Le plan de Snikkit était parfait : En isolant Vakan et en appelant à ses collègues, il mettait le pauvre Skaven dos au mur. La grosse brute de Srenq eut un sourire de dément aux paroles de la cape rouge :
« C’est bien vrai-juste, ça ! T’es malin-discret, hein ? Bah prouve-le !
– C’est que… Je… je-je... »
Uqzit, lui, semblait beaucoup moins à l’aise à l’idée d’envoyer son « copain-ami » au casse-pipe. La grosse boule de poils tremblota, et tenta timidement de rassurer son camarade :
« On compte sur toi-toi, copain-ami. Oui-oui. Tu es brave-fort, tu y arriveras ! »
Le beau Skaven trembla. Il regarda à droite, à gauche, avec ses yeux exorbités. Puis, résigné, il soupira.
« D’accord. D’accord... »
Srenq tira son arme : Un magnifique couteau édenté et foutrement bien aiguisé. Nul doute qu’il pourrait décapiter un être humain, entre sa force et la beauté de ce couteau. Où avait-il trouvé une telle arme ? Sans doute une récompense…
Uqzit, lui, se contenta de suivre la grosse brute qui s’éloignait en avant, se protégeant derrière sa masse et ses muscles.
« Allez les faibles-souriceaux ! Je vais vous montrer comment un vrai-véritable Eshin fait les choses bien-bien. »
Vakan fut momentanément seul avec Snikkit. Le beau raton tout fringant le foudroya du regard. Il afficha tous ses crocs, son musc de peur totalement dissipé maintenant qu’il n’avait pas Srenq juste à ses côtés. Il détailla son rival des pattes jusqu’au museau, et grogna quelque chose entre ses moustaches :
« Tu as tort de te faire un ennemi de moi-moi, Snikkit. Srenq est costaud, brute, mais pas aussi idiot-bête que tu ne le crois. Non. C’est le plus valeureux-fourbe d’entre nous, et bien plus discret que sa corpulence-gros muscles peuvent le laisser penser.
Tout seul face à lui, tu fais pas le poids. T’as besoin de moi. »
Disait-il la vérité ? Ou étais-ce juste un coup de bluff pour s’assurer de sa survie ? Difficile de savoir, chez les Skavens.
Toujours est-il : Vakan et Snikkit partirent de leur côté. Tapis dans les feuillages, utilisant la discrétion si connue des Eshins, ils s’approchaient. Les trois Tiléens continuaient de ricaner, de se taper dans le dos, et sifflaient du vin. Ils gênaient l’approche de Snikkit, et ce fut donc à Vakan de s’en débarrasser.
Le rat sorti des buissons, et se saisit d’une toute petite fronde. Il la lesta d’un petit caillou, et fit un moulinet avec la corde.
Vakan se jeta hors des buissons. Il cracha dans la direction des trois, puis s’enfuit à toutes pattes. Les Tiléens vociférèrent alors des insultes dans leur langage chantant :
« Vai a farti FOTTERE! Persegui quella cosa, in fretta, prima che scappi! »
Les trois avaient mordus à l’hameçon. Ils couraient en dégainant leurs armes, et chargèrent à toute vitesse sur les traces de Vakan, en hurlant.
Pas sûr que Vakan en réchappe. Mais en tout cas, la voie de Snikkit était grande ouverte. Il n’eut plus qu’à trotter vers l’écurie, en se baissant simplement sous les vitres de l’auberge afin de ne pas se faire voir des pochetrons qui s’amusaient.
Snikkit avait bien apprit de ses maîtres. Il s’avançait comme une ombre, absolument discret. Il ne rejetait aucun musc, si bien qu’aucun des chevaux ne fut terrifié. Il était comme une ombre : Il y eut bien une jument pour hennir à son passage, mais aucun qui ne se mettait à être terrifié et à taper des sabots. Une approche parfaitement discrète, sans alerte.
Il fut aussi assez fin de son ouïe pour entendre quelque chose. Des petits rires. Snikkit s’approcha, lentement, de l’escalier de la grange. Il y avait des gens là-haut. Il tenta de voir quelque chose depuis l’obscurité, et fut assez fin et discret pour le faire.
Deux choses-hommes, une femelle et une mâle. La femelle était mal vêtue, son corset grand ouvert, dans lequel le mâle n’hésitait pas à approcher l’une de ces mains pour peloter sa compagne – pourquoi les choses-hommes aimaient tant toucher les organes qui servaient à nourrir des bébés devait laisser les Skavens fort pensifs d’ordinaire, mais soit. La femelle n’avait rien qui semblait être utile à Snikkit, mais le mâle en revanche portait à sa ceinture débouclée un fleuret, et semblait anormalement « beau garçon », avec des cheveux très fins et longs noués derrière-lui, et des vêtements de très haute qualité. Chez les Eshins, on avait apprit à Snikkit que c’était les signes certains qu’une chose-homme était d’un rang important dans la hiérarchie humaine. Peut-être qu’il s’agissait d’un petit chef avec un grade quelconque.