Un carreau d'arbalète siffla aux oreilles de Theldasyr. La pointe barbelée lui effleura la joue avant de se ficher dans le mât central du Vaisseau Aigle. Tout, autour du noble Asur, n'était que chaos. Les carreaux et les traits de baliste fusaient de toutes part tandis que l'on hurlait des ordres sur toute la longueur du pont. En réponse aux tirs ajustés des Elfes Noirs qui faisaient pleuvoir la mort depuis leurs propres navires, les soldats de la Garde Maritime de Lothern répliquaient par des salves de flèches meurtrières et des rafales des projectiles grâce aux balistes Serre d'Aigle qui garnissaient les bordées du magnifique bâtiment Haut-Elfe. Les cris d'agonie des blessés retentissaient, presque couverts par le vrombissement des centaines de flèches et de carreaux décochés. Dans les airs, les gracieux Cotres Volants, chars aux lignes élégantes tirés par des Rokhs d'Ecume, filaient à toute vitesse, tournoyant autour des deux navires ennemis comme d'inquiétant frelons, ajustant les tirs meurtriers de leurs balistes Oeil d'Aigle, plus petites et compactes que les autres, mais tout aussi mortelle.
C'était la première fois que Theldasyr et ses compagnons, Bëllegond et Illawir, rencontraient les ennemis jurés de leur peuple, les frères honnis, les traîtres, les parjures, les Druchii. Du peu qu'ils pouvaient voir depuis le pont, les créatures abjectes et assoiffées de sang qui leur faisaient face leur ressemblait pourtant de façon troublante. Sous leurs casques d'acier aux pointes et aux lames ciselées, on pouvait voir pointer les longues oreilles du peuple elfe. Leurs traits fins étaient les même que ceux des jeunes nobles, et leurs cris de souffrance étaient en tout point comparables aux leurs. Mais la bataille qui faisait rage autour d'eux les tirèrent de leur rêverie troublante. Les traits filaient de tous les côtés et se fichaient dans le bois clair du navire ou dans les corps des marins en armures scintillantes qui les entouraient. Un cri perça le fracas et l'agitation qui régnait céans et un corps s'écroula lourdement aux pieds de Theldasyr, manquant de l'écraser. C'était l'une des vigies postées sur le grand mât, le corps percé de trois carreaux. Les deux Reavers des Druchii entouraient l'Eclat d'Asuryan -le Vaisseau Aigle- comme les pinces d'un étau se refermant sur la coque d'une noix. Les terribles arbalètes des Elfes Noirs décochaient à une cadence infernale et seules les balistes à répétition de la Garde Maritime parvenait à les tenir un tant soit peu en respect. Les marins Haut-Elfes courraient dans tous les sens, lâchant volée sur volée en direction des ponts ennemis, se mettant à l'abri des traits de leurs propres balistes aux arcs verticaux et mettant les blessés à l'abri des tonneaux et des gardes-fous renforcés. Les trois nobles de Caledor ne pouvaient qu'assister impuissament à la scène qui se déroulait sous leurs yeux au risque d'être eux-même pris pour cible par les projectiles qui fusaient de tout part en trouant les voiles et sectionnant les cordages, lorsque le capitaine de l'Eclat d'Asuryan surgit d'entre les archers de la Garde Maritime, marchant d'un pas impérieux vers les jeunes elfes. Il portait un plastron en Ithilmar scintillant, ainsi qu'une longue armure en écaille qui lui tombait jusqu'aux chevilles. Une cape bleue nuit lui ceignait les épaules, une lame finement ouvragée lui battait la cuisse et un casque en argent décoré de magnifiques bois lui protégeait la tête. Toute son armure était ciselée d'arabesques élégantes, de feuilles et de rameaux d'une finesse incomparable, illustrant parfaitement le raffinement de l'équipement de guerre elfique. Mais le moment ne prêtait guère à la contemplation d'un tel guerrier, qui se campa devant Theldasyr et ses compagnons en levant le menton d'un air hautain alors même qu'un énorme trait de baliste fendait l'air entre lui et eux, faisant voler une mèche de cheveux du capitaine elfe sans qu'il n'y prêtre la moindre attention.
- "Comme votre douce Caledor doit vous sembler loin. Cessez donc de contempler vos frères tomber, et allez chercher des fagots de carreaux pour les balistes !" leur ordonna-t-il avec mépris.
Les jeunes bleus obéirent sans discuter, après que Bëllegond et Illawir ne lui jettent un regard plein de d'insolence et de fierté blessée.
En Ulthuan
Le jour de la levée annuelle instaurée il y a plus de dix siècles par le Roi Phoenix Morvael approchait à grand pas. C'était ce jour que Theldasyr avait choisi pour quitté son foyer, niché dans les domaines montagneux de l'Echine du Dragon. Autrefois le berceau des plus grands dynastes et guerriers qu'Ulthuan ai connu, le fier et vieux royaume de Caledor fut peu à peu éclipsé par les autres royaumes elfiques. Les volcans s'étaient tus, la terre refroidie et les dragons endormis. Mais en dépit de cela, le peuple de Caledor était resté plein d'arrogance et de noblesse. C'était bien pour porter haut la bannière de cet héritage, ou peut-être pour se le prouver à sa moi-même, que Theldasyr de la maison Elthrai, avait choisi d'offrir sa lame, sa vie et son honneur aux armées du Roi Phénix. Ses parents l'avaient quitté devant le vieux chêne du domaine, offrant leurs prières à Asuryan ensemble une dernière fois.
- "Prend cela, et garde le avec toi, quoi qu'il t'en coûte, afin que jamais, mon fils, tu n'oublies que tu es un fier seigneur de Caledor." lui avait dit gravement son père en le regardant droit dans les yeux. Il lui avait donné un talisman finement sculpté représentant un dragon, cette même créature qui fut, pendant des siècles, le symbole de la puissance et de la force de leur famille.
Et c'est ainsi que Theldasyr s'en était allé, quittant les sentiers des montagnes qui l'avaient vu naître et grandir pour rejoindre la vallée, et la route qui serpentait entre les cols pour se rendre à Lothern. En route, il se joignit aux autres jeunes gens de Caledor qui ralliaient la cité maritime pour accomplir leur devoir et s'enrôler dans les armées des Hauts-Elfes. Il y avait de nombreux roturiers, des elfes de modeste ascendance qui s'en allaient rejoindre les régiments d'archers et de lanciers dans lesquels ils allaient servir pendant plusieurs décennies avant de pouvoir retourner sur leurs terres. Mais devant eux marchaient fièrement les fils de la noblesse de Caledor, de jeunes gens plein d'arrogance et d'assurance, élevés dans la plus pure tradition des Princes-Dragons, portés par leur riche héritage et leur glorieux passé. Eux ne porteraient pas l'arc ou ne seraient jamais des fantassins. Ils étaient nés pour chevaucher les purs sangs elfiques, afin qu'ils les portent au devant de la bataille, là où le combat faisait rage et était le plus intense, pour qu'ils se couvrent d'honneur et faisant couler le sang des ennemis d'Ulthuan. C'est en voyageant côte-à-côte avec cette jeunesse hautaine que Theldasyr rencontra Bëllegond et Illawir. Ils étaient, tout comme lui, des descendants d'antiques et célèbres Princes-Dragons et partageaient son énergie et sa soif d'aventure. Alors que Theldasyr, malgré ses origines, était au fond humble et réfléchi, Bëllegond et Illawir étaient quant à eux les exemple parfait de ces héritiers sanguins et majestueux, mais bravaches et méprisants envers les elfes de simple naissance, ou même les nobles d'autres royaumes. Mais ils considéraient Theldasyr comme leur égal, loin d'être étrangers à la réputation de sa famille, et devinrent peu à peu ses amis. C'est ensemble qu'ils franchirent les colossales portes de Lothern, dominées par le phare de la Tour Scintillante qui s'élevait au dessus de la vaste ville comme si elle allait toucher les nuages. Bercée par les embruns salés, la cité portuaire grouillait d'activité et les fils de Caledor devaient se frayer un passage parmi la foule qui grouillait entre les gigantesques palais des princes-marchands et les entrepôts de pierre blanche. Jamais ils n'avaient vu autant de personnes réunies au même endroit, venant d'un royaume montagneux et relativement peu peuplé. Ils aperçurent même, et ce pour la première fois, des humains. Ils leurs apparurent grossiers et laids, comparés à la grâce et à la noblesse naturelle des Asurs.
Les trois compagnons avaient finalement rejoint les grandes casernes de la Garde Maritime de Lothern, au prix de longues heures de marche à travers les rues bondées de la ville pendant lesquelles Bëllegond et Illawir insultaient machinalement quiconque se trouvait sur le chemin. Les magnifiques baraquements de la Garde Maritime étaient bâtis en briques blanches et dévorés par les lierres grimpants. De longues et fines tours se dressaient depuis les toits, qui dominaient une cour garnie de sable longue comme plusieurs champs de course dans laquelle se pressaient les volontaires de Caledor et d'Eataine afin de recevoir leurs affectations. Les jeunes caledoriens indiquèrent leurs noms et leurs maisons aux officiers chargés du recrutement et avant la fin de la journée, ils furent appelés uns à uns. Quelle ne fut pas leur surprise ! Non seulement ils seraient déployés au sein de la même unité, mais ils seraient affectés à la défense de la Citadelle de L'Aube, la forteresse la plus méridionales des races civilisées, aux confins des jungles des Terres du Sud.
La nouvelle fut accueillie différemment par chacun des comparses. Ils eurent une discussion animée le soir venu, alors qu'ils sirotaient du vin, attablé à la terrasse d'une auberge raffinée qui donnait sur le port. C'était un panorama absolument fabuleux. Le soleil couchant donnait au ciel et aux flots une lueur orangées tandis que des centaines de voiles blanches quittaient ou abordaient les quais grouillant d'activité. Les gigantesques statues de marbre à l'effigie des dieux du panthéon Eltharin dominaient les jetées de pierre tandis que la citadelle de Lothern se dressait au dessus de la cité blanche.
- "La Citadelle de l'Aube ! Quelle farce." enrageait Illawir, faisant tourner le liquide carmin dans son verre en cristal. "C'est aux confins du monde, il ne s'y passe rien. Nulle bataille, nulle gloire. Mon père prétend que c'est là-bas qu'on envoie nos guerriers les plus incompétents et qu'ils y finissent leurs pauvres jours pour que l'on oublie jusqu'à leur nom !"
- "Personne ne sait ce qu'il s'y passe vraiment, mon ami." tempéra Bëllegond, moins orageux. "C'est une colonie d'une importance capitale. Elle permet de contrôler le commerce dans les mers du sud et d'en chasser les humains trop aventureux, ou ces maudits Druchii. S'ils ont osé nous envoyer là bas, c'est que nous y trouveront une mission digne des fils de Caledor, j'en suis persuadé."
Face à ces propos, Illawir se contenta d'un rictus dégouté, tandis que Theldasyr contemplait l'horizon où disparaissaient les voiles des majestueux navires, bercé par ses pensées.
Ce n'est que plusieurs jours plus tard qu'ils embarquèrent. Ils se rendirent au port pour rejoindre la jetée désignée dans leur missive. Ils y retrouvèrent un groupe d'une vingtaine de jeunes gens visiblement de noble famille qui, comme eux, avaient été désignés pour rejoindre la garnison de la lointaine colonie. Ils étaient originaires de différents royaumes d'Ulthuan et pour cette raison, les trois calédoriens ne daignèrent même pas poser le regard sur eux. Un majestueux Vaisseau Aigle les attendait, avec à son bord tout un contingent de Gardes Maritimes qui les invitèrent à bord. Après une prière accordée à Mathlann, le Roi des Mers et des Tempêtes, ils appareillèrent enfin et quittèrent lentement le port de Lothern. Après plusieurs heures, la nuit tomba et les rivages d'Ulthuan disparurent, seul les flammes de la Tour Scintillante perçait les ténèbres au loin.
Leur voyage vers le sud dura de longues semaines, pendant lesquelles la proue de leur navire fendait les vagues en haute mer, sans qu'une terre ne soit en vue à l'horizon. Chaque matin, les calédoriens s'entrainaient sur le vaste pont et faisant quelques passes d'armes pendant que les marins de la Garde Maritime s'affairaient autour d'eux. Les restes des jeunes nobles affectés à leur unité avaient vite appris à rester à distance de Theldasyr et de ses compagnons, ne serait-ce que pour sauvegarder leur fierté qui était sans cesse insultée et dénigrée par les descendants des Princes Dragons. Leur arrogance était visiblement répulsive, et ils ne rencontraient que des regards hostiles de la part de leurs futurs frères d'armes. Ainsi se déroula leur longue traversée de l'Océan, sans qu'aucun incident majeur ne soit à déclarer.
Enfin, ils arrivèrent en vue de la Citadelle de l'Aube. Au petit matin, ils virent la terre, au loin. A mesure qu'ils s'approchaient, ils pouvaient clairement distinguer les berges recouvertes d'une jungle épaisse. Durant leur traversée, ils avaient appris que la citadelle était bâtie sur une île nommée l'Île de Feu, une terre inhospitalière surmontée d'un volcan actif, et qui faisait face à la pointe des Terres du Sud, sur laquelle se trouvait d'ailleurs un autre bastion des Asurs appelé la Forteresse d'Obsdienne, qui faisait office d'avant-poste et permettait de défendre plus efficacement ce détroit stratégique par lequel passaient la plupart des routes commerciales reliant le Ulthuan et le Vieux Monde aux contrées lointaines d'Ind et de Cathay. A mesure qu'ils se rapprochaient de la côte, ils purent apercevoir la citadelle, magnifique complexe fortifié perché sur une série de piton rocheux qui se dressaient comme par magie au milieu d'une longue plage de sable fin. Le soleil était haut dans le ciel et des mouettes à tête noire suivaient le vaisseau elfique qui fendait élégamment l'écume des vagues, se dirigeant tout droit vers sa destination. L'un des marins porta un long cor en forme d'hippocampe à ses lèvres et poussa une longue plainte, à laquelle répondit un autre souffleur depuis l'une des tours e la citadelle. Ils parvinrent enfin dans la baie protégée par la forteresse où une dizaine de jetées sortaient des vagues. Huit navires de tailles différentes étaient amarrés, leurs belles voiles décorées pliées contre les mâts. Des gardes jetèrent des cordages aux marins depuis les quais et bientôt l'équipage et les jeunes conscrits mirent pied à terre. Ils furent accueillis par le commandant de la Citadelle en personne, le Prince Vafanel d'Eataine. Son armure était somptueusement travaillée et son casque orné de plumes d'aigles. Derrière lui se tenait un elfe en robe bleue, portant un long bâton gravé de runes complexes et dont le front était ceint d'un diadème en or.
- "L'archimage Danrël et moi-même vous souhaitons la bienvenue à la Citadelle de l'Aube. Vous intégrez céans la garnison, et vous placez donc sous mes ordres. Mes officiers vont vous montrer vos casernes." se contenta-t-il de dire, très sobre, avant de leur ouvrir la voie.
Et les nobles d'Ulthuan le suivirent dans l'immense escalier de pierre blanche qui menait du port à la citadelle, Theldasyr et ses compagnons en tête. Il leur fut attribué une caserne séparé des autres unités en garnison, dans laquelle ils bénéficiaient tous d'une chambre individuelle, certes réduite, mais cependant luxueusement, comme il était de rigueur pour les fils de seigneurs elfes. Celle de Theldasyr donnait sur l'intérieur des terres où, par delà la plage et une petite falaise de rochers noirs s'étendait la jungle sauvage à perte de vue.
La routine s'installa rapidement, et le jeune calédorien apprit rapidement à prendre ses repaire dans ce petit monde éloigné de tout. La citadelle était vaste mais construite strictement dans une logique militaire, et était composée de nombreuses casernes, d'appartements privés, de réfectoires, de temples ou d'autels dédiés aux différents dieux du panthéon, ainsi que quelques jardins suspendus d'un raffinement exquis. Il y avait également de nombreuses réserves et arsenaux, ainsi que de longues écuries. Le système défensif était quant à lui optimal. En plus de sa position privilégiée sur le piton rocheux, la citadelle bénéficiait de murs épais et crénelés, de hautes tours décorées de bannières et couronnées de rangées de balistes Serres d'Aigle. Elle était le foyer de plusieurs centaines d'elfe, dont la quasi-totalité étaient des soldats. Il y avait là deux régiments entiers de lanciers, trois régiments d'archers, une unité de prestigieux Heaumes d'Argent et une unité de Patrouilleurs Ellyriens, en plus des régiments de Gardes Maritimes et des équipages des navires amarrés, qui partaient régulièrement en patrouille dans les eaux environnantes. De nombreux officiers et chefs de corps se rejoignaient quotidiennement dans des salles qui leurs étaient réservées tandis que le quotidien de la citadelle était rythmé par les entrainements dans les différentes cours sablées qu'abritaient les murs d'enceinte.
Plusieurs jours passèrent ainsi pour Theldasyr qui se familiarisa avec son nouvel environnement, si différent des montagnes escarpées de Caledor. Ici, le soleil frappait fort et le ciel était éternellement bleu. Ses journées s'enchaînaient, entre entrainement, repas en caserne avec ses deux compagnons, lectures diverses et promenades sur les murs à contempler la mer. Mais un jour, l'officier chargé de l'instruction de l'unité des jeunes nobles entra en trombe dans leur caserne et sonna le rassemblement. En quelques instants, les héritiers des seigneurs elfes se réunirent dans la cour en rang et équipés.
- "Voilà plusieurs jours que vous avez débarqué, désormais. Si vous pensez avoir goûté à la vie de soldats, vous vous trompez cruellement. Par Asuryan, il vous reste à goûter la peur, le sang et l'acier, jusqu'à ce que Ereth Khial, la Reine Pâle, ne vous engloutisse dans son étreinte." Les rangs furent parcourus d'un frisson à la mention de la sombre déesse. "Ceux d'entre vous qui survivront auront l'honneur de servir parmi les Heaumes d'Argent et d'apporter gloire et fierté à leur nom. Mais vous devez encore faire vos preuves." Il marqua une pause. "Dans la nuit, l'un de nos Eperviers a aperçu un Reaver. Pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle, c'est un navire Druchii." dit-il en laissant planer quelques secondes, faisant monter la pression et l'excitation d'un cran. "Tous nos navires vont partir en patrouille pour le localiser et l'anéantir. Je veux des volontaires pour accompagner les Gardes Maritimes."
Bien entendu, Thelsadyr et ses deux compagnons furent les premier à faire un pas en avant fanfaron, rapidement suivi par le reste du contingent. Leur officier inclina la tête, l'air fermé. Lui savait que certains n'allaient pas revenir, mais il se devait de laisser l'enthousiasme et le courage contrebalancer l'adresse et la force pour dessiner la balance de ceux qui, plus tard, serviraient parmi l'élite. Les affectations furent données, et Theldasyr, Bëllegond et Illawir reçurent l'ordre de rejoindre le pont de l'Eclat d'Asuryan, l'un des quatre Vaisseaux Aigles de la flotte de la Citadelle. Ils s'équipèrent et s'y rendirent sans attendre, descendant rapidement les escaliers des différents niveaux pour se rendre aux quais qui grouillaient d'activité. Les équipages se préparaient au départ pendant qu'on chargeait munitions et approvisionnement dans les cales. Les jeunes nobles embarquèrent sur leurs navires respectifs.
L'Eclat d'Asuryan était un Vaisseau Aigle classique. C'était un bâtiment racé à trois mâts soutenant de longues voiles triangulaires et splendidement décorées de runes, d'étoiles et de flammes stylisées. Dix balistes à répétition étaient alignées sur chaque flanc, plus deux à l'avant, tandis qu'à l'arrière se tenait une plateforme décorée pour les officiers. Les cales étaient longues et large, pouvant contenir sans problème cargo et soldats. L'équipage monta à bord, accompagné d'un régiment de Gardes Maritimes et des trois calédoriens, placés directement sous les ordres du capitaine. Deux Cotres les accompagnèrent, ces magnifiques chariots volants aux courbes élégantes, garnis de voiles transversales et tirés par un Rokh d'Ecume, oiseaux de proie géant natifs des Côtes Scintillantes d'Ulthuan. Leurs équipages étaient constitués de deux ou trois gardes maritimes, qui brandissaient des arcs tandis que l'un d'eux manoeuvrait une baliste de petite taille. Quand tous furent montés à bord, les navires de la flotte appareillèrent et se séparèrent à la sortie de la baie pour couvrir le plus de distance possible.
L'Eclat d'Asuryan navigua une journée entière en direction de l'Ouest, pénétrant en haute mer et perdant toute terre de vue. Ce n'est qu'à cet instant que l'une des vigies poussa un cri d'alerte.
- "Pavillon Druchii à tribord !" cria-t-il depuis son perchoir.
En effet, une voile dentelée et noire se détachait à l'horizon. Aussitôt, l'Eclat d'Asuryan le pris en chasse tandis que les soldats à bord récitaient quelques prières à leurs dieux tutélaires. Rapidement, ils parvinrent à moins d'une miles de sa position. Depuis le pont, Theldasyr pouvait apercevoir la coupe du navire elfe noir, beaucoup plus petit que le Vaisseau Aigle Haut-elfe. Il semblait fin et taillé pour la course, et une rangée de rame dépassait de chaque côté de sa coque. Ils entendirent une corne de brume retentir et bientôt une course poursuite s'engagea entre les deux navires, les éloignant des côtes en direction de l'Ouest. Soudain, la vigie annonça une autre voile qui venait d'apparaitre au loin, derrière eux. Les Asurs devaient se rendre à l'évidence : ils étaient tombés dans un piège vulgaire et passaient de chasseur à chassé. Les Reavers Druchii, alliant force du vent et des rameurs, étaient clairement plus rapide, comme le prouvait la seconde voile qui se rapprochait dangereusement. Le capitaine intima donc l'ordre à son équipage de se préparer à la bataille et fit réduire la voilure, tandis que les deux navires rapides de leurs pires ennemis manoeuvraient pour venir saisir l'Eclat d'Asuryan en étau.
Les trois calédoriens ressortirent prestement de la cale avec une brassée de projectiles destinés aux balistes. Sur le pont, la situation était toujours aussi critique. Les flèches et les carreaux volaient de partout, de nombreux Gardes et membres d'équipage gisaient au sol tandis que les autres ripostaient férocement contre les navires qui les encadraient à bord duquel on entendait claquer les ordres dans la longue sombre des Druchii. Theldasyr en tête, ils foncèrent à travers ce chaos pour approvisionner les équipages de balistes en munitions. Alors qu'il était arrivé au milieu du pont, une nouvelle volée de carreaux faucha sous leurs yeux trois Gardes qui actionnaient une baliste. Theldasyr entendit un gargouillement sanglant et se retourna pour voir Illawir s'écroulant, la hampe d'un carreau elfe noir dépassant de sa gorge tandis que Bëllerond le regardait tomber, le visage fermé. Le jeune elfe tourna la tête vers le Reaver d'où provenait la salve pour voir une rangée d'arbalétriers en train de recharger tandis qu'une femme s'avançait entre eux. Ses longs cheveux noirs étaient attaché en natte et elle portait le plus simple appareil composé de peaux de bêtes à fourrure et à écaille. Un fouet barbelé pendait à sa ceinture. Theldasyr aurai pu jurer qu'elle lui avait jeté un regard langoureux avant de saisir une conque peinte en noir et incrustée de motifs sanglants. Elle le porta à ses lèvres pulpeuses d'un air provocateur et souffla dedans, produisant une longue et profonde complainte. Theldasyr était comme hypnotisé par cette vision, cette elfe si cruellement belle et pourtant maléfique par essence. Il en oublia presque, pendant une seconde, la bataille qui faisait rage autour de lui, les carreaux qui sifflaient à ses oreilles, les cris des blessés, l'odeur du sang. La longue complainte mélancolique de la conque se tut, et l'elfe fixa Theldasyr depuis l'autre pont tandis qu'entre les deux navires, de grosses bulles remontèrent subitement à la surface. Elle suivi son regard et sourit.