[Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

Où s'écrivent les histoires, hors du temps et des règles compliquées du monde réel...
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Essen
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[Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

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Avis : Le présent sujet est destiné uniquement à la publication des résultats de tours, ainsi qu'aux développements scénaristiques des participants. Les remarques connexes n'ayant pas trait à l'action elle-même (commentaires sur le fond, la forme, questions éventuelles, etc.) sont à poster dans le sujet de discussion ; ce afin de préserver l'évènement des digressions et de conserver sa trame scénaristique. Tout message contrevenant à cette règle d'or sera impitoyablement effacé par l'un de nos estimés modérateurs. Bon amusement aux concurrents et aux lecteurs de passage !

LE TOURNOI DE TRÉBUCHETS DU CHESNOIS :


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:youpi:  Ambiance musicale offerte par le célèbre duo de ménestrels et sages itinérants, le Gourmand et le Courant :youpi:  

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Par un beau matin d’été, tandis qu’il supervisait la construction de nouvelles fourches patibulaires - les troisièmes ce mois-ci -, le capitaine et intendant d’Aurevallis fut soudainement interrompu par de grands cris à l’orée de la forêt.

Mêsse Bald’win ! Mêsse Bald’win ! Wêtez c’ke dj’é trové !

Tournant la tête, ledit Baldwin aperçut un jeune garçon à la tunique maculée de vase qui accourait vers lui avec toute la vivacité de ses courtes pattes. Dans sa tignasse de cheveux blonds en bataille étaient fichées d’innombrables brindilles, lui donnant l’allure d’une petite meule de foin en mouvement. L’avorton eut tôt fait de se planter aux pieds de l’officier, sa tête ne dépassant guère les genoux du colosse en cotte de mailles.

Wêtez, mêsse Bald’win ! Wêtez !

À bout de bras, l’enfant présenta fièrement à Baldwin… un autre bras… Le membre était sectionné à hauteur du coude et, si l’on pouvait se fier à sa teinte verdâtre comme à la puanteur des chairs, il devait avoir quitté son légitime propriétaire depuis trois ou quatre jours.
Trouver des morceaux de cadavres dans la grande forêt d’Arden n’avait rien d’extraordinaire. Depuis des siècles, outre les voyageurs imprudents, d’innombrables chevaliers de la Quête avaient enrichi l’humus des sous-bois à leur corps défendant. Pour un paysan local, exhumer un os en labourant son champ était aussi banal que butter sur une pierre. De fait, les limites des cultures étaient régulièrement encombrées par de véritables ossuaires à ciel ouvert.
Quelques détails pourtant retinrent Baldwin de jeter la macabre découverte par-dessus son épaule. Le bras était encore drapé de quelques lambeaux d’étoffe rouge et bleue ; une livrée qui pouvait trahir l’origine de son porteur : la Gasconnie, ou plus vraisemblablement le duché de Couronne. De plus, le poing enserrait encore un parchemin froissé.

Où as-tu trouvé cela ?, interrogea Baldwin.
Qwè ?

L’intendant réprima un soupir.

W-è-st-as trové c’brès ?, reprit-il.  
Ah ! D’vins l’marasse dès lûhantes. Dj’y èsteûs avou m’mére èt m’dévergondêye d’soûr qwand…

Le gamin se lança alors dans une longue explication alambiquée, impliquant sa mère partie cueillir des framboises tandis que sa grande sœur à la vertu discutable se faisait lutiner par un galant dans les buissons, mais Baldwin n’écoutait plus. « L’marasse dès lûhantes », autrement dit le marais des luisantes. Tel était le nom d’un plan d’eau où des lucioles dansaient par milliers. Situé à moins de deux lieues du domaine, nombreux étaient ceux à s’y rendre une fois la nuit tombée pour admirer ce ballet aérien. La région avait beau être réputée relativement sure, nul n’était à l’abri d’y croiser plus gros et plus agressif qu’une luciole. Plus important que toutes ces considérations, le marais s’étalait au nord d’Aurevallis. Voilà qui établissait l’origine du document.
Avec un bruit répugnant, Baldwin écarta les doigts de feu le messager et récupéra la lettre dont le sceau était hélas réduit en miettes. N’ayant plus rien à en tirer, il lança négligemment le bras vers l’enfant qui le rattrapa au vol telle une balle.

Tiens. Retourne jouer maintenant.
Qwè ?
Vas' ti fé arèdjî, bôreu d' troyes!

Sur cette injonction que la bienséance bannit de tout échange policé, le gamin terrorisé prit ses jambes à son cou et s’en retourna aussi vite qu’il était arrivé.
Baldwin ne le vit pas disparaître parmi les arbres en hurlant après sa mère. Il était déjà en route vers la demeure seigneuriale en pleine transformation. Des pans entiers de la palissade gisaient sous un appentis, telles des mauvaises herbes arrachées à la terre afin de laisser place aux fondations d’une épaisse muraille. Le chantier était gigantesque : d’un simple corps de logis flanqué d’une tour de guet allait naître une citadelle à double enceinte et puissant donjon ; ultime ligne de défense capable de résister à des hordes de peaux-vertes ou d’hommes-bêtes en maraude. Mais rien n’était encore achevé. C’est donc vers les anciens bâtiments que Baldwin dirigea ses pas. Arrivé devant la porte, il prit soin d'ajuster son tabard et d’en épousseter la moindre crasse. Assénant trois coups brefs sur les épaisses planches de chêne, il entra sans attendre de réponse. Dans la première pièce s’afféraient quelques servants qui gardèrent la tête baissée à son passage. Chacun allait à sa tâche sans échanger le moindre mot. La pénombre régnait dans la demeure.
Se glissant sans bruit vers la chambre à coucher, l’officier progressa à pas mesurés jusqu’au lit seigneurial. Là reposait le maître des lieux. Deux grands candélabres encadraient la couche, faisant danser des ombres dans les replis d’un visage pâle et amaigri, tandis qu’une silhouette encapuchonnée marmonnait quelque prière inintelligible. Sur un geste de Baldwin, le prêtre de Morr interrompit sa litanie pour les laisser en tête à tête.
Au garde-à-vous, imperceptiblement penché vers son maître, Baldwin risqua un appel à voix basse :

Monseigneur ?

Deux paupières s’entrouvrirent à grande peine.

Baldwin, articula-t-il d’une voix faible et endormie, quelles sont les nouvelles ?
Une missive, monseigneur. Elle est – en quelque sorte – arrivée ce matin.
Lis. N’aurai pas… la force…

Obtempérant, Baldwin déplia le parchemin, tenta d’en lisser la surface, puis se lança dans un difficile exercice de lecture à la lumière faiblarde d’une bougie.
«À son Excellence et très estimée Seigneurie d’Aurevallis, salut.

De par la volonté de sa Majesté le Roy, il me faut m’enquérir auprès de vous des préparatifs d’un nouveau tournoi de trébuchets que la cour comme la plèbe réclament à grands cris. Veuillez vous y consacrer toute affaire cessante et prendre contact avec les hôtes de l’évènement.

Profondes et respectueuses salutations,

Reynald de Chantillon
Chambellan de sa Majesté »
 
Sur son lit de douleur, Mictlantecuhtli remua avant de laisser échapper un gémissement.

Faut-il donc que, mourrant, j’aille me traîner par monts et par vaux afin d’assurer le divertissement de quelques faquins désoeuvrés ?
Il y a un post-scriptum monseigneur, ajouta Baldwin. « Pour raisons impérieuses, sa Majesté est disposée à engager un organisateur intérimaire. »

S'ensuivit un long moment de silence pesant, durant lequel les yeux d’Aurevallis retrouvèrent un éclat de mauvais augure. L’on eût dit que de l’huile venait d’être jetée sur des brandons presque éteints.

Ainsi c’est là tout mon héritage !, lança-t-il d’une voix dure. J’aurai été l’amuseur du peuple que l’on ose remplacer dès l’instant où il ne peut plus servir sur commande ! Nom de nom, de nom de nom… Baldwin ! Encre et plume ! Tout de suite !  
   
Baldwin n’eut que le temps d’attraper le nécessaire d’écriture qui reposait sur un meuble proche. La dictée commençait déjà :

Misérable gratte-papier à l’encolure hypertrophiée…
Messire chambellan…, marmonna le scribe improvisé en traçant hâtivement ses lettres.

Faisant suite à votre immonde missive indigne de torcher l’entre fesses d’un porc incontinent…    
Votre aimable lettre n’a pas manqué de retenir mon attention pleine et entière…

Je vous informe – au cas très improbable où vous seriez à même de le comprendre – que MOI et MOI SEUL suis à même de piloter pareil tournoi…
Je ne manquerai pas d’accorder toute ma confiance à un suppléant digne du choix de sa Majesté…

Par delà les tourments et le trépas qui me guette, je conspue votre pitoyable tentative de m’évincer au profit d’une quelconque larve hémiplégique…
Etant malheureusement dans l’incapacité d’assurer cette nouvelle édition suite à de regrettables soucis de santé, c’est avec une joie non feinte que j’accueille pareille opportunité…

Sachez que la mort elle-même ne saurait retenir mon bras vengeur si vous persistez dans cette voie…
Soyez assuré de tous mes vœux de réussite…

Avec l’expression de mon plus franc mépris…
Vous souhaitant une prompte réception…

Signature.
Mictlantecuhtli Aurevallis Dominus.

Et maintenant envoie le plus rapide coursier que tu puisses trouver pour porter cela jusqu’à Couronne !

Alors qu’il s’était progressivement redressé sur ses coudes, Mictlantecuhtli retomba lourdement dans les cousins, l’air plus épuisé que jamais.  

Va. Je veux être seul pour regarder la mort en face.

Baldwin ne dit mot et quitta la pièce à reculons. Il avait à peine refermé la porte qu’un grand cri rageur la fit trembler sur ses gonds : « Maudits ! Maudits soient ce chambellan et son roitelet jusqu’à la treizième génération de leurs races dégénérées ! » Décidément son maître allait mal. Baldwin réprima un autre soupir tandis qu’il regagnait la chaude lumière du soleil désormais à son zénith.

Que d’histoires pour un ongle incarné…


Prélude aimablement rédigé par l'organisateur des deux tournois précédents, le seigneur d'Aurevallis lui-même :biere:
A suivre : l'ordre du roi, le Chesnois et les premières inscriptions !

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Essen
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Image : "la justice royale sous Saint Louis"


Le roi Louen Léoncœur attendait assez impatiemment des nouvelles du seigneur d’Aurevallis. La tête reposant sur son bras accoudé à son trône, il se sentait bien en peine d’écouter les doléances du jour. Midi approchait, et les petits démêlés entre les nobles de Couronne commençaient à se faire bien longs. Le repas de midi lui parut tout aussi lent : son auguste et redoutable tante Marie de la Médisance était de visite et ne manquait pas de lui rappeler qu’elle n’avait toujours pas vu sa « soi-disante reine et épouse de son neveu chéri » et qu’elle commençait à se demander si ce n’était pas contre elle… Luttant contre une furieuse envie de l’envoyer manger aux cuisines, le roi se contenta de finir son assiette sans piper mot avant d’emporter un dessert avec lui, prétextant d’impérieuses affaires d’Etat.
Il ne fut guère surpris de n’avoir menti qu’à moitié : son chambellan, le brave Reynald de Chantillon, conversait déjà dans le couloir avec deux messagers visiblement à peine arrivés. Crottés qu’ils étaient…
« Sire !
- Votre Maj –
- Nouvelle –
- Missive – »
Les deux messagers se fusillèrent du regard et faillirent en venir aux mains lorsqu’une sévère quinte de toux du chambellan les rappela à l’ordre. Par la Dame, ils étaient en présence de Sa Majesté le Roi Louen ! Ce dernier, quant à lui, ne manqua pas de repérer sur le tabard de l’un quelque chose qui fit frémir sa moustache : le bourdon doré d’Aurevallis ! Enfin il allait pouvoir laisser un peu les affaires de Couronne !
- Loulou !! Si tu crois que tu vas pouvoir t’en tirer comme ça, tu te fourres le doigt dans l’œil !!

Tonnerre d’Anguille. Sauve qui peut ! Réagissant au quart de tour, le roi balaya le couloir du regard en quête d’une quelconque échappatoire. Son chambellan, un noble dévoué et assez dégourdi, trouva immédiatement la porte dérobée qui menait directement aux cuisines. Les quatre hommes furent immédiatement assaillis par de nombreuses et virulentes odeurs de cuisson mais persévérèrent : il en allait d’une entrevue qui se passerait loin de la chère tante de la Médisance, au calme !
Les cuistots, cuisinières et autres marmitons furent promptement congédiés, des chaises furent apprêtées pour le roi et son chambellan, des tabourets pour les messagers. Ce fut ainsi que leurs rapports fatidiques se firent au milieu des plats qui mijotaient et des pains qui levaient. Le roi, fidèle à son devoir, décida de garder le meilleur pour la fin et interrogea en premier celui qui ne portait pas, selon lui, des nouvelles du prochain tournoi de trébuchets.
« Sire, j’apporte de graves nouvelles en provenance du duché de Gasconnie. Une dangereuse guerre a éclaté !
Le roi haussa un sourcil. Pour aller porter l’affaire depuis la Gasconnie jusqu’à Couronne, il fallait que cela échappât d’une manière ou d’une autre au duc local.
- Et le duc Huebald ?
- Hélas, sire, sa seigneurie le duc a décidé de faire appel à votre sagesse et m’a chargé de vous faire ouïr ses propres paroles : « J’en appelle au rei ! Ils sont pèc com la lua vielha ! »
- Ils sont quoi ?!
- Ben… « Ils sont trop cons. »
- Qui ça, ils ?
- La baronnie du Midi, la baronnie du Matin et la baronnie du Soir, sire.
Reynald le chambellan vit la lassitude poindre sur l’auguste visage de sa Majesté. Ça s’annonçait mal…
- La baronnie du Soir a attaqué la baronnie du Midi, soi-disant que le baron du Midi est un pantin de la baronnie du Matin et que c’est un complot contre la baronnie du Soir. La baronnie du Midi résiste à l’invasion et la baronnie du Matin lui livre des trébuchets pour…
- Des trébuchets ! – le roi Louen était blême de colère et sentait qu’il allait exploser pour de bon s’il n’arrivait pas à changer de sujet. – Vous ! Oui, vous ! Vous portez des nouvelles d’Aurevallis ? Le sire Mictlantecuhtli va bien nous organiser un tournoi de trébuchets ?
La mine dépitée du messager concerné lui donna envie de lui fracasser son bâton de nougat sur le nez. Ils s’étaient donc mis d’accord pour ne rapporter que de fâcheuses nouvelles, c’est ça ?
Priant la Dame pour son salut, le messager d’Aurevallis tendit d’une main tremblotante la missive de son seigneur. Avoir échappé aux hommes-bêtes, aux orques et aux bandits de grand chemin, tout ça pour finir jeté aux oubliettes sur un coup d’humeur du roy…
Le roi balaya la missive du regard et la tendit brusquement à son chambellan. Intrigué mais surtout craignant de contrarier sa Majesté, Reynald de Chantillon lut la missive à son tour :

« Messire chambellan,
Votre aimable lettre n’a pas manqué de retenir mon attention pleine et entière. Je ne manquerai pas d’accorder toute ma confiance à un suppléant digne du choix de sa Majesté. Etant malheureusement dans l’incapacité d’assurer cette nouvelle édition suite à de regrettables soucis de santé, c’est avec une joie non feinte que j’accueille pareille opportunité. Soyez assuré de tous mes vœux de réussite.

Vous souhaitant une prompte réception

Mictlantecuhtli Aurevallis Dominus.»

Lorsque le chambellan leva les yeux, il constata que la mine sombre du roi ne présageait rien de bon. Ce dernier, cependant, se tourna d’abord vers le messager gasconnien :
- Y a-t-il autre chose que je dois savoir sur… le cas des baronnies ?
- Oui, sire, hélas, sire. Elles occupent toutes trois des places stratégiques le long des montagnes qui jouxtent le royaume au sud, et leur conflit risque d’être la porte ouverte aux invasions des peaux-vertes…
- Mais, par la Dame, ce n’est pas possible d’être aussi con ! »

Seul le bruit des marmites et le chant des oiseaux que l’on entendait du dehors lui répondit. Les deux messagers regardaient leurs chausses et son chambellan avait les narines qui frémissaient. Et lui, il avait encore son… Le bâton de nougat, broyé par sa poigne entrainée à tenir la lance et l’épée, était tombé par terre, sa main ne contenant que le bout pulvérisé. Miséricorde…
« Chambellan ?
- Ou… oui, sire ?
- Vous partez pour le Chesnois.
- Le Chesnois ?
- Vous allez y trouver le Lord del Insula et organiser avec lui le tournoi de trébuchets.
- Sire, je…
- Vous préférez peut-être le voyage en Gasconnie ? En plus, c’est la belle saison, les /embouteillages/ embuscades hommes-bêtes sont garanties sur les routes.
- Le Chesnois, sire, votre serviteur, sire.
- Ben voyons… Vous, vous irez souhaiter au seigneur d’Aurevallis une rapide guérison de ses maux, quels qu’ils soient.
- Oui, sire.
- Et vous… Vous pouvez disposer jusqu’à demain, il semblerait que nous ayons de la route à faire ensemble. Votre nom ?
- D’Artagnan, sire.
- Eh bien, mon brave D’Artagnan… Fichez le camp. Vous deux, d’ailleurs, allez trouver le chamb… Ah bah non, vous êtes là, vous !
Reynald voyait une pointe de fatalisme mêlée d’envie dans le regard du monarque, dont les responsabilités lui pesaient beaucoup quelquefois. Quelque part, plus vite il serait parti trouver le Lord del Insula, mieux il se porterait…
- Vous indiquerez leurs chambres à ces messieurs avant de partir. Et ensuite vous irez au Chesnois, et vous me ferez un beau tournoi ! Un beau ! Démarrez sans moi s’il le faut mais, à mon arrivée, je veux du BEAU spectacle, est-ce bien clair ?
- Votre serviteur, sire.
- Bien. Par la Dame, maintenant, laissez-moi. Laissez-moi avant que je ne noie quelqu’un dans un chaudron. Et que l’on m’apporte du vin, un bon tonnelet ne sera pas de trop. Et n’oubliez pas, chambellan : du beau spectacle ! »

***


A peine la clenche ôtée, le massif contrepoids entraina la bras, qui entraina la fronde, qui entraina le projectile avant de l’expédier avec une force ahurissante. Un rocher d’un demi-quintal s’envola vers les nuages, se rétrécit à vue d’œil puis retomba bien plus loin, à l’autre bout du champ d’entrainement adjacent au château. Reynald de Chantillon ne put s’empêcher de sourire à cette vision : c’était beau, c’était prodigieux de génie et personne ne le faisait aussi bien qu’en Bretonnie. La responsabilité d’en faire un tournoi pesait lourdement sur ses épaules, cependant la beauté de la chose commençait à prendre forme dans son esprit et l’encourageait à prendre le taureau par les cornes.
Il portait déjà la tenue qu’il mettrait pour le voyage prévu le lendemain. Il la ferait rajuster, cela dit : il avait bien gagné un peu d’embonpoint depuis la dernière fois qu’il l’avait portée. Pour l’heure, il remercia chaleureusement le maître artilleur du duché auprès de qui il avait exigé cette démonstration tardive. Il avait beau avoir vu des trébuchets à de nombreuses occasions, en voir un fonctionner d’aussi près était nouveau pour lui. Finalement, ça s’annonçait plutôt bien, cette organisation de tournoi…

***
« Vous ne pouvez pas ?
- Etes-vous vraiment surpris, messire chambellan ?
- Je m’en doutais un peu, mais…
- Mais il fallait bien que vous sachiez à coup sûr. Ainsi vous me voyez navrée, messire, mais mon devoir m’appelle à porter assistance au roi, comme vous vous en doutiez.
Les derniers rayons du soleil filtraient à travers les fenêtres du couloir du château. Elle lui apparut alors, pile quand il en avait eu besoin pour lui demander de l’accompagner au Chesnois pour qu’elle invoque la brume enchantée. Et elle ne pouvait pas !
- Mais votre Sainteté Madame l’Enchanteresse, si vous ne pouvez pas, je me retrouve bien démuni !
Nerveux, le chambellan avait joint ses mains derrière son dos et regardait la Fée Enchanteresse en biais. Comme tout bretonnien, il ne pouvait être indifférent à l’aura qui émanait de la plus proche servante de la Dame du Lac…
- Allons, messire chambellan. La brume magique n’est pas un sortilège si compliqué que cela. Tenez, je suis certaine qu’il est à portée de toute prophétesse de la Dame qui se respecte. Je vous accorde que ce ne sera sans doute pas aussi parfait que si je m’en occupais, mais cela fera amplement l’affaire pour vos spectateurs.
Reynald regardait ses chausses. Il avait envie de croire que c’était aussi facile que ça, mais l’expérience des années lui disait de se méfier. Le foutoir en Gasconnie n’était de loin pas le seul endroit où ça se castagnait en Bretonnie, alors trouver une prophétesse disponible allait sans doute s’avérer ardu…
- Quel homme de peu de foi vous faites ! – le gronda l’Enchanteresse. – Je pensais vous accorder une prédiction pour la route, mais vous me semblez bien trop obtus et sot pour y accorder crédit.
A cette annonce, le chambellan se crut évidemment bien sot et, presque à genoux, conjura l’incroyable femme à l’aura divine de lui révéler l’avenir.
- Je prédis qu’au Chesnois vous trouverez toute l’assistance qu’il vous faut, messire chambellan, et même plus encore ! – énonça-t-elle, énigmatique. – Voila. Si vous doutez de moi, je vous transforme en crapaud.
Successivement rassuré et terrorisé, le pauvre sire de Chantillon sentit la force quitter ses jambes pour de bon et tomba à genoux, récurant la poussière du couloir avec sa moustache rousse. Chambellan, courtisan et diplomate à l’occasion, il avait cru la veille être à l’abri de toutes sensations fortes pour le restant de ses jours, mais voila qu’il ne put que balbutier des propos inintelligibles où la frayeur le disputait à la ferveur.
Lorsqu’il retrouva enfin ses esprits, la nuit était enfin tombée, et la Fée Enchanteresse avait depuis longtemps disparu.
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En cette belle matinée, le petit bourg de Rèmes s’animait joyeusement de mille activités. Un marché se mettait en place dans la rue principale.  Un éleveur de volailles et un sergent contrôlant les produits discutaient secs.

- Puisque j’vous dis que mes poulets sont de première main ! J’suis pas l’genre d’arsouille  à vouloir refourguer une pondeuse refaite !
- Et ça coquin, c’est du poulet ?
- Le pigeon ? c’te tiote bestiole est viendu l’autre jour squatter mes mangeoires. Et les poulettes s’y sont prises d’affection. Pas moyen de le faire décarrer sans que toute la basse cours rapplique pour le défendre. Pour sûr mon gars.
- Dans tous les cas c’est une viande d’origine non contrôlé et mon devoir exige de la saisir.
- J’demande qu’à y voir, s’exclama l’éleveur avec enthousiasme à cette perspective.

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Au même moment, le Lord del Insula, seigneur du Chesnois retenait un bâillement. Il  auditionnait depuis presque une heure les doléances de ses vassaux et finissait par se lasser des demandes. Plus de la moitié concernaient les forfaits commis par l’incontrôlable Fulbert de la Gaudriole : rixes, effronterie, séduction de dames et damoiselles. Une autre partie concernait les querelles concernant l’emploi de la salle de torture : d’aucuns proposaient d’y aménager une salle d’archives, tandis que d’autres défendaient le parti d’y stocker vins et victuailles. Enfin, Osario Gustavo ne manquait pas de proposer la construction d’une machine selon son inspiration du moment. Ce dernier avait au moins le mérite du divertissement, ses inventions ne manquant jamais d’échouer lamentablement de manière spectaculaire.

- … en conclusion de mon exposé, vous pourrez donc convenir my Lord, que les instruments de la salle de torture sont tout à fait utilisables sur du pain ou de la viande. Cela prouve irréfutablement qu’il convient dans faire un garde-manger.
- Fort bien, laissez donc un double de votre brillante plaidoirie. Je pourrais à loisir la comparer avec celle défendant l’adéquation des mêmes outils pour les travaux de reliures et de réparations. Vous pouvez disposez.

Se tournant vers le garde enregistrant les entrées, le Lord lança la formule consacrée :

- Qui est le suivant ?
- Un messager
- Fort bien, d’où vient-il ?
- Du marché my Lord.
- Parbleu, et quel message peut-il bien apporté ?
- C’est fort confus My lord. Il est question de poulets et de pigeon. Et laissez moi vous prévenir que a tenue laisse quelque peu à désirer. Accordez-vous tout de même audience.
- Après tout, voilà qui nous change de l’ordinaire. Faîtes entrer !

Le garde fit donc entré le fameux messager. Ce dernier portait la livrée des sergents du Chesnois  mais sa tunique était recouverte de fientes et de plumes. Par ailleurs son corps était couvert d’hématomes. Dans sa main ensanglantée l’homme tenait fermement un parchemin enroulé.

- Pour vous my Lord, dit-il en s’agenouillant, le bras tendu.
- Garde, veuillez vous saisir du message et me l’apporter.
- Tout de suite my Lord.

Le garde s’exécutait, del Insula saisit la missive et identifia immédiatement l’expéditeur. Il prit connaissance de son contenu. Il se saisit d’un parchemin et d’une plume, et se mit à écrire son message. Une fois cela fait il se tourna vers le garde.

- Allez tout de suite faire porter ça au courrier. Et faîtes quérir les sieurs Silvère de Castagne Orasio Gustavo. Réunion urgente dans l’heure.
- Tout de suite my Lord !

Le Lord reporta son attention au messager.

- Redressez-vous mon brave. Et expliquez-moi par quelle aventure vous êtes tombés en possession de ce message.

Le sergent narra alors son improbable combat contre une horde de poulets déchainés et d’un insaisissable pigeon. Parfois, les doléances pouvaient réserver de bonnes surprises.

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- Oune tournoi du tribouchet ? Ma que c’est oune excellente nouvelle !!! S’enthousiasma Orasio.  - Ye vais pouvoir m’amouser avec lou tribouchet
- Ne vous enflammez pas cher ami, le tempéra le Lord. – Un évènement de la sorte n’est pas une mince affaire et je vais avoir besoin de vous pour l’organisation. Je suis au regret de vous annoncer que vous ne pourrez prendre part à l’épreuve.
- Par la Madone, c’est oune injoustice ! – se lamenta le tiléen.

Le lord se tourna vers Silvère.

- Mon ami, je peux compter sur vous pour la sécurité.
- Yes my Lord. J’irai renforcer la garnison du fort et doubler le nombre de patrouilles.
- Parfait, par ailleurs je vous demanderai de solliciter pour moi les services de Dame Gaea de Grunère.
- Comme vous voudrez. Ainsi donc le seigneur d’Aurevallis ne sera pas de la partie ?
- Hélas non. Cela fait beaucoup à gérer. Je préfère anticiper le plus de détail possible avant la venue de Reynald de Chantillon. Intendant !
- Yes My Lord ?
- Un évènement de la sorte génère une forte attractivité. Veuillez à apprêter le plus de chambres possibles et faîtes remplir les garde-mangers. Nous devons être en mesure de loger et nourrir plusieurs centaines d’invités !
- Yes my Lord.
- Orasio, j’ai besoin de votre expertise. Sur quel terrain du domaine pouvons-nous accueillir un tel évènement ?
- Ye né vois qué les champs près dou fleuve.
- Silvère, votre avis sur l’emplacement.
- La rivière permet de couvrir un côté. Ce sera plus facile de canaliser les accès. J’approuve la proposition.
- Fort bien. Orasio, je vous confie les travaux de construction.
- Comme vous voulez Mi Lord. Ma pouis-jé vous faire oune souggestionne ?
- Je vous écoute ?
- Vous devriez prendre oune maitre d’ouvre pour vous assister dans la coordinationne.
- Ma fois, il est vrai que je ne pourrais donner de la tête partout. Mais vous êtes déjà affectés à es missions essentielles et je ne vois personne pour remplir ce rôle efficacement.
- Oustement y’ai rencontré la semaine dernière oune chevalier qui se ventait d’avoir ourganiser oune concours de lancer de menhir sur l’ile d’Albion. C’est le senior qu’il vous faut !
- Fort bien. Garde ! Envoyez un messager le quérir…Comment s’appelle-t-il ?
- Sir David Goodenough.
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Début des inscriptions

C'était une soirée maussade qui s'acharnait sur le donjon de Bressac et la bourgade de Rèmes.
Entre ce ciel noirâtre, ces rafales de vent au souffle aigu, et cette pluie battante qui fouettait la peau des hommes comme les toitures des maisons, quasiment personne n'osait s'aventurer dans les rues, ou bien sur les courtines du château.
Il n'y avait qu'une poignée de gens d'armes, quelques roturiers du guet, qui patrouillaient à cette heure et par ce temps ; l'eau ruisselait abondamment sur leurs casques, leurs visages et leurs livrées, pendant qu'ils tentaient de ne pas patauger dans les grandes mares, boueuses, qui se formaient rapidement sous leurs pieds.

C'est alors que l'un d'entre eux, posté à l'entrée du bourg, aperçoit une ombre à cheval qui se dirige vers lui. Très vite, à sa suite et entre les gouttes d'eau, se montrent non seulement d'autres silhouettes de taille humaine, mais aussi une grosse... chose?
Devenue nerveuse à la vue des ces apparitions, la sentinelle prévient aussitôt ses camarades à grands cris ; ceux-ci ne tardent pas à arriver, au pas de course, et au même moment où ce groupe étrange parvient, à son tour, devant l'entrée de la ville.
Toutefois, après quelques secondes, la tension et l'inquiétude finissent par retomber: cette petite troupe singulière est bien humaine, et dénuée de mauvaises intentions.
L'individu qui en est à sa tête annonce, avec froideur, qu'il est venu pour une raison spéciale, de la plus haute importance d'après ses dires. On comprit bientôt ce motif, et l'on fit chercher l'intendant du Tournoi de Chesnois - lui-même gentilhomme de son état, afin de traiter le sujet convenablement.
Bravant le climat exécrable, arrivant sur place, ce dernier se trouva face à un homme revêtu de noir, dans un style à la fois distingué mais relativement sobre. Son pardessus et sa pèlerine dissimulaient presque tout chez lui ; il n'y avaient que ses mains blêmes, son visage blafard, et sa chevelure sombre qui voulaient bien se révéler aux yeux du régisseur:

"Bien le bonsoir messire, fit le noble à cheval, tout en le saluant sèchement de sa dextre, Permettez-moi de me présenter, continua-t-il, d'un air désormais cordial, descendant de sa monture pour se porter vers lui,


Je suis Laurent de Terne-Bois, seigneur du fief éponyme de Terne-Bois, dans le duché... d'Artenois.

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J'ai ouï dire que votre suzerain organisait une joute toute particulière à ce fief, si je ne m'abuse, poursuivit l'arrivant, complètement indifférent aux trombes d'eau qui tombaient tout autour de lui,
Je suis ainsi venu jusqu'à votre pays, pour vous signifier ma participation à cet évènement.

-Bonsoir monsieur de Terne-Bois, reprit l'intendant, serrant prudemment la main de son homologue, Votre adhésion au tournoi nous honore... Mais dans ce cas, ne vous a-t-on pas indiqué le lac de Belmont comme emplacement des véritables festivités? questionna-t-il, la circonspection lui faisant plisser ses yeux.

- Ah? Plaît-il? répondit "l'Artenais" dans un haussement de sourcils, Mes excuses, je n'ai eu que peu de renseignements à ce sujet. Je dois vous avouer ma méconnaissance de votre fief. Je ne suis pas de la contrée, ni du duché voyez-vous, énonça-t-il avec politesse.

- Soit, soit, fit le noble organisateur tout en hochant de la tête, Il n'y a point de problème à ce sujet.
Toutefois, pouvez-vous nous montrer votre trébuchet?
demanda-t-il, portant son regard sur la chose, haute d'une poignée de mètres, couverte par une large bâche, et flanquée par trois serviteurs, Est-ce ceci? Cela m'a l'air assez petit si je puis me permettre, remarqua-t-il.

- Bien sûr, ne vous inquiétez pas, répliqua le sieur de Terne-Bois, d'un ton se voulant rassurant,
Il ne faut jamais trop se fier aux apparences, dit-il, avant de se tourner vers les paysans,
Allez misérables! Découvrez-moi donc cet engin! lança-t-il d'un coup, une autorité cassante remplaçant brutalement la cordialité qui, jusque-là, avait animé sa voix.


Le trio de servants à l'allure minable s'exécuta, et la grande toile en tissu tomba au sol.

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"Mais... c'est tout de même assez réduit pour un engin de siège.
Et... où se trouve le contrepoids, messire?"


Au-delà de son étonnement, le régisseur parlait en connaissance de cause.
Il était plutôt habitué à voir de grands appareils, à la charpente imposante, mesurant une dizaine de mètres en hauteur, une vingtaine en largeur, et dotés de véritables contrepoids pesant plusieurs tonnes, au moins. Ce genre de trébuchet était capable de propulser des projectiles de plus de cent kilos, de quoi faire s'écrouler les murailles d'une cité comme Couronne ou Bordeleau.
À ses yeux, le "petit" engin du sire de Terne-Bois faisait vraiment pâle figure lorsqu'il le comparait à ces monstres ; son tir ne pouvait enfoncer qu'une palissade en bois, tout au plus.

Cependant, il y eu aussi quelque chose de plus... glauque, qui parvint à son attention, ou plutôt qui le surprit.

Les serviteurs de "l'Artenais", qui manœuvraient cette modeste machine, faisaient franchement peine à voir, même pour des manants bretonniens.
Ils n'étaient vêtus que de haillons délavés, miteux, déjà troués par endroits et trempés par l'averse qui continuait de s'abattre sur Rèmes. Aucun vêtement, aucun tabard ne venait signaler leur appartenance à la fameuse maisonnée dudit Laurent.
L’œil aiguisé de l'intendant remarqua également que ces gueux possédaient des armes sur eux.
Un gourdin pour celui-ci, une lance à la pointe rouillée pour l'autre, tandis qu'un long couteau de chasse pendait au ceinturon rongé du troisième. Ils ressemblaient plus à des brigands qu'à d'honnêtes servants.
Mais ce qui marqua, voire frappa sa vision, ce fut l'apparence assez difforme de ces paysans. En effet, leur physique semblait plus imiter ou parodier le genre humain qu'autre chose ; tous les trois étaient émaciés jusqu'à la limite du supportable ; tous arboraient un teint hâve, voire maladif.
L'un d'entre eux cumulait l'exploit d'être à la fois bossu et voûté ; l'autre possédait un regard louche, bigleux, et une face couverte de pustules ; quand au dernier, il avait... six doigts aux mains?

"Ceci est un trébuchet à traction, reprit calmement le sieur de Terne-Bois, tirant le régisseur hors de sa contemplation, Mes gueux serviront de contrepoids: ils tireront sur les cordes pendantes que vous voyez à l'avant, et le projectile sera lancé ainsi.
Je l'admets, la chose n'est pas très impressionnante ; mais je vous assure qu'elle reste assez puissante pour déchiqueter un homme... ou détruire un trébuchet,
conclua-t-il avec un mince sourire aux lèvres.

-Certes, certes messire, répondit son interlocuteur, ses mots transpirant d'une prudence presque suspicieuse à l'égard de cet homme pâle et de sa troupe, Vous êtes donc Laurent de Terne-Bois, du duché d'Artenois... Pouvez-vous donc nous montrer votre blason? Nous terminerons votre inscription, rapidement, et votre nom sera marqué dans mon registre, exprima-t-il, ne voulant pas s'attarder trop longtemps sous cette pluie battante, et incitant subtilement "l'Artenais" à abréger son propre inconfort.

- Mon blason? réagit le sire, semblant surpris, Mon blason est sur mon écu, et j'ai laissé cet écu ainsi que mon armure au sein de mon donjon, l'intendant parut reprendre la parole, mais le sieur de Terne-Bois enchaîna aussitôt, L'on m'a pourtant affirmé qu'il s'agissait d'un tournois de trébuchets, et non de chevalerie traditionnelle, n'est-ce pas? Soyez certain que si cela aurait été le cas, je me serai présenté céans en armure complète, ainsi qu'avec mon écu.

-Bien sûr monsieur, j'entends votre logique, répliqua le noble régisseur, affichant à son tour un sourire poli, Toutefois, vous comprendrez que votre blason m'est nécessaire pour avaliser votre participation. Sans cela, n'importe qui pourrait se présenter et usurper votre nom m'voyez... dit-il tout en penchant légèrement sa tête, en avant, afin d'appuyer son sous-entendu.

À ces mots, la cordialité toute convenue disparut du visage comme de l'attitude du sire Laurent ; un aplomb soudain, grave et sérieux, se lisait désormais sur ses traits blêmes.

- Je comprends vos réserves à mon égard, commença-t-il, plongeant son regard dans celui de son interlocuteur, Mais permettez-moi de penser que votre jugement est inexact ; vous semblez prendre des personnes pour ce qu'elles ne sont point,
il déboutonna d'un coup son pardessus, puis dévoila à sa ceinture une longue et fine lame, d'un style ancien, au tranchant affûté, prête à être dégainée, Voilà ce que je peux vous montrer, ici et maintenant, comme preuve de ma qualité de gentilhomme ; si vous considérez que mon trébuchet ne serait pas déjà une évidence assez probante.

- Allons, allons messire, reprit l'intendant, conservant un petit sourire placide au coin des lèvres, Un blason aurait été un signe tout aussi évident de votre sang-bleu. Je vous sais intelligent ; cette idée ne vous a donc pas échappé, n'est-ce pas?

- Détrompez-vous, monsieur. Votre esprit préjuge, avec imprudence et sans connaissance, de mes pensées comme de mes intentions, poursuivit le sieur de Terne-Bois, devenu ombrageux,
Si je n'ai pas de blason à vous montrer, que dois-je faire alors pour vous arracher ce doute de votre esprit?
Dois-je vous relater tous mes quartiers de noblesse?
Dois-je m'abaisser à demander aux pouilleux de vous confirmer ma condition? Devons-nous vraiment en arriver là?


- Aye, ouais-da qu'c'vrai c'qu'il jacte nôt's'gneur à'nous d'nôt'village! intervint franchement l'un des paysans en question, Pour sûr qu'l's'gneur d'Tern'bois, c'ben l's'gneur d'Tern'bois, pis même vrai qu'on vi'nt du d'd'ché d'M'Art'nois et qu'c'pô mal qu- Silence sous-race! Tu seras fouetté jusqu'au sang pour ton insolence!"

Un grand vide s'installa pendant quelques secondes. Tout le monde fut plongé dans un mutisme gêné ; particulièrement le trio de roturiers, qui - le régisseur pouvait le jurer, tremblotaient de peur face à la réaction violente de leur maître.
On put entendre les gouttes d'eau tomber l'espace d'un instant, leur bruit masquant à peine le malaise qui s'était emparé des lieux. Ce fut finalement le sire Laurent, qui, après avoir pris une grande expiration, osa briser le silence qu'il avait lui-même provoqué:

"Messire, je vous présente toutes mes excuses pour cet imprévu, entama-t-il, d'une voix sérieuse et navrée ; son regard, après avoir foudroyé ses serviteurs, s'en retourna plus calmement vers son interlocuteur, Mon long voyage m'a rendu quelque peu... nerveux, et les miséreux étant ce qu'ils sont... J'appliquerai leur châtiment en temps voulu, dés que possible. J'y veillerai personnellement ; vous avez ma parole à ce sujet,
peu à peu, une risette cordiale réapparut sur ses fines lèvres,
Pour ce qui est de notre blason, si vous le souhaitez tant, je pourrai me procurer un écu vierge dans votre bourg ou votre armurerie ; à partir de là, j'y ferai repeindre mes armoiries à sa surface, de manière à ce tout soit prêt lors de l'avènement du tournois.
Cela vous convient-il?"


Face à lui, le noble intendant ne put s'empêcher de passer sa main derrière sa tête, puis de la replacer sur son menton, prenant quelques secondes de réflexion sous le vent et la pluie. Mais une réponse finit par se former dans son esprit, intrigué qu'il était par ce petit seigneur obscur, à la fois inconnu et... remarquable?

"Eh bien... Je crois que nous avons trouvé un arrangement. Nous ferons ainsi, prononça-t'il enfin, de guerre lasse, mais également satisfait par la proposition du sieur de Terne-Bois, Allez, venez donc avec moi, je vais vous introduire au château et à notre banquet de la soirée.
La bonne chair et le repos vous feront le plus grand bien,
fit-il, avec un large sourire,
D'ailleurs, ne vous faites pas de mauvais sang pour vos gens et votre machine, nos hommes d'armes les prennent désormais en charge ; ils les guideront aux endroits appropriés.
En attendant, voulez-vous une capuche ou une chape de pluie pour vous abriter de cette averse, le temps de notre trajet vers le donjon?


- J'apprécie votre geste messire, mais non, merci, je n'en éprouve pas le besoin, fit le noble, remontant déjà sur son cheval, Croyez-moi, nous n'avons là qu'un simple crachin, sans grêle qui plus est ; il n'y a pas de quoi s'inquiéter, persista-t-il, alors que de grosses gouttes ruisselaient intensément sur son visage, ses cheveux et sa tenue, Je vous laisse me guider vers votre donjon."


* * *

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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

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Il y avait foule aux portes du bourg de Rèmes. Avec l'annonce du prochain tournois, tout ce que la région comptait de trouvères, marchands ambulants, joueurs et tricheurs accourait vers la petite ville pour se trouver une place enrichissante au milieu des évènements. Mais soucieux de limiter au maximum les esclandres, les autorités avaient fait renforcer les contrôles pour passer les murs. De la porte partait donc une longue file bigarrée de gens à pieds. Les cavaliers, tous nobles bien sûr, n'étaient par conséquent pas concernés par ces tracasseries administratives, et leurs livrées chatoyantes filaient le long des piétons avec un dédain notable.

Non loin de la porte, trois arrivants nous intéressent. Tout juste arrivé devant les gardes, le premier ensemble pittoresque que nous allons regarder était constitué d'un homme long et fin comme une rapière, d'un chapeau sombre comme l'humeur de son propriétaire et aux bords aussi larges que son esprit était étroit, ainsi que d'une immense moustache raide et droite, elle aussi comme son porteur. Ces trois compères inséparables se reconnaissaient entre eux comme les trois piliers constituant la majeur partie de Richter Ketzerfeuer. Ce répurgateur de l'empire avait été conduit dans une longue et ardue chasse à l'hérétique jusqu'aux portes de Rèmes. Là, il venait de commencer une longue diatribe que le chef du guet écoutait d'une oreille passive:

"... Et c'est pour ça, capitaine, qu'il est évident que la farine est une invention de nos ennemis ! Les boulangers, Sigmar nous en protège, sont dont tout naturellement à pourchasser vigoureusement. Car boulanger = baguette = magie ! . Vous comprendrez donc qu'il me faille entrer sur le champ afin de PURGER cette ville de cet homme que je pourchasse depuis tant d'années ! Car, vous l'avez compris, ce boulanger, cet empoisonneur, est venu ici, en Bretonnie, et pire, CHEZ VOUS !

- ça vous f'ra quand même trois écus pour l'entrée M'segneur. répéta pour la cinquième fois le garde."

Quelques personnes plus loin dans la queue, le second arrivant que nous allons regarder était tout aussi pittoresque. Sous un petit chapeau blanc et un énorme sac de farine, son crane chauve suait abondamment depuis que ses deux petits yeux avaient remarqué l'ombre du chapeau du répurgateur. Boris Unschuldig, boulanger du bourg de Rèmes, avait reconnu le chasseur de sorcière. Le premier était parvenu à échapper à l'ire du second à Altdorf il y a quelques temps. Il s'était réfugié à Rèmes après des mois de fuite et y avait réouvert une petite boutique coquette. Mais celui qui a déjà vu la moustache de Richter penchée sur soi en pleine nuit ne l'oublie jamais, et Boris tremblait de peur en entendant le discourt du répurgateur. "Bouge toi Boris !" dit la petite voix dans la tête du boulanger qui claquant des dents. "Il te faut couverture ! Trouve une idée ! Vite !".

Une goute de sueur glissa de la tempe du boulanger, laissant un sillon luisant dans la poussière de farine. Elle tourna sur la joue de Boris, courut sur son menton, et tomba. L'innocente petite goute toucha le sol avec un "ploc" presque imperceptible. Mais l'oreille de Richter était aiguisée, et ce petit son au milieu du ramdam de la fil d'attente lui fit tourner la tête avec un regard méfiant. "Planque toi !" hurla la petite voix terrifiée. Tétanisé par l'effroi, le cerveau de Boris se jeta sur la première idée qui passa. Il sauta sur lui-même et se tourna d'un coup vers l'homme qui le suivait.

Celui-ci était - oh surprise- le troisième personnage pittoresque que votre fieffé narrateur vous mentionnait il y a peu. C'était un homme court, trapu, vêtu d'une chemise ample, surmonté d'une calvitie toute neuve, et qui arborait une blonde barbe bouclée en collier. Il s'appelait Jules, était ingénieur es trébuchet et n'avait jamais vu de boulanger plus blanc que sa farine.

"Euh... B'jour M'sieur l'boulanger ? Qu'puis-je pour vous ?" demanda-t-il à Boris
-Jenesuissurtoutpasboulangerjechercheunemploiavezvousuntravailàmeproposer ? déclama le boulanger d'un trait, son cerveau s'étant soudain débloqué maintenant qu'il ne voyait plus directement le répurgateur.
-Bah on peut dire qu'vous tombez bien M'sieur, On cherche just'ment un tailleur d'pierre.
- Parfait !
- Mais j'dois dire qu'vous avez pas vraiment la tête de l'emploi...
- Mais si !
- V'z'avez déjà touché à un burin ? demanda Jules, méfiant.
- C'est important ? répondit du tac au tac Boris, de plus en plus fébrile.
- Bah... Pour tailler les projectiles d'la machine, c'sté important j'crois bien ouais.
- J'ai mieux pour vous ! Je fais les miches de pain de campagne les plus lourdes et les plus dures de tout le continent !
- Euh... C'est pas gzactement pareil...
- Puisque je vous..."

Les deux hommes furent interrompus par le raclement de gorge d'un cavalier qui s'était arrêté. Celui-ci, monté sur un splendide cheval gris, était vêtu de jaune et orange. Il portait un petit bouc noir soigné qui pendouillait au bas d'un visage mince, mais flasque.

"hem hem ?
- M'sieur l'baron ! s'inclina Jules. C'm'sieur s'propose pour remplacer Louibert qu'on a perdu l'autre jour
- Mmm ? fit le baron en tournant son regard sur Boris
- Plait-il ? Demanda naïvement le boulanger.
- L'baron d'Jambe te d'mande si tu prêtes allégeance et si t'accepte d'le servir dans l'tournois à v'nir, traduisit Jules.
- Ha, oui bien sûr ! oui oui oui ! Je prête, je donne même ! Et pas qu'à Légence, mais vraiment à qui vous voulez mon seigneur !
- Mmmmm. Bien, conclue le baron."

Le noble bretonnien talonna sa monture et s'éloigna vers la porte sans un regard pour son nouveau serviteur, pas plus d'ailleurs que pour l'ancien. Le Baron de Jambe, qui venait de recruter Boris Unschuldig, se satisfaisait d'avoir à nouveau un équipage complet pour armer son trébuchet lors du tournois à venir, et était pressé de le signaler à son hôte et à l'envoyé du roi en échange de quelques minutes d'attention avec ces nobles proches de la couronne.

"Bon bah... J'suppose qu't'es engagé l'nouveau. C'est quoi ton nom ?
- Boris. Et vous ?
- J'suis Jules. J's'rai ton chef tant qu'tu s'ras dans les parages du trébuchet d'notre seigneur. Vu l'heure on va pas avoir l'temps d'rentrer dans la ville boire un coup, j't'emmène au champ d'tir pour t'présenter l'reste d'là grande équipe."

Les deux hommes quittèrent la file d'attente et s'éloignèrent. Boris retint pendant plusieurs centaines de mètres ses soupires de soulagement. Heureusement, dans la cohue de la file d'attente, Richter n'avait rien vu de toute la scène. Après quelques secondes à chercher la source du "ploc" qui avait titillé sa conscience, il était revenu à sa diatribe au chef du guet contre les faiseurs de pain. Il avait fini par payer les trois écus pour entrer dans la ville et avait fouillé toutes les boulangeries en vain, avant de quitter la ville pour continuer ses recherches ailleurs. Dans les semaines qui suivirent, le "ploc" qu'il avait entendu le hanta plusieurs nuits.


* * *

Brombür Fière Barbe était de plus en plus mal à l'aise à l'approche du bourg de Rèmes...

Il ne s'inquiétait nullement pour la vente de la bière brassée à Karak-a-Khaône, les accords commerciaux avec le Baron de Joli Tonneau assuraient de substantielles rentrées d'argent, confortées par le judicieux alinéa 5 tiret 8 du paragraphe 132 de la 6ème page consacrée aux droits exclusifs de revente et de fixation des prix pour les zones concernées.

Chaque partie acceptait pleinement le droit exclusif de l'autre d'être le seul fournisseur pour les régions respectives, et, par le fait, de fixer unilatéralement les prix de reventes à leurs clients propres...

Les trois chariots emplis de futs de bières, de toutes tailles et de tous types, étaient d'ailleurs la meilleur preuve de ce fructueux échange...

Non, ce qui l'inquiétait le plus, c'était la nouvelle machine conçue à l'occasion du tournoi par Fraïn Tête d'Acier... Non content d'avoir pris le meilleur des idées humaines pour les retranscrire au format Nain, celui-ci s'était entiché de l'idée saugrenue de vouloir absolument concevoir sa machine en kit...

En KIT!!!

Qu'une idée pareille ait pu germer dans le cerveau à moitié dérangé de l'ingénieur ne le surprenait qu'à moitié, non, ce qui l'inquiétait surtout c'est qu'il y soit parvenu...

Fraïn, depuis une discussion avec un lointain cousin des contrées du Nord, ne cessait de dire à tout un chacun que l'avenir était à la conception en masse de machines en Kit, faciles à monter et rapidement prêtes à l'emploi...

Une affirmation confinant à l'hérésie pour les gens de la Guilde des Ingénieurs...

Sur le papier, et dans les caisses, la machine semble effectivement fonctionnelle... Aussi avait-il été décidé de faire les premiers tests à l'extérieur. Histoire de ne pas froisser les egos respectifs de l'ingénieur et de la Guilde...

Seuls Draïn Forte Voix et Glaïrn Main de Fer semblaient plutôt contents, non seulement les quatre caisses leurs avaient épargné de la peine, mais en plus elles avaient permis l'emport de quelques futs de bières personnels "pour la route"...


Fraïn, de son côté, trépignait d'impatience... Tester son "bébé" lors du tournois serait la meilleur des occasions pour prouver la valeur du concept et surtout l'efficacité de la machine...

Une fois de plus il regarda avec amour le plan de montage qu'il avait préparé avec soins, aidé par son cousin pour les instructions, en page de garde figurait un magnifique dessin plus vrai que nature de l'engin une fois monté:

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Un coup de vent intempestif lui arracha le plan des mains en l'envoya dans le visage de Brombür, lequel jura en le prenant d'une main tout en continuant à guider le chariot...

" Qu'est-ce que c'est que ce truc!!!???..." éructa-t-il en regardant plus attentivement le plan.
" Quoi? Qu'est-ce qu'il a mon plan?" lui répondit l'ingénieur.
" C'est quoi ce charabia? J'arrive pas à lire ce qui est marqué!!!"
" Ben normal, c'est mon cousin, Ikearson qui l'a écrit dans les runes de son Krak..."
" Vous savez le lire son patois?"
" Ha ben non, j'arrive déjà pas à comprendre ce qu'il dit!!!..."
" Mais on va le monter comment alors!!!???..."
" Pas de panique il y a les dessins!!! Cela devrait suffire!!!"


Brombür déglutit avec peine tout en passant sa main sur le visage, pas gagnée cette affaire, non, pas gagnée...


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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

Message par Essen »

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     Reynald de Chantillon s’était attendu à une réunion en bonne et due forme, et fut quelque peu surpris en voyant la salle du conseil remplie de personnages qui, à première vue, n’avait que peu à voir avec un tournoi de trébuchets, ni même avec la noblesse…
     « … un quart de moins d’farine que l’jour d’avant ! Et comment que j’faisons, moué, quand on me dit qu’il y a la… la moitié du pays qui va v’nir au pays ? Comment j’faisons pour le pain, moué ?
     - Sir David, la situation est-elle aussi désastreuse que cette meunière le prétend ?
     - Oh, ça va… Il n’y aura peut-être pas assez de grain pour les semailles l’an prochain, mais les gueux ont l’habitude, non ? Et puis, ça fera du beau spectacle, des projectiles à base de farine ! »
     Le chambellan eut l’impression d’entendre un petit sifflotement dans l’air, avec un « David Goodenough » murmuré vers la fin, mais il n’y prêta guère attention. L’attroupement de notables divers parmi la gueusaille de Rèmes lui paraissait inconvenant, mais il ne voulait pas faire d’excès d’autorité dans la cour de l’hôte du tournoi. Ce dernier, il finir par l’apercevoir à la tête de la table du conseil, avec à sa gauche un chevalier qui le frappa par son air calme et conciliant et, à sa droite, un chevalier… du Graal ? Les insignes qu’il portait ne trompaient pas, et Reynald eut tôt fait de conclure qu’il voyait pour la première fois Silvère de Castagne, un des rares élus de la Dame, célébré comme le Fléau des Morts-Vivants. Encore à droite, il croisa le regard d’une femme à la beauté quasi irréelle, surtout pour ce qu’on voyait parfois en Bretonnie. La première seconde de confusion passée, Reynald finit par assembler deux et deux et comprit qu’il voyait Dame Gaea de Grunere, prophétesse de Graal et conseillère du sire de Castagne dans moult exploits. Voilà donc l’aide que lui avait promise l’Enchanteresse au moment du départ de Couronne !  
     « Sir Rweynauld de Chantillon, milord ! HMC, His Majesty’s Chamberlain ! – annonça un héraut pour se faire entendre par-dessus la vaine plaidoirie de la meunière.
     - Très bien, dit le Lord. - Francine ? - la meunière, rouge d’énervement, se mordit presque la langue, tant elle semblait avoir beaucoup à dire au sujet de projectiles à base de farine. – Sir David vous a clairement énoncé la situation. Vous pouvez disposer.
     Le congé de la meunière fut promptement suivi par le congé des autres notables : le Lord ne voulait guère embarrasser un représentant du roi par autant de petites gens dans la salle du conseil. Un autre seigneur que lui les aurait sans doute fait chasser à grands coups de bâton sans même les entendre, mais Reynald de Chantillon commençait à reconnaître là la présence du fameux flegme du seigneur du Chesnois. Cela lui rappela par ailleurs la présence à sa suite de Colvert, son greffier et phynancier attitré, qu’il avait pris à son service pour son génie avec les chiffres et pour son admirable discrétion. Là encore, à un pas et demi derrière lui, ce benjamin d’une riche famille de marchands couronnais se tenait droit comme un « i » et attendait les ordres du chambellan.
     Reynald s’assit à gauche de celui qui devait être Sir David, un chevalier corpulent, aux longs cheveux noirs, l’air bonhomme, et qui devait, semblait-il, être doté d’une certaine autorité dans les affaires du tournoi en préparation. Ce fut le Lord del Insula qui prit la parole dans le calme renouvelé de la salle :
     « Bienvenue, Lord Chamberlain ! Soyez assuré que mes vassaux, mes sujets et moi-même faisons tout notre possible pour que le tournoi de trébuchets du Chesnois soit une réussite. Vous précédez l’arrivée du roi, je présume ?
     - Je… - se perdit brusquement l’intéressé.
     Il se sentit transpirer : son message, assez laconique pour tenir sur une patte d’oiseau, n’avait pas mentionné toute la partie où le roi s’en allait rendre justice en Gasconnie.
     - Il ne viendra pas de sitôt.
     Les regards des cinq hommes se tournèrent simultanément vers la prophétesse. Le chambellan blêmit puis rougit ; les mots se coincèrent dans sa gorge, il ne savait pas s’il devait parler ou si la servante de la Dame parlerait à sa place.
     - Mais si les desseins du roi sont purs et si la force n’a pas encore quitté son bras, il reviendra victorieux, - prophétisa Dame Gaea.
     Reynald voulut dire quelque chose, avant d’être à nouveau surpris, cette fois-ci par la réaction du lord del Insula et de ses vassaux à ces nouvelles : le lord haussa à peine les sourcils, Silvère de Castagna hocha gravement du chef et sir David écarta légèrement ses bras, paumes vers le haut, comme tout dire « Bah, ce n’est pas si mal… ». Sentant que l’on venait d’ôter un énorme poids de ses épaules, le sire de Chantillon se permit de souffler un coup. Il se sentait ravi d’être en compagnie de gens aussi conciliants qu’animés par la foi envers le roi et la Dame.      

:biere:

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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

Message par Essen »

Penthésilée de Gransette avait de nouveau prit la route pour participer à un tournoi de trébuchet. Si le précédent s'était malheureusement conclu par le triste retour en Gransette, accompagnant son défunt frère, le temps avait fait son œuvre. Elle était plutôt soulagée de quitter pour quelques temps les responsabilités imposée par la baronnie, comme les harcèlement presque quotidien de tous les "beaux partis" de la région, pressés de mettre la main sur sa dot, sur les terres de ses ancêtres comme de se glisser dans sa couche ...

La chevauchée était loin d'être endiablée, il fallait se plier au rythme du lourd charroi qui trainait le trébuchet. Ce dernier ressemblait pour lors d'avantage à un amoncellement de poutres qu'à une redoutable machine de guerre. Les résultats décevants du précédent tournoi n'avait en rien fait modifier la machine : on avait changé les deux madriers brisés par les projectiles adverses et cherché un nouvel équipage assez courageux -et motivé par la prime offerte par la baronne pour risquer sa vie. Le brave Édouard Couillard avait même accepté le rôle prestigieux de chef d'équipage, lui qui avait échappé de peu à la mort et n’avait dû son salut qu'aux manigance du maitre d'arme, Brionne. C'est vrai que le coup reçu sur la tête en cette occasion le faisait parfois surnommé "simplet" par les commères du village. :mrgreen:
C'est bien connu la Bretonnie est terre de tradition. Et si ces traditions ne nous permettent pas toujours de triompher, elle nous permettent souvent d'utiliser la "Réponse C" ... :lol:

* * *
Effectuant la moue sous sa capuche habilement ajustée pour cacher ses attributs malgré la chaleur étouffante, Gerthor ungor de son état était mécontent. Tout autour de lui ces pitoyables humains s'échauffaient et riaient, faisaient couler la boisson et passaient du bon temps. L'or changeait de bourses. L'alcool remplissait les godets. Et pour quoi ? Pour vanter les mérites de leurs misérables engins posés au milieu de champs de céréales ? Ces idiots avaient réellement l'intention de se lancer des pierres et des vaches à la figures pour passer le temps ? La menace qu'incarnait ceux de son espèce était-elle si peu prise au sérieux qu'ils préféraient s'entre-tuer plutôt que fortifier leurs "cités" ?

Il en avait assez vu et entendu. Réajustant sa capuche pour que nul n'aperçoive la difformité d'une corne naissante à la lisière de sa chevelure, il tourna les talons. Ces misérables humains s'imaginaient les sabots-fourchus négligeables. Ils préféraient rire et s'écraser mutuellement sous d'énormes rochers. Alors même qu'ils devraient se terrer de peur derrière leurs murs pathétiques, trembler au moindre son, sachant que leur prédateur rôde tout près et a faim de chair humaine. Ils riaient. Bientôt très bientôt, cela cesserait.

S'éclipsant des festivité et des énormes lance-rocs au nom barbare de "trébuchet", disséminés ça et là dans la campagne, il rejoignit le sous-bois. Là-bas, pas si loin de ces primates aveugles et insouciant, campait sa harde. Or celle-ci incluait justement un individu digne de leur enseigner ce que le terme "jet de pierre" signifiait. Certes, Muuhtak était un peu boiteux et il faudrait l'accompagner pour que cet idiot ne s'égare pas entre deux chênes. Mais si ces humains voulaient finir écrasés par des tonnes de roches, lui pouvait s'assurer que ce souhait soit exaucé.


Alors que les préparatifs suivaient leur train Reynald de Chantillon se retrouvait plongé dans les nombreuses tâches à accomplir sans ne guère avoir le temps de s’appesantir sur son hôte et ses collaborateurs. Tous se retrouvaient dans le cadre d’une ultime réunion  visant à apporter les derniers ajustements et solutionner les rares problématiques qui subsistaient. Ainsi se trouvaient assemblés autour d’une table ronde, dont les motifs en spirale faisaient curieusement penser à une coquille d’escargot, les personnes suivantes : Dame Gaea de Grunère, la meunière Francine, l’intendant, Silvère de Castagne, Sir David Goodenough, Orasio Gustavo, le chamberlain et le Lord. Une place restait encore vacante.

Le Lord prit la parole pour ouvrir les débats :
- Nobles dames, Messires chevaliers, et humbles gens, je vous remercie de vous être libérés malgré les lourdes tâches qui vous occupent. Avant de laisser la parole à Sir David, je voudrais excuser l’absence de ma tendre épouse qui est accaparée par une urgence.

La curiosité de Reynald fut saisie. Le Lord abordait très peu le sujet de Madame son épouse et cette dernière ne quittait que très peu le fief du Chesnois. Il lui tardait donc de pouvoir rencontrer cette énigmatique personne. Les autres membres de la table en revanche semblaient ne pas réagir à cette absence. Sir David haussa simplement les épaules et seule la meunière semblait déçue par cette absence. En tout cas elle grommelait en jetant des regards noirs au précédent qui s’apprêtait à prendre la parole.

- Merci my Lord. Donc pour récapituler, nous avons presque terminé d’installer les gradins. Les projectiles sont bientôt cuits et le dispositif de sécurité est en phase d’être réglé. En somme tout ne va pas si mal.
Ce compte rendu souleva quelques raclements de gorge, ainsi qu’une remarque intempestive de la part de la dénommée Francine.
- Ben voyons !
- Excusez-moi Francine, je vous céderez la parole tantôt. Pour l’heure reprenons les points dans l’ordre. Sir Reynald, partagez-vous le diagnostic de notre coordinateur concernant les gradins ?
- À ceci prêt my Lord, que les sièges n’ont pas encore été installés et que le temps commence à manquer avant que le tournoi commence, fit remarqué le chamberlain. Surtout en ce qui concerne la tribune d’honneur. Sa majesté pourrait arrivée et cela ferait fort préjudice qu’il n’y ait pas place digne de son honneur.
Sir David haussa les épaules :
- Les sièges, ça n’est pas si grave. Dans ce genre d’évènements les spectateurs ont tendance à se lever. Nous pouvons aisément nous en dispenser.
- Je rejoins le parti de Sir Reynald. Il faut au moins des fauteuils en tribune d’honneur. Pour les seigneurs et dames de moindre lignées nous feront mettre des bancs Et les humbles du peuples resteront debout. Sir Reynald, pourrez-vous finaliser cela en temps et en heure avec Orasio ?
Le chamberlain acquiesça.
- Yé devrait pouvoir lé faire rapidement senior Lord, confirma le tiléen
- Fort bien, passons maintenant à la sécurité du site, enchaina le Lord. Sir Silvère, narrez-nous plus en détail le dispositif.
- Bien my Lord. Tout d’abord une cinquantaine de sergents montés sécuriseraient le site en lui-même. Ils auront pour tache de canaliser les foules pour éviter les débordements, les envahissements de terrains et les jets de projectiles depuis le public. Ensuite, nous devrions renforcer les garnisons des tours de garde à l’est et au sud tandis que des patrouilles d’hommes d’armes s’assureraient de prévenir de possibles excursions par le sud.
- Pourquoi utilisez le conditionnel mon ami ? l’interrompit  del Insula.
- Parce que Sir David et moi-même nourrissons un désaccord dans cette mise en place, exposa calmement le chevalier du Graal.

Le chevalier du Graal exposa longuement les défauts du dispositif : garnisons mal réparties, exposant le fief au nord et à l’ouest – Un comble eut égard à l’existence de la maudite contrée de Mousillon - ; mauvaise emploi des hommes d’armes manquant de mobilité pour patrouiller et des sergents montés dont les montures n’apportent aucune aide pour contrôler les abords du tournoi.
- Je suggère donc de contrôler les abords du tournoi par les hommes d’armes, ainsi que de renforcer les garnisons de l’ouest et du nord. Les sergents montés patrouilleront en priorité sur les axes les moins défendus afin de prévenir à toutes éventualités, conclut Silvère.
- Je précise que mes consœurs viendront épauler certaines garnisons au nord et à l’ouest, intervint Dame Gaea. Leurs pouvoirs magiques seront bien utiles pour détecter certaines menaces tapies dans l’ombre.
- Merci My Lady. Ma fois, je n’aurais moi-même pas mieux fait, constata le Lord. Fort bien, mon ami, je vous charge de réorganiser ainsi le dispositif. Cela vous porte-t-il ombrage Sir David.

Ce dernier manifesta sa plus totale indifférence à ces modifications, et le Lord enchaina :
- Abordons maintenant la question faramineuse.
Le seigneur du Chesnois ne put poursuivre son propos. Plusieurs interventions vinrent soudainement l’interrompre.

- Z’ALLIONS TOUT DROIT À LA FAMINE J’VOUS LE DISIONS !
- My Lord, si j’en crois mes calculs, nous devrions dépenser une fortune dont nous ne pourrions…
- MA SA OUNE INEPTIE AÉRODYNAMIQUE QUÉ CÉ  CHOUA PAR LA MADONE !
- Un peu de calme je vous prie, tempéra le Lord. Exprimez-vous chacun votre tour. Intendant, c’est à vous
- Merci My Lord. Je disais donc que les dépenses qu’engendrerait l’utilisation d’autant de farine ne pourrait que mettre vos fiances à rude épreuve.
- Et que nous crevions de faim pour sûr – renchérit Francine.
- Ma que en plous il faudrait oune telle quantité dou farine pour qué les projectiles il tombe dans lé terrain ! – précisa Orasio.
- Y auront même pas assez pour nourrir tout c’bô monde pendant l’tournoi My Lord – ajouta la meunière.
- Bref, nous devrions revenir à une matière plus classique, n’est ce pas ? conclut le Lord.
- C’est que nos réserves de pierre se portent également mal My Lord, indiqua l’intendant. La construction de la salle de torture a presque épuisé les stocks.
Reynald était favorablement impressionné par le flegme avec lequel le Lord arrivait à encaisser toutes ces déconvenues. Ce dernier semblait pourtant à cours d’inspiration pour régler cela.
- Sir David, Orasio, j’ai grand besojn de vos lumières. Que me conseillez-vous ?
- A yé sais pas mi. Yé doit réflichir oune peu, répondit Orasio.
- Du plâtre ? proposa Goodenough.

À cet instant la porte de la salle s’ouvrit et une dame inconnue de Reynald pénétra vivement dans la salle.
- Messire mon époux, je dois vous faire pars céans d’un problème des plus essentiel, n’en déplaise à votre assemblée !
Brune, le port altier mais avec une énergie qui émanait d’elle, ainsi apparaissait pour la première fois aux yeux du chamberlain la femme du seigneur du Chesnois.
- Sir Reynald, laissez-moi vous présenter ma chère et tendre Dame Luna del Insula.
- Madame, c’est un plaisir de vous rencontrer, s’inclina le chamberlain.
- Plaisir partagé Messire, lui rendit-elle dans une courbette. Mon tendre ami, reprit-elle en direction de son mari, vous ne pouvez laisser cela en l’état !
- Quoi donc ma bien-aimée ?
- Le potager voyons !!! j’en viens à l’instant et c’est une catastrophe : les escargots font leur mue !
- C’est là tout à fait de saison, où cela vous pose-t-il problème ?
- Que le potager est couvert de coquille !!!  Un vrai dépotoir, vous ne pouvez laisser cela. Quelle image donnerions-nous  si nous laissons un tel bazar en l’état.
- OURÉKA !!!!!!! s’écria Orasio.
- Comment ? réagirent simultanément les deux époux.
- Les coquilles !!! Ma c’est noutre solution pour lé tribouchet. Il faut qué j’aille vouir ça tou dé souite !
- Non pas vous Orasio. Vos talents en ingénierie seront nécessaires pour finaliser les tribunes. Sir David, prenez des hommes avec vous et suivez ma Dame. Je vous confie la tache de récupérer les coquilles et de les apporter à l’arsenal. Cela vous convient-il ma mie ?
- Merci très cher. Vous savez comme cela ne me sied guère lorsque les choses trainent.
- Je vous en prie My Lady. Et vous Sir David ?
- Comme il vous plaira My Lord.
- Dame Gaea, pardonnez-moi de ne vous donnez la parole en dernier.  Êtes-vous satisfaites des conditions concernant votre rôle ?
- Très certainement My Lord. Entre la taille du champs et la proximité de la rivière, il sera aisé de lancer et manipuler le sortilège.
- Fort bien. Mille merci à vous servante du Saint Graal. Sûr ce, il me semble que nous pouvons clôturer cette réunion. Merci à vous tous, et prions la Dame pour que cet évènement se déroule sans heurt.

Alors que tous prenaient congé pour s’adonner aux tâches à mener, Sir David glissa au chamberlain :
- Finalement, tout ne se passe pas si mal.

:siffle: David Goodenough :siffle:

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

Message par Essen »

La lumière des étoiles et des deux lunes se reflétait dans les eaux de la rivière Grismerie. Plusieurs silhouettes étaient occupées à manoeuvrer un bateau à fond plat pour le faire accoster au ponton permettant de débarquer des marchandises sur le territoire du Chesnois. L'opération était difficile, car le bateau transportait un trébuchet complet, en provenance directe des ateliers de la ville de Grizac, bien plus loin en amont.
Un chevalier à l'air étrange donnait des ordres tout en gesticulant avec une torche et deux gueux tentaient tant bien que mal de décharger le trébuchet, tout en évitant les flammèches. L'ambiance était tendue, car ils étaient en retard : le trajet avait été rendu interminable à cause des milliers de messages de marchands douteux qui leur avaient tous proposé, pour un vil prix, d'agrandir leur péniche.

* * *
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     La canicule bretonnienne battait son plein : sur le champ de tir sur le point d’être ouvert, la terre s’était desséchée et craquelée, les coins d’herbe s’étaient jaunis, et seules les haies vigoureuses maintenaient leur verdure estivale. La terre était chaude, l’air vibrait, ses masses surchauffées ne sachant plus où se rendre en quête d’une quelconque fraicheur. La Grismérie, au demeurant un cours d’eau large et profond, laissait apparaître ça et là des bancs de sables aux touffes d’algues ressemblant désormais plus à des lichens aplatis. La vapeur s’élevait continuellement au-dessus du fleuve, promettant sans doute une averse prochaine, cependant cela faisait des jours que l’attente durait et que les hommes s’échinaient à acheminer de l’eau vers leurs champs et potagers par tous les moyens.
     Les aménagements du tournoi s’étaient faits dans les temps : autour du vaste champ de tir du Chesnois, dont les haies formaient un curieux colimaçon, des gradins avaient été installés, avec des sièges et des tentures au-dessus des têtes pour les nobles, s’il-vous-plaît. Normalement, l’endroit devait déjà être bien rempli, or force était de constater que la canicule devait en dissuader plus d’un de ce moment pourtant exceptionnel. Sur la tribune de la haute noblesse, où un trône attendait un roi qui était en campagne, un conciliabule échaudé se tenait :
     « Ma c’est oune catastrophe !
     - Oh, ça va… Tenez, regardez, les participants sont presque tous arrivés !
     - Presque tous arrivés ? Et la brume ? Sir David, vous leur avez bien expliqué qu’il ne fallait surtout pas qu’ils prennent position avant que la brume soit installée ?
     - Euh…
     - Ma c’est OUNE CA-TA-STROPHE !! Signor Reynaldo, il faut faire quelque chose, et rapido !! »
Orasio Gustavo, Sir David Goodenough, le chambellan Reynald de Chantillon et le chevalier Silvère de Castagne n’avaient eu de cesse de courir dans tous les sens afin que tout soit impeccable : après tout, le roi pouvait arriver à tout moment, même s’il avait dit de commencer sans lui… La chaleur, comme l’on pouvait s’en douter, constituait la principale pierre d’achoppement du tournoi, dissuadant les nobles de venir (l’excuse de l’absence du roi avait constitué une remarquable épine dans le pied du chambellan) mais aussi les gueux, qui avaient soi-disant mal digéré l’interdiction de manger les projectiles en pain une fois que ceux-ci auraient touché terre. Pour un paysan bretonnien, après tout, peu de choses sortaient du domaine comestible, où que ç’eût pu trainer !  
     Reynald se grattait nerveusement la barbe. Il songeait qu’en cas d’ultime recours, il pourrait bien obliger les gueux à assister au tournoi, mais il hésitait à émettre cette proposition expéditive à un chevalier du Graal. Quant aux nobles, il ne fallait même pas y songer, alors à quoi bon ?
     Son train de pensées frénétiques fut interrompu par une sensation aussi impromptue qu’agréable : une brise étonnamment fraiche venait de balayer les gradins. Ses compagnons devaient l’avoir également ressenti, car même Orasio avait interrompu ses imprécations paniquées. Chose plus invraisemblable encore, la brise fraiche se répéta, remuant les tentures, les drapeaux et les fanions là où naguère ils pendouillaient lamentablement sous le soleil. En parlant de soleil, d’ailleurs, n’était-ce pas une tache d’ombre qui commençait à recouvrir les gradins ? N’était-ce pas des… nuages ??
     « Un miracle ?
     - Oun miracolo ?
     Silvère de Castagne, quant à lui, pensa immédiatement à dame Gaea de Grunere et, aussitôt qu’il l’eut pensé, la prophétesse du Graal monta les escaliers menant à la tribune, comme si elle l’avait exactement prévu ainsi. Lorsqu’il interrogea la servante du Graal du regard, un hochement négatif à peine perceptible de sa tête le mit en garde : si ce n’était pas un miracle de la Dame qui était à l’origine de ce soudain changement céleste, cela pouvait être l’œuvre de quelque être malfaisant…
     - Messieurs, je vous enjoins de ne pas vous réjouir trop tôt…
     - Ma qué ? C’est oun miracolo !
     - Ou alors, l’averse que l’on attendait depuis des jours, non ?
     - Sir Chamberlain, Sir Gustavo, mon expérience me dit qu’une averse d’été n’aurait pas apporté autant de fraicheur. Ce froid-là ne me dit rien qui vaille.
     - Oh, ça va… Tenez, en plus, on dirait qu’il y a des nobles qui arrivent assister au tournoi, ce n’est pas une bonne nouvelle, ça ?
     - Sir David… Des nobles, vous dites ?
     - Mais oui, à l’autre bout, là, vous les voyez ? Du côté de l’orage ?
     Un seul regard exercé suffit au chevalier du Graal pour reconnaître de loin les couleurs maudites du Moussillon à tous les recoins du cortège. Par la Dame, mais leurs soucis ne s’arrêteraient-ils donc jamais ? Et que faisaient les hommes d’armes montés ?! Seraient-ils…
     - Sire de Castagne, - le chambellan était blanc comme un linge, - j’ai pour fierté personnelle de connaître l’héraldique des moindres recoins de notre bon royaume. Par pitié, dites-moi que c’est la chaleur qui me fait voir les couleurs de… des ennuis…
     - Hélas, Sir Chamberlain, c’est bien le Moussillon. Je vous enjoins de quitter les lieux au plus vite ! Vous tous ! Sir Orasio, Sir David !
     - Ma…
     - Vous ne voulez pas aller leur dire bonjour ? Pour une force d’invasion, ils sont quoi, là-bas ? Quinze ? Et ce qu’il y a avec eux, ce sont des gueux, non ?
     - Sir David, permettez…
     - C’est MON tournoi de tribouchets ! Je tiendrai les gradins jusqu’à la mort s’il le faut ! Par la Madone !! »
     Entretemps, le cortège moussillonnais avait presque atteint les premières tonnelles qui entouraient les gradins. Leur réputation était telle que l’intégralité des personnes qui étaient encore présentes, gueux comme nobles, avaient pris leurs jambes à leurs cous pour aller sonner l’alerte au bourg de Rèmes. Outre ce remue-ménage, ils finirent par entendre un cor sonner : c’était Silvère de Castagne qui avait ordonné le rassemblement de tous les hommes d’armes des environs qui n’avaient point déguerpi. Un bruit de sabots finit par les avertir qu’un groupe de cavaliers faisait le tour des gradins dans leur direction et, quelques minutes plus tard, les deux troupes montées se firent face.
     De prime abord, Silvère eut l’impérieuse envie de charger comme un imbécile. Pour la Dame et pour le Roi. L’engeance moussillonnaise, personne n’en voulait céans. Ce fut un regard appuyé de dame Gaea qui l’en dissuada, et le chevalier du Graal retint ses ardeurs guerrières, tout en maintenant un qui-vive des plus remarquables. A la lumière désormais fortement réduite du soleil, il distingua parmi les invités-surprise des hommes comme des femmes, certains au teint nettement blafard, d’autres plus… humains ? Quant aux gueux, misérables, crasseux (comme tout gueux, mais avec un côté plus maladif), ils s’agglutinaient derrière le cortège de leurs seigneurs. Silvère en dénombra une bonne cinquantaine. Dame Gaea était, comme souvent au cours de ses nombreuses années, montée auprès de lui sur son palefroi crin colombe, et le temps semblait ne point avoir d’influence sur son visage gracieux.
     Un des chevaliers moussillonnais, portant des insignes de la haute noblesse, prit la parole pour l’ensemble de ses pairs : « La paix soit avec vous, nobles voisins ! Les rumeurs d’un tournoi de trébuchet en ces lieux ont atteint jusqu’à la cour du duc maudit, et nous venons assister à l’événement ! »
     Silvère demeura interdit. Un distant grondement de tonnerre n’aida pas. Par la Dame, l’engeance vampiricque ne manquait pas de toupet.

     « … Ma c’est absourde ! »

     Reynald de Chantillon enserra la bouche d’Orasio, trop tard : leur position en haut des gradins, à l’abri des regards, n’était désormais un secret pour personne. Le chevalier moussillonnais s’empara de l’occasion pour se présenter : « Je suis Malkir de Moussillon, et les autres nobles personnes que voyez céans sont mes frères et sœurs, ainsi que quelques notables mortels… *ahem* ainsi que quelques notables de la cité de Sainct Landouin. »
     Silvère avait l’épée qui le démangeait. Le douloureux souvenir du Fort du Sang surgissait dans son esprit tel un fantôme terrificque, et ne serait-ce qu’autoriser la pensée de quoi que ce fût de semblable était à deux doigts de le faire entonner son cri de guerre.

     « Oui ma yé vous dis que c’est absourde !
     - Moins fort !!
     - Signor Reynaldo, c’est ridiculo ! Ces signores savent que nous sommes là !
     - Dites, le ciel couvert, c’est vous, tout ça ?
     Eberlué, le chambellan foudroya Sir Goodenough du regard, mais le corpulent chevalier avait porté son attention en contrebas, vers les persona non-grata. Après un moment de flottement qui sembla durer une éternité, le représentant moussillonnais répondit :
     - Oui, et, euh, nous sommes navrés pour le dérangement causé. Hélas, certains d’entre nous supportaient très mal le… la chaleur…
     - Ah mais nous aussi ! Et dites, vous pouvez maintenir le temps qu’il fait pendant combien de temps ?
     Silvère de Castagne n’en crut pas ses oneilles. Si l’efficacité de Sir David Goodenough lui avait paru douteuse, à présent voilà qu’il pactisait avec les démons ! Il fallait y mettre un terme aussi vite que possible !
     - Ben… - les moussillonnais échangèrent des regards interloqués, - aussi longtemps que le jour met à décroitre, enfin, au moins jusqu’à la tombée de la nuit…
     - Ah bah voilà ! La voilà, la solution à notre problème !
     - Sire Goodenough, vous n’y pensez pas !
     - Ma il est loco, ce Davido !
     - Oh ça va ! Qu’est-ce qui pourrait nous arriver ? Vous voyez bien qu’ils viennent juste pour regarder le tournoi !

     Silvère de Castagne n’était normalement guère avare en paroles, mais là, il était sur le point de dégainer sa lame. Ce fut alors que dame Gaea lui murmura à l’oreille : « Souvenez-vous du sire Wilhelm Kruger. »
     Ces quelques paroles obscures figèrent Silvère dans son geste. C’était beaucoup lui demander, vraiment beaucoup, que de ne pas accomplir son devoir au sein de son propre pays. Au tournoi de la Reiksguard, il avait eu moins d’états d’âme. Était-ce ce que dame Gaea souhaitait lui montrer ? Qu’il était biaisé dans ses valeurs ? Mais qu’importait ! Le chevalier de sang qu’il avait affronté en duel singulier avait été l’exception à la règle ! Non ? …

     « Sire de Castagne ! Vous êtes d’accord avec le sieur Gustavo et moi-même ? C’est absurde ? »

* * *

     Alors que le soir tombait sur le champ de tir, Reynald de Chantillon regardait avec un air de poisson mort comment les gueux moussillonnais s’installaient pour la nuit sous les tonnelles-ouest près des gradins. Quelques cinq-cents pas plus loin, chose plus ahurissante encore, les nobles du duché maudit étaient tous rentrés dans ce qu’on lui avait nommé « la tourelle pliable de Fozzric », une structure tout ce qu’il y a de plus commun en termes de maçonnerie, si ce n’est qu’elle venait de surgit en moins de temps qu’il en faudrait pour monter une tente. Lui-même aurait dû normalement revenir au bourg de Rèmes pour y passer la nuit, cependant il ne se voyait guère se montrer à la cour du Lord del Insula pour annoncer qu’il avait autorisé des moussillonnais à assister au tournoi. Heureusement pour lui, Sir David Goodenough et surtout, surtout Silvère de Castagne avaient pris sur eux de porter la nouvelle au seigneur du Chesnois ainsi qu’à tous les invités et, chose entendue, aux participants. Lui-même était à présent sur son siège, à droite du trône royal, et à sa propre droite, dame Gaea de Grunere lui tapotait gentiment l’épaule et l’assurait d’un ton quasi-maternel que tout se passerait bien et que les voies de la Dame sont impénétrables.
     Orasio Gustavo, quant à lui, avait lui aussi décidé de passer la nuit sur place, participant même aux rondes des gens d’armes qui surveillaient les lieux. C’était SON tournoi de tribouchets et, par la Madone, il ne laisserait personne, pas même des vampiros ou quoi que ce fût, lui mettre les bâtons dans le mecanismo de propulsione !  

:sunny:  :sunny:  :sunny:

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

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LE TOURNOI DE TRÉBUCHETS DU CHESNOIS :
Fin de l'introduction
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     Orasio Gustavo dormit mal. Lorsqu’il se réveilla, il était persuadé d’avoir fait un cauchemar où, allant faire ses besoins quelque part dans le champ de tir, il eut aperçu au clair de lune une gigantesque silhouette d’un monstre cornu. Il crut même avoir rêvé de son odeur étrange et de sa respiration rauque, aussi forte que le vent. Toutefois, les quelques instants du réveil passées, le tiléen grelotta : l’air aux alentours était frais et humide et… très, très opaque. Très brumeux, pour employer le bon terme. D’ailleurs, ce qui l’avait réveillé était non pas le froid, mais une clameur qui était montée subitement de partout et de nulle part à la fois avant de redescendre. Malgré son ventre qui gargouillait de bon matin, Orasio finit par avoir les idées claires et réalisa ce qui était en train de se passer : on lançait le tournoi sans lui ! Et il s’était endormi dans un coin paumé du champ de tir, bouleversé qu’il avait été par les émotions de la veille ! Par la Madone…
     Il devait retrouver son chemin vers les gradins au plus vite ! Pour ce faire, le tiléen plutôt athlétique trouva aussitôt un arbre suffisamment haut pour que sa cime dépasse de la brume mystique… et se retrouva peu après face à une vision des plus spectaculaires !  

     Sous un ciel couvert mais néanmoins clément, les gradins qu’ils avaient passé des jours à mettre sur pieds étaient pleins à craquer : ce devait être tout le bourg de Rèmes qui s’était vidé de ses habitants, et il devait y avoir la moitié de la paysannerie chesnoise qui s’y serrait aussi ! Sur la tribune d’honneur, le gratin s’attroupait avec tout autant d’entrain, et voilà que quelqu’un fit aussitôt une autre annonce : « Le sieur Orasio Gustavo est prié de retrouver la tribune d’honneur aussi vite que possible ! »

     Orasio Gustavo n’en crut pas ses oreilles : c’était bien une voix de femme qu’il avait entendu aussi clairement malgré le bourdonnement des spectateurs ? C’était bien la voix de dame Gaea de Grunere qu’il avait entendu ? Par la Madone, voilà qui était surprenant !
     « Je répète : le sieur Orasio Gustavo est prié d’évacuer le champ de tir aussi vite que possible ! »

     Sur son siège à la gauche du trône royal, le Lord del Insula s’était dissimulé le visage dans la main. Il n’était guère inquiété par cette bête étourderie de l’ingénieur, au contraire, il était plutôt amusé et, se sentant sourire en coin, tenait à garder une contenance à laquelle ses vassaux étaient accoutumés. Ayant retrouvé ses esprits, il aperçut au loin la petite figure d’Orasio disparaître sous la brume et poussa un léger soupir. Ainsi donc, ils pourraient bientôt commencer. Voilà qui était bien bon.
     A sa gauche, sir David Goodenough somnolait paisiblement. Au vu de l’importance du moment, c’était certainement aberrant mais, après tout, son travail de maître d’œuvre était quasiment terminé à l’heure qu’il était. Pour quelqu’un d’autre, au contraire, c’était LE moment à ne pas rater…

     Reynald de Chantillon ne tenait pas en place. Depuis que la tribune d’honneur s’était remplie, il échangeait courbettes et salutations avec résolument tous ses nobles occupants, les participants au tournoi en premier. Le Baron de Jambe était, à ce qui sembla au chambellan, un bretonnien de la trempe la plus classique : hautain et grand amateur de chevaux. Brombür Fière Barbe, dont l’équipage avait ramené un curieux engin qu’ils avaient mis des heures à assembler, n’avait pas manqué de s’enquérir auprès du chambellan sur le marché de la bière naine à Couronne, ce à quoi Reynald eut répondu honnêtement que s’il y avait peu de brasseurs locaux pour faire concurrence, les vignerons, eux, seraient sans doute intraitables et prendraient toutes sortes de mesures anti-commerciales pour contrevenir au nouvel arrivant… Laurent de Terne-Bois, un seigneur de l’Artenois, parut très curieux au chambellan, non pas à cause de son apparence, qui était des plus convenables, mais à cause de son blason : il avait beau creuser dans sa mémoire qui ferait pâlir d’envie n’importe quel héraut, il ne pouvait retrouver le motif exact qui était représenté sur l’écu du jeune sire de Terne-Bois. Cela étant, ce n’est pas non plus totalement improbable : les seigneurs féodaux créaient régulièrement de nouveaux titres pour leurs fils et petits-fils, et cela faisait un moment que le chambellan ne s’était point mis à jour, surtout avec ce fameux tournoi sur le feu ! Il fut interloqué par l’absence sur la tribune de dame Penthésilée de Gransette : son équipage avait pourtant été annoncé tôt ce matin, et le chambellan s’inquiétait légèrement de ne guère apercevoir la baronne. Enfin, le sire de Castagne veillait sans doute au grain…
     Brusquement, Orasio Gustavo apparut dans son champ de vision : le tiléen haletait, visiblement après une longue course, et tenait un discours agité auprès du Lord, qui répondait par des hochements de tête compréhensifs.

     « Bon, s’il est là, alors c’est le moment pour moi d’y aller ? »
     Reynald du Chantillon dut prendre quelques instants pour essayer de comprendre la teneur de ce qu’on venait de lui dire, sans succès ! Il se tourna sur le côté et vit face à lui le sire Robin Osbourne, dernier participant à avoir inscrit son trébuchet à la compétition. Le chambellan avait gardé en mémoire quelques racontars sur les faits d’armes du sire Osbourne, et n’en reconnaissait crédibles que la moitié, cependant ce qu’il venait d’entendre ne trouva guère de sens dans son esprit.
     « Y aller ? Pardonnez-moi, sire Osbourne, je ne suis pas sûr de vous suivre…
     - Me suivre ? Ah bah non, vous n’y pensez pas ! Je descends sur le champ de tir pour manœuvrer mon trébuchet, et vous, il faut que vous donniez après le coup d’envoi !
     - Le coup d’envoi, tout à fait… Hein ?!
     - See you later ! Et bonne chance ! »
     Lorsque le chambellan comprit que le sire Osbourne venait de descendre dans le brume, il était trop tard. A la fois incrédule et offensé par ce qui ressemblait à un énième contretemps, Reynald trouva en deux temps, trois mouvements le poste de commentateur, où dame Gaea de Grunere s’était portée volontaire, époustouflant strictement tout le monde.
     « Dame Gaea ! Le sire Osbourne est descendu sur le champ de tir ! Il faut le rappeler à l’ordre !
     - Allons, messire chambellan, je n’en ferai rien. N’avez-vous point entendu que le sire Robin est un homme avide d’exploits, et que ce tournoi est pour lui une occasion toute trouvée pour briller à nouveau ?
     - Mais…
     - Allons, messire. Attendez simplement que l’on nous signale son arrivée auprès de ses servants et vous aurez ensuite le plaisir d’annoncer les premiers tirs.
     - Mais… - le chambellan ne voulait pas acquiescer à si bon compte, fut-ce face à une servante de la Dame du Lac, - Je ne vois toujours pas dame Penthésilée de Gransette ! Et si elle aussi avait commis quelque folie et se trouvait présentement au beau milieu du champ de tir ?
     - Rassérénez-vous, messire chambellan. Dame Penthésilée est saine et sauve, vous avez ma parole de prophétesse. »
     A cela, Reynald de Chantillon n’eut rien à répondre. Son oreille exercée de courtisan capta la clameur de la foule impatiente, et il comprit qu’il ne lui restait plus qu’à avoir foi en sa bonne étoile et suivre le protocole de départ.

     Peu de temps plus tard, cinq flèches spéciales (et une fusée naine) fusèrent verticalement hors de la brume, signalant que toutes les équipes étaient à présent prêtes à tirer. Malgré sa longue expérience, Reynald se sentit gonflé par l’émotion lorsqu’il se rapprocha du massif porte-voix en bronze qui avait été apprêté pour l’occasion (et qui avait été totalement superflu pour la voix enchantée de dame Gaea). Essayant très fort de s’imaginer que le roi devait être fier de lui, Reynald de Chantillon s’adressa solennellement à la foule :

     « Nobles seigneurs et bon peuple de Bretonnie ! »

     Le silence se fit dans les gradins. A l'autre extrémité du champ de tir, la tourelle pliable de Fozzric tenait lieu officieusement de tribune mousillonnaise, officiellement de prison de haute sécurité pour d’importants otages du duché maudit. Ou… ou quelque chose de genre, l’histoire brodée par le Lord, le sire de Castagne et dame Gaea était fumeuse, mais ça avait suffi pour contenter le peuple. Et si le peuple était content, alors tout allait bien…

     « C’est avec un plaisir non dissimulé que moi, Reynald de Chantillon, chambellan de sa royale majesté le roi Louen Léoncœur, déclare ouvert le tournoi de trébuchets du Chesnois ! »

     Les applaudissements enthousiastes de la foule firent fondre les dernières hésitations du chambellan, soudain euphorique.

     « C’est un tournoi où six équipes vont s’affronter. A chaque tour, un guetteur montera sur son trébuchet pour ajuster son prochain tir en fonction de ce que révèlera la brume magique. Les seigneurs à qui appartiennent les trébuchets ne peuvent plus donner d’instructions à leurs servants ! »

     Reynald eut une pensée fugace pour le sire Robin Osbourne, qui n’agissait pas tout à fait selon les règles qui venaient d’être énoncées, cependant la pensée qu’il prenait des risques monstrueux sur le champ de tir suffit pour que le chambellan abandonnât ce détail.

     « Au cours des précédents tournois, une flamme avait été allumée, une flamme symbolisant l’ardeur de la compétition ! Aujourd’hui, pour la troisième fois, cette flamme va s’allumer, sur les nobles terres du Chesnois ! »

     Un tonnerre d’applaudissements lui répondit ; la mention de la région avait certainement eu son petit effet sur la populace, et le chambellan se sentait fier de lui à chaque fois qu’il sentait que son éloquence faisait mouche. En contrebas, quelques marches discrètes menaient à une plateforme spéciale à mi-hauteur entre le champ de tir et la tribune d’honneur, sur laquelle une grande vasque, ramenée à grands frais et risques de la lointaine Alsacie, avait été installée. Suivant un protocole calculé bien des jours à l’avance, Reynald de Chantillon reçut une torche crépitante qu’il confia aussitôt au Lord del Insula. Ce dernier descendit majestueusement les marches et mit le feu à l’huile contenue dans la vasque. La grande flamme s’éleva aussitôt, provoquant mille hourras autant des nobles que du bon peuple. Prenant une grande inspiration, ayant une fidèle pensée pour le roi qui accomplissait son devoir à l’autre bout du pays, le chambellan proclama dans le gros tube de bronze :

     « Que le tournoi commence ! »

     Le mugissement de la foule lui répondit, et il crut même entendre les vaches de la région leur répondre en écho. Ce boucan fut heureusement couvert par le signal des trompettes qui annonçaient le début des tirs.
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Le premier tour est officiellement ouvert ! Les concurrents ont jusqu'au 21 août au plus tard pour me faire parvenir leurs coordonnées de tir et texte d'accompagnement éventuel par message privé. Vos textes de réaction au début du tournoi peuvent être postés par vos soins directement ici. Bonne chance à tous !

:heart: Et merci au seigneur Mictlantecuhtli pour avoir inventé ce sport glorieux que nous faisons perdurer en ce jour. :heart:
     

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

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L’acclamation du public raisonnait à travers le ciel. Dans la brume les servants s’échinaient à charger les nacelles de leurs machines. L’équipe du Lord del Insula s’affairait autour de projectiles nouveaux pour eux. Riton,  le maître charpentier inspectait les coquilles de manière méticuleuse en gromelant :

- Vindiu de tiléen. Nous z’avions pas besoin de ses drôlerie d’idée, je vous le disions.
- Z ‘avions pas le choix, pour sûr. Un caillou, une coquille, ou aut’chose, ça nous change pas nos affaire, essaya de le convaincre un de ses camarades.
- D’autant que ça n’a pas l’air léger c’te truc là, surenchérit le dernier artilleur.

Tout en maudissant intérieurement Orasio, Riton évalua la taille des coquilles à celle de la nacelle. Il lui coutait de le reconnaitre mais cela semblait parfaitement convenir.

- Allons-y les gars, z’verrons bien en testant c’que ça donne.

Les deux hommes chargèrent une coquille et Riton procéda aux réglages de la machine en prévision du premier tir. Au moins, Orasio ne serait pas dans ses pattes pour dérégler la machine et nuire à son efficacité. Il allait pouvoir montrer au Lord combien son talent était largement supérieur à celui du tiléen.

***
"Allez les Skuzes ! chargez la machine !
- Ouais ouais, on sait s'qu'on doit faire Jules. Grommela le vieux Tomas."

Le servant s'avança vers la première miche de pain. Elle trônait au sommet d'une pile de ses semblables, au pied de l'imposante machine de guerre. Large comme un tonneau, gonflée comme l'égo des barons de Couronne, elle était enveloppée d'une croute épaisse et dorée à la perfection, que soupoudrait une délicate et fine couche de farine. Le pain était chaud, d'une chaleur douce. Son fumet invitait à la rillette, au fromage fin, voir même à la simple noix de beurre. Quand les grosses mains caleuses du vieux Tomas la saisirent, elle témoigna de son croustillant avec un craquement à faire pâmer la Dame. En son cœur, le pain abritait une mie tendre et pleine de goût.

Le paysan jeta sans ménagement la miche dans la fronde du trébuchet, et se détourna en reniflant.

"- hé, l'nouveau ! Bouge toi un peu et va r'garder en haut du trebuchet si tu vois quequ'chose. J'veux pas de skuze inutile dans s't'équipe.
- Oui Monsieur Jules !" obéit Boris.

L'ex boulanger sauta sur l'engin de siège. Il parvint à grand renfort d'échardes, de joues rouges et de souffle haletant à atteindre le haut de la machine. Il tendit le cou et arriva à peine à faire dépasser ses petits yeux de l'épaisse brume. Il pouvait de là voir quelques arbres, dépassant de l'opacité comme des îlots distordus, et derrière, dans toutes les directions, le public qui piaffait d'impatience.

"Mais monsieur le Baron ne vient pas nous voir ? s'étonna Boris en regardant la loge des nobles
- Bien sûr que non l'nouveau, répondit l'ingénieur Jules. Il y a pas l'roi, il va pas v'nir. Il doit être dans sa tente à bouder."

L'ancien boulanger descendit du trébuchet et, une fois son souffle retrouvé, demanda à ses compagnons :
- Mais pourquoi participer au tournois si il ne vient même pas nous voir jouter ?
- Chépa. Mais l'baron a dit un truc, toi t'es un skuze, tu fais, tu réfléchis pas. ça t'fra mal à la tête, et aux joues si l'baron l'apprend.
- Mais qu'est-ce que c'est qu'un skuze à la fin ?"
Le vieux Tomas et Jules l'ingénieur se regardèrent un instant, puis Jules répondit :
"- Bah... C'est nous quoi. L'baron il a dit qu'on était les skuzes dont il avait b'soin pour voir l'roi. Donc chépa comment qu'on va faire ça, mais il a dit qu'il fallait qu'on participe pour ça. J'imagine qu'il nous dira comment on va l'faire voir l'roi, mais tu t'souviens de c'que j'ai dis ?
- T'es un skuze, tu fais, tu réfléchis pas" compléta Tomas.

Peu convaincu, Boris esquissa sa moue la plus mitigée. Le vieux Tomas haussa les épaules et alla jusqu'au levier qui déclenchait le mécanisme du trébuchet.

"T'as fait les réglages Jules ?
- J'les avais fait qu't'était pas né.
- Si t'étais pas skuze en chef, j't'aurais bien rappelé avec une taloche qu'j'suis ton ancien.
- Ouais mais j'suis skuze en chef Tomas. Allez, tire le levier et on verra bien si on touche quequ'chose.
-Et... Si on touche quelque chose ? demanda Boris.
- Bah... Sprotch.
- Et... si on se fait toucher ? blêmit le boulanger
-Bah... Sprotch aussi, mais en plus graphique."

***
Après force engueulades naines et vociférations sur le créateur Nordique des notes de montage de la nouvelle machine de Fraïn, celle-ci était "enfin" montée et opérationnelle...


Draïn et Glaïrn, encore suants des efforts fournis pour son assemblage, sirotaient chacun une bière, nonchalamment appuyés à sa cuillère de lancement en attendant les coordonnées de tir que daignerait leurs communiquer Fraïn...

Celui-ci, monté sur une nacelle installée à la va-vite au sommet de son engin, scrutait en grommelant l'horizon pour le moins brumeux du champ de tir...

Sa mauvaise humeur n'était pas tant la conséquence des effets brumeux magiques du cru, que le terrible constat qu'un système de goupille était en trop à l'issue du montage... Or il y avait le stricte compte de goupilles, écrous et autres systèmes de serrage pour l'engin, il le savait fort bien, ayant tout organisé et rangé lui même...

Une perle de sueur, ou de peur, coula sur son front, il l'essuya nerveusement tout en se demandant quelle goupille pouvait bien manquer avec force inquiétude...

Un raclement de gorge provenant du bas le rappela à la réalité du présent.

"Bon, on tire où du coup?" demanda la voix fantomatique de Draïn en un chuchotement à peine audible...

Reprenant sa longue vue d'observation Fraïn scruta l'horizon brumeux et pointa machinalement son bras en direction de la zone estimée en disant:

"Là-bas, droit devant dans la direction de mon bras"

Un long silence lui répondit puis Draïn s'aventura à faire une remarque:

"Ben c'est qu'en fait on voit pas la direction que vous pointez là... A cause de la brume... Du coup droit devant, c'est où?"


Fraïn poussa un long soupir, puis chuchota à son tour:

"Orientez la machine de quinze degrés sur la droite, puis chargez la cuillère, tension 4/5, barre d'arrêt deuxième niveau..."


Les premiers grincements du système d'orientation que l'on commençait à faire pivoter lui confirmèrent que ses coordonnées avaient été bien entendues... Ne restait plus qu'à attendre l'ordre de tir...

***
Quand ça part mal, ça part mal, et on peut dire sans risque d'erreur que ce tournoi était mal parti pour l'équipe de Gransette. Certes, le voyage s'était plutôt bien passé, avec même une petite attaque de brigands qui avait permis à Penthésilée de se dégourdir les jambes et le poignet en étourdissant la moitié de la troupe avant de courir sus au reste dans une chevauchée picaresque. Mais la fin du chemin, sous une chaleur accablante, suivie de cette absurde nuée qui avait recouvert la région avaient vu les choses se compliquer.
Le lendemain même de l'arrivée, l'équipage du trébuchet au complet était frappé de la terrible maladie des "Couilles vides". Comme chacun sait, cette terrible maladie commence par un priapisme frénétique et est immédiatement suivie par un abattement et une fatigue extrême. Le médicastre du château, Didier Roux, plein de suffisance, vint abrutir la vaillante petite troupe de ses discours avec un accent étrange, en des termes incompréhensibles. Il préconisa un traitement, qui consistaient principalement en une immersion complète de chaque malade deux fois par jour dans de la gnôle additionnée de chloroquinte, une plante locale. il conseilla également l'usage de gestes barrières : chaque servant devait s'introduire dans un tonneau d'où surgissait des piques effilées de 50 centimètres, puis se déplacer en portant son tonneau. Si l'effet était effectivement assez dissuasif, la vision des trois malheureux titubant au sein de cet attirail, autant par l'effet de la fatigue que de la gnôle, aurait été du plus grand comique si ces malheureux n'étaient pas chargés de défendre l'honneur de la baronnie de Gransette.
Penthésilée était presque sure de les avoir vu se diriger dans la direction oppose de celle qu'elle leur avait indiquée. Décidément, tout allait mal !
Elle ne pouvait s'empêcher de penser que cette étrange maladie n'était peut être pas due au hasard : les étranges personnages conduisant des engins tout aussi étranges qui participaient à ce concours ou qui garnissaient les gradins étaient sans doute responsables, d'une manière ou d'une autre ...

***
Alors que Sire Robin rejoignait son trébuchet, sur la case... haha, vous avez bien cru que j'allais la révéler ? :mrgreen:

Je disais donc : alors que Sire Robin rejoignait son trébuchet, il lui sembla sentir dans l'air une légère odeur de saucisse d'Alsacie, une substance qui l'avait toujours intrigué au plus haut point. "Ne gaspillons pas de temps, se dit-il, et allons rejoindre les artilleurs."
Après tout, Pat Bowl et Bill Vesey n'étaient que des gueux, certes pas les pires, mais qui avaient quand même besoin de sa supervision.

Le trébuchet était un modèle bretonnien des plus classiques, construit dans les règles de l'art. Sire Robin aurait bien voulu le modifier pour lui faire tirer uniquement des boulets explosifs ou enflammés, mais le règlement lui avait interdit. Apparemment, c'était permis plus loin dans la partie, et Sire Robin était impatient d'en arriver à ce stade, afin de faire profiter la foule de ses dernières inventions pyrotechniques...

"Boys, I trust you are ready. Let's show the continentals how we do things in Albion"

Les deux artilleurs ne parlaient pas non plus bretonnien...

***
Gerthor compta avec satisfaction la ribambelle de menhirs entassés derrière ce bosquet, à l'abri des regards indiscrets d'éventuelles vigies de cette vermine humaine. Les demi-cornes qu'il avait dépêché en éclaireurs lui avaient rapporté que différents autochtones engoncés dans leurs tenues bariolées avaient prit place ici et là. Également, ils étaient tombé sur un éclaireur humain tout de vert vêtu, surprit de tomber nez à nez avec une demi-dizaine de sabots-fourchus bien déterminés à avoir de la purée humaine au diner qui suivrait cet évènement. Sa main sectionnée pendait d'ailleurs à la hanche de Gerthor, petit amuse-gueule pour plus tard, le reste du prisonnier ayant été partagé entre les autres demi-cornes.

Lorsque Muuhtak déposa un rocher de plus, le dernier d'après le décompte de Gerthor, il poussa un meuglement sourd qui lui hérissa la fourrure. Ce fichu gros plein de soupe allait trahir leur présence comme leur position. Sifflant et crachant, il lui fit comprendre de garder ses soupirs pour lui, peu intimidé par le géant aveugle à qui il s'adressait.

Brusquement, un rugissement sourd bien que lointain attira l'attention des hommes-bêtes. Stupidement, le massif cygor tourna son mufle dans cette direction, comme s'il espérait voir quoi que se soit.

- Dans la direction d'où ces idiots viennent de sonner du cor, ordonna-t-il au bovin démesuré en parlant des trompettes. Jette a trois champs de distance.

Muuhtak se releva pesamment avant d'arracher l'un des menhirs du bord de haie où il les avait déposés. Puis, étalant une force effarante, il balança son projectile dans les airs dans la direction approximative. Gerthor estima tout de suit le jet trop court. Néanmoins il fallait bien qu'il s'échauffe les épaules et qui sait, peut-être les troupeaux humains seraient-il suffisamment étalés pour qu'il parvienne malgré tout à en aplatir quelque uns.

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] Le tournoi de trébuchets du Chesnois

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LE TOURNOI DE TRÉBUCHETS DU CHESNOIS :
Premier tour

:arrow:Position de trébuchet de Laurent de Terne-Bois (Johannes la Flèche) :

     De la brume ; du gris ; du brouillard. Partout. Une vaste étendue sombre, opaque, qui enveloppait la peau, les pensées ainsi que les sens. Il faisait froid, un froid à en pénétrer la peau, et à glacer les os. Les yeux, noyés dans ces ténèbres, n'apercevaient pratiquement rien, sinon cette vapeur surnaturelle. Presque aucun son ne parvenait aux oreilles, car le moindre bruit était de suite englouti, perdu dans cette brume à l'épaisseur étouffante.
Si des êtres saints d'esprit ne sauraient se retrouver ou se complaire dans ce brouillard, à cause de son aura surnaturelle et de son atmosphère étrange - pour ne pas dire inquiétante, il en est à qui toutes ces ombres ne provoquent ni peur, ni dégoût. Ces hommes et ces créatures parviennent à s'orienter, voire même à évoluer avec aisance dans de telles situations ; que ce soit la bravoure, la corruption, ou l'habitude qui poussent à ce genre d'attitude importe peu...

"Ayez l'p'tits gars! Z'te tous là?

...

EH! J'DIS Z'ÊTES LÀ OU PAS BORDEL?!

-Bah ouais qu'n'est là ducon! 'rrête d'gueuler comm'ça on't'entend t'sais?
répondit une autre voix, visiblement agacée.

-Ben t'as qu'à r'pondre pu'tôt quand j'jacte! répliqua le premier paysan, une confiance présomptueuse transpirant dans son ton, Et où qu'l'est l'ôt Francis?

-L'est ben là l'Francis, mais i'cause pas trop d'pis qu'môsieur i'la corrigé 'vec l'fouet.

-Ah. Bon. L'a mis l'pierraille au moins?

-Ouaip! continua la seconde voix, son assurance toute légère tranchant avec le sérieux dégoulinant de son camarade, Tout l'matos i'l'est prêt. Alors chef? Ç'où qu'on vise et c'quand qu'on tire?

-On vise là où l'soleil i's'couche. Et on va tirer maint'nant!

-Mais où qui's'couche l'soleil? C'qu'vec c'te purée d'poix moi j'le vois pas l'soleil! D'coup c'par- FERME TA GROSSE MÈRE! C'DEVANT QU'ON VISE ET PIS C'TOUT PIGÉ?!"

Pendant quelques secondes, la vocifération du campagnard se perdit en échos dans la brume ; il avait tellement donné de sa voix qu'il ne serait pas étonnant qu'à travers les ombres, d'autres équipes aient entendu sa colère.
Un silence de mort sembla s'installer le temps d'un instant.

"D... D-d'accord, reprit le second manant, un peu refroidi et intimidé par la saute d'humeur de son congénère, Bon, bah moi et Francis on vint t'der à tirer alors."

-Ouais ouais allez viendez! poursuivit la première voix, redescendue d'un ton, et qui commençait déjà à s'agripper au cordage, Allez fissa, v'nez m'aider! La p'tite pierre è'va pas s'envoler tout'seule! Et faut qu'on tire vite 'vant d'se faire éclater la gueule par léz'ôt!"

Quelques secondes s'écoulent, et l'on entend désormais le bruit des cordes qui se tirent, qui se tendent, qui grincent sous les poignes calleuses du trio de servants.

"Prêts?
À la une!
À la deux!
OO
OOOH HISSE!!"

Et dans un sifflement aigu, traction comme propulsion se déclenchèrent, et une grande pierre se jeta dans les airs. La voilà qui fend le brouillard à toute vitesse, en direction de sa cible - il fallait l'espérer en tout cas. 




:arrow:Position de trébuchet de Brombür Fière-Barbe (Alain de Saint Jean) :

      A peine l'ordre de tir fut-il reçu que Fraïrn hurla un "Feu!!!" tonitruant étouffé par la brume qui ne parvint qu'avec difficulté en contre-bas...

      Le cliquetis métallique de l'amorce de frein relâchée du bras de l'engin eu pour écho le grincement de celui-ci lors de son mouvement de pivot, puis le choc d'arrêt contre l'axe...

      Fraïrn soupira de soulagement, aucune vibration intempestive ne s'était fait sentir sur ce tir, pourvu que tout aille bien...

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« Eeeet ils sont partis ! La première équipe à envoyer son projectile est celle du baron de Jambe !! »


      La foule poussa un « hooo ! » d’exclamation, sans remarquer que le commentaire venait d’être prononcé par le chambellan, qui, au lieu d’assister tranquillement au premier tour depuis son siège, restait planté devant l’énorme porte-voix en bronze, rougi par l’excitation. Dame Gaea ne sembla point en prendre ombrage, claironnant à son tour de sa voix magique :

« C’est une bien appétissante miche de pain qui vient de partir ! Voyons ensemble qui en sera l’heureux destinataire ! »

      Si les nobles échangeaient des regards interloqués par ce duo de commentateurs improvisé, la gueusaille n’en avait cure : tous, du nourrisson au vieillard, avaient les yeux rivés sur la trajectoire que suivait gracieusement la miche odorante. Cette même courbe, cependant, sembla bifurquer au moment de la descente : le projectile révolutionnaire de l’équipage du baron posait la question de l’aérodynamique du pain, et l’expérience pratique répondait que ça manquait de précision. Il dévia ainsi nettement vers le sud-est, se rapprochant dangereusement de la Grismérie qui coulait non loin, à tel point que la foule manqua de paniquer à l’idée qu’autant de nourriture allait bêtement tomber à l’eau… Il n’en fut cependant rien, et le projectile s’écrasa heureusement juste en face de la haie bordant le fleuve, répandant des éclats de croûte et des miettes dans une large zone autour de son point de chute. La brume ainsi dégagée ne révéla cependant rien d’autre que de l’herbe des champs, et il fallut que les hommes d’armes du Lord calment les plus gourmands ou affamés des spectateurs qui allaient se jeter dans le champ pour trouver cette manne tombée littéralement du ciel.

« Oho ! Et voilà que part le deuxième projectile ! Observez cette belle finition, cet angle pointu au bout, cette taille formidable ! C’est… c’est… »

      Reynald de Chantillon sentit la sueur perler brusquement sur son front : il aurait juré pouvoir identifier tous les projectiles, mais celui-là lui échappait complètement. Il jeta un regard en biais à la prophétesse : celle-ci devait bien savoir quelque chose !

« … c’est une épreuve que la Dame envoie à nos preux participants… » énonça dame Gaea, toujours aussi énigmatique.

      Le projectile, cependant, finit par s’écraser près du centre du champ de tir, bousculant la brume sans ménagement et engendrant un gros cratère là où la pointe s’enfonça : tous les regards y cherchèrent une quelconque trace de victime éventuelle, sans succès. Une fois encore, le tir était non concluant.
      Ce fut alors que le troisième tir prit son envol : un grand holà de la foule salua la coquille de gastéropode géant qui quitta le trébuchet du seigneur du Chesnois, prenant un peu vers l’ouest de sa trajectoire initiale.

« Mesdames et messeigneurs, l’équipe du Chesnois –

« MEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEUH !!! »

« HEIN ?! »

« L’équipe du Lord del Insula ouvre le score ! »

      Reynald de Chantillon foudroya la prophétesse du regard : comment pouvait-elle préserver son sang-froid alors que… que – que – que voilà !

« La Dame envoie à ses serviteurs une épreuve ! La voici presque entièrement dévoilée aux yeux de tous ! Nos fiers participants sauront-ils en venir à bout ? »

      Le chambellan frottait ses yeux pour vérifier qu’il ne rêvait pas : non, c’était bel et bien une immense créature cornue que le tir du Lord venait de révéler au beau milieu de la brume, et à ses pieds, bien mal en point, gisaient deux créatures plus petites, abondamment blessées par les redoutables éclat de la coquille qui avait éclaté à l’impact en face d’eux. Il n’en croyait toujours pas ses yeux, clignait à n’en pas cesser, remuait presque ses mains devant lui…
      « Oh ça va… C’est pas si mal ! »
      La voix de Sir David Goodenough à une coudée de son oreille (il s’était donc réveillé ?) fit au chambellan l’effet d’une piqure de guêpe. S’emparant à deux mains du porte-voix, il beugla dans le tube :

« OUVERTURE DU SCORE PAR L’EQUIPAGE DU LORD ! L’élimination de… deux créatures démoniaques lui rapporte deux points ! »


      Il s’empara aussitôt d’un mouchoir pour essuyer la sueur de son front, regarda autour de lui : son annonce désespérée semblait avoir évité la panique dans les gradins. Il lui fallut vite reprendre du poil de la bête, cependant, car deux autres projectiles s’envolaient à présent vers le firmament :

« Nous assistons aux tirs respectifs du sire de Terne-Bois et du nain Brombür Fière-Barbe ! Observez cette… ce… »

      Le projectile du trébuchet à traction semblait se rapprocher dangereusement de la tribune d’honneur. Ce qui n’était qu’un point s’agrandissait à vue d’œil, et les nerfs à peine remis du monstre de Reynald lui hurlèrent cette fois-ci que son heure était venue.

« Observez cette précision ! Il est manifeste que l’équipage du sire de Terne-Bois est déterminé à débusquer ses adversaires dans les moindres recoins du champ de tir ! »

      Le tir du trébuchet à traction finit par dévier légèrement de sa trajectoire, avant d’attraper les branches de la haie du nord-ouest, faisant valdinguer des feuilles jusque sur la tribune d’honneur.

« Et voilà que l’équipe de nos invités nains explore de nouveau le rivage de la Grismérie ! Et… il n’y a personne ! L’information est cependant précieuse pour les tours à venir ! »

      Reynald se résigna à l’idée que rien ne pouvait perturber une prophétesse. Optant pour l’observer constamment du coin de l’œil pour guetter le danger, il se décida à commenter les deux derniers tirs :

« Ah, l’équipe de la baronne de Gransette semble préférer le nord ! C’est un beau projectile qui fend les airs et… nous révèle un autre bout de terrain vierge. Mais observons enfin ce dernier tir du sire de Grizac ! »

      Le dernier tir fusa dans une direction qui parut de prime abord aléatoire, avant que tout le monde ne se rende compte que c’était plein sud-est… droit vers la tourelle pliable de Fozzric.
      Dans la tour, les vampires avaient jusqu’à présent ri de bon cœur au premier tour du tournoi : le commentaire improvisé du chambellan, la menace à peine assumée d’un énorme cygor au beau milieu du champ de tir, le tir à peine manqué sur la tribune d’honneur… L’ultime tir, cependant, provoqua un vent de panique parmi la gent mort-vivante ; ils n’oseraient tout de même pas !
      La moitié des moussillonnais prenait la poudre d’escampette lorsque le projectile s’écrasa pile au bord du champ de tir, projetant quelques éclats sur la tourelle pliable, l’un d’eux rebondissant sur l’armure ouvragée de Malkir de Mousillon. Le vampire ne sut trop comment le prendre. La proximité du trépas fut à fois insultante et énivrante. Ce pourquoi il finit par couper court aux quelques voix qui allaient crier au scandale : après tout, les mortels avaient manqué d’abattre leur propre tribune royale !

« Eeeet… il n’y a personne du côté de la prison de haute sécurité ! Quelle incroyable précision, messeigneurs et mesdames ! Voilà qui conclut notre premier tour ! Les équipages vont à présent avoir le temps de recharger leurs machines eeet… si la Dame le veut… venir à bout de… de l’épreuve des créatures ! »


      Aussitôt le commentaire terminé, le chambellan, rouge comme un bœuf, accourut auprès du Lord del Insula, où il trouva également Silvère de Castagne.
      « Lord Chamberlain !
      - Sire de Castagne ! Co-co-comment justifiez-vous cela ?!
      - Eh bien, tout porte à croire que ce monstre a dû se glisser sur le champ de tir la veille, juste avant que Dame Gaea ne prononce les enchantements pour la brume magique.
      - Maismaismais c’est abominable ! C’est inacceptable !
      Il se tourna vers dame Gaea, qui approchait également :
      - Et vous, co-co-comment n’avez-vous pu… comment avez-vous pu…
      - Navrée, sire chambellan. La Dame m’avait révélé qu’une épreuve terrible attendrait les participants au tournoi, mais l’aura maléfique qui entoure cette créature l’a rendue impossible à discerner parmi ma brume…
      - Et j’ai l’air de quoi, moi, à octroyer des points pour ce.. cette… catastrophe ?!
      - C’est une riche idée que vous avez eue ! En faisant croire au public que cela faisait partie du tournoi, vous avez évité l’émeute.
      Ne sachant trop quoi répondre, Reynald se retourna vers le lord et le chevalier du Graal :
      - Euh… Sire de Castagne ? A part lui, vous me jurez qu’il n’y a aucune créature maléfique dans les environs ?
      - Mes hommes d’armes montés patrouillent les environs, Lord Chamberlain. Nous les apercevrions aussitôt et prendrions les mesures qui s’imposent.
      - Bien, bien. Vous permettez que… je prenne l’air à l’arrière ? Il ne fait pas chaud pourtant, mais…
      - Of course, - répondit courtoisement le seigneur du Chesnois – si vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que lady de Grunere annonce le deuxième tir ?
      - Faites, faites… »
      Ils regardèrent le chambellan s’éloigner, aussitôt suivi par son assistant-greffier. Sir Goodenough, qui revint vers eux, sembla accorder tout le monde en disant : « Eh ! Ce n’est pas si mal ! Sur deux projectiles vers les tribunes, aucun n’a fait de mort ! »
      Ce fut sur ces entrefaites que dame Gaea annonça gaiement le signal pour le deuxième tir.          

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Impacts :

1) Ethgri Wyrda : W7 => déviation sud-est de 3 cases => Z10
2) Vg11k : W20 => déviation nord de 2 cases => U20
3) Lord del Insula : S27 => déviation est de 1 case => S28
4) Johannes la Flèche : J29 => déviation nord de 3 cases => G29
5) Alain de Saint Jean : X16 => déviation sud-ouest de 2 cases => Z14
6) Toison d’or : J16 => déviation nord de 2 cases => H16
7) Agilgar de Grizac : W7 => déviation sud-ouest de 3 cases => Z4

Tableau des scores :

- Ethgri Wyrda : 0 points
- Vg11k : 0 points
- Lord del Insula : 2 points
- Johannes la Flèche : 0 points
- Alain de Saint Jean : 0 points
- Toison d’or : 0 points
- Agilgar de Grizac : 0 points

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Et voici enfin le premier tour tant attendu ! Alors que le pauvre chambellan va se remettre des émotions engendrées, les participants ont jusqu'au vendredi 2 septembre au plus tard pour me faire parvenir leurs coordonnées de tir et un éventuel texte d'accompagnement par message privé.

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