- "Respects, Druzhina. Je vais vous mener à l'Ataman." dit-il d'une voix rauque. Il fît signe à l'un des trois autres hommes postés à l'entrée et ce dernier déverrouilla une porte plus petite encastrée dans l'immense portail avant de la pousser pour laisser passer le garde suivit de Jekaterina. Sur son passage, la noble pu sentir le regard appuyé des hommes, mêlé de curiosité et de méfiance.
L'entrée donnait directement sur une vaste cour intérieure encadrée de braseros eux même surplombés de hauts murs couverts de toits en bois. Ca et là, de larges tours carrées brisaient l'harmonie de l'architecture pour s'élever dix mètres plus haut. Au fond de la cour, diverses entrées et grilles donnaient sur d'autre cours plus petites, ainsi que sur des baraquements en bois et ce qui semblait être un arsenal. Une dizaine de soldats s’entraînaient sous les ordres d'un sous-officier, tous recouverts de fourrures pour se protéger de la neige qui tombait et du froid mordant. Le garde en faction traversa la cour principale en passant au travers du groupe de soldats. A mesure que la noble avançait à sa suite, les combattants arrêtaient de s’entraîner et baissaient leurs armes pour observer cette femme qu'ils n'avaient jamais vu avancer avec un port qui rendrait la tsarine jalouse. Même le sous-officier ne pu s'empêcher une oeillade avant de secouer la tête et de beugler quelques ordres, l'entrainement reprenant son cours au son des bâtons qui s'entrechoquent et des injures qui fusent. Jekaterina et son escorte arrivèrent face à une nouvelle porte de moindre taille, elle aussi gardée par quatre hommes dont l'un d'eux déverrouilla la serrure et ouvrit le lourd battant pour eux. Ils pénétraient dans la forteresse à proprement dite, par un long couloir éclairé de torches et de braseros, dont les murs étaient parfois troués d'une porte. Le passage n'était assez large que pour deux personnes de front et l'héritière des Andreska se douta que si le bastion était ainsi construit, il devait être aisé à défendre. Après plusieurs minutes de marche dans les couloirs tortueux de la citadelle, ils se retrouvèrent finalement dans une salle assez vaste où se dressait une longue table poussiéreuse éclairée par un immense lustre en bois ainsi qu'une cheminée. Les seules fenêtres étaient percées haut dans les murs et ne filtraient qu'une lumière vaseuse et terne. Au fond de la salle se dressait une porte gardée par deux colosses blonds et barbu. Ils portaient tous deux une cotte de maille, des braies et de solides bottes en cuir. A leurs ceintures pendaient épées et haches et leurs bras nus et croisés arboraient des tatouages mauves étranges, où courbes et volutes s'entrelaçaient dans une scène aussi érotique que terrifiante. Ils toisèrent le garde qui faisait peut être deux têtes de moins qu'eux, ainsi que celle qui l'accompagnait. Sans qu'aucun mots ne soient échangé, l'un deux ouvrit la porte qu'il dû franchir en se baissant. Il ressortit quelques instants plus tard et hocha la tête en grognant. Le soldat se tourna vers Jekaterina. Sa cape en fourrure semblait mouillée par les flocons fondus et son expression était tendue.
- "Druzhina, le Baron Igor Zvarov accepte de vous recevoir."
Il montra la porte, puis salua avant de se retirer prestement. Les deux colosses lancèrent un regard sournois à la jeune femme, comme pour lui signifier qu'à cet instant précis, ils pouvaient faire d'elle ce qu'ils voulaient. L'un d'eux se contenta de sourire et poussa un peu plus la porte. Jekaterina avança pour se retrouver dans une salle considérablement plus petite. Une cheminée ronflait dans un coin, éclairant une décoration opulente complètement incongrue si loin dans le Nord ; sur les murs flamboyaient des tapisseries brodées tandis que le sol était garni de tapis et de soieries en tous genre. Des couffins étaient installés ça et là autour de tables basses garnies de fruits, de plats raffinés et de vin. Au fond de la salle, légèrement surélevée, était une sorte de chaise-couchée où se tenait le Baron, affalé sur un traversin parfumé. Ses cheveux blonds et parfaitement propre et peignés tombaient de chaque côté d'un visage souriant est bon enfant, si ce n'est qu'un oeil était complètement noir et que la peau d'albâtre semblait parsemée de petites tâches roses et violettes. Zvarov était engoncé dans une armure de Lancier Ailé en parfait état, sans aucune égratignure et reluisante comme jamais, ce qui tranchait avec la tradition de ces vétérans qui tâchaient de montrer le plus de marques possibles. Mais sur cette armure là, aucune dorure ne manquait, aucune fioriture ne faisait défaut. Les grandes tiges empennées semblaient à des ailes parfaitement ordonnées où chaque plume oscillait avec grâce en dégageant une odeur douce et sucrée. Couchée sur le baron, une jeune femme aux formes généreuses jouait avec ses bagues d'un air amusé et tentait d'attirer son attention, à demi-nue. Ils ne semblèrent pas remarquer la présence de Jekaterina pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce que Zvarov tourne la tête vers elle et hausse les sourcils en souriant.
- "Oh, de la visite. Respects. Qui êtes vous ? Que puis-je faire pour vous ?" dit-il en agitant nonchalamment une coupe de vin pleine à raz-bord. Quelques gouttes de liquide sombre coulère le long du calice décoré et tâchèrent l'écharpe de la femme qui fit une petite moue et s'empressa de suçoter la tâche en observant Jekaterina de ses grands yeux maquillés.