La porte en bois vermoulu qui terminait le passage souterrain grinça lorsqu’Armando la referma. Sansa et lui se trouvaient dans la garrigue, au beau milieu d’une forêt de pins parasols. L’entrée du tunnel par laquelle ils venaient d’émerger, encastrée dans un amas calcaire croulant sous la végétation, était invisible aux yeux de ceux qui ignoraient son existence. Loin devant eux se dressaient des monts secs et escarpés tandis qu’en contrebas murmurait la mer. Le chant incessant des cigales crissait depuis des bosquets d’arbustes épineux. Sur les racines d’un olivier proche, un lézard prenait le soleil les membres écartés et les yeux mi-clos. L’air charriait l’odeur parfumée des bouquets de thym qui parsemaient le sol crayeux que le soleil inondait de ses rayons bienfaiteurs alors qu’une brise marine rafraichissait le tout. En somme, rien dans ce décor méridional et idyllique ne laissait deviner le sort auquel la jeune femme et son maître d’arme, apparus ici comme par magie, venaient d’échapper. Le fil de la rapière dégainée de l’Estalien scintillait encore de sang tandis que le regard de Sansa n’exprimait que peur et angoisse. Elle fit quelques pas hagards entre les pierres en passant machinalement la main dans ses cheveux fraîchement taillés à la garçonne avant de lever le nez vers le ciel d’azur. Armando suivit son regard. Une trainée noire vaporeuse venait tâcher le bleu immaculé. Il ne fallait pas de mots pour comprendre, pour deviner que cette fumée sinistre venait probablement du domaine qui était niché à quelques lieux en contrebas, sur la côte. La jeune femme fixa les volutes tournoyantes pendant de longues minutes, son silence douloureux couvert par la nature autour d’elle. Puis ses yeux larmoyants se baissèrent vers ceux de son maître d’arme.
- "Pourquoi … Que s’est-il passé ? Que va-t-il advenir de Père ?" murmura-t-elle.
La jeune fille réprima un sanglot et tomba plus qu’elle ne s’assit sur un tronc sec. La tête entre les mains, des larmes muettes coulaient le long de ses joues jusque sur son menton étroit avant de tomber sur le sol calcaire, y formant de petites taches sombres. Après la panique venait l’incompréhension, le refus. Sansa secouait la tête, ses lèvres articulant des prières silencieuses, les traits froncés. Une buse, loin dans le ciel, poussa un cri perçant.