[RP Libre] Les Crocs du Père

[Alekzan Gievlevitch]

Dazh montrait timidement son attelage aujourd'hui, et c'est dans cette torpeur matinale que les quatre larrons - qui n'étaient plus que trois éveillés - s'extirpèrent de leur cachette. Le reste de la nuit s'était effilé au rythme des bandages, des jurons et des grognements de douleur, et pour cause, même les moins handicapés par la rixe accusaient le coup. Pour Alekzan, la situation était telle qu'il chercha longtemps la cause de ses maux. Il faut dire que le lutteur était habitué aux estocades, aux poings et genoux, mais pas aux marques que le blondin lui avait laissé. Malgré les heures d'attente avant le lever du soleil, Alekzan sentait encore sur tout son corps les impacts de son adversaire, comme si ce dernier l'avait fouetté à chaque uppercut.

Après une inspection rapide sous son manteau, il put enfin voir les stigmates de la nuit de veille : partout où il avait été blessé, il y avait une tache bleu-maronnasse, qui tendait parfois au rouge cramoisi ou au pourpre foncé. Toucher la chair meurtrie ne faisait point mal, mais relâcher ou tendre le moindre muscle provoquait des pulsions dans la mâchoire, au point d'en faire grimacer le lutteur.

Comme à chaque fois et à chaque matin, les veilleurs se séparèrent sans un signe de main, l'un d'eux se contentant d'un "Reviens pas demain. On te causera quand il faudra", tandis que les autres s'effaçaient dans la foule braillarde et virulente de la basse-ville. Là, Alekzan put enfin respirer un peu, et déambuler quelques minutes, avant que la fatigue ne le gagne à nouveau. Vu le jour naissant, retrouver Mama ne serait chose aisée - elle se levait tôt, très tôt, quelle que soit la saison - et même s'il y parvenait, il ne saurait subir le flot de questions. Ainsi, il se dirigea non sans mal vers le marché, puis la place des Guildes, mais pas pour y travailler. Non, cette fois, il la traversa sans écouter, enlevant ses bottes humides avant de pénétrer dans le bosquet sacré.

Là, auprès d'un sapin épais et bas, il s'effondra enfin, éreinté par la marche, la faim, et la nuit passée.



***

Test d'END pour récupérer : 8, réussi.
Une "nuit" de sommeil => Zangief passe à 12/65 PV

Il s'éveilla d'un bond, tendant tous ses membres par réflexe, serrant le ventre en réaction. La sieste avait été affreusement courte de son point de vue, mais après avoir constaté l'ambre dans le ciel, il comprit que de nombreuses heures étaient passées. De ce sommeil sans songe, il n'en retint qu'un goût amer, gluant - ah oui, des épines s'étaient logées sous son nez et sa bouche. Se frottant le visage pour mieux s'acclimater à la lumière, il fit un second constat de ses plaies.

A priori, rien n'avait changé. Dans certains cas, les bleus s'étaient changés en noir, dans d'autres, ils avaient tiré au jaune seigle. Il avait obtenu des marques en plus, mais rien d'autre que des plis dû à ses vêtements secs et à son lit d'épines plus ou moins molles. Après une courte prière et une ablution rapide au bord du fleuve, il se dirigea timidement vers la grande place, entendant déjà les cris et le tumulte comme s'il y était.

Malheureusement, malgré le soleil bien bas, la foule était encore bien agitée. Il aurait aimé ignorer les va-et-vient, les flux de gens, mais cette fois, nul ne bougeait vraiment. On s'égosillait de-ci de-là, on clamait des nouvelles à tout-va, si bien que chaque oratoire improvisé débordait d'attention et d'oreilles prêtes à entendre tout ce que l'on pouvait - ou voulait. Passant près de ces lieux - il y en avait tant qu'il était impossible de tous les éviter -, Alekzan put entendre d'une oreille :

- "Oyez oyez ! Le dégel s'amorce plus loin en terre, les rameurs se sont élancés ! Oyez oyez ! Deux cognards de plus ont été débarqués dans la journée ! Deux pâles, deux flasques, et toujours aucun corbeau trempé ! Oyez, amis pêcheurs, l'heure est grave ! Oyez, cette fois le Veche s'en mêle, prenez garde à ce que vous ramenez !"

Le Veche. Aux oreilles du lutteur, cette nouvelle n'annonçait qu'une chose : Si les boyars sortaient de leur tanière pour remédier à cette affaire, c'est qu'ils étaient concernés. Aux yeux des marchands et des voyageurs, cela n'indiquait rien d'intéressant, mais pour les autres habitants, c'était un rappel à l'ordre qui venait de s'annoncer. Malgré tous les nouveaux droits et privilèges octroyés par la Tsarine, les guildes d'Erengrad n'étaient pas encore les seules maîtresses à bord de la Cité, et pour les mois qui suivraient, le conseil boyar de la ville se ferait un plaisir de rappeler à tous "qui c'est qui commande ici". Sur cette grandiose nouvelle, le lutteur s'écarta de la foule, serra fermement son médaillon en grognant. Une fois ceci fait, il essaya tant bien que mal de se faire discret en relevant le col de son manteau.

Test de FOI - "VIgueur de la Patte léchée" - 8, réussi.
Zangief passe à 24 PV et obtient son 20e PdC.

[Alekzan Gievlevitch]

Après tout, le Veche était tout ce qu'il restait de l'aristocratie locale, et même si les marchands pensaient qu'ils avaient perdus toute leur grandeur depuis la mystérieuse disparition du Prince lors de la Tempête... Ils n'étaient ni en sous-effectif, ni assagis.

- "Hé là, fils Ungol !"

Test d'INT pour voir l'homme : 1, crit.

Comme si son instinct l'avait guidé par avance, le lutteur n'eût qu'à se redresser pour trouver celui qui l'interpellait. En effet, avec sa robe épaisse et sa capuche brune et ample, il aurait été plus facile de le bousculer plutôt que de déterminer ses traits, chose que fit le lutteur en se retrouvant face à lui. Frère Ours était visiblement pressé, ou au moins fatigué, vu comme sa barbe pointait vers le sol et ses yeux étaient troubles.

- " Où vas-tu comme cela, mon garçon ?

- Je... Je rentre chez moi, Frère Ours.

Soudain, le prêtre laissa un sourcil se dresser sur son front. Il pencha un peu la tête, ce qui aux yeux du lutteur semblait signifier de l'incrédulité.

- C-c'est vrai !

- Ah ? Et qu'est-ce qui t'attends là-bas, que tu sois si pressé ? Tu n'as pas fait d'autres rêves, j'espère ?

- N-non - Tch, non, Frère Ours, aucun rêve depuis mon retour.

- Haa, je vois. Tu as entendu les nouvelles ?

- Ehhh, oui, enfin, je crois.

- Haa, tu crois. Eh bien, viens avec moi. Je vais t'expliquer."

Sans aucun signe de main, le prêtre s'éloigna, se dirigeant vers les Jardins. Une fois arrivé aux abords du bosquet, il s'arrête et reprend la parole :

- "J'y pense, est-ce que tu as ta griffe avec toi ?

- Tch, oui Frère Ours. Enfin, une dent.

- C'est bien, hm-hm. Je rentre de la basse-ville et des Quais, figure-toi. Tu sais ce que j'y ai croisé ?

- ... Nyet. Du poisson, des pêcheurs ?

- Heh, en quelque sorte. Ils ont remonté de drôles de choses ce matin, tu le sais ?

- O da... Oui, un fils boyar. Un fils du Veche, il paraît.

- Oh-ho, plus qu'il n'y paraît. Tu le connais ?

- N-non, je ne côtoie jamais les boyars."

Test de CHA opposé : 19v13, en défaveur de Zangief, mais c'est laborieux pour tout le monde.

Là, le lutteur marqua un silence, étant physiquement gêné par la tournure des questions. Au même instant, Frère Ours se mit à ruminer, comme s'il continuait les questions et les réponses de son côté - à moins qu'il n'effectue un conciliabule avec sa barbe.

- "Tu es sûr de ne l'avoir jamais vu, oh ?

- Non-non, enfin da, j'en suis sûr.

- Oh, d'accord. Et dis-moi, tu n'as vu aucune corneille ces temps-ci ?

- Teh, nyet, pas ici. Je les aime pas, ces gens-là."

Après un infime instant de surprise, le prêtre éclata de rire, plantant ses mains sur ses cuisses pour ne pas trébucher. Lorsqu'il reprit son souffle, il lâcha :

- " Je vois, je vois. Ne t'en fais pas, tu n'auras pas à les côtoyer. Il faut tout de même que quelqu'un s'inquiète du Veche. L'orateur étant déjà occupé, que dirais-tu de t'en charger ?

- Eh...

- Allons, fils, tu n'as pas à te presser. Si tu as à faire ailleurs, vas-y demain, hm ?

- D'accord.

- Et puis, si tu souhaites voir le fils du Veche avant tout cela, il a été recueilli par les gens de Manaan. J'ai veillé à ce qu'ils s'en occupent au moins pour la soirée. Allez, va, fils Ungol."

Un simple salut de la tête, et les deux ours se séparèrent. Du côté du lutteur, la soirée et la nuit furent sans équivoque, d'abord rythmée par les braseros et lampions de la basse-ville, puis par les chants nocturnes des réfugiés et des dockers. Une fois de retour à la maison, il ne croisa pas Mama, et plutôt que de la chercher et de se faire, gronder, il s'assit sur son lit de paille et s'endormit sans un mot.

[Alekzan Gievlevitch]

Au petit matin, ce fut un claquement de porte qui arracha l'ourson à son sommeil. Avec les rayons à la fenêtre et les lueurs dans le plafond, il ne remarqua rien d'anormal, hormis cette fumée d'herbes grasses qu'il appréciait si peu et qui l'engourdissait des nasaux jusqu'aux mains. Cette fois encore, aucune voix familière, et point de Mama dans la salle - sans doute était-ce elle qui l'avait réveillé en quittant les lieux. À peine fut-il levé qu'il s'empressa de souffler sur les pots de cendres chaudes. Comme à chaque fois, le premier essai ne suffit pas à couper le flot d'odeurs, et il empila à la hâte les bols environnants, et ce, par paire - l'un en guise de base, l'autre en guise de couvercle, et ainsi de suite.

Une fois ceci fait, et après un rapide petit déjeuner, il déambula dans le quartier, cherchant du regard un des soudards du Pakhan. Après plus d'une heure d'attente, il se mit enfin en route, cette fois-ci en direction des Guildes du bord de Lynsk. Lorsqu'il franchit le seuil des tentes et qu'il mit le pied sur les graviers des quartiers reconstruits, il remarqua la présence de nouveaux braseros, ainsi que tout un tas de lumières disséminées dans la ville haute. L'agitation journalière, d'habitude croissante au fur et à mesure que les journées s'allongeaient, marquait un arrêt aujourd'hui.

En effet, il était coutume dans la Cité qu'aucune célébration ne pouvait avoir lieu lorsque des morts importants étaient retrouvés en mer ou que la nouvelle de leur disparition arrivait en ville - et lorsque l'on connaît le caractère prématuré et étrange des funérailles kislevites, c'est une méthode très civilisée que de simplement réduire le volume sonore des rues. Ainsi, tout le monde remuait ses frocs et breloques comme chaque matin, mais l'on ne s'injuriait plus à grandes volées - surtout que le vent humide semblait d'humeur à vous froisser les paupières si vous sortiez trop à découvert.

Par conséquent, plutôt que de risquer l'humidité et la potentielle foule aux abords des chapelles de Manaan, Alekzan se dirigea vers des lieux plus secs, et des rues plus serrées, moins propices aux vents violents. Arrivé à la grande place des Guildes, il se présenta devant les différents contremaîtres, et comme à chaque fois, il attrapa ses outils au vol, et son travail à cœur. Cette fois encore, il était envoyé dans les ruines, dans les pentes où siégeaient encore des bâtiments ensevelis et des ruines grossièrement dégagées.

Test de FOR pour établir la "facilité du travail" - 1, très facile.
Tests de fouille successifs - chaque échec rajoute X heures de travail - 8, réussi du premier coup.
Test d'END pour la fatigue - 19, malgré tout, on surestime ses forces.

Après quelques heures à batailler dans les escaliers effondrés, et autant de surprises quant à la fragilité des pans de mur survivants - ce qui provoque de nombreux jurons de surprise de la part de l'homme-outil -, le lutteur se permet une pause, ou plutôt un changement d'objectif. D'habitude limité à la destruction de patrimoine abandonné, cette fois, il n'oublie pas la tâche promise, ni le dragon d'or obtenu quelques jours plus tôt. Il y a bien quelque temps de doute et de réflexion à propos de la logique derrière un tel système de payement ou du manque d'informations quant à l'objet exact de ses recherches, mais elles sont assez vite balayées par le simple appétit - tantôt physique, tantôt financier.

En effet, là où l'ecclésiaste de Sigmar ou d'Ulric réfléchirait et relativiserait sur les maux provoqués par l'avarice, le gain, l'appât de l'or et tout un tas d'autres questions érudites, le culte d'Ursun - et de manière générale les cultes kislevites - ne se posent tout simplement pas la question. Le gain, quel qu'il soit, est permis et bienvenu, tant qu'il ne contrevient pas aux commandements d'un ou plusieurs dogmes, ou qu'il n'est pas en opposition aux paroles de la divinité.

Ainsi, Alekzan se concentre sur les blocs de pierre douteuse, les poches vides sous les murs renversés, les meubles étrangement stables, ... Jusqu'à ce que, au détour d'un amas de pierres fendues, entre un couvercle ballotté par les vents et une ruelle pratiquée par les serfs des maisons nobles, le lutteur remarque un objet qui scintille.

Pensant d'abord à un simple fil de plomb, il se contente de taper du pied sur les gravats. Mais alors, une chaînette glisse jusque sous le pavé. Cette fois, le lutteur la ramasse, et comprend qu'il s'agit d'un bijou et non d'une breloque d'architecte. L'objet est fin, très fin, et tout aussi léger qu'un fil. À vue d'œil, il s'agit d'un collier, une simple chaînette en or ou en argent, un objet d'apparat sans médaillon, mais après quelques roulements entre ses doigts, une sorte de dent se révèle à une extrémité. Une simple dent, trop petite pour être celle d'un ours ou d'un ourson, mais trop pointue pour être sans valeur.

Soudain, une mule braillarde se fait entendre. Vient alors une réflexion : reprendre le travail, même inutile, vaut mieux que justifier ses trouvailles auprès des contremaîtres. Ainsi, le lutteur reprend sa masse, et écrase les pans déjà abattus, rangeant à la hâte le pendentif dans une poche de son manteau rouge.

Une fois le colporteur passé, Alekzan se retrouve pris au piège par sa propre supercherie. Là où il souhaitait juste faire semblant pour n'éveiller aucun soupçon, il s'est fatigué sans raison, pouffant et soufflant à pleine voix alors que la journée se termine - alors que le travail était accompli bien des heures avant le crépuscule. Malgré cela, après avoir récupéré sa solde et vidé ses dernières provisions de la veille, il se dirige vers le "nouveau château", en faisant bien attention de ne pas s'approcher des façades de la Guilde des Orfèvres. Après tout, puisqu'ils sont la plus grosse puissance locale depuis la reconstruction, ils pourraient tout à fait être capable de sentir l'or depuis leurs fenêtres...

Et c'est justement pour cette raison qu'Alekzan évite les murs de l'illustre maison, se faufilant tel un larbin entre les hauts murs blancs des grands lieux, jusqu'à se présenter devant l'un des immenses vantaux en bois qui servent de portes au Veche.

[Alekzan Gievlevitch]

Entrant de manière quasi-accroupie dans l'enceinte du "château", le lutteur n'a que peu de temps pour observer la scène durant le protocole d'entrée. En effet, bien qu'Erengrad soit à présent reconstruite dans sa majorité, certains détails pour le moins important ont été laissé au << hasard des choses >>, comme l'on dit si bien dans l'Empire. Au-delà de la petite pointe d'humour méridionale, ce qui fait beaucoup moins rire les locaux et particulièrement les habitants du nouveau château, c'est que les deux battants de la porte principale, seule et unique entrée ou sortie des lieux et de l'enceinte privée, se trouvent exactement en face d'un des plus imposants bâtiments des Guildes d'Erengrad. Ainsi, lorsque la reconstruction fut lancée dans les hauts quartiers de la ville - qui étaient à la fois les plus propres, les plus riches et les plus convoités avant la Tempête -, les deux camps se sont précipités sur les terrains sans jamais discuter avec l'autre. Par conséquent, et depuis cette monumentale erreur, le conseil boyar de la ville, appelé le Veche par les gens du coin, est obligé d'entrer et sortir de chez lui par la petite porte - porte qui fut taillée dans l'un des battants de la "grande" porte d'origine.

Une fois cette étape d'agilité passée, le lutteur se retrouve dans une cour intérieure assez cossue, couverte de gravillons couleur sable clair, et encerclé par quatre murs pâles aux tuiles bleu-vert. Lorsqu'il redescend enfin les yeux, il aperçoit une écurie, plusieurs étables et ateliers de serf, mais surtout une charrette. L'objet, une simple charrette à bras, contient actuellement un simple linge blanc, suffisamment large pour dépasser de tous les bords, et suffisamment fin pour révéler une masse sous le tissu. Enfin, pire affront de toute cette étrange découverte des lieux, un individu maigre et drôlement vêtu attendait juste devant la charrette, étant actuellement aux prises ou en plein murmure avec l'un des gardes du palais. L'individu avait une dégaine fait d'un simple linge bleu marine, tirant fortement vers le ciel de nuit, ce qui suffit au lutteur pour reconnaître un fervent de la Corneille. Ni une ni deux, voilà qu'il se redresse, s'élance à grands pas vers la charrette, et grogne :

- "Oï, c'est quoi ça ?"

L'encapuchonné tourne la tête, ne lançant qu'un semblant de regard vers Alekzan, tandis que le garde en profite pour replacer sa toque de fourrure blanche sous son coude, entre deux plis de son manteau rouge à boutons dorés. C'est d'ailleurs lui qui répond, alors qu'il n'est pas vraiment interpellé.

- " Cet ... homme, amène un mort, grand. Tu le connais ?"

Quelques secondes de silence s'installe, et Alekzan commence à montrer les dents.

- "N-Non, enfin, si, mais cela ne compte pas. Qui l'a amené ici ? Toi ?", grince-t-il en pointant le corbeau. Comme s'il n'avait rien entendu, l'autre prêtre tire sa coule vers l'avant, et attrape les deux poignées de la charrette. En guise de réaction, le lutteur plante son marteau contre une des roues.

- "Oï, réponds ! C'est moi qui doit amener le mort !

- Et qui te l'a dit, fils ? Tu le connais, cet homme ?

- N-non, mais Frère Ours m'a dit que ..."

Instinctivement, le garde relâche le bras d'Alekzan, qui en profite pour agripper le col du morrien.

- " Oï ! Lâche ça ! Retourne dans ta страна, ворон !"

Test d'Intimidation - 10 v 8, cela ne suffit pas.

Sans un mot de plus, Alekzan se dresse par-dessus son homologue, montrant dents et spasmes lorsqu'il serre un peu trop celle-ci. Qu'à cela ne tienne, la corneille tient bon, le visage et le corps enseveli sous les plis de bure sombre. Il faut un coup de pied sec pour renverser la tension montante, suivi d'un ordre tout aussi incisif.

- "Hej ! Pas un geste, les deux ! On est pas dans une stanitsa, ici."

Un autre garde, plus âgé et plus doré s'interpose en effet, hallebarde en avant. De la pointe de celle-ci, il repousse les deux fervents, forçant d'abord le lutteur à lâcher sa prise. A l'évidence, cet homme est un gradé, comme le montre les pions sur sa toque, et les épaulettes sur son manteau.

- "C'est quoi vos noms, les deux ?!

- Alekzan, je... M'sieur. Je viens au nom de Frère Ours.

- Frère Ours ? Les gens de l'Ours ?

- Da.

- Et toi, l'enroulé ? T'es dur d'oreille ? T'veux t'faire rosser ?

- Vadim Butyskaya. J'-

- Hôlà, pas plus. On ne se bat pas, ici. On ne crie pas, ici. C'est clair ?"

Le lutteur hoche la tête. L'encapuchonné ne fait rien.

- "Toi, tu n'entres pas seul. Toi, puisque t'veux à tout prix tirer la charrue, eh bien tire. Radi, Ptor, ouvrez."

Sans plus tarder, les deux oblats échangent de place, juste avant que l'officier ne reprenne :

- "Pas d'arme dans les terres du Veche. Compris ?"

Les deux fervents hochent la tête, et la deuxième porte d'entrée s'ouvre, révélant un somptueux tapis bordeaux sur un carrelage de pierre lisse et unie.

[Alekzan Gievlevitch]

***


L'intérieur du château est en totale opposition aux autres résidences de la ville, tant il dénote de l'austérité due à l'effort de reconstruction. Le plafond haut, le lustre peint et étincelant, cumulé aux nombreuses tapisseries tombantes et armes d’apparat présentes aux murs, tout pousse à croire que l'on est entré dans un palais plus grand que l'extérieur ne laisserait penser. Malgré cela, l'absence de tableaux, de statues ou de dorures pourraient pousser les esprits avisés - c'est à dire tous sauf Alekzan - à douter d'une telle grandeur.

Qu'importe les décorations, le fracas des portes qui se referment suffit à faire apparaître un couple devant le lutteur et son "homologue" lugubre. Le cadet, ou plutôt la cadette, est habillée à la mode Gospodar la plus correcte, avec de longs habits de couleur bleu pâle, une ceinture ornée par des tresses métalliques, des souliers de couleur sombre avec boucle jaune, et une coiffure serrée à la tête, révélant une nuque pâle, un visage en amande et deux yeux d'un bleu royal. L'ainé, quant à lui, accuse une certaine maturité, avec sa moustache anguleuse, ses tempes grisonnantes, son visage sec et creusé de quelques lignes, son buste haut, le tout couvert d'un chapeau de fourrure grise et d'épaulettes bardées de fils et lanières blanches. C'est d'ailleurs ce dernier qui s'exprime en premier envers les visiteurs.

- "Eh bien, qu'avons-nous là ?"

Encore une fois, l'instinct d'Alekzan prend le dessus, et il se baisse avant de répondre - ce que son homologue ne fait pas, préférant une simple génuflexion.

Test de CHA pour se comporter correctement : 17. Soit.
Test d'INT pour reconnaître les deux individus : 14, non plus.

- "U-un mort, monsieur.

- Appelez moi Tysyatsky, bonhomme. Bon sang, que vous êtes grand. Qu'est-ce que vous mangez, des baleines ?

- N-nyet m-monsieur-Tysyatsky. C-c'est pas pour nous, la baleine. T-trop cher pour ce que c'est."

L'officier éclate de rire, avant que la jeune femme n'entame d'un :

- Est-ce vraiment le temps de rire, Boyar Tysyatsky ?

- Ehm, non, Boyar Elena, je...

- Qui amenez-vous, monsieur la baleine ? D'aileurs, comment voulez-vous que je vous appelle ? Baleine, ou Mедведь ? Vous en avez l'air, en tout cas. Alors que vous..." fit-elle en inspectant le morrien de haut en bas. Le ton froid et sérieux de la jeune femme enfonça encore plus Alekzan, amenant sa tête de plus en plus près du sol.

- Je.. J'amène un des vôtres, madame Boyar. Je...

- Un des nôtres ? Que...

- Quoi ?! Qui donc ? Parle, медведь ! Parle, ворон !"

Sans un mot de plus, la jeune femme se retourne, laissant le champ libre au chef de la milice.

- "Allez, montrez-moi !" lance-t-il alors qu'Alekzan arrache le voile du chariot.

Tandis que le tissu retombe, une voix s'effondre sur elle-même, presque aussi basse que le visage de Zangief.

- "Qui ?! Qui a fait ça ?! Comment osez-vous, ворон ?! De quel droit ?! Qui ?! " lance-t-il en empoignant l'arme à sa ceinture.

- Taisez-vous !

- Elena, je vous en p-

- Lâchez-moi ! Allez vous-en, tous !" renvoie-t-elle d'un cri, tandis que ses pieds disparaissent du tapis.

- " Je ...

- Non. Comment est-il ...

- M-monsieur ...

- Non. Pas un mot de plus, prêtre. Je devine qui a fait cela. Cette fois ils vont trop loin.

Test de VOL pour se contenir : 10, échec de 1.

- Eh ...

- Où a-t-il été retrouvé ?

- Aux ... Au Port, je ...

- Quelle insolence ! Ces sales торговец, après tout ce qu'ils ont fait ! Quelle audace ! Et vous n'avez rien fait, hm ?!

- ...

- Enfin, n'est-ce pas là un богохульство pour vous ? Ca m'en a tout l'air pour moi ! Regardez ce qu'ils ont fait ! Ils l'ont battu comme un chien, tordu comme un linge ! Ces satanés торговец, ils se croient tout permis ! Tenez, je vais vous le donner, le coupable ! Ce rapace de Synmishka, avec sa guilde et ses... Ses кинжал à chaque coin de rue ! "

Soudain, des bottes à boucles réapparaissent sur le fin tapis vermeil.

- "C'est lui, c'est sûr. N'êtes vous pas avec lui, d'ailleurs, monsieur le ворон ? Envoyez-lui donc, je suis sûr qu'il ... Boyar Elena ?

- Assez, Tysyatsky.

- Comment cela, assez ? Da, bien sûr que c'est assez ! Ah, si votre père était là, Elena, il ...

- Non.

- Si, Boyar Elena, si le Prince Voronts-!

- JE VOUS INTERDIT DE PRONONCER SON NOM !

- El-!

- PAS. UN. MOT. Vous deux, c'est assez de vos visages. Partez, et laissez mon frère ici. Vous, boyar, vous restez, et vous vous TAISEZ ! главный сержант !"

L'officier s'incline sans même esquisser l'ombre d'un soupir, et quelques secondes plus tard, les portes du château s'ouvrent, arrachant les deux prêtres au domaine du Veche. Alekzan, quant à lui, gardera les yeux rivés sur le sol pendant un long moment. Pour la première fois depuis son retour et même avant, le lutteur ressent une déchirure sur tout son ventre. Bien qu'il n'ait pas reçu le moindre coup de couteau durant la nuit, voilà que le grand et fier lutteur courbe le dos, guettant ses pieds et ses mains sans bruit, le corps rompu par la fatigue et la peur grandissante. Le terme "culpabilité" serait plus juste, mais lorsque l'on est Alekzan, cela n'arrive que lorsque l'on comprend ce que c'est.

Pour l'heure, la faim et le chagrin le ronge, brouillant ses habitudes dans une mélasse nouvelle pour ses sens, car aujourd'hui, un prince est mort. Oui, aujourd'hui est un jour qu'il faudra oublier ou marquer au fer, car aujourd'hui, le fils du défunt Knyaz - l'ancien prince d'Erengrad, est mort. Pire encore, il est rentré à sa demeure avant son père.