[Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Kislev, pays de sombres forêts de conifères, d'étendues neigeuses et de steppes balayées par les vents, se trouve l'est de l'Empire. Pendant des siècles, il a été un rempart face aux incursions dévastatrices du Chaos venues du nord. Kislev est un allié fidèle et puissant de l'Empire, toujours prêt à envoyer ses troupes à son secours

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Dokhara de Soya
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Dokhara de Soya »

Elle avait tellement la rage de vaincre ancrée dans le ventre. Une colère accumulée des mois durant, un grondement terrible qui résonnait dans ses tréfonds et qu'elle avait délibérément ignorée pour se convaincre de la fatalité de sa transformation en lahmiane. En vain bien sur, on ne peut pas mentir à soi-même éternellement. Alors que le volatile géant menaçait sa vie, toute sa hargne s'était libérée de son carcan, et c'est avec toute la violence de son désir de vivre qu'elle abattit ses deux armes sur la créature.

Comme si cela avait sauvé les millions d'aventuriers idiots tués par une des innombrables horreurs peuplant le vieux monde. Comme si l'envie de vivre suffisait à accomplir quoi que ce soit. Tout le monde veut survivre, cette saloperie d'oiseau incluse.

De tous ses erratiques mouvements pour se redresser, la coquatrice mit totalement par hasard un grand coup d'aile à la jeune femme au moment où elle abattait ses armes. L'impact les lui fit toutes deux lâcher des mains, tandis qu'elle se retrouva catapultée à nouveau dans la neige pour y faire quelques roulés boulés avant de s'écraser contre quelques planches tenant encore debout, le reste d'un mur composant une isba en ruine.

A quelques pas d'elle, la créature retrouvait son équilibre, se redressant sur ses pattes et prête à reprendre son envol. Juste avant qu'elle ne pousse un hurlement déchirant, et s'écroule sur le sol, pour laisser apparaître derrière elle une Lucrétia impitoyable, épée en main, ensanglantée jusqu'à la garde. Le monstre s'écroula à nouveau dans la neige, son corps percutant le manteau blanc dans un bruit étouffé de poudreuse craquelée.

Dokhara croisa le regard de la lahmiane, mais ne lui adressa pas le moindre remerciement, ni par la voix ni par les gestes. Elle lui en voulait, parce qu'elle s'en voulait : encore une fois, elle n'avait su faire que démontrer sa faiblesse, comptant sur autrui pour la protéger. Encore et toujours, la même histoire qui boucle et reboucle. Et à nouveau, elle avait échappé à la mort face à un danger fatal.

Grimaçante, elle se releva péniblement. Sa jambe blessée était méchamment douloureuse : pourtant les griffures laissées par la queue du monstre étaient assez superficielles, sa botte d'équitation l'ayant partiellement protégée au niveau du bas du mollet. Le cuir était déchiré à deux endroits, laissant apparaître de fines estafilades rougeâtres sur sa peau.

Une sinistre résignation prit peu à peu place dans son esprit à la place de ses précédents doutes. Quelle pitoyable humaine elle était. Incapable de chevaucher sans tomber, incapable d'assimiler une nouvelle langue rapidement, incapable de battre à l'épée le moindre soldat kislévite, incapable de servir à quoi que ce soit face aux monstres rencontrés sinon à attendre que Lucrétia la sauve. Elle était d'une nullité crasse, un vulgaire tas de viande vivant qui ne devait sa survie qu'à la capacité d'autrui à risquer leur existence pour ses beaux yeux lavande.

Ca suffit.

Ce mot d'ordre mental balaya toutes les pensées rebelles qui avaient obscurci récemment son esprit. Elle en avait marre d'être faible, d'être déçue des autres comme d'elle-même, de passer sa vie à fuir, à pleurer, à subir. Ce n'était pas ça, vivre.

Elle observa Lucrétia, qui rengainait nonchalamment son arme à côté de la carcasse d'un monstre faisant quatre fois sa taille, et qu'elle avait occis sans la moindre difficulté. Elle était décoiffée et ses habits étaient recouverts de neige, mais pas une blessure ne venait salir sa sublime silhouette. Une déesse dont la volonté est suffisante pour empêcher qui que ce soit de se dresser sur sa route.

C'est ça, vivre.

Elle fit quelques pas pour rejoindre sa compagne, mais ne réussit qu'à lâcher un juron lorsqu'elle prit appui sur sa jambe blessée. Ca la brulait méchamment, une douleur lancinante qui se propageait de son pied jusqu'à sa cuisse. Elle avait manipulé bien assez de drogues et poisons pour deviner ce que cela signifiait. Un animal possédant des dards sur sa queue ne les utilise que rarement pour leur effet ostentatoire.

Elle éclata de rire nerveusement, avant de lever la tête au ciel et de hurler :

- Merci !

Toujours goguenarde, elle croisa à nouveau le regard de sa compagne peut-être un peu surprise.

- Figurez-vous que j'ai été empoisonnée, Lucrétia ! Je vais mourir !

Puis à nouveau, elle éclata de rire.

Inutile de chercher à se convaincre. Le chemin était tout tracé désormais. Vu la taille du monstre, nul doute que le venin qu'il produisait était mortel pour une frêle humaine de son gabarit. Désormais condamnée, accepter son sort était désormais optionnel. Il n'y avait plus de choix, juste la route unique de la fatalité à emprunter. Rejetée par les dieux du bien comme ceux du chaos, le destin lui-même lui pointait du doigt la bonne direction.

S'essuyant une larme, Dokhara retrouva peu à peu son sérieux. Elle pointa du doigt le cadavre du vautour géant, avant de s'adresser à sa compagne.

- Si cette chose peut empoisonner, on doit pouvoir récupérer ses glandes venimeuses si on la découpe - vous vous y connaissez un peu non ? On pourra aussi emporter sa tête quand on s'en ira : nul doute qu'un monstre pareil a déjà du faire des victimes, et sa mort devrait nous créer une petite réputation pour faciliter notre implantation ici.

Elle épousseta sa veste de fourrure pour en déloger toute la neige qui s'y était logé.

- Mais pour le moment... je propose qu'on vérifie que rien d'autre caché dans ces ruines ne vienne nous déranger pour la suite, puis qu'on... se mette à l'ouvrage. Je ne sais pas combien de temps il me reste après tout, conclut-elle avec une nonchalance déconcertante.


Je propose donc qu'on prenne 5-10 minutes pour examiner la bestiole et fouiller les ruines, voir ce qu'on y trouve, ce que pouvait manger la coquatrice dans la grange, et aussi l'endroit le plus approprié pour me transformer - hors de question qu'on fasse ça dans une grange ! :D
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 27 août 2019, 12:08, modifié 1 fois.
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Dokhara de Soya, Voie de la Belle Mort, Beauté mortelle

Profil : For 11 | End 11 | Hab 14 | Cha 17 | Int 12 | Ini 13 | Att 12 | Par 11(13) | Tir 10 | Mag 11 | NA 2 | PV 110/110

Compétences :
- Sociales : Diplomatie, Éloquence, Empathie, Étiquette, Séduction
- Artistiques : Chant, Danse, Musique (violon), Tatouage
- Intellectuelles : Alphabétisation, Langue étrangère (kislévarin, strygani)
- Martiales : Ambidextrie, Bagarre, Fuite, Monte, Parade, Résistance accrue (spécialisation alcool), Sang-froid
- Divers : Sens Accrus
- Dons Du Sang : Regard Hypnotique, Régénération Impie
Compétences en cours d'apprentissage :
Escamotage : 1/2
Adresse au tir (arbalètes) : 2/3
Équipement :
Armement :
- Griffe d'Ursun : 18+1d8 dégâts ; 12(24) parade. Rapide. Chaque attaque réussie qui résulte en une perte de points de vie pour l’adversaire inflige -1 Att/Hab/Par le tour suivant. Si trois touches sont infligées au même tour, les malus durent alors 2 tours et infligent un malus supplémentaire de -1 Na. Les malus cumulés ne peuvent pas excéder -4 Att, Hab et Par et -1 Na.
- Main gauche : 8+1d6 dégâts ; 8(16) parade ; Rapide. +2 PAR si utilisée en conjonction avec une autre arme. Lors d'une parade, c'est le score de parade de l'arme en main droite qui compte pour le premier jet, celle de la main gauche pour le second jet si relance.
- Poignard : 12+1d6 dégâts ; 6(12) parade ; Rapide. Peut être utilisé comme arme de jet
- Arbalète : 34+1d8 dégâts : Malus de -2 TIR tous les 30 mètres ; Perforante (4) : Un tir par NA maximum.

Armure :
- Veste et jambières en cuir : 5 de protection partout sauf tête
- Tunique noire druchiie : 2 de protection sur tout le corps
- Cape de dissimulation, permet de devenir invisible si immobile (v. wiki)

Équipement de voyage (fontes de selle, pas systématiquement porté) :
- Sellerie splendide
- Nécessaire de tatoueuse
- Violon
- Arc courbe + flèches des anciennes
- Lame en or marin
- Huile d'amande
- Surplus de drogues, poisons, ingrédients (Dodo a 2 de chaque sur elle, pas plus)


Awards \o/
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Dream Team 2018 et 2019 avec Lucretia Von Shwitzerhaüm
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Lucretia Von Shwitzerhaüm
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Lucretia Von Shwitzerhaüm »

La tempête de rage et de hurlements qu’incarnait une Dokhara endêvée ne parvint toutefois pas à mettre un terme à l’existence de l’affreux vautour. Cette première, armée de ses dagues, se précipita à la rencontre de la créature qui peinait à se relever. L’oiseau, dans un mouvement difficile, réussit tout juste à se poser sur ses deux pattes, et fut contraint de balayer l'air de ses ailes pour se stabiliser quelque peu. Il n’en fallut pas davantage pour envoyer l’ancienne baronne de Soya au tapis, une fois de plus ; projetée en arrière, elle roula dans la neige pour achever sa course au pied d’une isba. Lucretia, toutefois, n’y prêta pour le moment pas davantage attention. Toute focalisée qu’elle était sur son objectif, elle se joua des tressauts désordonnés du monstre, se glissa habilement sous l’une de ses ailes tout en esquivant un coup de serre pour frapper l’endroit qu’elle estimait le plus vulnérable. La lame profondément enfoncée dans son poitrail, la cocatrice sembla hoqueter, et s’effondra subitement cependant que la Lahmiane retirait prestement son épée.

Un silence étrange retomba sur les ruines du village, une quiétude pesante, annonciatrice de bien des choses. Un petit vent s’était levé, et les maigres bourrasques s’engouffraient entre les murs déchiquetés en de sinistres sifflements. Le regard de Dokhara vint chercher celui de sa consœur, mais l’échange demeura dénué de toute chaleur. Seules l’amertume et la rancœur pouvaient se lire sur le visage de la jeune de Soya, ainsi qu’une douleur qui s’en allait croissante. Elle fit un pas avant, et une grimace défigura l’innocence de ses traits alors même qu’elle venait de s’appuyer sur sa jambe récemment blessée. Sursautant malgré elle sur son unique pied valide, elle tâcha de mettre en avant son membre meurti pour une rapide vérification.

Plus que de blessure, Lucretia devait admettre qu’il s’agissait là d’une estafilade. Certes, la queue de la créature avait lacéré le cuir de la botte et le tissu du pantalon, mais sans toutefois avoir percé les chairs en profondeur. Le sang suintait malgré tout des minces sillons qui sabraient la peau blafarde de la jeune femme, une vision qui parut perturber l’équilibre mental de Dokhara. Sans crier gare, un rire nerveux et rauque la saisit, et ses épaules se soulevèrent au rythme de son sarcasme. Puis, elle termina sa mystérieuse démonstration en rejetant son visage en arrière, hurlant quelque étrange et sardonique remerciement en direction du ciel orageux.

Lucretia, laquelle n’avait pas perdu une miette de ce spectacle des plus inopinés, repoussa en arrière ses mèches échevelées et, dans un calme impérial, se contenta de hausser un sourcil interrogateur dans sa direction. Le geste de la Lahmiane reçut naturellement une réponse, quoique sur un ton des plus goguenards. Dokhara n’avait pas seulement été touchée par le vautour, non. Elle avait également été empoisonnée, et semblait ressentir l’ombre de la mort qui planait au-dessus de sa tête. A la simple mention de la toxine, l’Immortelle fronça du nez dans une moue agacée.

Sans piper mot, elle essuya sa lame ensanglantée sur les plumes du cadavre de l’animal, puis, après l’avoir rangée dans son fourreau, avança vers sa consœur d’un pas décidé. Parvenue à son niveau, elle s’abaissa prestement à hauteur de la blessure, et, retirant ses gants, palpa les lésions qui se dessinaient devant elle. Irritée par ce désagrément, Lucretia ne s’embêta pas à faire preuve de patience et de douceur ; elle voulait aller au plus simple, au plus direct, afin de dresser un diagnostic évident de ce qu’elle avait sous les yeux. Le sang coulait sous ses diverses pressions, les lèvres de la plaie, lentement mais sûrement, devenaient de plus en plus pâles, et d’infimes morceaux de peau commençaient à s’effilocher, comme déchirés, friables. Une exhalaison écœurante, mais bien trop faible pour le nez humain, chatouillait également l’odorat de la Lahmiane. Elle claqua la langue dans une attitude irritée tout en se relevant, avant de regarder fixement Dokhara dans les yeux.

Celle-ci désigna la créature que Lucretia venait d’abattre, expliquant que la vampire pourrait être en mesure de récupérer le venin de ses glandes pour pouvoir l’étudier et même l’utiliser par la suite. La Lahmiane hocha distraitement du chef ; oui, elle comptait bien se pencher sur les propriétés de ce venin, mais pas pour les mêmes raisons que le supposait sa compagne. Cette dernière préconisa également de trancher la tête du vautour et de l’exhiber sur leur monture, en guise de trophée. Là encore, Lucretia approuva imperceptiblement de la tête. Il était vrai, après tout, qu’ès qualités de chasseuse de prime, les contrats qu’elles passaient pouvaient relever et du genre humain, et de la nature monstrueuse. Peut-être y avait-il une récompense, quelque part dans les environs, pour qui s’occuperait de la créature ? En sus de leur prêter une certaine renommée, la possibilité d’augmenter que plus encore leur pécule était une idée à ne pas négliger. Puis vint l’idée de la transformation.

« Non, rétorqua soudainement Lucretia tout en continuant de fixer fermement son amante de son regard intransigeant, ce qui provoqua certainement une réaction interloquée de la part de la principale concernée. Non, je ne vous transformerai pas tout de suite. Pas comme cela, en tout cas. »

Un moment de flottement passa entre les deux femmes, avant que l’Immortelle ne reprît la parole face à une Dokhara qui semblait tomber des nues.

« Allons donc, le don que je désire vous offrir implique que je vous vide de votre sang, que je l’aspire jusqu’à la dernière goutte, ou si peu. Pensiez-vous vraiment que j’allais m’abreuver d’un sang vicié ? »

Ce fut au tour de la Lahmiane que de lâcher un bref rire nerveux.

« Non, c’est de la folie, lâcha-t-elle tout en rompant le regard, observant le paysage qui l’environnait. Oui, je vais étudier le venin, mais avec la seule visée, pour le moment, de trouver un antidote afin d’éliminer la toxine qui court dans votre sang. A ce sujet, d’ailleurs, je vais soigner votre jambe de manière à endiguer le plus possible la propagation du mal, ce qui me laissera davantage de latitude pour mes expériences. Avec les leçons que m’a prodiguées la vieille stryganie, je devrais être en mesure de contrer le poison. »

Sans plus attendre, Lucretia se rabaissa au niveau de la cheville de Dokhara, et, tout en marmonnant que cela devenait une fâcheuse habitude, réitéra ce qu’elle n’avait que déjà trop fait. Elle remonta le tissu sur la jambe de la jeune femme, la força, en dépit de ses protestations et de la douleur provoquée par ses divers mouvements, à retirer sa botte, et lui fit poser son pied nu sur son genou. Alors la vampire se plongea au plus profond d’elle-même afin d’extraire une partie des forces immatérielles qui l’habitait, les façonna selon le souhait de sa propre volonté, et les martela encore et encore jusqu’à en obtenir le produit désiré. Puis, relâchant la bride de ce pouvoir comprimé, elle le fit jaillir de sa paume, laquelle se tenait pressée contre la blessure lancinante, et laissa l’Aethyr recomposer les chairs et soulager en partie la douleur. Cela fait, elle lui fit renfiler sa botte, et se releva.

« Bien, c’est toujours cela de fait. Tentez donc de poser pied-à-terre et de vous appuyer dessus, et allons prestement nous trouver un endroit couvert où poser nos affaires. Je doute que la grange fasse l’affaire ; ça pue la charogne, là-dedans. Puis je tâcherai de trouver les herbes et les plantes adéquates pour vous concevoir votre antipoison. »
Je tente de soigner Dokhara avec le sortilège de (vu avec Grand Duc, un 5 a été tiré. Merci à Lukas pour les 10 xpm sur ma fiche, par ailleurs). L’on va explorer le village, rapidement, on va voir aussi la tanière de la cocatrice, sait-on jamais si l’on peut y trouver quelque chose, des cadavres (pourquoi pas un homme, marchand, ou autre, avec ce qu’il pouvait transporter sur lui ? :D ).
Puis l’on coupe la tête de la bébête, je récupère le poison de manière à l’étudier, et je récupère également les plantes qui me paraissent le plus appropriées pour fabriquer un antidote.
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 29 août 2019, 21:44, modifié 1 fois.
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Ma Fiche
Objets particuliers:
- * Anneau Nowelleux (+1 INI)
- Amulette (relance d'un EC: 2/3 utilisations disponibles)

Compétences acquises et Dons du Sang

COMBAT :
Attaque : Coup précis (3), Arme de prédilection ( épée à une main)
Défense : Esquive, Acrobatie de combat, Sang vif (2) (DDS), Coriace,
Autres : Régénération Impie (DDS), Innocence Perdue (DDS), Valse Macabre


MAGIE :
- Sens de la Magie
- Conscience de la Magie
- Maîtrise de l'Aethyr - niveau 3

CHARISME :
- Diplomatie
- Éloquence
- Séduction
- Intimidation
- Comédie
- Etiquette
- Intrigue de cour

INTELLIGENCE :
- Domination (DDS)
- Érudition
- Littérature
- Linguistique
- Histoire
- Administration
- Enseignement
- Connaissance végétale
- Langue étrangère : Kislévarin
- Connaissance des démons

INITIATIVE / HABILETE :
- Sang vif (DDS)
- Réflexes éclairs
- Escalade
- Monte - chevaux
- Sens Accrus
- Vision nocturne

AUTRES :
- Défi de l'Aube (DDS)
- Ame Profane (DDS)
- Forme de Familier : Corneille (DDS)
- Sang argenté (DDS)
- Alphabétisation
- Force accrue
- Chance
- Préparation des poisons

Inventaire :
- Griffe d'Ursun
- Veste de cuir & pèlerine en "voyage" / robe habillée en "réception"
- Anneau de promptitude
- Bague du tumulus
- Sacoche de chanvre
- Lettre de la comtesse
- Gemmes et pépites d'or
- Fleur de salicaire
- Glandes à venin
- Poison (?)

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[MJ] Le Grand Duc
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par [MJ] Le Grand Duc »

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Lorsqu'elles tranchèrent la tête du monstre, un sang noir gicla dans la neige. Ce fut la même substance qui leur souilla les mains lorsqu'elles ouvrirent les appendices griffus qui se trouvaient au bout de la queue de la cocatrice. Elles en retirèrent trois poches nervurées de la taille d'une pomme, remplies de glandes granuleuses qui baignaient dans un jus vert sombre. A l'odeur, Lucrétia reconnu là le venin qui avait infecté Dokhara.

Les deux baronnes entreprirent ensuite d'explorer les ruines de Iemva. Il ne restait pas grand chose du hameau, sinon trois isbas partiellement détruites et la grange au toit crevé d'où avait surgit la créature chaotique. Si elles ne trouvèrent rien d'intéressant dans les maisons délabrées sinon des ossements creux et des ustensiles rouillés, la visite de la grange s'avéra différente. L'odeur y était pestilentielle et le sol était recouvert d'énormes fientes sèches et de plumes sales. Ca et là, au milieu des tas de paille souillée et de détritus, Lucrétia et Dokhara pouvaient trouver de grosses pelotes semblables à celles que recrachaient les oiseaux nocturnes après leur digestion. Des poils, des os et d'autres éléments impossibles à identifier pointaient parfois à la surface de ces immondes concrétions. Les aventurières y virent même une ramure de cerf, et une botte au cuir rongé.

Mais elles n'étaient pas au bout de leurs surprises, car contre le mur du fond s'adossait une structure en tous points semblable à un nid, faite de poils agglomérés, de plumes, de branchages et de vieille paille. Et au centre de cette aire jonchée de restes de repas -dont une moitié de chevreuil, qui s’avéra être le dernier repas du monstre- se trouvaient trois œufs plus gros que des citrouilles du Mootland. Deux d'entre eux étaient bruns mouchetés tandis que le troisième tirait plutôt sur le gris sale et leur coquille était étrangement bosselée sur toute sa surface, comme si de grosses pustules poussaient le cocon depuis l'intérieur.








Lucrétia se mit en tête d'élaborer un antidote pour soigner Dokhara du venin inoculé par la cocatrice. Elle allait devoir, pour cela, trouver les herbes, les racines, les écorces et les minéraux dont les principes actifs permettraient de combattre le mal qui rongeait son amante, jusqu'à le faire disparaître de son système. Il lui fallait aussi comprendre les effets du venin, sa nature et sa manière d'agir dans le corps de l'humaine.

Si l'ancienne des khilis avait transmis son savoir à la lahmiane, la sensibilité à l'aethyr de cette dernière lui avait permis d'arriver à une conclusion qui ne souffrait aucune contestation : l'effet des ingrédients était intimement lié à l'infime parcelle de magie qu'ils contenaient. Toute matière en ce monde capturait naturellement des paillettes invisibles et l'action de ces dernières conféraient au mélange des éléments des propriétés spéciales. Forte de cette connaissance, Lucrétia était déjà bien supérieure aux rebouteux et autres apothicaires de bas étage qui n'étaient capable, la plupart du temps, que de préparer d'insipides tisanes pour soigner le mal de tête ou la diarrhée.

En revanche, la baronne de Bratian n'avait que des connaissances limitées, sinon nulles, de la manière de préparer les ingrédients, de les lier, de les distiller. Le matériel adéquat allait probablement lui manquer également. Et pour ne rien arranger, les connaissances végétales transmises par Tsinep permettaient principalement d'identifier les herbes, les champignons et les arbres qui poussaient dans la Drakwald, sous les latitudes impériales. Aussi allait-elle devoir trouver et identifier, sous la mince couche de neige, les mêmes plantes -ou des plantes aux propriétés similaires- dans la taïga où se dressait la colline d'Iemva, voir dans la steppe qui l'entourait. Il lui fallait aussi dégoter de l'alcool, liant universel, et de quoi découper, éplucher, écraser, réduire et surtout cuire ses ingrédients afin de préparer son remède. Pour que celui-ci soit efficace, encore fallait-il que ses principes répondent à ceux du venin.



Il va te falloir 1 dose d'Alcool fort, 10 ingrédients végétaux/minéraux et du matériel (marmite, feu, récipient).

Ces derniers peuvent être trouvés dans les ruines en cherchant bien.

Pour la compréhension du venin, 3 tests d'Int (avec +1 Int grâce à sa compétence "Préparation de poison".)
Si tu rates les 3
A. la manière qu'il a de se propager dans le corps de Dokha,
B. tu es incapable de comprendre ses effets et
C. comment le combattre avec ton remède.

Si tu en rates 2,
A.
B.
Si tu en rates 1,
A.

Tests d'identification du venin (+1 Int) :
3,12,17.
C'est réussi !


Pour le remède : il va te falloir 10 ingrédients dont 7 sont des plantes. Pour l'identification des plantes/des minéraux/autres ingrédients, ça se fera à nouveau sur des tests d'Int (avec +1 pour les plantes grâce à la compétence Connaissances végétales). Du nombre d'ingrédients justes dépendra l'efficacité du remède (sauf si tu as auparavant raté tes 3 tests d'identification du venin.)
Tests des plantes (+1 Int) :
4, 3, 15, 5, 6, 16, 19.
6 réussites sur 7.

Tests des autres ingrédients :
2, 8, 15.
3 réussites sur 3.

Et enfin 3 tests de préparation (sous Int aussi) :
1, 5, 6.
3 réussites sur 3 dont une critique.


Après 90% des ingrédients bons et les 3 tests de préparation réussis (dont un critique), ton remède sera très efficace et pourra soigner Dokhara en 1d3 = 3 jours ... sous réserve de trouver suffisamment d'alcool fort pour distiller tout ça (il en faudra plus que la seule bouteille de kvas de l'inventaire de Dokhara).

Vous m'indiquerez en Discord les actions que vous entreprenez pour trouver de l'alcool.

Les compétences Alchimie, Chimie et Fabrication de potions pourront t'intéresser si tu réitères dans le futur. Il te faudra les apprendre, en autodidacte ou non.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Lucretia Von Shwitzerhaüm
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Lucretia Von Shwitzerhaüm »


Peut-être que la baronne de Soya s’indigna de la nolonté de Lucretia de la transformer, ou peut-être ne réagit-elle pas ; peu lui en chalait, la Lahmiane éprouva la stabilité de la jambe de sa consœur et, voyant qu’elle parvenait à s’en servir de nouveau, tourna les talons en direction de la palissade afin d’y récupérer leurs montures et leurs affaires. Fort heureusement, en dépit de toute l’agitation qu’avait provoquée le combat contre la créature chaotique, les chevaux n’avaient pas déguerpi, et Lucretia les attrapa par leur bride avant de les ramener au centre du village.

Maintenant que le danger avait été vaincu, l’Immortelle se livra à une exploration du hameau un peu plus approfondie. Iemva n’avait toutefois pas grand-chose à leur apporter de grandiose ; la grange en elle-même, et trois isbas dont la conservation laissait à désirer. Sans quoi, tout n’était que ruine et délabrement, dans des toits écrasés à même le sol et des murs effondrés dans la neige. Aussi n’eurent-elles pas d’autre choix que de reporter leur attention sur l’une de ces trois masures qui tenaient péniblement debout. Lucretia attacha les montures non loin de là, et entreprit d’entrer dans une de ces maisons.

De la neige avait réussi à s’infiltrer à l’intérieur des murs, probablement par les maigres ouvertures qui devaient servir de fenêtres. Si les anciens occupants les avaient colmatées avec des peaux de bête et du vieux parchemin, les embrasures béaient à présent sur l’extérieur et son ciel grisâtre. Le vent continuait de siffler sinistrement et de s’engouffrer dans l’habitation, comme si, de son souffle froidureux, il désirait emporter à jamais avec lui les vestiges d’une existence passée. Ainsi, quelques flocons tourbillonnaient sur la terre battue de la masure et venaient s’échouer contre des meubles branlants. Les étagères de bois grossier avaient pour la plupart été déchaussées des murs, le couvercle des coffres avait sauté sous des coups de hache, et bien des armoires auxquelles il manquait un pied ou deux se tenaient de guingois dans une posture aussi ridicule que précaire. D’éventuels pillards ou voyageurs de passage avaient abandonné quelques ustensiles que le temps et l’humidité avaient commencé à faire rouiller ; des marmites, des broches, des chopes, des plateaux et quelques couverts, mais rien qui n’avait la moindre valeur. Dans l’obscurité de l’unique pièce, un âtre n’ayant pas servi depuis des lustres se confondait, dans le noir de sa suie, avec l’un des murs qui le supportaient. Lucretia se planta là, observant d’un air maussade le tableau que composait ce simulacre d’habitation.

« Je suppose que l’on peut se satisfaire d’avoir à tout le moins un toit au-dessus de la tête, avec cette masure. Il nous faudra simplement trouver un moyen d'obstruer ces fenêtres afin de vous garder un minimum de chaleur, chaleur que nous attiserons par le biais de cette cheminée… En espérant qu’elle ne soit point bouchée », soupira-t-elle en y passant la tête à l’intérieur.

Sa décision étant prise, elle quitta les lieux pour retourner aux montures et y décharger les fontes de selle qu’elle déposa à l’intérieur. Puis, épée à la main, ses pas la guidèrent jusqu’au cadavre de la cocatrice. Si elle tenait à concocter un remède en mesure de soigner son amante, elle n’avait pas d’autre choix que d’étudier le poison qu’était capable de sécréter la créature. Se tenant bien droite au niveau de la tête du monstre, Lucretia leva haut sa lame et asséna un puissant coup qui vint décoller le crâne du reste du corps. Un sang noirâtre se répandit sur la neige blanche, sang encore chaud qui fit en partie fondre cette dernière. Là encore, une certaine odeur insidieuse titilla les narines de la Lahmiane, laquelle retroussa le nez dans une moue dégoutée. Elle se saisit de la tête, puis se dirigea vers la grange.

A mesure que l’Immortelle approchait du bâtiment, les relents de pourriture et de charogne se faisaient plus puissants. Ils atteignirent leur paroxysme lorsque la Lahmiane ouvrit dans un grincement désagréable l’un des battants à moitié décrochés de ses gonds rouillés. Là, la pestilence lui prit la gorge. Pour un peu, elle eût été capable de percevoir au travers de l’air comme un nuage verdâtre qui pesait sur l’atmosphère, et elle comprenait bien qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’y pénétrer. Si elle se savait en mesure de retenir indéfiniment sa respiration de manière à se tenir hors d’atteinte de cette infection, sa vêture ne connaîtrait assurément pas le même sort, et le tissu absorberait une partie de la puanteur. Des jours après, et ils continueraient d’empester.

Maussade face à pareille idée, elle décida de rapidement fermer et ouvrir le battant afin d’y créer un courant d’air capable de chasser la putréfaction. Elle s’activa, bien déterminée à la réalisation de son projet, et les grincements ne s’en firent que plus oppressants encore, ce qui n’arrangea pas l’humeur de la Lahmiane. A la fin, elle y mit tant de cœur que le battant fut proprement arraché de son support, et celui-ci serait tombé sur Lucretia si elle ne s’était pas écartée d’un preste saut sur le côté. Grimaçant, avant de hausser les épaules avec fatalité, elle entreprit d’entrer dans la pénombre du bâtiment.

A l’intérieur, des poignées de plumes sales maculaient le sol rendu inégal et strié par les serres de la créature. De la terre et de la boue séchée recouvraient tout autant les murs à différents endroits, en des taches éparses et discontinues, comme si la cocatrice, par temps de pluie, s’était plus d’une fois ébrouée céans même. Un nid considérable trônait au centre de l’édifice ; des racines et des branchages noueux se mêlaient les uns aux autres, consolidés par des morceaux de tissu déchiré, des bouts de métal, ou un agrégat de plumes, de poils et d’excréments. Au beau milieu de ce terrier nauséabond reposait la carcasse déchiquetée d’un cerf dans laquelle festoyait allègrement la vermine. Les asticots grouillaient dans les chairs putréfiées, les mouches bourdonnaient en nuées incessantes, et de minuscules cocons blancs perlaient à la surface de la peau. Voilà, à n’en pas douter, la principale source de ces relents fétides qui emplissaient l’espace.

Mais, à mesure que les deux jeunes femmes approchaient toutes les deux du nid, tâchant de faire attention où elles mettaient les pieds, une nouvelle surprise vint les cueillir. Elles trouvèrent au centre du repère trois œufs de bonne taille, aux couleurs différentes. Elles échangèrent un regard, et partagèrent la même idée ; à n’en pas douter, il s’agissait là d’œufs de cocatrice. Qu’allaient-elles faire de cela ?

« Je serais d’avis de les trancher en deux, évitant la prolifération de ce genre de créature. Nous venons de voir ce que peut causer une seule de ces bêtes ; n’en laissons pas trois de plus errer en liberté, libres d’attaquer le bétail ou la population des environs. »

D’autres hypothèses avaient traversé l’esprit de la Lahmiane, mais elle ne les avait pas retenues. Dokhara et elle pouvaient toujours les récupérer pour aller les vendre au marché noir, mais retourner à Zoïshenk n’était pas dans leur priorité première, bien au contraire. A dire vrai, la confection du poison, la guérison de l’ancienne baronne de Soya, et sa transformation nécessitaient déjà bien du temps, sans compter toute l’éducation que devrait lui prodiguer la Lahmiane. Les œufs risquaient à tout moment, d’ici là, d’éclore, si tant était qu’elles fussent parvenues à les protéger et à les faire arriver à maturité. Lucretia n’avait aucun savoir dans ce domaine, et ne s’en trouvait de toute façon aucunement intéressée. En outre, bien qu’elle ne connût pas tout à fait les règles de ce pays, la Lahmiane doutait fortement que ce genre d’action fût autorisé au Kislev. Les deux jeunes femmes avaient réussi à se faire connaître en tant que chasseuses de prime, et bénéficiaient du soutien, même minime, du boyard Pavel. Il était hors de question de risquer leur réputation et l’assistance de l’ataman en échange de quelques piécettes dont elles disposaient déjà à foison.

Quant à la possibilité d’élever pareilles créatures, la Lahmiane la rejeta directement. Il n’était pas certain qu’elles sussent les nourrir, les faire grandir, les protéger et, surtout, les contrôler. Là encore, une telle activité s’avérait assurément interlope au regard de la loi, et le moindre écart, le moindre problème qui les opposerait à des villageois ayant été menacés par ces créatures anéantirait le peu de choses qu’elles étaient parvenues à construire jusqu’ici. Enfin, Lucretia jugeait les cocatrices avec la plus grande des sévérités. A ses yeux, il ne s’agissait là que d’animaux stupides, sans intelligence aucune, et qui ne possédaient point la grâce et la majesté qu’elle attendait d’un familier ou même d’une monture. Non, définitivement, une cocatrice n’était pas digne de sa personne.

Lucretia secoua la tête et relâcha la tension qui avait dernièrement habité les muscles de son corps. Elle n’avait su à quoi s’attendre en entrant dans la grange, après avoir éliminé son ancienne occupante, et s’était préparée à un nouveau combat. Désormais, la vampire savait qu’elle ne craignait plus aucun danger. Tournant les talons, elle s’engagea à l’extérieur du bâtiment, et entreprit d’amasser un petit tas de neige dans lequel elle entera la tête de la cocatrice. De cette manière, elle s’assurait une meilleure conservation des chairs, ce qui pourrait être utile pour reconnaître le monstre lorsqu’elle chercherait une récompense pour l’avoir tuée.

Lorsque cette tâche fut achevée, elle s’en retourna auprès du cadavre de la bête, et continua de jouer les bouchères ; un nouveau coup d’épée plus tard, et, cette fois-ci, ce fut au tour de la queue que d’être détachée du corps. Lucretia s’en empara et farfouilla dans le village en ruine avant de trouver l’objet de ses convoitises ; une table qui ferait office de laboratoire ou de planche d’expertise. Dague à la main, elle s’attela à dépecer le membre de la créature, retirant les plumes et la peau qui découvrirent bientôt de petites glandes grosses comme le poing. Si du sang avait là encore goutté sur le bois vermoulu de la table, un autre liquide verdâtre n’avait pas fait exception à la règle, et Lucretia reconnut, rien qu’à l’odeur, le poison qui avait infecté Dokhara. Elle récupéra ces trois poches d’où provenait la toxine, tout en ayant pris soin de mettre un peu de cette dernière dans un petit flacon pour de futures études. Puis les choses sérieuses commencèrent.

Dans un premier temps, la Lahmiane tâta du bout de sa conscience le liquide qui baignait dans le fond de la flasque. Si bien des plantes ou des minéraux possédaient des propriétés aussi insolites qu’uniques, c’était bien parce que l’Aethyr qui parcourait le monde se déposait çà et là, en d’infimes fragments, sur tout ce qui croisait sa route. Certains métaux, certains végétaux, ou certains aliments avaient la faculté d’attirer davantage un vent, ou d’un effet d’un vent, que leurs homologues, et c’était très probablement l’une des raisons expliquant que l’argent détenait un effet bien plus puissant sur un mort-vivant que le basalte.

La Lahmiane avait déjà expérimenté le sujet avec Tsinep, et en avait conclu que les ingrédients étaient à la potion ce que les couleurs primaires étaient aux nuances de couleur. L’on usait les trois couleurs primaires jaune cyan et magenta à des degrés différents pour obtenir certaines teintes que l’on appliquait à la peinture, et il en allait de même pour l’herborisme. Dans ce domaine, plusieurs ingrédients mélangés avec plus ou moins d’intensité provoquaient un certain résultat, ou effet, qui dépendait de ces premiers. Encore que, avec un peu de recul, l’Immortelle se disait que cela n’était pas tout à fait juste ; il n’y avait là que trois couleurs élémentaires là où il existait une multiplicité d'éléments minéral ou végétal dans la nature. Peut-être que la correspondance avec les notes de musiques s’avérait au final plus parlante, plus fine, si l’on prenait en compte la totalité des octaves que composaient les quatre-vingt-huit touches d’un piano, avec leurs tonalités et leurs accords. En fin de compte, une potion, toxine, ou autre liquide –mélodie-, n’était pas autre qu’une suite de notes ou d’accords –ingrédients- que l’on jouait selon un certain rythme –concentration-. Mais, dès lors, pour concevoir un antidote, elle devait dans un premier temps comprendre la nature intrinsèque du poison, mais également jouer son contraire. Qu’entendait-on, par là, en musique ? Jouer une octave plus haute, ou plus basse ? Jouer les accords mineurs en accords majeurs ? Opérer un renversement de ces mêmes accords, ou aller jusqu’à changer totalement la tonalité de la partition ? A trop y réfléchir, la Lahmiane s’en serait presque arraché les cheveux.

Toujours fut-il qu’elle parvint malgré tout à rapidement comprendre la nature du poison, dans son ensemble et ses détails. Elle prit conscience de ses couleurs, de ses notes et de ses accords bien plus promptement qu’elle ne l’avait escompté de prime abord, mais réalisa qu’il s’agissait là de la partie la plus facile du processus. Jusque-là, elle avait su comment faire. La vampire avait compris ce qu’elle cherchait. Demeurait le fameux contraire, ce contraire qu’elle ne savait pas même expliquer, qu’elle ne savait pas dans quel sens aborder. Mais peut-être existait-il, avant de se mettre martel en tête, des moyens bien plus aisés de contrer un effet nocif. Une étrange idée, tout à fait farfelue et stupide, lui revint en mémoire.

Des alchimistes d’Altdorf avaient rendu public un de leur rapport préconisant la dilution du mal dans dix volumes d’eau, puis de reprendre la solution formée pour la diluer dans dix nouvelles mesures d’eau, et ainsi de suite. Ces individus mettaient en avant la théorie de la mémoire de l’eau, qui permettait à tout ingrédient de garder ses propriétés, même lorsque celui-ci était dilué dans d’importantes quantités d’eau. Ainsi, la toxine s’en trouvait si fondue dans la masse liquide qu’elle en devenait totalement inoffensive pour qui l’ingèrerait par la suite. Ces maîtres de la spagyrie avaient dès lors tenté leur expérience sur une série de canidés, lesquels avaient alors recouvré de leur affliction. Si cela avait fonctionné sur des chiens, pourquoi ne pas tenter sur Dokhara ? Haussant les épaules, Lucretia se mit à l’ouvrage.

Dans un premier temps, elle s’appliqua à dénicher un récipient digne de ce nom, et parvint à trouver, dans une des trois isbas toujours debout, une vieille marmite en fonte. Récupérant çà et là du petit bois, elle usa d’un sortilège pour évacuer toute trace d’humidité afin de s’assurer de sa bonne combustion, et mit le feu dans l’âtre de la masure qu’elle avait choisie. Alors que les flammes commençaient à croître, elle plaça la marmite par-dessus les langues folles, et attendit que fondît son contenu. Le résultat escompté obtenu, la Lahmiane s’empara de son flacon, préleva une petite quantité du venin, et le déposa dans une bouteille qu’elle remplit avec neuf volumes d’eau identiques à celui du poison. Puis elle réitéra l’opération, encore et encore, jusqu’à n’avoir plus que de l’eau pure, ou si peu. Après avoir levé un sourcil interrogateur, mais surtout très peu convaincu, à l’attention de sa nouvelle solution, elle s’en alla retrouver Dokhara.

« Tenez, avalez-moi ça ; vous devriez aller mieux », lui assura-t-elle en lui tendant le récipient. A ce jeu-là, tout était une question de conviction, semblait-il, et, très certainement persuadée que Lucretia lui avait confectionné le contrepoison qu’elle attendait, Dokhara ne fit pas la difficile, et ingéra le liquide. Quelques minutes passèrent, et la Lahmiane projeta sa conscience dans le corps de la jeune femme. Cela ne semblait pas très concluant. Dix minutes plus tard, et elle en était toujours au même point ; la toxine ne faisait que progresser, lentement mais sûrement.

« Vraiment tous des crétins », s’endêva Lucretia pour elle-même, sans donner la raison de son irritation. Elle tourna les talons, et repartit à l’étude de la toxine.

Une nouvelle idée lui vint ; utiliser la puissance du sang. Ce dernier détenait d’étonnantes propriétés, ce qui expliquait pourquoi les vampires, dont elle-même, en avaient besoin pour subsister, voire même pour transformer un simple humain en un être pourvu de capacités exceptionnelles, ou encore pourquoi les pactes de sang ne pouvaient être rompus, ou pourquoi les liens familiaux s’avéraient si importants. Aussi, durant un certain moment, Lucretia rôda dans les environs de Iemva, capturant plusieurs de ces lapins qui passèrent à sa portée. Quand bien même les lui fallait-il vivants et en parfaite santé que cela ne lui posa aucun problème. Et pour cause, avec une vivacité nonpareille, la vampire les saisit par les oreilles au moment même où ils pointaient le bout de leur nez en dehors de leur tanière, et elle les enferma tous dans la masure afin de poursuivre ses mystérieuses expériences.

Là, elle chercha une façon de leur inoculer la toxine de la cocatrice, mais, dépourvue d’outils chirurgicaux, elle n’eut pas d’autre choix que de recourir aux moyens du bord. Elle entailla la peau des mammifères, et versa le poison sur la plaie, espérant que ce dernier allait pénétrer le corps de ses cobayes. Si Lucretia causa toujours la blessure au même endroit, elle chercha toutefois à varier la concentration du venin, usant du même procédé que celui qu’elle avait précédemment expérimenté. Les résultats furent mitigés ; seule une infime partie des lapins capturés et intoxiqués survécurent, et il s’agissait de ceux ayant reçu la dose la plus diluée. Mais tout n’était peut-être pas perdu. Dans l’esprit de la Lahmiane, si certains de ces lapins avaient survécu, c’était parce que leur sang avait réussi à s’adapter au poison, voire même à le combattre naturellement. Ainsi, peut-être pouvait-elle utiliser ce même sang, consolidé, plus fort, pour aider celui de Dokhara à vaincre ce même venin qui la tuait à petit feu. Elle égorgea les lapins, les vida de leur sang, recueillant ce dernier dans une nouvelle fiole ou bouteille qu’elle avait récupérée dans le village, et l’apporta à sa compagne.

« Buvez, lui intima-t-elle. C’est qu’il va falloir vous y habituer, [/b] » ironisa-t-elle devant la mine déconfite de l’ancienne baronne de Soya.

Mais là encore, cette nouvelle expérience ne réussit aucunement à soigner la jeune femme. Non, en fin de compte, l’Immortelle n’avait pas d’autre choix que de concevoir elle-même l’antidote qui allait permettre de sauver Dokhara, et donc, de trouver différents ingrédients au sein même de l’Oblast.

Une nouvelle fois, la Lahmiane sortit de son repaire pour traquer toutes les plantes et toutes les racines qu’elle était capable de reconnaître. Faisant le tour des maisons, elle arracha des racines, cueillit des fleurs, saisit des pétales, coupa des branchages, récolta des minéraux, et attrapa des insectes en tout genre. Puis, dans cette même marmite, elle usa d’une pierre pour broyer chacun de ces ingrédients jusqu’à obtenir une mixture peu appétissante mais pleine de propriétés intéressantes. Elle en mélangea certaines, notant sur un morceau de parchemin les essais qu’elle était en train d’accomplir afin d’être certaine de ne pas se répéter, à l’avenir. La plupart se conclurent par un échec ; elle ne parvenait pas à reconnaître la couleur, ou la note, qu’elle désirait obtenir. Mais quelques rares autres, en revanche, lui parurent réaliser un semblant d’accord, une de ces harmonies qu’il lui serait impératif de concevoir pour jouer la partition dans son intégralité. Toutefois, à force de brasser chacun de ces ingrédients entre eux –et chaque découverte d’un nouvel ingrédient l’obligeait à démultiplier le nombre de ses mélanges, Lucretia se retrouva bientôt à court de matières premières et n’eut pas d’autre choix que de sortir une fois de plus afin de s’en procurer de nouvelles. Le périmètre de ses recherches n’eut de cesse que d’évoluer, passant des trois maisons en ruine à la palissade intérieure du village, jusqu’au moment où elle fut contrainte de quitter l’enceinte d’Iemva pour s’aventurer dans les steppes glaciales.

Là, la Lahmiane dut seller une nouvelle fois sa monture et la diriger à l’extérieur du hameau. Se promenant au trot dans des cercles de plus en plus larges, son regard perçant balayait les étendues enneigées en quête du moindre détail signalant la présence d’une herbe spécifique. Au pied de rares arbres en drapeau, elle trouva différents champignons ; au pied d’un monticule, enfouie sous la couche blanche, elle dénicha une mousse ayant résisté aux températures négatives ; s’en retournant au bord de la Tolsol, elle y ramassa diverses algues, fougères et plantes aquatiques. Ses sacoches n’emplissaient que pour mieux se vider l’heure suivante lors de ses différentes expériences ; ses flacons et fonds de bouteille suivaient la même logique, victimes de ses échecs. Mais Lucretia ne les considérait pas comme cela, non pas ; il s’agissait simplement de combinaisons qui n’étaient pas compatibles et qu’elle n’aurait plus à réaliser par la suite, les ayant toutes notées sur son vélin. A dire vrai, elle commença même à acquérir, assez rapidement, un certain sens logique, un certain réflexe ou, même, une certaine intuition. La Lahmiane commença à deviner avant même de s’y essayer la propriété alchimique qu’elle trouverait suite au prochain mélange, et, à force de pratique, son taux de réussite conjecturale dépassa les cinquante pour cent.

A force de progression dans ce domaine que l’Immortelle ne connaissait pas il y avait de cela deux mois, la vampire y prenait de plus en plus goût, et imaginait déjà, à demi rêveuse, nombre d'utilisations différentes à ses nouvelles trouvailles. Car si elle cherchait bel et bien un remède au poison de cocatrice, la multiplicité de ses mixtures et de ses essais la conduisait bien souvent à remarquer des effets aussi improbables qu’inopinés. Oui, dans l’immédiat, cela ne lui servirait aucunement pour sauver Dokhara, mais, dans un futur proche, qui lui disait qu’un baume guérissant les engelures ou qu’une potion capable de faire pousser plus rapidement les cheveux ne lui serait d’aucune utilité ? L’Aethyr et la magie avaient pour elles de provoquer sur le corps humain, ou sur d’autres organismes vivants, les réactions les plus étranges ; Lucretia, bien loin de s’en désintéresser, les consignait toutes dans son ouvrage, jusqu’au moment où il lui sembla avoir réuni tous les ingrédients.

Plus d’une journée et plus d’une nuit s’étaient écoulées depuis le moment où elle avait débuté ses expérimentations. Dokhara s’était peut-être rapprochée de Lucretia pour en savoir où cette dernière se situait dans ses essais, ou même pour lui signaler une plus grande faiblesse, mais la Lahmiane ne voulait rien entendre. D’une part, elle s’amusait véritablement, et s’étonnait toujours de constater des effets de tels ou tels mélanges. Et de deux, elle se savait sur le point de tout découvrir, aussi, le moindre contretemps, quand bien même s’agissait-il de Dokhara elle-même, pouvait mettre en danger la principale concernée. En vérité, la vampire prétextait surtout cela pour ne plus être dérangée.

En cette fin de deuxième journée, Lucretia avait su isoler chaque accord, chaque note, chaque mélodie qui composait le poison. Désormais, il ne lui manquait plus que le papier sur lequel les écrire afin de réarranger la toxine. Ou peut-être pouvait-on voir cela différemment ; il lui fallait encore l’instrument capable de jouer toutes ces notes et de les harmoniser pour reconstituer le venin. Il lui fallait un liant ; il lui fallait de l’alcool.

L’alchimiste en devenir songea dans un premier temps à la flasque de Kvas que possédait Dokhara, et, sans crier gare, alla farfouiller dans ses affaires personnelles avec la nonchalance et la désinvolture que seuls les Immortels pouvaient détenir. Débouchant le flacon, elle huma son contenu, avant de soudainement grimacer. Cela ne suffirait pas ; l’alcool n’était pas assez puissant pour lier l’ensemble des ingrédients qu’elle avait en sa possession. C’était difficile à dire, ardu à décrire, et peut-être même n’y avait-il pas raison explicite, mais elle le sentait. Mais elle imaginait la chose ainsi ; si elle devait comparer cet alcool à du papier ou un à instrument, le premier n’aurait pas été assez long pour écrire l'ensemble de la partition lorsque le second, lui, n’aurait pas eu assez de notes sur son clavier pour jouer la totalité des accords nécessaires.

Dépitée, elle rangea brusquement le Kvas à l’endroit où elle l’avait trouvé et sortit de la masure. Comment diable pouvait-elle faire pour obtenir un alcool assez puissant pour ce qu’elle comptait faire ? L’Immortelle songea au processus naturel pour en créer, mais, que ce fût par distillation ou fermentation, cela aurait pris bien trop longtemps. Des jours qui se comptaient même en semaines, dans un premier temps, afin que les fruits, ou même le sucre mis en fûts, pussent commencer à générer l’éthanol tant convoité. Eu égard à l’état de Dokhara, elle ne pouvait définitivement pas se permettre d’attendre une telle période, elle qui jouait déjà, quelque peu, avec le feu en prenant son temps avec la spagyrie. L’idée de parvenir au village le plus proche afin d’en acheter lui traversa l’esprit, mais elle la réfuta aussitôt. Laisser son amante céans même, toute seule, s’avérait trop dangereux. Lucretia n’était pas certaine de trouver sa route jusqu’au hameau voisin, n’était pas assurée de trouver le chemin retour jusqu’à Iemva, et son arrivée soudaine provoquerait bien trop de questions au sein de la populace, ce qui risquait d’être dangereux pour la suite. Niescemment, elle tapa durement du talon sur le sol, agacée, tournant en rond dans son simulacre de laboratoire. Se pouvait-il qu’elle fût passée à côté de quelque chose ? Elle qui était si près de l’objectif à accomplir, elle enrageait de se retrouver soudainement au pied du mur. Elle devait chercher. Mieux.

Armée d’une nouvelle volonté, Lucretia se mit en tête de retourner tout le village pour y trouver une cachette quelconque. Après tout, chez les kislévites, l’alcool revêtait un caractère presque sacré, et elle ne doutait pas qu’ils fussent en mesure de dissimuler leurs boissons les plus fortes au même titre qu’ils le faisaient pour leurs bijoux et leur argent. Passant les masures au peigne fin, la Lamiane usa de chacun de ses sens, ou presque, pour repérer la moindre anomalie dans l’enceinte de la palissade. Son regard acéré traqua la moindre anfractuosité dans les murs, ses doigts et ses oreilles se mirent à la poursuite du moindre courant d’air jaillissant subitement d’une paroi, et son odorat chercha la moindre fragrance boisée ou métallique qu’elle ne parvenait pas à percevoir. Mais ses enquêtes furent vaines. Pas de cache secrète dans un mur, pas de recoin dissimulé dans un âtre, pas de tumulus suspect dans la cour d’une maisonnée, pas de trompe-l’œil dans un angle de cheminée. Rien.

Se mordillant la lèvre inférieure, hésitant entre colère et lassitude, ses pas la menèrent presque tout naturellement dans la grange où la cocatrice avait jadis élu domicile. Se coupant une fois de plus au monde de l’odorat, Lucretia pénétra dans l’édifice en ruine, prête à y poursuivre ses disquisitions. Evitant le nid et toute la souillure aux alentours, elle réitéra la moindre de ses actions précédentes, bien que ne se fiant plus à ce que percevait son nez. Là encore, elle fit chou blanc. En fin de compte, il n’y avait plus qu’une seule zone qu’elle n’avait pas étudiée ; celle du nid. De manière évidente, elle doutait fortement de trouver de l’alcool au sein même du cocon de la cocatrice. Par contre, même si les probabilités approchaient le nul, il était toujours possible que le vautour eût construit son abri au-dessus d’une invraisemblable planque. Lucretia dégaina son épée, et entreprit de faire du nid du petit bois.

Elle découpa les branchages noueux qui se mêlaient les uns aux autres, trancha dans ces amas de plumes sales, pourfendit les tissus déchirés, et décolla, de la pointe de sa lame, les différentes parties du repaire qui semblaient avoir été soudées par de la salive et des excréments. A plus d’une reprise, Lucretia n’eut pas d’autre choix que de débiter ces étranges circonvolutions repoussantes que formaient ces pelotes recrachées par le monstre. Ces dernières avaient effectivement la fâcheuse habitude de se greffer çà et là à la paroi irrégulière et arêteuse du nid, et, pour découper celui-ci, elle devait ainsi les dépecer dans un premier temps. La Lahmiane reposa même son épée pour aller s’emparer d’une hache à fendre le bois lorsqu’elle dût s’attaquer à ce ramage de cerf qui lui causa bien des problèmes. Jamais n’aurait-elle pensé que ces animaux étaient capables de générer des excroissances aussi solides. L’espace d’un instant, la vampire fut tentée d’aller l’offrir à sa compagne, en une plaisanterie des plus douteuses. Mais elle réfréna ses ardeurs impulsives, et termina de le tronquer. La lourde pelote d’où émergeait une botte la fatigua là aussi quelque peu, et, à la fin…

Lucretia tiqua subitement face à ce qui venait d’apparaître devant ses yeux. Alors qu’elle venait tout juste d’achever d’ouvrir en deux ladite pelote, et que la botte venait d’atterrir mollement sur le sol, une petite sacoche tomba elle aussi sur la terre battue. Intriguée, la Lahmiane tâcha d’écarter toute plume et autre contenu d’estomac de l’objet, avant de le saisir avec précaution, du bout des doigts. Mais sa mine dégoûtée se mua soudainement en une expression incrédule où se lisaient à la fois l’incompréhension et la joie. Et pour cause, à l’intérieur de la besace, la vampire trouva deux bouteilles de vodka, ainsi qu’une gourde, un nécessaire à toilette –que Lucretia doutait de réutiliser un jour, une pierre à feu, une choppe en étain, et un parchemin roulé. Mais rien n’avait tant de valeur à ses yeux que les deux bouteilles. Là, elle en était certaine, l’alcool qu’elles contenaient serait assez puissant pour qu’elle puisse fabriquer son élixir. L’Immortelle secoua la tête, de dépit, de frustration, et d’allégresse. Elle avait tant fait, s’était tant donnée pour rien, alors que la solution avait reposé sous son regard, là, dès la première fois que Dokhara et elle étaient entrées dans ce bâtiment. Mais mieux valait tard que jamais ; aussi haussa-t-elle les épaules en tournant les talons… Avant d’être attirée par une étrange bâche.

Celle-là aussi, elle l’eût juré, Lucretia ne l’avait pas remarquée de prime abord. Elle comprit, toutefois ; comme elle l’avait elle-même supposé, la cocatrice avait bâti son nid à un endroit précis. Ce n’était pas une cache, ou même un endroit secret, mais une étrange couverture qui recouvrait le sol et qui semblait dissimuler quelque chose. Le moral au beau fixe, la vampire donna de joyeux coups de pieds dans tout ce fatras, et éparpilla aux quatre vents les différents amas de branchages qui avaient jadis composé le nid. Puis, lorsque ce fut fait, elle se pencha, s’empara du rebord de la bâche, et tira d’un coup sec.

Là, dans une sorte de petit tumulus, apparut sous le regard cupide de la Lahmiane la forme d’une très longue arquebuse de précision. Mais l’intéressée déchanta rapidement ; le tas de terre s’était en partie effondré sur le fusil du Hochland, tant et si bien que le moindre de ses mécanismes avait été saturé par la terre et le sable. La bâche, qui était ponctuée d’une multitude de petits trous, avait laissé couler sur l’arquebuse les pires humeurs en provenance du nid, et celle-ci, autrefois flamboyante, n’arborait plus qu’une infâme couleur de rouille. Lucretia tenta bien de le récupérer, mais la crosse, vermoulue, s’effritait déjà entre ses doigts, et le canon de métal, tout craquelé, n’échappait pas non plus à la même règle. L’objet reposait là depuis plusieurs décennies, à n’en pas douter. Rongé, oxydé, et désagrégé, il n’était plus d’aucune utilité, et rien ne pouvait y être récupéré. Elle le laissa tomber là, dans la poussière, et il ne se brisa que plus encore. Qu’à cela ne tienne ; Lucretia avait de toute façon trouvé son bonheur en la présence des deux bouteilles de vodka, qu’elle ramena avec elle jusqu’à son laboratoire. Elle n’avait pas non plus manqué, toutefois, d’emmener également le parchemin roulé, qu’elle était curieuse d’ouvrir et de déchiffrer.

Désormais, l’ancienne baronne de Bratian avait son liant. Désormais, elle avait son instrument de musique, assez complet pour jouer l’ensemble des notes nécessaires à la composition de son harmonie. Et elle savait comment concevoir le venin de cocatrice ; il ne lui restait plus qu’à comprendre la manière de le contrer.

Sur la table branlante qui lui servait de plan d’essai, l’Immortelle rassembla devant elle les différents ingrédients qu’elle broya et mélangea les uns aux autres, tentant plusieurs de ces combinaisons qu’elle avait imaginées la veille sur un plan musical. Elle changea le rythme de la partition en modifiant la concentration de sa décoction, alterna les accords en broyant les aliments de manière différente, ou altéra la gamme de base en ajoutant dans un ordre différent ces mêmes ingrédients à sa mixture. A n’en pas douter, ce fut cette dernière solution qui s’avéra la plus prometteuse, et pour cause. Après avoir intoxiqué quelques-uns de ses derniers lapins qu’elle possédait toujours, elle leur inocula ce dernier élixir qu’elle venait de fabriquer, et, elle le sentit, les pauvres bêtes furent sur le point d’éradiquer le poison au sein de leur organisme. Lucretia redoubla d’efforts.

A la manière d’un pianiste travaillant ses gammes, l’alchimiste d’un jour déclina ses potions en modifiant de manière continue l’ajout des ingrédients jusqu’à parcourir l’entièreté du spectre des possibilités. Mais, bien qu’ayant décrit l’ensemble des gammes majeures, elle ne put parvenir à l’obtention de son contrepoison. La Lahmiane réitéra toutefois, après une nouvelle ronde autour d’Iemva pour récupérer de nouveaux ingrédients, mais en modifiant une fois de plus la composition de son breuvage, passant, dans son esprit, des gammes majeures aux gammes mineures. Et ce fut à ce moment-là qu’elle trouva la solution ; une certaine gamme mineure, la la, correspondait avec une parfaite exactitude à la gamme de do majeure, la gamme de base qui lui avait permis de recréer le poison de cocatrice. Et lorsque les deux étaient injectées dans un organisme vivant, elles s’annulaient l’une par rapport à l’autre. Afin d’en être certaine, elle testa sa nouvelle préparation sur de nouveaux lapins, et ces derniers s’affranchirent sans difficulté aucune du venin de cocatrice. Un grand sourire aux lèvres, elle les libéra tous, sans même deviner qu’elle venait de procréer la première espèce de lapins immunisés au poison de cocatrice. A n’en pas douter, la population de ces rongeurs allait subitement croître dans la région, et ce pour les années à venir.

Sifflotant un air guilleret, une expression ravie sur le visage, Lucretia s’attela à tout nettoyer. Conservant son ultime solution, elle vida les autres flacons, et, après avoir consigné ses dernières trouvailles au sein de son carnet, s’avança à grandes enjambées en direction de Dokhara, sa potion à la main. Il était difficile de cerner la bonne humeur de la Lahmiane ; était-elle dû au fait qu’elle fût parvenue à soigner son amante, ou bien, de manière plus pernicieuse, à sa satisfaction personnelle d’avoir définitivement triomphé de son dernier adversaire en l’ayant rendu totalement inoffensif, du fait de son antidote, et cela même après sa mort ?
Embrassant la jeune femme, les yeux pétillants d’excitation, elle lui tendit le flacon.

« Cette fois, je vous le promets, c’est la bonne. »
Tout ce poste m’aura fait pensé à rattraper l’achat d’une autre compétence ; celle (ou celles ?) ayant attrait à la musique.
Sans quoi, eu égard à tout ce texte et à toutes les recherches que Lucretia a fait de manière la plus exhaustive possible, je me demande si je ne pourrais pas d’ores et déjà me réserver les compétences que tu as mentionnées, Grand Duc. Je m’excuse d’avance, mais je ne pourrai jamais développer davantage de genre de recherche dans un nouveau post. Et je pense, en toute franchise, en avoir assez écrit pour compléter l’équivalence de trois ou quatre nouveaux posts sur le sujet. :mrgreen:
Ah, également, je lis le parchemin retrouvé dans la sacoche à la botte.
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 12 sept. 2019, 12:12, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total : 90 xps
FOR 16 / END 14 / HAB 17 / CHAR 18 / INT 17 / INI 19* / ATT 17 / PAR 13 / TIR 11 / MAG 17 / NA 4 / PV 134/140
Ma Fiche
Objets particuliers:
- * Anneau Nowelleux (+1 INI)
- Amulette (relance d'un EC: 2/3 utilisations disponibles)

Compétences acquises et Dons du Sang

COMBAT :
Attaque : Coup précis (3), Arme de prédilection ( épée à une main)
Défense : Esquive, Acrobatie de combat, Sang vif (2) (DDS), Coriace,
Autres : Régénération Impie (DDS), Innocence Perdue (DDS), Valse Macabre


MAGIE :
- Sens de la Magie
- Conscience de la Magie
- Maîtrise de l'Aethyr - niveau 3

CHARISME :
- Diplomatie
- Éloquence
- Séduction
- Intimidation
- Comédie
- Etiquette
- Intrigue de cour

INTELLIGENCE :
- Domination (DDS)
- Érudition
- Littérature
- Linguistique
- Histoire
- Administration
- Enseignement
- Connaissance végétale
- Langue étrangère : Kislévarin
- Connaissance des démons

INITIATIVE / HABILETE :
- Sang vif (DDS)
- Réflexes éclairs
- Escalade
- Monte - chevaux
- Sens Accrus
- Vision nocturne

AUTRES :
- Défi de l'Aube (DDS)
- Ame Profane (DDS)
- Forme de Familier : Corneille (DDS)
- Sang argenté (DDS)
- Alphabétisation
- Force accrue
- Chance
- Préparation des poisons

Inventaire :
- Griffe d'Ursun
- Veste de cuir & pèlerine en "voyage" / robe habillée en "réception"
- Anneau de promptitude
- Bague du tumulus
- Sacoche de chanvre
- Lettre de la comtesse
- Gemmes et pépites d'or
- Fleur de salicaire
- Glandes à venin
- Poison (?)

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Dokhara de Soya
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Dokhara de Soya »

Jour 74.

S'il ne vous restait que quelques heures à vivre avant de rencontrer Morr, qu'est ce que vous feriez du temps qu'il vous reste ? C'est une sacrée question, un peu rigolote pour la conjecture et les hypothèses idiotes que l'on invente alors, mais aussi un peu sérieuse pour l'aspect philosophique qu'elle induit. Le genre d'interrogation qu'on se pose entre amis ivres, passé minuit à la taverne. "J'irais visiter tous mes proches, profiter d'eux une dernière fois". "Je dirais à mon patron ce que je pense de lui avant de le tuer". "Je baiserais toutes les putes que je peux me payer".
Ça fait relativiser. On se dit que forcément, en raccourcissant sa vie à une poignée d'heures, toutes nos petites hésitations du quotidien ne sont plus que du temps perdu : on veut alors aller à l'essentiel, au cœur de ce qui compte vraiment à nos yeux. Bref, on s'improvise slaaneshi : sans le carcan du risque et de la peur des conséquences, on devient libre de faire ce que l'on veut vraiment.

Alors, dans ces conditions, qu'est-ce que Dokhara de Soya a choisi de faire pour ses derniers instants, mmhh ?

Et bien, elle fait des bonhommes de neige.

Parce qu'à l'aube de ma transformation, après un périple de trois mois pour atteindre les ruines désolées d'une minuscule tirsa au fin fond du trou du cul du grand nord kislevite, Lucrétia reste fidèle à elle-même, immuable face à l'éternité.

Elle est prodigieusement pénible.

A deux jours de Zoïshenk, nous avons finalement rejoint notre étape finale, le lieu de ma transformation, les ruines d'une petite tirsa nommée Iemva. Malheureusement, une maman vautour mutante n'a pas apprécié qu'on empiète sur son territoire et mette en danger ses œufs, et m'a injecté du venin pendant le combat qui s'en est ensuivi. Et de par ce fait, Lucrétia m'a refusé la mort promise. Hors de question pour elle que de consommer un sang vicié dans le processus - madame ne s'abaisserait pas à ça.

La Dokhara qui a commencé ce voyage aurait sans doutes réagi en explosant de colère. Il y avait de quoi être outrée après tout - c'était ma vie que j'avais choisi de sacrifier ici ! Des mois de combat mental à lutter contre ma terreur afin d'en arriver là, tout ça pour qu'elle repousse l'échéance parce que je n'étais plus à son gout ! Ma vie et ma mort devenus les termes des caprices d'une vampire, voilà à quoi j'en étais réduite : il y avait de quoi rager n'est-ce pas ?
Et pourtant non. je suis restée stoïque, de marbre, comme si le froid kislévite arrivait à tempérer mes colères ardentes. Je suis devenue résignée, par la force des choses. Tout d'abord parce qu'il fallait bien s'y résoudre : peu importaient mes protestations, je n'avais ni la force ni l'argumentaire nécessaires à la convaincre de changer d'avis. Protester pour finalement échouer dans ma tentative, et devoir me résoudre à accepter ses conditions, voilà une danse qui ne lui aurait fait que trop plaisir.
Et puis, même si je n'y avais pas pensé sur le moment, avec du recul je comprends sa décision. C'est la première fois qu'elle donnera le Baiser du Sang. Je vais devenir sa fille, ce doit être le lien le plus fort qu'elle ait choisi de se créer depuis des années. Quand bien même elle n'est pas capable de mettre des mots sur ses émotions, quand bien même sa nature l'empêche à se laisser aller au même romantisme naïf que moi, cela n'enlève rien à l'importance de cet acte à ses yeux. Parmi les millions d'humains habitant le Vieux Monde, elle m'a choisie pour être son enfant. L'Obscur Baiser, c'est peut-être pour elle comme un mariage, ou une naissance, ou les deux à la fois, je ne sais pas vraiment. Quoiqu'il en soit, le genre d’événement où l'on souhaite que tout soit parfait, qu'aucune fausse note ne vienne troubler la mélodie prévue. Ce venin, pour Lucrétia, c'est le cuisinier qui meurt la veille du grand jour. Et elle n'était pas femme à se contenter d'une salade maison.

Et donc la voilà qui court partout, débitant le volatile en petits morceaux, mélangeant des fioles de choses et de machins, ramassant de la mauvaise herbe et des racines cachées sous la neige, pillant mes affaires dans ma besace et volant ma bouteille de kvas, tout ça en ne m'adressant que la plus parfaite indifférence. Elle a certes pris le temps de diminuer la douleur du poison avec l'un des sortilèges qu'elle utilise habituellement pour refermer mes plaies après nos petits jeux coquins, mais depuis, elle n'a plus que faire de mes problèmes, qu'ils concernent la faim, la soif, la douleur, ou même l'ennui. Je suis allée la voir quelques fois, elle m'a chassé d'un signe de main négligent, sans même me regarder, intimant dans l'air un "shhhhh" agacé, que je traduis par : "Maman fait des choses d'adulte, va jouer ailleurs Dokhara."

J'aurais pu rester dans la vieille masure détruite où nous avons élu domicile : il y avait un vieil âtre dans lequel Lucrétia a allumé un feu, mais elle y a aussi installé sa marmite pour ses expériences, et rester inactive entre ses jambes n'est pas vraiment ma spécialité. La nuit s'annoncerait sans doutes bien plus terrible que la journée en terme de température, alors autant profiter de l'actuelle "clémence" de la météo pour trouver des activités.

Donc, bonhommes de neige. Entre autres.

J'ai eu le nez fin lors de nos longues heures d'achalandage à Erengrad. Les bourrasques ne sont pas trop nombreuses, mais elles sont frigorifiques. Malgré ma toque, mon manteau et mon écharpe qui couvrent pourtant presque intégralement mon visage, le vent glacial réussit à agresser la moindre parcelle de peau que j'ai laissé à découvert, notamment autour de mes yeux, et cette sensation ne me fait qu'apprécier d'autant plus la qualité des fourrures empêchant mon corps de subir la même épreuve. J'ai la peau qui se craquelle, le nez qui coule, et les joues roses en permanence : je suis sublime.

Quoiqu'il en soit, affronter le froid m'était préférable à l'ennui. Dans un premier temps, j'ai donc décidé d'utiliser mon arbalète pour me défouler. Que ce fut contre le minotaure ou contre le poulet géant, mes tentatives de corps à corps n'ont jamais abouti à autre chose qu'à me couvrir de ridicule - en revanche, c'est avec succès que j'ai réussi à planter un carreau dans chacun d'entre eux. De plus, l'indifférence de Lucrétia toute concentrée qu'elle était à jouer à la chimiste folle m'agaçait, et j'avais besoin de me défouler. J'ai volé la vaisselle en terre cuite que ma compagne a déniché dans les ruines, et l'ai déposée sur un vieux pan de mur en ruines à ma hauteur : chopes, gobelets, pots, tout et n'importe quoi faisait l'affaire. J'ai tenté de me remémorer les cours de Marcus : c'est lui qui m'avait appris à m'en servir, au début de ce voyage. "Quand vous montez, madame, vous regardez pas les oreilles de votre cheval avec un œil fermé, non ? Vous regardez votre destination, les deux yeux grands ouverts. Avec votre arbalète, c'est la même chose. Vous lâchez pas votre objectif du regard, et vous verrez que vos bras s'aligneront naturellement pour que votre arme vise votre cible."
Ça faisait bizarre de se souvenir de Marcus. Ça m'a faite sourire. C'était un type bien. Je ne méritais sans doutes pas qu'il sacrifie sa vie pour moi, mais il a fait ce que Lucrétia attendait de lui. Il faudra que je m'entoure aussi bien à l'avenir : je suis fatiguée d'être continuellement déçue des hommes.
Quoiqu'il en soit, me rappeler ses consignes m'a aidé je crois. Mon adresse au tir est bien meilleure qu'à l'épée, quand bien même je rate encore trop souvent les petits gobelets.

Une fois mes bras trop endoloris par le poids de mon arme et son recul, j'ai profité de mes souvenirs pour passer le reste de la journée avec Hans. Il m'avait surprise en train de me masser les fesses après notre première journée de chevauchée dans la Drakwald. "Ah ça, faut pas vous étonner d'avoir l'arrière douloureux vu comment vous montez madame ! On dirait pas qu'vous chevauchez, mais plutôt qu'vous luttez toute la journée contre votre monture !"
Comme si c'était de ma faute. Il n'était pas le premier à s'échiner contre moi, à se moquer de mon absence totale d'affinité avec les équidés. Konrad Dorfmark, l'ami de mon père qui fut mon tuteur à Priestlisheim, avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour m'apprendre à monter convenablement - en vain. Et malgré tous les excellents conseils de ces deux palefreniers, je suis restée incapable de trouver un quelconque confort, juchée sur le cul d'un canasson.

A la vérité, je sais quel est le problème. Konrad me l'avait dit et répété dans ma jeunesse, et c'est ce qui avait failli provoquer une catastrophe dans le bac du passeur qu'on avait utilisé au début de notre voyage - Haendel, ma monture, avait fait une crise d'angoisse et failli renverser l'esquif. Le problème, c'est que si je suis devenue une courtisane exemplaire, capable de cacher mes émotions à n'importe quel homme, les chevaux n'étaient pas affectés par ma maîtrise de mes gestes et intonations. D'une manière qui leur était propre, ces foutus bourrins étaient capables de ressentir mes troubles, mes colères, mes passions. Contrairement au monde qui m'entourait, ils sentaient toute l'agitation qui régnait en permanence dans ma petite personne, mes doutes, mes peurs, mes envies. Slaanesh n'a fait qu'empirer les choses : j'étais devenue un cocktail bouillonnant d'émotions brutes, de désirs incontrôlables, de besoins à satisfaire dans l'immédiat sous peine de devenir folle à lier. J'ai perfectionné des années un masque incapable de me dissimuler aux yeux des chevaux.
Mais j'ai changé. Ce voyage m'a changé. Même si je suis encore effrayée de ma mort prochaine, j'ai malgré tout trouvé une certaine forme de paix. Lucrétia a apporté un équilibre à cette faim de sensations qui me dévorait.
Et si je dois apprendre à vivre au Kislev, je ne vais plus pouvoir me permettre d'être aussi ridicule que pendant la course avec le voïvode. Ma monture était amplement supérieure à la sienne, j'étais plus rapide, j'aurais pu gagner cet échange, si j'avais été foutue de mieux la contrôler.

Pour commencer, j'ai donné un nom à ma jument. Quand on les a volés aux stryganis avant de les quitter, on a pas songé à leur demander leur patronyme. Et ensuite... et bien, la majorité de nos précédentes montures ayant connu une fin tragique, j'avais évité de nommer celles-ci de crainte de m'attacher et de les perdre à nouveau. Hommes comme animaux, tout ce que je touche a la sale manie de décéder subitement.

Shana. Un nom de cadavre, pour changer. Morte pour une stupide prophétie délivrée par Tsinep, mais au caractère bien trempé. Je suis sure que si elle avait survécu, elle n'aurait pas accepté la misérable résignation de son peuple. Elle se serait rebellée, elle aurait soulevé cette bande d'abrutis. Mais elle était décédée. J'ai encore dans ma besace quelques unes des frusques de gitane qu'elle m'avait offert. Ça a son odeur, je m'en sers pour rassurer son homonyme équidé.

Shana est une belle bête. C'est une jument qui toise un bon mètre soixante au garrot, avec une silhouette mince et élancée qui montre sa prédisposition à la course. Le poil ras, elle a une magnifique robe palomino aux reflets dorés. Un vrai cheval de noble, avec le port de tête altier et une encolure très longue, ce qui lui donne une silhouette longiligne et anguleuse tout en restant vraiment élégante. Ça ne m'étonnerait pas que si l'on remontait le lignage de ces montures, on retrouve du sang de coursier elfique dans leurs veines. C'est très surprenant que pareille beauté ne soit pas plus populaire au sein de la haute société impériale ; je suppose que son aspect physique ne compense pas suffisamment la vilaine réputation des stryganis sur les terres de Karl Franz pour le populariser.
En tout cas, malgré les températures négatives, Shana semble se porter comme un charme. Je suppose que c'est pour ça que les gitans aiment tant le marché d'Erengrad : ils savent leurs chevaux adaptés aux conditions climatiques du Kislev. J'ai pensé à lui mettre une couverture pour la nuit néanmoins, et à l'installer avec nous dans notre masure abîmée : aucune autre ruine n'était assez intacte pour couper convenablement le vent, et Lucrétia est si occupée à maltraiter des lapins qu'elle n'a même pas remarquée l'arrivée inopinée de nos deux chevaux à côté d'elle.

Mais bref, je m'égare. J'ai donc tenté d'établir un lien de confiance avec Shana. Je n'ai pas de suite essayé de le monter, j'ai d'abord commencé par la brosser, tout en... discutant avec. Ouais, je devais avoir l'air d'une idiote, mais c'est l'avantage de n'avoir aucun témoin à des lieues à la ronde. Qu'est ce qu'on raconte à un cheval qu'on veut dresser pour avoir sa confiance ? J'en savais fichtrement rien, alors j'ai fait ce que j'aurais fait avec un être humain. Je lui ai parlé de moi, de mon passé, de mes craintes, de mes désirs. Je me suis entièrement et totalement livrée à un cheval. Oui oui oui.
Shana a le sang chaud, ça se voit. Si je brossais au mauvais endroit, elle réagissait avec une fougue presque effrayante. A l'inverse, elle accompagnait les mouvements qui lui plaisaient davantage en se cabrant contre ma main, comme un chat. En ça on se ressemble.
J'ai détaché les fontes de selle qui l'alourdissaient, me débarrassant du poids superflu pour laisser mes affaires dans notre demeure providentielle. En l'observant, je me suis rendue compte que j'avais pris cette magnifique bête de course pour un cheval de selle, et que je l'avais chargée en conséquence. J'espérais naïvement que Shana apprécierait ce geste de considération.

Je ne sais pas ce qui a fonctionné. Ma sincérité, mes caresses, mon respect, ou mon baptême. Mais l'heure qui suivit, juchée sur elle au trot comme au galop s'est déroulée sans anicroche. Elle est vive, pleine de feu, et c'est parfois difficile d'accompagner ses mouvements rapides, et de ne pas partir à la renverse. Il faut que j'arrive à mieux prévoir comment elle bouge, comment elle réagit à ce qu'elle voit, pour l'anticiper et m'adapter. Mieux la comprendre.

J'espère que ma transformation prochaine n’altérera pas ma nature au point que Shana ne me reconnaisse plus.

En définitive, si occuper ma journée n'a pas été si difficile, ma soirée s'est avérée bien plus compliquée à gérer. Le poison dans ma jambe s'était méchamment réveillé, et sa brûlure se faisait sentir plus ardemment à chaque minute qui passait. Dans mon imagination, je pouvais me représenter ce liquide parasite noirâtre progresser à travers mon corps, attaquant mes organes pour m'affaiblir et me tuer à petit feu. La magie de Lucrétia avait atteint ses limites, et elle ne pouvait se permettre de s'en servir à nouveau pour diminuer mes souffrances. Je savais posséder deux fioles de soins achetées il y a longtemps, mais j'ai préféré les garder pour mon réveil le lendemain matin, sachant très bien que la douleur serait pire encore - et avec le recul, ç'avait été une très sage décision lorsque je repense au calvaire de ma matinée, lorsqu'encore engourdie par le sommeil j'ai eu la stupidité de vouloir prendre appui sur ma jambe blessée.
Mais pour cette soirée, s'il n'y avait eu que mon mollet en feu, j'aurais peut-être pu passer un moment agréable. Mais il y avait ce froid, aussi. Une fois le soleil couché, et malgré tous mes efforts pour colmater les fenêtres détruites et les trous béants dans le plafond avec des toiles trouvées ça et là, le vent glacial trouvait malgré tout sa route pour me transir chaque parcelle de chair. Tant bien que mal, je me suis badigeonnée d'huile d'amande, sachant que cette protection végétale fortifierait ma peau contre les dégâts du froid. Ensuite, ma foi... au kislev, fais comme les kislevites. Puisque mon amante m'avait confisquée ma bouteille de kvas pour ses expériences, je me suis descendue une fiole de Baiser de la Courtisane - après tout, cette drogue est conçue avec un mélange d'eau de vie et de narcotiques. Ça ne m'a aidé que très moyennement - si je ressentais désormais moins le froid et la douleur, j'avais désormais atrocement envie de déranger Lucrétia pour qu'elle s'occupe de moi. Je ne suis pas très fière de la suite - si ma mémoire est floue, je me rappelle encore mes supplications restées infructueuses face à sa concentration scientifique, et de mes gémissements lascifs alors que je me remémorais une soirée slaaneshie où je m'étais montrée tout particulièrement accueillante. C'est prostrée en boule, au sol contre l'âtre, ma main serrée entre mes cuisses, que j'ai finalement réussi à trouver le sommeil. Et bien, au moins Lucrétia ne pourra dire que je lui ai dissimulé mes plus mauvais côtés avant la transformation - elle aura vu le meilleur de Dokhara de Soya, mais admettons-le, surtout le pire.

Au réveil, au milieu de dizaines d'herbes éparpillées au sol servant de tapis à des cadavres de lapins, j'ai retrouvé le manteau de Lucrétia posé sur moi. Elle était toujours en train de jouer les apprenties chimistes, m'ignorant parfaitement, mais elle avait malgré tout pris quelques secondes pour me protéger du froid. Quand bien même je savais que ce sacrifice n'en était pas un puisqu'elle ne craignait pas les températures négatives du Kislev, je ne peux m'empêcher de rosir en l'imaginant me recouvrir avec le regard d'une mère aimante.

Je me permets de digresser le temps d'un paragraphe, mais je me demande si ce n'est pas cela qui m'attire le plus chez elle. Ce côté maternel. Elle n'est pas juste mon amante, elle est aussi un peu... ma maman. Elle me protège tant des dangers extérieurs que de moi-même. Elle me guide tant bien que mal vers ce qu'elle pense être bien pour moi, me réprimande pour mes erreurs, et me pousse à m'améliorer en permanence quand bien même je ne cesse de la décevoir. Elle est fière de mes talents lorsque saisissant mon archet je l'impressionne, mais triste de mes errances lorsque je prends mon bras pour une toile vierge. Je n'ai jamais eu de mère. Peut-être que je théorise trop les choses, mais peut-être que je comble ce manque avec elle ? J'aime sa façon de m'aimer. J'aime être sa fille. Partager son sang... ce sera officialiser cette relation. Je crois que ça me rend heureuse.

Bref. Malgré la potion de soins et le nouveau sort de guérison de mon amante, ma jambe est désormais trop engourdie pour que j'arrive à prendre solidement appui dessus. Je boite méchamment, et cette saloperie me brûle maintenant du mollet jusqu'en haut de la cuisse - aller faire mes besoins a été particulièrement pénible et douloureux. Avec de surcroît le vent plus agressif que la veille, j'ai préféré rester dans les ruines et m'occuper autrement.

Quitte à mourir bientôt, je me fais nostalgique. Aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi, c'est vers les bienfaiteurs que mes pensées ont virevolté alors que je me saisissais d'une couronne d'or. Tandis que je la faisais jouer entre mes doigts, je repensais au vieux Vester, et à ses cours de filoutage. Comment dénouer les cordons d'une bourse sans être repérée, puis comment faire disparaître ladite bourse de ses mains alors même qu'un témoin nous a vu la voler. J'ai toujours été plus douée pour jouer les distractions, détourner l'attention des gens avec mon joli minois et mes belles paroles, plutôt qu'à l'art de l'escamotage lui-même. Et pourtant, dix ans après ces cours avec le vieux, je me rappelle encore des routines. Comment bouger mes doigts pour déplacer une simple pièce, avant de la faire glisser dans ma manche. Comment attirer l'attention en agitant une main, pendant que l'autre s'occupait de la réelle duperie. Comment truquer le mouvement d'un bonneteau pour faire s'évaporer la balle des trois gobelets, ne laissant aucune chance au joueur. Des tours de passe-passe, de la prestidigitation basique, mais d'une efficacité redoutable pour quiconque n'en connait pas les astuces les plus élémentaires. Je pouvais presque imaginer Vester guider mes mains pendant que je faisais disparaître ma couronne d'une main, avant de la faire réapparaître à côté de Lucrétia. Bon, elle s'en foutait royalement, surtout qu'apparemment elle était enfin proche du but, mais ce n'était pas ça l'important.

C'était quoi l'important, en fait ? S’entraîner à l'arbalète, à l'équitation, à la prestidigitation ? Ou juste passer le temps ?

Non. Je discutais avec mes souvenirs. Je n'y avais pas réfléchi comme ça sur le moment, évidemment. Mais le plus naturellement du monde, voilà ce que j'ai choisi de faire de mes dernières heures de vie. Rendre un dernier hommage à ceux qui m'ont porté. Mes compagnons, ceux qui m'ont accompagné et guidé jusqu'ici, le plus souvent au prix de leur vie. Je suis arrivée au bout du chemin en marchant sur d'innombrables cadavres. Alors ce n'est pas à moi que j'ai consacré ces derniers instants. Moi, la baronne égoïste, j'ai offert mes derniers moments de vie à une poignée de spectres. Bienfaiteurs, slaaneshis, compagnons. J'ai même repensé à maman. A ce que chacun de vous m'a offert, à ce qu'il subsiste de vous à travers moi.

Ne reste plus que toi. Pire qu'un spectre, tu es un parasite qui m'a hanté de ton vivant comme de ta mort. Et pourtant, aujourd’hui, je ne t'en veux plus. Il est temps d'enterrer le passé, et même toi, tu mérites désormais que je prenne quelques minutes pour toi. Pour te remercier. Et je sais déjà comment je vais m'y prendre. Car tu m'as offert la toute première clé qui m'a ouvert la voie de la liberté. Un objet qui m'a ouvert un espace en dehors de la réalité, des murs et des mots, pour que je m'y épanouisse sans aucune contrainte. Mes professeurs me détestaient, moi qui ne respectait aucune de leurs règles pour n'écouter que mon cœur, libérée de tous les carcans que tu m'avais si bien construits. Il est temps de poser ma plume et de me saisir de mon instrument pour te rendre un dernier hommage, à toi aussi.

Merci pour ce violon, papa.

Et adieu.







Résumé de progression des compétences en cours d'apprentissage :
Langage : kislévarin 1/4
Ambidextrie : 3/4
Escamotage : 1/2
Adresse au tir (arbalètes) : 1/3
Monte : 1/2
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 25 sept. 2019, 17:05, modifié 5 fois.
Raison : 6 xps / Total : 90 xps
Dokhara de Soya, Voie de la Belle Mort, Beauté mortelle

Profil : For 11 | End 11 | Hab 14 | Cha 17 | Int 12 | Ini 13 | Att 12 | Par 11(13) | Tir 10 | Mag 11 | NA 2 | PV 110/110

Compétences :
- Sociales : Diplomatie, Éloquence, Empathie, Étiquette, Séduction
- Artistiques : Chant, Danse, Musique (violon), Tatouage
- Intellectuelles : Alphabétisation, Langue étrangère (kislévarin, strygani)
- Martiales : Ambidextrie, Bagarre, Fuite, Monte, Parade, Résistance accrue (spécialisation alcool), Sang-froid
- Divers : Sens Accrus
- Dons Du Sang : Regard Hypnotique, Régénération Impie
Compétences en cours d'apprentissage :
Escamotage : 1/2
Adresse au tir (arbalètes) : 2/3
Équipement :
Armement :
- Griffe d'Ursun : 18+1d8 dégâts ; 12(24) parade. Rapide. Chaque attaque réussie qui résulte en une perte de points de vie pour l’adversaire inflige -1 Att/Hab/Par le tour suivant. Si trois touches sont infligées au même tour, les malus durent alors 2 tours et infligent un malus supplémentaire de -1 Na. Les malus cumulés ne peuvent pas excéder -4 Att, Hab et Par et -1 Na.
- Main gauche : 8+1d6 dégâts ; 8(16) parade ; Rapide. +2 PAR si utilisée en conjonction avec une autre arme. Lors d'une parade, c'est le score de parade de l'arme en main droite qui compte pour le premier jet, celle de la main gauche pour le second jet si relance.
- Poignard : 12+1d6 dégâts ; 6(12) parade ; Rapide. Peut être utilisé comme arme de jet
- Arbalète : 34+1d8 dégâts : Malus de -2 TIR tous les 30 mètres ; Perforante (4) : Un tir par NA maximum.

Armure :
- Veste et jambières en cuir : 5 de protection partout sauf tête
- Tunique noire druchiie : 2 de protection sur tout le corps
- Cape de dissimulation, permet de devenir invisible si immobile (v. wiki)

Équipement de voyage (fontes de selle, pas systématiquement porté) :
- Sellerie splendide
- Nécessaire de tatoueuse
- Violon
- Arc courbe + flèches des anciennes
- Lame en or marin
- Huile d'amande
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Lucretia Von Shwitzerhaüm »





Cette dernière potion fut effectivement la bonne, mais il fallut du temps pour qu’elle prît effet. Le poison, toujours présent, combattait avec hargne et force l’antidote qu’avait concocté Lucretia. Quoiqu’un alchimiste pouvait tout à fait infirmer ce fait, car la Lahmiane avait en vérité fait un excellent travail, le délai de rétablissement demeurait toujours trop long aux yeux de cette dernière. Aussi trouva-t-elle un moyen de s’occuper nouvellement, reprenant contact avec celle qu’elle avait délaissée un jour et une nuit.

Dans un premier temps, alors que Dokhara recouvrait lentement mais sûrement la santé, l’Immortelle éprouva la jambe de la baronne de Soya. C’était elle qui avait été touchée en premier par le poison, et Lucretia, bien qu’auparavant focalisée sur une autre tâche, avait remarqué le caractère boiteux de ce membre. Mais la douleur ne désemplissait pas ; Dokhara ne pouvait toujours pas s’appuyer sur cette partie-là de son corps, et retenait une violente grimace dès lors qu’elle y mettait trop de poids. Aussi, la vampire mit de côté toute activité physique qui lui passait par la tête ; pas de leçon d’escrime afin qu’elle pût un jour surpasser un fantassin, pas de courses de monture pour qu’elle sût un jour gagner contre un boyard, et pas non plus d’exercice de tir dans la mesure où elle se débrouillait déjà assez convenablement. Non, en fin de compte, il y avait bien plus primordial que cela ; elles se trouvaient toutes les deux en territoire kislévite, et Dokhara en avait la langue pénible.

Dans l’ancienne pièce principale d’une masure annexe, laquelle avait encore servi de laboratoire la veille, Lucretia appela à elle sa future progéniture. Armée de parchemins, de plumes et d’encrier, elle s’opiniâtra à apprendre les fondations du kislévarin, en commençant par l’alphabet. Elle lui fit écrire et réécrire les lettres en lui dessinant un premier et gracieux mode sur lequel la jeune femme put s’appuyer, lui apprit la prononciation de chacune d’entre elles, bien plus nombreuses que dans l’alphabet impérial, et les mélangea entre elle afin de composer différentes syllabes qui devinrent par la suite des mots de la vie de tous les jours.

Le vocabulaire venant généralement en dernier dans l’apprentissage d’une langue, car l’on ne pouvait plus incertain et aléatoire si l’on ne suivait pas les règles ô combien complexes de l’étymologie et des racines anciennes, Lucretia s’appliqua à lui enseigner les trois temps principaux sur base de verbes simples. Impossible, également, de faire impasse sur la grammaire et les déclinaisons de la langue ; ces dernières, de manière évidente, se prononçaient à chaque fois à la fin d’un mot, et en définissait la fonction. Ne pas user de ces déclinaisons revenait, en fin de compte, à jeter à la volée des mots sans qu’ils n’eussent aucune liaison entre eux pour retirer du sens à la phrase nouvellement formée. Par la suite, elle tenta d’inculquer à Dokhara de simples formulations pour se présenter, pour demander où elle se trouvait, tout en expliquant, à chaque fois, la conjugaison et la grammaire de chacun des mots qu’elle prononçait là dans ces exemples. A force d’usage et de répétition, quelques liens ne manqueraient pas de se former dans l’esprit de la jeune femme, ce qui lui permettrait d’appréhender un peu plus sereinement les prochains échanges en kislévarin. Et pour cause, dans l’apprentissage d’une langue, au plus on en savait, au plus on comprenait son fonctionnement, et au plus étions-nous en mesure d’en saisir les subtilités.

Lucretia imposa ses leçons non pas qu’au premier jour, mais également au second. Là, sa compagne n’avait pas encore tout à fait récupérer ; quoique l’effet de la toxine paraissait bien s’être résorbé, le venin demeurait encore et toujours quelque peu présent dans l’organisme de l’ancienne de Soya, et sa jambe continuait de la faire souffrir. Une fois de plus, les entraînements physiques étaient à proscrire. Qu’importait ; pour la Lahmiane, Dokhara se devait dans tous les cas de progresser dans son étude du kislévarin, et d’être suffisamment à l’aise pour balbutier l’ébauche d’une conversation avec le premier venu. Cela dit, l’Immortelle se demandait si elle ne perdait pas son temps ; peut-être était-il préférable qu’elle attendît la transformation de sa consœur. Là, sa faculté d’adaptation et de réflexion s’en trouverait subitement décuplée, et il était tout à fait probable que Dokhara comprît alors en quelques heures ce que Lucretia avait tenté de lui apprendre en deux journées entières. Mais elle se résolut malgré tout à poursuivre ses enseignements ; que pouvait-elle faire d’autre ? Les leçons continuèrent jusqu’au troisième jour.

« Vous me paressez subitement en meilleure forme, très chère ! Vous avez repris des couleurs. Dommage que vous deviez les perdre dans la soirée », ironisa-t-elle dans un petit sourire cynique, en faisant référence à la transformation qui s’en suivrait. Elle lui attrapa la main, et, d’un simple mais net coup d’ongle, traça un petit sillon sanglant sur la peau de la jeune femme. Une goutte perla, que Lucretia récupéra d’un doigt. Elle en huma le parfum, et en appréhenda le goût du bout de la langue avant de hocher distraitement du chef, perdue dans ses pensées.

« Oui. Oui, je pense que vous êtes enfin parvenue à totalement éliminer le venin. »

Son regard distant sembla alors revenir à la réalité, se fixant sur Dokhara.

« Etes-vous prête ? »

L’esprit humain avait pour lui un certain manque de recul vis-à-vis de la situation dans laquelle il se projetait. Il demeurait aisé d’imaginer la manière avec laquelle l’on allait se comporter face à tel ou tel problème, avec quel aplomb l’on triompherait de toutes les difficultés, quel calme l’on conserverait au beau milieu d’un périple, ou de quelle pique sarcastique l’on se fendrait à l’encontre d’un hâbleur. Et pourtant, sitôt que survenait la réalité, si tôt que l’on se confrontait au véritable obstacle, et l’on perdait subitement nos moyens. Le rouge vous montait aux joues, votre langue devenait pâteuse, votre regard se faisait plus alerte, mais également plus craintif, et une peur latente gagnait votre esprit, chassant tout le courage qu’avait jadis échafaudé votre imagination. Dokhara ne faisait pas exception à la règle.

La jeune femme avait eu ses doutes et ses tourmentes tout au long de ces derniers mois. Lucretia avait cessé de compter le nombre de fois où elle avait perçu le soudain afflux de son sang dans ses veines, son cœur qui s’était abruptement mis à battre la chamade, l’appréhension qui avait traversé son regard, ou encore les différents tressaillements de ses cils lors d’une situation inattendue. Et quid, toujours, de ses dernières exaspérations, de ses éclats de rire nerveux, de ses larmes qu’elle avait dernièrement versées alors même que la transformation arrivait à grands pas ? Face à l’étreinte de la mort, même les cœurs les plus endurcis et les plus sûrs d’eux-mêmes commençaient à perdre toute consistance. Et, pour tant qu’elle s’en souvînt, Lucretia trouvait toutes ces émotions humaines pour le moins désagréables. Ce creux dans le ventre, l’impression que vos entrailles se tordaient sur elle-même, ou, dans les pires des cas, les muscles qui se contractaient plus que de raison alors même que le sang battait à vos tempes et que l’envie de vomir menaçait de vous submerger. La Lahmiane ne voulait pas de cela pour sa compagne. Elle ne désirait pas qu’elle souffrît ; à une vitesse vertigineuse, elle se glissa dans son dos, et, sans même que Dokhara eût la possibilité de répondre, lui planta ses crocs dans le cou.

L’Immortelle laissa toute sa magie imprégner la jeune femme ; alors même qu’elle lui perforait la peau, une douce et longue torpeur s’empara immédiatement de l’esprit de sa victime, qui manqua tout juste de s’effondrer sur elle-même. Continuant de la mordre et de lui ouvrir les chairs, Lucretia s’empara de son corps pour la porter jusqu’à son lit, où elle l’allongea doucement. Alors, elle la recouvrit de sa propre silhouette, et ses lèvres ne quittèrent plus la plaie avant de longues minutes.

Le sang ruisselait dans sa gorge, l’enivrant de saveurs mille fois renouvelées. Voilà longtemps qu’elle n’avait point bénéficié d’un tel festin ; d’ordinaire, dans la mesure où elle se nourrissait sur Dokhara, elle mobilisait la force de sa volonté pour ne pas succomber à la soif rouge, et lui ponctionnait uniquement de quoi se sustenter. Là, pour une fois, la vampire ne ressentait plus le besoin de se restreindre à cette limite connue d’elle seule ; elle aspira encore et encore, à longues lampées voraces, ce sang capiteux qui s’échappait de ce cou dans de grands bouillons entêtants. Submergée par tant d’émotions, elle ferma les yeux, sans même se rendre compte que ses crocs avaient déchiqueté que plus encore les chairs de la jeune femme. Plus de retenue, plus de véritable contrôle.

Au loin, les battements d’un cœur se mirent à chavirer. Voilà bien longtemps, là encore, qu’elle n’avait pas ouï pareille musique. Dans un premier temps, il tonna comme jamais, pulsant frénétiquement un sang qui venait toujours à manquer. L’organe ne désespérait pas dans son combat perdu d’avance ; il se battait jusqu’au bout, bien conscient qu’il s’agissait là d’une question de vie ou de mort. Les membranes s’opiniâtraient à charrier un sang de plus en plus faible. Elles s’exténuaient dans leur effort à fouetter encore et toujours ce liquide vital, s’épuisaient dans leur combat. A force, le cœur en vint même à s’étouffer lui-même ; si sa tâche n’était pas autre que de faire circuler le sang dans l’ensemble du corps, il en avait lui aussi besoin pour s’alimenter. Là, la ressource première ne se trouvait plus en quantité suffisante, et, peu à peu, ses forces commencèrent à lui manquer. Les battements décrurent, lentement mais sûrement, avant de subitement chuter. Pauvre organe, si obstiné dans sa survie, si désireux de voir un lendemain se lever. Il laissa sonner un ultime battement, comme le glas final qui l’emporterait définitivement vers la mort.


Lucretia ouvrit les paupières, revenant une fois de plus à la réalité. Ses iris smaragdins s’étaient colorés d’un voile plus clair encore qu’à l’accoutumée, et paraissaient presque disproportionnés par rapport à leur taille habituelle. Elle laissa errer son regard sur le corps sans vie qu’elle tenait entre ses bras. Jamais n’avait-elle vu Dokhara aussi pâle, et pour cause, le mot lui paraissait subitement bien faible. Blafarde, exsangue, hâve, livide ; elle était là, les yeux grands ouverts fixés sur un plafond qu’elle ne pouvait plus voir. Sans force, sans conscience, sans volonté propre, elle gisait là, les membres ballants, plus vulnérable que jamais. Avec un certain recul, avec sadisme et cruauté, Lucretia apprécia de penser qu’elle pouvait tout aussi bien la laisser telle qu’elle, alors que les secondes les plus précieuses de l’existence de la jeune femme s’écoulaient là, maintenant, perdues à jamais. Joueuse, la Lahmiane se mit à compter, lentement.

Un.

Deux.

Trois.

Quatre.

Elle secoua la tête dans un petit sourire amusé, tout en haussant des épaules. A quoi bon se faire peur, pourquoi diable jouer ainsi avec le feu ? Rapprochant son poignet de ses lèvres, la Lahmiane y mordit à pleine dent, déchiquetant à son tour ses propres chairs, ses propres veines. Un sang foncé ruissela une fois de plus, coulant le long du bras de l’Immortelle, avant de goutter sur le visage de Dokhara. Elle redressa la tête de cette dernière, et appliqua sur les lèvres de la jeune femme la blessure qui lui sabrait la peau.

Lucretia entendit plus qu’elle ne le sentit le flot de rang dégouliner à ton tour dans la gorge de sa compagne inconsciente. Il cascadait allégrement sur le pharynx, traversait tout l’œsophage, et remplissait l’estomac avant d’être subitement digéré par le corps. Mais ce n’était pas tout ; comme la toxine ayant manqué de tuer Dokhara, il se disséminait aussi, corrosif, entre les muqueuses et les chairs. Vidé de tout son sang, ou presque, son corps ne pouvait plus se défendre, et se retrouvait submergé par un liquide contenant bien trop de substances et d’informations pour qu’il fût en mesure de le traiter. Perdant le combat, l’esprit, et ses moyens, Dokhara, pourtant inanimée, se contorsionna dans une brutale et unique ruée, avant de retomber, inerte, entre les bras de Lucretia. C’était là tout ce que cette dernière attendait ; après avoir laissé tomber de sa blessure qui commençait déjà à cicatriser les dernières gouttes de son sang, elle se releva simplement, et quitta la pièce.


***




Un certain nombre d’heures ou de jours passèrent sans que Lucretia ne les remarquât véritablement. Plongée dans une longue léthargie, elle se contenta d’attendre, de patienter, et d’attendre encore, veillant silencieusement sur le corps de Dokhara. Elle n’entendait rien venant de ce dernier, pas plus qu’elle ne ressentait la moindre vibrance en sa provenance, mais l’Immortelle détenait la certitude que la Dhar était bel et bien à l’œuvre.

Puis, subitement, un beau jour, la jeune femme étendue sur le lit se mit à tressaillir. Lucretia tourna la tête dans sa direction, que pour mieux voir une jambe qui remuait vaguement. Les paupières closes de l’ancienne baronne cillaient frénétiquement, comme si elles livraient un dur combat contre une force invisible. Dokhara pivota dans un sens, puis dans l’autre, gesticulant toujours faiblement de manière hasardeuse. Puis elle ouvrit les yeux.

Lucretia se porta à sa hauteur, et s’assit à son chevet. Avec douceur, elle réajusta les mèches éparses de la jeune femme, et laissa traîner le dos d’un index sur sa joue.

« Bienvenue à toi, ma fille. Bienvenue dans ta nouvelle vie. »
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 15 sept. 2019, 15:45, modifié 1 fois.
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Ma Fiche
Objets particuliers:
- * Anneau Nowelleux (+1 INI)
- Amulette (relance d'un EC: 2/3 utilisations disponibles)

Compétences acquises et Dons du Sang

COMBAT :
Attaque : Coup précis (3), Arme de prédilection ( épée à une main)
Défense : Esquive, Acrobatie de combat, Sang vif (2) (DDS), Coriace,
Autres : Régénération Impie (DDS), Innocence Perdue (DDS), Valse Macabre


MAGIE :
- Sens de la Magie
- Conscience de la Magie
- Maîtrise de l'Aethyr - niveau 3

CHARISME :
- Diplomatie
- Éloquence
- Séduction
- Intimidation
- Comédie
- Etiquette
- Intrigue de cour

INTELLIGENCE :
- Domination (DDS)
- Érudition
- Littérature
- Linguistique
- Histoire
- Administration
- Enseignement
- Connaissance végétale
- Langue étrangère : Kislévarin
- Connaissance des démons

INITIATIVE / HABILETE :
- Sang vif (DDS)
- Réflexes éclairs
- Escalade
- Monte - chevaux
- Sens Accrus
- Vision nocturne

AUTRES :
- Défi de l'Aube (DDS)
- Ame Profane (DDS)
- Forme de Familier : Corneille (DDS)
- Sang argenté (DDS)
- Alphabétisation
- Force accrue
- Chance
- Préparation des poisons

Inventaire :
- Griffe d'Ursun
- Veste de cuir & pèlerine en "voyage" / robe habillée en "réception"
- Anneau de promptitude
- Bague du tumulus
- Sacoche de chanvre
- Lettre de la comtesse
- Gemmes et pépites d'or
- Fleur de salicaire
- Glandes à venin
- Poison (?)

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Dokhara de Soya
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Dokhara de Soya »

Lucrétia n'était pas femme à procrastiner, pour le plus grand déplaisir de l'ex baronne de Soya. Sitôt l'anti-venin enfin préparé et bu, que déjà lui venait la nécessité d'occuper constructivement les heures à leur disposition. Dokhara n'eut, dès lors, plus le loisir d'utiliser son temps libre selon son bon vouloir : la lahmiane s'était mise en tête que son amante ne pouvait pas rester plus longtemps inculte du langage utilisé dans leur pays d'adoption, et qu'elle avait donc le devoir de lui enseigner de meilleurs rudiments que les quelques insultes grivoises qu'elle avait retenu jusqu'alors. Pragmatiquement parlant, elle avait bien sur raison ; si Dokhara avait pris la résolution d'améliorer ses compétences d'équitation dans un pays plaçant le cheval au centre de leur mode de vie, pareille réflexion ne pouvait lui permettre de mettre de côté l'apprentissage du kislevarin.

Ainsi Dokhara redevint trois jours durant la petite fille qu'elle était à Altdorf, qui prenait des cours de reikspiel avec son percepteur, plume en main et bâillements en bouche. Elle n'avait jamais été bonne élève en quelconque matière qui lui était imposée, ses talents d'apprentissage ne se dévoilant que lorsqu'ils servaient ses désirs d'évasion. Mais pour Lucretia, elle fit autant d'efforts que possibles, tâchant de lui ressembler dans sa passion pour la nouveauté quand bien même ce n'était pas un trait naturel pour elle. Elle se concentra autant que possible dans l'écriture de l'alphabet que sa prononciation, puis dans un début de compréhension de la grammaire kislevite malgré sa complexité. Du réveil au coucher, les seuls moments de répit que lui accordèrent la vampire furent pour se sustenter et dormir ; et le soir venu, même la libido exacerbée de Dokhara ne survivait pas à l'appel du sommeil exigé par un cerveau éreinté par l'effort.

Véréna soit louée, l'antidote n'avait eu besoin que de trois jours pour éliminer les toxines dans son sang - une journée de plus avec pareil rythme de vie aurait sans nul doutes poussé Dokhara à abréger ses jours d'elle-même. Et pourtant, occuper ainsi son esprit n'était pas déplaisant : si Dokhara était désormais résolue à son sort, il était plus agréable de ne pas avoir trop de temps à y penser malgré tout.

Le matin du troisième jour Dokhara observa le soleil dans le ciel à travers l'un des trous de la toiture - le drap qu'elle y avait installé en protection s'était dénoué sous la force d'une bourrasque trop violente la nuit dernière, et s'était envolé pour disparaître dans la tempête. La nuit en avait été encore plus éprouvante que les précédentes, et malgré les couvertures, les fourrures et le travail de Lucrétia pour maintenir leur feu allumé, Dokhara n'avait cessé de trembler de tous ses membres. Malgré toutes les qualités de la lahmiane, fournir un peu de chaleur corporelle resterait toujours hors de sa portée.
Observer l'astre solaire derrière un nuage blanc n'était pas un acte anodin. La jeune femme se sentait particulièrement ragaillardie, la douleur de son mollet n'était plus qu'un souvenir. Elle avait peu dormi à cause du froid, mais elle n'avait jamais été une grosse dormeuse de toutes manières, entraînée dès l'adolescence à multiplier les activités nocturnes. Elle savait ce que signifiait ce regain de santé, ce qu'il se déroulerait aujourd'hui. Sauf nouveau contretemps, ce serait la dernière fois qu'elle observerait le soleil ainsi : très bientôt, il deviendrait son pire ennemi.

Lucrétia étant absente de leur demeure en ruines au réveil, Dokhara en profita pour faire une dernière chose qui lui tenait à cœur. Elle s'était occupée de mettre de l'ordre dans ses souvenirs des vivants et des morts, mais il était encore d'autres entités qu'elle n'avait pas salué dignement avant son trépas.

Devant le foyer allumé dans l'âtre, Dokhara s'agenouilla, puis ferma les yeux pour prier, à sa manière.

Ranald. Alors que j'étais une colombe prise au piège, tu m'as envoyé le comte Jäger pour me libérer. Le grain de sable dans la machine de mon père, la révolte d'un petit monde bien ordonné. C'était bien, les années avec toi. Ça a mal fini. J'ai gardé ton pendentif longtemps, cette petite croix en or. Mais le jour où mon monde s'est écroulé, où la baronne de Soya a tout perdu, je l'ai laisé derrière moi. Et toi avec. J'ai entendu tes dés cliqueter trop de fois, et maintenant c'est fini : c'est moi qui les jetterais, désormais.

Rhya. Tu as essayé de sauver ce qu'il y avait de bon en moi. Tu m'as envoyé la Waldmutter en personne pour ça. Je suis désolée de ne pas avoir réussi à prendre cette main tendue. Je suis désolée d'avoir choisi Lucrétia plutôt que toi. Je ne pense pas devoir te remercier pour les sentiments sincères que j'ai développé pour la monstruosité qu'elle est, ils sont de mon fait et non du tien. Mais... je suis heureuse comme ça. Et si je dois devenir une anathème à tes yeux pour le rester, ainsi soit-il.

Slaanesh enfin. Je mériterais de brûler pour seulement accoler ton nom aux deux autres. Mais à vous trois, plus que tous les autres dieux réunis, vous avez été les guides de ma vie. Ou les marionnettistes tirant mes ficelles. L'année à tes côtés... c'était fabuleux. Braver toujours davantage l'interdit, oublier toutes les règles pour ne plus me concentrer que sur mon plaisir, encore et encore... tu es la plus sublime des addictions. Tu m'as tout pris, absolument tout, pour me jeter sur le bas côté comme un jouet usé. Et pourtant si je pouvais le refaire, je le referais avec le sourire, espérant que tu ne me souilles que davantage encore. Mais à la fin... ça m’énerve que tu finisses toujours gagnant. Voler l'argent de tes petits cultistes, c'était une belle façon de te dire merde. Je suis trop égoïste pour t'appartenir : preuve en est que si tu as ravagé tout ce que je touchais, tu n'as pas réussi à me conserver, moi. Alors merci pour ces délicieux moments, et adieu, salopard.


Lorsque Lucrétia entra dans la demeure, ramenant un sac plein de bois pour le feu, et qu'elle surprit sa compagne agenouillée devant le feu, Dokhara se releva dans la seconde pour lui bondir au cou avec un grand sourire affiché, avant de la couvrir de baisers.

Comme elle s'y attendait, pareille énergie après deux jours difficiles ne passa pas inaperçue aux yeux smaragdins de son amante. Lui retirant son gant, elle entailla légèrement le poignet de la jeune femme d'une simple griffure du pouce, avant de goûter une perle de sang ainsi récoltée.

- Hey, vous pourriez prévenir quand vous faites ça ! grommela t-elle en réponse, son agacement factice rapidement trahi par un nouveau sourire. Elle retrouva pourtant bien vite son sérieux dès lors que Lucrétia, satisfaite de son apéritif, lui posa la question fatidique.

« Etes-vous prête ? »

Alors c'était maintenant. Au réveil de bon matin. Elle pensait qu'elle avait encore la journée devant elle, qu'il lui resterait quelques heures à savourer, du temps pour se préparer avant de... avant de...

Pas le temps d'ordonner ses pensées. Lucrétia n'avait pas attendu sa réponse. En un éclair, elle s'était déplacée juste derrière elle, et avait planté ses crocs dans sa gorge. En réaction immédiate, Dokhara ne put que pousser un glapissement de plaisir malgré sa peur.

Attendez ! Non ! C'est trop tôt ! Je voulais vous dire que... que je... Lucrétia... ne faites... pitié...

Mais pas une seule de ces protestations mentales ne réussit à franchir la barrière de ses lèvres. La douce langueur magique accompagnant la morsure de la vampire était trop forte, plus puissante que la plus terrible des drogues, et déjà l'esprit de Dokhara s'effritait. La réalité s'écroulait autour d'elle, et ses pensées s'étiolaient sous l'influence du plaisir léthargique.

Je ne... ...veux... ...pas.

Impossible de se défendre, son corps refusait de répondre.

Seules deux larmes se mirent à couler le long de ses joues, alors que son esprit se laissait porter au loin, vers les douces limbes de l'inconscience.




***




Un bruit d'eau qui s'écoule. C'est à peine audible dans un premier temps, ça la réveille à peine de sa torpeur. Mais le son s'accentue, le mince filet qui tombe goutte à goutte devient peu à peu plus bruyant, et c'est le bruit d'un courant de rivière rapide qui se développe peu à peu. Avec l'ouïe lui revient aussi le toucher, et elle peut sentir ce liquide qui coule le long de ses chevilles. Ses deux pieds nus sont dans l'eau, qui glisse contre sa peau et la chatouille. La sensation s'accentue, le bruit d'écoulement se fait peu à peu plus fort, et la pression du courant contre ses chevilles devient pénible.

Elle ouvre les yeux.

Elle est seule dans la pénombre. Il n'y a qu'elle, debout au milieu d'un fleuve rouge écarlate. Une rivière colérique, dont le ruissellement se fait de plus en plus agressif. le niveau de l'eau monte, rapidement il atteint ses mollets, puis ses genoux. Et au loin, il y a un autre bruit. Le bruit de la destruction, du fracas des eaux vers les profondeurs. Le bruit de la fin.

- Lucrétia !

Aucune réponse à son appel. Et la panique qui monte, lui serre la gorge, lui fait couler des larmes de sang. La course de l'eau la pousse inexorablement vers la chute au loin, vers le néant. Hors de question de se laisser porter. Elle sait que la vampire l'entend, elle en est persuadée. Alors elle hurle à son encontre :

- Je refuse !

Elle met un pied devant l'autre, et refuse de se faire malmener par l'agitation du fleuve. Elle mobilise ses muscles, et regardant droit devant elle, elle progresse à contre-courant. Pas moyen de se laisser faire, elle remonterait jusqu'à la source, jusqu'à elle, et elle couperait l'écoulement à sa source. Elle n'avait pas le droit de la contraindre, pas le droit de ne pas attendre son consentement, pas le droit de le faire comme ça. Elle n'était pas prête !

- Tu m'entends, Lucrétia ? Putain de salope égoïste, je refuse !

Comme en réponse à son agression verbale, le courant se fit plus violent encore. Le niveau de l'eau monta soudainement jusqu'à son bassin, et une vague écarlate venue de nulle part la percuta pour l'envoyer sous la surface.


Image
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Portée par l'onde, elle tourneboula sous les flots à moitié groggy, sa tête percutant un rocher porté par le courant, avant de réussir à retrouver de quoi prendre appui au fond de l'eau pour ressortir sa tête des rapides.

Car c'était ce que c'était devenu. Un torrent de sang : son sang, qui quittait son corps et s'écoulait dans la gueule carnassière de Lucrétia qui en aspirait chaque goutte. Plus aucune retenue chez cette créature avide de liquide vital, qui la siphonnait de toute ce qu'elle possédait.

Derrière elle, la chute était plus bruyante encore. De petit écoulement à cascatelle d'hémoglobine, c'était désormais devenu une putain de cataracte meurtrière vers laquelle le courant la poussait de plus en plus fort. L'eau lui montait à la poitrine, et sa course agressive ne désirait que l'emporter avec elle vers sa destination finale. Le liquide écarlate changeait de couleur, il s’assombrissait au fur et à mesure qu'il prenait de l'ampleur, devenant peu à peu carmin. Et il charriait des cailloux et rochers, qui percutaient son corps, la blessaient, et ajoutaient son sang à la marée.

- Jamais !

Un pas. Un autre. Des vagues se formaient et percutaient ses épaules et son visage, le sang venait remplir sa bouche et agresser ses pupilles. Qu'importe. Elle ne lâcherait rien.
Avancer, encore. N'écouter que cette rage dans son estomac, cette colère instinctive qui la protégeait. Elle avait survécu au charnier des gitans, au minotaure, à la coquatrice, grâce à cette hargne primitive qui grondait en elle. Qu'importait si c'étaient ses pas qui l'avaient mené ici jusqu'alors, qu'importaient ses discours sur l'acceptation de la mort et la manière dont elle s'était convaincue. Dans les tréfonds de son être, elle se battrait jusqu'à sa dernière goutte pour rester debout. Elle refusait ce destin, refusait sa fin, refusait de mourir, refusait de tomber en bas de la cascade pour atterrir devant les portes du jardin.
Les dents serrées, les muscles arqués, le visage éclaboussé du torrent d'un sang devenu sombre et épais, Dokhara menait un combat qu'elle ne pouvait pas gagner. Elle le savait, mais elle s'en foutait. Sa volonté l'avait mené jusqu'ici. Elle avait survécu à tous ses ennemis, aussi monstrueux et inhumains soient-ils. Elle avait défié Morr, encore et encore, et avait toujours gagné. Son esprit explosé par la folie refusait d'accepter la défaite.

Et pourtant, alors que désormais seule sa tête dépassait hors du sang, elle fut forcée de s'arrêter. Le courant était si fort que toute sa force physique ne pouvait réussir un autre exploit que de la maintenir sur place. Tous ses muscles étaient tendus à leur paroxysme, mais malgré cela il était devenu impossible de faire le moindre pas supplémentaire - elle pouvait au mieux rester immobile. Avant que l'écoulement ne s'accélère encore, que son corps lâche prise dans cet effort délirant, et qu'elle se retrouve portée par les flots vers sa fin.

Elle hurla comme une damnée.

- JAMAIS !

Ce n'était pas que son sang qui s'échappait de son corps. C'était son être tout entier qui courait vers l’abîme, ses pensées, ses convictions, ses espoirs, ses croyances. Tout ce qui composait Dokhara de Soya se faisait charrier de force vers la mort, tout ce qui faisait d'elle qui elle était disparaissait dans l'oubli, et même la belle couleur carmine de son hémoglobine devenait désormais d'un noir d'encre agressif et corrosif qui lui brûlait la peau. C'est à peine si elle savait encore qui elle était, contre qui elle luttait, pourquoi elle était là à souffrir le martyr, à lutter de toute sa force contre l'inéluctable. Il ne restait que des fragments d'une femme à la volonté invaincue, qui épreuve après épreuve n'avait eu de cesse que de trébucher pour se relever en serrant les dents, et qui refusait obstinément de rester à terre.

Elle ne se rappelait plus de Wildred de Soya, et de ses tentatives pour limiter son existence à la valeur d'un trophée à offrir un bon parti. Elle ne se rappelait plus des bienfaiteurs et de Ranald, de la supposée liberté qu'ils lui avaient offert pour mieux l'abandonner aux mains d'un homme contre lequel ils refusaient d'agir car il avait le malheur d'être du bon côté de leur balance morale. Elle ne se rappelait plus des lois de Rhya qui lui intimaient de ne respecter que la vie et de haïr ses adversaires. Elle ne se rappelait plus de Slaanesh, de ses cadeaux empoisonnés pour mieux lui dérober son âme. Elle ne se rappelait plus de rien, ni son nom, ni son histoire. Mais elle se rappelait comment elle avait agi toute sa vie. En disant non. En se débattant de toutes ses forces pour briser ses chaines, écarter les barreaux des cages, et ne jamais faire autre chose que ce qu'elle désirait. Personne n'avait le droit de la contenir, de la limiter, de la posséder. PERSONNE.

Mais elle allait perdre cet ultime combat. Elle allait s'effacer dans l'oubli, et qu'importait ce qu'il y avait en bas de la cascade. Qu'importait si son être se renaissait à l'arrivée, car elle en avait la conviction : ce ne serait plus elle. Et tant pis si elle n'avait même plus la force de savoir ce qu'elle était, elle était incapable de l'accepter malgré tout.

Un énorme rocher percuta sa jambe gauche, qui ne put que lâcher prise. Son corps fut alors emporté par le torrent noirâtre, l'eau devenue épaisse et chargée de toxines emplit sa bouche et ses poumons, brûlant son corps tant de l'extérieur que de l'intérieur. Il ne s'agissait que de l'affaire de quelques secondes avant que son corps de pantin désarticulé ne tombe des chutes pour disparaître à tout jamais. Et dans cet instant où n'aurait du subsister que la terreur de l'anticipation de sa fin inéluctable, Dokhara retrouva pourtant une sérénité à toute épreuve. Tout devenait limpide, évident.

Je dois emporter quelque chose de l'autre côté. Une ultime part de moi qui passera la frontière de Morr.

Elle n'eut pas besoin de réfléchir bien longtemps pour savoir à quoi s'agripper. Ce qui faisait toute l'essence de son être, la force qui l'avait animée et caractérisée toute sa vie. Peu importaient les dommages collatéraux, qu'elle doive faire le bien ou le mal, elle se foutait des conséquences de ses actes. Une seule chose comptait.

Sois libre.


Toutes ses pensées éclatées et explosées de nouveau maintenues toutes ensemble par des filaments indestructibles en direction de cet unique cœur. Tout ce qui restait de Dokhara de Soya, articulé autour de deux mots simplistes qui avaient régi toute sa vie. Elle n'était plus un corps, une baronne, une impériale, une humaine ou une femme. Cette chose qui bascula du haut de la cascade noire n'était plus qu'une pensée aussi minuscule et simple, qu'indestructible.

Peu importait que tout le reste s'écrase en contrebas, se disloque et disparaisse. Car elle en était persuadée, ce qui resurgirait des flots ensuite portera en lui ce qui définissait l'essence même de ce qu'elle était.

Dokhara de Soya ne mourra pas.


Image

***


Duduc ayant insisté pour avoir une musique extrediégétique pour ma transformation, je me permets donc de démarrer ma non-vie sur ceci avec le volume poussé exagérément haut :D
Pendant son sommeil - sa mort - la dhar avait envahi chaque parcelle du corps de Dokhara. Le sang vicié de Lucrétia avait parcouru chaque recoin de son être, détruit l'inutile pour le remodeler plus fort, avant de s'installer définitivement, pulsant dans ses veines et ses muscles. Le processus de métamorphose avait pris la journée entière, et ce n'est que la nuit venue que la nouvelle vampire revint à elle, la sinistre magie ayant terminé son ouvrage.

Elle ouvrit les yeux.

Trou dans le toit. Flocons qui tombent. Elle les voyait distinctement, chacun d'entre eux, ces petites formes d'étoiles cristallisées infiniment complexes et toutes différentes. Elle pouvait les compter si elle le voulait. Son esprit se perdit cinq secondes dans cet exercice. Ce n'était pas une première activité pertinente, mais l'important n'était pas de savoir pourquoi elle le faisait : l'important, c'est qu'elle le pouvait.

Un doigt sur sa joue la ramena à la réalité. Elle tourna lentement la tête en direction de la femme à son chevet. C'était Lucrétia.

Tous ses souvenirs lui revinrent en un instant. Qui elle était, pourquoi elle était là, ce qu'elle était désormais.
Elle offrit à son amante un sourire désarmant.

- Bonjour maman.

Elle se releva lentement, prenant conscience de son nouveau corps. La première chose qu'elle aperçut fut sa main. Lucrétia lui avait retiré ses deux gants blancs, pour une excellente raison : ses ongles étaient devenues de longues griffes noires comme l'ébène, tranchantes comme des rasoirs. Quant à la peau de sa main, elle était devenue blafarde, presque translucide par endroits, laissant deviner des muscles techniquement morts, mais pourtant plus vigoureux que jamais grâce à la dhar qui les irriguait.

- Oh.

Elle agita ses griffes devant ses yeux, jouant avec ses doigts les uns après les autres, tournant sa main d'un côté puis de l'autre pour observer chaque détail de cette nouveauté. Des armes naturelles destinées à perforer, trancher, tuer.

C'était joli.

Elle tenta de les rétracter. De faire comme Lucrétia, cacher son apparence de vampire pour retrouver celle de l'humaine qu'elle fut. Mais force était de constater que son effort mental ne menait pas à grand résultat - il devait y avoir là quelque maitrise nécessaire de la magie qui coulait dans ses veines pour arriver à ses fins. Elle haussa les épaules sans se soucier davantage de cette broutille.

Son attention virevolta de détail en détail, à toute vitesse. Elle pouvait déceler les poils composant sa fourrure de renard blanc. Elle pouvait percevoir l'odeur du cadavre de la coquatrice en décomposition, pourtant à une trentaine de mètres d'elle, dehors. Elle sentait le bois vermoulu de la poutre au plafond qui résistait difficilement à l'effort du temps, et dont les sciures venaient déranger son odorat de façon déplaisante. Elle pouvait entendre le bruit des flocons qui percutaient chacun leur tour le toit de leur masure en ruines, et le sol devant elle lorsqu'ils passaient par le trou au plafond. Le gout rémanent du sang de Lucrétia hantait encore son palais, et bien vite, sa langue vint nettoyer ses lèvres encore recouvertes de l'hémoglobine vampirique séchée. Ce faisant, elle heurta naturellement ses autres attributs plus caricaturaux : ses dents s'étaient acérées, et surtout, ses canines étaient devenues de véritables crocs, prêtes à déchirer la chair pour parvenir à leurs fins. Par jeu, elle perfora sa langue avec l'une d'elles, avant de savourer son propre sang. Pas mauvais.

Elle avait changé, c'était indéniable.

- 'Permettez ? demanda t-elle sommairement à sa consœur, alors qu'elle l'écartait doucement d'un bras afin de pouvoir évoluer dans la pièce, puis sortir de la demeure.

Sitôt dehors, sous la lueur faiblarde des étoiles et des deux lunes cachées derrière les nuages, elle commença à procéder à quelques expériences. Elle sauta tout d'abord, estimant la hauteur à laquelle les muscles de ses jambes pouvaient la porter. Puis elle courut, suivant les ruines de ce qui fut une muraille pour la petite tirsa, en faisant le tour trois fois, d'abord en sprintant, puis en testant différemment ses appuis pour minimiser au maximum le bruit qu'elle produisait lorsque son peid s'enfonçait dans la neige. C'était facile, et instinctif. Elle n'avait même pas besoin de réfléchir - son corps trouvait le rythme à adopter de lui-même, sa posture s'adaptait pour maximiser sa vitesse, ses jambes s'arquaient parfaitement de manière à ce que son pied ne fasse qu'effleurer le sol en silence pour d'une seule impulsion réussir à prendre un puissant appui pour le pas suivant. Elle bondissait autant qu'elle courait, animal prédateur capable de traquer sa proie en silence. De même pour sa vision : malgré la faible luminosité, elle percevait chaque objet autour d'elle avec une incroyable netteté malgré sa vitesse, apercevant ce lapin blanc qu'elle effrayait, ou cette racine qui dépassait légèrement de la neige, et ce alors qu'elle en était encore bien trop éloignée pour l’œil humain. Quand au froid glacial qui régnait de nuit, les bourrasques gelées charriant mille flocons s'écrasant sur son visage, cela fut l'occasion de constater que cela ne la gênait aucunement. Elle sentait le froid, comprenait ce qu'il aurait du induire sur son ancienne personne, mais désormais il ne le dérangeait plus le moins du monde.

Puis elle s'arrêta aux côtés d'un pan de muraille qui avait survécu au temps. Et elle le frappa, encore et encore, avec ses deux poings fermés. Elle ne ressentait aucune douleur, ou plutôt si. Les impacts vibraient dans ses muscles, les chocs résonnaient dans ses phalanges, et l'information nerveuse signalait bel et bien à son être que c'était désagréable. Mais elle n'en avait cure. Des gravats sautaient dans tous les sens, des pierres se déchaussaient, et en moins d'une vingtaine de secondes, le pan de mur qu'elle saccageait s'écroula de lui-même avec fracas. Dokhara observa alors ses mains avec le sourire d'une enfant fière de ses bêtises. Pas une trace de blessure ne venait salir ses belles phalanges desséchées. Ses mains étaient aussi parfaites qu'à son réveil, alors qu'elles venaient de s'en prendre à des blocs de pierre.

Enfin, elle fit quelques enjambées vers son amante en riant, souhaitant l'embrasser langoureusement pour partager son enthousiasme. Malheureusement, c'était sans compter sa réticence envers leur vraie nature - Lucrétia n'était pas femme à affectionner quelqu'un dépourvu de ce charme humain qu'elle appréciait tant, et son visage trahissait clairement son absence d'intentions calines tant que le problème de son apparence ne serait pas résolu.

La nouvelle lahmiane reprit son sérieux, plantant ses deux yeux lavandes dans les belles émeraudes de sa consoeur, pour s'adresser à elle avec un sourire sincère.

- C'est parfait

Le sourire s'agrandit, pour devenir un rictus carnassier qui devait être familier à Lucrétia tant il était caractéristique d'une petite rouquine motivée à aller commettre quelques bêtises. Une petite rouquine désormais parée d'une rangée de crocs terrifiante.

- Et maintenant, maman ? J'ai cette force magnifique qui s'agite en moi, et qui a vraiment, vraiment envie de s'exprimer. Alors je t'écoute, ma tutrice, ma Lucrétia... par quoi commencer ma... non, notre nouvelle vie ? Reprendre forme humaine serait sans doute un début pour que tu acceptes de m'étreindre dignement, afin de fêter comme il se doit ma renaissance, mais je ne suis pas sure de bien appréhender la méthode à adopter.

A la vérité, Dokhara se doutait du pourquoi du comment. Si tout le reste lui était venu instinctivement, c'était parce qu'elle ressentait l'envie de le faire. Pour ce qui était de son apparence, elle trouvait son sa nouvelle monstrueuse forme absolument fascinante, et n'était aucunement pressée de se complaire dans un mensonge illusoire. Elle se trouvait magnifique ainsi, et malgré son désir de plaire à Lucrétia, elle rechignait un peu à faire preuve de bonne volonté.

Par ailleurs, Dokhara ne ressentait rien de la soif rouge dont Lucrétia lui avait tant parlé, ce besoin terrible qui, elle le lui avait assuré, serait plus exigent encore que tout ce qu'elle avait pu expérimenter comme dépendance dans son ancienne vie. Certes, il y avait au fond d'elle une petite faim, un vague désir de se nourrir, mais rien d'impératif qu'elle ne pouvait contenir avec le sourire. Nul doute qu'encore une fois, son amante l'avait sous-estimée.

Apparence de Dokhara en vampire :
Image
Jets de dés faits en mp avec Duc :
Tentative de reprendre une apparence humaine (INT) : 19, puis 14. Dokhara n'y arrive pas du tout, du tout :D
Résumé de progression des compétences en cours d'apprentissage :
Langage : kislévarin 2/4 (+1 grace aux cours de Lucré)
Ambidextrie : 3/4
Escamotage : 1/2
Adresse au tir (arbalètes) : 1/3
Monte : 1/2
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 25 sept. 2019, 17:05, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total : 96 xps
Dokhara de Soya, Voie de la Belle Mort, Beauté mortelle

Profil : For 11 | End 11 | Hab 14 | Cha 17 | Int 12 | Ini 13 | Att 12 | Par 11(13) | Tir 10 | Mag 11 | NA 2 | PV 110/110

Compétences :
- Sociales : Diplomatie, Éloquence, Empathie, Étiquette, Séduction
- Artistiques : Chant, Danse, Musique (violon), Tatouage
- Intellectuelles : Alphabétisation, Langue étrangère (kislévarin, strygani)
- Martiales : Ambidextrie, Bagarre, Fuite, Monte, Parade, Résistance accrue (spécialisation alcool), Sang-froid
- Divers : Sens Accrus
- Dons Du Sang : Regard Hypnotique, Régénération Impie
Compétences en cours d'apprentissage :
Escamotage : 1/2
Adresse au tir (arbalètes) : 2/3
Équipement :
Armement :
- Griffe d'Ursun : 18+1d8 dégâts ; 12(24) parade. Rapide. Chaque attaque réussie qui résulte en une perte de points de vie pour l’adversaire inflige -1 Att/Hab/Par le tour suivant. Si trois touches sont infligées au même tour, les malus durent alors 2 tours et infligent un malus supplémentaire de -1 Na. Les malus cumulés ne peuvent pas excéder -4 Att, Hab et Par et -1 Na.
- Main gauche : 8+1d6 dégâts ; 8(16) parade ; Rapide. +2 PAR si utilisée en conjonction avec une autre arme. Lors d'une parade, c'est le score de parade de l'arme en main droite qui compte pour le premier jet, celle de la main gauche pour le second jet si relance.
- Poignard : 12+1d6 dégâts ; 6(12) parade ; Rapide. Peut être utilisé comme arme de jet
- Arbalète : 34+1d8 dégâts : Malus de -2 TIR tous les 30 mètres ; Perforante (4) : Un tir par NA maximum.

Armure :
- Veste et jambières en cuir : 5 de protection partout sauf tête
- Tunique noire druchiie : 2 de protection sur tout le corps
- Cape de dissimulation, permet de devenir invisible si immobile (v. wiki)

Équipement de voyage (fontes de selle, pas systématiquement porté) :
- Sellerie splendide
- Nécessaire de tatoueuse
- Violon
- Arc courbe + flèches des anciennes
- Lame en or marin
- Huile d'amande
- Surplus de drogues, poisons, ingrédients (Dodo a 2 de chaque sur elle, pas plus)


Awards \o/
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Dream Team 2018 et 2019 avec Lucretia Von Shwitzerhaüm
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Lucretia Von Shwitzerhaüm
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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Lucretia Von Shwitzerhaüm »


A peine Dokhara avait-elle ouvert les yeux que la peau opaline qui composait jusqu’alors son visage s’évanouit pour laisser place à une chair cireuse et endommagée. Lucretia tiqua, et retint de justesse un petit mouvement de dégoût. Sa fille ne maîtrisait pas encore ses tout premiers pouvoirs parmi lesquels figurait le plus important aux yeux de la Lahmiane ; celui d’adopter une apparence humaine vivante. Car, à n’en pas douter, si ce n’étaient les griffes acérées qui prolongeaient les doigts de la nouvelle Immortelle, ou si ce n’étaient les crocs qui dépassaient de sa mâchoire, la jeune femme ne dépareillait pas d’une humaine ordinaire, ou si peu. Sa mort étant toute récente, le cadavre animé qu’elle incarnait désormais n’avait pas encore eu le temps de se décomposer entièrement. Mais cela ne durerait point ; sa peau commencerait à arborer les premières tâches marron, ses pupilles se voileraient légèrement, et sa chair entamerait son processus de putréfaction. La baronne de Bratian pouvait encore faire un effort. Pour le moment.

Dokhara se leva doucement, dans une lenteur qui trahissait aussi bien son appréhension que la découverte de son nouveau corps. Elle étendit ses bras, observa ses mains, ses griffes, remua des épaules tout en s’abreuvant des mille nouvelles sensations que seuls les vampires pouvaient comprendre. La Lahmiane se mettait à sa place, des années et des années auparavant, quand elle commençait à prendre la mesure de ce qu’elle était devenue. L’ouïe acérée, la vue décuplée, le toucher accru, l’odora développé, et tout ce qui en découlait. Aussi la laissa-t-elle émerger dans ce monde où, à présent, elle jouerait le prédateur et non plus la proie. Un silence durable s’installa, le temps qu’elle prît conscience, un peu, de qui était-elle vraiment.

Son regard observa les environs, s’attardant sur cette myriade de détails que sa vue d’autrefois n’avait jamais pu percevoir. Elle leva la tête, humant toutes ces fragrances jusqu’alors inconnues. Dokhara continua en effectuant quelques pas, que pour mieux comprendre que la gravité n’avait subitement plus le même effet sur sa silhouette. Enfin, elle en vint même à titiller de la pointe de sa langue les crocs de sa dentition, avant de perforer cette première de ses nouvelles canines.

Dehors, la nuit régnait en maîtresse sur le monde, et le soleil n’avait pour le moment pas sa place pour déranger la nouvelle-née. A la faveur de l’obscurité, que pouvait désormais aisément percer Dokhara, cette dernière se mit à courir dans le village dévasté. Elle sauta, sautilla, bondit de toit en toit, repoussant toujours ces limites qu’elle ne parvenait pour le moment pas à atteindre. Lucretia, armée d’une patience inhabituelle, conservait le silence, se contentant de la laisser faire. Pas question de briser ce moment qui lui appartenait, d’autant plus que, céans même, elle ne risquait pas grand-chose. Il lui fallait de toute manière du temps avant que son esprit vampirique prît l’ascendant sur les vestiges de sa pensée humaine, chassant la plupart des peurs et des doutes qui la hantaient jadis.

S’arrêtant devant la palissade, elle éprouva sa nouvelle force en réduisant l’enceinte en petit bois. Ses poings heurtèrent et heurtèrent encore le mur à un rythme effréné qu’elle n’aurait jamais pu supporter de son vivant, occultant toute la douleur qu’elle aurait dû ressentir, et l’ensemble, rongé par les crevasses provoquées par ses coups, ne tarda pas à s’effondrer sur lui-même. Un grand sourire, quoiqu’un peu difforme, vint se ficher sur les lèvres racornies de Dokhara, et son regard pétilla de malice. En une enjambée, elle se porta à hauteur de Lucretia, sans doute désireuse de manifester son allégresse d’un baiser. Là, la Lahmiane ne put s’empêcher d’effectuer un pas en arrière ; non, certainement pas dans ces conditions-là. La nouvelle-née le comprit aussitôt et, sans trop en prendre ombrage, ne chercha pas à en faire davantage. En revanche, elle avoua son incapacité à se transformer comme il se devait, et chercha des conseils auprès de sa génitrice.

« Commence par cligner des yeux. »

Le ton était sans appel, un peu sec. Lucretia riva son regard dans celui de sa consœur, potentiellement surprise de ce conseil, avant de se permettre un petit sourire en coin. Elle répéta l’injonction en kislévarin, avant de continuer ses explications en reikspell.

« Tu ne ressens plus le besoin de le faire, mais il te faut continuer ce réflexe. Peut-être même devras-tu le réapprendre. Et respire. Oui ; utilise ton ventre pour aspirer l’air par le nez que pour mieux le rejeter par la suite. Si tu veux adopter une forme humaine, tu dois te comporter comme tel, dans un premier temps. Tu ne l’es plus, bien sûr, et ne le seras plus jamais. Tu resteras une créature surnaturelle capable de les écraser sans même sourciller, mais, quelque part, tu dois malgré tout conserver en toi ce petit fragment d’humanité. Pour le paraître, et pour le paraître uniquement. Car quid d’une magnifique jeune femme telle que tu le seras qui ne cligne jamais des paupières ? Et que dire si, en sus de cela, elle ne respire plus ? Il s’agit là des fondements premiers de la vie en société, des fondements auxquels tu ne peux déroger. »

Lucretia la laissa s’exercer quelque peu avant d’aborder un nouveau point.

« Je voudrais m’assurer également d’une chose. »

Dévoilant la paume de sa main, l’Immortelle se concentra brièvement pour y faire jaillir une petite flamme à la silhouette vacillante.

« Passes-y rapidement le doigt. Nous sommes au Kislev, pays dans lequel le froid tue aussi bien que la guerre, et où l’on y fait mille feux pour survivre jusqu’au lendemain. Je tiens à savoir vers quelle voie je m’engage à tes côtés, désormais, surtout si nous devons chasser dès cette nuit. Elle releva son regard de la minuscule langue de feu. Car oui, nous allons te nourrir. Cela t’aidera peut-être à récupérer plus de forces encore que tu n’en possèdes pour le moment, ce qui te sera bénéfique pour contrôler ton apparence, notamment. »

Par la suite, Lucretia alla quérir l’un de ces petits miroirs de verre qui coûtaient une véritable fortune et, se glissant derrière sa fille, le lui présenta.

« Ce serait tout de même un comble que tu ne puisses y apercevoir ton reflet, mais sait-on jamais, là encore… »
Je teste également la bague en argent sur Dodo.
Ensuite, l’on part à pied, mais armées, jusqu’à la Tolbol il me semble -la rivière ou le fleuve que l’on a longé en arrivant, de manière à savoir si Dokhara est sensible à l’eau courante. Il y aura certainement d’autres vérifications en fonction de ce que Lucretia peut identifier en matière de faiblesse vampirique si l’occasion le permet.
Et l’on cherche à manger pour Dodo.
=> Se mettre en haut d’une colline pour apercevoir un potentiel feu de camp ? Ou aller en direction de la mine d'Oulianovsk.

Egalement, combien de quantité de poison ai-je pu récupérer via les glandes de la cocatrice ?
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 25 sept. 2019, 17:04, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total : 102 xps
FOR 16 / END 14 / HAB 17 / CHAR 18 / INT 17 / INI 19* / ATT 17 / PAR 13 / TIR 11 / MAG 17 / NA 4 / PV 134/140
Ma Fiche
Objets particuliers:
- * Anneau Nowelleux (+1 INI)
- Amulette (relance d'un EC: 2/3 utilisations disponibles)

Compétences acquises et Dons du Sang

COMBAT :
Attaque : Coup précis (3), Arme de prédilection ( épée à une main)
Défense : Esquive, Acrobatie de combat, Sang vif (2) (DDS), Coriace,
Autres : Régénération Impie (DDS), Innocence Perdue (DDS), Valse Macabre


MAGIE :
- Sens de la Magie
- Conscience de la Magie
- Maîtrise de l'Aethyr - niveau 3

CHARISME :
- Diplomatie
- Éloquence
- Séduction
- Intimidation
- Comédie
- Etiquette
- Intrigue de cour

INTELLIGENCE :
- Domination (DDS)
- Érudition
- Littérature
- Linguistique
- Histoire
- Administration
- Enseignement
- Connaissance végétale
- Langue étrangère : Kislévarin
- Connaissance des démons

INITIATIVE / HABILETE :
- Sang vif (DDS)
- Réflexes éclairs
- Escalade
- Monte - chevaux
- Sens Accrus
- Vision nocturne

AUTRES :
- Défi de l'Aube (DDS)
- Ame Profane (DDS)
- Forme de Familier : Corneille (DDS)
- Sang argenté (DDS)
- Alphabétisation
- Force accrue
- Chance
- Préparation des poisons

Inventaire :
- Griffe d'Ursun
- Veste de cuir & pèlerine en "voyage" / robe habillée en "réception"
- Anneau de promptitude
- Bague du tumulus
- Sacoche de chanvre
- Lettre de la comtesse
- Gemmes et pépites d'or
- Fleur de salicaire
- Glandes à venin
- Poison (?)

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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Ouvrir en deux l'une des écœurantes pelotes de régurgitation laissées par la cocatrice avait permis à Lucrétia de trouver les restes d'un malheureux qui avait manqué de chance. Entre une botte à moitié digérée et une ceinture mâchouillée, la lahmiane avait déniché une sacoche en cuir dont le contenu était relativement intact : une bouteille de vodka pour terminer son antidote, et un parchemin tâché. La baronne de Bratian savait désormais parler et lire le kislévarin, si bien qu'elle pu déchiffrer ce qu'il restait du document.
*grosse tâche brune sur le tiers supérieur du parchemin*

... par la route de Goranitch. Un deuxième chargement arrivera aux premiers jours du printemps sur la Tobol depuis Fort Ostrosk et *tâche* laissé à Baba Doma. C'est auprès d'elle que vous le récupérerez pour le confier aussitôt à Rakh-aczi selon les termes prévus dans notre accord. Ce chargement contiendra :
trente bouches à feu
cinquante lames
vingt
*tache*
dix barils de poudre noire
vingt barils de
*tache* fumé

Sous réserve d'une évolution de la situation actuelle, nous nous préparons à accélérer l'expédition des chargements. Vous devez dès lors garder vos hommes en position. Prévenez également Rakh-aczi que nous enverrons sous peu Meszaros et sa troupe.

*tâche* votre mission et vous serez récompensé à la hauteur de votre loyauté.
Echouez, et nous arracherons les yeux de votre famille devant vous.


H.L





Test négatifs pour vos essais sur les faiblesses vampiriques. Je vous laisse les interpréter.
Argent
Feu
Eau courante
Miroir



Les deux vampires descendirent de Iemva à pied pour chercher la première proie de Dokhara. A mesure que les sens de cette dernière s'éveillaient, elle pouvait sentir en-elle poindre une faim inconnue et puissante, qui bientôt se fit dévorante : il lui fallait se nourrir.

Tout autour d'elles, la steppe était blanche. Les quelques bourrasques automnales recouvraient les prairies d'une fine pellicule de neige qui s'étendait à perte de vue. Mais le froid n'était plus un obstacle et les deux lahmianes avançaient sans grelotter, laissant derrière elles de délicates empruntes.

Ces immensités semblaient vides de toute vie, jusqu'à ce qu'une meute de loups faméliques remonte la piste laissée par les deux étrangères, attirée par la perspective aussi incroyable qu'alléchante de deux humaines à pied et perdues dans la nature. Mais les sens des animaux étaient bien plus aiguisés que ceux des hommes et si ces derniers se laissaient berner par l'aura d'un vampire, ce n'était pas le cas des bêtes. Les loups tournèrent autour de Lucrétia et Dokhara tout en restant à bonne distance, disparaissant parfois derrière un maigre bosquet ou un repli de terrain. Ils observaient leurs confrères prédateurs avec intérêt et crainte, les suivant sur plusieurs lieux et s'évaporant dès que les lahmianes faisaient peser sur eux un regard insistant. Bientôt, ces compagnons fuyants disparurent pour de bon, probablement décidés à enfin croiser un être inférieur à eux sur l'échelle alimentaire.

C'est environ au même moment que les deux vampires purent discerner un filet de fumée qui montait depuis une prairie un peu plus haut. Se déplaçant à la faveur de la maigre végétation et du relief, elles purent trouver une position depuis laquelle observer le paysage. Loin devant elles se trouvait une hutte en feutre blanc telle qu'utilisaient les nomades de l'Oblast. A côté, les silhouettes d'un cheval et d'un être humain et, en contrebas, un vaste troupeau de chèvre qui paissaient, essayant de trouver les dernières pousses de la saison sous la couche de neige.


Image
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Re: [Lucrétia et Dokhara] Kislev mordant

Message par Dokhara de Soya »

Dokhara ne se formalisa pas de l'attitude un peu distante de son amante. Trop enthousiasmée par la nouveauté, elle préféra être attentive aux conseils qu'elle lui dispensa.

Ne pas oublier de cligner des paupières et de respirer ? Lorsqu'elle entendit cette injonction, elle crut tout d'abord à une mauvaise blague, mais elle se ravisa en remarquant qu'en effet, elle n'avait fait ni l'un ni l'autre depuis son réveil.
C'est curieux à y réfléchir, des habitudes prises pendant vingt quatre ans qui se dissipent comme ça. Comme si elle avait oublié de marcher. Mais à la réflexion, ce n'étaient pas vraiment les composantes d'une routine - c'étaient des actions inconscientes, qu'un corps vivant accomplissait dès la naissance pour sa survie : ce n'était pas le fruit d'un apprentissage, mais de l'instinct. Elle n'avait jamais songé à son souffle ou ses battements de paupière, tout se produisait naturellement car c'était nécessaire au bon fonctionnement de son organisme. Dès lors qu'elle était morte, son corps n'avait de fait plus besoin de ces fonctions, et les avait donc tout naturellement abandonnées.

Retrouver un rythme de respiration fut plutôt simple, mais elle eut une courte hésitation au moment de choisir le rythme de clignement de ses yeux - aussi prit-elle exemple sur sa consœur en observant sa technique. C'était déroutant de devoir réfléchir à des choses qui n'avaient jamais nécessité d'action consciente, comme si de son vivant on lui avait demandé de bouger un doigt en rythme toute la journée sans jamais s’arrêter.
Dokhara se rendit rapidement compte que l'exercice serait plus complexe que prévu. La respiration tout comme la nictation s'adaptent aux situations, se ralentissant lors de périodes de calme ou de réflexion, et s'accélérant lors de périodes de fortes émotions ou d'efforts physiques. Il lui faudrait sans doutes s'entrainer un peu à l'exercice pour parfaire la technique de sa compagne.

Puisqu'elle venait de faire de l'exercice, elle choisit un rythme un peu plus élevé que celui de sa consœur, comme si elle était légèrement essoufflée et que la sécheresse hivernale la poussait à humidifier davantage ses cornées. Assez fière d'elle, elle sourit à Lucrétia pour lui signaler que la leçon était retenue.

Sitôt ce point réglé, Lucrétia souhaita procéder à des expérimentations sur son amante. Lorsqu'elle fit apparaitre une flammèche dans la paume de sa main, Dokhara eut une absence de quelques secondes avant de répondre à sa sollicitation. La cause en était sa perception nouvelle de la réalité : elle avait perçu quelque chose se ployer légèrement autour d'elle, comme une énergie qui se mouvait dans les airs pour répondre à la dhar qui s'agitait dans le corps de la lahmiane pour se propager vers la flammèche.

Ça c'est nouveau.

Elle voyait la magie. Elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait, comment Lucrétia manipulait ainsi cette force pour en tirer cette petite flamme, mais elle pouvait percevoir le déplacement infime de ces flux qui alimentaient le sortilège.

Lentement, elle déplaça sa main au-dessus de la petite langue de feu qui vint lui lécher la peau. La sensation de chaleur était agréable, la brûlure presque négligeable. Malgré le picotement, Dokhara se sentait étrangement apaisée à son contact. Elle n'aurait pu expliquer pourquoi, mais elle ressentait un bien-être familier en cet instant, comme une réminiscence d'une odeur oubliée d'un passé lointain qui refaisait surface, sans que sa mémoire ne soit capable de retrouver à qui elle appartenait.

Elle quitta ses rêveries lorsqu'elle ressentit le regard inquisiteur de Lucrétia, qui avait vu sa consœur observer la flamme pendant une longue poignée de secondes pour désormais garder sa main à son contact encore plus longtemps. Comme une enfant prise sur le fait, elle retira d'un coup sec sa paume, qui commençait à dégager une petite odeur de brûlé. L'observant, elle vit en effet une petite tâche noire qui était apparue au milieu de sa main, mais qui disparaissait désormais peu à peu au fur et à mesure que son corps se régénérait. Tout comme pour les chocs du mur de pierre contre ses poings tout à l'heure, la douleur de la brulure était une information négligeable qu'elle avait sciemment ignoré, perdue dans ses rêveries.

- J'ai passé le test ? demanda t-elle avec un sourire narquois à sa consœur, lui montrant sa paume un peu noircie.

Impassible, Lucrétia enchaina aussitôt avec un autre exercice. Offrant à miroir à Dokhara, cette dernière prit à nouveau tout le temps du monde pour s'admirer sous toutes les coutures, jouant de son amante pour se moquer du résultat à nouveau négatif de son expérience. Outre la plaisanterie, c'est avec un plaisir non dissimulé qu'elle se mordait la lèvre de bonheur tant elle appréciait observer sa nouvelle apparence, celle que Lucrétia avait toujours refusé de lui montrer malgré son insistance. Ses yeux s'étaient légèrement voilés, perdant de leur éclat lavande pour s'éclaircir un peu. Sa peau avait pâli, devenue presque translucide par endroits, laissant deviner ses veines et artères devenues inutiles, mais aussi ses chairs et ses muscles renforcés par la puissante dhar qui alimentait tout son organisme. Ses mâchoires s'étaient agrandies, lui permettant d'ouvrir ce qui était à mi-chemin de la bouche et de la gueule, pour mieux perforer et déchirer de ses crocs ses potentielles victimes. Elle était une monstruosité splendide, et ne put s'empêcher de parcourir du doigt avec fascination chaque partie de sa peau qu'elle découvrait dans le miroir.

Elle avait tellement hâte d'utiliser ce nouveau corps pour partir chasser.

Lorsqu'elle vit Lucrétia tendre vers elle son anneau en argent, elle soupira comme une enfant impatiente. Elle se saisit de la petite bague et l'enfila à son annulaire d'un geste vif, ignorant la brûlure qu'elle ressentit pour lui faire une moue suppliante alors qu'elle trépignait sur place :

- Voilà, je ne brûle pas, j'ai un joli reflet, et ton anneau ne me va pas au teint. On peut aller chasser maintenant maman, s'il te plait s'il te plait s'il te plaiiiiit ?

Plus que son désir d'utiliser son nouveau corps à ce à quoi il était destiné, Dokhara n'osait avouer qu'au fond d'elle, se tordait un nouveau désir qu'elle tentait d'ignorer comme elle le pouvait. Voir le reflet de ses canines lui avait fait miroiter le fantasme de les planter dans la gorge d'une victime, et d'en aspirer toute l'énergie vitale. Depuis que cette pensée l'avait traversée, elle l’entêtait et parasitait ses autres réflexions. Elle ne trépignait pas seulement d'une impatience enfantine - elle résistait contre cette pulsion qui s'agitait en elle et qui n'avait aucun penchant pour l'abstinence.


***



Avant de partir, Dokhara avait eu la présence d'esprit de faire quelques préparatifs. Elle avait retiré ses beaux vêtements en fourrure blanche pour éviter de les tacher, et avait choisi de remettre sa pèlerine pour profiter de sa capuche pouvant cacher son visage, et de ses manches amples pour garder ses griffes invisibles, ses poings serrés, les doigts tournés vers l'intérieur. Dans sa poche, elle avait fourré une poignée de plumes de coquatrice sans s'expliquer à Lucrétia - mais nul doute que la vampire avait compris son petit jeu.

Dès lors qu'elles quittèrent Iemva, l'esprit de Dokhara eut de plus en plus de mal à garder son calme. Lorsque les deux vampires firent un nouvel arrêt près du fleuve pour tester la résistance de la nouvelle née à l'eau courante, c'est avec grande difficulté que la rouquine ne sauta pas à la gorge de sa consœur. Maintenant qu'elle se savait officiellement en chasse, toute sa patience pour une quelconque autre activité s'était évaporée. Elle avait plongé dédaigneusement sa main griffue dans l'eau, avant de sèchement demander :

- C'est bon, on peut y aller ?

Pendant toute la durée de leur traque dans les steppes enneigées du Kislev, Dokhara se montra de très mauvaise compagnie. Entièrement focalisée sur ses sens à la recherche de l'odeur du sang, elle était incapable de perdre sa concentration en un quelconque babillage inutile. Le désir de se nourrir la possédait toute entière sans qu'elle ne l'ai pourtant jamais senti prendre le contrôle d'elle, et c'est sans aucune résistance qu'elle laissait sa conscience céder à l'appétit bestial qui la guidait. Le besoin de sang était devenu entêtant, dominant toutes ses autres pensées, parasitant toute réflexion, malgré les éventuels efforts de Lucrétia. Si Dokhara avait résisté sans sourciller à l'eau, l'argent et au feu, elle avait cédé à une vitesse déconcertante à sa bête intérieure. A chaque pas qu'elle faisait dans la neige, à la recherche d'une proie, elle perdait un peu plus son humanité pour ne plus se laisser guider que par son désir de planter ses crocs dans une gorge.

Elle ignora la meute de loup. Ils n'étaient d'aucun intérêt. Lorsque l'un d'eux sembla hésiter à céder à sa faim pour tenter quelque chose, elle le fixa instinctivement droit dans les yeux pour émettre un grognement terrifiant à son encontre, lèvres retroussées et griffes sorties. Des deux créatures affamées, ce fut le loup qui choisit de reculer, s'éloignant avec sa meute pour tenter de trouver quelqu'un ne se situant pas au dessus de lui dans la chaîne alimentaire. Si Lucrétia manifesta son déplaisir au comportement bestial de Dokhara, cette dernière n'était malheureusement plus en état de prêter une quelconque attention aux mœurs de son amante.

Puis, enfin, les deux vampires purent apercevoir une mince fumée s'élever vers le ciel noir dans le lointain. Prenant position sur les hauteurs, elles prirent connaissance de leur proie : un berger vivait ici, peut-être avec sa famille dans la hutte.

Comme en transe, elle resserra sa pèlerine contre elle pour cacher ses attributs vampiriques, ne laissant que quelques mèches rousses dépasser, et descendit lentement de la colline pour se diriger vers sa première victime, sans prêter attention à d'éventuelles instructions de sa consœur. Puisque le berger avait un cheval, elle ne pouvait risquer de charger trop rapidement - il y avait un risque qu'il l'enfourche pour s'enfuir. Elle devait diminuer au maximum la distance entre eux, avant de bondir sur lui et planter ses canines dans sa gorge. Si son rythme de marche étant lent et mesuré, ce calme n'était qu'une apparence dissimulant la tempête qui l'habitait : le frisson de la chasse était à son paroxysme, et ces derniers instants du prédateur approchant sa proie encore inconsciente du danger procurait à la jeune vampire une excitation sans commune mesure.

Si ça dégénère, Dodo n'utilisera pas son épée mais ses griffes et ses crocs. Elle est totalement sauvage et veut MANGER !
Modifié en dernier par [MJ] Le Grand Duc le 02 oct. 2019, 13:45, modifié 1 fois.
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Dokhara de Soya, Voie de la Belle Mort, Beauté mortelle

Profil : For 11 | End 11 | Hab 14 | Cha 17 | Int 12 | Ini 13 | Att 12 | Par 11(13) | Tir 10 | Mag 11 | NA 2 | PV 110/110

Compétences :
- Sociales : Diplomatie, Éloquence, Empathie, Étiquette, Séduction
- Artistiques : Chant, Danse, Musique (violon), Tatouage
- Intellectuelles : Alphabétisation, Langue étrangère (kislévarin, strygani)
- Martiales : Ambidextrie, Bagarre, Fuite, Monte, Parade, Résistance accrue (spécialisation alcool), Sang-froid
- Divers : Sens Accrus
- Dons Du Sang : Regard Hypnotique, Régénération Impie
Compétences en cours d'apprentissage :
Escamotage : 1/2
Adresse au tir (arbalètes) : 2/3
Équipement :
Armement :
- Griffe d'Ursun : 18+1d8 dégâts ; 12(24) parade. Rapide. Chaque attaque réussie qui résulte en une perte de points de vie pour l’adversaire inflige -1 Att/Hab/Par le tour suivant. Si trois touches sont infligées au même tour, les malus durent alors 2 tours et infligent un malus supplémentaire de -1 Na. Les malus cumulés ne peuvent pas excéder -4 Att, Hab et Par et -1 Na.
- Main gauche : 8+1d6 dégâts ; 8(16) parade ; Rapide. +2 PAR si utilisée en conjonction avec une autre arme. Lors d'une parade, c'est le score de parade de l'arme en main droite qui compte pour le premier jet, celle de la main gauche pour le second jet si relance.
- Poignard : 12+1d6 dégâts ; 6(12) parade ; Rapide. Peut être utilisé comme arme de jet
- Arbalète : 34+1d8 dégâts : Malus de -2 TIR tous les 30 mètres ; Perforante (4) : Un tir par NA maximum.

Armure :
- Veste et jambières en cuir : 5 de protection partout sauf tête
- Tunique noire druchiie : 2 de protection sur tout le corps
- Cape de dissimulation, permet de devenir invisible si immobile (v. wiki)

Équipement de voyage (fontes de selle, pas systématiquement porté) :
- Sellerie splendide
- Nécessaire de tatoueuse
- Violon
- Arc courbe + flèches des anciennes
- Lame en or marin
- Huile d'amande
- Surplus de drogues, poisons, ingrédients (Dodo a 2 de chaque sur elle, pas plus)


Awards \o/
Warfo Award 2018 du meilleur PJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur PJ - Élaboration
Dream Team 2018 et 2019 avec Lucretia Von Shwitzerhaüm
Miss Vieux Monde 2019 et 2020

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