Mais non. Alors que Rovk prenait ses jambes à son cou et chargeait directement vers les quelques arbres, Åke obéit à ses ordres. Malgré la peur qui lui serrait le ventre, et qui jaillissait dans sa voix par une sorte de tremblement rauque, il frappa son bouclier rond, et hurla à s’en écorcher la gorge :
« ARKHAR ! PREND MON SANG ! »
Sacrilège. Il priait un des ennemis du Serpent.
Peut-être que son Dieu l’aiderait dans ce combat.
Tout droit. Rovk chargeait tout droit. Ce n’était pas le moment de trébucher sur une ronce, ou de glisser sur un morceau de boue humidifiée par la neige. Tout droit, le jeune homme courait en laissant d’immenses empreintes dans les flaques de tourbe qui couinaient sous ses semelles. Les bras près du corps, le souffle rapide à cause de l’effort et de sa frousse, il tenta de regarder tout droit vers un seul objectif, la ligne de frondaison des maigres sapins.
L’ours rugit à nouveau, et s’écrasa à terre.
Et se dirigea droit vers lui.
Ses immenses pattes secouaient la terre. Il chargeait. Il chargeait droit vers le fils du serpent. Il chargeait pour le tuer, avec ses crocs ou ses pattes, selon ce qui viendrait en premier.
Rovk courra. Courra. Et il sentit dans ses narines l’odeur forte de la bête. Elle parasitait toute sa vision périphérique, à gauche. Une immense masse de poils et de muscles.
Et Rovk la dépassa. Arriva aux sapins. Glissa sur le sol, et rampa par terre.
Quinze secondes de répit à peine. Quinze secondes où il serra les dents, et ses sphincters, et fit glisser sur sa langue quelques mots en langue noire.
Ella lui avait appris à s’armer. Il leva ses bras, qui paraissaient nus sous son épais manteau de fourrure.
Une sorte de lumière violacée s’enroula de ses biceps jusqu’à ses poignets. Et, au sol, commença à tomber une sorte de liquide d’aethyr, qui se solidifia en formant de longs liens acérés.
Il se releva, et frappa en direction du monstre. Le fouet fracassa des branchages, fit voler de la sève dans l’atmosphère. L’ours passa au travers, en ouvrant son immonde gueule puante et dégoulinante de salive.
SSS-TOC !
Une javeline vole. Åke avançait comme un maraudeur Norse entraîné. Avec une main, il tirait des pointes accrochées à sa hanche, et tentait de frapper le monstre tout en marchant.
« Amène-toi ! Amène-toi !!! »
L’ours ignora les javelines qui se perdaient dans le décor, l’une glissant au sol, une autre pénétrant le tronc d’un arbre.
Seul Rovk l’intéressait. Le jeune homme était tout à lui.
Rovk tenta de garder ses distances. Apeuré, blanc comme un linge, il donnait des coups maladroits, qui ne parvenaient qu’à riper la peau de l’animal sans lui faire le moindre dégât. Mais l’ours n’allait pas mieux non plus ; gêné par les sapins, il ne pouvait que donner des coups maladroits, quand il ne choisissait pas de se mettre à deux pattes pour suivre Rovk qui contournait un tronc.
Finalement, Åke parvint à correctement viser, et une javeline se planta dans son dos. Il hurla un cri, non de douleur, mais de colère. Il se retourna, et chargea directement le frère d’armes du Slaaneshi.
Rovk partit à sa poursuite. Tenta de profiter du désintérêt soudain de l’ours pour l’assaillir. Mais rien ne fonctionna. D’un coup, l’ours se retrouvait au corps-à-corps face à Åke. Échangea des coups…
…Et larda Åke.
Le bras gauche, puis le bras droit y passèrent. Le jeune chasseur hurla. Les immenses pattes du monstre lui déchiraient les épaules, et maintenant, une immense flaque de sang poisseux coulait sous lui.
Il était devenu pâle, avec d’immenses yeux exorbités.
Et c’est à ce moment, après que Rovk ait affaibli l’ours avec une pluie de coups de fouets…
…Que sa magie cessa de faire effet.