Je suis!
Excellente idée de RP!
L'air décidé, il a empoigné un long porte-manteau en ferraille, jeté au sol les blousons qui y pendent, et s'avance maintenant vers la porte. Partout, les cris redoublent. Cachée sous un drap, l'italienne pleure comme une enfant de 5 ans, par hoquets saccadés, sous le choc. L'autre occupant de la chambre, français comme lui, regarde par la fenêtre en répétant des trucs incohérents et un grand nombre de jurons.
Impossible de les raisonner, tant pis. Serge sait que c'est le moment où jamais pour agir: encore une demi-heure et cette auberge de jeunesse va être un enfer sans échappatoire possible.
Au fond, peu importe de comprendre ce qui s'est passé. L'important, c'est ces types aux yeux rouges qui traînent dans la ville et bouffent tous ceux qui passent à leur portée. Serge a lu suffisamment d'histoires de zombis pour savoir que, dans ces cas-là, rester dans un bâtiment comme cette auberge de jeunesse ouverte aux quatre vents, c'est du suicide.
La priorité: une place sécurisée, de la bouffe, des armes et des gens raisonnables. Toujours comme ça dans les films de zombis. Les endroits à éviter: les coins populeux, et tout ce qui ressemble vaguement à un cul-de-sac.
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Il a bien failli ne jamais passer la porte. L'autre type, le français, avec l'énergie du désespoir s'est jeté sur lui, le faisant tomber sous son poids, alors même que Serge avait encore la main sur la poignée. L'imbécile a offert une belle cible aux trucs qui attendaient sagement derrière la porte.
A la fin des comptes, l'italienne le suit. Lui a la gueule ravagée par les ongles de l'autre salopard, et la main explosée à cause des coups de portemanteau qu'il lui a fait pleuvoir dessus. Mais maintenant il a appris la leçon, et on ne l'aura plus: quand tout part en vrille comme aujourd'hui, il faut s'attendre à tout moment à ce que les mecs autour pètent un câble.
Serge s'est arrêté un instant pour vomir. Il se dépêche d'aller fermer la porte au bout du couloir, une porte vitrée bien épaisse encombrée par un type de son âge à moitié bouffé. Un sale haut-le-cœur. Mais plus de vomi. L'italienne pleure toujours, mais sans bruit. C'est toujours ça. Serge tape successivement à toutes les portes du couloir en gueulant en anglais les mêmes mots débiles.
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Deux française, lui, l'italienne, un allemand, un argentin, un espagnol de 40 balais super louche, une famille entière d'allemands avec gosses et sac à dos. Tous armés de portes manteaux ou même de canifs ridicules. C'est tout ce que ses braillements ont rameutés. A la première alerte, les dégâts vont être catastrophiques.
Il se rapproche des françaises, jolies et pas l'air trop connes, et de l'argentin, un type avec une bonne tête qui comprend le français. L'italienne, elle, colle le colosse allemand et ses muscles en gonflette. Chacun son style.
Il est gêné par les gosses des allemands parce que, quelque part, il sait qu'en cas de pépin il va devoir tout faire pour les protéger, par principe. Pour lui, ils sont donc une source de danger. Il a eut un peu honte de penser ça.
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Une de ces horreur traîne dans l'escalier, mais l'allemand se la fait d'un gros coup de tabouret sur le crâne. Rez-de-chaussé.
La famille lui épargne des tracas en se jetant direct vers l'entrée pour atteindre leur bagnole, sans attendre le groupe. Tant pis pour eux et les gosses. L'allemand, lui, a pris la direction des opérations et du groupe qui reste. Serge tique mais suit malgré tout le mouvement.
Le nouveau chef tente d'avoir des infos au téléphone. Serge, lui, s'approche de la cuisine, attrape un marteau qui traine et commence à empaqueter de la bouffe, en vrac, dans un sac à dos qu'il a pris dans une chambre. Que fait un marteau dans une cuisine? Les autres le regardent bizarrement, l'Allemand lève un sourcil inquisiteur. Mais son téléphone l’accapare et personne ne dit rien.
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Les françaises lui lancent un regard de dédain. Il leur a déconseillé les immenses couteaux qu'elles brandissent, phalanges blanchies. Bah, elles vont se couper des doigts, ça n'est pas son problème.
L'argentin a trouvé une barre en ferraille on ne sait trop où. L'allemand téléphone toujours, mais ça a l'air de pas être bien efficace.
Un bruit de vitre au dessus. Apparemment les horreurs arrivent par le grand escalier.
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Il a fini son paquetage, choppé son arme. Dos au mur, vers la porte.
Pas moyen de réfléchir correctement. Il a cherché où il faut aller ensuite. Place sécurisée, bouffe, armes, des gens mais pas trop. Pas de cul-de-sac. Il a beau répéter ça, comme une comptine, et se creuser la tête, rien ne vient, rien n'est venu. Putain, et bien sûr ça arrive quand il est à Berlin. Il la connaît pas la ville.
Il a pensé aux autres, à ceux qui comptent. Annick est à Paris. La famille à Grenoble. Ils pourront jamais se tirer en bagnole avant que tout ne soit bouché, ils vont vivre un enfer si ça se passe comme ici. Les larmes viennent au yeux. Serge aime bien s’apitoyer un peu sur son sort et ceux de ses proches.
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Un bateau! Il a eut cette idée.
Il sait pas piloter. Mais, à 15 dessus, on entasse armes et provisions, on se tire vers les lacs, et c'est plié. C'est sécu. Il en parle aux autres.
Bingo, l'argentin sait piloter. Enfin, apparemment. Plus ou moins. Serge n'a rien compris de ce qu'il lui a dit, mais ça va aller.
Les françaises suivent, puisqu'il a un plan.
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Ils courent dans la rue vers la Spree. L'allemand a décide une sortie, il est passé devant, courageux et un peu con. L'italienne a craqué à ce moment-là, et s'est effondrée sur le chemin. Deux de moins.
L'espagnol chelou leur colle aux basques.
Il a bien fait gaffe de pas se faire mordre, dans les films c'est comme ça que le truc se transmet.
Y a des bagnoles en vrac partout qui klaxonnent, et des types en train de se faire bouffer. Y a des coups de feu aussi, les premiers à éclater. Puis ça n'arrête plus, un feu roulant et continu qui crépite dans la nuit. Les flics ont dû avoir des ordres. Les sirènes en continu, c'est le pire, assourdissantes, en boucle. Y a même des mecs qui en profitent pour piller des magasins, et qui se font chopper par les horreurs aux yeux rouges derrière un cadis bourré d'écrans plats.
Le sac à dos lui scie les épaules et le ralentit, mais il ose pas le lâcher. Il manque au moins un doigt à une des françaises, elle a un regard de psychopathe.
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Le proprio du bateau a gueulé un truc depuis la fenêtre, en allemand puis avec un accent américain de fou. Ensuite il est descendu. Y a une horreur sur son perron mais Fabrizio (c'est le nom de l'Argentin) la dézingue proprement.
Dans les films, les gens ont du mal à taper sur les zombis, en se disant qu'ils sont toujours un peu humains quelque part. Pour Serge, dans la vraie vie, tout le monde s'adapte très vite.
John (c'est un américain, donc Serge l'appelle comme ça) ne veut rien savoir: c'est son bateau et il reste amarré devant sa maison, pendant qu'il se barricade avec sa famille.
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Ils sont montés sur le bateau, ont pris dans la maison de John tout ce qui pouvait sembler utile, médicaments, couvertures, conserves.
Ils ont trouvé une tente dans le garage, et Kelly, la mère, tétanisée dans un duvet à l'intérieur. Les autres sont tous bouffés ou égorgés à travers la maison par le gamin-zombi que ces imbéciles ont fait entrer en se demandant quel monstre pouvait bien mordre un gamin jusqu'au sang comme ça. John a accouru en entendant les cris et y est passé pareil. Serge a enfermé les cadavres de la famille dans une salle, au cas où ils se changeraient en zombis, pour pouvoir fouiller la maison en toute sécurité. Il pense que la mère va se suicider.
Des voisins sont sortis demander ce qui se passe. On leur a dit, et ils se joignent au groupe. On perd un peu de temps à les attendre, eux et leurs affaires, mais ils amènent de la bouffe et des lampes torches. Comme quoi tout le monde perd pas forcément les pédales dans ce genre de moment.
Piloter une péniche a pas l'air super compliqué, de toute façon ils comptent pas faire dans le raffiné. Le moteur a pris 15mn pour chauffer, ça leur a bien fait peur. Mais ils sont finalement bel et bien partis.
Dans la ville, les sirènes font un boucan atroce. Ça ne cache pas les hurlements