatteuses. Pas né de la dernière pluie, le prince! Reconnaître les beaux-parleurs, voilà une compétence qu'il aiguisait depuis des décennies à présent. Néanmoins amusé, le prince eut un sourire entendu avec Lucia.

-"Ma foi Piero, peut-être feras-tu aussi bien l'affaire qu'un autre. Et puis au moins toi tu as vraiment voyagé, de ce que l'on m'a dit. Au moins tu me régaleras d'histoires de voyage. Avec ma mauvaise goutte qui me lance, j'ai bien du mal à marcher jusqu'à la grande porte, alors au-delà. Ah cette goutte, cette maudite goutte..."

Avec une difficulté observable à cacher son contentement, Lucia s'inclina doucement en demandant l'air de rien:

-"Vous confirmez donc prendre mon Pierino à l'essai?"

Le prince, désormais occupé à se masser le pied à travers les tissus de sa jambière, parut acquiescer sans même entendre la question, son esprit perdu dans la douleur.

-"Baste! Baste! Faisons ça!"

Quelques formules courtoises et bien des courbettes plus tard, la mère de Piero le laissait seul avec un dernier baiser sur la joue en guise d'au-revoir. Ne restaient plus que Salvatore et son nouvel amuseur privé, séparés par le bruit de malaxation de gros doigts épais sur un gonflement rouge particulièrement douloureux. Le couinement du cuir, le froissement de la soie, les ronchonnements agacés. Enfin, après une minute qui en parut mille, Salvatore abandonna et retira sa botte pour révéler un pied gras, gonflé comme un ballon. Il prit son serviteur à témoin.

-"Ah, Piero! Constate comme je souffre! Ah que j'ai mal! Et tu sais quel est le pire? C'est que mon médecin, cet opportuniste d'Ambrozzo, il veut me mettre au régime! Moi, Don Salvatore Augusto Benedicto Pedre de la Ruisimate, au régime! Manger des légumes jusqu'à plus faim, moi par Myrmidia!"

Il posa le pied au sol et se traîna avec difficultés jusqu'à une petite table basse que Piero n'avait pas vu au premier abord et de laquelle il sortit deux verres de cristal et un liquide rouge et épais dont le parfum puissant brûlait le nez. Il en versa deux parts, une grande et une petite, puis se réserva la plus importante.

-"Vin de Bibaldi, mon cru préféré. Trinquons ensemble Piero, en souvenir du bon vieux temps et n'oublions jamais: c'est toujours une bouteille que les arabéens n'auront pas."

Le son cristallin éclata dans la pièce. Le breuvage était fort et une tasse de fer lui aurait mieux convenu, mais qui pouvait contrarier un prince?

-"Ne me raconte pas tes voyages, pas encore. Tu me les feras découvrir à petit feu, durant les longues soirées d'ennui. Laisse-moi te demander, plutôt, maintenant que cette chère Lucia est partie..."

Ses yeux, cachés sous ses lourdes paupières et derrière des joues épaisses, noircirent. Ces yeux-là ne riaient plus, ne plaisantaient plus. Ce regard contenait l'héritage de mille ans de vendetta, de cent crimes, de dix guerres.

-"Comment être sûr que tu n'es pas venu m'éliminer? Mes concurrents paient bien et j'ai beaucoup d'ennemis. Dis-moi, mon fou. Dis-moi."
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Piero Orsone
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Les riches et leurs maux de riches...

Piero chassa toute mauvaise pensée de son esprit, de peur que cela se remarque. Il fallait rester sur une bonne impression. Sinon son prochain travail serait à nouveau dans les pires bas-fonds de Trantio. Et il en avait sa dose pour quelque temps là.
Un peu ballant, il regarda sa mère conclure l'accord avec un marchandage tout tiléen avec un pauvre Salvadore bien trop occupé avec sa goutte pour se concentrer sur la raison de cette entrevue. Après tout, c'était déjà un bon quart de son nouvel emploi, de ne pas se faire remarquer quand il ne le fallait pas.

L'aventurier prit tendrement sa matrone dans les bras, une dernière embrassade et elle disparut, le laissant tout bête avec cet ancien compagnon d'enfance. Il reprit contenance, posture et regarda le membre disgracieux de Salvatore prendre l'air. Il ne put manquer de commenter :
"Qu'il se mette à sa propre médecine cet Ambrozzo. J'ai passé un hiver à manger des oignons et des racines d'impériaux !"

Ses yeux suivirent dès lors les déplacements piteux du Prince pour atteindre l'objet de tous les désirs. Un bon vin de carafe, le genre qui s'échangeait en baril contre des ronds d'argent. De sa démarche rapide, il le rejoint. Lui emboitant le pas en prenant le second verre, sûrement importé à grand frais de Miragliano pour trinquer comme s'ils étaient deux maquignons qui avaient vendu un cheval. "Au bon vieux temps mon Prince. Au bon vieux temps qui ne revient jamais."

Cela râpait l'intérieur des joues et réchauffait la gorge, mais c'était bien meilleur que la pisse de chèvre du Cul-de-Morr. Et devait couter autant que l'auberge. Il se tapa le palais du bout de la langue. Par les Dieux, du bon vin, des fauteuils tapissés d'étoffes, un bon feu. Que cela devait être bon d'être riche...
La remarque du prince le tira de sa rêverie.

"Comment être sûr que tu n'es pas venu m'éliminer ? Mes concurrents paient bien et j'ai beaucoup d'ennemis. Dis-moi, mon fou. Dis-moi."

Sans sourciller, il posa son verre vide sur la table basse. Deux raclements de gorge et il répondit non sans une pointe d'humour : "Premièrement, car il est très impoli d'assassiner celui qui nous offre à boire le vin. " Puis plus sérieusement : "Pourquoi m'encombrer de ça mon prince ? Je suis fatigué de battre les campagnes, d'être fugitif. Nous avons tous les deux vieillis. Le lupo et le cane corso. Mais je le jure, je me suis lassé des bois. Et puis… Je suis parti si longtemps de Trantio. Vous l'avez vu croitre, vivre, s'énerver, s'apaiser, se déchainer au gré des guerres, des vendettas comme des projets fous. Des rêves de la famille Columbo comme des folies des Républicains. Moi, tout ce temps ? J'étais très loin. Que connais-je encore de notre belle cité ? La ville qu'elle était il y a presque deux décennies. Ma mère, ma filleule et vous, mon prince. "

Piero s'avança jusqu'à la tapisserie, il la fixa, les deux mains jointes dans le creux des reins. "Alors, je ne peux pas mordre la main que l'on me tend. Le Marbre est froid. C'est une pierre dure, implacable. Et pourtant. Nous en faisons des statues plus belles que les vivants. Nous nous sommes bien vivants pas vrai ? On a des émotions, des chagrins, des colères, des envies. Et surtout des rêves. Moi, mon rêve ? Un peu de paix, quelques ronds d'argent, et qu'on se souvienne du bon vieux temps dans l'immensité d'un palais. Vous souvenez vous mon prince de nos belles bandes ? Où sont-ils à présent ces gamins comme nous aux sourires édentés et ces cheveux longs ? Au cimetière, à la guerre, aux champs, derrière les établis de leurs échoppes pour les plus chanceux. Alors une occasion comme celle-ci, je ne vais pas la rater pour les promesses d'un foutu intrigant. Il se rapprocha à grandes enjambées du prince et de son pied douloureux. "Je ne suis ni noble, ni chevalier, je ne vous ferais pas l'affront de singer leurs serments, mais jamais, Piero Orsone da Trantio n'ira à l'encontre de son ami et de son seigneur. Je suis fou, mais pas idiot, mon prince."
Modifié en dernier par Piero Orsone le 18 déc. 2022, 11:49, modifié 1 fois.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par [MJ] Le Djinn »

Toujours soucieux, Salvatore se resservit un petit verre du vin liquoreux et se l'enfila d'une rasade. Pensif et silencieux, il observa le plafond et les fresques défraîchies qui s'y trouvaient. On y apercevait encore quelques sourires de figures mystiques, piochées dans les légendes de la Tilée et les contes des écrivains célèbres. Les visages aux traits empruntés à d'anciens nobles ou bourgeois ayant servi de modèles s'effaçaient à présent pour reprendre blanc originel du marbre. Même ici l'oubli guettait. Que l'on soit immortalisé dans une peinture ou jeté dans une fosse commune, toute trace de nous finirait par disparaître. Etait-ce pour ne jamais l'oublier que Salvatore n'avait pas fait restaurer l'œuvre?

-"Tu as raison, Piero, tu as raison. Tu es parti si longtemps, pourquoi revenir juste pour m'égorger? Je ne te demanderai pas pardon, mais je ne douterai plus autant de toi."

Sa silhouette puissante se souleva d'un bon et il attrapa une béquille que Piero avait cru au départ être un râtelier. Le pied toujours à l'air, il l'utilisa pour se déplacer sans toucher le membre endolori sur le sol. D'une démarche habituée, il se dirigea jusqu'à la porte qu'il ouvrit.

-"Viens, je vais prendre un peu l'air."

Ils traversèrent le Grand Couloir, la pièce centrale de l'édifice. Un lieu plutôt classique dans les demeures trantiennes car venant d'une vieille tradition consistant à bâtir les demeures autour d'un grand axe central symétrique. Les palais plus modernes se détachaient de plus en plus de cette esthétique classique, mais celui-ci ne devait pas en être un.

Le Grand Couloir, comme son nom l'indiquait, se constituait d'une longue allée intérieure bardée de fenêtres en hauteur sur un côté alors qu'en face plusieurs pièces étaient accessibles, quoique la majorité des portes restait fermée. A une telle hauteur il n'y avait plus besoin de mettre des barreaux devant les vitres et ainsi la lumière blanche qui entrait n'était pas filtrée par le métal. Quelques statues d'hommes et de femmes en vêtements riches ornaient la salle, disposées à intervalle régulier. Leurs poses étaient dignes, nobles et représentaient leurs sujets dans des situations de puissance, de grâce ou de force. Salvatore s'arrêta devant l'une d'entre elle qui représentait un homme subtilement musclé et habillé comme un prince qui lisait un pamphlet. Piero le reconnut à coup sûr: c'était Alberto II, le père de Salvatore. Quinze interminables secondes s'écoulèrent.


-"Ne nous attardons pas."

Le prince tourna sa cape et courut plus qu'il ne boita vers le grand escalier droit, croisant quelques serviteurs au passage qu'il salua distraitement tandis qu'ils s'arrêtaient pour s'incliner. Ils descendirent d'un étage vers le rez-de-chaussée arrivant aux jardins. Ils étaient d'une taille moyenne, pas immense mais loin d'un simple potager, pour preuve il en possédait un entre autres!
Sa particularité était en fait une beauté naturelle, une exception géologique que la main de l'homme avait travaillé. C'était une caverne cachée entre deux rangées de cyprès et d'hêtres taillés par des jardiniers pour ne pas bloquer la voie. Les murs de la caverne avaient été taillés pour représenter des visages, des corps féminins dénudés et... des bancs pour s'asseoir! Des coussins avaient été disposés pour que le prince puisse s'y recueillir quand l'envie le prenait. L'ensemble était presque irréel, magnifique.


-"Hé bien, tu es venu avec un instrument je crois? Profitons de l'acoustique: joue-moi quelque chose de joyeux."

Et il resta là, à attendre que son bouffon lui joue un air. Salvatore égara sa main sur le mamelon usé d'une naïade joyeuse et volubile. Le temps s'étendit. Beaucoup de choses restaient à définir, beaucoup de complots restaient à éventrer et beaucoup de plans machiavéliques à établir...

Mais pour l'instant, la douce musique et le clapotis de l'eau.
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Re: [Piero] Mourir, c'est partir beaucoup.

Message par Piero Orsone »

Toute trace de nous finirait par disparaître.
Que restait-il de Tylos ? Que restait-il des elfes ? Que restait-il des premiers princes qui fondirent les grandes cités de Tilée ? Celles-là qui depuis des siècles faisaient et défaisaient le monde. Que restait-il des Canadrase, des Orsone et de tous les autres ? Quelques noms d'aïeuls, quelques racontars, quelques vivants. Le temps faisait son œuvre. Sur les statues, les royaumes et nous les Hommes.
Piero n'ajouta rien quand le Prince reconnu son erreur. Enfin, façon de parler. Mais il savait quand parler et quand la fermer. Il ne valait pas tout gâcher. Pas maintenant. Quand Salvatore voulu prendre l'air, il le suivit. Jamais trop loin, jamais trop près. Toujours à la distance convenable entre un Prince et un serviteur. Il admira le grand couloir et la lumière qui passait à travers les vitres. Quelle beauté que les vitres. On y voyait le ciel, les nuages, le bleu et le blanc, les rayons du soleil nous caressaient à travers. Comment ne pas aimer les vitres ? Surtout quand on n'avait que trop connu la tristesse des meurtrières, des barreaux et des volets épais de l'Empire. Ses yeux noirs s'égarèrent ensuite sur les statues... Et sur Alberto.
Piero ne l'avait jamais rencontré en personne. Mais il avait autant entendu parler de lui que de son propre père. C'était ce regard invisible, mais implacable. L'Un des Princes. À jouer dans les rues avec son fils, il essayait de l'imaginer. Ce prince. Comme on imagine un dieu. Un être si puissant. Qui déplaçait les montagnes comme les armées. Un prince.
Depuis, il en avait rencontré d'autres. Si la magie s'était envolée, le respect et la crainte n'avaient qu'accrus. Car les Princes étaient bien plus dangereux que leur portrait fantasmé, quand vous saviez ce qu'ils pouvaient faire. La réalité était bien plus terrible que les rêveries des enfants. Salvatore reprit sa marche. Et Piero papillonna des cils en fixant la pierre changée en homme. Tu es là, prince Alberto. Et je n'ai plus peur de toi.

Aussi terrible que sont les princes, il savait désormais qu'ils restaient mortels.

Quand ils arrivèrent aux jardins, l'aventurier inspira l'air frais de l'extérieur. La douceur printanière à pleins poumons. Suivant Salvatore, il observa le travail de ces petites mains qui transformaient les arbres en sculptures. Changeaient les bois menaçants et sauvages en aimables bosquets. Il observa tout ça jusqu'à ce qu'ils arrivent. Étrangement, il repensa au temple d'Ulric. Ou le temps avait changé la bâtisse en grotte. En refuge. Où les statues d'antan s'usaient à regarder les vivants qui avaient depuis longtemps oublié ce qu'elles représentaient. Il regarda les êtres libérés de la pierre par la main habile des artisans de Trantio. Et à la demande du prince. Il se mit à jouer. Tout d'abord, il attrapa sa mandoline. Il tourna les chevilles. Raccorda l'instrument. Ses doigts se déployèrent, s'étirèrent. Et la musique l'emporta.


"Je commençais moi aussi à rêver avec eux, soudain mon âme a pris son envol".
C'était une chanson qu'il avait composée dans l'Empire. Elle parlait d'un jeune homme. D'un jeune noble au cœur malade. Mais tout aussi malade d'amour. L'amour que lui offrit une prêtresse de Shallya. Le même amour qu'elle offrait aux garçons de la rue qu'il voyait jouer de ses appartements. Elle le faisait rêver et l'amena jusqu'aux collines pour voir le ciel et le soleil sur la ville. C'était une chanson qu'il avait choisi de jouer là, car la joie était dans ces moments de bonté. Dans le partage. Et dans les rêves de ces grands garçons au cœur malade. Et il joua, il joua, les yeux clos, les doigts appliqués sur les cordes de son instrument.

Au rythme de l'eau, comme de celui des battements du cœur.
Modifié en dernier par [MJ] Le Djinn le 19 déc. 2022, 21:58, modifié 1 fois.
Raison : MAJ XP ! +146 XPS !
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