Ceci-fait, notre héros en herbe, par curiosité ou par prudence, décida qu’il lui fallait essayer de se renseigner un peu plus sur l’identité de cette Madame von Diehl dont Marco Eusabio leur avait parlé. Il voulait peut-être un second point de vue sur le sujet, plus extérieur. Quoi qu’il en fut, il ne disposait pas de beaucoup de temps pour retrouver dans la ville les contacts de son ancien mentor. Il devrait se rappeler de qui il s’agissait, et arriver à les faire se rappeler de lui suffisamment bien pour qu’ils lui fassent confiance, ce qui n’était pas gagné puisque sa dernière visite remontait à un certain temps et qu’il était à l’époque resté dans l’ombre de Fernando de Magellus.
Même s’il n’était plus revenu dans la cité des pirates depuis longtemps, il semblait bien que les locaux, eux, ne l’avaient pas oublié. En effet, il avait bien été reconnu par Marco Eusabio dans un premier temps, et maintenant, c’étaient les anciens collaborateurs de Fernando qui se remémorèrent l’apprenti de l’explorateur confirmé. L’un d’eux, une certaine Larmina Usseïla, fille d’un marchand, arabéenne de naissance, mais établie comme armatrice depuis des années à Sartosa, put lui en dire un peu plus sur qui était cette fameuse potentielle employeuse.Test de (CHA+INT)/2 (mémoire et charisme) : 2 ! Réussite !
Larmina était une femme qui devait approcher la quarantaine. Ses cheveux longs et lisses, qui avaient toujours fait sa fierté, commençaient maintenant à se parsemer de blanc par endroits, offrant un contraste qui n’enlevait rien à leur beauté. Sa peau était légèrement hâlée, du teint caractéristique des purs arabéens de naissance. Son visage était agréable, mais commençait à se rider. La détermination sans faille qui habitait encore ses yeux noirs il y a quelques années commençait à s’émousser, remplacé par une certaine lassitude qui se lisait sur ses traits. Dans sa jeunesse, cette beauté avait sans doute dû bourlinguer, mais elle s’était rangée depuis longtemps, et même la bonne marche de son affaire semblait ne plus trop l’intéresser.
Qu’importait ! Usseïla était une personne de confiance. D’aucun racontaient à son sujet qu’elle avait quitté l’Arabie quand son père avait voulu la marier de force, pour partir à l’aventure, où elle aurait rencontré Fernando. Orcbolg ignorait si cela était vrai ou tenait du mythe, car aucun des deux protagonistes n’avait jamais confirmé ni infirmé les rumeurs sur leur relation, s’amusant sans doute des ragots à ce sujet. Une chose était certaine : Magellus lui aurait confié jusqu’à sa vie sans hésiter.
Lorsqu’Orcbolg la trouva, dans le siège de son établissement situé sur les quais, elle réfléchit quelques secondes, puis hocha la tête dans un signe de tête affirmatif. Elle le reconnaissait, et voulait bien l’aider. L’élève de Magellus la questionna donc sur Madame von Diehl. Larmina prit un court instant pour rassembler ses pensées, et répondit à ce sujet qu’elle n’avait pas beaucoup d’informations là-dessus, et que d’ailleurs personne ne savait grand-chose à son sujet, ce qui en soi constituait une information intéressante.
A ce qu’elle avait entendu dire, von Diehl serait arrivée à Sartosa quelques mois plus tôt. Elle disposait déjà alors d’une immense avait immédiatement monté un grand nombre d’expéditions de recherche aux quatre coins du globe, apparemment largement à pertes. Mais elle n’avait pas arrêté pour autant, et continuer d’envoyer explorateurs et aventuriers fouiller les recoins du monde en quête d’on ne savait quoi. Larmina ajouta que Madame von Diehl ne ressemblait pas à une pirate, et qu’elle n’avait jamais entendu parler d’elle avant son arrivée dans la cité des pirates... Quant à son bateau personnel, et bien elle n’en possédait actuellement pas. On disait qu’elle faisait l’acquisition d’embarcations pour ses expéditions, mais ne voyageait elle-même que très peu. C’était tout ce qu’Orcbolg Tiburon put apprendre sur la mystérieuse femme.
Contrairement à beaucoup dans l’établissement, Elle n’était pas masquée. Assise à une table relativement petite dans le fond de la pièce (certaines tablées à la Tête de Bœuf étaient si grandes qu’un équipage au complet pouvait y manger), leur potentielle employeuse était entourée de plusieurs convives parmi lesquels se trouvait Marco Eusabio, vêtu d’une extravagante veste rouge vif. Les autres étaient une sorte de chevalier bretonnien d’un certain âge, à l’air bien portant, qui arborait une barbichette et une moustache blanche amplifiant encore son expression hautaine, et un explorateur de Marienburg roublard et vantard du nom de Pavius Bartholomeo Dolomius.
Madame von Diehl elle-même était une vieille petite femme blonde qui paraissait encore bien se porter. Elle avait un visage anguleux et un nez crochu, et de grands yeux bleus tirant sur le vert et le gris. Chose étonnante et rare pour une humaine, elle était vêtue à l’elfique, la qualité et la facture de ses habits ne trompaient pas. Un bâton de bois noueux était posé près de sa chaise. Bien qu’elle resta neutre dans son expression, ses yeux pétillaient et riaient de l’inimité que semblaient partager chacun des convives à l’égard des autres invités. Quoi qu’il en fut, lorsque les deux héros se présentèrent à elle, -accueillis au passage par un clin d’œil approbateur de Marco, du moins pour Piero qui avait fait l’effort de venir en grande tenue-, elle parut satisfaite. Toutes les chaises étaient occupées, tous ceux qui étaient attendus étaient arrivés.
Saluant ses invités d’un signe de tête, Madame commença à parler, d’une petite voix fluette :
-Bien le bonsoir, messieurs. Si je vous ai conviés ici, c’est pour vous proposer à tous une affaire qui je n’en doute pas pourra vous intéresser. Mais ne restons pas là sans manger. Commandez ce que bon vous semble, vous êtes mes invités.
Après que chacun eut passé commande au serveur venu s’enquérir de leurs envies, la petite dame reprit de sa voix chevrotante :
-Il se trouve que je suis à la recherche d’objets disséminés de par le monde. Pour être plus précise, il s’agit principalement d’objets à faible valeur intrinsèque, mais d’une importance historique potentiellement énorme pour qui s’intéresse à ce genre de choses. Autrement dit : des textes anciens, des tablettes, des fragments de fresques, des plaques ornées ou des gravures… Mais pas n’importe lesquels, bien sûr.
Si cela vous intéresse, je suis prête à financer non seulement les expéditions pour vous rendre aux divers endroits où j’ai pu localiser ces objets, mais également à vous offrir une récompense défiant toute concurrence pour chaque mission réussie. Avant de continuer plus loin et de vous donner les détails, cela vous intéresse-t-il sur le principe ?
Les autres étaient évidemment très enthousiastes. La proposition paraissait alléchante de prime abord. Non seulement l’expédition serait entièrement financée par Madame von Diehl, mais en plus, il y aurait récompense substantielle à la clef. Deux éléments largement suffisants pour attiser la curiosité d’aventuriers. Allait-il en être de même pour Orcbolg et Piero ?