Un petit sourire en coin apparaît sur le visage de la grande créature, qui garde ses yeux plissés, alors que le marin termine de lui répondre:
"Il n'y a point de problème là-dessus, humain. Je ne demande pas mieux." fit-il sur un ton satisfait.
Le contrebandier put ainsi voir l'elfe lui tourner le dos, mettant fin à la petite conversation. Il se dirige dorénavant vers la proue, se plaçant presque à côté du kislévite, pour continuer de contempler les environs.
Et c'est ainsi que le trajet se poursuit pour le Rouge-Gorge et son équipage; le sloop naviguant posément sur les flots, avec tranquillité, au milieu de la mer et de la grisaille.
Certains esprits impatients auraient qualifié ce moment de monotone, mais cela montrerait bien une chose chez eux: leur incapacité de profiter du voyage, de l'instant présent en lui même.
Le bretonnien était à la barre, la fière créature poursuivait ses observations, et le trafiquant restait toujours appuyé contre le rebord du navire. Son visage gardait une pâleur presque morbide, mais dorénavant, il semblait moins gêné dans sa posture, se permettant même de jeter, de temps en temps, quelques coups d’œil rapides vers l'horizon.
Personne ne parlant, un silence s'installa sur le pont.
Alors on entendit toutes sortes de bruits. Des sons qui sont plus que familiers aux oreilles de Dan, mais inconnus à celles de tout terrien. Le bruit, par exemple, des voiles qui claquent au vent; celui des vagues qui ne cessent de s'écraser contre la coque; cette même enveloppe de bois qui n'arrêtait pas de grincer, et de tanguer lentement, d'un bord à l'autre.
Rythmés par ces bruits, les instants deviennent des minutes, et les minutes deviennent des heures....
Des heures, à contempler ces immensités d'eau salée, semblant infinies, sans bornes ni limites, propices à l'évasion, à toutes les pensées et sensations.
La mer: cet être à la fois majestueux et destructeur; respectable par tous, mais qui ne respecte personne; cette mère qui peut être autant nourricière que mortelle.
Des heures, passées à voguer sur cette vaste étendue marine; cette grande créature à la peau bleue, à la profondeur comme aux pensées insondables, qui continue de bercer le sloop entre ses bras vagues, dans ses mains écumeuses et soulevées par le vent, le cernant toujours un peu plus....
Peu importe où il tournait sa tête, au Nord, au Sud, à l'Est; entre les gréements et la grande voile qui animaient son navire, Dan ne pouvait voir qu'elle.... Sauf à l'Ouest, où quelques écueils étaient visibles de loin, annonçant la côte au-delà de l'horizon.
C'est alors que tout un vol d'albatros arrive dans les environs, fendant les airs comme le Rouge-Gorge fend les flots. Et désormais, dans le ciel gris, les voilà qui commencent à suivre le navire de Surcouf, tournoyant par dizaines autour de lui, ne manquant pas de se faire remarquer en poussant moult croisements aigus.
Soudain, plusieurs d'entre eux commencent à descendre brutalement depuis les cieux, leur bec en piqué; ils plongent ainsi tête la première dans la mer, tout autour du vaisseau; le marin pouvant même en voir certains qui plongeaient juste derrière lui, dans le sillage laissé par son navire.
Aussitôt, tandis que quelques uns de leur congénères tournoient toujours autour du Rouge-Gorge, ceux qui viennent de s'enfoncer dans les eaux réapparaissent subitement, remuant leur plumage mouillé de manière frénétique, mais tenant désormais un poisson frétillant dans leur bec.
A peine ont-ils finit d'ingurgiter leur repas que ces oiseaux des mers commencent à prendre de l'élan avec leurs ailes, entre les vagues, avant de s'envoler gracieusement, partant rejoindre ceux des leurs qui sont restés au-dessus du sloop.
Sous les yeux de Surcouf et des deux passagers, les grands albatros finissent alors par s'écarter du navire, avec élégance, aussi rapidement qu'ils étaient venus; battant mollement des ailes ou se laissant porter par le vent, ils s'en vont désormais vers l'est, où d'autres voiles, semblables à de petits carrés blancs, sont apparues dans le lointain.
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Jet de perception pour Surcouf (int+ini/2): 15
Oui, l'équipage du sloop ne tarda pas à s'en rendre compte: un autre navire croisait dans les parages, bien plus au large par rapport à eux. Peut-être que l'embarcation se trouvait trop loin du Rouge-Gorge, car le bordelais ne put tout simplement pas l'identifier, son pavillon se situant hors de sa vue.
Un galion de Bretonnie? Une caraque de l'Empire? A moins que ce ne soit une caravelle d'Estalie.... Non.
Et puis, est-ce que ce vaisseau appartenait à une des nations humaines du Vieux Monde?
Si on ne peut pas deviner, entre les creux des vagues, la nature exacte de ce bateau, une chose devient sûre au bout de quelque minutes: on sait, grâce à l'orientation de sa voilure, qu'il se dirige vers le sud, et donc probablement vers Marienbourg.
Ponctuées par ce genre de petits évènements, ce ne sont plus des heures qui s'écoulent, mais toute une journée.
Puis, avec le crépuscule et ses reflets orangés qui bordent désormais les nuages, approche aussi une autre chose: le premier arrêt de ce voyage.
Guidé par son infatigable capitaine, le Rouge-Gorge s'approche alors de la côte ouest; ses falaises déchiquetées ne tardant pas à émerger à l'horizon.
Tandis que des vols de mouettes se manifestent de nouveau dans les cieux, le contrebandier peut ainsi apercevoir son prochain arrêt.
Aux confins de la Bretonnie et du Pays Perdu, entre la baie de Marienbourg et la Mer des Griffes: voilà où se trouve le Cap des Pillards. S'il ne paye pas de mine, les honnêtes gens et les marchands raisonnables évitent ce lieu comme la peste.
En effet, beaucoup d'histoires circulent sur cet endroit, au passé tumultueux, souillé par la violence et le sang. On raconte même qu'à la faveur de la nuit, des spectres de marins noyés et de pirates vengeurs apparaissent, et arpentent ses rivages, en quête de malheureux à tuer.
Deux claquements de doigts se font entendre.
Ahem, Kegh-mon? fit la fière créature, qui se trouvait alors devant le bordelais,
Les abords de ces lieux sont infestées par les récifs et autres écueils. Aussi, vous ne verrez donc pas de mal à ce que je vous guide un peu, n'est-ce pas?"
A peine eut-il finit de prononcer ces mots que l'elfe tourna le dos au bretonnien, ne lui laissant pas le temps de répondre; il se dirigeait désormais vers l'avant du navire, sous le regard circonspect du trafiquant. Maintenant, le voilà qui monte sur le rebord du sloop, marchant avec agilité, en équilibre sur le bastingage, avant d'aller se percher sur le bec de proue. De sa main gauche, il se saisit alors de l'étai, du câble à l'avant du bateau; tendant tout son bras, il se penche alors de manière oblique, presque désinvolte, au-dessus de l'eau.
Tandis que le navire termine de se rapprocher de la côte, et que le kislévite s'écarte prudemment du rebord, la fière créature jette un regard par-dessus son épaule, en direction de Dan:
"Haut-fond à bâbord." fit-elle, d'une voix portante, sur un ton devenu soudain confiant et professionnel.
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Surcouf passe automatiquement sont jet d'intelligence pour repérer les récifs, car l'elfe le guide.
Jet de manoeuvre (hab+ini/2) pour l'éviter (+3 car compétence navigation, plus guidage de l'elfe): 7
"Haut-fond à bâbord." répéta l'elfe, toujours calme mais plus insistant.
D'un ample coup de barre, le capitaine du Rouge-Gorge fit donc virer son navire à babord, passant juste à côté d'un affleurement rocheux, à peine recouvert par l'écume.
"Récif à tribord." reprit de plus belle la fière créature.
Et ce petit manège dura pendant quelques minutes; Surcouf, concentré qu'il était, évitant habilement à son vaisseau les écueils qui se présentaient à lui.
Quand au kislévite, réduit au rang de spectateur dans toutes ces manœuvres, il restait silencieux, faisant alterner son regard entre les récifs et le contrebandier. Difficile de dire ce qu'il pensait derrière son masque et sa capuche, mais il semblait très concentré sur ce qu'il se passait.
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Jet de perception (-3 car concentration sur la manœuvre): 17
Absorbé qu'il était par ses virements et ses manœuvres, c'est à peine si le bretonnien remarqua qu'il amenait son sloop dans une modeste crique, assez étroite, nichée aux sein des falaises déchiquetées.
Peu à peu, il put entendre les roulements des vagues qui se fracassaient contre le rivage, et aperçu alors une petite plage, couverte de galets, dont il arrêta son navire à quelques mètres seulement:
"Bien. Bien.... Enfin nous y sommes, lâcha la grande créature, revenant sur le pont; sous les yeux du trafiquant et du contrebandier, elle dégaina alors sa lame,
Vous êtes plutôt doué, pour un humain, subitement, l'elfe laissa sa courte épée tomber sur le plancher du navire,
Cependant, il me faut encore chercher l'argent qui vous est dû. Prenez donc cette arme, en gage de bonne volonté, poursuivit-il, un petit sourire aux lèvres, se dirigeant désormais vers le rebord d'un pas léger et assuré,
Ne vous en faites pas, je n'en ai que pour quelques instants" conclua-t'il, sautant par-dessus bord pour rejoindre la grève de galets.
Un petit coup d’œil jeté vers le ciel, et Dan se rendit compte que le crépuscule était déjà bien entamé. Le soleil, déjà couvert par les nuages, doit sûrement être derrière les falaises à l'heure qu'il est:
"Eh....Bretonskiy? parla alors le trafiquant, jetant brièvement un regard en direction de la crique,
Moi pas sentir ça. Nous pas partir?"