Malgré ses doutes, Arnaès s'était montré fort éloquent dans sa rétorque au Baron Rouge. Ses arguments sonnaient justes, sa voix était forte comme il le fallait... Et les hommes de Carrionni ne s'y trompèrent pas: certains opinèrent du chef, les faces couturés d'autres témoignèrent leur accord.Test de CHA d'Arnaès: 6, réussi
Mais pas le Baron Rouge. Celui-ci émit un ricanement de dédain, avant de regarder ses forbans pour rire avec eux de la tentative jugée pitoyable d'Arnaès...
... Mais ses forbans ne rirent pas. Personne ne riait. Sauf Gaspar, mais pas pour les mêms raisons : il fit siffler sa rapière dans l'air nocturne, dans un défi au Baron, lequel bégaya:
-Non, c'est... à terre que...
Il fut interrompu par un rustaud de ses hommes, dont les chairs d'Arnaès avaient d'ailleurs souvenance. C'était le gaillard au crochet qui l'avait malmené à la table d'Antoni Carrionni:
-L'a raison, l'capitaine de l'Epaulard! Tu nous r'battu les esgourdes 'vec ton duel, voilà, maintenant c'est l'heure. ça change rien sur mer ou sur terre!
-C'est même plus mieux ici! ajouta un autre en sortant une bouteille de rhum. Au moins on est au premières loges!
D'autres se marrèrent, et Gaspar, aussi bavard qu'à l'accoutumée, enfonça le clou, daubeur:
-Qu'essya sur terre, baronnet? Ta maman que tu pourras appeler à l'aide? A moinsse qu'ici t'ais le mal de mer? Marin d'eau douce va!
Quelques marins "ennemis" rigolèrent encore, bien que vite calmés -sauf le Crochet - par un regard furibond du Baron, lequel trucida ensuite Gaspar des yeux en dégainant ses deux cimeterres:
-On en r'parlera quand tout sera fini, Crochet, marmonna t-il. Puis il gueula sur le Bavard: Soit! J'vais t'étriper ici et maintenant, p'tit étron!
Et le duel fut! Terrible. Sanguinaire. Sous les acclamations joyeuses des deux camps. C'est que les forbans aimaient ça, les combats et le sang!
Les deux combattants avaient des styles bien différents. Tandis que le Baron Rouge était tout en force, brassant dangereusement l'air de ses deux longs sabres, Gaspar était tout en esquive, en vitesse et en finesse. Stac! Une touche de pointe dans le dos du Baron, qui gémit, envoyant un revers de cimeterre avec violence derrière lui. Le sang du bavard gicla, son abdomen bien touché, mais cela ne l'empêcha pas d'effectuer une roulade pour se mettre hors de portée et casser le combat...
-Tu fuis, poltron! brailla le Baron en lui fonçant sus...
... et Stak! Gaspar s'était fendu de tout son long, lui enfonçant la pointe de sa lame dans le genou dans un beau mouvement d'escrime. Le Baron se rétama sur le pont glissant...
-Maudit tricheur, je vais te...!
... Le temps qu'il se relève, Gaspar était de nouveau dans son dos... Et Slash! Le Baron se retrouva la nuque tranché d'un superbe coup de taille!... Il s'écroula, mort ou quasi, le visage médusé.
-On a beau m'appeler le bavard, moi je sais qu'y a un temps pour parler, et un autre pour se taire, se gaussa Gaspar en essuyant sa lame sur les fesses de son adversaire anéanti. Causer ou férir, il faut choisir! Et il éclata de rire.
Il était tout de même très pâle, sa chemise en sang.
Des matelots de l'Epaulard vinrent le soutenir et le congratuler, lui donnant du rhum... mais sur les faces silencieuses des vingts tueurs Carrionni se lisait la consternation.
Entretemps, Arnaès, dans ses recherches d'armement lourd, dû se rendre à l'évidence. S'il y avait un canon léger et deux scorpions, comme annoncé par Carrionni, aucun d'entre eux ne pourraient être décroché des bastingages et tourné sur l'ennemi avec assez de diligence pour que cela parut une bonne idée... D'autant que si affrontement il y avait, l'ennemi allait sans doute se disperser... Non, ces engins de guerre étaient destinés à l'agression de navires, et inutile pour une bagarre de pont...
En cas de conflit, il ne devrait donc que compter sur sa rapière. Et sur l'arquebuse confiée à Vitor. Sur un Gaspar déjà blessé. Sur ses hommes, vieux ou trop jeunes, et en net sous-nombre... Et sur Mort Marquez? Ce n'était même pas sûr... Quel était donc cette esquisse de sourire noir qu'il avait au bord des lèvres. Le félon! Arnaès avait-il vu juste? Le sombre colosse avait-il changé de camp? C'était lui qui avait tout organisé! Lui qui voulait la place de Capitaine!...
-On s'est fait baisé, chuchota Vitor à l'oreille d'Arnaès. J'viens de comprendre. Carrionni va dire que c'est nous seul qu'on a attaqué le Nautile et s'emparer de l'Epaulard sans qu'on l'accuse de rien... Il pourra même dire qu'il a sauvé le vol du Nautile.
Les vingts tueurs sortirent leurs armes... ça sentait vraiment la fin... Arnaès sentait sa douzaine de bras-cassés déjà prêts à se rendre, et Marquez qui restait impassible et tranquille, voire satisfait, comme sachant qu'il ne craignait rien...
L'affrontement qui se préparait était suicidaire!