袖の氷も
むすぼほれ
とけてねぬよの
夢そみしかき
Les larmes versées
Sur ma couche solitaire
Sont à présents gelée :
Et mes rêves, eux, sont si brefs
Ces nuits où je dors inquiet
Il y avait :
la petite tour ou pagode à 5 étages. Maître Yoshitsune affirmait qu'elle contenait les os de verre d'un Dragon Mizuchi. Les autres moines paraissaient aussi y croire, mais la tour était vraiment petite et Eijiro doutait parfois de la véracité de ces dires. De toute façon, l'endroit était toujours fermé à clé et il n'y avait pas moyen de vérifier. Elle se fondait dans le paysage, en bordure du temple, et ne paraissait pas avoir d'autre utilité.
Le Kondô,
contenait la statue de Bishamonten, le Kami du temple, dieu gardien de la loi céleste et de la protection des hommes. La sculpture aux allures guerrières était recouverte d'une fine couche de feuilles d'or. C'était sûrement l'objet le plus précieux du temple. Elle ne faisait qu'un mètre cinquante de haut, mais son faste ostentatoire dénotait beaucoup avec le reste des bâtiments de bois. Eijiro avait déjà vu des statues beaucoup plus impressionnantes dans son enfance, mais il avait apprit à apprécier et à vénérer celle-ci.
Le Kôdô,
le bâtiment pour l'enseignement. Eijiro y passait la majeure partie de son temps à apprendre les prières et l'histoire mythologique du Jinto, la voie des dieux. Yoshitsune était un maître sévère qui n'hésitait pas sur les punitions. Eijiro avait d'ailleurs subit plus d'une fois les remontrances du moine après s'être échappé pendant une séance de méditation. Si ce n'avait pas été pour l'apprentissage des rituels et des sortilèges, Eijiro n'aurait sans doute jamais voulu mettre un pied ici.
En effet, c'est aussi dans le Kondô que l'on apprenait au jeune homme les arcanes secrètes des Shugenja. Il se trouvait que maître Yoshitsune était aussi un Shugenja reconnu dans la région. Dès qu'il avait perçu les affinités de Eijiro, il l'avait pris sous son aile. Mais peut-être était-ce aussi pour discipliner le jeune homme, car lancer un sort demande une concentration à toute épreuve.
Le Sôbô,
était le logement des moines. On y effectuait la plupart des tâches quotidiennes comme la cuisine. Le sôbô contenait aussi un grand dortoir commun dans lequel tous les moines dormaient dans des futon à même le sol. Seul maître Yoshitsune possédait son propre pavillon non loin, à côté du petit étang (gelé à cette période de l'année).
Le Kyôzô,
Le magasin, ou plutôt la bibliothèque. La compilation de la totalité des textes sacrés et ésotériques du monastère y était disposés. C'est de là que maître Yoshitsune tirait les parchemins et les rouleaux nécessaires à Eijiro pour l'apprentissage des sortilèges célestes.
La Shôrô,
la cloche du temple. Un lourd instrument de bronze que l'on sonnait pour les occasions particulières comme le nouvel an ou les solstices d'été et d'hiver.
La Sanmon,
L'entrée du temple. Il n'y avait ni rempart ni murailles dans un monastère aussi petit. Mais il était important de signaler l'entrée et chacun était sensé la traverser pour rentrer ou sortir. Bien sûr, Eijiro avait transgressé cette règle plus d'une fois.
C'était encore la matin malgré le rideau de neige qui cachait le soleil depuis l'aurore. Maître Yoshitsune avait convoqué Eijiro dans son pavillon personnel ce qui avait donné l'occasion au garçon d'échapper aux tâches ménagères.
Après avoir récité son poème, Yoshitsune se tourna vers Eijiro :
"Eijiro-kun te voilà. J'aurais une demande. Les kamis m'ont annoncé la venue d'un message important il y déjà une semaine. Pourtant nul messager ne nous est parvenu. Nos moines sont déjà bien occupés, je voudrais que tu fouilles un peu la forêt pour vérifier qu'un messager ne s'est pas perdu.
Si tu dois aller jusqu'au village, n'oublie pas de bien te préparer. La neige ne va pas s'arrêter de si tôt."
Yoshitsune parlait du village de Yamamura; le même nom que le temple. C'était une modeste ville paysanne située plus en aval de la montagne. Il ne devait pas y avoir plus de quatre-vingt habitants, ce qui était déjà très respectable. De temps en temps, les moines y descendaient pour effectuer les rituels religieux qui rythmaient le cours de l'année. Malheureusement à cette époque, les routes de montagne étaient enneigées et il était très difficile de circuler d'un endroit à un autre. Mais Yoshitsune paraissait faire confiance à Eijiro pour s'en sortir. Il s'avança un peu pour faire face à l'étang et reprit :
"Les flocons semblent inquiets. Je n'aime pas ce que cela présage. Ne t'attarde pas dans la forêt."
Comme la majorité du territoire nippon, Yamamura était recouvert par d'épaisses forêts qui s’étendaient sur tout le territoire du Daimyo Saikuru. Seuls les alentours des villages et du château étaient composés de rizières et de champs.
Cela n'aurait normalement pas posé de problème, mais des bêtes sauvages et des esprits malins hantaient ces contrées. Chaque année, des enfants et des adultes disparaissaient dans d'étranges circonstances. Il arrivait que l'on retrouve leur cadavre des semaines, des mois ou des années après. Mais jamais l'on avait retrouvé quelqu'un vivant...
"Ils doivent être en train de déneiger mais n'hésite pas à demander de l'aide à Arata, à Kimitarô ou à Satoru."
Arata était le moine supérieur en second, il assistait Yoshitsune dans la gestion du monastère. C'était quelqu'un de paisible et de réfléchit. Quand Yoshitsune se montrait trop sévère, c'est lui qui venait réconforter Eijiro. Il n'étais pas Shugenja et ne connaissait rien à la magie, mais c'était un grand lettré; Il pouvait réciter de mémoire chaque texte contenu dans le Kyôzô où il passait la plupart de son temps libre.
Kimitarô était le chef des dortoirs. Il s'assurait que chacun effectue ses tâches et que le matériel soit bien remis en place. C'était un ancien paysan. Il était un peu bourru et pas très fin. Mais il était gentil et généreux.
Enfin Satoru n'avait pas vraiment de titre, mais tous les moines le reconnaissaient comme le cuisinier en chef. Il gérait aussi la gestion des provisions.
Yamamura-ji était un endroit plutôt paisible, presque ennuyeux. Les journées étaient organisées après une précision d'horloger. Le temple était plutôt loin des grandes villes et les conflits ne parvenaient pas souvent jusqu'ici. En conséquence, malgré leur divinité guerrière, les moines se consacraient uniquement à la lecture, à la méditation et à l'entretien du temple.
La dernière fois qu'Eijiro avait tenu une épée remontait à son enfance dans la cour du château de son père. Il avait eu le temps de recevoir un semblant d'éducation militaire et d'étiquette. Mais en dépit de sa volonté de retourner vers la civilisation, il se doutait que cela ne serait pas si facile.
Pour l'instant cependant, on lui avait donné l'occasion de rompre avec la monotonie journalière, et il n'allait pas laisser passer cette chance.