"Willkomm en Marienburg" qu'ils disent.
Dan Surcouf en sait sûrement quelque chose...
S'il y a une ville, une cité dans le Vieux Monde qui vit grâce, par et pour le commerce, c'était bien elle: Marienbourg. On pouvait la voir de nombreuses manières, peut-être mêmes trop nombreuses pour qu'elles soient toutes citées ici. La métropole du Pays Perdu passait tour à tour pour une voleuse, une arnaqueuse, une marchande consummée, une opportuniste ou encore une réussite. Tous ces points de vue étaient à la fois justes et faux, sans nuances, comme tous les clichés d'ailleurs.
Toutefois, peut-être que pour le contrebandier bordelais, la ville serait possiblement une seconde chance, pour un nouveau départ. Mais tout ceci pouvait paraître bien abstrait, voire ironique, quand on savait que Dan avait dû purger toute une année en prison, sur l'île de Rijker, pour un crime dont il n'avait pas vraiment connaissance au final.
Cependant, la fin de sa détention ne signifiait pas celle de ses péripéties, car dés qu'il fut transféré de la forteresse à la ville, on fit savoir au bretonnien qu'il ne retrouverait pas ses affaires et son vaisseau, du moins pas gratuitement...
A peine le contrebandier avait posé les pieds sur les quais de pierre taillée qu'un comptable, flanqué de deux gardes, l'aborda:
"Bonjour monsieur, avait-il entamé de sa voix nasillarde, Vous parlez notre langue? Parfait... Bien, écoutez-moi, nous avons gardé toutes vos possessions en sûreté durant votre séjour à Rijker. Mais dans la vie, tout a un prix m'voyez...
Si vous souhaitez les récupérer, il vous faudra payer une caution, pour la libération de votre matériel. Mais il faut compter également les coûts d'entretient et de stationnement de votre navire, sans parler des frais de dossier bien sûr... avait-il continué, ses cheveux blancs et son nez crochu ne cessant de bouger à chacun de ses mots, Au final, en tenant compte de l'inflation, des orientations macro-économiques voulues par le Directorat et les fluctuations à la hausse de la bourse d'Import-Export...
Cela nous fera cinq guilders d'or, payables tout de suite évidemment. A moins que vous ne vouliez contracter un emprunt?"
Ce fut donc bien malgré lui que Surcouf déboursa la somme exigée par le fonctionnaire, comprenant peut-être à ce moment que Marienbourg était l'un des rares endroits dans ce monde où esprit d'entreprise et bureaucratie marchent main dans main.
Mais il fallait voir les choses du bon côté, c'est aussi dans cette cité que l'on trouve de nombreux adeptes du "libre-échange". Par vocation ou intérêt, pour échanger des biens, services et d'autres choses légales ou illégales, tous ces gens avaient besoin d'une solution, afin de faire passer leur produits en douce et d'éviter ces maudits douaniers, ces affreux bureaucrates. Avec un peu de chance, cette fameuse solution pourrait bien se tenir en deux mots: Dan Surcouf.
Ce dernier, aprés avoir retrouvé l'emplacement de son navire et vérifié toutes ses posessions, retourna à "L'Epave du Vieux Gontrant", cherchant de nouveaux "débouchés". Mais tout ne se passa comme prévu.
A peine le vieux briscard vit entrer Surcouf dans sa taverne qu'il se dirigea vers lui, l'air troublé:
"Rah j'suis désolé l'ami, commença-t'il, semblant deviner les intentions de Dan, J'peux plus gran'chose pour toi t'sais. Tout l'coin i'l'est au courant qu't'a pris du gnouf. M'demande pas comment. T'es pisté ici, z'aiment pas le p'tits indépendants comme toi. Y a même des types d'la guilde des marins qu'sont v'nus m'causer...
Bref, t'pourra faire que dalle ici....Mais j'ai p'têt un ôt'endroit où on cherche des gars d'ton genre..."
Et c'est ainsi qu'aprés avoir parcouru les allées et les rues bondées de Marienbourg, notre contrebandier se retrouva dans le quartier dit du Sac à Vin - ou Wijnzak dans le dialecte local.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les expatriés bretonniens qui résident ici ne sont pas -tous- des alcooliques finis, mais juste des gens qui refusent obstinément de boire l'eau des canaux de la ville -et boivent du vin à la place, d'où son nom.
C'est donc au sein de ce quartier que Dan trouva une auberge-bar, faite en colombages et d'une taille assez respectable: "Chez Momo".
Entrant puis traversant une salle enfumée et peu éclairée, ce fut au beau milieu des discutions comme des rumeurs que Surcouf s'accouda au comptoir, le gérant des lieux ne tardant pas à l'apercevoir:
"Et b'jour mon gars. T'as une gueule d'marin toi non? T'débarque d'où? Aller j'te sers què'qu'chose? lança-t'il à l'encontre du contrebandier, visiblement bien affable, puis il finit par écouter les paroles du bordelais, ce dernier lui expliquant ce qui l'a envoyé ici, T'viens d'la part d'Gontran hein? J'vois... aprés avoir jeté un bref coup d'oeil autour de lui, le tavernier croisa ses bras et se pencha au-dessus du comptoir, vers Dan,
T'as bien fait d'tomber sur moi. J'connais du monde qui s'rait intéressé par un mec comme toi. Mais l'blème c'est que j'dois faire bouger tout ça, faut qu'j'm'occupe des guildeux aussi pour qu'i't'emmerdent pas. Bref, ça coûte d'l'a thune... poursuivit-il tout en nettoyant une chope, Bah, vu qu't'es d'chez Gontran, ça f'ra une d'or et cinq d'argent, c'tout. S'tu veux j'peux même t'filer un lit et une planque pour ton barda si t'en a.
Crois-moi que j'temboucane pas hein. Mais t'trouv'ra pas mieux. Aprés, j'vais être franco, t'peux aussi t'la jouer solo, y a du taf pour tout l'monde dans c'te ville t'sais. Mais là t'aura les guildeux au cul... laissant sa phrase en suspens, le tenancier se redressa, reprenant la conversation d'un air normal, continuant de nettoyer sa chope comme si de rien n'était,
Alors? T'en pense quoi?"