[Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Où s'écrivent les histoires, hors du temps et des règles compliquées du monde réel...
Répondre
Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

[Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Situation actuelle du Westerland :

Carte de la Province du Westerland
Image

Administration :
Forme du gouvernement : Monarchie parlementaire unitaire
Capitale : Marienburg
Population du Westerland : 1,5 million habitants
Population de Marienburg : 200 000 habitants
Chef d’État : Sa Majesté, Magritta I van Buik, Impératrice, Grande-baronne du Westerland, Stathouderin du pays des Jutones, Reine des Endales, Duchesse de Marienburg, Seigneuresse d’Aandorp, Sacrorum Custos.
Chef du gouvernement : Directeur-Président Jean-Damien de Lémine.
Président du Rijkskamer (Chambellan d’État) : Wolfhert van Arnemuiden.
Président du Burgerhof : Reynier Fagel



Budget de l’État : -3

Lois récentes :
Ordonnance Impériale pour les crédits de guerre : Financement massif de mercenaires étrangers et de militaires des Troupes d'État, pour intervenir dans le Reikland. Mobilisation générale décrétée.

Traité de commerce avec le Nordland : Ouverture du commerce entre le Nordland et le Westerland. Pacte mutuel de défense contre les agressions externes (+1 budget). Mise en place de HBM dans le Riding Jutone.

Rénovation du Noordhaven : Transformation du quartier insalubre et surpeuplé du Noordhaven pour devenir le Guilderveld. Création de nouveaux HMB. Maldini Solutions en charge du chantier (-3 budget)

Fonds pour le Reikland : Avance budgétaire pour venir en aide au Reikland occupé.

Situation militaire :
Politiques
Cadre d’officiers : Les Troupes d’État du Westerland sont dirigées par des officiers et des spécialistes dont le recrutement est privilégié dans la noblesse et la haute-bourgeoisie, mais un effort depuis ces dernières décennies pousse à principalement recruter des diplômés de l’université et des écoles internationales — le corps des officiers du Westerland sont des hommes motivés, éduqués, mais il existe une vraie cassure entre cette classe dirigeant et la majorité des soldats, recrutés dans le prolétariat urbain et rural du pays.

Régiments commissionnés : Les Troupes d’État du Westerland sont segmentées en plusieurs régiments d’infanterie ou de cavalerie qui sont organisés sur « commission » — un homme noble ou vivant noblement achète sous caution ou se voit décerner par la Grande-baronne le droit de lever des soldats sur recrutement volontaire, puis il s’occupe d’avancer les frais pour l’entraînement et la logistique des militaires — charge à l’État de le rembourser plus tard dans le temps.
Bien que ce système permette à l’État d’alléger la charge immédiate des régiments, il renforce le pouvoir des « Colonels » qui font de « leurs » régiments des groupements armés sous leur pouvoir direct.

Milice Provinciale : Pour renforcer l’armée, tous les hommes du Westerland entre 18 et 39 ans doivent s’enregistrer au poste de garde de leur quartier (S’ils vivent à Marienburg) ou dans leur paroisse (Dans le reste du pays) — tous les trois ans, un tirage au sort en désigne un certain nombre pour servir de « miliciens » ; ces militaires réservistes doivent régulièrement s’entraîner, un jour par semaine en temps normal et trois manœuvres de huit semaines par an — après quoi, ils seront démobilisés (Mais toujours enregistrés sur les rôles du quartier/de la paroisse, et obligés de s’entraîner encore une fois par semaine jusqu’à l’âge de 59 ans) et remplacés par de nouveaux tirés-au-sort.
Les miliciens peuvent être appelés sur ordre de la Grande-baronne, en totalité ou en partie, soit pour répondre à une attaque étrangère, soit pour occuper les places-fortes et soulager ponctuellement l’armée de métier. En théorie, cela permet au Westerland de reposer sur de grandes réserves de sa population armée et entraînée, et ainsi protéger son territoire.

Gueux des Mers : Le Westerland n’a pas à proprement parler de « marine » permanente —néanmoins, tous les navires océaniques immatriculés dans le Westerland, du petit brick jusqu’à l’immense vaisseau de premier rang, doivent respecter des ordonnances strictes leur imposant un certain armement à bord et peuvent être contrôlés par les différentes amirautés des ports ; en cas de conflit, l’État peut mobiliser de force des navires, ou distribuer des lettres de marques pour transformer les capitaines en corsaires à son service.
Si la marine du Westerland semble indisciplinée et disparate, surtout face à la « Royal Navy » de Bretonnie moderne et sous ordre direct de son monarque, il permet à la Grande-baronne de disposer d’une marine nombreuse avec un coût relativement limité pour l’État.

Mobilisation générale : Le prince de Calden vient de lever les Troupes d'État, et peut également compter sur le soutien de la Milice. Une immense armée se dirige actuellement dans le Reikland, et elle pourra compter sur les réserves de la Milice en cas de pertes.

Pacte de Défense Mutuelle : Le Nordland et le Westerland sont liés par un pacte de défense mutuel et se porteront secours en cas d'attaque d'un tiers contre l'un ou l'autre.
Situations
Officiers de qualité : L’état de guerre permanent du Westerland, couplé à un système éducatif de qualité, fait que les divers officiers et capitaines de marine du pays sont expérimentés et tout à fait capables d’agir avec autonomie sur le champ de bataille.
Traditions maritimes : Depuis des millénaires, Marienburg est tournée vers la mer. Tous les villages côtiers, et surtout les immenses quartiers insulaires de la capitale, sont remplis de matelots, mousses, et manœuvres en tout genre qui sont endurants et bénis par Manann, quasi-culte d’État. N’importe quel capitaine au moyen-cour peut rapidement se révéler être un corsaire incisif et décisif en cas de guerre.
Grandes réserves de miliciens : La milice provinciale permet au Westerland de compter sur un grand nombre de soldats potentiels, à la fois pour ceux du dernier tirage et tous ceux démobilisés après trois ans. Cela permet au Westerland de théoriquement pouvoir compter sur un immense réservoir de 80 000 soldats en cas d’urgence — mais en réalité, ce système est imparfait et terriblement impopulaire ; il force de jeunes gens à ne pas participer au travail dans les ateliers ou les champs, il existe de très nombreuses exemptions en tout genre (Pour les enfants de riche rachetant leur ticket au tirage au sort, pour les domestiques de familles nobles, pour les étudiants de l’université…), et il militarise encore plus la société.
Guerre Totale : La totalité de l'armée a été mobilisée pour intervenir dans le Reikland, tant la réserve populaire que l'armée professionnelle. Ces armées sont renforcées de milices personnelles qui vont se mobiliser petit à petit. Si l'armée du Westerland va monter en puissance, un grand chaos va résulter de ce rassemblement de soldats.
Armée nombreuse : Les Troupes d’État du Westerland ont progressivement monté en effectif au cours des dernières décennies — alors que la province a une population de 1,5 million d’habitants, elle a sous les drapeaux 35 000 soldats. Ces soldats volontaires sont un mélange de Westerlander, et d’immigrés de Tilée ou d’Estalie. Nombreux et équipés, ces soldats représentent néanmoins un lourd coût sur les finances de l’État, surtout qu’ils ne travaillent pas.
Ceinture de fer défaillante : Le flanc ouest du Westerland est gardé par d’imposants bastions étoilés très solides : Fort Bergbres, Montmaidier, Craywick, et Berlo ont été capables jusqu’ici de calmer les ardeurs des Bretonniens, car parfaitement positionnés, équipés et bâtis. Mais le roi Louis XIV a importé dans sa nation des fondeurs de canons d’Erengrad, et on raconte qu’à présent, le royaume voisin aurait les moyens de faire sauter ces verrous qui protègent efficacement le pays…
Retards de paiement : L’État est récemment devenu incapable de payer les colonels-commissaires en temps et en heure. La majorité des militaires reçoivent leurs soldes en retard, et parfois, même leur alimentation n’est pas assurée. Pour se rembourser, les soldats vivotent sur le pays, et peuvent parfois se montrer très violents avec leurs propres concitoyens.
Colonels insoumis : Les colonels en charge des régiments savent que l’État leur doit beaucoup, et ils ont sous leurs ordres des masses de militaires mal-payés qui n’ignorent pas qui sont les responsables de leur manque de moyen — les colonels sont une véritable puissance politique, conservatrice, en colère, qui pourrait très bien être un danger pour le gouvernement si leurs volontés ne sont pas entendues.
Outremer indéfendable : Marienburg dispose de nombreux comptoirs et colonies à l’étranger, que ce soit au large de la Lustrie, le long du Cap d’Alkebulan, ou bien des avant-postes au Nippon, en Inja et au Cathay — tous ces établissements étrangers sont fortifiés et armés de canons, mais les militaires en poste sont trop peu nombreux pour véritablement les protéger face à un assaut déterminé.
Marine désordonnée : Le Westerland est un amas de vaisseaux de toutes les tailles, sans tactique ou stratégie organisée. Si les capitaines-corsaires sont intrépides, et les marines commerciales s’allient pour former des convois de coopération, l’organisation de la marine semble arriérée et complètement dépassé, surtout comparé à son voisin Bretonnien…

Situation civique :
Politiques
Concordat de 1939 : Pour lutter contre les tensions religieuses dans le Westerland et éviter l’interférence du clergé du reste de l’Empire, le baron Julian III est parvenu à faire signer en 1939 un Concordat qui organise les relations entre l’État et les cultes : Le baron, qui détient le titre de « Sacrorum Custos » (« Gardien des Cultes »), nomme les lecteurs sur recommandation, met à disposition les temples et les biens du clergé, et rémunère les clercs sur les deniers publics, notamment car la dîme religieuse a été purement et simplement abolie — le clergé est donc devenu un fonctionnariat, qui a des relations à la fois proches et complexes avec le pouvoir politique. Les cultes officiellement reconnus et organisés sont les « Cultes de rite Westerlander de Manaan, Véréna, Shallya, Haendryk, Mórr, et Myrmidia » — le culte de Sigmar est notoirement absent, car le Grand Théogoniste a formellement interdit au lecteur de sa province de signer le Concordat, qui fut dénoncé par Altdorf.

Sanction Magique Julienne : Inspiré par ce qui se fait à Middenheim, le baron Julian III a ordonné en 1945 que les mages vivant dans le Westerland pouvaient se voir octroyer une licence magique qui leur permet de pratiquer la sorcellerie dans les terres du Westerland — cette licence est obtenue après éducation et évaluation au collège Baron Henryk, et elle transforme les magiciens en sujets spéciaux du Grand-baron qui a des pouvoirs de justice sur eux ; une manière de les protéger de cours de gens terrifiés par les utilisateurs de magie.

Justice indépendante : Le Westerland est assez unique dans le Vieux Monde, car les Grand-barons ont mit en place un système judiciaire où l’indépendance des magistrats est garantie ; si les magistrats des Assises et Haute-Cour sont nommés par le pouvoir, ils sont considérés comme inamovibles. Le Grand-baron a l’interdiction d’influencer les jugements des magistrats, même s’il dispose d’un droit de grâce pour libérer les condamnés.

Système juridique étendu : Le Westerland s’est couvert de nombreux tribunaux et cours nombreuses pour permettre de garantir un maximum de droit à ses sujets ; il y a ainsi un tribunal de l’Amirauté pour contrôler les marines privées, des conseils de prud’hommes pour les relations des guildes, des tribunaux de commerce (« Handelsrechtbanken ») pour s’assurer de la libre-concurrence, une « Chambre étoilée » pour les affaires religieuses… Tous les sujets du Westerland, et même les étrangers, peuvent ester en justice, avoir droit à un avocat commis d’office, et faire appel de décisions.
Situations
Forum de la Langue Jutone : Le Nordland et le Westerland vont mettre en place un forum mutuel de partage sur la langue jutone, afin de mettre en avant ce dialecte qui commence à tomber en désuétude face au reikspiel. Cela devrait renforcer le patriotisme, mais au risque d'augmenter l'importance des mouvements suprémacistes Jutones.
Confiance dans le système : Pour tous ses défauts et sa complexité, les Westerlander sont tout de même très attachés à leur système judiciaire et politique unique au monde. La confiance du peuple dans ses institutions fait que ses décisions sont respectées de façon assez universelle — si le Parlement vote une loi, c’est forcément qu’elle émane du peuple.
Égalité républicaine garantie : Le Westerland est unique au monde pour avoir mis en place une stricte égalité républicaine par de grands acquis civiques entre tous les individus ; les nobles ont perdu leur cour des pairs et sont jugés par les mêmes tribunaux que les roturiers, aucune personne n’a le droit à un traitement de faveur par sa naissance, sa religion, son origine ethnique, ou même son sexe. Il n’existe plus, depuis des siècles, de différence entre Endales, Jutones et Impériaux, si ce n’est des stéréotypes et des blagues — toute personne née au Westerland est Westerlander.
Lois fondamentales de la Baronnie : De grands privilèges constitutionnels encadrent le parlementarisme dans le Westerland — si la Grande-baronne Magritta a de nombreux pouvoirs, elle est obligée à compenser avec un pouvoir judiciaire et législatif qui sont tous deux garantis par une antique tradition. Même la succession du Grand-baron est encadrée par des règles strictes et des droits inaliénables.
Droits des femmes : Depuis le Grand-baron Julian III, les femmes ont acquis de nombreux droits — elles peuvent ouvrir un compte en banque, être boutiquières ou capitaines de navire, elles votent librement aux élections et peuvent se présenter… Cette entrée des femmes dans la vie publique permet à Marienburg d’avoir une population qui travaille plus grande et apaise la vie dans les foyers. Il n’y a que dans le domaine militaire que les femmes sont vraiment à part — elles sont exemptes de service militaire.
Tensions sur la liberté de conscience : Les Parlementaires se sont attribués le droit de ne plus être victimes de poursuites pour blasphèmes ou crimes de lèse-majesté. Bien que ce droit ne concerne que les élus, il a créé une bulle d'air et encouragé de nombreuses publications de pamphlets s'attaquant aux superstitions ou aux croyances religieuses. De plus en plus de gens se permettent de dire ce qu'ils pensent des autres cultes, et même la pensée rationnalise, voire athée, commence à surgir à découvert dans la vie de tous les jours. Bien que cela soit très encourageant pour les sciences et la démocratie, cela amène son lot de troubles et de violences, alors que des gens convaincus de leur religion se sentent agressés par les propos d'autres personnes.
Liberté de la presse absolue : La liberté de la presse est garantie par des lois organiques. À Marienburg, tout le monde peut ouvrir un journal et le vendre — il n’existe aucun délit de blasphème ou d’injure publique, même si la diffamation est punie et il existe encore un délit de lèse-majesté en cas d’outrage envers la Grande-baronne. Si cette situation permet aux Westerlander de former facilement des opinions et de participer à la société, cela contribue aussi aux troubles à l’ordre public.
Communautarisme : Le monde entier vit à Marienburg. Plusieurs communautés établies se sont regroupées dans des quartiers, des Nains aux Cathayens — ceux-ci peuvent vivre de façon apaisée, pratiquer leurs propres religions et ont leurs conseils de quartier qui leur appartiennent. Ces communautés établies sont globalement loyales et reconnaissantes envers le Westerland, mais il arrive fréquemment qu’il y ait des conflits communautaires, la promotion de traditions ancestrales qui gênent la liberté des individus, et une sensation de « séparatisme » dans la fibre sociale de Marienburg…
La question Sigmarite : Le culte de Sigmar-Dieu est une religion immensément puissante dans l’Empire — du moins, dans sa moitié sud, car les terres du Middenland et du Talabecland ont interdit sa pratique et saisit de force les biens du culte. Dans le Westerland, le culte de Sigmar est puissant, riche, avec un domaine foncier étendu, très présent dans l’armée et la noblesse d’origine Impériale — le bourg de Kalkaat, où siège le lecteur du Westerland, est d’ailleurs le quartier-général de la secte des Uniate, les « Unionistes », qui pensent que Sigmar est devenu le Roi des Dieux et le seul capable d’intercéder sur Terre. Les relations entre l’État et la religion de Sigmar sont absolument exécrables depuis le refus de signer le Concordat, et le refus du Grand-Théogoniste de couronner Magritta comme Impératrice n’est qu’une étape de plus dans des tensions qui risquent maintenant d’exploser dans la province.
Paralysie des tribunaux : Toute honorable et admirée qu’est la justice du Westerland, les cours d’appel et les tribunaux de proximité sont absolument débordés. Les affaires criminelles et civiles de toute sorte s’accumulent jusque dans les couloirs du palais de justice, et surgissent régulièrement dans la presse des scandales de plaintes jamais traitées, de corruption des magistrats ou d’officiers, et de magistrats nommés par népotisme plutôt que par compétence. De plus, la multiplication des tribunaux entraîne souvent des conflits d’usage et de juridiction invraisemblables.
Statut des mutants : Les mutations sont devenus un véritable problème de santé publique — si les naissances d’enfants mutants sont rarement viables, les adultes qui se retrouvent malades d’une mutation suscitent la terreur puis la haine de leurs voisins… De nombreux tribunaux provinciaux ont mit en place des lois anti-mutants, les condamnant à l’enfermement ou la déportation. Le culte de Shallya refuse de les considérer comme autre chose que des malades, et a démarré une immense campagne et une tentative de jugement auprès de la Haute Cour pour faire reconnaître leurs droits — la Haute Cour fait pour l’instant la sourde oreille, car la peur des mutations est généralisée dans tout le Westerland, et l’affaire est devenue politique. Une affaire que vous allez devoir régler.
Haine du Pacifisme : Bien qu'il n'y ait pas de censure officielle, le pacifisme est devenu une opinion dangereuse à avoir. La mort de Helmut Krueger, pourtant sénateur et lecteur de Kalkaat, a ouvert les hostilités. Plusieurs députés et sénateurs des Colombes ont été arrêtés par la police ou agressés lors de rassemblements. La société semble accepter cet état de fait.

Situation économique :
Politiques
Péages légers : Marienburg est une cité commerciale, qui dépend intégralement des échanges avec l’étranger. Elle dispose donc de taxes relativement légères sur les échanges — un péage d’une pistole par mètre de carène de bateau, et un octroi de 1.5 % sur la valeur des biens échangés à la Bourse. Si cette taxation est très basse, elle permet d’assurer un dynamisme commercial certain.
(Note : « l’octroi de mer » est l’équivalent de la TVA, la Taxe sur la Valeur Ajoutée de nos jours)

Gabelle du sel : La Grande-baronne dispose d’un monopole absolu sur tout le sel, industrie d’État nationalisée — les maisons commerciales, les navires de commerce, les guildes des métiers de la bouche, les pêcheurs et même les gens qui veulent juste leur sel alimentaire sont obligés d’acheter du sel surtaxé et non-concurrencé. C’est un impôt injuste et lourd, mais qui compte pour une bonne part des recettes du Westerland…
(Note : La gabelle est l’équivalent de la Taxe sur les Produits Pétroliers du Moyen Âge — en effet, le sel fait fonctionner toute l’économie mondiale comme le pétrole de nos jours)

Contributions des guildes : Les corporations de métier ont le droit d’exiger des taxes de ses membres — et faire partie d’une corporation est une obligation pour la quasi-totalité des métiers. Ces taxes permettent à la guilde d’entretenir des locaux, d’assurer l’assistance sociale de ses membres, ex-membres et leurs familles, et même de financer des actions de charité — mais de plus en plus de gens dénoncent ces taxes comme étouffant la concurrence, en plus d’être très importantes (En moyenne 10 % du salaire).
(Note : Ces contributions ressemblent beaucoup à la CSG, la Contribution Sociale Généralisée de nos jours)

Impôts sur les sujets : Un impôt très impopulaire, la « Capitation », a été mis en place pour financer l’État — il sépare tous les sujets du Westerland (Et les étrangers résidents) en vingt-deux classes d’individus selon leur richesse et des exemptions diverses et variées, tous les membres de cette classe devant la même somme annuelle à l’État (Par exemple, la première classe, des Princes du sang et des Grand-marchands, doit payer 2000 guilders d’or par an ; Un simple militaire en classe 22 doit un guilder d’or par an) — seuls les pauvres certifiés et les clercs des ordres mendiants étant exemptés. Une véritable usine à gaz pleine d’abus et dénoncée par la presse, la Capitation reste l’impôt le plus efficace dont dispose Marienburg…
(Note : La capitation est peu ou prou la même chose que l’Impôt sur le Revenu avec ses tranches compliquées mais égalitaires)

Aides sur les bénéfices : Toutes les sociétés, guildes, maisons-marchandes et institutions diverses et variées qui font des bénéfices dans le Westerland doivent en fin d’année verser un cinquième de celui-ci à l’État. C’est un impôt moyen et standard comparé à d’autres nations du Vieux Monde.
(Note : L’aide sur les bénéfices est le même fonctionnement que l’Impôt sur les Sociétés de nos jours)

Gouverneur de la banque de Marienburg : Le guilder d’or est détenu par la Banque de Marienburg, qui peut librement le frapper et en contrôler le taux d’or. C’est une monnaie respectée et échangée à travers le Vieux Monde. Le problème, c’est que personne ne sait s’il faut en réduire le taux pour libérer l’économie, ou l’augmenter pour réduire l’inflation…
(Note : Le contrôle du taux d’or du guilder fonctionne d’exactement la même manière que le Taux d’intérêt directeur des banques centrales de nos jours.)

Nationalisation : Les fabriques de la ville de Leydenhoven ont été saisies de force par l'État. Dorénavant, c'est la province du Westerland elle-même qui nomme des cadres et dirige la politique et les profits de ces fabriques. C'est une expérience pas inconnue, car l'État a toujours participé à l'économie, mais originale - loin de simplement s'assurer des infrastructures ou des monopoles baronniaux, le Westerland participe maintenant à l'économie de marché directement.

Rénovation du Noordhaven : Une rénovation massive de tout un quartier est en cours. L'investissement va fournir beaucoup de travail à des sujets du Westerland, mais il faudra que ce projet aboutisse sincèrement pour qu'il puisse porter ses fruits.
Situations
Débouchés locaux pour Leydenhoven : La famille de Roelef compte massivement soutenir les fabriques nationalisées de la ville de Leydenhoven. De grandes commandes de tissu ont été faites pour commencer à assembler de nouveaux vêtements. Apparemment, les Roelefs comptent fabriquer des uniformes militaires, pour les Troupes d'État, la Milice et les groupuscules armés privés qui commencent à naître.
Administration fiscale rodée : Contrairement à tant d’autres pays du Vieux Monde, le Westerland dispose d’une vraie administration fiscale avec des fonctionnaires compétents appartenant à l’État et se chargeant directement de percevoir l’impôt — ainsi qu’une cour des comptes qui surveille leur travail. Marienburg peut facilement obtenir et extraire des impôts d’où elle souhaite, quand elle souhaite… Si seulement les parlementaires arrivaient à se mettre d’accord sur les moyens d’action.
Dette souveraine : Le Westerland a la chance d’avoir mis en place une grande banque centrale qui permet à l’État de se refinancer facilement auprès des grands acteurs économiques du pays — la dette détenue par des financiers étrangers est limitée au tiers.
Production stagnante : Marienburg n’est pas juste un grand super-marché géant — c’est un centre productif qui dispose de manufactures et d’entreprises de qualité. Marienburg est une capitale du drap, un grand fabricant de papier, on y trouve des productions de pointe et de luxe (Comme du verre) tout comme des produits manufacturés plus simple (Comme des meubles) très demandés — c’est aussi un centre de pêche et un grand vendeur de sel. Ce sont ces forces qui font que Marienburg n’a pas encore sombré ; mais depuis maintenant cinquante ans, la province est en récession économique, et aucun politique n’a trouvé la formule magique pour redémarrer la croissance, qui est positive mais lente.
Infrastructures vieillissantes : Marienburg a hérité d’antiques constructions Elfes et Naines — et n’a jamais cessé d’investir dans sa patrie. Le Suiddock est rempli d’entrepôts et de grues qui rendent le débardage rapide, les marais ont été élagués et le débit du Reik contrôlé par des écluses un peu partout, les routes sont entretenues et passent au-dessus de ponts et viaducs en tout genre… Mais la crise économique qui touche le Westerland depuis maintenant une demi-décennie a vu les investissements être les premiers touchés par les coupes budgétaires. Si la situation n’est pas encore dramatique, de plus en plus d’équipements ont des défauts et commencent à avoir sérieusement besoin d’entretien.
Marktag Noir : La nouvelle de la guerre dans le Reikland et de la mobilisation générale vient de faire s'écrouler la bourse du Suiddock. Il y a intérêt à ce que des bonnes nouvelles du front arrivent, et vite, si l'économie veut survivre.
Climat économique exécrable : Le climat actuel n’aide vraiment pas les investissements et la production. Les épidémies et ses quarantaines peuvent bloquer des entreprises des semaines durant, les grèves empêchent lune production efficace, et les tensions politiques dans la province font des sueurs froides aux investisseurs, à la fois de la nation et d’au-delà…
Perte de confiance des investisseurs : La nationalisation sauvage des fabriques de Leydenhoven a provoqué une grave terreur dans les milieux financiers de Marienburg. L'investissement interne et externe était déjà en berne, cela vient d'empirer.
Déficit commercial : Horreur depuis l’année dernière — pour la première fois depuis un siècle, Marienburg importe plus de biens qu’elle n’en vend. La guerre et les tensions internationales ont fait contracter la demande extérieure, tandis que les mauvaises récoltes forcent la province à constamment importer de la nourriture et des biens de première nécessité.
Piraterie : Récemment, des navires-pirates venus de Brionne (En Bretonnie) ou l’île-pirate de Sartosa (En Tilée) s’attaquent aux vaisseaux flottant le pavillon de Marienburg. Les commerçants tentent de répondre à ces menaces de plus en plus insolentes en se mutualisant et en organisation des convois, mais c’est une piètre réponse face à une menace grave sur la sécurité commerciale…
Chômage élevé : Les problèmes de production font que les manufactures sont souvent obligées de réduire les effectifs, et elles engagent de plus en plus souvent des journaliers intérimaires plutôt que des compagnons corporatisés. Plus de 10 % de la population active ne travaille pas, et 15 % a un travail précaire et temporaire. En outre, ces chômeurs et travailleurs pauvres deviennent un poids pour le système social, qui doit bien les soigner et les loger.
Inflation : Alors même que l’activité économique est faible, l’inflation semble inarrêtable — elle est globalement de 10 % par an, avec des écarts assez importants (Le cacao, venu de Lustrie, a augmenté de 5000 % ces dix dernières années…) — ce sont surtout les biens et services de première nécessité (Nourriture, savons, habits, loyers…) qui inquiètent et enflamment la population.
Crise climatique et mauvaises récoltes : Comme si tout cela ne suffisait pas, les polders du Westerland sont soumis par des aléas climatiques constant : L’année 1978 a été marquée par une intense sécheresse, tandis que celle de 1976 a été marquée par une crue inattendue du Reik encouragée par des orages et des grelons. Alors qu’autrefois, le Westerland était un miracle agricole, les terres sont progressivement ruinées, et avec eux les propriétaires (Majoritairement nobles ou rentiers) et les populations rurales qui émigrent vers la ville — ce qui rajoute des problèmes sur des problèmes…

Situation sociale :
Politiques
Principes de Shallya-Providence : Encouragé par le culte de Shallya et sa doctrine, l’État du Westerland s’est doté de nombreux organes de contrôle réglementaires, économiques et sociales pour bénéficier à un maximum de sujets de la nation — du contrôle de la sûreté alimentaire jusqu’à la réhabilitation des détenus, la Loi et l’État, qui sont certes d’inspiration de laissez-faire économique et d’entreprise privée, cherchent aussi à forcer l’amélioration des conditions de tous.

Instruction publique et protection de l’enfance : L’État considère que les jeunes enfants ne sont pas des individus comme les autres, et qu’il est nécessaire de les protéger et de les éduquer. De 5 à 13 ans, le travail des enfants est interdit, et des petites écoles de la cité ou des paroisses sont mis en place pour offrir aux enfants des rudiments d’apprentissage selon la doctrine du colonel de Baen. Beaucoup de parents critiquent ce système qui leur retire des bras qui seraient bien utiles pour travailler…

Éducation libre : Les curriculums des grandes écoles, des séminaires, et du collège Baron Henryk ne sont pas contrôlés par l’État — le Directeur de l’Instruction Publique ne peut se charger que des petites écoles pour les enfants. Ce système a des vertus positifs : le collège Baron Henryk, c’est-à-dire l’université de Marienburg, est universellement reconnue comme un des hauts-lieux du savoir de l’Humanité ; en revanche, le séminaire Sigmarite de Kalkaat est considéré comme un berceau de l’obscurantisme religieux…
Situations
Sauvetage de Leydenhoven : Le culte de Shallya est en train de se déployer massivement dans la ville-martyr de Leydenhoven, pour préparer soupes populaires et hébergements d'urgence.
Institutions sociales urbaines de haute qualité : À Marienburg, malgré la crise économique, les investissements et le tissu social et médical fonctionnent bon an mal an… Même si on peut évidemment toujours faire mieux, la mortalité infantile, l’espérance de vie ou la qualité de vie impressionnent par leurs bons chiffres ; il existe à Marienburg une école pour les sourds, une léproserie-générale, une maison de rééducation pour les handicapés qui souhaitent apprendre un art ou un métier, et même un asile psychiatrique moderne… Les soins et les aides sont disponibles au plus grand nombre de Marienbourgeois, et c’est une fierté du Westerland.
Rationalisme : La raison et la science dirigent l’action publique. Des expériences et des études sont réalisées pour avoir des bilans chiffrés des diverses actions réalisées à travers le pays, et la superstition n’a pas sa place dans les organisations gouvernementales — au grand dam de certaines factions religieuses, et notamment du culte de Sigmar.
Situation sanitaire stable et ordonnée : S’il y a une chose avec laquelle le Westerland ne plaisante pas, c’est le risque épidémique — tous les navires suspectés d’être infectés de la peste ou la variole sont mis en quarantaine, des villages entiers peuvent être barrés, des contrôles vétérinaires sont très fréquents sur le bétail… Ces mesures draconiennes, gérées par le Directeur de l’Intérieur, ont permis d’éviter un désastre épidémique.
Instruction publique Baenite : Le « Colonel » Dirck de Baen a été pendant sept ans Directeur de l’Instruction Publique — c’est lui qui a obligé le placement à l’école de tous les petits enfants du Westerland, au sein d’institutions modernes et locales, jusque dans les villages les plus reculés. Les résultats sont mitigés ; d’un côté, cette instruction publique a permis à toute une nouvelle génération de savoir lire, écrire, et compter, et d’avoir un vrai espoir d’amélioration de sa condition… De l’autre, le programme éducatif du colonel de Baen est traditionaliste, ultra-patriote, rappelant la nécessité du sacrifice pour le pays, de respect pour les Dieux, et d’une vie moralement pure en fondant un foyer. Beaucoup de gens dénoncent cette éducation Baenite comme du bourrage de crânes pur et simple.
Éducation universitaire excellente mais inégalitaire : Les grandes écoles et les universitaires de Marienburg sont globalement d’excellente qualité au niveau de l’apprentissage — même si les curriculums ne sont pas contrôlés et les savoirs dispensés pas toujours bien contrôlés. Cette éducation est néanmoins réservée à ceux qui peuvent payer les frais d’entrées — malgré des tentatives d’augmenter les bourses, l’éducation est encore l’apanage d’une classe supérieure.
Institutions provinciales médiocres : La province et les bourgs du Westerland manquent énormément de moyens. Dans les meilleurs des cas, les grands malades et les handicapés peuvent être envoyés à Marienburg, mais on voit de véritables masses de pauvres et de sans-abris même dans des cités très peuplées comme Leydenhoven ou Aandorp.
Inégalités sociales : Il y a une différence de revenus et de richesses tout simplement incroyable à Marienburg. En prenant une barque d’une île à l’autre, on peut passer de palais de marbres où l’on boit du cacao dans des verres en cristal jusqu’à des canaux habités ignobles et remplis de rats. Ces inégalités sociales provoquent tensions, colères, et aggravent la criminalité…
Grand Hiver : Les températures du Westerland sont en-dessous des normales de saison. Il y a déjà des gelées et de la neige alors que nous ne sommes qu'au Kaldezeit. Cet hiver promet d'être terrible, et le système social du Westerland va s'en trouver encore plus écrasé.
Crise du logement : Marienburg est surpeuplée, et est encore mise sous la pression constante d’immigrés de la campagne ou d’autres nations. Autrefois, les constructions suivaient le rythme des arrivées, mais la crise a mis plusieurs promoteurs sur la paille. Beaucoup d’étudiants ou d’ouvriers journaliers vivent dans des conditions épouvantables, dans des logements insalubres et en colocations à plusieurs. Cela dégrade fortement leur santé et leur qualité de vie.
Système de soins surchargé : L’insécurité alimentaire entraîne des maladies. Les afflux de la population augmentent les risques de contagion. De plus en plus d’asiles Shalléens et d’hôpitaux publics sont remplis de patients, et les opérations constamment repoussées. Il y a un besoin urgent de soutenir des soignants surchargés de travail.
Système social surchargé : Le nombre de personnes demandant des allocations pour subvenir aux besoins de leurs familles a augmenté depuis les deux dernières années. Alors qu’autrefois, seuls les pires des indigents et des aliénés réclamaient l’assistance publique, de plus en plus de travailleurs pauvres ont besoin de compléments face à l’inflation. Pour l’heure, l’État s’est montré généreux — mais le système est de plus en plus coûteux et étouffant.
Alcoolisme et narcotrafic : L’alcool et les drogues sont légaux dans le Westerland. Pour des raisons diverses, variées, et encore mal comprises, les mécanismes d’addiction touchent toute la société, à travers toutes les villes du pays — de nombreux rapports de police font état, à Leydenhoven par exemple, de masses de gens marginalisés qui « zonent » dans des espaces publics, ivres d’alcool ou de lotus noir du Cathay.

Situation de l’ordre public :
Politiques
Les Coiffes Noires : « L’Honorable Compagnie des Gardes et Lampistes », surnommés les « Coiffes Noires » à cause de leurs chapeaux éponymes, constitue la police de Marienburg. C’est une police locale et communautaire, disposant de postes de gardes sur chaque île constituant la ville et recrutant des locaux — elle s’occupe en fait surtout de régler des conflits de voisinage et des délits mineurs, même si un commissariat central regroupe des unités spécialisées mieux formées (Pour les enquêtes, les recherches de personnes disparues, la mission anti-émeute…). Les Coiffes Noires sont très populaires à Marienburg, notamment parce que les policiers sont des gens à l’écoute et calmes qui cherchent à résoudre les problèmes par le dialogue plutôt que par l’intervention policière — ce qui est dénoncé par plusieurs politiciens qui aimeraient plus de répression.

La Maréchaussée Générale : Les « archers » de la Maréchaussée sont une force de police sous les ordres directs de la Grande-baronne, qui a une autorité absolue sur tous les territoires hors des juridictions établies — ils servent ainsi de patrouilleurs dans la ruralité, et sur les routes, mais à Marienburg, ils sont surtout importants car ils sont chargés de la douane et de la police fluviale. À la différence des Coiffes Noires, les archers de la Maréchaussée sont recrutés parmi d’anciens militaires, et ont une réputation assez sordide de brutalité qui est rarement punie — même quand les tribunaux de Marienburg les convoquent, ils refusent de se présenter, arguant qu’ils dépendent du for direct de la baronne…

Les « Marcheurs de Brumes » : Le Bureau de Sécurité Intérieure et Extérieure de Marienburg est connu surtout par son surnom ; Les « Marcheurs de Brume » disposent d’un budget secret voté par le Parlement et obéissent uniquement à la Grande-baronne. Quasiment rien n’est connu de leurs opérations, ce qui fait naître mille rumeurs et inquiétudes à leur sujet. On dit qu’ils espionneraient entre autres personnes les députés et les sénateurs du Staatsraad.

Système carcéral moderne : Depuis bien longtemps, Marienburg ne condamne plus les criminels aux peines de galères ou à l’exil — la majorité des condamnés sont déportés sur la prison de Rijker. L’idée de l’enfermement est qu’il permet la réhabilitation de l’individu, en le « retransformant » en citoyen obéissant aux normes civiques.

Peine de mort inappliquée : La peine de mort existe toujours officiellement dans la loi du Westerland, mais Julian III avait pris l’habitude de systématiquement commuer les peines des personnes ainsi condamnées — la peine de mort dans le Westerland est donc devenue pratiquement inexistante, une situation unique dans le Vieux Monde.
Situations
Confiance dans la police : Les Coiffes Noires sont populaires dans Marienburg. Les cas de brutalité policières sont très rares et les gens se sentent respectés quand ils ont affaire aux forces de l’ordre. Cette relation marche dans les deux sens — les policiers de Marienburg sont fiers de travailler pour leur commune, et leur recrutement divers au sein des communautés, même étrangères, les rendent d’autant plus impliqués.
Maréchaussée renforcée mais défiante : La Maréchaussée Générale a obtenu une franche augmentation de son budget, qui va lui permettre de recruter de nouveaux agents, des équipements, et mieux s'armer pour protéger la province. La criminalité devrait donc a priori baisser dans le pays. Néanmoins, une forte défiance commence à émaner de la population envers la Maréchaussée, et le début d'une grande enquête parlementaire contre cette institution a commencé à faire naître de grandes tensions entre la Maréchaussée, le Parlement, et le ministère de l'Intérieur.
Lois d’immigration permissives : Immigrer vers le Westerland est permis par des procédures simplifiées — simplement se présenter à un poste de police ou auprès d’un beffroi permet d’obtenir un permis de résidence pour six mois, ce qui sert à travailler, se loger, et même bénéficier des prestations sociales. Ces lois simplifiées ont permis à Marienburg de s’enrichir de générations entières d’immigrés d’à travers le Vieux Monde et de l’au-delà — mais c’est aujourd’hui un système qui suscite des critiques et des crispations, et nourrit l’inquiétude, la rancœur ou la méfiance de beaucoup de Westerlander.
Tensions politiques, ethniques, religieuses : Les partis politiques, les agitateurs de tous les bords, les communautés locales et les religions particulières sont toutes l’objet de revendications, de conflits et de violences rapportées dans la presse — les faits divers forment les opinions des citoyens. Pour l’heure, le système d’inspiration républicaine de Marienburg et la confiance dans les institutions empêche un débordement de violence, mais une étincelle suffirait probablement à faire sauter la poudrière…
Justice réhabilitatrice : Les juges du Westerland sont formés pour surtout chercher la réparation des torts et la réhabilitation des criminels. Si ce système laisse entrouvrir l’espoir de voir des criminels redevenir des sujets pleins et entiers du Westerland, c’est un système qui suscite mille critiques de la part de plusieurs partis, qui préféreraient que la justice cherche à réprimer et terrifier les criminels.
Politique de défense sanitaire : La sécurité intérieure se charge d’appliquer les mesures de quarantaine, les contrôles vétérinaires, et la salubrité publique — ce sont des missions de police confiées aux maires et capitaines de postes de gardes. Si on peut louer l’efficacité de ces mesures sur le plan sanitaire, elles sont aussi très coûteuses, à la fois pour les salaires et les coûts liés à ces ordres tout comme le ralentissement économique qu’elles entraînent.
La police de la Baronne : La Maréchaussée Générale, ainsi que les Marcheurs de Brumes de la police secrète, sont des entités efficaces mais qui sont sous les ordres absolus de la Grande-baronne — le parlement n’a aucun contrôle dessus. Des scandales éclatent souvent dans la presse au sujet de ces deux institutions ; on raconte que les Marcheurs de Brume organisent l’espionnage de maîtres de guildes et de prêtres respectés, tandis que les archers de la Maréchaussée sont notoirement brutaux et prêts à faire disparaître de la marchandise lors de leurs fouilles de bateaux… Qui sait ce qui est vrai ou faux ? La commission à la sécurité intérieure peut tenter d’arracher le contrôle de ces entités.
Corruption : La corruption est devenue un mal endémique et à tous les niveaux de la société du Westerland, de l’archer de la Maréchaussée qui ignore une cargaison de contrebande contre quelques pièces jusqu’au Directeur qui attribue des chantiers publics en échange d’un gros chèque dans un compte en banque à Verezzo — personne ne sait clairement à quel point la corruption touche vraiment le Westerland, mais elle réduit l’efficacité publique et ébranle la confiance dans les institutions.
Guerre des Gangs : Le Cercle Huydermann, faite de cavaliers du pays Jutones, et la Famille Valantina, grande organisation d'immigrés Tiléens, sont deux immenses cartels criminels qui sont riches de contrebande, d’extorsion, de trafic d’être humain, de contrefaçon, cercles de jeux illégaux, et même de participation à des chantiers publics — certains journalistes parlent « d’écomafia » en découvrant par exemple que des criminels du Cercle Huydermann se sont fait payés avec de l’argent public pour s’occuper de la collecte de déchets, qu’ils se contentent en fait de balancer dans le Doodkanal. Depuis peu, les deux mafias ont commencé à tirer l'épée et même des arquebuses à répétition, et maintenant, n'hésitent plus à s'entre-tuer dans des assassinats massifs et en pleine rue, sans aucune considération morale ou peur des dégâts collatéraux. Les gens ont peur et sont en colère, et recherchent activement des responsables.
La Fièvre : La militarisation de la société, la crise économique, la perte de confiance dans les institutions, les tensions civiques… Tout cela détruit le tissu social et pousse les gens aux pires extrémités. Les délits de tous genres sont en train d’exploser — des gens « ordinaires » se muent facilement en pickpockets et resquilleurs. Mais ce sont les crimes de sang qui terrifient encore plus : les vols avec violence, viols et meurtres sont en augmentation constante, à la fois dans les villes et dans la ruralité, souvent le fait de militaires des Troupes d’États sans soldes ou de journaliers ayant récemment perdu leur emploi.
La mobilisation générale vient de déchaîner des passions dans tous les sens. On agresse des Reiklanders, on assassine des prêtres-politiciens, on hurle partout contre le pacifisme. De l'extrême-gauche à l'extrême droite, la guerre est le seul mot d'ordre, et les pacifistes semblent étouffés. La guerre est devenue la seule réalité qui soit.

Situation diplomatique :
Politiques
Neutralité : Le Westerland tente le plus possible de ne pas s’immiscer dans les conflits extérieurs, et se donne une image de nation pacifique, ancrée à ses frontières, qui souhaite simplement échanger avec les autres. Le Westerland n’a aucun embargo, ni aucune alliance avec d’autres provinces ou nations.

Colonies et comptoirs : Le Westerland est présent sur tous les continents par des établissements lointains gérés par la République. Les colonies actuellement gérées par le Westerland sont les suivantes :
- Neu-Marienburg : Établissement de 2000 habitants, en Lustrie — c’est la grande source d’or qui est frappé à Marienburg.
- Sudenberg : Établissement de 2500 habitants, en Arabie — c’est de là que sont exploités du café et importées des denrées d’Arabie.
- Le Kaap : Établissement de 3500 habitants, sur la corne des Terres du Sud, tout au sud d’Alkebulan — il attire de nombreux immigrés pauvres à qui on promet des fermes, avec des esclaves pris localement, pour y faire pousser des fruits et vivres achetés à prix fixe par la Compagnie des Indes.
- Specerijenstaat : Comptoir commercial en Inja de 1800 habitants, il permet d’accéder à la Route des Épices ainsi que la Route de l’Ivoire.
- Dejima : Comptoir commercial de 1200 habitants, il est l’unique établissement de « blancs » du Vieux Monde autorisé à exister au Nippon.
- Formose : Colonie de 4500 habitants, situé sur une petite île accordée par l’Empereur-Dragon du Cathay — c’est la colonie-joyau, qui permet au Westerland d’importer toutes les denrées magnifiques et riches de l’extrême-orient : encens, thé, porcelaine, soie, et opium…

Traités d’échanges autorisés : Quelques nations lointaines ont réussi à négocier avec Marienburg des traités protégeant les marchands battant le pavillon de leur nation — souvent avec des restrictions sur certains biens ou une fiscalité particulière et très complexe. Les personnes ayant un traité d’échange officiel sont :
- l’Empereur-Dragon du Cathay
- le Shogun du Nippon
- le Sultan d’Arabie
- la ville de Verezzo
- la ville de Magritta
- la ville d’Erengrad
- le royaume norse d’Olricstaad.
- la grande-baronnie du Nordland
Situations
Pays Terrifiant : Le Staatsraad, le Palais-Neuf et l'Impératrice se sont unifiés dans une folie guerrière impressionnante. De l'extrême-gauche à l'extrême-droite, tous les Westerlander semblent unifiés dans leur désir de combattre, quitte à employer d'immenses moyens humains, techniques, économiques et politiques. Le Westerland fait suer à grosses gouttes ses voisins.
Le « Marché du Monde » : Marienburg a une politique de libre-échange absolu. Le Westerland n’a que peu de traités commerciaux officiels, mais peut librement accéder à de grandes interfaces commerçantes sur l’échelle du globe. Parvenir à ouvrir de nouveaux marchés, ou renforcer ceux déjà existants est un grand enjeu pour permettre à Marienburg de survivre.
Puissance commerciale influente : Les marchands de Marienburg sont reconnus dans le monde entier, et la variété des biens transportés dans leurs cales fascine toutes les nations. Jusqu’ici, les traités de commerce de Marienburg ont tout le temps été gagnant-gagnant ; mais un petit peu plus gagnants pour Marienburg quand même…
Pression commerciale : Les tensions à l’étranger font que la demande pour les biens venant du Westerland s’est réduite, alors qu’à l’inverse, les riches Westerlander sont obsédés par les denrées de luxe venant de l’étranger. La conséquence est une fuite monétaire, mais aussi, de plus grandes difficultés quand il faut établir des relations à l’international… Pour l’heure, le système tient en place, surtout grâce aux colonies et aux comptoirs à l’étranger. Mais combien de temps cela durera-t-il ?
Expansionnisme Bretonnien : Le Royaume de Bretonnie est une immense nation de dix-huit millions de sujets tous soumis à un seul roi. Louis XIV ne cache pas son intention de récupérer des villes du Westerland, notamment celles ayant autrefois appartenu aux Endales qui sont culturellement proches des Bretonni — et pourquoi pas Marienburg même, si possible ? Outre son agressivité militaire, Louis XIV a fait voter des augmentations de douanes sur toutes les denrées sortant ou entrant du Westerland, peu importe le coût que cela a pu représenter pour les riches Bretonniens friands de denrées venant des marchés de Marienburg. La Bretonnie étant un immense grenier à blé et marché de denrées agricoles, la crise de Marienburg s’en est aussi trouvée empirée…
Humiliation électorale : L’échec de Magritta de s’emparer de Ghal Maraz et de la couronne Impériale a eu de lourdes conséquences — le prestige international de la Grande-baronne a été écorné, et le Grand Théogoniste du culte de Sigmar paraît maintenant être un ennemi du Westerland.
Mauvaises relations avec le Reikland : l’Empereur « d’Altdorf », qui se sent maintenant en guerre contre le Westerland depuis la candidature échouée de Magritta, a décidé de couper toutes les relations avec le Westerland, renvoyé son consul, et barré le Reik aux navires de Marienburg.
Mauvaises relations avec Middenheim : « l’Empereur-Loup » de Middenheim, qui se sent maintenant en guerre contre le Westerland depuis la candidature échouée de Magritta, a barré ses routes aux véhicules et convois provenant du Westerland.
Manque d’alliés et partenaires : Marienburg a beaucoup de marchés lointains, et peut aller faire ses courses pour des denrées exotiques — mais elle n’a pas à proprement parler d’alliés ou partenaires commerciaux. Pour survivre dans le nouveau siècle, c’est un chantier immensément urgent.
Perfidie : Alors qu'elle était sous blocus du Reikland, le Westerland a décidé de lancer une campagne militaire-éclair contre ses ennemis, qui comprennent également les villes pourtant réputées neutres du Reik et du Middenland. Attaquant à tout-va et soumettant de force des cités qui ne sont pas en mesure de se défendre, le Westerland est de plus allié à la famille von Trott de Tahme, qui a mit à sac toute une province et fait massacrer des villages entiers. Autrefois connue comme neutre et pacifique, le Westerland paraît soudain être un ignoble mastodonte guerrier.


Courants politiques dans le Westerland (Optionnel) :
Indépendants :
— Les Sigmarites
Les prêtres et les partisans du Dieu-Roi Sigmar sont partisans de l’ordre établi et préfèrent voter les lois conservatrices et proches des Seigneurs. Néanmoins, ils s’opposeront à toutes les lois qui iraient à l’encontre du culte de Sigmar.
— Les « Crapauds du Marais »
Les Crapauds du Marais sont les vrais neutres du Staadsraad — ils sont des représentants particularistes, des modérés, ou de simples notables sans grande opinion sur le monde. Ils sont très sensibles à l’opinion publique, et préfèrent les choix modérés et nés du compromis.
— Insondables
Les Insondables sont des indépendants dont on ne sait rien du tout, tant leurs opinions semblent aller dans tous les sens — peut-être parce qu’ils n’ont pas d’affiliation partisane définie, qu’ils n’ont pas de culture politique, ou qu’ils sont juste complètement fous à lier… Ils peuvent voter pour n’importe quelle loi selon l’esprit et la situation du moment.


Seigneurs :
— Loyalistes
Les Loyalistes sont des Seigneurs acquis à la cause de la Grande-baronne Magritta et la famille van Buik. Ils s’opposeront avec véhémence à toutes les lois qui empiètent sur le pouvoir de la baronne.
— Réactionnaires
Les Réactionnaires sont des Seigneurs acquis à l’idée que le Westerland était « mieux avant », et qu’il est nécessaire de lutter contre le progrès et les nouvelles institutions poussées par l’opinion publique. Ils s’opposeront à toutes les lois qui cherchent à encourager la liberté ou accorder de nouveaux droits à quiconque.
— Baenites
Les Baenites sont les partisans du colonel de Baen. Ils sont attachés à l’idée d’un Westerland fort et respecté, et apprécient toutes les lois militaristes et conservatrices — mais ils comprennent la nécessité d’accorder un peu de liberté et de concessions à leurs opposants et peuvent être convaincus par certaines lois qui vont dans leur sens.



Manœuvres :
— Le club du Kruiersmurr
Issus du quartier le plus pauvre et peuplé de la classe laborieuse de Marienburg, rempli d’ouvriers de manufactures, de pauvres et d’orphelins — les membres du club du Kruiersmurr sont avant tout obsédés par la redistribution des richesses, l’amélioration économique des pauvres, et la prospérité économique de Marienburg.
— Le club du Suiddock
Ramassis de marins, journaliers, et voyageurs en tout genre, le Suiddock semble être capitale du monde. Les députés du club du Suiddock aiment les lois qui favorisent le cosmopolitisme, la démocratie, et les avancées sociales.
— Le club de Leydenhoven
Organisation politique rurale, le club de Leydenhoven est un mouvement de Manœuvres qui sont parfois issus de la classe moyenne, des domestiques, et de la ruralité — ils sont les plus modérés des Manœuvres, et sont ouverts à la conversation et au compromis.



Entrepreneurs :
— Capitalistes :
Les Capitalistes sont les partisans du libre-marché, du laissez-faire, de l’idée que le marché non-régulé et que de la recherche du profit et de l’amélioration économique découlera la prospérité générale. Ils s’opposeront à toutes les lois qui attenteraient au bien-être économique de la ville, et voudront une politique de l’État dédiée à la conservation des voies commerciales et la richesse de Marienburg.
— Technocrates :
Les Technocrates croient en la grandeur du progrès social et technique, en l’importance de mettre en avant les gens qui s’y connaissent au pouvoir, certains vont même jusqu’à parler de « transcendance » (Quoi que cela veuille dire…). Ils croient dans le gouvernement des experts, dans l’économie raisonnée, et dans la moralité de l’industrie — ils sont prêts à être convaincus par les autres camps tant que leurs opinions sont raisonnées. Ils sont pour les investissements massifs et la confiance dans le futur.


Légionnaires :
— Décisionnistes
Les Décisionnites sont des nationalistes qui croient en l’importance de défendre le Westerland et sa population à tout prix. Ils sont des militaristes, qui soutiennent la police, l’action décisive, et la défense de la culture Westerlandaise — ils sont assez indécis sur la plupart des sujets, préférant mettre en avant ce que le « peuple » demande, mais défendront toujours la primauté du Westerland sur les autres et le nécessaire respect de l’ordre par les populations immigrées et étrangères, qui doivent se sentir chanceuses d’être accueillies.
— Irrédentistes
Les Irrédentistes sont des ultra-nationalistes essentialistes, qui croient en la primauté de l’ethnie sur la simple culture — il existe un sang Westerlander, un esprit Westerlander, né du métissage de deux nations entre elles (Même si parfois un ou deux suprémacistes Jutones ou Endale se retrouve parmi eux…). Les Irrédentistes croient en l’importance de mettre en avant les « vraies » religions du Westerland, de défendre les traditions ancestrales du Westerland, et veulent casser l’État pour permettre une révolution morale et un Nouvel Ordre qui permettrait à la race du Westerland d’enfin réaliser ses aspirations. Les Irrédentistes votent bizarrement, sans que l’on comprenne toujours comment ils s’organisent, mais ils cherchent tout le temps à accomplir leur rêve final…


Colombes :
— Équitables
Les Équitables sont des utopistes, qui veulent promouvoir des lois et des changements sociaux qui encouragent à la fois l’amélioration de l’être humain et de la société, et en même temps favorisent les cercles vertueux. Les Équitables croient en l’importance du discours avec l’autre, du commerce bénéfique pour les deux partis, de la charité encouragée et organisée pour tous — ils sont des pacifistes, et des gens dédiés au bien commun, sans pour autant mettre de côté le pragmatisme et la nécessité de discuter avec les autres camps. Ils affirment l’importance de l’autonomie et de la pleine réalisation personnelle des êtres humains.
— Mystiques
Les Mystiques sont des prophètes et des agitateurs, qui pensent qu’il est nécessaire de s’engager pour amener sur Terre le « Règne Céleste » — obsédés par les vérités eschatologiques, ils veulent détruire ici-bas toutes les injustices, casser les traditions arriérées, se battre spirituellement pour réussir à accoucher d’un nouveau monde. Compter sur les bonnes volontés de chacun n’est pas suffisant — il faut remettre les Dieux dans tout et servir la nécessité du bon ordre métaphysique. Ils se reconnaissent fièrement dans le slogan « Vox Populi ; Vox Dei ».
Les Mystiques voteront pour toutes les lois qui vont dans le sens de la justice et de ce que les Cultes demandent.



Bohémiens :
— Chimériques
Les Chimériques sont surnommés ainsi, car on dit que ces Bohémiens-là sont des rêveurs — les Chimériques ne sont obsédés que par l’amélioration de la société, en essayant de dépasser un maximum les vieilles superstitions et en essayant de trouver des solutions originales et qui sortent des cadres établis. Les Chimériques ne croient pas dans les vérités établies ; par exemple, ils sont prêts à se débarrasser de l’esclavage ou du gouvernement colonial, quand bien même cela réduirait l’influence et les opportunités commerciales du Westerland dans le futur. Tout ce qui les intéresse, c’est l’Humain, toujours et à jamais l’Humain.
— Matérialistes
Les Matérialistes sont des Bohémiens qui croient dans les grands mouvements et les changements à l’échelle de la civilisation entière. Ils n’aiment pas le compromis, les arrangements politiques, et cherchent surtout à trouver n’importe quelle occasion de provoquer une révolution et un renversement du pouvoir afin de créer une grande commune où tout le monde sera égal et la production toute entière sera dirigée par des conseils. Beaucoup des Matérialistes sont d’anciens Manœuvres déçus de la vision trop tournée sur les acquis sociaux des guildes et des corporations. Les Matérialistes n’ont pas beaucoup d’amis et cherchent toujours à critiquer leurs propres alliés plutôt que de chercher à constituer un bloc…
— Chats Noirs
Les Chats Noirs sont les plus radicaux des radicaux, toujours prêts à proposer les lois les plus accélérationnistes possibles. Beaucoup sont des athées, alors que d’autres sont des magiciens persuadés que toutes les vérités sont dans l’Éther. Ils scandent haut et fort le slogan « Ni Dieux, Ni Maîtres », et cherchent en général à voter toutes les lois qu’ils pensent servir à encourager l’explosion de la société ; afin de construire un monde meilleur, où chacun pourra se réaliser tout seul, sans aucune contrainte morale, religieuse, ou retenant l’Homme dans le passé.

Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Je veux que la République ait deux noms : qu'elle s'appelle Liberté, et qu'elle s'appelle chose publique. »

— Victor Hugo





PROLOGUE.





Wellentag 4. Kaldezeit 1979.
Marienburg.




Image


Cris de mouettes.
Souffle du vent.
Vrombissement de moteurs.
Cloches d’une église.
Roulis d’essieux.
Hourvari de marchands ambulants.



Marienburg est la capitale du monde. Non pas parce qu’elle a arraché le monde — nous sommes dans l’ère du sabre et du canon, des monarques et potentats prêts à tailler le globe à la lame pour se l’approprier ; pourtant, Marienburg est la cité qui a réussi à faire venir le monde à elle. Cent peuples sont passés sur cette digue sablonneuse, l’ultime passage entre les tumultueuses vagues de la Mer des Griffes et le long et large fil du Reik, cette artère qui irrigue tous les enfants de Sigmar. À quoi pensait le premier Elfe voyageant à travers le monde qui, arrivé dans une chaloupe à voile, a vu ce tas d’îlots boueux logés dans un delta étranglé ? Qu’imaginaient les Jutones suivant le roi Marius, quand, au terme d’un long exode, affamés et frigorifiés, ils quittaient enfin l’horreur des marais et de ses monstres pour voir ce qui serait leur future maison ? Le viking de Norsca, et le franc-archer de Bretonnie, qui incendièrent la cité en arrachant richesses, pudeurs, et vies, éprouvaient-ils une admiration secrète pour cette capitale sans rivale à travers tous les continents ?


Deux cent mille destins se croisent sur les quarante îles et îlots qui composent une Marienburg éclatée, parcourue de ponts, traversée de gondoles, constamment séparée par de grands navires de commerce allant-et-venant jusqu’aux points les plus lointains connus de l’Humanité. Deux cent mille âmes, aimées ou rejetées des Dieux. Saints et truands, fortunés et débauchés, hommes et femmes, vieux et jeunes, pur-Jutones ou immigrés depuis l’année dernière.

Ils vivent. Au milieu du bruit, parce que Marienburg n’est jamais silencieuse. Au milieu des odeurs, de poisson, de sel, de sueur, d’excréments, de baleines qu’on éventre, de moutons qu’on débarque dans des greniers. Au milieu des corps. Au milieu des pensées. On rigole, on s’invective, on pense.

Quelque part dans le Suiddock, une sage-femme implore Rhya et la Terre-Mère d’épargner une jeune femme hurlant et ne parvenant pas à sortir son enfant.
Sur l’île de Rijker, un détenu gratte le mur pour indiquer une nouvelle matinée de détention — sa fiancée lui manque, mais il ne regrette pourtant pas la droite qu’il a décochée ; il regrette simplement d’avoir été attrapé par le molosse mordant des Coiffes Noires.
Dans le Winjzak, un charpentier journalier né à Gisoreux rase les murs — il a appris que sa petite sœur s’est faite crachée dessus hier, en allant au marché ; son accent n’a pas plu à une vieille dame qui a perdu son fils tué par des gendarmes près de Fort Bergbres.
Planqués dans l’humidité d’une cave froide, sous le niveau de l’eau de l’île d’Oudgelwijk, une famille de nobles de tous âges s’agenouillent et ferment les yeux alors qu’un prêtre au crâne recouvert d’une tête de loup séchée répète des phrases en vieux-reikspiel : le culte d’Ulric n’est pas réellement illégal dans le Westerland, mais en cette ère de bûchers et d’inquisitions, il vaut mieux croire et honorer les Cieux en secret.
Au-dessus des tombes du cimetière Deedesveld, deux jeunes hommes contournent le caveau d’une grande famille Endale — cachés au milieu de ceux qui se reposent, avec seulement pour Mórr comme témoin, ils s’embrassent et s’aiment d’une façon qui les déshériterait et leur ferait perdre à jamais leurs familles.



Marienburg survit. Tous ses habitants, avec tous leurs sens, et leurs opinions, et leurs rêves, et leurs rancœurs, et leurs haines… Ils sont pressés. Par le chômage. Par la faim. Par la peur. Par la guerre.
Tous cherchent du réconfort. Ils ont besoin d’un pasteur. D’un précepteur. D’un capitaine. D’un général. Ils ne ressentent pas forcément le besoin d’un politicien. Comment croire que tout ce qui se règle vienne d’en haut ? Comment avoir une confiance aveugle dans des institutions archaïques, détachées, incapables de s’entendre ?

Mais le consensus n’est jamais agréable. Et s’ils ne changeront pas le Westerland, il revient à une minuscule minorité d’élus de les représenter, de les défendre, de faire connaître leurs aspirations.

On dit que cette décennie sera terrible. Un professeur de l’université a même popularisé un nom, terrifiant, pessimiste : « Rampdecennium ». Une « décennie terrible ». Personne ne sait si Marienburg y survivra.

Mais la ville doit tenir.



Image

Le Staadsraad est un bâtiment splendide. Un grandiose édifice couleur crème à trois coupoles, parcouru de colonnes tiléennes et d’une frise d’or — le Hall du Peuple, où s’exprime la voix des communes, a été érigé presque à la manière d’un temple civique. Au-dessus des deux dômes délimitant chacune des deux chambres du Parlement, on observe des statues du couple qui a donné naissance au pays : Marius Fenrir, le Loup des Marais, habillé seulement de tatouages, une meute de canidés à ses pieds, une antique épée Elfe dressée à sa main — c’est le roi des Jutones. Marika, une femme en tenue de guerrière couverte de peaux de bêtes, qui est en train de bander un immense arc long parsemé de runes — c’est la reine des Endales. Leur union a uni deux peuples. Et sur la coupole centrale, le symbole de la cité : Une sirène assise sur un trésor, le menton levé, une épée posée sur son épaule dans une main, un gros sac d’or faisant l’avidité des capitaines agrippé dans l’autre…

Juste en face du Staadsraad, une immense esplanade, la Mariusplein, s’étend. On y voit des statues en marbre Tiléo-Bretonni, et des pavés sur lesquels le Régiment de la Garde Parlementaire, une milice de Coiffes-Noires, est en train de répéter une manœuvre sous les cris répétés de : « Gauche ! Gauche ! Gauche ! » de leur officier en train de rythmer la cadence. Quelques passants du quartier, surtout de jeunes enfants, observent avec fascination la manière avec laquelle les hommes d’armes fringants et bien vêtus exécutent cette direction tels des automates humains.
Tout autour de l’esplanade, d’autres bâtiments se dressent, formant une sorte de complexe organisé : une chapelle de Manaan, Dieu-tutélaire de la cité, a les portes ouvertes pour les dévotions des croyants. Un grand bâtiment rectangulaire accueille les services de la Haute-Cour, siège du barreau et de la cour d’appel suprême du Westerland — on voit d’ailleurs sur les marches un avocat en tenue traditionnelle, avec sa perruque blanche sur la tête, qui est en train d’épousseter à la main le costume d’un monsieur au crâne rasé, tatoué, et couvert de cicatrices, qu’on devine être son client. À l’opposé, d’immenses marches, la Grande Volée, mènent aux appontements du Reik, un kiosque couvert et une marina sur laquelle on peut recevoir les cortèges des visites officielles.

Et puis, il y a le Palais-Neuf. Tout au bout de l’Esplanade, une immense forteresse à quatre tourelles, la porte d’acier couverte de runes Naines grande ouverte, les militaires en faction sur les remparts. Construit après le Sac de la ville en 1602, c’est là que les Grands-Barons du Westerland résident, et où le Directoire se réunit pour, au jour le jour, prendre des règlements et gérer le pays. Sa proximité avec le Staadsraad (Pas plus de cinq minutes en marchand…) saisit, surtout dans les pays où les monarques sont très séparés de leurs citoyens. Les Grands-Barons se sentent-ils pris en otage derrière leurs gros murs au beau milieu de Marienburg ?
Aujourd’hui, ce n’est plus une Grande-Baronne, mais une Impératrice qui règne sur le Westerland. Une nouveauté de cette année, à laquelle il va être dur de s’habituer. Mais au-dessus de la porte d’acier, le grand blason de métal peint de la dynastie van Buik a été modifié, pour qu’on y rajoute le marteau sacré de Ghal Maraz et des chérubins couronnant l’armoirie de diadèmes en lauriers. Peut-être est-ce un peu tôt pour déployer un tel faste — l’Impératrice n’a pas encore remporté une seule bataille…





La Chambre Haute du Staadsraad se réunit dans l’aile est. C’est une rotonde, rarement en session, composée de cinquante clercs, nobles, et recteurs du collège « baron Henryk ». Au jour le jour, le Rijkskamer se charge de relire les propositions de lois et les amendements envoyés par leurs collègues de la Chambre Basse, et d’y donner un avis favorable — ou bien de ralentir la procédure en renvoyant un texte corrigé plus bas. Les allers-retours peuvent véritablement paralyser le travail législatif, avant que le Grand-Baron ne décide de trancher la décision à l’aide d’un outil constitutionnel déterré on-ne-sait-trop comment…

…L’ambiance était calme. En cette froide matinée d’automne, il faisait pourtant chaud — dans un âtre, des bûchers étaient constamment remuées par des huissiers du Staadsraad, pour le confort des cinquante vieux sénateurs qui étaient en train de terminer des affaires courantes. Tous savaient que ce confort n’allait pas durer, par volonté de « l’Impératrice ». Aussi, certains avaient décidé de roupiller tranquillement.

Enfin, ils roupilleraient tranquillement, si seulement Ingrid Pien, prêtresse du culte de Shallya et chef du parti qu’on nommait les Colombes, n’était pas en train de faire l’un de ses discours passionnés dont elle avait le secret.
Image


Il était difficile de ne pas remarquer Mère Pien. Toujours vêtue d’une robe rouge éclatante, elle respectait la liturgie de Shallya grâce à un imposant manteau capuchonné blanc qu’elle portait sur ses épaules. Belle, charismatique, à la voix perçante, on sentait la femme qui était habituée à sermonner devant les masses — elle savait se mettre en scène et attirer l’attention à elle, les mauvaises langues disaient même que c’est ce qui lui plaisait, et qu’elle adorait faire les titres des journaux et avoir son nom sur les lèvres du tout-Marienburg… Mais absolument personne ne pouvait nier son courage, son abnégation, sa sincère dévotion envers le bas-peuple. Elle n’avait peur ni des lépreux, ni des détenus, ni encore des mutants, qu’elle approchait tous avec des bras grands ouverts et des mots, fermes, mais réconfortants.
Elle était en train d’invectiver plusieurs nobles, qui tentaient désespérément de faire sauter un édit du Grand-Baron Julian III, le grand-père de Magritta, et le plus libéral et « gauchiste » des monarques qu’avait pu connaître le Westerland — entre autres choses, le père du Concordat, le protecteur des mages, l’ami des Nains, le polygame amoureux de femmes (Et d’hommes…) étrangères, avait, par sensibilité envers la cause animale, ordonné un décret choquant pour l’aristocratie : il avait fait interdire la chasse.

« C’est dans la vie sauvage que repose la sauvegarde du monde. Je n’aurai pas d’opposition de la part de nos honorables collègues de l’université — l’animal est notre semblable, et la manière dont nous traitons la Chose animale a des conséquences sur la manière dont nous traitons nous-mêmes notre manière de vivre en communauté. Dans la protection des animaux, il y a notre humanité qui s’y joue.
J’ai une étude très intéressante que je souhaite vous faire lire : Songez que, dans l’armée, les pauvres Enfants Perdus qui montent en première ligne sont souvent nés dans les quartiers des abattoirs, ils côtoient le sang et la peur de la mort depuis les années les plus formatrices de leur tendre enfance…
Respecter l’animal, c’est se respecter soi-même, c’est vouloir dépasser le cycle de la violence, la tradition ancestrale qui a fait beaucoup de mal à notre communauté… »


Les débats dans le Rijskakmer étaient toujours calmes et respectés. Personne ne criait, ou ne s’interrompait — tout au plus, les opposants de la prêtresse griffonnaient des notes à l’encre sur des papiers, afin de pouvoir mieux lui répondre en retour.

Arjen de Croy, fils défiguré d’une vieille famille Endale, écoutait patiemment la Shalléenne. Assis aux premiers rangs de la rotonde, il avait aujourd’hui un grand honneur assez terrifiant : il était les fesses posées juste à côté de l’immense colonel de Baen.
Image


Héros du Westerland (C’était son titre officiel), Dirck de Baen van Queborn était une vraie légende à Marienburg. Cavalier héroïque dans sa jeunesse, officier hors-pair à la tête de son régiment, il avait surtout sauvé la cité d’une tentative de coup d’État d’un Directeur qui avait fait alliance avec des chefs militaires et des prêtres Sigmarites afin de renverser le Parlement et instaurer une junte conservatrice et rétrograde au pouvoir — mais de Baen les avait liquidés dans les rues, et permit ainsi au Parlement de conserver ses privilèges et les droits civiques acquis pour tous les Westerlander. Ensuite, il avait multiplié les titres : colonel-général de l’infanterie, maréchal du Westerland, recteur honorifique du collège baron Henryk, avant de finir Directeur chargé de l’Instruction Publique…

De Baen n’était pas quelqu’un de sympa ou agréable. Il était froid, austère, hostile, attaché à la conservation des traditions et du passé. Mais maintenant, comme un petit vieux (Ce qu’il était), il ne pouvait pas s’empêcher de faire des murmures et des plaisanteries qui ne faisaient rire que lui. Il donna un petit coup de coude à Arjen, avant de lui murmurer :

« Faut faire gaffe avec elle, elle va faire une loi pour retirer toute la viande de notre assiette. »

Il ricana plus fort qu’il n’avait parlé, ce qui attira les regards sur lui — notamment celui du sénateur Elric von Happe, l’un des recteurs de l’Université assis juste en face, et du prêtre Hermant Bovaas, assis parmi les représentants du culte de Haendryk. Cela ne suffit pas, en tout cas, à déstabiliser la prêtresse qui termina son discours encore bien long en relisant avec charisme ses notes.

Une fois terminé, elle alla retrouver sa place sans applaudissements, mais sans sifflets non plus. Tout juste eut-elle quelques remerciements à voix basse et des félicitations de son camp assis près d’elle dans la rotonde.

Le Chambellan d’État, Wolfhert van Arnemuiden, se leva de sa place au centre du cercle. Il dégagea bruyamment sa gorge, et avec sa voix de vieil homme enrouée et menacée par la toux, il reprit :
Image


« Bien… Je vous remercie pour votre intervention, honorable sénatrice.
Nous avons pu entendre les discours prononcés par les différents partis, nous avons l’opinion du gouvernement ainsi que de monsieur le secrétaire de la Haute-Cour… »


Wolfhert était le président du Rijkskamer, bien qu’il n’eût pas ce titre. Il occupait avec dignité cette fonction depuis plus de vingt-cinq ans maintenant — et il la respectait toujours avec une dévotion pleine et entière. Il ne venait jamais au Staadsraad habillé autrement qu’avec son uniforme officiel, couvert de symboles, et surtout, le collier de sa fonction autour du cou. Il se considérait comme l’un des agents de la Grande-Baronne, et il s’assurait que les débats se passent toujours dignement, même s’il était un tantinet agaçant quant au protocole…

« Je vous propose que nous achevions donc notre législature unique sur ce vote, avant de- »

Il toussa. Une fois. Deux fois. Très fort. Une vilaine toux l’handicapait pas mal ces derniers temps. Un huissier lui amena un verre d’eau, il le remercia d’un mot étranglé, et commença à vider son verre pour essayer de calmer son organisme.
Tout le long, les sénateurs pour ou contre la chasse se regardaient en croix, d’un défi mutique. Malheureusement, les Seigneurs, soutenus par les Légionnaires et les Entrepreneurs, avaient un vote assez certain.

« Pardonnez-moi, chers sénateurs…
Je disais donc : Nous allons faire passer l’urne, et voter. »


Des huissiers en noir et en gants blancs passèrent dans les rangs alors que chaque sénateur écrivait sa décision. Puis, on ouvrit l’urne, des assesseurs commencèrent le décompte, et le Chambellan put, sans aucune surprise, annoncer :

« Au projet de loi pour le rétablissement de la chasse pour les nobles dans la province du Westerland — le Rijkskamer donne un avis favorable, avec 32 voix. »

Tous ceux qui avaient voté pour applaudirent. Mais cela ne suffisait pas à purement et simplement rétablir la chasse — le Rjikskamer avait modifié le texte pour faire en sorte que seuls les sang-bleus pouvaient chasser, et sans limite ou déclaration, alors que la Chambre Basse souhaitait offrir la chasse à tous en échange de l’obtention d’un permis. Les deux textes n’ayant pas été votés dans des termes équivalents, il fallait renvoyer le tout plus bas pour de nouveaux débats, que de l’amusement en perspective donc…

Un huissier entra dans la salle, alors qu’il y avait des murmures et des bruits de discussions. L’huissier alla porter un message au Chambellan, échangea quelques mots, puis van Arnemuiden annonça :

« J’apprends que Sa Majesté Impériale va bientôt sortir du Palais-Neuf pour venir à notre rencontre. Nous sommes donc attendus dans l’Atrium.
Sire-Maréchal, vous pouvez aller convoquer nos chers collègues du Bugerhof.

– Erf… Tout de suite, monsieur le chambellan. »
Image


Wolfgang von Passau était le sire-maréchal d’État. Nommé par le baron du Westerland, il était en quelque sorte le représentant des chevaliers sans terres du Westerland — un ordre en perdition, avec de moins en moins de moyens, même si pas mal survivaient en occupant des places dans les régiments de cavalerie de la province ou en essayant de servir de courtisans auprès d’autres aristocrates qui avaient eux-mêmes leurs difficultés ; la baisse significative des revenus de la terre, tandis que la rente était grignotée par l’inflation, mettait les sangs-bleus dans un péril existentiel, aussi, ils comptaient encore beaucoup sur leurs vieux privilèges…
Avec sire von Passau, ils avaient choisi un bon représentant — issu d’une lignée Impériale, il parlait avec un impeccable accent d’Altdorf, qui ne le rendait pas beaucoup de services ces derniers temps, depuis que le Grand Théogoniste d’Altdorf avait refusé de couronner Magritta…

Les sénateurs se levèrent, attrapaient leurs notes et, en rang, suivirent un huissier. Pendant ce temps, le sire-maréchal quitta la pièce pour aller ailleurs — jusqu’au bâtiment des archives, au sous-sol du Staadsraad. Il passa plusieurs portes gardées par des Coiffes Noires, jusqu’à découvrir cette pièce sécurisée où on cachait des copies d’édits, d’ordonnances, de lois abouties, scellées, ou encore en projet et en train de prendre la poussière… C’était aussi là qu’on trouvait les objets confisqués aux députés, des cartes, des documents annexes…
Et surtout, un grand marteau en or, avec lequel le sire-maréchal allait pouvoir convoquer les députés.

Remontant les marches au rez-de-chaussée, il traversa la longue allée qui liait les deux chambres. Et au fur et à mesure qu’il gagnait la chambre basse, le silence religieux observé dans le reste de bâtiment était perturbé. Réduit par l’épaisseur des murs, on entendait les cris, les sifflets, les engueulades venant du Burgerhof, la chambre basse du parlement.

Accompagné d’huissiers, Wolfgang von Passau pouvait maintenant voir, à travers les portes ouvertes, une foule de cent cinquante députés, assis ou debout, certains en train de jeter des papiers. À son pupitre, Géry Koopsman, l’un des Directeurs (Celui de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, pour être exact), était en train de présenter le dernier projet de loi du gouvernement devant le Burgerhof, et visiblement, il avait dit quelque chose qui ne plaisait pas. Bohémiens et Légionnaires étaient debout, en rogne, tandis que d’autres riaient, le défendaient, ou huaient dans tous les sens.
Mais le pire venait du public, dans la tribune au-dessus, comme des spectateurs dans des gradins… De quoi rappeler des choses au député Erik Cantina, légende du ballon rond.

« ET NON ! ET NON MONSIEUR WAER, ET NON !
Mon programme est CHIFFRÉ ! Le jour où les Nationalistes proposeront la moindre proposition qui ne repose pas sur leurs CHIMÈRES, peut-être le gouvernement sera plus apte à la RECEVOIR ! »


Seigneurs et Entrepreneurs derrière lui scandaient des « Et aaaalleeeeez ! » en cœur.
Le Burgerhof était toujours comme ça. Peut-être que l’agencement de la chambre les y encourageait : des bancs étroits, sales, éventrés, et un tas de députés au coude-à-coude…
Image


En tout cas, Koopsman était, comme à son habitude, parfait dans cette ambiance. Incapable de se débiner, criant à tout-va, il avait donné au parti des Entrepreneurs une vigueur qui lui avait manqué pendant longtemps… Pour le plus grand plaisir de députés comme Johann Wannemaker, ou Alaric Goldhem, qui criaient à ses côtés en soutien.


En tout cas, le cri commençait à ne plus être au goût de monsieur le président du Burgerhof, Reynier Fagel, qui tapait de son maillet pour essayer de calmer cette horde :


« DE L’ORDRE ! DE L’ORDRE ! »
Image


On se demandait par quel miracle Fagel parvenait à faire travailler les députés dans une telle ambiance… Depuis maintenant dix ans, il était au prétoire. Un homme solide, bruyant, mais aussi capable de désamorcer le conflit par une blague ou une petite réflexion qui faisait éclater de rire ses collègues, Fagel était un magnifique président du Burgerhof. Malgré les changements de nombre de sièges des partis, il avait toujours été reconduit à son poste, parce qu’il avait réussi à obtenir, sinon l’amitié, au moins le respect de tous les parlementaires ;
C’était un enfant de notables, proche de la noblesse, et membre du parti des Seigneurs — mais durant la dernière grève général de Marienburg, il avait gagné le respect des Travaillistes en refusant solennellement de lever l’immunité parlementaire de députés accusés de mobiliser les métiers de la ville pour paralyser la cité, ce qui l’avait mit en conflit direct avec le précédent Baron et avait failli lui coûter cher. Fagel était pas toujours très agréable, mais il croyait sincèrement en la mission du Burgerhof, et défendrait chaque député avec sa propre vie s’il le fallait.

Même Marc Waer, invectivé par le Directeur à l’Économie, n’osait pas s’en prendre au président Fagel. Ce qui ne l’empêchait pas de répliquer :

« Mais vous, vous êtes du genre à mettre un chiffre sur les vies humaines, honorable Directeur — est-il rentable d’empêcher nos jeunes filles Marienbourgeoises d’être trucidées par des clandestins ?! »
Image


Waer, le caporal à la patte blessée, était aussi un excellent orateur. Alors qu’avant lui, les Légionnaires ne pouvaient pas faire un discours sans être hués et quasiment expulsés, il avait réussi à rendre acceptable sa frange violente et ultra-nationaliste au Bugerhof…

Mais son accusation recueillit indignations, cris de protestations, et même une insulte qui fusa du banc des Bohémiens — sans qu’on sache si c’était Morgan Sen-Tsu, Ernest Blumenfeld, ou peut-être l’indépendant Nain Fafnir Barazul qui en était à l’origine. De quoi faire bondir de colère les sièges Légionnaires, et Helena van Volendam dût supporter le vacarme d’un collègue juste à côté qui huait en postillonnant à côté d’elle.


« DE L’OOOORDRE ! IL SUFFIT, DE L’ORDRE ! »

La pression ne retombait pas. Le Serjent d’Armes, Claudy Dikkenek (Ex-militaire, responsable d’abattoirs, et peintre de charme à ses heures perdues…), était le seul homme autorisé à porter une arme dans le Staadsraad — mais à présent, il tapait de sa grosse trique sur le sol en espérant que ceci suffise à calmer les rangs.
Image



Tout ce bordel ambiant était dirigé par les bancs d’en face. Pierre Dekeyser, chef des Travaillistes, semblait un peu jubiler.
Image


Le gros Pierre, plus illustre des manœuvres, héros des dernières grèves, souriait tout du long, collé au milieu de sa horde de criards et crieurs qui invectivaient à la fois le Directeur qui présentait le projet du gouvernement (Encore des coupes budgétaires…) et le Légionnaire qui avait pris en grippe celui qui fréquentait des Elfes et des Naines. Anna Jakob ou Dankmar Mirtuv pouvaient ainsi forcer Koopsman à se taire sous leur pression, tandis que le capitaine Jarek van Bloemen, un homme de guerre du côté du peuple, faisait des grimaces pour essayer d’intimider les sbires de Waer.

Pour les indépendants peu habitués à de tels cris, comme Anton Rayne, il y avait de quoi être inquiet d’une telle électricité. Mais ceux qui étaient silencieux n’étaient pas moins notables que ceux qui étaient bruyants, à l’image de Julia de Broot, chef de file des Bohémiens.
Image


La magicienne restait digne et froide, pour ne pas dire inquiétante… Il n’y avait personne autour d’elle, tant son aura inquiétait, excepté pour les cartésiens ou les néophytes passionnés par le Grand Art et les ensorcellements, dont on peinait à faire la différence entre le fantasme et la réalité.




En tout cas, le débat était fini, et maintenant au point mort, quand enfin, le Sire-Maréchal apparaissait. C’est un député travailliste qui bondit, et hurla au-dessus des maillets, des cris du public et de la colère des députés :

« LE RIJKSKAMER ! LE RIJKSKAMER ARRIVE ! »

C’était une tradition d’embêter les sénateurs. Soudain, tous les députés arrêtaient leurs engueulades, et Cantina, qui était le plus proche des portes, sauta pour s’en approcher, et les saisir…
…Et juste devant le nez du sire-Maréchal, il les claqua très fort, ce qui provoqua l’hilarité générale.


Wolfgang von Passau grogna. Avec son gros marteau, il tambourina par quatre gros coups sur la porte. Il attendit que le Burgerhof se calme et qu’on lui ouvre les portes, pour marcher le long de la petite allée séparant les sièges, suivi des huissiers, avec sa ridicule massue énorme au bras.

Un silence religieux était revenu dans le Burgerhof. Silence perturbé uniquement par un petit commentaire du gros Pierre…

« Faites gaffes, chers collègues — Les dépenses somptuaires arrivent. »

Rire dans toute l’assistance. Wolfgang les ignora : au garde-à-vous devant le pupitre du président, il commença l’invocation protocolaire.

« Monsieur le président. »

Il fit une petite inclination.

« Sa Majesté Impériale commande cette très honorable chambre… »

Il fit alors une inclination à gauche, puis à droite, en signe de respect pour les cent-cinquante députés.

« De se présenter devant Elle, dans l’Atrium du Conseil d’État. »

Alors, comme les sénateurs, les députés prirent leurs affaires, et, guidés par des huissiers, ils commencèrent à se regrouper pour quitter la chambre un peu étroite. Au passage, il y eut des bousculades, des heurts, des murmures vilains ou ricanants…
…C’était ainsi que l’on travaillait au Burgerhof. Dans le chaos de la volonté populaire.

Image

L’Atrium qui rassemblait les deux chambres était situé pile au centre du Staadsraad. La plupart du temps, ce n’était qu’une grande salle de réception, qui servait parfois à des expositions d’arts ou d’objets d’histoire. Mais aujourd’hui, on avait disposé l’endroit pour du travail.

Au plafond, flottaient des dizaines de bannières, représentant la dynastie van Buik, la ville de Marienburg, la grande-baronnie du Westerland, est des dizaines de seigneuries de la province — comme Aandorp et Kalburg (Ou Antorpe et Challebourg en langue Endale, et également Bretonnienne, car ces cités étaient revendiquées par Louis XIV du royaume voisin…), Leydenhoven et Reynsburg (Les banlieues pauvres et pleines de manœuvres et journaliers de Marienburg), Kalkaat et Zand (Des cités encore très Sigmarites, et très Impériales), Klessen ou Bergbres (Berceaux de l’ethnie Endale), Venhuizen, Harenskarpel et Aarnau (Cités Jutones — la dernière, notamment, était une grande bourgade totalement acquise à la cause des Légionnaires). Mais surtout, il y avait des drapeaux de l’Empire, avec des villes que Magritta pouvait revendiquer : Altdorf et Nuln avaient été sortis de coffres et dépoussiérés pour flotter au plafond.

Au sol, une mosaïque colorée de bijoux représentait la Sirène sur le toit. Dans des niches tout autour de l’atrium, des statues représentaient les divinités immensément importantes du Westerland : Mórr encapuchonné et sa faux, Shallya portant les clés et entourée de colombes, Véréna aux yeux bandés et tendant une balance et une épée, une chouette à son épaule, Haendryk tout sourire et tendant une main pleine de pièces d’or, Manaan au Trident, Sigmar au Marteau, Myrmidia à la Lance… Plus étonnant encore, on voyait des statues de Taal et Rhya, pourtant pas trop priés dans le Westerland comparé aux autres divinités.
Mais aucune trace d’Ulric, de Ranald, d’Olovald, ou même de Solkan, qui pourtant, étaient bien présents dans des consciences de certains sujets…

Et puis, aux murs, il y avait des tableaux, des huiles sur toiles représentant des moments importants de l’histoire de la cité — le roi Marburg des Endales découvrant Marienburg, les Jutones sortis de leur exil, Marius et Marika s’épousant devant un arbre, un roi Norse acclamé par une foule de Westerlander alors qu’il signait un traité d’union, la ville incendiée par les Bretonniens en 1602… Bizarrement, il n’y avait plus trace d’un tableau plus controversé que d’autres : celui qui représentait la soumission du Roi du Jutonesryk devant l’Empereur Sigismond le Conquérant. C’est pourtant cet acte qui avait fondé le Westerland avec ses frontières actuelles et quasi définitives…

Les sénateurs et députés commençaient déjà à former des groupes, alors qu’ils atteignaient les nouveaux bancs flambant-neuf installés pour eux. Deux cents places, espacées et avec des tablettes, ce qui était un luxe pour ceux qui venaient du Burgerhof — mais une sacrée perte de confort pour ceux descendus du Rijkskamer et ses fauteuils élégants. Le Chambellan du Rijkskamer et le Président du Bugerhof commençaient déjà à parler entre eux, alors qu’il allait falloir s’organiser pour diriger leur législature unie — il avait été décidé que Fagel serait le président officiel du Staadsraad uni, avec van Arnemuiden comme son vice-président.

Le brouhaha ambiant des députés et des sénateurs était complété par le brouhaha d’une foule qui s’agglutinait dans les tribunes à l’étage : journalistes et dessinateurs de presse côtoyaient les agitateurs et les simples curieux venus assister à ce jour par comme les autres. L’Impératrice sortait peu du Palais-Neuf depuis son accession au pouvoir, et surtout, depuis l’humiliation du début d’année. Une toute jeune adolescente, ayant récemment succédé à son père décédé l’an passé (Julian IV, un baron somme toutes assez médiocre ayant passé son règne à revenir sur des décisions de son père libéral…), elle inquiétait beaucoup, notamment car elle avait été élevée à des kilomètres et des kilomètres de là, dans la cité de Mordheim. Elle avait été enfermée dans un monastère appartenant aux Sœurs de Sigmar, qu’on disait prophétesses, devineresses, et hérétiques, en plus d’être des folles croyant pouvoir parler au Dieu-au-Marteau lui-même…

Le culte de Sigmar était déjà assez peu populaire à Marienburg, mais ces derniers temps, il commençait à vraiment perdre en fidèles.



Le brouhaha se calma quand firent irruption dans l’Atrium des militaires en armure. Leur vue surprit certains parlementaires, parce qu’il était peu habituel de voir des hommes armés dans le hall du peuple… Mais ceux-là suscitaient l’admiration générale. C’étaient des chevaliers-marines de l’ORSF (Ordre de Rembrand, Saint et Fidèle de Marienburg et de Manaan), l’ordre de chevalerie le plus brillant et prestigieux de la province. Il avait été fondé en l’honneur d’un simple prêtre de Manaan qui, en 1602, avait tué une douzaine de Bretonniens pour protéger la cathédrale, avant que les chiens venus du duché de l’Anguille ne décident de l’incendier en vengeance… Le corps de Rembrand avait été découvert immaculé, et il était devenu une Âme Vénérée du culte.
Les chevaliers-marines passaient pour être les plus courageux, les plus compétents, les plus puissants des chevaliers du Westerland. Avec leurs armures en or éclatantes, et leurs visages impassibles et plein de cicatrices, ils faisaient rêver les enfants et rêvasser les jeunes filles. En les voyant débarquer, des spectateurs ne purent s’empêcher de les applaudir ; suivis de parlementaires qui prononçaient à voix haute : « Merci pour votre service », histoire de bien se faire voir.


Un Majoor des marines se plaça devant la porte. Et, à voix haute, il aboya :

« GAAARDE-À-VOUS ! »

Les marines s’arrêtèrent, et firent une haie d’honneur, alors qu’un valet déployait un tapis rouge. Alors, le Majoor reprit :

« SA MAJESTÉ — MAGRITTA, IMPÉRATRICE, GRANDE-BARONNE DU WESTERLAND. »

Une enfant en tenue de Shalléenne s’avança avec un encensoir, et commença à répandre de la fumée. Et alors, juste derrière elle, l’Impératrice apparaissait.

Image


Une adolescente de 14 ans avait été grimée pour faire plus âgée qu’elle ne l’était vraiment. Maquillée, couverte d’or, une couronne sur le crâne. Elle avait des broderies, et des gants blancs en soie, et l’on avait tressé ses cheveux blonds aux nattes serties de bijoux. Elle semblait impassible, mais c’était probablement à cause de la poudre dont on l’avait répandue. Elle marchait droit, mais figée, comme une statue.
En la voyant, tous les parlementaires, tous, sans aucune exception, découvraient leurs têtes et courbaient l’échine.

Et puis, derrière elle, apparaissait sa cour. Beaucoup de prêtres et diacres Sigmarites, dont certains portaient des reliques sacrées, y comprit un Marteau tenu par un grand prêtre-guerrier en armure sur un coussin, et qui passait pour être le légendaire Ghal Maraz (Mais chacun des Sept Empereurs déclaré avait son propre Ghal Maraz…). Ses oncles et cousins, qui dirigeaient réellement le gouvernement. Quelques laquais et dames de compagnies, enfants de la noblesse du Westerland.
Surtout, il y avait une étrange femme au crâne rasé et à l’air inquiétant, qu’on devinait être une des sœurs de son monastère…
Image


L’Impératrice marcha tout droit. Elle semblait savoir où aller — avait-elle beaucoup révisé, ou suivait-elle juste le tapis rouge ? Dans tous les cas, tout au bout de la salle, passant devant les bancs, il y avait, juché sur une estrade derrière la tribune des deux présidents, un grand siège à coussins brodés de soie, au-dessus duquel on voyait le nouveau blason de la famille van Buik. Guidée par des hérauts en gants blancs, elle parvint à prendre place, alors que ses deux oncles prirent chacun un côté, et les quinze directeurs du Westerland ainsi que les prêtres de Sigmar et nobles associés demeuraient au pied des marches.

Les parlementaires étaient tous debout, le regard dirigé vers l’Impératrice. Elle était figée sur place, les yeux grands ouverts, comme incapable de battre des cils. Alors, un valet enfant s’approcha, et s’agenouilla devant elle : il portait un texte posé sur une tablette.

La grande-prêtresse de Véréna, une des juges suprêmes de la Haute-Cour, s’avança devant l’estrade. Karlotta Eschen s’était faite belle, avec sa plus belle robe de juge et sa haute perruque blanche, le long collier comportant les symboles de Garde des Sceaux tout autour du cou. Elle prononça une phrase en Classique de sa voix de rauque, celle d’une femme de bonne naissance âgée de soixante-dix ans :

« Les Dieux soient avec vous. »

Et beaucoup de parlementaires répondirent — beaucoup, pas tous, car il y avait parmi les Parlementaires quelques cartésiens et laïcs qui préféraient que la religion demeure privée et n’aimaient pas cette tradition… Et pire que tout, il y avait, camouflés, peut-être quelques athées…

« Et avec leurs Esprits. »


« Prions.
Dieux et Déesses, ayez pitié de nous. »


« Dieux et Déesses, ayez pitié de nous. »

« Véréna, guidez-nous.
Notre Seigneuresse, Déesse de la Vérité et de la Justice, accordez à notre Impératrice et Son gouvernement, à tous les membres du Parlement et à tous ceux en position de responsabilité, la conduite de Votre Esprit. Que nous ne menions jamais la Nation faussement par l’amour du pouvoir, la volonté de plaire, ou des idéaux indignes — que nous laissions de côté les intérêts particuliers et les préjugés, et que nous gardions dans nos consciences la responsabilité d’améliorer les conditions pour toute l’Humanité ; Véréna, que Ton Royaume de justice vienne et que ton nom soit sanctifié.
Amen. »


« Amen. »


Tous les clercs de Véréna, et les parlementaires ayant écouté la prière, firent le signe de la balance : ils étendirent droit les bras gauche et droite, comme pour former un « T ». Alors, les Parlementaires furent invités à s’asseoir alors que la grande-prêtresse acheva par quelques mots en classique.

« Iudicate egeno, et pupillo: humilem, et pauperem iustificate. Eripite pauperem: et egenum de manu peccatoris liberate. Nescierunt, neque intellexerunt, in tenebris ambulant: movebuntur omnia fundamenta terræ. Ego dixi: dii estis, et filii excelsi omnes. »

Assis dans un coin dans le camp Bohémien, un des députés les plus virulents ne put s’empêcher de souffler à voix basse d’un ton bien sardonique :

« Faites gaffe, dans un instant elle va tourner la tête comme une chouette et chier au plafond… »

Celui qui avait parlé était un Indépendant, mais qui aimait bien être du côté Bohémien quand il fallait discuter — mais il était un vilain caneton, surtout là pour le scandale et pas tant pour voter. Il obtint quelques ricanements amusés, et beaucoup de regards noirs. Les formules sacrées en Classique faisaient encore trembler les cœurs et les âmes de la grande majorité de la population du Westerland, quoi qu’en disent les rationalistes en guerre contre les superstitions, et les prières qu’on confondait facilement avec des formules magiques…

Le silence revenait enfin. Alors, l’Impératrice lit son texte pour elle-même : on voyait ses lèvres bouger timidement ; visiblement, elle avait besoin de réciter. Elle dégagea bruyamment sa gorge, et commença avec un ton étranglé, aigu, celle d’une voix de gamine impressionnée et mal à l’aise :

« Seigneurs. Et. Membres. Des chambres du. Conseil d’État. »

Elle lisait presque mot-à-mot. C’était absolument désagréable à entendre.

« Aujourd’hui est une séance. Particulière. Particulière… La réunion de deux chambres, habituées, à travailler, de manière, séparée et singulière, n’est pas une, décision prise… à la légère. C’est une… Opportunité, de travailler, ensemble, afin de traiter, en urgence, toutes les af… Toutes les affaires, qui concernent nos… Sujets du… Westerland. Nous avons Entendu, venues à mon… NotreVenues à notre palais sont parvenues des… Critiques à l’égard de cette… Décision, prise en conseil.
Notre objectif n’est pas… De m’im… De nous immiscer… Dans votre travail parlementaire. Au contraire — c’est par… Respect et tr… Respect de la tradition parlementaire que je… Nous souhaitons, souhaite… Que nous souhaitons offrir la possibilité aux députés… Et sénateurs… De travailler ensemble, dans une seule… Une seule chambre de débats… »


C’était niais, et mal écrit.
La décision de réunir le Burgerhof et le Rijkskamer était connue depuis maintenant quatre semaines. Elle avait provoqué une défiance absolue dans les journaux et dans les deux chambres. Les sénateurs n’étaient pas contents du tout d’être dissous dans une masse de députés fous furieux, afin qu’on puisse plus facilement les faire taire et voter les lois à la suite en toute urgence, sans prendre le temps de bien les relire et d’émettre des avis favorables ou défavorables — au Rijkskamer, on craignait une sur-production de lois à toute vitesse, mal écrites et inapplicables. À l’exact inverse, les députés étaient en colère de devoir travailler avec cinquante parlementaires qui n’étaient pas élus, des conservateurs, des vieux nobles, beaucoup de Sigmarites ou de professeurs « sachant » qui allaient pouvoir parasiter les débats des vrais représentants du peuple élus à la loyale et la régulière. Le seul gagnant d’une telle décision, a priori, c’était le Directoire, qui allait pouvoir faire voter de force tous les députés et sénateurs acquis à sa cause tout en cassant à la chaîne les amendements des partis opposés.

Autant dire qu’entendre que c’était une « opportunité » et un « respect de la tradition » faisait serrer des dents. Ça et le fait que la toute petite voix de Magritta lisait très mal le texte, en arrêtant pas de se tromper entre le singulier et le pluriel (Un vrai monarque, surtout une Impératrice, est censée se désigner en disant « nous », et non pas « je » !), texte qu’on devinait être la production d’un de ses deux oncles.

« …Et c’est pou-… Pourquoi Nous vous remerci… remercions de votre… Dévotion, et tr-… Travail pour le bien commun du Westerland.
Notre Gouvernement a devant lui de grands… Défis… Une forte… Demande de la part… De Nos Sujets, d’avoir des réponses concrètes, et véritables, à leurs aspirations et besoins, une volonté de… Plus… D’action, Étatique, dans leurs vies, de… »

Ils avaient bouffé un maire.

Magritta n’avait pas le droit de le dire à voix haute. Mais c’était ça qui avait provoqué la réunion initiale. Des gens normaux, des habitants d’une ville, a priori passés par les écoles de de Baen, qui allaient aux offices religieux, qui avaient des familles, un travail… Une masse populaire s’était forgée, de nulle part, en bêtes sauvages et meurtrières.
Tout le monde savait rejeter la faute sur qui. Pour les conservateurs, c’était une preuve de la dissolution des mœurs et du déficit spirituel des âges modernes. Pour les travaillistes, c’était la faim et la haine envers les institutions qui avait mené à une telle horreur. Pour les légalistes, c’était la faute à l’inaction de la milice de Leydenhoven, et pour les progressistes, le résultat de la misère. Qui était responsable ? Les agitateurs ? Les juges qui avaient laissé partir un maire avec une peine légère ? La Loi ? L’Ordre ? Le rejet des Dieux ?
Pendant des semaines, tout le monde avait débattu et donné son opinion par les journaux et dans les cafés. La commission à la sécurité intérieure n’avait pas arrêté d’échanger avec les deux chambres et la commission des lois, et les représentants qui y siégeaient n’avaient pas arrêté de se crier dessus — le président et le rapporteur de la commission en étaient presque arrivés aux mains, d’ailleurs, ce qui donnait le ton par rapport au climat de violence en train de régner dans le pays…

En tout cas, le discours n’était pas fini. Pendant un bon quart d’heures, Magritta commença à dérouler la politique générale prévue par le directoire :

« Mon Gouvernement va tra… Travailler en coopération avec… Les… Les Troupes d’État du Westerland, afin d’améliorer la… Condition de verse… Versement des paies…

Mon Gouvernement pro… Proposera, une… Loi… Loi… Ambitieuse, pour combattre l’infl… L’inflation et permettre de… De retrouver une… Pffft… Permettre aux acteurs économiques de retrouver une confiance dans Notre Province.

Mon Gouvernement va… Continuer de… Rencontrer les Élec… Électeurs des autres provinces… afin de créer des… De resserrer des liens… Et faire… Reconnaître, Notre légitimité à régner sur… L’Empire… Et reconstituer, l’unité de Sigmar. »


Chaque phrase provoquait des regards en croix vers d’autres parlementaires, et des dents serrées. Le gouvernement était au final très clair : Plus d’argent pour l’armée, plus d’argent pour la maréchaussée, plus de places de prison, assainir le budget, et surtout, faire en sorte que Magritta devienne Impératrice. Que des bons mots et des vœux pieux pour l’éducation et la santé. Rien sur les communautés, le crime ou les cultes, si ce n’est que Magritta félicitait tous les professeurs, fonctionnaires urbains, et prêtres des religions pour leur travail.

Finalement, il n’y avait rien de nouveau, d’incroyable ou de révolutionnaire. Mais Magritta avait réussi à jeter un froid incroyable dans un Parlement chaud bouillant.

« Mes seigneurs et membres du Conseil d’État…
D’autres mesures seront présentées devant vous…
Nous prions que les Dieux tout puissants puissent se reposer sur vos conseils.
Sigmar vous protège. »

La dernière phrase était la seule qui avait été dite avec fermeté et sincérité. Mais voilà que Magritta était toute tremblante et presque au bord des larmes. Elle resta là, un peu hagarde, alors que le valet-garçon portant le texte s’éloignait discrètement. Magritta se leva, et l’Impératrice commença à descendre les marches ; elle chancelait un peu, et un de ses oncles lui offrit une main pour l’aider. Tous les parlementaires se remirent debout, en signe de respect, et regardaient l’Impératrice très lentement regagner le tapis rouge et les chevaliers-marines.

C’était long. Lourd. Gênant. Un des députés du camp des Seigneurs grinçait des dents.
Alors, il décida de venir en aide à sa seigneuresse.
Il ouvrit grand la bouche, et il cria, d’une voix fluette et peu assurée :

« Vive l’Impératrice ! »

Son cri avait eu un écho désagréable. Il était le seul à avoir fait ça, et il devenait tout rouge alors que personne ne répondait.
Jusqu’à ce que Pierre Dekeyser, le gros Manœuvre, son adversaire politique, n’y aille lui aussi :

« Vive l’Impératrice ! »

Son propre camp était surpris. Un travailliste qui honore l’impératrice ? Si c’était un signe de bonne volonté et d’envie de travailler avec le gouvernement, on ne pouvait pas faire mieux.
Alors, d’autres députés se sentirent pousser des ailes, et répétèrent :

« Vive l’Impératrice ! »

Tous unifiaient leurs voix et leurs cordes vocales. Bohémiens, Colombes, Indépendants de la campagne ou de la ville — nobles et roturiers, laïcards et religieux intégristes, ils scandaient le même terme, à en faire trembler le cœur et les oreilles :

« VIVE L’IMPÉRATRICE ! »

Ils scandaient, et maintenant, Magritta souriait un peu, et marchait avec plus d’assurance, comme portée par la confiance de son peuple.

« VIVE L’IMPÉRATRICE ! »

Elle marchait droit, et vite, passant devant tous les bancs, regardant devant elle.

« VIVE L’IMPÉRATRICE ! »

Un des députés la siffla.

C’était l’Indépendant proche des Bohémiens qui avait parlé pendant la prière de la grande-prêtresse de Véréna. Joos Francken. Un beau garçon, mal rasé, vêtu d’un costume un peu rapiécé, qui sifflait l’Impératrice comme si c’était son chien.
Magritta ne put s’empêcher de s’arrêter pour le regarder.

« VIVE L’IMPÉRATRICE ! »

Alors, Joos Francken montra son poignet : il y avait dessus une grosse montre en or tapageuse. Il tapota vivement dessus, et, en regardant la petite Magritta droit dans les yeux, il lui lança d’une voix claire :

« Hop hop hop !
Faut aller se flageller !
Le Grand Théogoniste est pas content ! »


Il y eut une sidération. Un silence complet. Et soudain, des cris.
Les députés des seigneurs Hurlèrent. On le pointait du doigt, on le criait dessus. « Scandale ! » « Lèse-majesté ! » « Comment osez-vous ?! » « Honte ! Honte sur vous ! » — tout fusait dans tous les sens, dans sa direction.
Magritta était scotchée. Bête, elle ouvrit la bouche, ne comprenant pas :

« Qu… Comment ça ? »

Mais son oncle l’attrapa fermement par le bras, et la poussa en ordonnant sèchement :

« A-vance. »

Et elle s’éloignait, alors que le Parlement tout entier s’embrasait. Ça hurlait, ça jetait des papiers, Joos Francken s’avachissait dans son siège et posait ses pieds sur la tablette devant lui. Le président du Burgerhof frappa de son maillet dans tous les sens en beuglant le retour à l’ordre. Le président du Rijkskamer, paniqué, était pris d’une violente quinte de toux…

Et l’utopie d’un Parlement réuni disparaissait après avoir jailli pendant une minute entière…



(Vacarme, chahut)

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE REYNIER FAGEL (Président du Burgerhof) : « DE L’ORDRE ! DE L’ORDRE !
Le Président du Staadsraad souhaite rappeler à l’intention de tous les parlementaires dans l’Atrium qu’ils sont ici sur la volonté de l’Impératrice, et que toute interpellation de Sa Majesté Impériale est STRICTEMENT PROHIBÉE.
Contrevenir à cette règle est passible de sanctions disciplinaires selon les deux règlements des bureaux du Rijkskamer et du Burgerhof. D’autant plus lorsque ceci entraîne une telle perturbation !
Le serjent-d’armes fera se retirer de l’Atrium l’honorable député Joos Francken pour la séance de ce jour, et rétablira l’ordre immédiatement ! »

SERJENT D’ARMES CLAUDY DIKKENEK : « Allez hop ! Ou tu sors, ou j’te sors ! »

(Retour au calme, murmures.
Le député JOOS FRANCKEN se lève et quitte l’Atrium.)



PRÉSIDENT : « Je commencerai par un rappel au règlement : Selon les articles 19 et 20 des règlements des deux chambres, tenir des propos cherchant à perturber le bon déroulement des débats est passible de sanctions disciplinaires, pouvant aller jusqu’à quinze jours de mise à pied sans indemnité parlementaire.
Nous avons une longue journée devant nous, honorables députés et sénateurs — Nous sommes en présence de certains Directeurs et nous avons un ordre du jour strict ; j’autorise une certaine libéralité dans les propos, mais je vais avoir besoin d’une coopération absolue de votre part !
Bien, nous pouvons commencer… Plusieurs intervenants sont prévus aujourd’hui, quant à la question de récents… (Hésitation) Troubles survenus dans la ville de Leydenhoven, nous-


Sénateur HELMUT KRUEGER (Prêtre de Sigmar) : (Interruption) « C’EST TOUT ?! Monsieur le Président, l’un de vos députés vient d’agresser verbalement notre IMPÉRATRICE, et tout ce que vous trouvez à faire, c’est un rappel au règlement et laisser le-dit député aller boire son petit thé chez lui ?! »

PRÉSIDENT : « De l’ordre ! S’il vous plaît ! »

Députée JULIA DE BROODT (Bohémien) : (Interruption) « L’Impératrice que votre culte n’a pas couronnée, vous voulez dire ! »

M. KRUEGER : « Il n’est pas question de cela ici, mademoiselle ! Il est question d’une offense suprême qui a été faite contre la personne de Notre Impératrice ! »

PRÉSIDENT : « Je rappelle à l’honorable prêtre de Sigmar que les sanctions appartiennent uniquement au bureau du Staadsraad. Les débats parlementaires en séance plénière n’ont pas pour but de discuter de points de règlement.
J’ordonne une dernière fois à l’honorable sénateur de s’asseoir ou je demanderai au Serjent d’Armes de vous faire vous retirer également. »

M. KRUEGER : « J’invoque le droit de mon culte d’IMMÉDIATEMENT proposer une loi qui touche au respect des institutions dû par le parlement ! Je viens de l’écrire ! »

(Rires généraux, plaintes, soupirs)

Député MARC WAER (Légionnaire) : « Le prêtre de Sigmar devrait savoir qu’une loi se rédige pas sur du papier-chiottes d’un trait ! »

(Rires)

PRÉSIDENT : « Silence !
Mon frère, vous ne tenez pas l’ordre du jour en séance plénière et les lois de règlement doivent être déposées au bureau de l’assemblée pour étude. Il suffit- »

M. KRUEGER : « J’ai un droit antique ! Un droit qui date de l’Ancien Westerland — chaque culte a le droit de déposer une fois par session une proposition unique qui n’a pas à être inscrite à l’ordre du jour ! »

PRÉSIDENT : « C’est quoi cette histoire ? »
(Se retourne) « Il raconte quoi ? »

VICE-PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE WOLFHERT VAN ARNEMUIDEN (Chambellan d’État du Rijkskamer) : « Il, heu… Il dit vrai. C’est une vieille tradition qui avait été supprimée par le Concordat, mais puisque le culte de Sigmar n’a jamais signé le Concordat… »

(Chahut, plaintes bruyantes)

Mme. DE BROODT : « Et il aurait fallu leur faire signer de force ! »

VICE-PRÉSIDENT : « Le culte de Sigmar a le droit de proposer une et une seule proposition au Rijkskamer par session… C’est assez peu protocolaire car il n’y a pas de contrôle en commission, mais normalement, comme après on donne la loi au Burgerhof, il y a forcément une seconde ré-étude quand vous la saisissez. Sauf que maintenant qu’il n’y a plus qu’une seule et même chambre, forcément… » (Haussement d’épaules)

PRÉSIDENT : « Oh bon sang… Que cette journée va être longue…
Sénateur, si vous voulez gâcher votre pouvoir pour une loi aujourd’hui, libre à vous de le faire. »

M. KRUEGER : « Je vous remercie monsieur le président.
Les honorables sénateurs et les députés pardonneront ma manière peu protocolaire de faire. Mais quand je vois la manière avec laquelle certains se permettent d’insulter notre Impératrice, mon cœur est fendu, et je me sens humilié — j’ai mal à mon Westerland ! Le lèse-majesté est un crime immense, un qui mérite de se voir lever son immunité parlementaire ! »

PRÉSIDENT : « J’interromps immédiatement le sénateur, pardonnez-moi : aucune loi ne peut lever une immunité parlementaire automatiquement, si votre proposition allait en ce sens. L’immunité parlementaire est sacrée et son retrait est strictement encadré, pour éviter les abus. »

M. KRUEGER : « Hé bien c’est justement quelque chose qui n’est pas tolérable !
Ma proposition de loi est très simple : En cas de poursuites judiciaires pour lèse-majesté ou blasphème ordonnées par le procureur de l’Impératrice, tout député ou sénateur aura son immunité parlementaire automatiquement levée ! Nous ne permettrons pas à des immoraux insultants d’ainsi s’attaquer à la fabrique morale de Marienburg ! »

(Brouhaha, protestations)

PRÉSIDENT : « De l’ordre. De l’ordre ! »

M. KRUEGER : « Depuis trop longtemps maintenant, le Staadsraad a oublié qu’ils sont les serviteurs de l’Impératrice et des Dieux. En venir à faire du tort à notre Impératrice est la goutte de trop ! Sénateurs, députés, si vous êtes vraiment loyaux envers Magritta van Buik, votre conscience et votre amour des Dieux vous somme de voter pour ma proposition ! »

Mme. DE BROODT : « Il est vrai qu’il est plus respectable envers une jeune fille de l’enfermer dans un couvent, où on pratique le jeûne strict et la flagellation. Ce n’est pas nous qui manquons de respect à Sa Majesté.
Les Bohémiens voteront bien évidemment contre une telle proposition. Je suis même étonné qu’on parle de poursuites en blasphème, qui ne font plus l’objet de peines depuis feu-Sa Seigneurie Julian III. »

M. KRUEGER : « Un dégénéré qui a fait énormément de mal au Westerland ! Détruire les lois de Julian III est le projet des Sigmarites, je n’ai aucune honte de le hurler à voix haute ! »

(Rires, protestations)

Directeur de l’économie/Député GÉRY KOOPSMAN (Entrepreneur) : « Le lèse-majesté c’est quand ça vous arrange, n’est-ce pas ? Manquer de respect aux Barons du passé n’est-il pas aussi grave que manquer de respect à notre glorieuse Baronne d’aujourd’hui ?
Je serai bref — je ne comprends pas cette interruption. Je regrette les propos du député Francken et j’espère qu’il sera puni, mais nous n’allons pas légiférer en urgence en deux minutes, surtout quand on sait que nous tous ici présent avons besoin de l’immunité parlementaire pour travailler en sérénité.
Contre. »

Sénatrice INGRID PIEN (Prêtresse de Shallya) : « Je comprends l’émotion que suscitent les propos de monsieur Francken, mais je rejoins mon collègue. Un peu de calme et de sérénité, mon frère, nous n’allons pas nous menacer de poursuites judiciaires à tout va au début de notre travail… »

M. KRUEGER : « Le signal que vous allez envoyer à la maison van Buik aura au moins le mérite d’être clair : On peut, dans cet Atrium, siffler une Impératrice telle une puterelle dans la rue, et ne pas souffrir des conséquences ! »

(Indignations, cris.
Quelques applaudissements de soutien du côté des Seigneurs.)


Député PIERRE DEKEYSER (Manœuvres) : « Je n’arrive pas à croire que nous perdons un temps précieux dans cette fausse polémique.
Qu’on commence à dire à la justice qu’elle a le droit de lever nos immunités pour blasphème, et dans deux semaines, on sera tous accusé d’un tel crime pour être poursuivis.
J’espère que personne ici dit « Doux Sigmar » quand il se tape le petit orteil ! »

(Quelques rires. Retour au calme dans le reste de l’assemblée)

M. DEKEYSER : « Contre, évidemment. »

M. WAER : « Je n’ai aucune envie de soutenir des insultants venant des indignes anarchistes en face de moi, mais j’y suis hélas contraint. Je ne voterai jamais une loi aussi irrespectueuse et en urgence.
La Légion votera contre ! »

Sénateur Colonel DIRCK DE BAEN VAN QUEBORN (Seigneurs) : (Se lève, se tape la gorge — signe Vérénéen pour demander le silence. Il l’obtient, et regarde les prêtres Sigmarites) « Mon père. Je comprends votre émotion. Je regrette les paroles du député Francken. Mais il faut faire confiance aux institutions anciennes, et ne pas réagir sous la colère. S’élever au-dessus de la fosse est une qualité humaine. J’ose espérer… Je prie, en tout cas, que les sires de la famille van Buik ne seront pas insultés si nous nous en remettons simplement au bureau du Staadsraad pour prononcer les sanctions adéquates, et que nous en restions là. Le député Francken a également le droit de se défendre et d’être entendu, et non d’être jeté en pâture avec un tel déchaînement…
Ce n’est pas une fleur que nous lui faisons. Nous devons le faire car nous espérons tous ne pas nous retrouver à sa place dans le futur.
Je n’en voudrai pas à mon camp politique de voter pour cette mesure, mais pour moi-même, je m’abstiendrai. »

Sénatrice ISABELLA VAN BUIK (Seigneurs, siège noble) : « Sauf votre respect, Colonel, je pense que l’intervention du père Krueger est au contraire fort utile — si nous n’établissons pas immédiatement des règles claires et audibles par tous, il sera impossible de travailler ensemble.
Nous avons tous prêté serment de servir l’Impératrice. Tous, sans exception, dans cette salle. Qu’on ait osé la siffler, et l’insulter ainsi…
Je prie pour la faute du député Francken, pour son âme. Mais il n’a pas sa place parmi nous.
Toutes les personnes ici qui aiment l’Impératrice doivent voter pour cette proposition. Un signal contraire serait fort. »

M. DEKEYSER : « Ne faites pas du chantage à l’amour de l’impératrice, mademoiselle. C’est parce que nous sommes tous Ses serviteurs ici que monsieur Francken passera devant le bureau de l’Assemblée afin de s’exprimer sur son geste et éventuellement présenter des excuses. Plutôt que de mettre des paroles dans la bouche de l’Impératrice, pourquoi ne pas la laisser décider elle-même ? Elle peut demander officiellement la levée de l’immunité ou déposer plainte auprès du procureur du Westerland. La Haute-Cour est à deux pas d’ici ! Accuseriez-vous Sa Majesté d’être trop sotte ou trop paresseuse pour y aller d’elle-même ?! »

(Applaudissements, vacarme de la part des sièges nobles)

Col. DE BAEN : « Je n’aime pas la façon de s’exprimer de mon honorable collègue, mais je suis obligé d’être d’accord avec lui.
Laissons les procédures normales se dérouler et reprenons le travail, je vous prie. »

M. KRUEGER : « Si cette loi ne passe pas, nous saurons à quoi nous en tenir… »

Mme. DE BROODT : « Et ça veut dire quoi, ça ? »

M. KRUEGER : « Rien du tout.
Simplement que nous saurons à quoi nous en tenir. »
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Un des huissiers du Staatsraad parcourait l’Atrium momentanément vidé. Sous les yeux des plus grands barons passés de l’histoire du Westerland, peints le long d’une fresque grandiose qui représentait les événements historiques mis en avant par Marienburg, comme un conte qu’on forgeait avec son passé, l’huissier s’arrêta devant une cloche ; il tira sur la corde, et sonna fort, par trois fois, pour indiquer la reprise de la séance.

Tout autour du Parlement, c’était le tumulte et les cris. Les députés et les sénateurs s’étaient répandus en discussions, en échanges, le temps d’une pause-déjeuner salvatrice. Les événements tumultueux de la matinée étaient revus, repris, et surtout, communiqués, avec des conséquences différentes…

Anna Jakob, des Manœuvres, avait vu le coup venir — Le Parlement venait d’officiellement s’auto-arroger le droit de blasphémer et d’insulter l’Impératrice comme ils le souhaitaient, sans être menacés de poursuites. La matelot s’était empressée de prendre quelques députés pour aller assister à l’office Manannite, et une foule de témoins l’avait vue s’agenouiller devant le curé-officiant avant d’offrir un don dans la caissette du Temple. Cet amendement qui avait réussi à complètement casser, de manière express, une proposition de loi posée par le culte de Sigmar ne devait pas être interprétée comme une insulte envers les Dieux, mais comme une simple liberté supplémentaire comme Marienburg en avait déjà beaucoup.

Les Légionnaires, eux, semblaient être momentanément en passe de reprendre le contrôle de la situation. Alors que le parti avait été complètement divisé, entre représentants pro- et anti-amendement, Marc Waer et Karl Röhm s’affichaient tout sourires pour une interview devant des journalistes, et ils avaient lâché un mot terrible : Veto.

L’Impératrice, garante de la constitution du Westerland, disposait d’un veto absolu de fait sur tous les projets et toutes les propositions de loi acceptées dans le Staatsraad : une loi n’a force de loi que lorsque le Baron appose son sceau sur un texte, mais rien ne peut le forcer à le poser. Il était, en pratique, assez rare que les barons utilisent cette prérogative — désavouer son propre parlement représentait un coup politique très grave. Plus acceptable et utilisé, en revanche, les barons pouvaient surseoir à l’application de la loi, et demander une nouvelle délibération avant de la promulguer. Mais généralement, il était plus malin pour les barons de faire modifier ou sauter la loi dans l’assemblée elle-même, souvent à l’aide du Rijkskamer — or, le Rijkskamer étant maintenant réuni de plein droit au Burgerhof…


Ce qui était certain, en revanche, c’est que l’appel au veto était maintenant sur toutes les lèvres, et avait fait le tour de tous les reporters en direct du Staatsraad, les calepins pleins de notes et de citations. Le pauvre Pierre Dekeyser, rentré d’une pause qu’il trouvait un peu courte, s’était trouvé un bout du Hall du Peuple d’où il pouvait répondre aux questions de nombreux journalistes venus écouter « le Gros Pierre » :

« Monsieur Dekeyser ! Pour « l’Humaniste », pouvez-vous nous dire comment on en est arrivé à une telle loi ?! »

L’Humaniste était le quotidien préféré des Manœuvres. Un quotidien urbain, très lu par la classe travailleuse de Marienburg, il était connu pour ses articles incisifs, ses révélations choc (Comme les colonies de vacances de Karl Röhm…) et ses magnifiques dessins de presse très amusants.

« Hé bien, vous avez qu’à en parler aux Sigmarites ! Ils ont tenté de menacer un de nos parlementaires de poursuites judiciaires, on a senti de notre côté qu’il était nécessaire de se défendre ! Parfois faut bander ses muscles, quand en face on sort un couteau ! »

Et là-dessus, Dekeyser tapa de fausses pauses d’athlète, comme les statues d’olympiens nus devant le temple de Myrmidia de la cité — cela fit plusieurs rires, notamment parce qu’avec son énorme obésité, Dekeyser ne faisait peur à personne.

« Monsieur Dekeyser, pour « Le Libérateur », approuvez-vous la totalité des termes de l’amendement ? Il me semble que c’est madame de Broodt qui en est à l’origine. »

Le Libérateur, en revanche, constituait le titre hebdomadaire des Bohémiens. Ses articles étaient souvent rédigés par des universitaires et des philosophes, et ses éditoriaux très intelligents et bien écrits, mais parfois choquants, puisqu’ils cherchaient à remettre en cause presque tout. Parfois en allant bien trop loin, puisqu’il n’y avait presque aucun contrôle éditorial derrière… Le dernier scandale en date : un professeur de philo du collège Baron Henryk avait défendu les relations intimes des enfants. Les Seigneurs étaient tombés dessus tellement violemment que, pour la première fois de son histoire, « le Libérateur » avait publié des excuses.

« Écoutez, j’approuve les termes de l’amendement, qui sont sommes toutes assez neutres et directs — si votre question que vous essayez de me faire dire en revanche, c’est, est-ce que j’approuve la philosophie de madame de Broodt, là je suis désolé mais je suis pas dans sa tête, et je suis sûr qu’elle est bien pleine, ce n’est pas pour lui manquer de respect, mais enfin si demain j’arrive à sortir des lapins de mon chapeau ma femme ne va pas être contente ! »

Sa blague sur la capacité magique de de Broodt fit rire. Pas sûr qu’elle apprécie le commentaire, mais à force, elle devait être habituée…

« Plus sérieusement — le but de cette loi, notre cher collègue Hermant Bovaas l’a très bien résumé, et c’est étonnant de la part des Entrepreneurs ! Nous ne voulons pas blasphémer les Dieux, nous voulons juste garantir notre liberté afin de pouvoir prendre sereinement part aux futurs débats.
– En parlant de ça — bonjour monsieur Dekeyser.
– Oh, je vous reconnais vous ! Nos petits amis de « l’Écho »… »

Il prenait un ton de papy agacé. L’Écho était un journal bi-mensuel qui appartenait à une des grandes familles marchandes de Marienburg (Les Winkler). C’était le journal préféré des capitaines d’industrie, des patrons petits et grands, et en général, de tous ceux qui se reconnaissaient dans l’idéologie des Entrepreneurs — économie de marché, défense des acquis civiques et sociétaux, sérieux budgétaire et croyance dans l’importance du travail libre… L’Écho tapait très souvent sur Dekeyser et les Manœuvres, mais aujourd’hui était une situation bien unique.

« L’amendement a été, de façon assez étonnante, soutenu et voté par une partie du gouvernement. Est-ce un signe que vous êtes prêt à travailler avec Géry Koopsman ?
– Ah mais je suis prêt à travailler avec quiconque fait une proposition sérieuse et solide ! Je sais que vous trouvez succulent de nous faire passer toute la journée pour des sectaires incapables de parler-
– C’est qu’il est si rare d’avoir votre coopération, monsieur Dekeyser…
– Bien sûr bien sûr ! En tout cas, si monsieur Koopsman présente un projet sérieux, on le votera sans hésiter.
Dommage qu’il soit rarement sérieux ! »


Le journaliste de « l’Écho » fit une sale tête. Et à ses côtés, une voix d’un reporter très désagréable se fit entendre :

« Bonjour.
Pour « Le Mariage de Marius » — ne trouvez-vous pas que la proposition de loi est passée un peu trop vite ? Elle n’est pas passée en commission, n’était pas inscrite à l’ordre du jour, et a été amendée et votée de manière expresse au milieu de tumultes et de cris.

– Oooh, après avoir écouté de Baen maintenant on écoute van Volendam ? Vous savez, le jeunisme ça fait pas toujours du bien aux rédacteurs en chef ! »

Le Mariage de Marius, ou juste Le Marius, était un journal très important, le plus ancien à Marienburg. Très lu, c’était l’organe de presse préféré des Seigneurs, et il distillait des opinions pro-pouvoir, et pro-de Baen, évidemment.

« Pourriez-vous répondre à la question, monsieur Dekeyser ?
– Ce n’est pas moi qui aie inscrit la loi initiale à l’ordre du jour ! Si vous trouvez que c’est allé trop vite et trop rapidement, allez vous plaindre à Helmut Krueger — c’est lui qui a déterré son espèce de droit ancestral sorti des marais de nulle part pour tenter un coup d’État parlementaire !
– Ne pensez-vous pas que l’Impératrice devrait utiliser son droit de veto pour reprendre les délibérations d’une telle proposition dans des conditions plus légales et apaisées ?
– Ah mais je ne suis pas l’Impératrice, moi, monsieur le journaliste ! Le Palais-Neuf fera bien ce qu’il veut, mais nous avons bien tiré la sonnette d’alarme à leur intention — nous ne nous laisserons pas être menacés par quiconque. Et nous n’offrirons aucune opportunité aux ennemis du Staatsraad de déterrer un moyen de faire pression sur nous.
Vous montez sur vos grands chevaux à parler de légalisme et de délibérations — mais je vous connais bien, vous autres ; vous avez déjà écrit dans votre canard qu’il fallait me mettre en garde-à-vue quand j’appelais à la grève ! Pardonnez-moi de craindre la justice quand un prêtre Sigmarite se lève et demande à toucher à notre immunité ! »


Un énième reporter joua des coudes pour s’approcher :

« Monsieur. Pour « La Clé » : on me dit que plusieurs de vos parlementaires ont tenu des propos fort déplacés à l’encontre de l’Impératrice. L’un d'eux aurait indiqué que l’Impératrice aurait un ego fragile, et la totalité de votre banc a applaudi avant de faire hurler la foule… »

La Clé était un hebdo récent, pro-Colombes, qui vendait des opinions pro-religion. C’était un canard bien écrit, si on était croyant. La Clé parvenait à faire des appels-du-pied, et à donner des opinions teintées de spiritualité et de religiosité sans en faire trop, un organe de presse très pratique quand on accusait les Colombes d’être de simples superstitieux craignant le ciel. Parfois, la Clé laissait même des laïcs et des athées écrire dedans, tant que cela permettait de faire avancer leur cause d’Équité et d’Utopisme…
Et le journaliste était doué, car pour la première fois depuis le début des interviews, Dekeyser semblait mal à l’aise. Il bégaya et tenta d’éviter la question :

« Hmm… Vous savez, nous étions tous abasourdis de la proposition du père Krueger… Y a-t-il eu des paroles qui vont un peu trop loin ? Cela arrive, quand l’ambiance est agitée, vous-même vous ne tenez jamais un propos que vous regrettez la seconde d’après ?
– Allez-vous exiger des excuses publiques de la part de votre député ?
– Hé, je suis pas le père de tous les Manœuvres non plus ! Là vous allez trop loin, c’est pas le sujet. Vous avez repéré le petit mot qui ne vous plaît pas en ignorant tous les discours spontanés — et applaudis — qui ont été offerts dans notre noble institution. Liberté — Liberté toujours et partout, c’est ça que nous voulons ! Je suis fier de mes Manœuvres, qui ont tous porté ce discours de façon juste et décisive, pour défendre le parlementarisme, et aussi toutes les gens de notre belle cité qui partagent notre vision du futur et du progrès ! »

Le journaliste de la Clé souriait. Dekeyser n’avait offert qu’une piètre répartie. Et un autre journaliste allait continuer l’agression :

« Bonne journée à vous monsieur Dekeyser. Pour « le Vieux Monde » : soutiendriez-vous une loi pour supprimer purement et simplement le délit de blasphème dans toute la province, ou est-ce simplement un droit pour les parlementaires ? »

Le Vieux Monde était le journal le plus important de tout le Westerland. Généraliste et centriste, il essayait en fait de taper sur la totalité des partis. Plutôt sensible au centrisme et aux idées indépendantes, le Vieux Monde était à la fois aimé et détesté par tous. Surtout quand ça permettait de faire bégayer un vieux loup de la politique…

« Non mais, je crois qu’on va un peu vite en besogne là, vous ne trouvez pas ? On a plus urgent à faire que de légiférer sur ça… Je répète : nous avons voté l’amendement pour protéger le Staatsraad et ses représentants, c’est tout, il n’y a pas à voir d’autre projet derrière. Et nous comprenons l’attachement du peuple à la religion, c’est juste l’utiliser pour s’attaquer à nous que nous contestons ! »


Le journaliste avait un sale sourire d’une oreille à l’autre. Voilà qui allait faire du bon rififi entre Bohémiens et Manœuvres.

« Monsieur Dekeyser, pour « la Dernière Tranchée »-
– Ah non ! Non non ! Désolé pour vous — j’offre jamais rien à la Dernière Tranchée.
– Toujours aussi peur de nous ? On ne mord pas pourtant !
– Peur peur peur… Est-ce qu’on a peur d’un type tout seul dans la rue ? Non c’est plus que quand un chien aboie, il faut l’ignorer, autrement il va prendre l’habitude de crier. »

La Dernière Tranchée était un journal ultra-nationaliste, accusé d’avoir franchement encouragé la tentative de putsch de 1951. Pas beaucoup lu à Marienburg, il avait ses presses loin de là, à Aarnau — c’est pourquoi c’était un journal mensuel. Autrefois un simple torchon acerbe et violent, il avait réussi à changer de ligne éditoriale en s’inspirant largement de la façon de causer de Marc Waer ; plus subtil, faisant plus des appels-du-pied que de la simple violence, il avait aussi réussi à obtenir une intégrité journalistique en offrant un courrier des lecteurs où même les opinions de gauche étaient reçues, afin de se donner une apparence de journal ouvert au débat et à la contradiction, contrairement aux autres.
Ce qui n’empêchait pas les vieux, comme Dekeyser, d’encore énormément se méfier de ce journal, qui en 1951 publiait une « Liste de proscription », avec les noms et les adresses de tous les députés qui avaient voté les lois libérales de Julian III… Le journal avait été censuré, avant d’avoir la permission d’imprimer à nouveau sous Julian IV.

« Bon, c’est pas tout ça, messieurs-dames les journalistes — mais ça fait deux fois que la cloche sonne et il faut que j’aille justifier de mes gages d’indemnité pour la journée ;
C’est que l’une de mes petites-filles entre à l’école, et le privé coûte cher — qu’est-ce qu’on ferait pas pour échapper aux laboratoires de bourrage de crâne de de Baen ! Encore une loi qu’il faudra faire passer, ça, hein ! »


Dekeyser, accompagné de plusieurs manœuvres, dont le grand tavernier Dankmar Mirtuv, regagnaient donc l’Atrium. Leur sortie correspondait pile avec l’entrée d’Ingrid Pien et des Colombes — Erik Cantina était en sueur, d’avoir trop joué au ballon avec les militaires de la Garde Parlementaire (Pour le plus grand plaisir des spectateurs et des dessinateurs de presse). La foule de journaleux se mit à crier dans tous les sens pour poser des questions à la Shalléenne, qui leur offrit à tous un sourire en rabattant une de ses mèches de cheveux derrière l’oreille.

« Sœur Pien ! Sœur Pien ! Une réaction suite au vote de la loi ?!
– J’espère que cette après-midi, la bouillabaisse sera moins salée. »

Le mot venait de Cantina, et avait déjà fait le tour de tout le Staatsraad ; plusieurs journalistes éclataient de rire, et tentaient d’arrêter le Rotzballer qui suivait la prêtresse à la robe rouge pour lui poser d’autres questions.






Les députés et sénateurs reprenaient leurs places dans l’Atrium. Et pourtant, subtilement, un jeu était en train de se dérouler ;
Les Seigneurs, comme à leur habitude, prirent leurs places immédiatement à droite de celle du président. Les Manœuvres, en opposition, allaient juste en face, immédiatement à gauche — vite joint par les Bohémiens. Les Indépendants, ne sachant pas trop où se mettre, allaient sur des bancs là où ils trouvaient de la place, un peu à l’écart. Les Légionnaires, comme à leur habitude, faisaient le grand groupe dans des gradins un peu élevés, à l’extrême-droite.
Mais quand Koopsman et ses Entrepreneurs allaient se rapprocher des bancs de De Baen, Ingrid Pien leur coupa la voie. Les Colombes allèrent se coller très vite aux Seigneurs, obligeant les Entrepreneurs à prendre des places plus éloignées que d’habitude.
Alors que l’amendement était bel et bien passé, il avait une bonne inquiétude pour les Manœuvres : Seigneurs, Entrepreneurs, Colombes, et de nombreux indépendants leur faisaient maintenant face…

Reynier Fagel grogna en voyant tout ce jeu de placement se faire. Il attendit que le calme revienne avant d’ordonner :

« De l’ordre.
Nous reprenons donc la séance… Nous allons faire rentrer à nouveau des spectateurs dans la tribune. Je dois néanmoins faire un rappel au règlement à nos chers députés et sénateurs — Selon l’article 19 du règlement des deux chambres, je ferai expulser quiconque cherche à perturber la séance ou gêner le bon déroulement des débats.

Nous allons donc pouvoir reprendre avec l’ordre du jour que nous étions censés traiter ce matin — Le gouvernement souhaite nous présenter un projet de loi, vu en Commission à la Sécurité Intérieure. Nous serons donc en présence de la Directrice à la Justice, et grande-prêtresse du culte de Véréna, Karlotta Eschen ; ainsi que du Directeur de l’Intérieur, du Renseignement et de la Police, sire Jacques de Heere. Mais nous avons aussi un intervenant extérieur qui a été réclamé par la-dite commission, le Brigade-generaal Theodoor Thiry, un commandant de la Maréchaussée, qui nous donnera la version officielle de ce qui s’est… Produit, à Leydenhoven.

Mon Général, la place est votre. »



Theodoor Thiry ressemblait bien à l’image qu’on se faisait d’un gradé de la Maréchaussée : il était grand, rasé de près, avec une chevelure carrée impeccablement peignée, vêtu d’un uniforme bleu-marine avec quelques médailles sur le poitrail. Il s’avança avec le képi sous le bras, entouré de deux autres officiers de la maréchaussée, et tous ensemble, ils s’assirent sur une table postée devant la tribune du président. Thiry posa devant lui des feuilles, relit rapidement et toussota avant de commencer à lire son discours préparé.

« Très honorables députés et sénateurs du Staatsraad, je suis Theodoor Thiry, général de brigade de la maréchaussée… J’ai été chargé par le gouvernement de venir répondre à vos questions quant aux événements qui ont eu lieu le mois dernier à Leydenhoven, de vous donner une image complète et une relation des faits afin de vous permettre de plus doctement voter et discuter des actions nécessaires.

Je pense qu’il faut, pour cela, revenir au début de l’année, et à l’affaire Bredael. En fin de l’année 1978, le maire de la ville de Leydenhoven, Jan Bredael, a fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire pour divers faits qui depuis ont été établis : il a été accusé d’abus de bien sociaux, utilisant l’argent du trésor de Leydenhoven pour financer des dîners et des banquets privés, de trafic d’influence en offrant en échange d’argent et de cadeaux des places à l’hôtel de ville de Leydenhoven, et surtout, de spéculation sur les grains — Jan Bredael a utilisé sa fonction de maire pour détourner du grain destiné aux greniers municipaux, afin de pouvoir se les approprier et les vendre plus cher afin d’en dégager un gain personnel.

En début 1979, Jan Bredael a été arrêté par la Maréchaussée et interné au cachot de Leydenhoven, en vue de l’attente de son procès. Le procès est arrivé à son terme le mois dernier, et devant la caractérisation des faits, sa destitution du poste de maire a été confirmé par le tribunal de Leydenhoven, il a de plus été condamné à six mois d’enfermement avec sursis et d’une peine d’amende de 300 guilders d’or. »


Dekeyser, sur son siège, ricana fort. Tout le monde savait ça — le préjudice était en fait bien plus énorme, il en avait arnaqué pour près de 2000 guilders. Évidemment, les peines pénales n’étaient pas la même chose que les dédommagements au civil, mais il fallait expliquer ça à la population de Leydenhoven.

« Le jugement a été accueilli de manière… Défavorable par les habitants de Leydenhoven. L’ambiance était déjà difficile — les auditions pour le procès se tenaient à huis clos, car le maire avait fait l’objet de très nombreuses menaces de mort.
– Pardonnez-moi de vous interrompre mon général, se permit d’intervenir Ingrid Pien. Vous allez un peu vite… Il faudrait aussi que vous parliez du contexte bien particulier de Leydenhoven.
En trois ans, les chiffres de l’alimentaire ont fortement augmenté dans la cité — Le pain a fait une augmentation de près de 35 %, la viande de 60 %, le beurre également, l’habillement de 40 %, les loyers de 30 %, le bois de chauffe, 50… Leydenhoven, de plus, est une ville drapière, mais deux fabriques ont fermé, l’une l’année dernière et l’autre il y a trois ans, ce qui augmente le chômage. J’ai moi-même les chiffres du culte de Shallya, vérifiés par la cour des comptes : alors qu’autrefois, nous avions dans les hospices qui gèrent l’hébergement d’urgence, près de 60 places, nous faisons chaque nuit face à près de 400 demandes d’indigents — nous en faisons parfois dormir à même le sol de la chapelle de Shallya, et le culte de Manann a même accepté, alors que ce n’est pas son rôle, d’en prendre une part dans leurs presbytères… Mais pour le dire franchement, il y a au moins plusieurs dizaines de gens qui, la nuit, à Leydenhoven, dorment juste dans la rue.
L’hiver est en train de venir et depuis le mois dernier les températures automnales sont en dessous de la moyenne. Si nous n’agissons pas vite, les gens vont juste se mettre à mourir de froid. »


Le général grimaça, et rétorqua sèchement :

« Je ne suis pas assistante sociale, ma sœur.
Ceci étant dit… Le maire avait fait l’objet de menaces de mort. En apprenant la nouvelle de la sentence, des gens sont partout allés courir dans les quartiers de Leydenhoven, pour crier sur tous les toits que le maire allait sortir du cachot en échange de payer une petite somme — évidemment, trois cents guilders n’est pas une petite somme, mais c’est ainsi que le peuple l’a compris… Nous avons le rapport de plusieurs agitateurs qui ont tenu des discours diffamatoires et inflammatoires, contre la justice et la police qui seraient complices des crimes du maire, qu’il serait protégé par des édiles qu’il avait lui-même nommé en échange d’argent… Certains propos ont été très violents.
Un universitaire aujourd’hui écroué pour incitation à la sédition et au meurtre, Hans Höch, aurait notamment utilisé une phrase très parlante : « Quand les gens n’ont plus à manger, ils mangeront les riches ». Elle semble avoir inspiré les manifestants. »


Von Happe, un des recteurs du collège baron Henryk, connaissait Höch — c’était un brillant étudiant de la faculté des arts libéraux, issu de la classe moyenne de Leydenhoven et entré grâce à une bourse d’études. Il devait être dans les dix premiers de l’effectif actuel de la faculté… Malheureusement, il était aujourd’hui en prison dans l’attente de son procès.

Karl Röhm, des Légionnaires, ne put s’empêcher de crier :

« Quelle horrible phrase ! Est-ce donc ce que l’on apprend sur les bancs de l’université, qu’il faut manger les gens juste parce qu’ils sont riches ?! Il faut vraiment mettre les professeurs sous surveillance !
– C’est une citation d’un auteur Tiléen, cher collègue, fit la députée bohémienne Celma en feulant presque.
– De l’ordre. Reprenez mon général.
– Lorsque la milice de Leydenhoven a sorti le maire du tribunal le lendemain matin en vue de son transfert vers sa maison, il y avait une foule énorme dehors, plusieurs centaines de personnes, qui ont crié des slogans très violents : Ils répétaient à tue-tête et avaient écrit : « Mangez les riches ». Il y a eu une bousculade générale, et des jets de pierre… Puis, finalement, des gens plus déterminés que d’autres dans la foule ont pu se saisir de l’ex-maire. Son frère, présent, a tenté de le défendre en utilisant une épée, et a grièvement blessé l’un des manifestants — ils lui ont donc arraché le bras. Ensuite, il y a eut un lynchage général.
– La milice n’a-t-elle pas défendu le maire ? Demanda un député indépendant.
– Le capitaine de la milice, Peter Mahu, m’a dit que ses hommes ont eu peur et ont été violemment bousculé. Il a été séparé du prisonnier.
– Ou il les a laissés faire ! Cria Isabelle van Buik, la sénatrice noble et loyaliste.
– Comment lui en vouloir ? Un député manœuvre soupira fort. Il n’allait pas tirer sur son propre peuple pour défendre un maire qui les a tous trahis…
– Il a failli à son devoir, cher collègue. Si on ne peut plus avoir confiance dans les forces de l’ordre, il n’y a plus aucune société ! Tempéra Isabella.
– Reprenez, mon général, ordonna le président.
– Nous ne savons pas qui le premier a décidé de manger le maire et son frère. Mais alors qu’ils étaient inconscients, frappés par des centaines de coups, ils furent traînés par les pieds jusqu’à la place devant le tribunal. Ils les ont attachés à des lampadaires, à l’envers… Quelqu’un, a alors utilisé un couteau pour déchiqueter un morceau de la cuisse du maire, un bout de peau, et il l’a, devant tout le monde, mâché cru.
Ça a fait des émules. Au moins une trentaine de personnes se sont jetés sur les deux cadavres pour les mettre en pièce et les dévorer. Quand enfin la milice a pu disperser la foule, on avait avalé leurs viscères et des morceaux d’eux. Un spectacle abominable. »


Il y eut un silence gênant. Personne ne voulait faire une remarque amusante après un tel discours.

« L’émeute n’a pas fini. À la place, il y a eu un embrasement généralisé de toute la cité. La foule s’est ensuite attaqué aux greniers municipaux, puisque la rumeur a dit que comme le maire avait détourné du grain, il était de leur devoir de s’en emparer avant qu’on ne leur vole… Ils ont cassé les cadenas, frappé et fait fuir les miliciens gardant les-dit entrepôts, et ont commencé à les vider.
Ensuite, d’autres agitateurs, nous ne savons exactement lesquels, l’enquête est en cours, ont saisi le vent d’une autre rumeur — qu’il fallait récupérer l’argent des taxes qu’on leur a volé. Ils ont décidé de descendre sur les demeures des beaux quartiers de Leydenhoven, où vivaient les personnes à qui Jan Bredael avait offert des places ou des marchés. Ils ont réussi à brûler deux maisons, mais les familles ont pu fuir et il n’y a pas eu d’autres victimes. Ils ont failli s’en prendre à une troisième, mais une prêtresse de Shallya a pu intervenir a temps et les a convaincus, au péril de sa vie, de faire demi-tour et d’aller ailleurs. En revanche, le manoir Bredael lui-même a été assiégé toute la nuit. La milice avait, par chance, déjà posté des hommes, et les manifestants furent repoussés.
Le lendemain, des barricades étaient dressées, et spontanément, une grève générale avait été déclarée. L’accès aux routes et aux manufactures étaient interdites, et les gens n’y participant pas interdits de se rendre au travail. Il semblerait que l’organisation de cette grève a été l’œuvre de certains représentants locaux, d’un certain bord politique…

– Vous mettez tout dans le même panier mon général ! Hurla Pierre Dekeyser en se levant. Vous mélangez le cannibalisme, l’attaque des demeures nobles, la saisine des entrepôts et la grève, comme si tout n’était que l’œuvre d’une masse abrutie !
Oui, les députés de Leydenhoven ont ordonné une grève pour contester le jugement — elle a été prévue le jour du jugement — en aucun cas les Manœuvres ne cautionnent le lynchage !

– Ce n’est pas à moi d’en juger, monsieur le député.
Dans tous les cas, le conseil municipal de Leydenhoven a envoyé un coursier d’urgence à la caserne de la Maréchaussée la plus proche. J’ai pris l’initiative d’assurer le rétablissement de l’ordre à Leydenhoven. Nous avons déployé près de neuf cents archers à cheval le lendemain. Nous avons pu, par une intervention décisive, casser les barricades, et appréhendé quatre-vingt-neuf personnes, à la fois des manifestants pris en flagrance de violences, et des agitateurs qui nous avaient été dénoncés par des voisins comme ayant tenu les propos qui ont enflammé la situation.
L’ordre est rétabli aujourd’hui à Leydenhoven grâce à notre intervention décisive, et nous avons commencé à recueillir des preuves en vue des futurs procès. »


Julia de Broodt se leva elle aussi, et prit la parole avec la voix pleine de fiel :

« Quel héroïsme, mon général ! Vous allez bien vite sur le passage du rétablissement de l’ordre — vous n’y êtes vraiment pas allés de main morte !
– Nous étions face à une horde de personnes transformées en monstre et encouragées par des universitaires et des députés Manœuvres qui ont voulu qu’ils deviennent violents. Nous avons fait notre devoir.
– Vous avez fait charger la foule à cheval, et au sabre ! Le temple de Shallya a été rempli de blessés ! Vous avez dispersé les attroupements à la grenade ! On me dit que deux personnes au moins ont été tuées dans votre intervention !
– Mademoiselle, ils étaient des meurtriers armés.
– Armés de quoi ?! Avaient-ils des hallebardes, des arquebuses, des épées ?!
– Ils utilisaient des projectiles. Et même avec des poings, une foule peut tuer.
– Vos hommes avaient des boucliers d’acier, des corselets de plates, des matraques immenses et des lance-grenades ! Il est facile de mettre toute la destruction sur le compte des manifestants — vous en avez poursuivis jusque dans l’hôtel de ville, et l’avez probablement plus saccagé encore qu’eux !
– Insultez donc la Maréchaussée, mademoiselle. Vous serez bien contente que nous soyons là la prochaine fois qu’il faudra vous protéger. »

Reynier Fagel tiqua des lèvres.

« Je vous remercie de votre intervention, mon général. Si d’autres députés et sénateurs ont des questions, ils n’hésiteront pas à revenir vers vous…
En attendant, je demande la présentation du projet gouvernemental. »

Le directeur de l’Intérieur, sire Jacques de Heere, se leva. C’était un petit homme moustachu, de haute naissance, avec des lunettes sur le nez. C’était un Seigneur du parti le plus dur et le plus autoritaire — on le disait compatible avec les Légionnaires. Il souriait pas mal — contrairement à la Directrice de la Justice, l’honorable prêtresse Karlotta Eschen en tenue de juge, qui croisait des bras, des jambes, et tirait une sale tronche.

De Heere prit sa place devant la tribune.

« Honorables députés.
La situation de Leydenhoven nous montre l’urgence d’assurer constamment l’ordre dans notre cité. Nous avons pris conscience de la grandeur de l’urgence, et le Gouvernement saura y répondre, avec les moyens appropriés pour agir, vite, et fortement. Nous le disons : Nous ne permettrons pas, JAMAIS, à l’ochlocratie de prendre le pas sur la démocratie. Nos juges et nos maires doivent se sentir en sécurité, et il doit y avoir une riposte, légale certes, mais extrêmement ferme, afin que de tels agissements ne se reproduisent pas.
Nous commencerons par corriger le budget actuel alloué à la sécurité, et nous augmenterons fortement les ressources de la Maréchaussée Générale — nous souhaitons engager plus de deux mille archers supplémentaires, avec leurs chevaux, et s’assurer qu’il y ait une caserne près de chaque bourg de la province. Nous ouvrirons aussi une nouvelle caserne près de Marienburg, afin que les Coiffes Noires, chargées de la police quotidienne de la cité, puissent être épaulés en cas de nécessité d’agir pour le rétablissement de l’ordre…
Ensuite, nous voulons revoir les ordonnances pénales du Westerland, afin de punir avec une plus grande sévérité les agitateurs qui appellent à la violence.
Dorénavant, toutes les provocations par discours, affiches, placards, cris, chants ou menaces, qui ont conduit à inciter à commettre des crimes et délits, que ce soit des atteintes à la vie, à l’intégrité ou aux biens, publics et privés, pourront être punis jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 400 guilders d’amende — contre un an d’emprisonnement et 200 guilders aujourd’hui.
Nous souhaitons aussi plus facilement permettre aux procureurs de poursuivre ceux qui se cachent dans la foule. Lorsque la police, que ce soient les Coiffes Noires ou la Maréchaussée, ont sommé deux fois à un attroupement de se disperser, toute personne encore présente dans l’attroupement, ou ayant continué d’en faire partie après les sommations, pourra être punie jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 200 guilders d’amende — contre un an et 60 guilders aujourd’hui.
Nous pensons aussi que l’affaire de Leydenhoven a été encouragée par l’alcool et la drogue, car nous avons de très nombreux rapports de personnes déambulant sous l’influence de narcotiques dans la rue. Dorénavant, être en possession de produits stupéfiants lors de son arrestation constituera une circonstance aggravante à retenir par les juges. Nous souhaitons également une interdiction de la consommation de toutes les drogues, douces et dures, que ce soit la Folracine ou le Lotus Noir, dans la rue — elle doit être limitée à un cadre strictement privé. Son usage devrait être puni jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 guilders d’amende.
Je compte sur vous pour votre soutien dans ces heures terribles. Soyez du côté de l’Ordre, et de Marienburg. »


Le Directeur à l’Intérieur était fier de lui-même. Il restait debout, prêt à subir les premières interpellations des députés et sénateurs.


(Murmures, paroles)

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE REYNIER FAGEL (Président du Burgerhof): « Je vous remercie monsieur le directeur.
Nous écouterons les principaux chefs de groupes pour leurs premières impressions, après quoi nous pourrons discuter. »

Sénatrice ISABELLA VAN BUIK (Seigneurs-Loyalistes) : « Ce projet est équilibré et à la hauteur des attentes des corps constitués du Westerland. Nous avons besoin d’une police efficace, prête à répondre, et dotée d’un arsenal juridique répressif ET dissuasif.
C’est avec force que nous le défendrons, autant qu’il le faut ! Merci pour votre travail, directeur ! »

Directeur et député GÉRY KOOPSMAN (Entrepreneurs) : « Je suis d’accord avec la majorité des mesures, mais je trouve que la demande du budget est tout de même assez élevée… Alors que nous sommes en train de demander de se serrer la ceinture à tous les ministères et les administrations du Westerland, autant d’argent pour la Maréchaussée me semble un effort considérable. »

Député MARC WAER (Légionnaire) : « Le retour de l’Ordre est absolument essentiel. Mais je pense que cette loi est mauvaise, et montre justement le peu d’imagination d’un gouvernement qui n’est plus respecté et d’une justice profondément laxiste et injuste. Nous ne serions pas dans cette situation si le maire de Leydenhoven n’avait pas commis un grand crime de spéculation et s’il avait été enfermé à Rijker — or, vous ne proposez aucune mesure contre les spéculateurs et les vendeurs d’offices. De même, vous avez beau vouloir réagir aux agitateurs, vous ne traitez pas le mal à la racine : c’est au collège baron Henryk que, visiblement, se planquent ceux qui ne pensent qu’à vendre de la hargne et de la haine.
Enfin, votre augmentation de budget ne profiterait qu’à la Maréchaussée Générale. Je pense que cette loi est très mal faite, et nécessiterait de nombreux amendements pour être acceptable. En l’état actuel, je ne la voterai pas. »

Sénatrice INGRID PIEN (Colombes) : « Quelle loi triste… Est-ce donc la seule réponse que vous avez devant la misère de Leydenhoven ? Le cannibalisme est un crime ignoble, et je suis d’accord, les agitateurs issus de l’université ont jeté de l’huile sur le feu et encouragé toute cette terreur et toutes ces horreurs. Il faut faire des choses contre les stupéfiants et le déficit spirituel actuel, ça, j’en suis certaine…
…Mais plus d’argent pour la Maréchaussée, c’est ça votre pierre angulaire, monsieur le Directeur ? Ce qui a causé ce désastre à Leydenhoven, c’est la misère ! Les gens ont faim, ils sont désespérés, c’est ça qui les tourne vers la colère et le crime.
Il faut une réponse judiciaire exemplaire, oui. Mais il faut aussi du pardon, et de l’expiation publique. Je défendrais plutôt d’envoyer des pasteurs et des prêtresses de Shallya à Leydenhoven, plutôt qu’uniquement des archers de la Maréchaussée. La religion peut être une solution très efficace à ce problème, et pour un coût limité pour le contribuable. »

Député PIERRE DEKEYSER (Manœuvre) : « Ce projet de loi est une fumisterie complète, je n’ai pas peur des mots. Vous voulez juste plus de matraques et plus de peines de prisons — alors même que Rijker est déjà pleine à craquer avec des détenus qui dorment à deux par cellules… C’est, en l’état, absolument inapplicable. Vos peines de provocation sont une tentative à peine voilée de vous attaquer à qui que vous souhaitiez, politiciens ou universitaires, c’est la porte ouverte à l’interprétation à l’avantage des procureurs, et au musellement de l’opposition…
Ramener l’ordre à Leydenhoven, oui. Mais si vous voulez mon avis, le responsable de tout ça, c’est la Milice, qui a laissé faire la foule, et le Tribunal, qui a condamné le maire Bredael à une peine bien trop légère. Vous voulez ramener l’ordre ? Retrouvez la confiance de la population ! Ah, mais c’est vous tous seuls qui l’avez perdue !
Nous ne voterons pas un tel texte de loi, et vous avez intérêt à sérieusement l’amender pour que nous donnions notre consentement ! »

Députée JULIA DE BROODT (Bohémienne) : « En magie, j’appelle ça un écran de fumée. Parce que vous ne voulez pas reconnaître le problème de la corruption et des peines laxistes pour les criminels en col blanc, vous préférez augmenter les peines et délits sur les criminels de la rue. Et parce que vous ne voulez pas vous gratter au problème de la misère, du chômage, de la faim et du mal-logement, vous préférez engager plus de casqués brutaux et armés, qui n’hésitent pas à tuer pour casser les manifestations légitimes. Contrairement à monsieur Dekeyser, nous n’allons même pas entretenir votre espoir de faire passer un tel torchon sous notre nez. J’ai hâte d’entendre vos ridicules arguments, afin que nous puissions les démonter devant nos honorables collègues que vous tentez ainsi d’arnaquer. »
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Angestag 18. Kaldezeit 1979.
Premier jour de l’hiver.



La voûte céleste se couvrait d’un épais drap blanc. Partout, tout n’était plus que nuages, et même en observant à l’horizon, loin dans la Manannspoort See qui s’étendait pour se jeter dans la mer des Griffes, on commençait à avoir du mal à distinguer la ligne de l’eau des cieux. La brume était chose habituelle quand on vivait à Marienburg, mais celle-ci semblait plus épaisse, et plus piquante que d’habitude. Déjà, on apercevait dans les rues les gens se couvrir de plus de beaux et de fourrures que d’habitude, et beaucoup de lèvres étaient gercées sur les visages des habitants. Les drogueries et les apothicaires surveillaient leurs stocks de crèmes lubrifiantes et hydratantes — ils risquaient d’être assez rapidement à court, pour satisfaire le confort de centaines de milliers de personnes mordues par le froid. Mais cela n’empêchait pas les enfants de continuer à mettre en colère leurs mères en refusant de mettre leurs écharpes (Ne savaient-ils pas qu’ils allaient attraper froid ?), comme les enfants savaient toujours le faire.


À une fenêtre du collège baron Henryk, il y avait un astronome en train de travailler. On se demandait ce qu’un astronome pouvait bien faire en journée, qui plus est un jour nuageux — comme les truands, leur art ne pouvait s’exercer véritablement qu’à la tombée de la nuit. Mais celui-là était un astronome d’un genre étrange et nouveau : celui-là ne regardait pas tant les étoiles que les fils invisibles qui dansaient et ordonnançaient les astres tout autour. Enfant, il avait été exilé de son petit village Reiklander, et alors qu’il n’avait que quatre ans, nu, craché dessus par son propre père, il devait quitter sa communauté, car on l’accusait de sorcellerie. Il avait eu une vie terrible, qui expliquait pourquoi il lui manquait des orteils et des dents, et aussi la raison pour laquelle il passait ses journées esseulé dans son petit bureau de la Faculté de Météorologie, un des nouveaux départements mineurs mis en place par une université qui cherchait constamment à peindre et cloisonner de nouveaux bureaux avec des noms originaux pour désigner des sciences qu’on inventait constamment — quitte à tomber dans la pseudoscience.
Un sorcier savant… Il n’avait jamais vraiment appris à manipuler son don, et plus que ça d’ailleurs, quelques horreurs dont il avait été témoin l’encourageait justement à ne pas utiliser son don, à ne pas sombrer à l’appel du crépitement dans ses oreilles, et des scintillements au bout de ses ongles, à se garder de donner forme à ce qu’il voulait produire en faisant vrombir ses cordes vocales. Un jour, il avait sérieusement pensé à se faire arracher la langue, pour retrouver un semblant de normalité…
Mais sa clairvoyance spéciale avait un intérêt. Accompagné d’outils et de fiches de calcul, en observant les girouettes matérialisant les vents et les thermomètres lui indiquant précisément les températures — une machine miraculeuse, inventée par un Sigmarite de Kalkaat, qui utilisait une eau-de-vie et du sang-dragon afin d’évaluer la dilatation thermique plutôt que la dilatation de l’air. Une machine faite par un vrai-croyant voulant mieux comprendre le monde, et dont le savoir amplifiait celui d’un magicien.
Pour une raison qui n’appartenait qu’à lui, l’astronome n’avait pas dormi de la nuit. Il y a encore plusieurs heures, il était éveillé, sur le toit de l’université Baron Henryk, couvert du froid grâce à une immense fourrure d’ours, à engueuler ses pauvres assistants-étudiants pour qu’ils déplacent là une lunette, là un quelconque instrument ésotérique de calcul… Quatre fois, il leur avait fait répéter leurs observations, sensiblement identiques à chaque fois. Et à chaque nouvelle fois où il ordonnait à ses étudiants reprendre les mesures, il semblait encore plus énervé qu’avant, jusqu’à quasiment les agresser. Pourtant, ils ne faisaient pas d’erreurs — qu’est-ce qui expliquait une telle colère à se faire dire l’emplacement de telle ou telle planète par rapport à la lune par rapport à la Terre ? Enfin, il avait au final renvoyé tout le monde, attrapé les baromètres, et maintenant, tout seul dans son bureau, il n’arrêtait pas de scruter un héliographe qu’il avait fait commander pour beaucoup trop cher à la faculté l’an dernier…

Six fois, depuis ce matin, il avait refait ses calculs et ses relevés. Six fois, il avait rempli ses tables, refait les mesures, reporté les produits en croix. Les mathématiques sont le langage des Dieux — elles ont une pureté et une puissance supérieure à tout ce qu’on peut trouver dans les ensorcellements des magistères. Mais à chaque fois qu’il terminait ses calculs, l’astronome sombrait un peu plus dans la panique, se mettait à renifler, et à attraper ses cheveux pour tirer dessus.

Et alors, en tournant son regard, il vit quelque chose contre une des fenêtres en verre de son bureau. Il se leva, s’approcha timidement. Il l’ouvrit, et laissa un vent frais venu du dehors envahir la pièce. Il glissa le bout de son doigt sur la cadre de la fenêtre, et découvrit alors ce qu’il ne voulait surtout pas découvrir au mois de Kaldezeit :
Un flocon.

Sur ses papiers, il y avait le résultat de ses calculs —

Température moyenne d’hiver 1978 : 2,4°C.
Température moyenne estimée pour cet hiver : -3,7°C.




Les députés et sénateurs étaient enfermés dans le Staatsraad. Depuis ce matin maintenant, ils accomplissaient les revues de leurs commissions — il y avait très peu d’absents, nul doute qu’un ordre donné par l’Impératrice en personne pour se réunir, après la cannibalisation d’un maire, encourageait à obéir à une semonce d’intérêt national. Dans le ciel, une très fine neige commençait à tomber, pour le plus grand plaisir de quelques gosses du quartier qui commençaient à jouer le long de la Grande Volée, sur les appontements du Rijk. Le froid ne décourageait pas encore les travailleurs, et des dizaines et dizaines de fourmis humaines se pressaient dans tous les sens pour faire tourner les rouages de la ville — des charrettes à bras ou des wagons à mulets transportaient du matériel de construction ou des sacs de grain, quelques ouvriers rénovaient la façade d’un immeuble juchés sur des échafaudages, des éboueurs vidaient les rues en jetant derrière leur attelage des détritus en tous genres. Marienburg vivait.

Mais sur la Mariusplein, il y avait aussi un attroupement. La grand-place du Staatsraad était un endroit parfait pour que les agitateurs politiques puissent disséminer des opinions. Et devant un grand groupe de curieux, au moins quarante personnes, il y avait un homme dressé sur la fontaine représentant l’Empereur Sigismond le Conquérant, l’Altdorfer qui avait soumis de force le pays des Jutones pour intégrer Marienburg à l’Empire — un homme en grosse tenue barbare, grise, avec une tête de loup sur la tête. Un moine d’une religion minoritaire dans le Westerland, mais pas officiellement prohibée — un moine du culte d’Ulric.
Le schisme entre Ulricains et Sigmarites expliquait la grande guerre civile qui déchirait en ce moment-même l’Empire. Il n’était pas très malin pour un Ulricain de s’exprimer en public dans un pays où l’Impératrice est elle-même Sigmarite. Cependant, voilà que depuis de longues minutes maintenant, il s’exprimait à voix haute, pour tenir des propos qui suscitait des émotions contraires dans son assemblée — tous n’étaient pas d’accord, mais le propre d’une opinion polémique est de pouvoir changer le regard de quelqu’un, même s’il n’y croit pas.

« La statue de l’homme qui se présente derrière moi représente tout ce qui devrait susciter la haine et la rancœur de chaque homme Endale ou Jutone de ces contrées — le joug du Dieu-Marteau a trop longtemps écrasé nos sociétés, pour n’amener que la guerre, la féodalité, et l’arriération complète de notre entière société ! Sigmar, saint d’Ulric, a été transformé en statue païenne levée par des pédérastes au crâne rasé, qui voudraient voir vos enfants mourir dans leurs guerres, et vos antiques coutumes remplacées par leurs lois injustes et ignobles décidées par quelques pédophiles en bure. Et voyez donc, à travers l’histoire, et même aujourd’hui, qui ose porter leur projet par la force du sabre et de l’arquebuse !
Il y a un fléau dans ce pays. Un fléau pire que la pestilence et la famine. Ce fléau : C’est une femme, avec une couronne !
Voyez ainsi comment le Westerland est à présent entièrement isolé ! Le Rijk a été enchaîné, les routes vers Middenheim barricadées, et notre cité est maintenant aux abois et en train de lentement s’étrangler, car ni les honnêtes hommes du nord, ni ceux du sud, ne peuvent tolérer de voir une femme sur le trône — et pas n’importe quelle femme ! Une femme élevée chez des hérétiques sadiques et masochistes, qui ont sorti une enfant aimant s’auto-mutiler. Une femme rejetée par son propre père, et j’ose le dire, une traîtresse et une bâtarde ensorcelée.
Si quiconque ici pense que l’Empire des Femmes n’est pas d’une importance telle que leur suppression est le devoir de chaque messager des Dieux, alors celui-ci met en danger sa vie. La femme dans sa plus grande perfection a été créée pour servir l’homme, pas pour le diriger et le commander. Il est répugnant pour notre nation d’être dirigé à la fois par une créature inaccomplie et n’étant que partiellement touchée par la grâce divine, doublée d’une soumise à l’idéologie Sigmarite la plus vile et la plus apostate. »


Au fur et à mesure de son discours, des hommes en armes sortaient du palais. La Garde Parlementaire s’approchait, suivie d’hommes en costumes et en chapeaux, qui commençaient à entourer la fontaine. L’un d’eux griffonnait dans un calepin au fur et à mesure que le moine Ulricain continuait de déblatérer son discours — on devinait qu’il s’agissait là de Marcheurs de Brumes, la police secrète de l’impératrice, en train de noter comment le moine s’auto-incriminait tout seul pour mille méfaits. Mais même en les voyant juste en-dessous de la fontaine, non seulement l’Ulricain ne se sentait pas intimidé, mais en plus, le voilà qui souriait d’une oreille à l’autre — et il désignait ces hommes de loi en costumes civils :

« Voyez, mes chers frères, comment les chiens de notre Impératrice vont s’apprêter à se saisir de ma personne. Dans cet humble Staatsraad, des députés et des sénateurs viennent d’obtenir le droit de s’exprimer comme ils le souhaitaient, sans aucun risque pour leurs corps, leurs biens, ou leurs réputations. Une immunité totale contre toutes poursuites pour des mots prononcés est le plus grand privilège que nos élus puissent obtenir. Et pour ce-même privilège, on s’apprête à me mettre sous les barreaux.
Rapportez ce qui va se produire à vos élus de circonscription ! S’ils ne sont pas hypocrites, il y aura un scandale dans le Staatsraad pour me faire libérer !

– Bon ça suffit, on l’embarque.
Frère Wouther, vous êtes placé en état d’arrestation pour flagrant délit de blasphème et propos tenant à du lèse-majesté. Vous avez le droit de garder le silence, et d’être représenté par un juriste — si vous n’en avez pas les moyens, un commis d’office vous sera donné par l’État. »


Sans violence, les Marcheurs de Brume invitèrent Wouther à descendre. Une fois au sol, il fut menotté. Alors, la foule eut des réactions diverses : certains se mirent à huer les policiers, d’autres de les applaudir et de vociférer des insultes sur l’Ulricain à la langue horrible. Mais voilà qu’on l’embarquait ailleurs, et toujours, toujours ce satané sourire sur ses lèvres…




Dans l’Atrium du Staatsraad, députés et sénateurs étaient bien peu agités. Ce qu’on leur présentait aujourd’hui en lecture n’était pas un sujet polémique où il fallait vite crier, huer, et sauter dans tous les sens. D’ailleurs, le peu de passion pour cette question se voyait dans la galerie au-dessus où attendaient les spectateurs : il n’y avait que quelques journalistes et dessinateurs, et très très peu de curieux. Aujourd’hui était une question sur la politique agricole de Marienburg — on ne pouvait pas dire que c’était un sujet qui agitait les foules.

Devant son pupitre, le Directeur de l’Agriculture et de l’Alimentation déroulait depuis maintenant une demi-heure. L’abbé Paul Jespers était un prêtre d’une religion minoritaire mais pas moins importante dans le Westerland, le culte de Karog et Halétha — deux aspects Jutones de respectivement Taal et Rhya. Autrefois une simple accumulation de mythologies et rites païens, les barons du Westerland avaient organisé la constitution d’abbayes autour de pratiques communes pour contrer l’influence de la religion des Empereurs Ottiliens qui avaient fait du culte de Taal une religion d’État. Karog était un Taal-fluvial, très attaché à la pêche et à la vie amphibienne des marais, tandis que Halétha, tout en étant une déesse de la fertilité et des champs, était également une chasseresse et une femme des bois.
L’abbé Jespers était un homme simple et discret, un indépendant sorti de la campagne, mal habillé et mal rasé, mais qui connaissait beaucoup de chose à la vie rurale. On pouvait croire en son œil d’expert, mais il ne savait pas susciter l’amour d’une foule, et on soupçonnait maintenant quelques députés de somnoler alors qu’il éructait toujours son laïus…

« …Le produit de l’agriculture du Westerland est donc hybride. Elle est majoritairement céréalière et maraîchère, surtout sur la majorité des petites parcelles. Sur les plus grandes parcelles, en revanche, c’est de l’agriculture à haute valeur qui prime — principalement du bétail, ovin et bovin, ainsi que les fleurs, qui ont un rendement monétaire important sur les marchés internationaux mais n’ont pas de retombées économiques autres.
Le Westerland n’ayant plus le servage, le modèle paysan est celui de la propriété, avec des différences très importantes. La taille moyenne d’une exploitation de famille paysanne est autour de huit hectares, mais les fermiers-exploitants peuvent avoir des domaines de près de soixante hectares — l’exploitation la plus importante de tout le Westerland est de mille-deux cents hectares, et appartient à la famille de Roelef.
Il y a une forte concurrence pour exploiter les polders, et même si nous sommes en train de lentement gagner le combat contre la mer, les crues violentes de ces dernières années ont écorné la majeure partie de ces efforts… »


Alors qu’il parlait, un huissier entrait dans l’atrium. D’un pas déterminé, il alla jusqu’à la tribune, où il tendit un papier au chambellan d’État, sire Wolfhert van Arnemuiden. Le vieux chef du Rijkskamer fit les gros yeux, et se tourna vers son collègue, le président du Burgerhof Reynier Fagel. Les deux hommes chuchotaient alors que le directeur de l’Agriculture continuait :

« Il y a des disparités assez importantes entre le pays Endale, à l’ouest, et le pays Jutone, à l’est. C’est stéréotypé et pas tout à fait vrai, mais pour vous donner une image, les exploitations sont plus grandes dans le pays Endale — l’agriculture a un système qui ressemble plutôt à l’agriculture Bretonnienne, à base de grands domaines, du bétail bovin, de l’agriculture céréalière, et même une grande importance de la viticulture. À l’inverse, le pays Jutone a surtout une agriculture basée sur les polders ou les marais salés, de l’élevage ovin, du maraîchage…
Il y a aussi de l’agriculture urbaine à ne pas sous-estimer. Les potagers très nombreux à travers les îles de Marienburg contribuent eux aussi à renforcer l’offre alimentaire, et son développement pourrait être salvateur pour tenter d’endiguer l’inflation qui- »


Van Arnemuiden leva sa main, et parla solennellement de sa petite voix chevrotante :

« Pardonnez-moi sincèrement, honorable directeur… Mais nous venons de… » ; il fut prit une quinte de toux, mais il lutta à travers a gorge sèche pour achever son propos : « Nous venons de recevoir un message du Palais-Neuf. Ils souhaitent profiter de notre réunion pour nous adresser un message. »

L’Atrium se réveilla. Députés et sénateurs se répandirent en paroles et en murmures.

« De l’ordre, je vous prie, dit Fagel d’une voix quelconque.
– Oh… Très bien. Ils viennent après notre ordre du jour ? Demanda le directeur à l’Agriculture.
– Non, ils… Viennent tout de suite. Ce n’est pas très protocolaire, mais c’est dans le droit du Palais-Neuf… »

À nouveau, des murmures. Et les directeurs du gouvernement fronçaient des sourcils et croisaient des bras. Visiblement, même eux n’étaient pas au courant, ce qui était très bizarre et hautement inhabituel. Que les ministres de l’exécutif ne soient même pas informés de la décision du conseil de l’Impératrice… Qu’est-ce qui allait donc se produire aujourd’hui ?

En tout cas, l’abbé-directeur ramassa ses affaires et retourna à sa place, et ce n’était malheureusement pas aujourd’hui qu’on allait trancher les décisions agricoles.




Un quart d’heures plus tard, les portes du Staatsraad furent ouvertes par des huissiers. Alors, des marines de Manann portant l’uniforme de l’ORSF entrèrent en armes. Ils gardèrent l’entrée avec leurs grosses armures de fer, et des laquais en costumes colorés patientèrent. L’un d’eux, un héraut d’armes, cria à voix haute, dans un écho réverbéré le long de la galerie :

« SON ALTESSE — LODEWIJK, DE LA MAISON VAN BUIK, DUC DE HOLLUM ET AUDIENCIER DU CONSEIL PRIVÉ ! »

Les députés et sénateurs se levèrent tous. Et voilà. Il entrait.

Image

Le frère de feu le baron Julian IV était là, en armure, avec un sabre doré au flanc, sa moustache parfaitement peignée et taillée. Un homme grand, et beau, suivi de courtisans et fonctionnaires en aussi belles mises que lui, les laquais suivant derrière.
Si Magritta était l’Impératrice, il ne faisait aucun doute que c’était cet homme le véritable pouvoir du Westerland. Un ancien putschiste, ayant passé douze années en prison sur les ordres de son propre père. Il s’était fait plus discret sous le règne de son grand frère, mais dès la mort de celui-ci, le testament le désignant comme régent, il s’était emparé de tous les pouvoirs avant d’aller récupérer sa nièce pour la mettre sur le Trône. Il avait échoué à faire d’elle l’Impératrice d’un Empire réunifié, mais il demeurait le chef non-officiel de toute une province.

Lodewijk ignora les députés et sénateurs. Il marcha au pas, tout droit, d’une manière cadencée. Il alla non pas au pupitre, mais directement à la tribune des présidents. Il fit un signe de tête à Reynier Fagel, et ordonna simplement :

« Monsieur le président, je me dois d’emprunter votre fauteuil. »

Fagel se leva et s’éloigna avec une révérence. Alors, comme un prince, Lodewijk trôna devant le Staatsraad. C’est uniquement lorsqu’il fut assis qu’on fit signe aux députés et sénateurs de se rasseoir sur leurs bancs.
Wolfhert van Arnemuiden, remis d’une énième quinte de toux, utilisa une petite voix pour un avant-propos :

« Je me dois de rappeler le règlement à nos honorables députés et sénateurs : Les interventions du représentant du Palais-Neuf se font dans le calme et le silence, et ne souffriront d’aucune interruption ni ne donneront lieu à des questions ensuite. »

Il y eut un silence qui régna. Alors, Lodewijk continua d’ignorer les bancs à droite et à gauche. Il préféra regarder droit devant lui. Et, contrairement à sa nièce, il n’avait pas besoin d’un discours préparé porté par quelqu’un — c’est tout naturellement qu’il commença à parler d’un ton calme et majestueux :

« Honorables députés et sénateurs. Vous me serez gréés de me permettre d’interrompre vos débats afin de représenter la prérogative royale de Sa Majesté Impériale, Magritta, celle de m’adresser à vous en son nom.
Nous avons reçu de nouvelles lois qui ont été votées en cette auguste assemblée récemment. Je ne vous cacherai pas que ces lois ont provoqué une certaine délibération au Palais-Neuf, tant elles nous semblaient étranges et malavisées.
En effet. Je tiens à vous rappeler que vous avez été réunis ici, en cette grande chambre, au nom de l’Impératrice, pour laquelle vous avez tous prêté serment. Et pourtant, votre premier acte fut non pas de voter un projet important soumis par le gouvernement, mais de vous auto-attribuer un droit renforçant vos immunités parlementaires respectives, et ce, après que l’un d’entre vous ait décidé de frontalement parler avec irrespect à Sa Majesté.
Nous avons entendu des mots parfaitement regrettables venant de la bouche de certains d’entre vous.
De plus, alors que la situation économique et politique de notre belle province est critique, vous avez décidé de profiter d’une simple loi augmentant les pouvoirs de sécurité, pour utiliser plus que de raison les ressources budgétaires du Trône — en plus de vous approprier les propriétés de chefs d’entreprises d’une façon… Abrupte, et peu étudiée. Je ne parlerai même pas de votre décision de gaspiller du temps et de l’énergie précieuse à chercher de quoi s’attaquer à la Maréchaussée, simplement sous le coup de l’émotion et d’une théâtralité démesurée qui n’a pas été contenue par vos présidents de séance.
Nous trouvons que ces décisions ont été téméraires et imprudentes. Et s’il est de votre droit sacré de corps législatif de voter les lois que vous souhaitez, il est aussi du devoir de l’Impératrice de s’assurer de la pérennité de la province, en ayant recours à tous les instruments institutionnels nécessaires à ce calme constant… »


Il faisait référence au veto. En faire usage serait un défi lancé au Staatsraad. Mais c’était bel et bien un droit légal et absolu de l’Impératrice.

Alors, Lodewijk fit un petit sourire, et regarda enfin les parlementaires, à sa droite, puis à sa gauche.

« Tranquillisez-vous donc.
Nous comprenons l’importance que vous avez pour le Westerland. Nous vous avons réunis car nous pensons que vous représentez le peuple et les corps constitués — nous avons besoin de vos avis et de votre travail.
Nous sommes donc prêts à promulguer les lois que vous avez votés, si vous pensez qu’elles émanent bien de nos sujets et sont nécessaires à un équilibre entre tous les corps de la province.
Mais en échange de ces promulgations et de notre travail joint, je vais avoir besoin de vous pour voter quelque chose aujourd’hui, et votre désaccord serait… Malavisé. »


Le mot était policé. Et pourtant, il sonnait terriblement menaçant. Surtout qu’il marqua une longue pause, pour qu’il puisse bien résonner dans les esprits des parlementaires.

« Depuis cet été, le grand-prince du Reikland, Siegfried von Neurath, a déclaré la guerre au Westerland, estimant que la candidature de Magritta van Buik au marteau de Ghal Maraz était un signe de défi face à sa propre usurpation. Le prince Siegfried n’a pas les moyens militaires d’effectuer la moindre opération sur notre sol — il doit gérer dans sa propre province la sécession du Kemperbad et de la Ligue du Reik, ainsi que les velléités d’indépendance des grands princes du sud de son pays, ce qu’on appelle les Royaumes du Vorbergland, et tout cela, en plus du fait qu’il lève une armée destinée à aller marcher sur Nuln pour se saisir de la capitale de l’Empire.
Mais cet état de guerre, s’il n’a pas encore fait le moindre mort dans les combats, a été terrible sur le point de vue économique de notre belle province. Le Reik, ce fleuve géant, est l’artère qui permet à l’Empire de vivre — et notre Marienburg étant bâti dessus, la libre circulation du le Reik n’est pas qu’un vœu pieu et politique ; c’est une question de survie. Depuis cet été, tous les navires en provenance de Marienburg, quels qu’ils soient, sont reflués, provoquant un terrible blocus qui menace la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en matériaux de notre pays, et nous empêche d’avoir un débouché pour nos marchandises. Nous sommes dans une situation terriblement précaire à cause du Reikland, et c’est une situation qui ne peut pas, et ne doit PAS perdurer.
L’Impératrice a donc décidé de répondre à la déclaration de guerre et aux actes belliqueux du prince du Reikland, de la seule manière avec laquelle on peut répondre à quelqu’un qui nous a agressé le premier.
Députés, sénateurs, nous partons en guerre contre le Reikland ! »


Lodewijk n’avait crié cette dernière phrase ni avec zèle, ni avec enthousiasme, mais juste avec une solennité complète. Aucune euphorie sur les bancs. Mais au contraire des visages graves et commençant à comprendre l’importance de ce qui allait bientôt se produire.

« Depuis ces derniers mois, j’ai pu rencontrer plusieurs colonels de régiments afin d’à nouveau lever des soldats. Nous ponctionnerons une partie de notre effort sur les Troupes d’États : sur les trente-cinq mille hommes enrégimentés, vingt mille seront mobilisés. Pour compléter l’effort, nous prévoyons d’engager des mercenaires, à la fois des volontaires de la province — à la fois des chevaliers et des mercenaires Norses — et des bandes du Vorbergland voisin, des lansquenets venus de Tahme et Bögenhafen. Nous aurons ainsi une armée solide, capable de rivaliser avec celle du prince d’Altdorf.
Nous descendrons sur le Reik. Ville après ville, nous les forcerons à se soumettre à l’Impératrice Magritta, jusqu’à ce que nous chassions le prince du Reikland de chez lui.
Mais pour cet effort militaire très important, je vais avoir besoin d’un effort fiscal de votre part. Nous souhaitons utiliser une part modérée, mais pas moins importante, du budget, afin de financer un tel effort. »

Il marqua un silence. Puis il explicita encore plus violemment sa pensée :

« Comprenez que ce n’est pas une négociation. Vous allez voter cette loi. Vous voterez cette loi car si vous le refusez, j’agirai autrement. Je procéderai aux saisines et aux promulgations par décrets et ordonnances, et chaque loi qui sortira de ce Staatsraad aura immédiatement un veto. Je souhaite travailler avec vous, mais quand il s’agit de la survie du Westerland face à des usurpateurs, il n’y aura pas de négociation.
Mon directeur des armées pourra répondre à vos questionnements sur mon plan de guerre, secret militaire excepté bien évidemment, et si vous avez des nécessités, des choses que vous voulez obtenir en échange, des garanties quelconques… Je fais confiance à l’honorable directoire pour dissiper vos doutes et lisser vos… Requêtes. »


Il avait dit « requête » sur un tel ton de dégoût, qu’on aurait dit qu’il voulait dire « caprice ».

« Et souriez un peu, sénateurs et députés. Une fois Altdorf prise, le Westerland se portera mieux. L’Empire, et même le Vieux Monde tout entier, apprendra à respecter notre province et notre armée.
L’Histoire est écrite par les vainqueurs, alors mettons-nous au travail. »


Lodewijk se releva. Tous les députés et sénateurs en firent de même. Alors, le duc de Hollum regagna l’allée centrale de l’atrium, et, suivi de ses courtisans et des marines, il commença à partir…
…Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’un des parlementaires était resté assis.

Joost Francken, l’anarchiste proche des Bohémiens, affrontait le regard du vrai chef d’État du Westerland. Les deux hommes se regardèrent en chiens de faïence, mais le duc de Hollum fit mine de ne pas être perturbé, et quitta l’Atrium, laissant les parlementaires seuls avec leur révélation…



(Murmures, paroles à voix haute, grognements… Il y a énormément d’hésitation, et de l’agitation autour de la tribune présidentielle. Cela dure de longues minutes.)


Président de l’assemblée REYNIER FAGEL (Président du Burgerhof) : « De l’ordre ! De l’ordre mesdames messieurs ! Nous, heu… Nous allons… » (Il lit les documents qui lui ont été portés par un huissier.) « Nous allons étudier le projet de loi du Palais-Neuf, et discuter rapidement dessus, dans le calme et la sérénité… »

Vice-président de l’assemblée WOLFHERT VAN ARNEMUIDEN (Chambellan d’État) : « S’il vous plaît, honorables collègues… La situation est difficile, mais nous allons avoir besoin de… » (Tousse) « De sang-froid dans le texte que nous nous apprêtons à voter…
Nous ne souhaitons pas de combats d’opinion ici, et nous n’attendons pas vos avis et vos opinions pour l’instant… Plutôt, dirigez vos questions vers le directeur aux armées ainsi que le directeur aux affaires étrangères, qui sont bien informés de la situation actuelle et vont pouvoir vous renseigner… »

Sénateur HELMUT KRUEGER (Sigmarite) : « Non… C’est de la folie… Vous ne vous rendez pas compte ? Ce n’est pas juste une guerre contre un prince — c’est une guerre contre tout un pays ! Contre le cœur de l’Empire ! Vous allez vous attaquer à la ville-sainte du culte Sigmarite ? Pensez au nombre de gens qui vont mourir ! Aux villes brûlées ! »

PRÉSIDENT : « De l’ordre, sénateur Krueger, de l’ordre !
Comme vient de l’indiquer le vice-président, il ne vous est pas permis d’exprimer votre opinion ! Je veux seulement entendre des questions ! »

Député JOOST FRANCKEN (Anarchiste) : « Ils se chient dessus… Qu’est-ce que Lodewijk vous a dit, pour que vous souhaitiez ainsi museler le Staatsraad ? Et vous croyez vraiment qu’on va se laisser faire ? »

PRÉSIDENT : « Une interruption de plus, et je commencerai les expulsions ! »
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Interlude.


Festag 19. Kaldezeit 1979.
Quelques heures après la mort de Helmut Krueger, lecteur du culte de Sigmar du Westerland.



Dans le ciel nocturne, sous un abysse obscur de gros nuages, les flocons tombaient. Par milliers, ils virevoltaient dans le ciel, pour aller sur le sol des îles de Marienburg, jusqu’à commencer à former un matelas de neige. Les lumières des cafés-théâtres, des hôtels, et des lampadaires de la ville les faisaient scintiller, telle que Marienburg brillait de mille feux… Et à eux s’ajoutaient les signes lumineux des gyrophares à huile de police, dressés sur des dizaines de véhicules à cheval qui bloquaient les accès à la grande Juliansplein du Suiddock. Des curieux s’agglutinaient derrière des barrières, et se répandaient en cris et murmures — mais c’étaient là seulement ceux qui étaient grisés par l’alcool ou avaient des raisons de ne pas craindre le froid. Au loin, on entendait éclater des pétards, et vociférer des slogans. Les « Jeunes Jutones », mouvement de jeunesse proche du parti Légionnaire, et les « Marsouins Rouges », union de jeunes du mouvement Manœuvre, offraient un immense charivari terrifiant, pour célébrer le futur départ à la guerre pour sauver Marienburg. La gauche et la droite étaient enfin unis, dans une Fièvre terrifiante…

Une femme d’un certain âge était en train de remonter une rue, grelottant sous un épais imperméable de cuir. Les cheveux grisonnants, le visage buriné au nez cassé, la démarche droite et militaire. Elle jouait des coudes parmi les badauds, remontait par des coups de coudes pas subtils, jusqu’à se retrouver devant la barrière. Elle sortit de la poche intérieure de son manteau une plaque d’identité, avec le symbole d’une lanterne — cette femme était une Coiffe Noire en civil, une policière de Marienburg.

« Inspectrice Corrie Leyster, brigade des homicides. »

Le Coiffe Noire en uniforme derrière écarta la barrière, et la permit de rentrer. Derrière le barrage de police, c’était le chaos : la neige avait recouvert des tas de choses égarées par une foule qui s’était enfuie à toute vitesse. Des fleurs, des banderoles et des pancartes, avec des symboles hurlant à l’aide pour la paix : « Prions Pour Un Monde En Paix » ; « Du Pain, Pas Des Balles ! » ; « La Paix Commence Avec Toi et Moi » ; « Pour l’Internationale Des Travailleurs — Unis Dans la Paix ! » ; « Des Petites Semences Poussent Les Faits Pacifiques »… Des dessins d’enfants, des carnets de journalistes, des souliers arrachés par le choc de corps se bousculant…

Un autre policier en civil attendait. Un gros homme, obèse, un chapeau sur la tête, en train de boire de l’eau-de-vie d’une flasque en métal. En voyant arriver l’inspectrice, il s’approcha d’elle, et sans lui dire ni bonjour ni la moindre politesse, il lança net :

« Le chaos absolu — j’ai des centaines de témoins mais aucun qui puisse me dire quoi que ce soit. Putain, et avec ce froid j’ai l’impression que mes couilles vont tomber…
– Parce que t’arrives encore à les voir avec ta panse ? »

Les deux sont partenaires depuis vingt ans. Ensemble, ils ont vécu les pires affaires, jusqu’à devenir deux ivrognes barbares, hirsutes, et en mauvaise santé, carburant aux cigares pour l’une et aux petits gâteaux boulottés à quatre heures du mat’ pour l’autre. Leurs parcours de vie sont différents, mais ils se sont rapprochés depuis quelques années — les deux ont vécu un divorce violent et hostile, dont ils n’admettront que pour eux-mêmes que c’est de leur propre faute. Les deux ont les mêmes cauchemars la nuit, Mórr les liant dans leur sommeil — ils revoient des cadavres de jeunes femmes sans têtes, le cou sectionné net par une scie. La haine et le vice de Marienburg a fait d’eux de sordides frangins d’infortune.
Le jour où l’un des deux mourra, d’une cirrhose ou d’une tumeur, tout le commissariat central sera là pour mettre le drapeau sur le cercueil. Mais deux ans plus tard, seul le survivant du duo continuera de fleurir la tombe.

Au milieu de la place, il y a une estrade. Dessus, des dizaines de lanternes, et un feu de tonneau entretenu pour faire fondre la neige. Des Coiffes Noires, en uniforme ou en civil, travaillent tous dans leur coin — un dessinateur croque la scène, tandis qu’un autre utilise un étrange appareil à argentique pour immortaliser la zone par des clichés sur papier d’argent. Une jeune femme couchée par terre époussette le sol avec une brosse, pour chercher de la poudre, tandis que d’autres ont prit à part un témoin pour poser des questions tout en griffonnant ses réponses par des notes. Au loin, dans un coin, on aperçoit de grands feux dans des barils pour essayer de maintenir au chaud l’équipe qui se relève.
Cela n’a pas de sens pour grand monde, peu de gens étant habitués aux mesures scientifiques, mais il fait -6°C.
Et sur l’estrade, l’inspectrice Leyster a deux secondes où son sang est glacé. On a dessiné à la craie une croix. Là où Helmut Krueger s’est effondré, avant d’être emporté de toute urgence par ses compagnons jusqu’à l’hôpital. Mais cette frayeur ne dure pas longtemps — elle a déjà vu bien pire que ça. Peut-être juste la réalisation qui est un peu frappante…

L’inspectrice voit que, parmi l’équipe de détectives, il y a un garçon qu’elle n’aime pas. Un jeune homme en costume d’universitaire, au teint pâle et aux cheveux blancs, qui ne semble pas faire grand-chose d’utile — il n’a pas d’outil entre ses mains, mais, agenouillé en squat, il glisse ses doigts sur les planches de l’estrade, comme pour la caresser. Leyster se tourne vers son partenaire :

« C’est quoi ce bordel, Ernie ? Il fout quoi là ce charlatant ?
– Le commissariat central qui l’a envoyé. J’ai pas pu le renvoyer, désolé…
– Un putain de medium… Assure-toi qu’il approche pas sa gueule à moins de deux pas, ça me file des boutons. »

Leyster est une rationaliste. Elle sait que les sorciers existent, mais elle a, dans sa vie au sein de la fange de Marienburg, croisé trois cents fois plus de bonimenteurs, d’inventeurs et raconteurs que de personnes « dotées d’un véritable don ». Devoir travailler avec un imbécile qui se contente de sortir des dingueries de mauvaise oracle ne l’intéresse pas. La voilà qui s’approche de l’empreinte, reste debout devant, et lance un regard si froid au medium que le pauvre garçon s’éloigne en courant.
Alors, Leyster ressort son carnet, tandis que Ernie derrière lui parle :

« Le cureton a pu dire quelque chose avant de canner ?
– Il a perdu connaissance assez vite. Heureusement que tu t’es pas tapée l’interrogatoire de ses sbires à l’hôpital… Ils ont fait que pleurer et hurler en boucle, rien tiré d’utile.
– Erf, pas grand-chose de plus à se mettre sous la dent… Y a juste le p’tit gosse là-bas qui était le plus proche de Krueger quand il s’est fait percer.
Les affaires politiques, quelle horreur… Parce que c’est politique, on est d’accord ?
– On a pas vraiment de piste mais je doute fort que ce soit une histoire de maîtresse jalouse, oui. »

Le petit gosse en question est une Coiffe Noire en uniforme. Un jeune policier avec d’énormes cernes sous les yeux, tremblant de froid, attendant dans son coin. Leyster continue de noter des détails dans son carnet, froidement, rationnellement.
Victime :
Helmut Krueger
Homme, 60 ans, né vers Siert.
Lecteur de Kalkaat et du Westerland, sénateur du Staatsraad.
Séminariste et professeur de l’ordre de Kalkaat.

– Proche du précédent baron Julian IV
– Nombreux ennemis au Parlement
– Pro-paix, anti-guerre
– Pas d’épouse, pas d’enfants connus

Description de ses collègues Sigmarites : Dévot, dévoué, sans intimité, sans secrets.


Elle écrit en regardant autour d’elle. Elle réfléchit. Commença à aligner les théories. Alors, quelque chose attira son attention — le medium, à côté d’elle, était en train de lécher ses doigts, après avoir touché un morceau du sang séché par le froid qui s’était aggloméré à un peu d’écharde de bois.

« Tu fous quoi, toi ? »

Le medium sursauta. Il bégaya, s’excusa, et, finalement, offrit une explication :

« Je… J’essaye de revoir la scène… De ressentir les émotions de… De la victime juste avant la mort.
– Et donc ? »

Demander au medium ce qu’il pense, c’est déjà lui donner du crédit. Mais Leyster le fait surtout pour essayer de le tourner en ridicule. Pourtant, le freluquet ne se laisse pas démolir par le sarcasme, et lance sérieusement :

« De la fierté… Du réconfort… Son cœur est serré, mais il y a tant de gens autour de lui…
De la peur… Des slogans pro-guerre… Des appels à la haine… Des poings levés… Des sons qui résonnent…
Il est triste… Il a envie de pleurer… Mais il est un homme qui ne pleure pas, il ne pleure jamais, jamais…
Il porte son regard au loin dans la foule… Fixe quelqu’un au sixième rang… Ne lui parle qu’à lui, tout en professant son discours…
Au loin des colombes volent… C’est la dernière chose qu’il ait vu, des colombes s’envoler… »

Ernie ricane et caquette, telle une hyène.

« Encore des phrases à la con qui ont un double-sens ? Les colombes, la paix, génial…
– Il risque d’y avoir bientôt de moins en moins de colombes, grogna l’inspectrice.
– Et c’est tant mieux, renchérit Ernie. Il était temps qu’on aille démolir la gueule au Reikland. Si vous voulez mon avis, cette enquête va être impossible, parce que je sais pas qui ne voulait pas buter le père Krueger. N’importe quel illuminé avec un fusil a pu vouloir sa peau.
Le seul truc triste, c’est si on se met à faire de la protection policière à tous les fils de chienne qui ont voté contre les crédits de guerre à cause du fait qu’il ait eu la bonne idée de canner…
– Quiconque fait d’autres rassemblements pour la paix paraîtra bien imbécile », tempéra l’inspectrice.

Corrie Leyster passe encore quelques minutes à réfléchir, avant de signifier qu’elle veut parler au seul témoin qui semble crédible. Elle et Ernie vont voir le policier en train de trembler. Ils lui serrent la main :

« Inspecteurs Leyster et Gaag, bureau des homicides. Bonsoir à vous, gardien Henkes », commença-t-elle en lisant son nom sur la plaque de l’uniforme. « Je sais que vous l’avez répété des dizaines de fois à d’autres détectives, mais je promets devant Véréna qu’on est les derniers — on conclue votre entretien puis vous pouvez rentrer chez vous.
Pouvez-vous nous re-raconter la scène ?
– Bien sûr inspecteurs, fit le jeune policier avec une voix tremblante. Je faisais partie du détail policier autour du père… Du père Krueger. Il y avait beaucoup de monde à surveiller, beaucoup de pression… On a dû barrer les routes parce que des passants tentaient de caillasser l’audience pacifiste.
– Il y a eu des menaces professées contre le père Krueger ? Demanda Leyster.
– Non, pas vraiment… En même temps il avait des costauds Sigmarites et Kaalkatiens autour de lui… Mais par contre, les spectateurs, proches des Colombes ou des Bohémiens, dès qu’ils tentaient d’approcher ils se faisaient jeter des débris de verre ou des pierres. Pas mal de blessés légers, on a dû jouer du sifflet et de la matraque un moment…
J’étais concentré sur la foule, j’ai rien vu venir… Cela criait, ça parlait, le lecteur faisait un grand discours… La foule l’applaudissait, mais ça masquait pas trop les huées qui venaient d’autour de la place… Il y a eut un sifflet, puis le père Krueger a fait un cri, et après il y a eut un bang. Les gens se sont mis à courir partout, à se renverser, surtout quand le lecteur s’est effondré… J’ai essayé de… J’ai essayé de fermer sa plaie avec mes mains, mais… Mais ça n’a pas suffi…
– Vous aviez fait ce que vous pouviez, rassura Ernie Gaag.
– Après qu’il a été emporté à l’hôpital on a tenté de fouiller les étages des bâtiments autour, mais on a rien trouvé… Les renforts sont arrivés petit à petit, et puis… La suite vous connaissez. »

Leyster nota. Elle fronça des sourcils. Elle leva un détail en même temps que son stylo :

« Heu… Attendez — vous voulez dire que vous avez entendu le bang puis Krueger a crié, n’est-ce pas ?
– Qu’est-ce que ça change ? Demanda Ernie.
– Je… Le policier bégaya. Je suis fatigué, non vous avez raison.
– Non, là vous doutez de vous, corrigea Leyster, en baissant son carnet pour se rapprocher du jeune flic. Fermez les yeux, réimaginez-vous la scène… Krueger, il a crié avant ou après la détonation ? Au fond de vous, avec votre certitude ? »

Le policier ferma les yeux, réfléchit intensément… Puis, il déclara :

« D’abord, un sifflement, comme… Une mouche qui vole à toute vitesse. Puis, Krueger crie. Et après la détonation.
– …C’est impossible, grogna Ernie. Comment un homme peut être touché avant que ça tire ?
– Je vous remercie gardien de la paix. Si nous avons d’autres questions, on contactera votre commissariat, pour l’heure, rentrez chez-vous vous mettre au chaud. Je rejoins mon collègue — vous avez fait honneur à votre uniforme.
– J’aurais plus fait honneur à l’uniforme si j’avais sauvé le père Krueger.
– Reste cinq ans dans la police mon garçon, persifla Ernie, tu finiras cynique ou démissionnaire. Pas d’alcool ce soir s’il te plaît, juste un chocolat chaud. »

Le policier s’éloigna. Alors, Gaag et Leyster parlèrent entre eux. Le flic ventripotent restait très dubitatif :

« Comment un homme peut être frappé par une balle avant l’explosion de la poudre ?
– …Tu savais que le son avait une vitesse, Ernie ?
– Je crois avoir lu ça dans un des Sciences Junior de ma fille, oui.
– Il faut imaginer le son comme une onde, comme quand tu jettes un caillou à la surface de l’eau et que tu vois un cercle qui se propage. Une explosion, c’est bruyant… Mais quand on entend l’explosion, elle ne se fait pas en direct, il faut que la vague venant de l’explosion arrive jusqu’à notre oreille.
– Mais c’est puissant une explosion, ça s’entend immédiatement.
– La balle a été plus rapide à atteindre Krueger que le son de l’explosion éjectant de la balle. C’est une balle à une vitesse supérieure à celle du son.
– …Un fusil supersonique. Là on écrit de la science-fiction, Corrie.
– Tu te souviens quand je suis sortie avec un ancien de la Légion Étrangère de Bretonnie ?
– Ouais, le gars avec qui t’as tromp-… Heu, ouais je vois.
– Il me racontait que lors de la campagne d’Arabie, ils affrontaient des tribus du désert qui étaient armés de fusils à longue-portée, les jezaïls. Il me racontait que ces fusils étaient terribles, car les nomades qui les utilisaient étaient foutrement précis avec… Les vétérans les affrontant avaient appris à entendre un sifflement dans l’air avant la détonation, et donc de vite s’écraser au sol avant d’être touchés.
– …S’il a tiré avec un gézaïl, le tireur aurait pu faire feu depuis bien plus loin que les bâtiments autour. Pour cela qu’on a rien trouvé. »

Leyster regarda autour d’elle. Elle observa les grands bâtiments tout autour de la place, et bien plus loin encore. Le toit d’un entrepôt, la terrasse d’un grand hôtel, le sommet d’une usine, les tuiles d’un immeuble d’habitation…
…Et puis, elle s’installa sur la croix à la craie de l’estrade, et, droit devant elle, elle aperçut quelque chose :
Le clocher de l’Église de saint-Olovald — un ancien Dieu des Jutones il y a des millénaires, aujourd’hui honoré uniquement comme un saint homme du culte de Manann. Leyster sourit :

« Ce sont pas des colombes…
– Quoi ?
– Le medium — c’est pas une métaphore. Il a pas vu des colombes. Il a vu des pigeons.
La dernière chose que Krueger ait vu avant de mourir, c’est des pigeons s’envoler de ce clocher ! »

Leyster se retourna, et claqua des doigts au freluquet.

« Toi. Ramène-toi avec nous, on va quelque part. »

Le medium bégaya, mais approuva. Et alors, le trio quitta la scène de crime, alla jusqu’à la voiture de Leyster — les deux partenaires prirent place sur les banquettes de l’hippomobile à un seul cheval, tandis que le pauvre sorcier devait rester à l’extérieur debout derrière, accroché sur une rambarde. Leyster alluma le gyrophare rouge scintillant, et au bout d’une caracole remuante sur des pavés et sous la neige, les voilà qui débarquaient à l’Église de Saint Olovald.

Personne ne s’y trouvait la nuit. Peut-être que, étant donné qu’on était Festag, il y avait eu une cérémonie en journée — mais pas durant le discours de Krueger. Le trio se retrouva devant ce vieux bâtiment antique de pierre, couvert de mousses, et entrèrent dans le bâtiment. Il était gorgé d’humidité, les fresques ancestrales tombant en lambeaux. Par pur réflexe superstitieux, Ernie fit un signe Manannite, une main à sa tempe, pour s’excuser de troubler ainsi un personnage saint — s’il savait, Olovald se vexerait justement qu’on fasse les signes d’un Dieu rival dans son antre. Après beaucoup d’hésitation, les trois se retrouvèrent devant un escalier plein de craquelures et grinçant… Ernie se demanda si avec ses cent-trente kilos, il ne risquait pas de passer à travers les marches, de même que Leyster craignait de s’arracher un poumon vu ce qui les attendait. Seul le sorcier ne se plaignit pas. C’est lui qui arriva le premier au sommet du clocher alors que les deux vieux flics derrière étaient tout rouges et essoufflés.

Enfin, les voilà au clocher. Et ils commencèrent leurs relevés. Ernie et Leyster parlèrent un moment ensemble, en se penchant sur la rambarde.

« Regarde-moi ça, Ernie… Vue parfaite. Tu voudrais tuer Krueger, tu pouvais pas mieux tomber. C’est plongeant, il y a pas de témoins… Facile de s’enfuir et disparaître dans les rues…
– Étrange quand même. Il a choisi son spot, mais Krueger a dit qu’il ferait le discours là genre le jour pour le lendemain… La préparation a été rapide.
– Un meurtre doit-il forcément être prémédité pendant des semaines ? Essayons de voir si on a des indices, au moins, puis on fera venir des hirondelles en uniformes pour chercher des témoins autour. »

Alors qu’ils commencèrent à fouiller le clocher, le medium se posa à la rambarde. Il ferma les yeux. Il tenta d’utiliser son don. De chercher les poussières de vents invisibles aux deux flics. Il trouva des sensations. Il se mit à serrer des dents…
De la haine ? De la colère ? Il s’attendrait à trouver ça ici. Entrer dans les sensations d’un assassin commettant un crime, c’est… Fort.
Mais non, rien de tout ça ici. C’est froid. Calme. Professionnel. Les tueurs tuent sans excitation.
Et là, il lance :

« Ils étaient deux.
Je ne sais pas quoi dire… Hormis qu’ils étaient deux. »

Pour une fois, Leyster croyait le medium. Une petite lampe miniature à la ceinture, elle passa sur le sol, avec une pince à épiler, et attrapa quelque chose par terre — un peu de tabac à bourrer, tombé par là. Le ou les tireurs d’élite avaient dû attendre en faction ici un moment, et chercher à tromper l’ennui.

Et là, Leyster soupira longuement, alors que son architecture intellectuelle de grande criminologue se mettait en branle.

« C’est des militaires qui ont fait le coup…
– Comment tu sais ça ?
– Ils étaient deux. C’est une… Nouveauté, dans les sections de tireurs aux fusils du Hochland que l’armée du Westerland est en train de constituer. On en a quelques-uns dans les Coiffes Noires, à la brigade d’intervention.
Il y a un tireur, et un observateur. Un duo, qui agit de façon organique. Ce n’est pas juste un bon tireur du Festag qui a fait le coup. C’est une équipe d’experts. »

Leyster étira sa longue-vue. Commença à observer la distance.

« On est à quelle distance de l’estrade où est mort le lecteur ?
Mille mètres, mille deux cents ?
Il y a eut un seul tir. Combien d’ex-militaires, vivant à Marienburg ou pile autour, sont capables de faire un tel carton à telle distance ?
– …Je sais pas. Pas beaucoup. J’ai quelques noms qui me viennent en tête… Six, sept personnes ? »

Leyster sourit.

« Alors nous avons nos suspects. »


Le trio redescendit vingt minutes plus tard. Ils se redirigeaient vers le perron du Temple, agaillardis par leur découverte. Ernie commença à poser des questions personnelles au medium, alors que le duo jusqu’ici n’avait pas du tout cherché à faire connaissance avec cet étrange extravagant issu du collège baron-Henryk en sa faculté d’Arts Divinatoires. Mais les trois cessèrent vite de faire leurs têtes heureuses, quand ils virent entrer dans la cour du Temple une dizaine de personnes. Par réflexe, le duo posa ses mains dans son manteau, pour attraper leurs pistolets dans le holster.

Une dizaine de personnes… Quel genre de personnes ? C’était ça le pire, impossible à dire. Il y avait une vieille dame ridée comme tout, un gars jeune et fin comme une aiguille avec que la peau sur les os, un homme qui semblait noble car très bien habillé, moustache impeccable et avec une épée au flanc, un bourgeois grassouillet, une femme en surcharge pondérale habillée comme une marginale… Ils ne ressemblaient à rien, ou plutôt, ils ressemblaient à tout. Des gens au hasard pris dans la rue et rassemblés ensemble.
Leur chef était un gars musclé, rasé de près, habillé comme un docker, avec un béret sur la tête. En voyant les policiers soudain paniquer, il leva ses mains, et ouvrit son manteau :

« Ouhlà, pas de frayeurs inspecteurs ! On est dans le même camp !
Överste Iaker, Bureau de la Sécurité Intérieure et Extérieure. On m’a… Dit que vous étiez ici. Le commissariat central nous a envoyé pour vous aider dans votre investigation ! »

Leyster mit un long moment à lâcher son arme.

C’étaient eux, les Marcheurs de Brumes ?

En imaginant une police secrète, qu’est-ce qu’on se représentait instinctivement ? De gros gorilles terrifiants en costumes noirs et avec des chapeaux épais sur le crâne qui camouflent leurs visages, probablement. Des armoires à glace inspirant la terreur et la crainte. Certainement pas une petite grosse, une vieille dame, un dandy et un anorexique.

Pour la première fois de sa vie, Leyster comprenait mieux la frayeur qu’incarnait le BSIE. Ils pouvaient vraiment être partout. Aucune de ces personnes, croisée dans la rue, ne pouvait donner l’impression de faire partie des services secrets. Aucune.

Un peu décontenancée, l’inspectrice tenta quand même de regagner de la prestance :

« Le BSIE envoie un colonel pour travailler avec moi… Trop d’honneurs.
– Ce ne serait pas trop d’honneur pour l’inspectrice-détective de 3e classe Corrie Leyster, vingt-deux ans de service, médaillée de la Croix de la Police, la femme qui a envoyé derrière les barreaux le Scieur aux Trois Lettres. C’est plutôt moi qui devrais être impressionné par vous, madame ! Hâte de travailler avec vous ! »

Tout dans sa posture alertait l’inspectrice. À commencer par ses présentations qui ressemblaient à la redite de son CV. Elle se contenta de hocher de la tête.

« Alors, dites-moi tout, inspectrice, vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ? », fit le Marcheur de Brumes avec un grand sourire.
« …Apparemment, un bon coin pour faire un tir…
– Un peu éloigné, non ? Les Coiffes Noires n’avaient pas eu l’air d’avoir fait une descente ici après les tirs…
– Hé bien comme ils n’ont rien trouvé, forcément, j’ai élargi le périmètre des recherches…
– Et avez-vous trouvé quelque chose ? »

Il souriait beaucoup trop. Leyster avait à nouveau la chair de poule.

« …Hormis un peu de tabac, rien du tout.
– Oh… Dommage.
Hé bien, la nuit promet d’être longue… Voulez-vous que nous vous raccompagnons au commissariat ?
– Non merci, colonel. Je pense qu’il est plutôt l’heure pour nous de mettre fin à notre service et rentrer chez nous, on y est depuis cette après-midi. »

Le colonel du BSIE approuva. Alors, le trio de Coiffes Noires regagna silencieusement la voiture, et rentra au commissariat, sans dire un mot.
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Backertag 31. Kaldezeit 1979.

Le Staatsraad faisait salle comble.

Lors de la dernière séance, que l’audiencier Lodewijk avait fini par faire prendre en otage par des militaires de l’ORSF, il n’y avait quasiment personne de présent. Mais la nouvelle de tout ce qui s’était produit ce triste jour du 18 Kaldezeit avait tout changé. Les crédits de guerre, votés de nulle part ! L’Union Sacrée entre le Staatsraad et le Palais-Neuf ! Un coup de force militaire, ou une communion entre peuple et Impératrice ? De la haine, des députés expulsés à tour de rôle, de la colère, des cris, et finalement, un assassinat… Tant de passions. Maintenant, des tas de pigistes de journaux et des curieux de tous les bords se pressaient constamment dans l’Atrium afin d’en cirer les fauteuils, et il allait être compliqué d’arrêter le brouhaha.

L’ambiance avait beaucoup changé autour de la Mariusplein, la grand-place du Parlement. C’était devenu glacial. Et pas simplement à cause des températures en train de geler et la neige continuelle qui encombrait la voirie et rendait glissants les trottoirs — la méfiance, la rancœur, la colère habitait des partisans des divers groupes politiques. Signe visible de la situation actuelle : la Garde Parlementaire, les Coiffes Noires qui montaient la garde autour du Staatsraad, étaient en armes. Autrefois, ils se contentaient de faire beau avec leurs magnifiques uniformes pour épater la galerie, mais aujourd’hui, ils étaient casqués et en cuirasses, avec leurs arbalètes et leurs pavois sortis, silencieux et en faction. Reynier Fagel avait profité de la levée de la Milice pour renforcer la Garde Parlementaire, et proposé à plusieurs députés (Surtout ceux qui avaient voté contre les crédits de guerre, en fait…) une protection policière personnelle — le Staatsraad montrait ses armes, et la Garde Parlementaire ne laisserait probablement pas une seconde fois l’ORSF rentrer dans le hall du peuple avec leur équipement militaire…
…Les députés aussi, sortaient bien escortés. Lancelot Winkler, le riche membre des Entrepreneurs, était maintenant entouré de grands costauds en costume, qu’il faisait passer pour des « assistants parlementaires », mais évidemment, avoir quatre assistants parlementaires en gros costumes et faisant 2 mètres de haut remettait un peu en doute leurs compétences dans la prise de rendez-vous. Lukas Horenbout, nouveau chef non-officiel des Manœuvres, était accompagné de solides dockers racés et couverts de cicatrices. Quant à Marc Waer, des Légionnaires, il avait des gosses issus du mouvement des Jeunes Jutones, qui faisaient propre sur eux avec leurs chemises noires qui faisait penser à un uniforme militaire non-officiel…

…Cela faisait peur. Les Milices étaient arrivées.

Dans l’Atrium, les parlementaires prenaient leurs places dans des murmures. Un étrange jeu se jouait.
Pierre Dekeyser, mis en minorité dans son propre camp, était tout blanc. Il se mettait dans un coin, tout au bord du banc Manœuvre, et aucun des députés de son propre parti ne lui adressa la parole. Il semblait être un fantôme.
Julia de Broodt, chez les Bohémiens, n’en menait pas plus large. Elle s’éloigna de ses propres partisans, et se retrouva à louvoyer près des indépendants de la masse centrale.
Quant à Silvio Fattori, Colombe qui a voté pour la guerre, il siégea bien avec les siens… Mais Cantina, Pien, et Bruxau se mettaient devant lui, et celui qui était le second du parti décida de rester silencieux et dans son coin.

Tout le monde se tut quand les Sigmarites entraient. Un homme avait remplacé Krueger — un vieux suppléant sur son ticket de sénateur. Bien qu’il y avait deux cents parlementaires à l’appel, un siège, par respect, demeurait vide… Même les plus anti-Sigmarites de l’assemblée avaient froid dans le dos en voyant l’un des leur ici absent.



Reynier Fagel et Wolfhert van Arnemuiden prirent place à la tribune, accompagnés de Dikkenek. Le président du Rijkskamer, le vieux van Arnemuiden, se leva ; il toussotait encore beaucoup, visiblement, l’infection de ses bronches était chronique. Il demanda simplement :

« Honorables députés et sénateurs.
Avant de commencer cette séance… Nous allons laisser une minute de silence en l’honneur du père Krueger, lecteur de Kalkaat, qui nous a été cruellement arraché. »


Tout le monde se leva et resta silencieux. Même dans l’audience des spectateurs, on faisait des signes de la comète. Quelques dévots pleuraient silencieusement. Un long moment de recueillement…
…Mais déjà, la politique recommençait.

Reynier Fagel prit place. Il toussota, et, avec une voix faible mais sérieuse, il commença :

« Mes chers collègues. Nous allons donc reprendre le court de la vie parlementaire normale du mieux que nous pouvons, même si plus rien ne sera jamais normal. Je vous remercie d’avoir répondu présent à l’appel, d’être toujours là, pour Marienburg, en ces heures douloureuses…
…Aujourd’hui, trois sujets seront présentés à votre intention : Tout d’abord, notre service diplomatique est revenu de la province du Nordland, l’un de nos voisins, avec un traité à ratifier. Ensuite, nous aurons à offrir au Palais-Neuf et au Directoire un avis consultatif, sur un projet de grand chantier pour un investissement économique. Enfin, nous… Voteront une loi pour organiser les funérailles du père Krueger. »


Marc Waer, chef des Légionnaires, fut le premier à se faire remarquer. Il tapa sur sa tablette, et se leva droit comme un piquet :

« Non mais c’est une blague…
Messieurs du gouvernement ! Vous ne lisez pas le journal ?!
La semaine dernière, il y a eu une TUERIE à un mariage ! Des mafieux Tiléens ont attaqué d’autres gangsters en pleine cérémonie publique ! On parle d’une vingtaine de morts ! Des cartels disposent d’arquebuses automatiques — et au lieu de parler de ce sujet, vous voulez qu’on vote sur des dispositions de traités de commerce avec l’étranger ?!

– Votre populisme ne prendra pas, honorable collègue ! Rugis le directeur à l’Intérieur de Heere. Évidemment que nous prenons toute la mesure de la gravité de la situation, comme je l’ai exprimé plusieurs fois en conférences de presse et auprès du procureur de l’Impératrice ! Nous proposerons tout naturellement un projet de loi de répression pour enrayer ce cercle de la violence, nous sommes en ce moment même en train de le préparer !
– De l’ordre ! Ordonna le président. Député Waer, vous êtes membre de la commission à la sécurité intérieure, n’est-ce pas ?! Vous vous défendrez à l’endroit approprié, pas en séance plénière !
Rasseyez-vous.
La parole est à Lucius Kirchner, directeur aux affaires étrangères. »



Lucius Kirchner était l’un des anciens de la politique, et le plus vieux directeur. Un vieil homme, barbu, au regard triste, il était déjà là du temps de Julian III… Il alla à la tribune d’un pas leste, se posa à la tribune, et commença à dérouler en lisant son texte :

« Honorables députés et sénateurs.

Depuis plusieurs mois maintenant, mes services diplomatiques sont en liens avec notre voisin, la grande province du Nordland. L’un des pays constitutifs de l’Empire, c’est un pays moins développé économiquement que nous, mais avec un fort dynamisme, une longue façade maritime, et une grande population d’un peu plus d’un million d’habitants. C’est l’un des rares voisins avec qui nous avons des relations pacifiques, d’autant plus que son chef d’État, le grand-baron Alfrich de la maison Gausser-Ostrein, a voté pour notre Impératrice lors de la précédente élection de Kemperbad…

Je vais me permettre un petit laïus historique pour donner un peu plus de contexte. Comme vous le savez tous, les deux ethnies principales de notre pays sont les Jutones et les Endales. Les Jutones sont arrivés dans le Westerland au tournant du Ier siècle avant Sigmar, et ils venaient d’un grand pays originel qui s’appelait le « Was Jutones », l’Endroit d’où viennent les Jutones — le-dit Was Jutones n’est rien de moins que l’actuel Nordland. En l’an 20 avant Sigmar, notre roi, Marius Fenrir, eut une vision du… Prophète Olovald, qui dit que pour survivre à l’horrible invasion des Teutogens venus du sud, il fallait fuir vers une terre promise — c’est ce qui devint une partie de notre Westerland. Mais certains Jutones refusèrent de le suivre, et continuèrent de survivre dans les forêts et sur les montagnes froides et escarpées du Nordland. La grande cheftaine Adda, une des compagnonnes de Sigmar d’ailleurs, devint la chef de ces Jutones demeurés dans leur patrie d’origine, par opposition au Jutonesryk, le nouveau royaume que Marius fonda dans notre actuelle patrie.
Les Was Jutones parvinrent à survivre. Et même à prospérer — à Salzenmund, ils se mirent à partir de l’An 520 (C’est-à-dire à la même époque où Jutones et Endales étaient vaincus et fédérés par l’Empereur Sigismond qui les intégra à l’Empire et fonda notre Westerland actuel), à couronner ce qu’on appelait des Rois Argentés, car les montagnes de leur capitale avaient découvert un filon de métal précieux. Hélas, cette nouvelle richesse rouvrit l’appétit des Teutogens envahisseurs — le grand-duc du Middenland, Wilhelm « Jambes-de-Taureau », descendant de ce peuple guerrier, attaqua le Was Jutones, fit exécuter le dernier des Rois Argentés, et s’auto-proclama « baron du Nordland », nouvelle province fondée, intégrée à la confédération Impériale, et renommée pour faire oublier l’identité Jutone.
Le Nordland parvint à obtenir son indépendance et un vote électoral au temps des Empereurs Hohenbach, en l’an 1070. Puis, tout comme nous, ils eurent à survivre face à divers envahisseurs venus d’ailleurs au fil des siècles : Des hommes-rats, en 1111, d’étranges Elfes assassins venus d’au-delà de l’Océan, en 1268, et finalement, surtout, des Norses venus de Norsca — mais ces Norses décidèrent de s’installer et de se métisser aux Was Jutones, et ainsi, l’aristocratie du Nordland devint petit-à-petit mélangée aux Norses. Des relations complexes lient la Norsca et le Nordland, séparés par la Mer des Griffes — parfois en guerre, subissant des raids de « vikings » venus du nord, parfois en paix, et alors commerce et mariages mixtes les rapprochent… Saviez-vous que le Nordland n’a donné qu’un seul Empereur à l’Empire dans l’histoire ? Un certain Hjalmar I.

Au commencement de la guerre civile, le Nordland s’est déclaré comme allié à l’Empereur-Loup, celui de Middenheim. Mais la grande-duchesse Eleonore Gausser, à partir de 1681, a brisé cette alliance, et aujourd’hui le Nordland préfère avoir une posture neutre dans les affaires Impériales…

Quel pays étrange, le Nordland. Il est rempli de contrastes — c’est un pays pauvre mais qui est bâti sur des filons de métaux précieux et de ressources rares et convoitées. Sa population est dévote et traditionnelle, mais ses villes, surtout Salzenmund, sont cosmopolites et tournées vers le progrès et l’évolution. Elle est remplie de guerriers fiers de leur race, et en même temps, ils ont aussi des poètes et des écrivains.
Plus que tout, depuis maintenant plus d’un millénaire, le Nordland est allié avec une nation étrange : les Elfes de la forêt magique de Laurelorn, qu’on nomme les « Eonirs ». Si le Nordland a souvent retourné ses alliances, le « Traité de la Feuille » de 738 qui lie les Eonirs et les Nordlander, c’est-à-dire un traité plus vieux encore que la création-même du Nordland, a toujours été respecté. En l’an 1700, quand l’un de nos dirigeants, le baron Trieste V van Buik, a tenté de réunifier les deux peuples Jutones en envahissant le Nordland, ce sont les Elfes de la forêt de la Laurelorn, qui nous sépare, qui ont accouru au secours des Nordlander pour repousser l’invasion…

…Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, je vous propose de renforcer nos liens avec le Nordland, pour le bénéfice mutuel de nos deux nations, liées par l’histoire, et liées par un futur et un destin commun. »


Kirchner était dans son élément, et se détendait même. Visiblement, jouer au professeur lui allait.

« Le traité que nous avons négocié avec sire Alfrich Gausser-Ostrein est le suivant :

Tout d’abord, il y aura un libre-échange absolu entre nous et le Nordland. Plus aucune barrière douanière entre nos deux pays, ni par voie de mer, ni par voie de terre. Ce serait historique — nous créerions ainsi un véritable marché commun, pour un bénéfice mutuel immense ! Le Nordland s’ouvrirait aux capitaux étrangers, et nous, en échange, soulagerions nos manques de matières premières en découvrant une terre riche en bois, en laine, en agriculture de toutes sortes. D’après les calculs du directeur de l’économie, l’amélioration économique serait fortement au bénéfice du Westerland et augmenterait massivement nos mannes financières… Même si nos rapports pointent un risque assez important de concurrence et de pression plus forte pour nos agriculteurs, ainsi que l’afflux d’argent dans notre économie duo-métallique qui repose jusqu’ici surtout sur nos propres imports d’or venu de Lustrie. C’est un arbitrage pas facile, mais que nous sommes prêts à accepter — quitte à plus tard subventionner notre agriculture pour gommer les risques nés du traité.

De plus, pour commémorer cette union, un forum de la langue Jutone sera créé, avec des jumelages de ville et des échanges culturels entre Nordland et Westerland. Loin d’être une simple union économique, ce sera une grande occasion de réunifier deux peuples qui doivent se rapprocher et collaborer plus certainement ensemble !

Nous avons également obtenu une garantie immense du grand-baron Alfrich Gausser-Ostrein : un pacte de défense mutuel en cas d’attaque menée contre l’un d’entre nous. Le grand-baron Alfrich aurait déclaré plusieurs fois à nos diplomates qu’il n’avait pas peur du roi Louis XIV, et nos intérêts stratégiques s’alignent — le Nordland est actuellement en paix avec les royaumes de Norsca, et ne craint pas l’Ostland non plus : une partie de l’Ostland a déjà été reconquise par un Ostland aujourd’hui brisé et dominé par des Ungols venu d’au-delà de la Lynsk, ils ne sont donc pas en mesure de subir un assaut sur leur façade orientale avec cette province devenue État-tampon… Le seul risque que craint le Nordland, c’est l’Empereur-Loup de Middenheim, mais cela tombe bien, puisque nous sommes justement en guerre contre lui. Nous avons donc tout pour être alliés.

En revanche, Alfrich Gausser-Ostrein, en échange de tout ceci, demande des concessions importantes… Et non de notre côté, mais du côté de son allié Elfe.

La grande forêt de Laurelorn, impénétrable, a suscité toutes les ambitions de barons du Westerland précédents. C’est une épaisse forêt qui nous sépare en partie du Nordland, excepté par la côte ou par les voies terrestres plus au sud. Depuis maintenant plusieurs siècles, des bûcherons et des chasseurs venus d’Aarnau s’installent dans la Laurelorn, et commencent des expéditions pour braconner du gibier rare ou couper des bois aux essences très désirables. Ces coupes illégales et non-sanctionnées par le Westerland ont souvent mené à des heurts, et des morts à la fois parmi nos concitoyens Westerlanders et les Eonirs, qui nous détestent et sont prêts à lutter militairement contre nous. Jusqu’ici, la politique a été de tolérer que des bûcherons et braconniers s’aventurent dans la Laurelorn, à condition de s’armer eux-mêmes et de ne pas réclamer d’aide à l’État. La consécration a été la fondation d’un village fortifié juste à l’entrée de la Laurelorn — la ville d’Ursem, qui attire de nombreux investissements de patrons d’entreprise, est défendue par des canons et a un maire auto-proclamé qui a levé une véritable milice de plusieurs centaines d’hommes. Les Eonirs ne cachent pas leur haine de l’existence de ce village, même s’il est apparemment trop bien armé pour qu’ils risquent à s’y attaquer…

Le grand-baron souhaite que l’on ordonne à ce village de se disperser. J’ai conscience que cela sera très impopulaire, à la fois de la part des aventuriers du nord du Westerland, ainsi que des personnes qui ont investi dans ces expéditions… Mais c’est un choix que nous sommes prêts à assumer.

Voilà, le projet, députés et sénateurs… Un projet de développement, de prospérité, et de paix. Un projet dont, je pense, nous avons grandement besoin. »


Président de l’assemblée REYNIER FAGEL (Président du Burgerhof) : « Merci pour cet exposé clair, monsieur le directeur.
La parole est aux principaux chefs de groupes pour leurs premières impressions. »


Député KARL RÖHM (Légionnaires) : « Vous êtes absolument, complètement fêlé, monsieur le Directeur, si vous pensez que nous présenter une telle chose est tolérable…
Aarnau est l’une des plus grandes villes du Westerland. La conquête de la Laurelorn est un rêve pour tout le peuple Jutone du nord — oui, je sais, ils offrent pas beaucoup de députés au Parlement, et ils votent beaucoup Légionnaire ; mais ils votent aussi beaucoup Seigneur ! Vous vous apprêtez à trahir votre électorat ! Je sais qu’ici il n’y en a que pour Marienburg, et qu’on ignore les gens de la campagne, mais là, c’est une humiliation intense que vous allez leur faire subir. Vous allez leur voler leur bois, leur gibier, et surtout, leur rêve de développer leur nation, de sortir de leurs landes froides pour faire de la culture sur brûlis, et enfin amener la prospérité dans une partie oubliée de notre nation…
…Je n’ai pas l’habitude de sortir les arguments intimistes et personnels, mais mon propre père a été tué par un Elfe sorti de la forêt. Ces créatures ne sont pas normales. Ce sont des barbares, païens, terrifiants. Ils ne font pas que se défendre à la loyale — ils nous voient tous comme des animaux, des singes, des « éphémères ». Ils tuent de façon horrible, et terrifiante, pour nous effrayer — et ils ne tuent pas que les gens qui s’infiltrent dans leur forêt, ils font des représailles terribles, attaquent des hameaux paisibles, arrachent des tripes d’enfants, de femmes, de vieillards pour en décorer les branchages des arbres. C’est pour cela que le village de Ursem s’est fortement armé, pour nous défendre.
Je ferai tout ce qui est possible pour que cette loi ne passe pas. Et même si elle passait, elle serait inapplicable ! Les gens du nord du Westerland continueront de s’armer et de braconner, quoi que vous disiez — pour appliquer ce traité, il vous faudra faire intervenir la Maréchaussée. C’est ça que vous voulez ?! On est en guerre contre le Reikland, et vous voulez un conflit civil à l’intérieur même de notre province ? »

Député LUKAS HORENBOUT (Manœuvre) : « Ce traité me semble faire sens. Il est bon d’unifier les deux peuples Jutones, de les rapprocher, et un tel traité sera sain pour l’économie… Mais, j’ai envie de me pincer d’oser dire ça… Les objections du député Röhm ne sont pas totalement infondées non plus. Il faudra y trouver des réponses, dans tous les cas. »

Sénateur WOLFGANG VON PAULUS (Sire-Maréchal d’État) : « Ne serait-il pas possible de négocier pour avoir un petit peu moins, en échange de ne pas s’occuper de la question des Elfes de Laurelorn ? À quel point le baron Alfrich y tient ? »

Directeur des affaires étrangères LUCIUS KIRCHNER : « L’alliance entre la Laurelorn et le Nordland semble essentiel. Il a des Elfes à sa cour, vous savez, aussi étonnant que ça puisse paraître… Si nous ignorons la clause de Laurelorn, il refusera le pacte de défense, et le libre-échange total. On peut garder le forum, et obtenir quelques clauses de baisse de douanes mutuels, par exemple sur nos draps à nous et leur laine à eux, mais les bénéfices tirés d’un tel échange seront considérablement réduits par rapport à notre grand projet initial. » (+0,5 de budget)

Directeur de l’économie GÉRY KOOPSMAN (Entrepreneur) : « Ce traité est sain. Il va redonner un très, très fort dynamisme à Marienburg. Il nous ouvrira un marché immense de plus d’un million de personne, porteur et puissant. Il nous offrira enfin un allié sur une de nos frontières. Est-ce que les gens du nord du Westerland seront vexés ? Peut-être — mais le progrès ne vient pas toujours très gentiment. Avec les bénéfices que nous tirerons de tels échanges, nous pourrons financer des politiques et des projets qui soutiendront le Westerland. Faire croire aux nord-Jutones que la seule solution à leur prospérité, c’est d’envahir le pays des autres, c’est un immense mensonge. »

Sénatrice ISABELLA VAN BUIK (Seigneurs-Loyalistes) : « Vous allez bien vite en besogne, Koopsman ! Oui, c’est vrai, ça sera une bulle d’air pour nos entreprises, ça fera un gros débouché pour nos biens… Mais ce traité, qui sera très positif pour nous au départ, n’est pas sans risque. Notre puissance monétaire repose sur l’or que nous amenons de Lustrie, et vous devriez en savoir quelque chose, monsieur Koopsman, puisque vous en tirez votre richesse ! De même, notre agriculture sera menacée et sous pression. J’ai l’impression que sur le long terme, on risque de scier notre propre branche avec ces mesures de libre-échange…
Et puis, comment avez-vous pu convaincre Lodewijk van Buik d’accepter un tel traité ? Il est duc de Hollum, c’est dans le nord, et il est archi-populaire auprès d’Aarnau, qui est un bastion de Légionnaires et Seigneurs au niveau électoral. Aucune chance pour qu’il accepte ça… »

Directeur-Président JEAN-DAMIEN DE LÉMINE : « Nous ne sommes pas les sycophantes de Lodewijk van Buik. Nous sommes le gouvernement, nous pouvons agir pour la prospérité du Westerland sans être soumis à son intérêt personnel.
Est-ce que nous sommes ravis des concessions à accorder ? Bien sûr que non. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Le baron Alfrich est déjà très généreux avec nous. La puissance de Marienburg sera affirmée et nous gagnerons un loyal allié. Cela vaut bien de ménager la frontière avec Laurelorn, et d’afficher nos intentions pacifistes. »

Députée FIRMINE CELMA (Bohémienne) : « Comme vous le présentez, le projet fait envie… Mais j’ai des réticences.
Actuellement, même si c’est fait de façon sauvage et pas très légale, qu’est-ce que le Westerland tire concrètement de l’exploitation de la Laurelorn ? »

Directeur de l’économie GÉRY KOOPSMAN (Entrepreneur) : « Du bois. Pas en quantité, mais en très grande qualité — il y a des essences parfaites pour faire des coques de bateau très solides, qui semble magiquement résister tant au feu qu’aux projectiles. On y chasse quantité d’animaux, des cerfs magnifiques, des sangliers racés… Et puis, une petite partie de la Laurelorn a été brûlée pour faire de l’agriculture, et alors que le Jutonesryk est un pays assez stérile, on y voit pousser presque de tout. »

Député LANCELOT WINKLER (Entrepreneur) : « L’inflation ne me fait pas peur, pas plus que les pleurs de paysans violents qui croient que leur seul futur c’est d’aller couper des arbres d’autres gens. Le bois, on en trouvera sur le continent noir, on peut en importer, et de très bonnes essences aussi. Dans le futur, on pourrait même se mettre à commercer avec les Elfes, et obtenir par l’échange et le partenariat plutôt que par la violence… »

Députée FIRMINE CELMA (Bohémienne) : « Vous êtes devenu un pacifiste, cher député ? »

Député LANCELOT WINKLER (Entrepreneur) : « J’aime ce qui représente un bon marché. Nos soldats ont de meilleurs territoires à envahir que la Laurelorn. »

Députée FIRMINE CELMA (Bohémienne) : (Avec sarcasme) « Quel exemple d’Humanité de votre part.
Quoi qu’il en soit… Nous pensons que le traité peut être bon, mais nous ne nous réjouissons pas des zones d’ombres. Au moins, j’apprécie le gouvernement d’être honnête avec nous et de nous le présenter directement. Cela change, d’habitude on est obligés de vous questionner un petit peu pour se rendre compte de l’arnaque… »

(Rires dans l’assemblée et l’atrium)

Sénatrice INGRID PIEN (Colombes) : « Ce projet de loi nous ravit. Je n’ai pas d’opposition. De la paix, du rapprochement, et de l’amélioration économique. Nous nous ouvrirons au peuple Elfe, ce qui est un plus.
Je comprendrai les mauvaises réactions de la part de nos concitoyens du Jutonesryk. J’espère que nous pourrons leur faire accepter le traité en leur présentant ceci avec pédagogie et en promettant que les bénéfices tirés du traité seront réinvestis aussi dans leur province… Plutôt que simplement envoyer la Maréchaussée les combattre. »

Député PIERRE DEKEYSER (Manœuvre) : « S’ils sont armés, ça va être compliqué…
…Ce traité me semble être bon pour Marienburg, mais insultant pour nos concitoyens de la campagne… Je ne sais pas si c’est une si bonne idée… »

Sénateur HIERONYMOUS FALBERG (Sigmarite) : « Si nous nous réjouissons d’un rapprochement avec les Jutones, nous refusons d’admettre la souveraineté du peuple barbare à Longues-Oreilles sur le moindre centimètre de terrain du Westerland. On ne va pas faire la guerre à Altdorf au nom de l’union et la sécurité de notre province pour être soumis aux demandes de non-humains terroristes. Nous pourrions accepter un traité moindre avec le baron du Nordland, mais nous refuserons de signer tel torchon. »
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le Staatsraad était en plein chaos, tant au dedans qu’au-dehors. Des Jeunes Jutones, et des gamins des Marsouins Rouges, les mouvements de jeunesse des Légionnaires et des Manœuvres, en étaient venus aux mains — pendant toute l’heure de suspension de séance parlementaire, les coiffes noires de la Garde Parlementaire avaient dû expulser tout ce beau monde et les faire s’éloigner, par des jets de grenades de désencerclement. Le stock de l’année venait d’être épuisé en une journée, au grand dam du Serjent d’Armes Dikkenek, qui allait devoir le reconstituer très rapidement si toutes les prochaines séances devaient se dérouler dans un tel chaos…

…Une simple ratification de traité diplomatique s’était fini en cris, en heurts, en saluts jutones, en insultes, avec le vote (raté) d’une motion de censure et maintenant le colonel de Baen et son staff qui avaient simplement quitté le hall du peuple pour aller… On-ne-sait-où ? De Lémine avait beau lancer des sourires aux journalistes et aller motiver ses troupes en serrant les mains des députés Seigneurs et Entrepreneurs un par un, il n’y avait que lui pour paraître tranquille.

Isabella van Buik, chef du parti loyaliste, était maintenant obligée de jouer à la spin doctor. Un peu à l’écart, sur une terrasse chauffée par du bois sur la jetée du Rijk, elle avait invité des journalistes des divers grands journaux pour offrir une vision des faits rassurante, et unifiée — elle rejeta vite sous le tapis toutes les discussions liées au colonel de Baen, félicita le gouvernement pour son projet équilibré et qui allait raffermir les liens avec le Nordland, remercia tous les députés qui avaient voté contre la motion de censure, et essayait d’ouvrir les bras aux Colombes et Manœuvres pourtant bien indisciplinées…

« Il y a deux semaines, nous appelions à l’Union Sacrée. Marienburg et le Westerland nous regardent ! Je remercie le gouvernement d’avoir reconnu les avancées offertes par l’opposition — l’amendement de monsieur Lukas Horenbout, voté par les députés, a bel et bien été ajouté au texte finalement proposé et enregistré, n’est-ce pas là bien la preuve que nous sommes prêts à avancer ?
– Mais le texte a été rejeté par les députés et sénateurs — n’est-ce pas un déni de démocratie, que de passer en force d’une telle manière ?
– Si c’était un déni de démocratie, pourquoi l’article 49 3 figurait-il dans les actes constitutionnels ? Jean-Damien de Lémine n’a pas saisi le pouvoir, il a juste dit à l’Assemblée : Voilà, maintenant, soit on bosse, soit ça sert à rien que je sois payé pour rester devant vous à rien faire ! On dit beaucoup de choses dans cette assemblée, on crie, il y a des rebondissements, des rancœurs, tout va très vite… Mais si le Burgerhof et le Rijkskamer ont été rassemblés, n’est-ce pas justement pour aller plus vite ? Pour offrir au Westerland l’assise législative et les capacités d’adaptation aux crises qui manquaient à notre Province ?
Les représentants de l’opposition ne doivent pas se sentir humiliés. Aucun parti n’est assez fort pour passer les lois tout seul, je trouve que de Lémine a fait ce qu’il a pu pour obtenir une nécessité importante pour la région du nord-Jutonesryk et en même temps la balance commerciale du pays. Et on ne peut pas nous accuser de bafouer la démocratie quand les Bohémiens votent avec nous et qu’un anarchiste comme Joost Francken — même si je respecte son mandat — refusent de voter la motion de censure ! Je pense plus que, pardonnez-moi le jeu de mot, les Colombes se sentent pousser des ailes parce qu’ils ont vu les sondages… mais enfin, nous avons tous un mandat, nous sommes réunis sous l’égide de l’Impératrice, nous sommes en guerre avec le Reikland, j’aimerais bien qu’on se soucie un peu moins des échéances électorales et un peu plus de ce que veulent les habitants du Westerland.
Encore que je ne puisse pas trop en vouloir à Lukas Horenbout, député sortant, de vouloir penser à sa réélection… Mais enfin, mère Pien, étant sénatrice, ne devrait pas se soucier de telles choses…
Les Colombes et les Manœuvres, en tout cas, suscitent de grands espoirs de la part de leurs électeurs. J’aimerais que les députés et sénateurs comprennent ce qu’ils représentent et qu’ils cherchent à travailler avec nous, au lieu de multiplier les postures d’opposition. En tout cas, s’ils acceptent de tendre la main, nous aussi, nous savons manger notre pain noir. »


Sourire impeccables, petites blagues gentillettes, diplomatie, rappel de l’importance de l’Union Sacrée… Isabella van Buik déployait tout ce qu’elle pouvait. Mais elle savait à quel point c’était vain — les éléments de langage allaient être repris, amplifiés, provoquer colères et blagues vilaines…
…En somme, une autre journée absolument chaotique au Staatsraad.



Une heure plus tard, la sonnerie du Staatsraad retentissait à nouveau. L’Atrium avait été bien vidé — ne restaient que les journalistes et les spectateurs les plus calmes. Les députés et sénateurs grognaient, se regardaient mal… Les Bohémiens, surtout, voyaient les Manœuvres, d’habitude plus sympathiques, se détacher d’eux et laisser des indépendants entre leurs rangs. Lukas Horenbout, en tout cas, faisait de grands sourires goguenards à une Julia de Broodt devenue toute pâle et mutique. En faisant mine de parler à Anna Jakob, il s’exprima si fort que beaucoup trop de mondes pouvaient l’entendre :

« Pauvre madame de Broodt !
Quand Firmine Celma pète, c’est elle qui pue ! »


Plusieurs Manœuvres et Indépendants de gauche s’esclaffèrent de rire.

Les sénateurs et députés reprenaient leurs sièges. 199 d’entre eux siégeaient à leurs places habituelles.

Mais celle du colonel de Baen était maintenant vide. De quoi provoquer des sueurs froides sur les bancs de la coalition gouvernementale… Et des sourires carnassiers sur ceux de gauche.


Reynier Fagel avait retiré sa cravate et avait un aspect plus débraillé. Le président avait les cheveux en pétard et était visiblement fatigué d’avoir trop crié. Il frappa de son petit marteau, et lança, d’une voix qu’il voulait calme :

« De l’ordre je vous prie, de l’ordre de l’ordre…
Nous allons reprendre… Dans la sérénité… Notre ordre du jour…
Le prochain point gouvernemental n’est pas une loi, mais un avis consultatif, sur lequel les députés et sénateurs sont invités à s’exprimer.
La parole est au directeur-président de Lémine. »


Le directeur-président alla à sa tribune. Le camp Seigneur l’applaudit, vite suivi de tout un tas de gens qui avaient voté contre la loi de censure. Les Manœuvres huèrent en retour. Il fallut encore que Fagel crie « De l’ordre ! De l’ooooooooordre ! » plusieurs fois pour que ça se calme, et qu’enfin, Lémine puisse reprendre.

Le directeur-président était tout sourire. Beaucoup trop pour qu’on le prenne juste pour un enfoiré hautain — ça se voyait qu’il essayait de maudire sa propre nervosité derrière une façade amusée. Sa voix était plus hachée et moins maîtrisée que d’habitude… On se demandait comment tout le monde allait finir la journée.

« Honorables députés et sénateurs ;
Je remercie à nouveau les parlementaires ici présents qui m’ont accordé leur confiance et me permettent, à moi et les directeurs, de continuer leur travail au service du Westerland. Et à ceux qui ne l’ont pas accordée, je souhaite les rassurer — je me tiens ici autant au service de l’Impératrice que le vôtre, et j’espère continuer de vous convaincre en utilisant une posture modérée, modératrice, mais également décisive quand elle est nécessaire.
Mon but est de régler les grandes crises qui menacent notre nation à tous. J’essaye de me détacher des lignes des partis, des philosophies des anciens, et même de l’omniprésence de nos héros… Car tout ce que je reconnais, c’est ce que demande le peuple en dehors de cette rotonde.
Il n’y a pour moi ni plus ni gauche, ni droite. Il ne reste plus que ce que nous souhaitons bâtir ensemble.
L’un des immenses défis que nous devons régler est la crise économique. Il faut la regarder en face, en sachant très bien ce que nous avons bien fait, mais aussi ce qui a été mal fait. Et il faut y apporter des solutions décisives…
Il est de l’avis du gouvernement que, un des leviers que nous pouvons utiliser pour régler la crise, c’est l’investissement économique. Nous souhaitons dédier une part du budget de l’État pour financer un grand projet d’infrastructure — tel projet n’aura pas seulement pour but de fournir une ossature utile à la reconstruction économique et à la redynamisation de notre province, mais également à fournir à nos concitoyens un emploi, et à utiliser l’argent pour le faire circuler, et améliorer la disposition de liquidités de l’économie. Une redistribution utile — voilà un programme derrière lequel je sais que vous pouvez me rejoindre !
Nous avons de nombreuses idées, qui nous ont été amenées par des chefs d’entreprise, des théoriciens économiques, des élus locaux et divers spécialistes. Et nous souhaiterions avoir l’avis du Staatsraad, pour savoir dans quelle direction nous devons continuer…
Ainsi, vous voyez, honorables députés et sénateurs, comment votre parole est au centre de notre processus, et nous n’oublions pas l’importance qu’a la représentation nationale.
Je laisse mes collègues directeurs pour présenter les divers travaux que nous envisageons. »


Le directeur de l’économie, Géry Koopsman, arriva avec ses notes. Il avait des papiers de partout, rédigés sur des feuilles blanches ou jaunes, gribouillées et pleines d’encre… Il avait lui-même du mal à se relire, vu comment il mit un moment à remettre ses lunettes sur son nez en murmurant tout seul, l’ambiance si silencieuse qu’on entendait même Wolfhert van Arnemuiden tousser derrière lui ; Lukas Horenbout réfléchit à une plaisanterie à faire à voix haute, mais heureusement, le directeur reprit assez vite, on n’eut donc pas à nouveau à subir le Horenbout Comedy Club.

« Très chers collègues… Mon directoire est parvenu à préparer des autorisations de crédit et une capacité d’engagement future. Mais nous ne pouvons trancher dans quelle direction est-ce que les crédits pourraient être les plus utiles. Nous sommes divisés… Dans un monde idéal, notre plan de relance reposerait sur tous les plans à la fois, mais nous manquons tant de bras que de liquidités…
Trois projets nous semblent pour l’heure convenable, nous aimerions que vous vous exprimiez sur les trois, afin d’en voir avec vous les avantages, les défauts, et au final, celui que nous pourrions retenir. »


Trois directeurs mineurs, qu’on entendait pas beaucoup, s’exprimèrent à la suite.

Le premier fut le directeur chargé du Logement et de l’Urbanisme — un Entrepreneur, député mineur, appelé Theo van Doesburg. Ancien cadre d’entreprise, issu du secteur privé, il avait eu de brillantes études au collège baron Henryk avant de finir journaliste à l’Echo, le grand journal libéral appartenant à Lancelot Winkler. Theo van Doesburg était un élégant monsieur à lunettes, qui parlait avec une petite voix calme et mélodieuse, visiblement habituée à faire des revues mensuelles d’employés :

« Honorables députés.
Le projet que je souhaite que vous souteniez de votre côté, serait la rénovation du Noordhaven. Le quartier du Noordhaven est un des grands quartiers centraux de Marienburg. Le poids des âges se ressent sur ce quartier - les maisons sont de mauvaise qualité, les canaux filtrent mal les déchets, et malgré sa jolie façade fluviale, il n'accueille que des barques de pêches et de petites halles marchandes insalubres, ainsi qu'une population nombreuse et misérable. Le quartier du Suiddock, le poumon battant de Marienburg, se plaint souvent d'être surchargé et congestionné ; Le gouvernement souhaiterait rénover entièrement le quartier, racheter les bâtiments pour démolition, et construire des halles modernes, des entrepôts, et des locaux d'entreprises. Le quartier serait rebaptisé "Guilderveld" en symbole ! Nous montrerions au Vieux-Monde comment Marienburg peut entrer dans le prochain millénaire, de façon plus décisive et puissante, en faisant de notre cité le véritable cœur battant de l’économie mondiale — et ce malgré la concurrence grandissante des grandes autres cités portuaires du continent ! Et nous améliorerons la vie des habitants de ces quartiers par la même occasion ! »

Le second directeur fut celui de l’Agriculture et de l’Alimentation. L’abbé de Karog et Halétha, Paul Jespers, était toujours tout blanc — le fait qu’on ait chargé une hérétique de son culte d’une grande ambassade interne devait l’avoir marqué… Mais il tenta de parler le mieux possible.

« Sénateurs et députés.
L'agriculture du Westerland est sous tension. La crise climatique, le froid, les inondations, les forts vents ruinent souvent la terre, tandis qu'en général, une pression économique extérieure a dévalorisé l'agriculture et fait débuter un exode rural... Un ingénieur Nain aurait trouvé un moyen de reconvertir les moulins à vents qu'on trouve un peu partout dans le paysage du marais Grootscher pour mieux contrôler les flux d'eau et limiter l'impact des catastrophes naturelles. La grande agriculture du Westerland serait alors plus efficace et plus sûre, mais il n'est pas certain qu'on ressente les rendements avant de nombreuses années… Qu’importe — la sécurité alimentaire du Westerland, en plus de l’accès personnel de notre nation à de grandes capacités de production agricole, sans être sous la tension du marché international, vaut pour moi cet investissement. »


Enfin, c’était le directeur chargé de l’Infrastructure et de la Gestion des Eaux, Marius Broederlam, qui prit la parole. Un étrange bonhomme Indépendant, petit, très gras, et mal habillé, c’était un ancien professeur d’université et consultant qui s’était retrouvé à un poste de politicien qui ne lui plaisait pas du tout. Il avait un cheveu sur la langue et ne paraissait pas très charismatique… Mais il avait de bonnes idées malgré tout.

« Mesdames et messieurs les représentants.
Nous avons trop longtemps sous-estimé l’importance des routes terrestres du Westerland. Le grand axe Théronnes-Aarnau, une immense route bâtie du temps de l’Empereur Siegfried le Législateur, est tombé en désuétude, rempli de nids de poules et parcouru par des brigands. Le commerce routier, pour ne pas parler de la malle-poste, en est bien compromis. Nous pourrions rénover ces anciennes routes impériales, et installer des concessions d’auberges-relais, afin que marcher à travers le pays soit plus sûr, et plus efficace.
Ce projet, est, je pense, le plus bénéfique à la majorité de la population, en plus d’avoir des retombées, certes moins importantes que la rénovation de tout un quartier de notre grande ville, au moins, des externalités positives sur la sécurité et l’accès à la propriété d’une part de notre population rurale… »


Président de l’assemblée REYNIER FAGEL (Président du Burgerhof) : « Maintenant que les directeurs ont exposé leurs projets, nous écoutons les chefs de parti. »

Sénatrice ISABELLA VAN BUIK (Seigneurs-Loyalistes) : « Les trois projets économiques sont souhaitables, mais je pense que celui des polders est le plus important. Qu’importe que l’agriculture ne paraisse pas le chantier le plus urgent — la sécurité alimentaire est importante pour assurer la tranquillité d’esprit de nos concitoyens. Il faut toujours investir pour l’avenir, en bon chef de famille. La sûreté alimentaire est également la sûreté du marché. Cela me semble de loin le choix le plus raisonnable. »

Député LANCELOT WINKLER (Entrepreneur) : « La rénovation du Noordhaven est absolument essentiel. Rendez-vous compte qu’avec un projet d’une telle ampleur, nous faisons d’une pierre deux coups ! Non seulement nous décongestionnons le Suiddock, qui en a bien besoin, mais en plus, nous dynamisons un quartier tout entier de Marienburg !
N’oubliez pas que le cœur de notre province, le poumon battant, c’est Marienburg. C’est Marienburg qui ramène l’argent, Marienburg qui nous ouvre l’accès au Grand Océan, Marienburg qui nous permet d’avoir des denrées rares du monde entier et quantité de biens agricoles et économiques, à la fois à importer et à exporter. Dans un combat, il vaut mieux augmenter ses forces que juste corriger ses faiblesses. Le projet du Noordhaven sera celui le plus positif pour l’économie, et nous permettra ensuite de financer les autres par la suite ! »

Députée FIRMINE CELMA (Bohémienne) : « Gentrifier tout un quartier pour remplacer les pauvres par des usines et des entrepôts, un projet très cynique, même si vous faites des efforts de présentation monsieur Winkler…
Nous Bohémiens pensons aussi qu’il est bon de s’ouvrir sur l’extérieur et ce projet du Noordhaven semble assez intéressant, mais je ne sais pas si sa mise en œuvre telle qu’imaginée par l’honorable directeur van Doesburg est forcément la bonne… Nous verrons au fur et à mesure des questions… »

Député MARC WAER (Légionnaire) : « Être dépendant des importations étrangères, c’est accepter de s’avilir. Quand on dépend de l’Autre, on est quelque part soumis à lui. Et le ventre de nos habitants est le premier moyen de faire plier le Westerland. Ne croyez pas qu’il en soit autrement, très honorables collègues — il faut avoir peur des marchés agricoles étrangers, de leurs caprices, et surtout, du moyen de pression que cela offre d’autrui ! Qu’importe que notre importation agricole soit variée et nombreuse ; il faut une bataille du blé, dès maintenant ! Nous devons être indépendants au niveau agricole, avant d’être indépendants du reste — nous sommes une nation assiégée, nous devons avoir les armes pour résister à ce siège !
Nous soutenons le projet de modernisation des polders ! »

Député LUKAS HORENBOUT (Manœuvre) : « Les trois projets ont leurs avantages et leurs inconvénients, je ne suis pas sûr de pouvoir m’exprimer sur un tout de suite… Mais la rénovation des routes internes m’intéresse fortement. Si on veut avoir une base pour développer tout le Westerland, Endalie comme Jutonesryk, marais Grootscher comme Collines Déferlantes, ces routes seront essentielles. Elles servent aux paysans, aux pèlerins, aux marchands, aux postiers. Et maintenant que nous avons un traité avec le Nordland — qui a été bien forcé à nous, soi-dit en passant — ce serait immense d’accélérer le déploiement de nos débouchés vers Salzenmund via la terre ferme en plus de via l’océan.
C’est en tout cas un projet original et qui, pour le coup, m’intéresse fortement. »

Sénatrice INGRID PIEN (Colombes) : « Loin de moi de nier l’intérêt économique de ces projets, leur ambition, et le sérieux du travail qui a été abattu derrière pour nous les proposer…
…Mais le Westerland est rempli de crises, et encore une fois, votre priorité principale, ce sont les sous. Oui, il faut développer l’économie et l’infrastructure. Mais je pense que la priorité immédiate n’est pas là — notre Marienburg est remplie de mal logés, et vous voulez démolir des immeubles d’habitation ! Les gens fuient massivement la campagne, et vous cherchez à augmenter les rendements des grands propriétaires terriens ! Les villages sont abandonnés et laissés à eux-mêmes, mais vous pensez d’abord aux artères qui les lient !
Oui, ces projets économiques sont positifs pour le Westerland. Mais je pense qu’il y a d’autres priorités urgentes qui pourraient venir à nous — la construction d’hôpitaux par exemple, ou d’immeubles d’habitation à loyers modérés, ou la rénovation des cellules de la prison de Rijker qui sont devenues infectes et surpeuplées… Tant d’autres pistes, que simplement celle des chiffres et des courbes sur un tableau. Et sachez, puisqu’il faut vous parler de manière pragmatique, qu’un peuple sain, au chaud, heureux, est également plus productif et moins prompt à la criminalité — un guilder investi dans la pauvreté sera récupéré en double sur l’allégement des finances publics, car nous observons aussi des externalités positives dans l’économie en tuant la misère ! »
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le tumulte des débats continuait d’entraîner rancœurs et colères. Séparés en petits groupes, par partis, les parlementaires lisaient les journaux qui ne cessaient d’arriver au fur et à mesure qu’on apprenait leurs publications. Les nouvelles se croisaient : La mort d’un juge, la victoire au tribunal de Winkler qui dépouillait un peu plus le trésor, l’avancée de Calden et les horreurs des lansquenets Trott… Tout se bousculait, faisant fuser les éléments de langage, les accusations, les tentations de se rapprocher et de se re-séparer. Même au sein des camps, il ne semblait plus y avoir d’union — chez les Seigneurs, les candidats se réclamant du colonel de Baen commençaient à s’éloigner de ceux proches de de Lémine ; chez les Légionnaires, Helena van Volendam et quelques légionnaires « modernes » étaient surpris de voir les ex-militaires et ex-policiers menés par Röhm les dédaigner et aller se regrouper dans leur coin ; chez les Bohémiens, c’était pire que tout, alors que Julia de Broodt, pourtant l’héroïne du mouvement, se retrouvait maintenant esseulée et un peu perdue, figée durant la suspension de séance aux pieds d’une statue représentant la déesse Véréna… On pensait pourtant qu’elle était athée ?
Seules les Colombes paraissaient plus unifiés que jamais. Et c’est parce qu’ils avaient encore échoué à un nouveau vote. Pien, pourtant, gardait toujours son sourire impeccable et rassurait ses camarades — ils étaient toujours en tête des sondages. À la prochaine crise, à la prochaine élection, il allait falloir qu’ils bossent dur pour inverser la vapeur et retourner toutes les motions qui n’arrêtaient pas d’être votées les unes à la suite des autres contre leur sens…


Finalement, le dernier vote de la journée arrivait. Il était temps : dehors, on entendait encore des tirs de pétards à cause des Jeunes Jutones et des Marsouins Rouges qui en étaient apparemment venus aux poings dans une autre rue. Les spectateurs avaient été majoritairement virés par les Coiffes Noires, qui étaient maintenant tous la main à la matraque à surveiller la foule avec des yeux bien alertes. Tout le monde semblait pressé de rentrer chez lui, à la manière du colonel de Baen lui-même…

Wolfhert van Arnemuiden, président du Rijkskamer, battit le rappel. Tout le monde aligné devant lui, il ouvrit l’ultime vote de la journée :

« Très chers collègues… »

Il toussota comme à son habitude.

« Nous nous réunissons aujourd’hui pour un ultime vote — celui d’une ouverture de crédit spéciale au sujet de la… Mort, de notre collègue, l’honorable père Krueger, lecteur du Westerland, prêtre de Kalkaat.
Tué par un assassin à l’identité encore inconnue, le gouvernement souhaiterait que les pleins honneurs lui soient rendus pour sa longue vie au service de notre province, et en dénonciation de la cruauté de l’acte qui nous l’a pris.
Je pense que le vote sera rapide et qu’il n’y aura pas vraiment besoin de débats, cependant… »


Une main se levait. Un député Manœuvre, Adam Ratgeb, visiblement en colère, héla le gouvernement :

« Où en est l’enquête ?! Ça va faire douze jours que Helmut Krueger a été tué !
Avons-nous une piste ?! Avez-vous trouvé les responsables ? On me dit qu’il y a eu des arrestations ! »

Jacques de Heere, directeur de l’Intérieur, se leva de son siège, épousseta son magnifique complet Bretonnien, et répondit :

« Très cher collègue — la brigade des homicides du commissariat central de Marienburg s’est chargé de l’enquête. Ils seront secondés par le Bureau de la Sécurité Intérieure et Extérieure, qui leur accorderont leurs fiches et leurs renseignements. Je vous assure que nos plus fins limiers sont sur cette affaire.
Nous n’avons pas encore écroué qui que ce soit, mais nous avons en effet plusieurs pistes qui sont actuellement exploitées. Une dizaine de personnes ont été amenées devant nos policiers en vue d’interrogatoires…

– Sur quels critères, monsieur le directeur ?!
– Je ne souhaite pas pour l’heure m’avancer et dévoiler des éléments d’une enquête en cours — le procureur de la couronne mènera une conférence de presse dès qu’il aura du nouveau. Nous reviendrons évidemment vers cette auguste assemblée.
Mais nous trouverons les responsables de cet homicide pour les conduire devant la justice, soyez-en assurés.

– Il y a intérêt ! Nous ne tolérerons pas que des assassins politiques restent en liberté bien longtemps ! »

Une autre main se levait. Un député Indépendant posa une question qui semblait sincère :

« Merci de prendre ma question — Helmut Krueger était le chef de tout le culte de Sigmar dans le Westerland. Maintenant qu’il… N’est plus là, qui doit le remplacer ? »

Jean-Damien de Lémine n’était pas seulement chef du directoire — il avait également le portefeuille de directeur des cultes. Il soupira, ayant visiblement une sacrée migraine vu comment il s’écrasait un de ses globes oculaires. Se levant à son tour, il répondit après s’être dégagé la gorge :

« Répondre à cette question n’est pas aisé… Le culte de Sigmar dans le Westerland n’ayant pas signé le Concordat des Cultes, nous n’avons pas d’autorité directe dessus. Techniquement, c’est au Grand Théogoniste de nommer un remplaçant et l’investir…
…Nous sommes actuellement en lien avec Kalkaat, où se réuniront des prêtres de la province pour discuter de cette action. Je les rencontrerai à l’occasion des funérailles du père Krueger, et nous trouverons un… Candidat à proposer à Altdorf.

– Heu… Cela va pas être compliqué de demander au Grand Théogoniste d’investir quelqu’un alors qu’on est en train de faire la guerre en vue de prendre Altdorf ? Et puis, il y a ces histoires horribles avec Galopee von Trott qu’on vient de lire dans le journal, c’est-
– J’entends. Je comprends. J’aimerais pouvoir plus aisément vous répondre.
En attendant qu’un lecteur soit nommé, de toute manière, le chapitre de Kalkaat gérera l’administration habituelle des cultes. »


Wolfhert van Arnemuiden lisait la motion en mimant les mots avec ses lèvres. Puis, il annonça :

« Hieronymous Falberg, vicaire de la basilique de Sigmar de Klessen, souhaitait prononcer quelques mots, afin de communiquer l’opinion du culte Sigmarite… »

Falberg se levait de son banc, et descendait les marches pour rejoindre le pupitre devant le siège des présidents. Il était un homme très différent de Krueger, en apparence — Petit, mais très musclé, il avait une épaisse barbe et une chevelure très longue nouée en jolies nattes peignées, qui le faisait plus passer pour un Ulricain que l’apparence d’habitude rasée et chauve des serviteurs de la Comète. Encore relativement jeune malgré de l’apparence de sel dans sa toison poivre, on disait qu’il était un ancien chevalier du Cœur Ardent, et un missionnaire militaire qui était allé jusqu’en Arabie pour prêcher la bonne parole. Ancien élève de Krueger, il était, comme lui, un séminariste de Kalkaat, un Uniate croyant en l’importance du pouvoir temporel et spirituel du Grand Théogoniste, et la prééminence du culte de Sigmar sur les autres religions. Mais on racontait aussi que Falberg était encore plus puritain et conservateur que Krueger, et qu’il rêvait de faire sauter plusieurs lois et droits acquis sous Julian III. S’il devenait le nouveau chef du culte Sigmarite, cela allait vite ne pas être très drôle…

…En tout cas, Falberg mit devant lui un papier. Et, d’une voix monotone et un peu quelconque, il offrit un discours étrangement très peu passionné :

« Honorables députés et parlementaires.
Je souhaiterais profiter de cette tribune aujourd’hui pour commémorer le souvenir du père Helmut Krueger.
Né en 1919 de simples paysans campagnards dans le pays de Siert, Helmut Krueger s’est engagé non par opportunité, mais bien par entière vocation. Doté par son éducation infantile d’une grande curiosité et d’une force de travail, il s’est naturellement engagé dans l’ordre des Séminaristes de Kalkaat.
Pour rappel historique, le Séminaire de Kalkaat a été fondé en l’An de Sigmar 1884 par des prêtres Sigmarites d’un genre nouveau, souhaitant combattre l’hérésie et l’apostasie avec de nouvelles armes intellectuelles plutôt que simplement un arsenal militant. Apprenant les sciences naturelles et humanistes, les séminaristes de Kalkaat cherchent à ce que le culte de Sigmar se dote d’un personnel clérical éduqué, fait de chercheurs utilisant la science moderne pour prouver la prééminence du culte de Sigmar et la Vérité de notre religion afin de vaincre les Ulricains et les Taalites par la conviction, la preuve rationnelle et la rhétorique plutôt que simplement par la menace. Nous cherchons à avoir de meilleurs prêtres, afin de disposer de fidèles plus amoureux et aux cœurs plus embrasés de foi.
Helmut Krueger est très vite devenu un séminariste de Kalkaat accompli. Il a vécu à travers les plus grandes crises de notre province. Lors du putsch de 1951, on l’a vu prêcher contre l’insurrection, et plus tard, à l’accession au trône du baron Julian IV, il est devenu son confesseur. Helmut Krueger a été formateur pour toute une génération de nouveaux prêtres, et pas seulement du Westerland — ses élèves sont à la curie d’Altdorf, de Nuln, d’Averheim, et prêchent aujourd’hui dans l’Ostland et le Nordland. Toute sa vie, Helmut Krueger a prouvé que le culte de Sigmar et la vérité finiront par vaincre, et qu’il est nécessaire de mener en chacun de nous, tous sujets du Westerland et de l’Empire que nous sommes, un travail de purification de soi-même et de la société, une révolution morale pour mettre fin aux révolutions décadentes qui cherchent à casser l’ordre établi et les commandements divins.
Helmut Krueger avait également une passion pour la botanique et la littérature Naine de l’Âge d’Or.
Avec son décès, nous promettons de continuer son œuvre et de faire en sorte que le culte de Sigmar continue de vaincre, afin d’assurer la paix et l’union de toutes les provinces. »


Il rangea à toute vitesse son papier et s’en alla. Tellement rapidement qu’on ne se rendit pas compte tout de suite qu’il avait fini, et que les applaudissements fusèrent un peu en retard, alors qu’il retournait déjà à son banc.

Reynier Fagel, le président, reprit ses papiers.

« Heu… Je vois que nous avons deux amendements… Des bancs de l’extrême-gauche…
La parole est à madame de Broodt. »


Julia de Broodt s’était retirée dans son coin. Se levant, elle traversa l’allée entre les deux rangées, et fit un discret signe de tête, d’abord envers Ingrid Pien, la chef des Colombes, puis envers… Fanfir Barazul, un étrange député Nain ? Bizarre. La sorcière prit sa place au pupitre, et commença elle aussi un discours :

« Très chers collègues. Je tenterai d’être brève. La journée fut longue pour tout le monde, et je pense que des émotions différentes traversent chacun de nous en ce moment-même…
…Je serai directe. Je n’aimais pas le père Helmut Krueger. Non pas par irrespect envers le culte de Sigmar, qui est une religion essentielle pour tant de nos concitoyens, qui guide leurs esprits et modèle la vision de leur vie… Je n’aimais pas le père Helmut Krueger pour ses opinions et son projet de société, alors qu’il était doté d’un grand pouvoir en tant que confesseur de notre précédent baron. Son conservatisme se muait trop facilement en réaction, ses idées étaient de retourner sur le sens de l’histoire, d’être nostalgique d’un temps que personne n’a connu. Il réécrivait les faits afin de revenir sur des conquêtes de l’être humain qui chaque jour avance dans une direction claire — celle de sa liberté. Krueger souhaitait contrôler les esprits des gens, par la peur de l’Après-Vie, car il ne pensait pas que chacun pouvait se réaliser ici-bas…
…Et pourtant, malgré tout ça, j’admirais cet homme. Pour sa force de caractère. Pour ses opinions tranchées. Il n’avait pas sa langue dans sa poche, notre collègue ! Et c’est probablement pour cela que, parmi toutes les personnes qui se sont accrochées jusqu’au bout à la lutte contre l’opération militaire du Reikland, c’est lui, et pas un autre, qui a été tué. »


Le discours de de Broodt dérangeait beaucoup de monde. Karl Röhm, pieux Sigmarite, semblait grogner et serrer des poings. Tous ceux qui avaient voté les crédits de guerre, et ils étaient très majoritaires, comprenaient où elle voulait en venir…

« Quand la fièvre a contaminé la ville entière, et la contamine encore, Krueger n’a pas eu peur pour son statut ou sa position. Krueger a réuni les forces vives et contraires de ce pays. Il a tenté d’appeler à la paix et l’arrêt des forces armées. Sa mort ne devrait pas servir de prétexte aujourd’hui à nous réunir — elle devrait être un prétexte à se révolter ! Sa mort ne doit pas appartenir seulement à ses anciens honorables collègues Sigmarites, et son cadavre ne doit pas être emparé par une Nation qui l’utiliserait pour souder une assemblée qui, visiblement, ne souhaite pas être soudée. Sa mort a fait de lui un martyr, un martyr de la liberté, et c’est pour ça que je vous propose mon amendement — celle de commémorer à jamais la mort de monsieur Krueger comme un innocent qui a été honteusement et injustement arraché à nous, afin de contraindre tous ceux qui voudraient se ranger à son opinion à la frayeur ! Or, je refuse d’avoir peur, et je pense que, tous ceux qui sont d’accord avec la paix, ne devraient pas être ceux qui sont terrifiés aujourd’hui ! »

Pierre Dekeyser, chef du mouvement Manœuvre, semblait ému aux larmes. Il tapa sur sa tablette en approbation.

Il y eut des applaudissements.

Mais finalement assez peu. Les trois quarts de l’assemblée restaient silencieux. Et dans les spectateurs, on se mettait à huer de Broodt, avec des cris qui fusaient :

« Défaitiste ! » « Traîtresse ! » « Grosse pute, va, grosse pute ! » « Lâches ! » « On vous voit, les couards ! » « Ôte Krueger de ta bouche, sale sorcière, ou on te fera bouffer ta langue ! »

Fagel frappa de son marteau très fort à la dernière menace. Il désigna les spectateurs, et cria à Dikkenek :

« Trouvez-moi qui a dit ça et virez-le-moi, serjent !
Je vois que nous avons aussi un amendement de… Grrr… Joost Francken… »


Le candidat anarchiste se leva tout droit, et porta ses mains à son costume. Avec un sourire ravageur, il lança d’une voix de tribun :

« Je ne prends pas le pupitre, je serai brève et sans emphase, mais pour de vrai dans mon cas !
Haaaa, le père Krueger, pauvre homme — le voilà retourné au néant ! En même temps, il devrait se sentir chez lui ! »


Il y eut des ricanements à l’extrême gauche. Et d’immenses huées et protestations de toute la droite. Mais Francken ouvrit grand les bras et parla plus fort :

« Je suis d’accord avec madame de Broodt, je ne serai pas hypocrite. Je conspuais Krueger, et comme la majorité d’entre vous ici, je suis sûr ! Le culte de Sigmar est-il encore important pour les esprits d’une grande partie de nos concitoyens ? Je n’en ai aucun doute, et c’est bien le problème — Voilà une religion bien terrible et oppressante, dont Krueger représentait la part la plus honteuse et la plus arriérée ! Un homme bizarre, qui se souciait de ce que les femmes faisaient avec leur propre ventre, de ce que deux hommes consentants faisaient avec leurs propres fondements — et qui avait un tel pouvoir d’influence sur le baron Julian IV qu’il pouvait décider de ce qu’il voulait. Peut-être même est-il responsable de l’envoi d’une pauvre gamine innocente dans un monastère de lesbiennes flagellantes ! »

Les protestations fusèrent encore plus. Fagel tapa sur son marteau à toute vitesse :

« Le député rétractera ses propos !
– Nous ne sommes plus victimes de poursuite pour blasphème ou lèse-majesté, j’ose donc être dans mon droit ! Mais qu’importe monsieur le président, vous pouvez m’expulser si vous voulez, je veux juste terminer mon propos :
Le culte de Sigmar n’est pas concordataire, nous n’avons donc pas à payer pour eux ! S’ils veulent leur petite cérémonie personnelle pour leur manitou macchabée, grand bien leur fasse — et si de Lémine veut aller à leur petite sauterie pour visiter Kalkaat, allons-y ! Mais je ne vois pas pourquoi le budget de l’État devrait être grévé par leur faute !
Il est temps qu’on arrête de concilier des Sigmarites qui visiblement ne veulent pas être liés au pouvoir de la loi ! Pas un sou pour eux tant qu’ils ne se soumettent pas ! »


L’extrême gauche applaudissait de plus belle. Le reste de l’Assemblée était partagée entre la colère ou la gêne. Même Horenbout, pourtant un vrai laïcard « croqueurs de prêtres », tordait ses lèvres et semblait un peu mal à l’aise des propos tenus par l’anarchiste.
Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 940
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Mini-jeu] [Situation & RP] Rampdecennium : Marienburg doit survivre.

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Six étranges silhouettes vêtues de capes noires entouraient une table. Un baril solidement fermé et estampillé d’une dizaine de sceaux de cire rouge était roulé par des hommes au crâne rasé jusqu’au milieu d’une grande salle sombre couverte de dalles de mosaïques couleur ébène. Avec un maillet, l’un des encapuchonnés fit sauter les clous du couvercle. À l’intérieur, un liquide d’ethanol. Les encapuchonnés recouvrirent leurs bras tout entiers de gros gants de laine, et pas moins de quatre d’entre eux plongèrent à l’intérieur du liquide.

Ils en tirèrent un cadavre.

Le corps d’un homme gris, aux joues creuses, aux yeux vides, était allongé sur une table. Alors, sans un mot, tous connaissant parfaitement sa profession, les encapuchonnés se mirent au travail. Certains séchèrent le corps avec des linges. D’autres amenèrent des pinces et des scalpels. On commença, soigneusement, et en murmurant des prières en classique, à lui ouvrir la panse et le thorax. On lui retirait les viscères. On lui arrachait le cœur, qui était soigneusement posé sur un coin de table pour sécher. Une odeur ignoble de puanteur envahit la pièce, et des écoulements maculaient la mosaïque au sol — alors, de jeunes enfants en petites tenues à capuches, commencèrent à allumer des bougies parfumées et à remplir un encensoir, qu’une femme vieillarde et boitant répandit à travers la pièce dans un voile de fumée — une odeur âcre et désagréable, mais qui ne donnait pas envie de vomir comme celle de la merde fermentée qui coulait du cadavre.

Les encapuchonnés suturèrent la bouche et les narines du visage sévère et gris. Ils soulevèrent ses jambes pour lui suturer l’anus à l’aide d’étoupe. Comme s’il était un rôti, ils lui ouvrirent les bras et les jambes afin de glisser des baumes et des aromates dans les muscles, avant de la refermer.

Après plusieurs heures, les frères et sœurs Morriens de la Guilde des Pleureurs avaient fini le gros œuvre de l’embaumement. Ils commencèrent à laver le sol au savon et à l’alcool désinfectant. Puis, ils se réunirent les poings croisés, laissèrent la dame la plus âgée faire une prière au défunt. La suite pouvait être faite seulement par deux personnes.

Une jeune sœur et un jeune frère du culte Morrien approchèrent du corps séché et embaumé de Helmut Krueger. Ils observèrent avec assez d’intérêt ce corps transformé en momie — on aurait bien dit qu’il était vivant. Ensemble, le couple commença la toilette du cadavre : alors que l’homme portait, la femme utilisait un gant pour lui laver les plis et les parties les plus sales avec de l’eau chaude savonnée et cendreuse. Puis, on lui retira ses pansements et ses traces de plaies. On lui passa le linge sur la raie de ses fesses couvertes de merde, et sur son visage maculé de mucus. Soigneusement, les deux jeunes Morriens commencèrent à le tourner à gauche, afin de pouvoir l’habiller : un chevalier de l’Ordre du Cœur Ardent amena une grosse malle où se trouvaient de magnifiques vêtements de soie et de velours, à but liturgique. On habillait Helmut Krueger dans ses beaux vêtements de lecteur du Westerland. On mettait à ses pieds des souliers vernis, qu’on lui laçait, et on plaçait soigneusement autour de son cou les colliers représentant son office, et à ses doigts quelques bagues et chevalières dénotant son rang. Après quoi, la jeune femme alla chercher une trousse contenant du maquillage. Et elle commença à pouponner Krueger. À lui mettre du fard, des baumes, de la poudre. Le jeune homme, lui, ouvrit grand les yeux de Krueger afin de poser des lentilles de contact sur ses prunelles — ainsi, quand on lui fermait ses paupières, les globes eurent sous la peau l’effet de vrais yeux, comme s’il dormait paisiblement…

Tout le long, la jeune femme chantonnait. Le jeune homme n’était pas étonné au départ — jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’elle n’était pas en train de réciter une chorale en langue classique, ce n’était pas un chant religieux. Il réfléchit. Fronça des sourcils. Puis, il se rendit compte :

« Je rêve, ou tu chantes La groupie du claveciniste ?

– Comment tu as reconnu ? Tu connais de la pop, toi ?
– C’est pas parce que je suis Morrien que je ne sors pas après la messe… Mais un peu de respect pour lui. Tu ne savais pas que Helmut Krueger voulait faire interdire les bars dansants ?
– Il était un homme tout vilain. Mais regarde comme je suis douée — tu trouves pas que j’arrive à le rendre plus souriant ? »

Elle était très douée, en effet. Le Morrien n’aimait pas le dire à voix haute, de peur que sa collègue se mette à crâner — mais en quelques coups de pinceau, elle parvenait à illuminer le visage de Krueger. Faire le maquillage d’un cadavre était tout un art ; le but était de rendre le cadavre « vivant », lui donner la sensation de vie… Mais il ne fallait surtout pas en faire trop, autrement le défunt ressemblait juste à une grosse poupée, et alors la famille qui voyait le corps était sidérée, si ce n’est en colère.
Krueger parut bien blanc, et avec des joues un peu rouges, comme un homme qui sortait d’un froid intense et venait de rentrer dans un bâtiment. Il avait l’air apaisé, et calme. Un vieux monsieur aimable, on avait presque envie de l’inviter à entrer et s’asseoir…
Était-ce vraiment le genre d’homme qu’il était ?

« Et voilàààà.
Tu vas me chercher le linceul ? J’ai besoin de tes gros biscotos. »


Le Morrien alla farfouiller dans un des coffres. Il en retira un grand drap blanc, dans lequel, à deux, ils commencèrent à soigneusement enfermer le corps. Puis, à deux, ils tirèrent sur la civière en dessous, afin de le mettre en bière.
Krueger était soigneusement placé au fond de son cercueil fourré de blanc. Les deux allèrent chercher la mère-supérieure, et alors, ils purent faire rouler le cercueil sur son tréteau mobile jusqu’à l’endroit attendu…




La cathédrale de Sigmar de Kalkaat était un magnifique bâtiment — le plus grand édifice religieuse Sigmarite du Westerland, plus grand encore que la basilique de Marienburg, la preuve que le culte de la Comète perçait surtout dans la province… Les portes avaient été grandes ouvertes, et, dans la cour devant la porte, la neige tombait en quantité. Des Sigmarites de toute la province s’étaient réunis ici — des militaires de l’Ordre du Cœur Ardent, l’ordre de chevalerie de la religion Sigmarite, attendaient au garde-à-vous avec de magnifiques oriflammes représentant des comètes enflammées et des marteaux, tremblants de froid dans leur uniforme : on avait allumé quelques feux de bois derrière eux pour qu’ils ne gèlent pas sur place, mais ça restait une épreuve éprouvante.

À l’intérieur de la nef, des centaines de gens suivaient dans une lente procession. Ils passèrent, un à un, devant le corps, pour poser des fleurs ou des statues, et se recueillir quelques instants. Dans sa vie humaine, Krueger avait illuminé les cœurs et la foi de tant de gens…
…Les directeurs aussi étaient là. De Lémine était assis dans les premiers rangs, à côté de Jacques de Heere — les deux tremblotaient de froid, car il ne faisait pas chaud dans cette grande cathédrale victime des vents froids venus des portes grandes ouvertes. Mais ils devaient tous faire semblant d’être éveillés et de se recueillir : ce n’était vraiment pas le moment de s’absenter ou de ronfler. Géry Koopsman n’arrêtait pas de se frotter les mains, tout en discutant à voix basse avec Theo van Doesburg, une étoile montante du parti Entrepreneur — c’est Lucius Kirchner, le vieux directeur aux affaires étrangères, qui semblait le plus en peine. Des assistants l’avaient recouvert de peaux d’ours, mais il continuait de silencieusement trembler de froid dans un coin.

Il y eut une messe Sigmarite, et tout le monde fut invité à se mettre debout — parce qu’on honore Sigmar sur ses deux jambes, sauf pour les enfants, les invalides et les vieillards… Arnolf Guderian, archidiacre de Kalkaat et ancien secrétaire de Krueger, dirigea la messe. Tout cela fut très long — de nombreux intervenants, du culte et du gouvernement, se succédèrent les uns après les autres pour prendre la parole et pleurer le lecteur. C’est bien après deux heures de cérémonie qu’on put enfin faire sonner les cloches, et inviter les gens à partir.

Mais c’est au moment où les fidèles vidèrent la cathédrale, qu’ils se rendirent enfin compte d’une grande absente :
L’Impératrice n’était pas là.

Cela suscita des questions. Des rumeurs. Du tumulte. Où était Magritta ? N’avait-elle pas fait le voyage ? Quelle était l’explication ? Les gens pensaient qu’elle était en retard, ou qu’elle arriverait à un autre moment. Que nenni. Les directeurs étaient tous partis que Sa Majesté n’avait pas mis les pieds ici.

C’est bien après la cérémonie, alors que les frères du culte Sigmarite nettoyaient et débarrassaient l’endroit, que les Morriens fermèrent le cercueil. Les porteurs étaient déjà là pour apporter le corps jusqu’à son lieu de repos, quand, enfin, on entendit des pièces d’armure rutiler, et, devant les portes, des militaires de l’ORSF entraient…

Magritta van Buik était là, avec son oncle, et une étrange femme noire en robe rouge — se devait être sœur Julie Fierté, la prêtresse Shalléenne qui fréquentait le duc de Hollum. Les trois s’étaient habillés de manière royale et honorable, avec leurs beaux habits de cour pour les célébrations officielles — et pourtant, ils l’avaient manquée la célébration, à se demander pour qui ils s’étaient faits beau… Ils marchaient tous trois dans la nef, Magritta devant eux, et tout le monde sur leur passage s’écarta et courba bien fort l’échine, presque à 90°. Ils s’arrêtèrent devant le cercueil maintenant fermé.
Et là, étrangement, Magritta s’arrêta, et sembla paniquer. Elle se tourna, et demanda à son oncle :

« C’est déjà fermé ? Vous m’aviez dit qu’il serait encore ouvert ?
– Je suppose que c’est à cause de la tempête de neige, ils sont pressés de le remettre à Mórr… »

Lodewijk lâcha le bras de sa compagne, et s’avança devant deux jeunes Morriens silencieusement sur le côté. Il les salua et demanda :

« Mon frère, ma sœur ; vous avez déjà fermé le cercueil ?
– Heu… Oui votre altesse. ‘fin… Plus personne ne va vraiment venir par ce temps, et on comptait l’enterrer bientôt… »

Lodewijk sourit, et hocha de la tête. Il se rapprocha de l’Impératrice, qui, par un tic bizarre, se mettait à placer son pouce entre ses dents pour le mordre.

« On va rester pour la mise sous terre et on rentrera ensuite, cela te va ?
– Je… Est-ce que…
Est-ce qu’il ne serait pas possible de rouvrir le cercueil ? Juste une minute ?

– Le cercueil est fermé et verrouillé, fit la prêtresse Shalléenne avec un sourire chaleureux. Il ne serait pas très respectueux de le rouvrir, tu comprends ?
– Je sais, je… Je sais.
Mais… J’ai vraiment, vraimentbesoin de le voir. S’il vous plaît. J’en dormirai pas de la nuit autrement. Juste un instant, s’il vous plaît. »


Lodewijk grimaça. Il sembla soupirer d’agacement. Il se rapprocha des Morriens, et claqua des doigts bien vulgairement.

« Rouvrez le cercueil, voulez-vous bien ?
– …Votre altesse, le cercueil est bien fermé, vous comprenez ?
– Vous vous adressez à un prince du pays, jeune fille. Rouvrez-moi ce cercueil, tout de suite. »

Les deux Morriens s’exécutèrent. Ils allèrent chercher un gros pied de biche, soulevèrent la planche principale du cercueil, l’écartèrent, puis reculèrent.

Magritta van Buik, les larmes aux yeux, s’avança. Elle observa le corps, les yeux bien écarquillés. Elle ne semblait plus respirer, car on ne voyait plus de buée se former devant ses lèvres.
Après trente secondes, Lodewijk s’approcha d’elle et lui demanda sèchement :

« Satisfaite ? »


Elle hocha positivement de la tête.
Lodewijk claqua à nouveau des doigts et pointa du doigt les Morriens :

« Vous pouvez l’emporter rejoindre le Faucheur, ma sœur. »

Lodewijk, Magritta et Julie firent le signe Morrien du suaire, par respect pour le défunt. La prêtresse attrapa ensuite la main de l’Impératrice pour la serrer tendrement. On ferma le cercueil. De solides chevaliers, servant de porteurs, se saisirent du corps et le retirèrent du tréteau. On l’emportait jusqu’à plus loin dans la cathédrale. Et à l’aide de cordages, on le plaçait sous une dalle au milieu de la cathédrale.

Et à présent, Helmut Krueger pouvait se reposer. À jamais.

Image

Aubentag 12. Ulriczeit 1979.

-12°C.

Le froid devenait mordant, et terrible. Le Reik venait de geler. Le fleuve était maintenant impraticable pour les vaisseaux et les chaloupes. On pouvait passer, en luge, d’une île à une autre, et encore, constamment, les flocons ne cessaient de tomber, encombrant les rues d’une neige qui risquait de se transformer bien vite en épaisse gadoue…

…Certains bourgeois bien-nés pouvaient se réjouir. On avait sortit des patins à glaces, et certains petits menuisiers s’étaient mis à en fabriquer à la chaîne. Devant le Staadsraad, on pouvait voir de jeunes gens courir sur la neige à toute vitesse, et se mettre à danser et virevolter dans des cabrioles artistiques. Des amants s’embrassaient tout en tournoyant sur eux-mêmes, mais il y avait aussi beaucoup de néophytes qui ne cessaient de glisser et tomber par terre, provocant quolibets et moqueries…

Mais c’était encore le bon côté de l’hiver. Parce que Marienburg avait encore quantité de bois de chauffe et de nourriture de réserve. Est-ce que tout cela allait encore continuer longtemps ?



Dans l’Atrium du Staatsraad, des huissiers se relayaient pour nourrir les cheminées. Malgré cette vaine tentative de ramener un peu de chaleur, tous les députés et sénateurs s’étaient recouverts de peaux de bêtes pour se tenir chaud, et à force de rester assis, beaucoup grelottaient de froid. La fin de la session parlementaire pour les vacances du Mondstille approchait, et cela allait sans doute faire du bien de ne pas rester dans ce grand bâtiment de pierre plein d’ouvertures qui laissait passer le vent glacial. Au moins, ce froid avait l’avantage de rendre les spectateurs moins énervés que d’habitude : dans les gradins, ça s’agitait sous la garde de Coiffes Noires qui n’avaient pas l’intention de laisser des gens foutre le bordel une nouvelle fois…

Le Président Reynier Fagel frappa de son maillet :

« De l’ordre !
Nous ouvrons cette séance qui permettra aux partis de s’exprimer et de faire des propositions.
La parole est au parti Seigneur ! »


Le colonel de Baen était revenu. Silencieux et dans son coin, celui qui avait voté pour la censure du gouvernement dont était issu son propre parti regardait avec un œil vif les parlementaires agités et énervés pour de bien diverses raisons. Fagel lit rapidement un texte, puis indiqua…
Image

Répondre

Retourner vers « Écrits Libres »